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Trotskistes 2.0

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Didier Lallement. Un homme, une casquette de préfet de police de Paris immédiatement reconnaissable. D’une apparence froide et rigide, ce haut-fonctionnaire au physique leptomorphique a souvent été moqué pour ses déclarations dures, intempestives, ou encore ses références appuyées à la répression des Communards. Voilà qu’il souhaite désormais ses vœux en citant… Léon Trotski.


Et pas n’importe lequel Trostki : celui des trains de la mort et des décimations, celui de 1918 qui faisait passer Joseph Staline pour un modéré. Quelle mouche pique donc nos élites ?

Sommée de répondre en sa qualité de ministre déléguée chargée de la Citoyenneté, Marlène Schiappa a défendu Lallement. « Trotski a écrit beaucoup de choses qui sont très inspirantes », dit-elle face aux caméras de BFM TV. Oui, Trostki comme Lénine ont écrit des « choses très inspirantes ». Marlène Schiappa aussi d’ailleurs, ses romans d’amour érotiques étant du plus haut comique. Vive la France, dirait Amaury en voyant sa créatrice danser entre le trotskisme et l’ordre républicain à la manière dix-neuvièmiste bourgeoise. Amaury, personnage né de la plume de madame Schiappa sous le pseudonyme de Marie Minelli dans le roman Sexe, mensonges et banlieues chaudes au style à mi-chemin entre Jean-Marie Bigard et le Marquis de Sade :

« « Bouffe-moi la chatte, Amaury! » 

Il s’exécute, ajoutant de la vigueur à ses mouvements de tête. Ses cheveux me chatouillent délicieusement le ventre, et comme il lèche un côté de mon sexe, je lui lance: 

« Applique-toi, bordel! Au centre ! Sans déborder! » 

Il lève un œil interrogateur, puis fait, la bouche pleine: « Oui, Maîtresse. »

On aimerait que le préfet Lallement soit aussi prolixe sur les « banlieues chaudes ». Lui semble diriger son courroux sur les inconscients qui bravent le couvre-feu ou les gilets jaunes du début. Face aux casseurs – parfois trotskistes mais le plus souvent anarchistes-libertaires ou simples hooligans -, il ne fait pas montre de la même fermeté que le révolutionnaire russe qu’il a cru malin de citer dans ses vœux officiels. « Je suis profondément convaincu, et les corbeaux auront beau croasser, que nous créerons par nos efforts communs l’ordre nécessaire. Sachez seulement et souvenez-vous bien que, sans cela, la faillite et le naufrage sont inévitables »… Ah ça, c’est quelque chose de très inspirant.

On se demande d’ailleurs pourquoi le préfet Lallement et les autres sont incapables de mettre de l’ordre en France ou à Paris. Ses efforts depuis au moins deux ans semblent vains, les manifestants ayant bloqué Paris presque tous les week-ends durant la période. Était-il nécessaire de mettre de l’huile sur le feu en citant Trotski dans une lettre de la Préfecture de police de Paris ? N’est-ce pas une ignoble provocation ? Didier Lallement voulait-il par là rappeler son passé au Ceres, un ancien courant du Parti socialiste lié à Jean-Pierre Chevènement dans lequel de nombreux anciens trotskistes étaient particulièrement actifs ?

On ne peut pas tout se permettre quand on occupe une telle fonction. On ne peut pas blaguer en citant le boucher Trotski qui a réprimé dans le sang les Ukrainiens, très loin de l’image gentillette brodée par ses suiveurs occidentaux après la Seconde Guerre mondiale. Juan Branco, ennemi autoproclamé de Lallement venu des beaux-quartiers de la capitale a lui aussi fait sourire, quand se justifiant sur ses années de cavalier « semi-professionnel », il n’a rien trouvé de mieux à dire que l’équitation était autrefois (il y a 10 ans, hein), une « discipline de pauvres » depuis pourrie par le dopage et le fric. Ces Trotskistes 2.0 sont à peu près aussi ridicules que leurs devanciers, aussi infatués et à côté de la plaque que le jeune Moscovici de la fin des années 1970 depuis devenu libéral-fédéraliste – au moins a-t-il conservé l’internationalisme !


On se prendrait même à rêver que le véritable Trotski, stratège impitoyable, ne se réveille pour les poursuivre de son courroux vengeur et expurger le parti de ces mauvais littérateurs. Avec leurs tweets ou leurs communiqués disruptifs, ils ne sont que les idiots utiles de la grande bourgeoisie mondialisée, n’en déplaise au révolutionnaire de bac à sable Branco !

Lettre ouverte à Houria Bouteldja, qui estime qu’«on ne peut être innocemment israélien»

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Chère madame Bouteldja,

Dans votre dernière missive publiée puis dépubliée par Mediapart, mais toujours accessible ici, vous défendez les responsables du lynchage de la première dauphine de Miss France, qui a osé dire ses racines israéliennes à la télévision. « Elle ne peut se présenter publiquement sans mesurer ce que l’identité israélienne représente pour des millions de Palestiniens », prétendez-vous. Cette affirmation résume vos vœux à quelques jours de la nouvelle année: que Mademoiselle Benayoum, et à travers elle tous les Israéliens, soient mortifiés par la honte de leurs origines et qu’ils fassent acte de contrition à chaque fois qu’ils ouvrent la bouche.

Miss Provence, lors de l'élection de Miss France 2021 au Puy du Fou © PIERRE VILLARD/SIPA Numéro de reportage : 00996753_000002
Miss Provence, lors de l’élection de Miss France 2021 au Puy du Fou © PIERRE VILLARD/SIPA Numéro de reportage : 00996753_000002

Plus fondamentalement, vous trouvez un tas de justifications à l’« antiisraélisme » qui n’exprime que « la haine ou le ressentiment du colonisé envers son colonisateur », c’est-à-dire le naturel revanchard d’un faible très gentil sur un fort très méchant. Vous omettez de dire – ou peut-être n’êtes-vous pas au courant – que c’est dans le cadre de la décolonisation que le peuple israélien fut lui-même libéré de la mandature britannique, qu’il dût lui-même faire usage de son droit à l’autodétermination et arracher son indépendance, après des siècles sous domination étrangère.

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Pour clouer le spectacle, vous affirmez qu’« on ne peut être innocemment israélien », frappant tout israélien du sceau de l’infamie. Neuf millions d’âmes dépossédées de leur innocence pour le seul fait d’avoir ouvert les yeux à cet endroit du globe. Un exemple significatif de l’essentialisme indigéniste, intrinsèquement radical et réactionnaire, qui vous ramènerait, vous à votre Algérie natale. « Que Dreyfus est capable de trahir, je le déduis de sa race », lâchait en son temps Maurice Barrès pour commenter l’Affaire. Le crime, c’est l’identité elle-même, le crime c’est « la race » et pour ce crime il n’y a pas d’absolution possible.

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La militante politique franco-algérienne Houria Bouteldja

Alors, autant vous que vous le sachiez: vos vœux n’ont aucune chance d’être exaucés. Franchement, les Israéliens sont les champions de l’estime de soi, les as de l’amour-propre. Pour les côtoyer au quotidien, ils sont loin d’être d’avoir honte de ce qu’ils sont, (pour tout vous dire, ils n’ont même pas honte de sortir au supermarché en pyjama). Ils savent que l’idéal sioniste s’incarne avec imperfection, mais se battent pour le parfaire, et surtout, ils tentent, au milieu des roquettes et des appels au boycott, de cultiver une vie normale. Des pays de la ligue arabe ont fini par s’y faire, en enterrant la hache de guerre avec ce pays qui ne demandait qu’à leur ouvrir les bras. Les Émirats Arabes Unis, le Bahreïn, puis il y a quelques semaines le Maroc. Des États qui s’apprêtent, pour la première fois, à ouvrir des ambassades et établir des vols directs, pour découvrir ce peuple dont la pugnacité face aux épreuves force l’admiration, sinon le respect.

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Depuis le jour où ils ont déclaré leur indépendance, les Israéliens ont nourri une fierté contre laquelle les gens comme vous ne pourront rien. Dans le monde entier, ils brandissent ce drapeau avec l’étoile de David: depuis le plateau de l’Eurovision aux championnats du monde sportifs. Cette réalité est inaltérable. Disons même mieux: chaque nation devrait lever la tête et prendre exemple sur les Israéliens et leur façon d’affirmer leur identité, leur souveraineté, leur indépendance face au reste du monde. Par exemple, la France devrait se défendre de gens tels que vous, qui passent leur temps à l’insulter en attaquant un « racisme d’État » imaginaire, cet État qui vous a accueilli et qui vous paye – ou payait – grassement par le biais de l’Institut du Monde Arabe. Vous qui affirmez l’idée que la France est structurellement raciste, et qui illustrez parfaitement le fait que l’obsession d’Israël et la haine de la France sont les deux faces d’une même pièce.

Sionistement vôtre…

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2020: le triomphe des médicastres


Petit cours de culture générale à l’intention des médicastres, des énarques et autres décideurs émasculés de la maison France…


Certaines décisions récentes m’ont fait comprendre que la bêtise magistrale de nos gouvernants ne procède pas d’une mauvaise intention, mais d’une abyssale inculture. Ne reculant devant aucune dépense pédagogique, j’ai donc décidé d’opérer un retour sur les fondamentaux. La suppression récente de l’épreuve de culture générale à l’entrée de Sciences-Po ne doit pas faire illusion : cela fait beau temps que les dirigeants qui sortent de ces filières à cooptation interne ont divorcé de la culture la plus basique. Mais rien n’est perdu.

Ô vous qui orchestrez le destin de la France, répétez après moi…

Comme on dit vulgairement : Άνθρωπος φύσει πολιτικών ζώον, l’homme est par nature un animal politique (Aristote, Politique, I, 2). Encore faut-il expliquer « politique ». Dérivé de πόλις, la ville, l’adjectif implique avant tout le côté grégaire de l’individu — et sa tendance à se rapprocher de ses semblables. Non pas au sens humain, mais au sens le plus endogamique.

À lire aussi, Jean-Paul Brighelli: Lectures pour une fin de civilisation: la Haine de la culture

Appartenant au même champ sémantique, la notion d’ἐκκλησία ne désigne pas à l’origine l’Eglise, mais l’Assemblée du peuple — à une époque où « populisme » n’était pas tout à fait une insulte. L’animal politique se réunit et se côtoie, échange des idées, participe à la discussion, et en vient enfin au vote. Ce faisant, elle use de tous les moyens pour séduire l’autre : le discours, mais aussi les expressions de visage, les mouvements du corps, le sourire, la grimace, l’arsenal complet des mimiques.

Comme vous interdisez tout rassemblement de plus de six personnes, et toute sortie passée 20 heures, pas de risque d’orgie, oh non ! [Les jeunes] ne mourront pas du Covid: ils mourront d’ennui, de frustration, et de vieillissement précoce!

Quand la Cité s’est christianisée, on a logiquement baptisé « église » le lieu où l’ensemble du peuple chrétien se réunissait. C’est si vrai que dans nos campagnes, dans le moindre village (vous savez, ces endroits hirsutes et inhospitaliers où les coqs chantent et les vaches paissent), la taille de l’église donne à tout coup une indication précieuse sur le nombre d’habitants de la commune à l’époque de la construction.

Et voici que vous avez décidé de supprimer l’essentiel de la conversation — cet art français de la guerre mouchetée. Vous imposez un masque : peut-être vous croyez-vous à Venise au XVIIIe siècle, quand le Carnaval durait six mois ? Vous imposez aux croyants de ne pas être plus de trente dans les cathédrales de Chartres, de Rouen ou de Reims. Par souci de préservation de la laïcité, sans doute…

Anéantissement scolaire d’une génération

Mieux : vous coupez le lien être parents et grands-parents, et jetez sur les enfants un regard soupçonneux. De toute façon, en huit mois vous avez anéanti scolairement une génération qui, je vous l’accorde, n’était pas bien brillante, grâce aux pratiques pédadémagogiques qui grâce à vous ont noyauté le système éducatif, mais qui pouvait peut-être se relever, avec un ministre intelligent et des profs talentueux — deux conditions de plus en plus improbables.

Masqués et marchant à distance les uns des autres, les élèves de l'école Simone Veil à Nice reprennent les cours le 12 mai 2020 © CHINE NOUVELLE/SIPA Numéro de reportage: 00961635_000009
Masqués et marchant à distance les uns des autres, les élèves de l’école Simone Veil à Nice reprennent les cours le 12 mai 2020
© CHINE NOUVELLE/SIPA Numéro de reportage: 00961635_000009

Et aujourd’hui, après avoir autorisé dans les EHPAD des produits qui ont raccourci la vie des personnes âgées, précocement tuées afin qu’elles ne meurent pas, vous voulez imposer aux survivants un vaccin que vous refusez pour vous-mêmes — pas si bêtes. Je me laisserai vacciner quand vous y serez tous passés, et que j’aurai la certitude qu’on ne vous a pas injecté du sérum physiologique.

L’instinct grégaire est, avec l’instinct sexuel et les réflexes de survie, un pilier de l’humanité. Vous prétendez l’abolir. Or entendez bien ce que disait Aristote : c’est « par nature » que l’homme est animal politique. Ce que vous préconisez, en suivant aveuglément les consignes d’un quarteron de toubibs encore plus ignares que vous, est à proprement parler antiphysique.

Fin de la liberté sexuelle

Quant à l’instinct sexuel… Dans un pays qui a inventé le libertinage, vous déconseillez d’aller chercher chaussure à son pied ailleurs que dans le lit nuptial — par souci moral, probablement… Les puritains se paient grâce à vous une seconde jeunesse.

Je parle moins pour moi (quoique…) que pour ces millions de jeunes gens que vous contraignez à la chasteté et à la masturbation. À l’âge de mes élèves, j’avais entre huit et dix amies en même temps : c’est en baisant qu’on devient baiseron. Mais vous ignorez sans doute cela, vous qui êtes nés pré-castrés.

Vous avez fermé ces lieux de convivialité essentiels que sont les bars et les restaurants — alors que s’y tiennent les premiers rendez-vous. Vous avez interdit les cinémas et les théâtres, ces lieux essentiels pour que la main de l’un navigue durant cinq interminables centimètres jusqu’à la main ou au genou de l’autre. L’amour sera conjugal ou ne sera pas — sauf que les jeunes gens n’en sont pas encore à la conjugalité, dont ils n’ont en général d’autre image que celle de leurs parents…

Et comme vous interdisez tout rassemblement de plus de six personnes, et toute sortie passée 20 heures, pas de risque d’orgie, oh non ! Ils ne mourront pas du Covid : ils mourront d’ennui, de frustration, et de vieillissement précoce.

Mettre à l’abri les mourants en congelant les vivants

Ma génération est passée à travers le SIDA sans grandes précautions — quitte à en payer le prix. Mais vous prétendez mettre à l’abri les mourants en congelant les vivants. Outre votre qualification méritée de meilleurs employés de l’année d’Amazon and Co, vous avez aussi droit à la reconnaissance des fabricants de godemichés.

Sauf que l’amour n’est pas seulement une question d’orgasme. En muselant tout le monde, vous prétendez interdire le baiser, qui est « Une façon d’un peu se respirer le cœur, Et d’un peu se goûter, au bord des lèvres, l’âme ! » Au safe sex promu par des peine-à-jouïr s’est ajouté le no-sex imposé par les pré-cocus que vous êtes.

Quant au réflexe de survie, le boire et le manger, vous en avez ôté tout ce qui en faisait le charme bien français — la bonne cuisine comme la haute gastronomie. Parce que vous ne manquez de rien à la buvette de l’Assemblée, vous vous gaussez de ceux qui, dans le petit matin frileux, cherchent désespérément un café pour se réchauffer. Ne riez pas, le mépris n’est pas un bon conseiller : rappelez-vous Louis XVI.

La peur pour politique

Et tout cela au nom de la vie — ou de ce succédané de vie qu’est la frousse. Quel exemple pour les générations montantes ! Les grands mécaniciens de la chose publique ont choisi la peur pour politique — la peur qui a pour effet, justement, d’éloigner les gens les uns des autres. Pensez-vous, ce faisant, diluer le peuple dans la trouille, comme on dissout le gras dans l’alcool ?

En fait, c’est à une extinction de la civilisation que vous vous livrez. Sans doute trouvez-vous qu’elle n’est pas assez mortellement atteinte, sous les coups de minorités qui ont leur propre agenda et rêvent du retour au désert.

Quant aux arguments économico-sanitaires que vous mettez en avant, vous comprendrez bien qu’ils peinent à convaincre. Le peuple (qui existe toujours, quoi que vous fassiez) trinque pendant que vos amis festoient à la Bourse, dont les cours n’ont jamais été si hauts.

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Méfiez-vous. À force de ravaler l’être humain vers l’animal, on finira par vous traiter vous-mêmes comme des animaux — des animaux dénaturés, hors sol, qu’il faudra bien se résoudre à mettre en cage quand l’enchantement médiatique qui est votre seul atout cessera de fonctionner. Pensez, il n’y aura bientôt plus de foot à la télé, et le pain quotidien est déjà hebdomadaire. Vous êtes seuls, laids et bêtes, et vous ne vous en êtes pas avisés.

Érection alpine

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Un phallus géant en bois dominait fièrement les Alpes bavaroises jusqu’à fin novembre avant de disparaître… Sa présence aurait-elle dérangé des néo-féministes? 


Les velléités castratrices des néo-féministes tricolores ont-elles suscité des vocations outre-Rhin ?

Une castration mystérieuse

Bien que la région de l’Allgaü ne vous parle peut-être point, de jeunes randonneuses en short s’y prenaient en selfie il y a encore un mois, devant un phallus géant en bois. Érigée au sommet du mont Gruntën à 1738 mètres d’altitude, la sculpture dominait fièrement les Alpes bavaroises depuis quatre ans. Sa taille de deux mètres a-t-elle contrarié quelque esprit pudibond ?

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Toujours est-il que durant le dernier weekend de novembre, elle s’est volatilisée. « Quelqu’un a dû la scier pendant une opération menée de nuit ou dans le brouillard », a avancé à la presse allemande un dénommé Norbert Zeberl, propriétaire de « la cabane de Grünten ». Un châtiment douloureux pour la bourgade de Rettenberg, dont dépend le mont Grünten.

Coup dur pour la petite ville

Effondré, son maire centre-droit, Nikolaus Weißinger, a jugé « très dommage » la disparition de cette œuvre d’artiste inconnu, qui avait permis à sa paisible ville d’accéder à une certaine notoriété. Il n’a pas exclu qu’elle serait remplacée.

Afin d’être pleinement en symbiose avec son allié hexagonal, on serait tenté de lui suggérer de faire ériger un clitoris géant tel que celui en acier de l’université de Poitiers (volée déjà deux fois, cette sculpture de l’artiste britannique, Matthew Ellis, a été remplacée par une nouvelle en mars cette année).

Pour l’heure, sa commune n’en prend assurément pas le chemin : Rettenberger, la brasserie locale, vient de brasser la Grünten-Zipferl (littéralement « Grünten-Zizi »), une bière limitée en hommage au pénis castré.

Les progressistes “universalistes” sont les nouveaux snobs!

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L’essence du progressisme, idéologie bourgeoise par excellence, c’est le snobisme.


Je suis tombé par hasard, ces derniers jours, sur la rediffusion par CNews du débat du 3 juillet entre Eric Zemmour et Raphaël Enthoven. Il était étonnant d’y constater à quel point l’universalisme affiché par Enthoven est, comme beaucoup de « valeurs » progressistes, une « valeur chrétienne devenue folle ». 

En effet, l’universalisme chrétien ne ressemble en rien à sa copie progressiste. Ce n’est pas une « abstraction plaquée sur la réalité » mais, au contraire, une réalité concrète et enracinée, un concept que les philosophes de gauche ne peuvent pas comprendre. Par exemple, l’Église affirme comme principe premier celui de la destination universelle des biens. Mais elle affirme, juste après, pour fixer les choses, le droit à la propriété privée (qui n’est pas, d’ailleurs, un « droit à l’égoïsme », mais un autre principe universaliste, centré sur la protection, essentielle, des proches et des familles). Les deux principes s’équilibrent et cet équilibre est plein de sagesse. L’arbitrage, si tel est le cas, doit se faire en faveur du premier, qui est plus important (c’est pourquoi l’Église valide la réquisition ou l’expropriation), mais le deuxième garde toute sa valeur.

La terreur du déclassement

En réalité, Enthoven est universaliste parce qu’il est un snob, au sens littéral du terme[tooltips content= »Snob est une contraction du latin « sine nobilitate », sans titre nobiliaire. Il a été repris par les fils de nobles, dans les prestigieuses écoles anglaises, comme Eton ou Cambridge, pour mépriser les enfants de la bourgeoisie lorsque, révolution industrielle aidant, ces derniers avaient obtenu le droit d’y avoir accès. Il désigne quelqu’un qui cherche à se distinguer du commun des mortels. Cf « Snob », Wikipedia. »](1)[/tooltips]. On le comprend à travers une pénétrante remarque attribuée à Colbert : « Il existe une catégorie de gens qui n’ont qu’une envie, c’est de devenir riches, et qu’une crainte, c’est de devenir pauvres ». Et il ajoutait, amusé et intéressé : « Ce sont ceux-là qu’il faut taxer ». Il avait, avant l’heure, défini, à travers cette description de la bourgeoisie, ce qu’on appellerait plus tard la classe moyenne. Il avait compris qu’elle était la plus malléable des catégories sociales, car hantée par deux terreurs, celle de ne pas parvenir à donner corps à ses ambitions (ce à quoi on ne parvient jamais), et celle de la déchéance, celle de retomber dans la plèbe de ses ancêtres.

Pour cette raison, l’instrument indispensable, qui lui permet à la fois de se positionner et de se rassurer, est le statut. Tout ce que dit ou fait le bourgeois, et en particulier dans sa catégorie la plus élevée, doit être empreint de statut, un statut suffisamment différenciateur et affirmé pour pouvoir dire aux catégories supérieures, auxquelles il s’identifie par avance, « je suis comme vous (ou presque) », et aux inférieures, celles de sa propre classe et celles du peuple, dont il doit absolument se démarquer : « je ne serai jamais comme toi ». 

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Ainsi, le fait de se déclarer comme pacifiste veut dire : « si la guerre éclate un jour, je n’en craindrai pas les effets (parce que je pourrai partir à l’étranger), toi oui ». Le fait de s’affirmer comme multiculturaliste veut dire : « je peux me permettre de mettre un genou à terre en hommage à Floyd parce que mon mode de vie, dans mes beaux quartiers, me protège des conséquences, pas toi ». En fait, la clef de lecture pour comprendre toute la pensée et les discours des intellectuels de gauche, c’est la terreur du déclassement. Le statut est pour eux une nécessité absolue, et le snobisme une seconde nature.

Le besoin de statut est, on a trop tendance à l’oublier, l’une des motivations les plus fortes qui soient. Bernard Arnaud l’a si bien compris que cette idée simple l’a hissé parmi les plus grandes fortunes du monde. Il a saisi que le succès phénoménal des grandes marques, vis-à-vis des nouvelles bourgeoisies planétaires en pleine expansion, n’était pas celui du luxe, mais du statut. À un certain moment, sur la route de la « réussite », lorsque le besoin de richesse est assouvi, le besoin de statut le remplace, et il est plus insatiable encore. Villas, voitures, voyages, vêtements, montres, titres, notoriété, amis, idées, expressions, c’est le statut qui positionne, bien plus que la fortune.

L’universalisme est une abstraction

L’universalisme des intellectuels de gauche est de cet ordre. Il est pour eux une façon de se démarquer, de se placer sur une « planète » abstraite où personne ne peut leur ressembler, sauf ceux qui sont construits au même moule et ont les mêmes ambitions. Attali, avec sa novlangue, est de la même veine. C’est pour ça que tant d’entre eux sont philosophes et pas historiens… Leur problème, c’est la réalité, parce que c’est là que sont les autres. Or l’expression : « comme les autres » leur donne des cauchemars…

Comme Enthoven (et comme Macron !), ils conçoivent aussi la République sans la France, sans la culture, sans les Français, et surtout sans le peuple. Ils tentent de croire à une nation abstraite. Ils veulent fabriquer une mayonnaise sans jaune d’œuf, parce qu’ils ne peuvent pas supporter qu’on leur dise qu’ils font partie du jaune. Évidemment, on peut mettre toute l’huile, celle de la « diversité », en particulier, et battre tout ce qu’on veut, ça ne marche pas… Ce serait bien qu’on le leur dise de temps en temps…

«Musulmans de France», Tabligh, Millî Görüs: exiger la liberté de conscience

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« Charte des valeurs »: le projet de texte préparé par le Conseil Français du Culte Musulman (CFCM) bloque sur la liberté de conscience. Trois des principales associations islamiques de France viennent de démontrer qu’elles n’ont pas leur place sur notre sol. En refusant de reconnaître la plus fondamentale de toutes les libertés garanties par la constitution, elles s’affirment comme des ennemies de la France.


Plus encore : par cette opposition à l’un des droits les plus absolus qui soient, elles se proclament ennemies de toute dignité humaine, où que ce soit. Ne pas les interdire, ne pas les combattre, c’est cautionner le totalitarisme théocratique et son cortège d’horreurs.

De quoi s’agit-il concrètement ? Comme l’explique Mohamed Sifaoui dans son excellent article pour le JDD, lors des travaux visant à élaborer un projet de « charte des valeurs » à soumettre au gouvernement, trois associations ont notamment refusé de valider la condamnation des idéologies hostiles à la Déclaration universelle des droits de l’Homme. Et il semble bien que, comme il y a vingt ans, l’un des points clefs soit la reconnaissance du droit à l’apostasie.

Le droit de changer de croyance

« Musulmans de France » (MF, l’ex-UOIF, très proche des Frères Musulmans), Foi et Pratique (le Tabligh), et le Milli Görüs (mouvement turc à la fois rival et complice des réseaux du néo-sultan islamiste Erdogan), tous trois soutenus sans surprise par L.E.S.Musulmans de Marwan Muhammad, confirment ainsi qu’ils voudraient refuser l’exercice de la liberté de conscience à nos concitoyens musulmans – et ne nous leurrons pas, à toute l’humanité s’ils en avaient le pouvoir.

Contrairement à ce que répètent à l’envie ceux qui édulcorent et trahissent la laïcité, l’enjeu n’est pas seulement le « droit de croire ou de ne pas croire », mais le droit de changer de croyance. Le droit non de pratiquer la religion de ses parents, mais de choisir sa religion – ou de décider de n’en avoir aucune – et le droit de changer d’avis, d’hésiter, de douter, de ne rendre compte à personne de son rapport intime avec le Divin et avec les croyances au sujet du Divin. L’enjeu, c’est que contrairement à ce que prétendent ceux qui assimilent la critique d’une religion à du racisme dans le but évident d’interdire cette critique, la religion demeure un choix, libre et responsable.

A lire aussi, du même auteur: Al-Sissi / Macron: loi de Dieu, loi des hommes

MF (et plus généralement les Frères Musulmans), le Tabligh et le Millî Görüs promeuvent des idéologies qui ne sont pas seulement contraire aux principes de la République, aux fondements de la France et aux valeurs de notre civilisation, mais à toute forme de civilisation digne de ce nom, ici ou ailleurs. Ce ne sont que des têtes différentes de cette hydre qu’est l’islam théocratique : tout compromis avec elles est une compromission avec l’abomination totalitaire.

Dans la quasi-totalité du monde islamique, l’apostasie est punie

Bien sûr, le mal est beaucoup plus profond que ces trois mouvements et leurs soutiens. Aussi, si les récentes déclarations de la Grande Mosquée de Paris permettent d’espérer, il convient de garder à l’esprit que ses motivations sont multiples, et de rester extrêmement vigilants.

Dans la quasi-totalité des pays musulmans, l’apostasie est punie par la loi : prison, perte totale ou partielle des droits civiques, confiscation des biens, annulation des mariages, et dans 10 pays au moins le code pénal prévoit même la peine de mort (Afghanistan, Arabie Saoudite, Brunei, Émirats Arabes Unis, Iran, Malaisie, Maldives, Mauritanie, Qatar, Yémen), sans compter ceux qui parviennent au même résultat en assimilant l’apostasie à un blasphème et punissent de mort le blasphème (on pense notamment au Pakistan).

On remarquera, et c’est fondamental, que l’islam est aujourd’hui la seule religion au monde au nom de laquelle des états criminalisent ainsi l’apostasie. La seule. Et ce refus acharné de reconnaître la dignité humaine n’est pas marginal : au sein du « monde musulman », il est la généralité, la norme.

Ainsi, l’actuel Grand Imam d’Al-Azhar (qui ne représente évidemment pas l’islam dans son ensemble, mais que dont nul ne peut prétendre qu’il n’aurait « rien à voir avec l’islam ») rappelait en 2016 que les quatre grandes écoles juridiques de l’islam sunnite sont unanimes pour prévoir la condamnation à mort des apostats. Et il refusait de se désolidariser de cette unanimité, esquivant depuis les questions à ce sujet en prétendant qu’elles seraient sans intérêt.

Si en France certains courants de l’islam trouvent la force de s’arracher à ce poids terrible et de reconnaître enfin, sans la moindre ambiguïté, le droit à l’apostasie, tant mieux ! Ce sera une chance pour l’islam de devenir une véritable religion, et non un obscurantisme étouffant. Une chance pour l’islam de ne plus servir un dieu-tyran pervers, mais un dieu respectueux de la dignité et de la liberté des êtres. Une chance pour l’islam de comprendre que la foi n’est pas affaire de croyance mais de confiance, et que la confiance – comme le respect ou l’amour – ne se commande pas, et ne peut exister que si elle est libre, librement donnée.

Être lucide sur notre erreur passée, entamer un rapport de force difficile

Aujourd’hui plus que jamais, toutes les religions doivent s’emparer de ce sujet. Si elles ne le font pas, elles se détournent de leur objet véritable : le refus de la liberté de conscience et de pensée, tout comme le refus de la critique éthique et rationnelle, condamne une religion à n’être plus qu’une idolâtrie d’elle-même. Si elles ne le font pas, elles se rendent complices des bourreaux de ceux qui, nés dans une famille d’une autre confession, entendent pourtant l’appel de leurs dieux – et par là, elles trahissent les dieux qu’elles prétendent servir. Je pense bien sûr en premier lieu au Pape François, fier de se présenter comme l’ami d’un Grand Imam qui cautionne la mise à mort des musulmans voulant se tourner vers le Christ : on est bien au-delà du simple paradoxe ou de la naïveté.

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Le gouvernement français peut aujourd’hui réparer la grave erreur de jadis, lorsqu’en 1999/2000 on accepta de supprimer de la charte du futur CFCM l’obligation de reconnaître le droit de changer de religion – déjà cette question fondamentale de l’apostasie. Les mises en garde de Leïla Babès et Michel Renard se sont avérées depuis d’une terrible lucidité, et d’une douloureuse exactitude. À l’époque, la complaisance de l’État était une erreur. Majeure et aux funestes conséquences, mais sans doute de bonne foi. La répéter aujourd’hui serait en revanche une faute : stratégique, politique, morale.

Interdire sur notre sol MF, le Tabligh, le Millî Görüs et tous les courants de l’islam qui refuseront de  défendre le droit à l’apostasie – ainsi que leurs multiples soutiens et affidés – exigera un véritable rapport de force. Il y aura contre nous des campagnes de dénigrement bien pires que tout ce qui a suivi la mort de Samuel Paty et notre réaffirmation de la liberté d’expression. On nous accusera « d’islamophobie » et de « racisme anti-musulmans », alors que justement l’appartenance religieuse n’est pas un caractère hérité mais un choix, et que nous ne ferons rien d’autre que proclamer que les musulmans, comme tous les citoyens, comme tous les êtres humains, ont droit à la liberté de conscience. Certains pays diffuseront la haine de la France, le risque d’attentats jihadistes sera accru et beaucoup de nos « alliés » resteront spectateurs, paralysés par le soi-disant progressisme, qu’on l’appelle « woke », décolonial, politiquement correct, peu importe. Ce sera difficile, par moments épuisant, assurément dangereux, mais la liberté est à ce prix. Et ne rien faire serait, à moyen et long terme, infiniment plus dangereux encore.

« Il n’y a pas de bonheur sans liberté, il n’y a pas de liberté sans courage » disait Périclès. Face à un totalitarisme aux ambitions mondiales, le choix est simple : se soumettre ou combattre.

Islamophobie: Intoxication idéologique

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Robert Hossein et le théâtre populaire

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J’ai rencontré Hossein deux ou trois fois. C’était en 1987, il montait Kean, de Sartre et Alexandre Dumas, au théâtre Marigny. Nous avions eu l’idée, avec mes deux acolytes, Jean-Luc Rispail et Christian Biet, de proposer à Gallimard une nouvelle collection intelligente pour les jeunes, des textes de fiction ou de théâtre commentés par des personnalités contemporaines. Kean était une merveilleuse ouverture pour une telle collection, Pierre Marchand, qui dirigeait alors Gallimard-Jeunesse s’était enthousiasmé à l’idée. C’est ainsi que nous rencontrâmes Hossein.

Bien sûr, j’avais vu plusieurs pièces montées ou jouées par lui. À commencer par Pas d’orchidées pour Miss Blandish, le roman de James Hadley Chase adapté par Frédéric Dard, qui collaborait depuis longtemps avec Hossein : le metteur en scène y jouait l’abominable Slim Grisson, dans une esthétique très empruntée au cinéma, avec des « arrêts sur image » impressionnants.
Pas de quoi faire se pâmer les intellos du Monde. Michel Cournot descendit en flammes l’adaptation de Kean, qui marquait le grand retour de Belmondo sur les planches.

Le théâtre de Hossein a constamment déplu à ces critiques qui pensent aujourd’hui que Wajdi Mouawad est le sommet de l’art théâtral. Ses grandes machines historiques — le Danton et Robespierre par exemple, présenté au Palais des Congrès en 1979 — avec les acteurs disséminés dans la salle, interpellant tel protagoniste imprudemment monté sur scène, défrisaient les poils occultes des éminences littéraires.

Hossein en était peut-être blessé, mais il en avait pris son parti, et il se contentait d’être un metteur en scène immensément populaire, au meilleur sens du terme.

Comme il aimait être un acteur populaire, comme Belmondo a pu l’être lui aussi. Il aimait avoir été Geoffroy de Peyrac, balafré et sombre, dans la série des Angélique. Ou le voyou nonchalant du Repos du guerrier. Ou ce salopard de commissaire Rosen qui fomente des complots contre Belmondo, justement, dans le Professionnel.

La disparition de celui qui fut le compagnon de Marina Vlady quand elle était la Princesse de Clèves marque la fin d’une époque, où l’on pouvait aller au cinéma ou au théâtre sans se demander ce qu’en penseraient Libé ou Olivier Véran. Hossein était très beau tout en ayant une gueule, comme on dit. La voix légèrement embrumée, le regard noir et amical, la direction d’acteurs précise et efficace. En tous points, un grand bonhomme. Il ne manquait que ça à l’année 2020 pour être vraiment annus horribilis, comme disait jadis Elisabeth II.

PS. La collection finalement ne s’est pas montée. L’héritière de Sartre, Arlette Elkaïm, n’a pas souhaité que l’on prostitue un texte de son père adoptif dans une collection pour mômes. Pauvre petite crétine. Du coup, nous avons monté pour Gallimard la collection Découvertes, qui n’a pas mal marché, ma foi.

En vœux-tu, en voilà!

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Cette fin d’année 2020 s’accompagne, comme toutes les autres, de la longue litanie des vœux. Mais cette fois, on se souhaitera du bien à distance tant qu’on n’est pas vacciné!


On pourrait se dire qu’en cette période de catastrophes en tous genres nous serions épargnés par la litanie des vœux. Eh bien non. On nous souhaite d’autant plus de choses que personne n’y croit plus! La phrase fétiche qui était déjà un leitmotiv pénible, va devenir un cri collectif de ralliement : « Et puis surtout bonne santé, hein ! Tant qu’on a la santé…  » Suit alors un exposé narratif de ceux qui dans l’entourage de votre interlocuteur n’ont pas eu cette chance d’avoir vu se réaliser le « Bonne Santé » de l’année dernière… sans oublier la covid qui alimente le sujet à l’infini.

Le rituel incontournable des vœux va devenir d’autant plus prolixe qu’il faut pallier les frustrations festives. On va compenser en se souhaitant des trucs à distance.

3… 2… 1… Bonne année !

Pour vous entourer, tous ceux qui vous veulent du bien vont l’exprimer par des mails en série, jusqu’à saturation de votre boîte. Il en sort de partout. Je suis déjà étouffée de messages de gens qui le reste de l’année me manifestent une certaine indifférence sans aucun témoignage particulier de leurs bonnes intentions, mais qui soudain me veulent du bien. Le pire, c’est qu’il faut rendre la pareille !

Sophie de Menthon © SdM
Sophie de Menthon © SdM

Cette inflation affective me met de fort méchante humeur. Je nourris en particulier une véritable vindicte envers ceux qui dans un souci d’efficacité inversement proportionnel à la proximité de nos relations, envoient de leurs portables des mailings de SMS: un CLIC et leurs 358 « contacts » en mémoire (c’est le nouveau mot pour amis) m’inondent de souhaits dégoulinants identiques, de préférence le matin du 25 ou du 31 pour faire croire que vous êtes au centre de leurs préoccupations à cet instant précieux.

Carte de l’ancien monde ou carte virtuelle?

Nouvelles technos obligent, vous aurez personnellement le choix entre un « e-mailing » avec carte virtuelle animée que vous balancez à tout le monde, ou du sur-mesure avec photos de l’équipe au bureau qui n’est pas en télétravail. Si vous avez un réseau social pro ou privé important, vous ne vous souviendrez absolument pas de qui a dégainé le premier mail: est-ce lui qui répond à vos vœux? Ou bien est-ce à vous de lui répondre? Votre correspondant se pose la même question et on se renvoie des vœux en ping-pong jusqu’à trois ou quatre fois de suite…

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À l’écrit, la « carte de vieux » en papier reprend du galon : primitif Italien de Vierge à l’Enfant pour la droite tradi… Photo de nature pour la tendance verte… Carte UNICEF avec bonne conscience assurée… Ou encore l’horrible décor pailleté sur lequel il faut signer, voire faire signer tous ceux qui vous entourent! Souvenez-vous de l’époque exquise où l’on mettait toutes les cartes sur la cheminée ou l’étagère… Mieux: on élisait la plus belle carte. La popularité se mesurait alors au nombre de cartes reçues. C’est l’ancêtre du nombre de followers, quand on y réfléchit… 

Cette année, il ne vous reste plus qu’à jouer sur tous les médias. Sinon vous culpabiliserez de répondre par un simple mail à celui qui a dépensé 3,20€ la carte (le prix est marqué derrière) plus un timbre, juste pour votre bonheur en 2021.

En face à face, cette année, c’est plus compliqué

Tout cela va durer des semaines, sans preuve d’une quelconque efficacité scientifique sur la santé, le bonheur ou l’efficacité du vaccin, mais le principe de précaution veut qu’on n’y déroge pas!

Et puis il y a aussi le face à face – distancé – on ne s’embrasse pas, on dégaine masqué avec force décibels – à cause du masque – c’est à celui qui crie le premier « bonne année » !  Il faut renchérir très vite, le temps est compté. On attendra aussi ce soir les vœux traditionnels du président de la République qui doit être échaudé de ceux de l’année dernière: aura-t-il meilleure mine ? que va-t-il nous annoncer encore ? Franchement c’est à lui qu’il faut souhaiter bonne chance ! On en profiterait tous…

Jeune pangolin de Thaïlande. © Yingboon Chongsomchai/ ZSL/ Cover/ SIPA
Jeune pangolin de Thaïlande.
© Yingboon Chongsomchai/ ZSL/ Cover/ SIPA

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Tout cela va durer un mois, au-delà il y a péremption; mais rassurez-vous, c’est entrecoupé par la galette des rois (pas encore celle des reines: mais que font les féministes? quid de l’écriture inclusive?) La covid risquant de contaminer la fève et ses adeptes, on se dirige encore vers des frustrations ou une galette virtuelle… Mais je suis sûre que les boulangers cogitent.

Je profite de cette occasion pour vous présenter tous mes vœux les plus sincères (forcément) et ceux de Causeur pour la nouvelle année! Et même pas la peine de me répondre, je ne vous en voudrai pas…

Géographie: la carte maîtresse


Dans Les Défricheurs du monde (Le Cherche-Midi), un ouvrage richement illustré, Laurent Maréchaux parcourt trente siècles de cartographie et dresse le portait de géographes qui ont inventé le monde.


 Au commencement, il y aurait la carte, que l’on confondrait avec le territoire. C’est l’histoire du collégien, le regard fasciné par les mappemondes colorées suspendues au tableau, ces cartes que l’on recherche encore chez les brocanteurs, qu’elles viennent de chez Hatier, Deyrolle ou Armand Colin. Le chineur, comme votre serviteur, qui se livre à cette chasse nostalgique, apprend ainsi que la carte n’est jamais qu’un moment de l’histoire, que les pays comme les saisons changent de noms, que les frontières s’abolissent ou renaissent.

La chambre des cartes

Le jeune Baudelaire, avant de se rendre à l’île Maurice ou en Hollande, est cet « enfant amoureux de cartes et d’estampes ». Le Rimbaud du Bateau ivre, qui veut « heurter d’incroyables Florides », termine marchand d’armes à Harar. Laurent Maréchaux exprime la même passion et a suivi le même chemin que « ces géographes qui ont dessiné la Terre », sous-titre des Défricheurs de monde. Une fois achevées ses études de droit et de sciences politiques, préférant le voyage à l’écriture, il a décidé de confronter son amour des cartes à la réalité du terrain. Il s’est fait exploitant forestier en Amérique du Nord, a parcouru un bout de chemin avec les moudjahidines en Afghanistan dans les années 1980, il a sillonné le Kenya, l’Indonésie puis a passé le cap Horn à la voile. Il aurait pu y croiser le regretté Jean Raspail, à la recherche des royaumes perdus de Patagonie.

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Les Défricheurs du monde est ce qu’il est convenu d’appeler un « beau livre ». L’iconographie est somptueuse, une véritable « chambre des cartes » comme il en existait à bord des navires ou des forteresses, ces lieux où se pensent les itinéraires et les batailles et où se retrouvent les personnages du Rivage des Syrtes, le chef-d’œuvre de Julien Gracq qui, de son vrai nom, s’appelait Louis Poirier et exerçait, ce n’est pas un hasard, le métier de professeur de géographie. Sauf que Maréchaux ne nous offre pas seulement un bel objet, mais aussi une réflexion documentée sur les métamorphoses de la géographie à travers les âges et les civilisations, et d’en montrer les enjeux pour mieux illustrer le propos de Michelet : « L’histoire est d’abord toute géographie. »

Le bouclier d’Achille

Le père de la géographie est notre maître à tous, Homère, c’est-à-dire à la fois un poète et l’auteur des deux récits fondateurs de notre culture : L’Iliade et L’Odyssée. Considérer, comme le fait Maréchaux, Homère comme le premier géographe, c’est admettre que l’histoire se confond avec la légende. On retrouvera dans ce livre, une reproduction du fameux bouclier d’Achille, dessiné en 1827 par Giulio Ferrario. Ce bouclier est décrit au chant XVIII de L’Iliade. Il est forgé par Héphaïstos et montre en cercles concentriques « La terre, le ciel, et l’onde marine, l’infatigable soleil et la lune dans sa plénitude, et tous les astres dont le ciel se couronne. » On y voit même les mortels, avec leurs vignobles et leur bétail. Mais Homère fait aussi du périple d’Ulysse une géographie en marche qui se crée au fur et à mesure de l’errance des marins perdus.

Victor Bérard, le plus célèbre des traducteurs de L’Odyssée, s’efforce de faire correspondre les grandes étapes du retour incertain d’Ulysse avec la réalité géographique moderne. Il multiplie les hypothèses : la terre des Lotophages correspond-elle à Djerba ? Le pays des Cyclopes est-il la baie de Naples ? Les Lestrygons vivaient-ils en Sardaigne ? En 1849, un certain Oscar McCarthy grave sur bois Le Monde d’Homère, mais c’est surtout le célèbre Vidal de La Blache (1845-1918) qui établit un itinéraire d’Ulysse à partir de cartes contemporaines. C’est qu’à l’autre bout de la chaîne des Défricheurs du monde, Vidal de La Blache est le premier des géographes universitaires. Le besoin s’en fait sentir dans la France de la IIIe République née de la défaite de 1870. La France, amputée de l’Alsace-Lorraine, veut se rassurer sur son espace, se représenter sa nouvelle place dans le monde alors que naît son empire colonial. Vidal de La Blache a aussi connu l’émerveillement des voyages, mais c’est pour mieux cartographier notre pays sous toutes ses coutures, géologiques, économiques et surtout administratives dans son Atlas, classique de 1894 qui fournit tant de cartes scolaires, et notamment celle des départements en montrant ceux de l’Est sous la couleur violette du deuil.

Aristote : la Terre est ronde

Entre Homère et Vidal de La Blache, Laurent Maréchaux nous fait rencontrer une bonne quinzaine de géographes. Ce sont d’abord, après Homère, les Grecs qui se taillent la part du lion et qui contribuent pour beaucoup à cette approche pluridisciplinaire du monde qui est, aujourd’hui encore, au cœur de la géographie. Hérodote, bien sûr, qualifié par l’auteur de « reporter géographe », mais aussi Aristote qui en fait un outil philosophique pour comprendre l’univers, ou encore Ptolémée qui introduit les mathématiques et aboutit aux mêmes conclusions qu’Aristote : la Terre est ronde.

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On peut sourire à l’idée du renouveau, notamment aux États-Unis, des théories « platistes » qui font partie de l’arsenal de tout bon complotiste. On oublie ainsi qu’à l’exception des géographes arabes et chinois, le Moyen Âge a renié les découvertes de l’Antiquité, avant que le pragmatisme marchand, qui a besoin de certitudes pour ses routes maritimes, pousse par exemple un Martin Behaim (1459-1507), négociant allemand, navigateur et cartographe, à se mettre au service du roi du Portugal ; puis à concevoir, avec l’aide de nombreux artisans, le globe « Erdapfel » – en allemand, littéralement, la « Terre-pomme » –, qui consacre la rotondité de la Terre pendant que les autorités religieuses font semblant de regarder ailleurs. Travail complété à la génération suivante par le Flamand Mercator, inventeur de la projection sphérique. En mettant « à plat » le globe de Behaim, il crée les premiers atlas modernes avec leurs fuseaux horaires.

Entre économie et écologie

La géographie est devenue une grande fille. On la place donc au service de l’économie avec Turgot, ministre de Louis XVI qui met au point le cadastre. Nous sommes loin de l’émerveillement homérique et on nous permettra de préférer, pour rêver encore, Élisée Reclus (1830-1905) ancien communard anarchiste, auteur d’une monumentale Nouvelle Géographie universelle respectée même de ses adversaires idéologiques, qui déclarait bien avant les écologistes : « Parmi les causes qui dans l’histoire de l’humanité ont fait disparaître tant de civilisations, il faudrait compter en première ligne la brutale violence avec laquelle la plupart des nations traitent la Terre nourricière. »

Les Défricheurs du monde: Ces géographes qui ont dessiné la Terre

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« Les Sept mercenaires », dernier western classique

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Les Sept mercenaires (The Magnificent Seven) de John Sturges (1960) n’est-il pas le dernier western de facture traditionnelle?


Ce film reprend la trame narrative du chef-d’œuvre Les Sept samouraïs tourné par Akira Kurosawa en 1955. Le film du cinéaste japonais contait la lutte d’un village de paysans pauvres, aidé par sept guerriers aguerris, des samouraïs, hantés par leur désir de mourir pour se racheter de leur conduite passée, contre une horde de bandits malfaisants.

Humaniste et mélancolique

La version de John Sturges transpose ce récit très oriental dans un Far West magnifié par les superbes paysages mexicains, secs et solaires, filmés en cinémascope par l’excellent chef-opérateur Charles Lang Jr.. Les sept mercenaires sont recrutés par trois paysans mexicains dont le village est sans cesse rançonné par une bande de hors-la-loi menée par un chef cruel. Si le film, parfois décrié, semble dans l’esprit de nombreux critiques et de cinéphiles moins inspiré que son modèle, il a néanmoins reçu un accueil public considérable et selon moi justifié (sept millions d’entrées rien qu’en France à sa sortie en 1961). II s’avère de fait un très beau remake où le choix de la justice, le sens du devoir et de l’honneur donnent aux parcours de ces sept hommes (qui payent cher leurs choix) une grande force humaniste teintée de mélancolie.

À lire aussi: Les années Bronson

Ce western crépusculaire se laisse voir et revoir avec un immense plaisir, car c’est un film dont il faut souligner la beauté, l’élégance et l’efficacité de la mise en scène de John Sturges, cinéaste qui signa les superbes Fort Bravo (Escape from Fort Bravo 1953), son chef-d’œuvre, Un homme est passé (Bad Day at Black Rock 1954), Règlements de comptes à OK Corral (Gunfight at the O.K. Corral 1957) et Le Dernier train de Gun Hill (Last Train from Gun Hill 1958), entre autres.

Les mercenaires fraternels

La force et l’émotion de l’œuvre sont dues au talent émérite des huit grands acteurs qui interprètent les rôles principaux. Pour les sept personnages des mercenaires : Yul Brynner (Chris Adams, le chef de la bande, beau, viril, droit et déterminé, notre photo), Steve McQueen (Vin, malicieux et élégant, est résolu et ironique), James Coburn (Britt, sec et dur, est le champion du lancer de couteaux), Charles Bronson (Bernardo O’Reilly, émouvant et drôle est un métis courageux et tendre), Robert Vaughn (Lee, un vétéran nerveux, est hanté par son passé et le Mal), Brad Dexter (Harry Luck, un gangster sympathique, est un peu trop cupide mais très serviable), Horst Buchholz (Chico, un jeune mexicain fougueux et généreux, est un admirateur des héros de l’Ouest américain) et dans le rôle du chef des bandits mexicains, Eli Wallach (Calvera, sans morale, est un homme pervers, brutal et sans pitié).

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Portés par la musique superbe, ample, poignante et triste d’Elmer Bernstein (voir notre vidéo plus bas), les sept mercenaires au grand cœur, des hommes solides, vaillants, courageux et volontaires vont payer de leur vie pour certains ou de la solitude du héros incompris leurs choix et comportements très humains et fraternels.

Les Sept Mercenaires est une histoire éternelle et mythique sur la révolte d’une poignée d’hommes déterminés contre l’injustice et la tyrannie des mauvais. Sept hommes aux caractères très différents qui se comportent en héros face au danger, foncent et sauvent des hommes, des femmes et des enfants au péril de leur vie. Aux derniers vivants, il reste honneur et rédemption.

Un des derniers westerns classiques

Film emblématique, il reste l’un des meilleurs westerns du cinéma qui annonce, par les caractères, comportements et démarches de ses acteurs, l’utilisation de la musique et sa sur-mise en scène des situations classiques du western, la fin du genre et la naissance du western-spaghetti. Ainsi Eli Wallach jouera dans Le Bon, la brute et le truand, Charles Bronson sera l’homme à harmonica dans Il était une fois dans l’ouest et James Coburn, le révolutionnaire irlandais de Il était une fois la révolution, tous signés Sergio Leone.

Les Sept mercenaires, vraisemblablement le chant du cygne du western classique de Hollywood… que Clint Eastwood revisitera plus tard, demeure un magnifique sur-western mélancolique.

Les Sept mercenaires un film de John Sturges – États-Unis – 1960 – 2h08
Interprétation: Yul Brynner, Steve McQueen, James Coburn, Charles Bronson, Robert Vaughn, Brad Dexter, Horst Buchholz, Eli Wallach…

Trotskistes 2.0

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Le haut fonctionnaire Didier Lallement et l'essayiste Juan Branco Montage: Causeur.

Didier Lallement. Un homme, une casquette de préfet de police de Paris immédiatement reconnaissable. D’une apparence froide et rigide, ce haut-fonctionnaire au physique leptomorphique a souvent été moqué pour ses déclarations dures, intempestives, ou encore ses références appuyées à la répression des Communards. Voilà qu’il souhaite désormais ses vœux en citant… Léon Trotski.


Et pas n’importe lequel Trostki : celui des trains de la mort et des décimations, celui de 1918 qui faisait passer Joseph Staline pour un modéré. Quelle mouche pique donc nos élites ?

Sommée de répondre en sa qualité de ministre déléguée chargée de la Citoyenneté, Marlène Schiappa a défendu Lallement. « Trotski a écrit beaucoup de choses qui sont très inspirantes », dit-elle face aux caméras de BFM TV. Oui, Trostki comme Lénine ont écrit des « choses très inspirantes ». Marlène Schiappa aussi d’ailleurs, ses romans d’amour érotiques étant du plus haut comique. Vive la France, dirait Amaury en voyant sa créatrice danser entre le trotskisme et l’ordre républicain à la manière dix-neuvièmiste bourgeoise. Amaury, personnage né de la plume de madame Schiappa sous le pseudonyme de Marie Minelli dans le roman Sexe, mensonges et banlieues chaudes au style à mi-chemin entre Jean-Marie Bigard et le Marquis de Sade :

« « Bouffe-moi la chatte, Amaury! » 

Il s’exécute, ajoutant de la vigueur à ses mouvements de tête. Ses cheveux me chatouillent délicieusement le ventre, et comme il lèche un côté de mon sexe, je lui lance: 

« Applique-toi, bordel! Au centre ! Sans déborder! » 

Il lève un œil interrogateur, puis fait, la bouche pleine: « Oui, Maîtresse. »

On aimerait que le préfet Lallement soit aussi prolixe sur les « banlieues chaudes ». Lui semble diriger son courroux sur les inconscients qui bravent le couvre-feu ou les gilets jaunes du début. Face aux casseurs – parfois trotskistes mais le plus souvent anarchistes-libertaires ou simples hooligans -, il ne fait pas montre de la même fermeté que le révolutionnaire russe qu’il a cru malin de citer dans ses vœux officiels. « Je suis profondément convaincu, et les corbeaux auront beau croasser, que nous créerons par nos efforts communs l’ordre nécessaire. Sachez seulement et souvenez-vous bien que, sans cela, la faillite et le naufrage sont inévitables »… Ah ça, c’est quelque chose de très inspirant.

On se demande d’ailleurs pourquoi le préfet Lallement et les autres sont incapables de mettre de l’ordre en France ou à Paris. Ses efforts depuis au moins deux ans semblent vains, les manifestants ayant bloqué Paris presque tous les week-ends durant la période. Était-il nécessaire de mettre de l’huile sur le feu en citant Trotski dans une lettre de la Préfecture de police de Paris ? N’est-ce pas une ignoble provocation ? Didier Lallement voulait-il par là rappeler son passé au Ceres, un ancien courant du Parti socialiste lié à Jean-Pierre Chevènement dans lequel de nombreux anciens trotskistes étaient particulièrement actifs ?

On ne peut pas tout se permettre quand on occupe une telle fonction. On ne peut pas blaguer en citant le boucher Trotski qui a réprimé dans le sang les Ukrainiens, très loin de l’image gentillette brodée par ses suiveurs occidentaux après la Seconde Guerre mondiale. Juan Branco, ennemi autoproclamé de Lallement venu des beaux-quartiers de la capitale a lui aussi fait sourire, quand se justifiant sur ses années de cavalier « semi-professionnel », il n’a rien trouvé de mieux à dire que l’équitation était autrefois (il y a 10 ans, hein), une « discipline de pauvres » depuis pourrie par le dopage et le fric. Ces Trotskistes 2.0 sont à peu près aussi ridicules que leurs devanciers, aussi infatués et à côté de la plaque que le jeune Moscovici de la fin des années 1970 depuis devenu libéral-fédéraliste – au moins a-t-il conservé l’internationalisme !


On se prendrait même à rêver que le véritable Trotski, stratège impitoyable, ne se réveille pour les poursuivre de son courroux vengeur et expurger le parti de ces mauvais littérateurs. Avec leurs tweets ou leurs communiqués disruptifs, ils ne sont que les idiots utiles de la grande bourgeoisie mondialisée, n’en déplaise au révolutionnaire de bac à sable Branco !

Lettre ouverte à Houria Bouteldja, qui estime qu’«on ne peut être innocemment israélien»

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La journaliste Noémie Halioua © Hannah ASSOULINE

Chère madame Bouteldja,

Dans votre dernière missive publiée puis dépubliée par Mediapart, mais toujours accessible ici, vous défendez les responsables du lynchage de la première dauphine de Miss France, qui a osé dire ses racines israéliennes à la télévision. « Elle ne peut se présenter publiquement sans mesurer ce que l’identité israélienne représente pour des millions de Palestiniens », prétendez-vous. Cette affirmation résume vos vœux à quelques jours de la nouvelle année: que Mademoiselle Benayoum, et à travers elle tous les Israéliens, soient mortifiés par la honte de leurs origines et qu’ils fassent acte de contrition à chaque fois qu’ils ouvrent la bouche.

Miss Provence, lors de l'élection de Miss France 2021 au Puy du Fou © PIERRE VILLARD/SIPA Numéro de reportage : 00996753_000002
Miss Provence, lors de l’élection de Miss France 2021 au Puy du Fou © PIERRE VILLARD/SIPA Numéro de reportage : 00996753_000002

Plus fondamentalement, vous trouvez un tas de justifications à l’« antiisraélisme » qui n’exprime que « la haine ou le ressentiment du colonisé envers son colonisateur », c’est-à-dire le naturel revanchard d’un faible très gentil sur un fort très méchant. Vous omettez de dire – ou peut-être n’êtes-vous pas au courant – que c’est dans le cadre de la décolonisation que le peuple israélien fut lui-même libéré de la mandature britannique, qu’il dût lui-même faire usage de son droit à l’autodétermination et arracher son indépendance, après des siècles sous domination étrangère.

A lire aussi: Miss Provence et les antisémites

Pour clouer le spectacle, vous affirmez qu’« on ne peut être innocemment israélien », frappant tout israélien du sceau de l’infamie. Neuf millions d’âmes dépossédées de leur innocence pour le seul fait d’avoir ouvert les yeux à cet endroit du globe. Un exemple significatif de l’essentialisme indigéniste, intrinsèquement radical et réactionnaire, qui vous ramènerait, vous à votre Algérie natale. « Que Dreyfus est capable de trahir, je le déduis de sa race », lâchait en son temps Maurice Barrès pour commenter l’Affaire. Le crime, c’est l’identité elle-même, le crime c’est « la race » et pour ce crime il n’y a pas d’absolution possible.

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La militante politique franco-algérienne Houria Bouteldja

Alors, autant vous que vous le sachiez: vos vœux n’ont aucune chance d’être exaucés. Franchement, les Israéliens sont les champions de l’estime de soi, les as de l’amour-propre. Pour les côtoyer au quotidien, ils sont loin d’être d’avoir honte de ce qu’ils sont, (pour tout vous dire, ils n’ont même pas honte de sortir au supermarché en pyjama). Ils savent que l’idéal sioniste s’incarne avec imperfection, mais se battent pour le parfaire, et surtout, ils tentent, au milieu des roquettes et des appels au boycott, de cultiver une vie normale. Des pays de la ligue arabe ont fini par s’y faire, en enterrant la hache de guerre avec ce pays qui ne demandait qu’à leur ouvrir les bras. Les Émirats Arabes Unis, le Bahreïn, puis il y a quelques semaines le Maroc. Des États qui s’apprêtent, pour la première fois, à ouvrir des ambassades et établir des vols directs, pour découvrir ce peuple dont la pugnacité face aux épreuves force l’admiration, sinon le respect.

A lire ensuite: Le legs de Donald Trump au Moyen-Orient: les accords d’Abraham

Depuis le jour où ils ont déclaré leur indépendance, les Israéliens ont nourri une fierté contre laquelle les gens comme vous ne pourront rien. Dans le monde entier, ils brandissent ce drapeau avec l’étoile de David: depuis le plateau de l’Eurovision aux championnats du monde sportifs. Cette réalité est inaltérable. Disons même mieux: chaque nation devrait lever la tête et prendre exemple sur les Israéliens et leur façon d’affirmer leur identité, leur souveraineté, leur indépendance face au reste du monde. Par exemple, la France devrait se défendre de gens tels que vous, qui passent leur temps à l’insulter en attaquant un « racisme d’État » imaginaire, cet État qui vous a accueilli et qui vous paye – ou payait – grassement par le biais de l’Institut du Monde Arabe. Vous qui affirmez l’idée que la France est structurellement raciste, et qui illustrez parfaitement le fait que l’obsession d’Israël et la haine de la France sont les deux faces d’une même pièce.

Sionistement vôtre…

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2020: le triomphe des médicastres

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Manifestation à Nice contre les mesures sanitaires le 21 novembre 2020.© SYSPEO/SIPA Numéro de reportage : 00992052_000051

Petit cours de culture générale à l’intention des médicastres, des énarques et autres décideurs émasculés de la maison France…


Certaines décisions récentes m’ont fait comprendre que la bêtise magistrale de nos gouvernants ne procède pas d’une mauvaise intention, mais d’une abyssale inculture. Ne reculant devant aucune dépense pédagogique, j’ai donc décidé d’opérer un retour sur les fondamentaux. La suppression récente de l’épreuve de culture générale à l’entrée de Sciences-Po ne doit pas faire illusion : cela fait beau temps que les dirigeants qui sortent de ces filières à cooptation interne ont divorcé de la culture la plus basique. Mais rien n’est perdu.

Ô vous qui orchestrez le destin de la France, répétez après moi…

Comme on dit vulgairement : Άνθρωπος φύσει πολιτικών ζώον, l’homme est par nature un animal politique (Aristote, Politique, I, 2). Encore faut-il expliquer « politique ». Dérivé de πόλις, la ville, l’adjectif implique avant tout le côté grégaire de l’individu — et sa tendance à se rapprocher de ses semblables. Non pas au sens humain, mais au sens le plus endogamique.

À lire aussi, Jean-Paul Brighelli: Lectures pour une fin de civilisation: la Haine de la culture

Appartenant au même champ sémantique, la notion d’ἐκκλησία ne désigne pas à l’origine l’Eglise, mais l’Assemblée du peuple — à une époque où « populisme » n’était pas tout à fait une insulte. L’animal politique se réunit et se côtoie, échange des idées, participe à la discussion, et en vient enfin au vote. Ce faisant, elle use de tous les moyens pour séduire l’autre : le discours, mais aussi les expressions de visage, les mouvements du corps, le sourire, la grimace, l’arsenal complet des mimiques.

Comme vous interdisez tout rassemblement de plus de six personnes, et toute sortie passée 20 heures, pas de risque d’orgie, oh non ! [Les jeunes] ne mourront pas du Covid: ils mourront d’ennui, de frustration, et de vieillissement précoce!

Quand la Cité s’est christianisée, on a logiquement baptisé « église » le lieu où l’ensemble du peuple chrétien se réunissait. C’est si vrai que dans nos campagnes, dans le moindre village (vous savez, ces endroits hirsutes et inhospitaliers où les coqs chantent et les vaches paissent), la taille de l’église donne à tout coup une indication précieuse sur le nombre d’habitants de la commune à l’époque de la construction.

Et voici que vous avez décidé de supprimer l’essentiel de la conversation — cet art français de la guerre mouchetée. Vous imposez un masque : peut-être vous croyez-vous à Venise au XVIIIe siècle, quand le Carnaval durait six mois ? Vous imposez aux croyants de ne pas être plus de trente dans les cathédrales de Chartres, de Rouen ou de Reims. Par souci de préservation de la laïcité, sans doute…

Anéantissement scolaire d’une génération

Mieux : vous coupez le lien être parents et grands-parents, et jetez sur les enfants un regard soupçonneux. De toute façon, en huit mois vous avez anéanti scolairement une génération qui, je vous l’accorde, n’était pas bien brillante, grâce aux pratiques pédadémagogiques qui grâce à vous ont noyauté le système éducatif, mais qui pouvait peut-être se relever, avec un ministre intelligent et des profs talentueux — deux conditions de plus en plus improbables.

Masqués et marchant à distance les uns des autres, les élèves de l'école Simone Veil à Nice reprennent les cours le 12 mai 2020 © CHINE NOUVELLE/SIPA Numéro de reportage: 00961635_000009
Masqués et marchant à distance les uns des autres, les élèves de l’école Simone Veil à Nice reprennent les cours le 12 mai 2020
© CHINE NOUVELLE/SIPA Numéro de reportage: 00961635_000009

Et aujourd’hui, après avoir autorisé dans les EHPAD des produits qui ont raccourci la vie des personnes âgées, précocement tuées afin qu’elles ne meurent pas, vous voulez imposer aux survivants un vaccin que vous refusez pour vous-mêmes — pas si bêtes. Je me laisserai vacciner quand vous y serez tous passés, et que j’aurai la certitude qu’on ne vous a pas injecté du sérum physiologique.

L’instinct grégaire est, avec l’instinct sexuel et les réflexes de survie, un pilier de l’humanité. Vous prétendez l’abolir. Or entendez bien ce que disait Aristote : c’est « par nature » que l’homme est animal politique. Ce que vous préconisez, en suivant aveuglément les consignes d’un quarteron de toubibs encore plus ignares que vous, est à proprement parler antiphysique.

Fin de la liberté sexuelle

Quant à l’instinct sexuel… Dans un pays qui a inventé le libertinage, vous déconseillez d’aller chercher chaussure à son pied ailleurs que dans le lit nuptial — par souci moral, probablement… Les puritains se paient grâce à vous une seconde jeunesse.

Je parle moins pour moi (quoique…) que pour ces millions de jeunes gens que vous contraignez à la chasteté et à la masturbation. À l’âge de mes élèves, j’avais entre huit et dix amies en même temps : c’est en baisant qu’on devient baiseron. Mais vous ignorez sans doute cela, vous qui êtes nés pré-castrés.

Vous avez fermé ces lieux de convivialité essentiels que sont les bars et les restaurants — alors que s’y tiennent les premiers rendez-vous. Vous avez interdit les cinémas et les théâtres, ces lieux essentiels pour que la main de l’un navigue durant cinq interminables centimètres jusqu’à la main ou au genou de l’autre. L’amour sera conjugal ou ne sera pas — sauf que les jeunes gens n’en sont pas encore à la conjugalité, dont ils n’ont en général d’autre image que celle de leurs parents…

Et comme vous interdisez tout rassemblement de plus de six personnes, et toute sortie passée 20 heures, pas de risque d’orgie, oh non ! Ils ne mourront pas du Covid : ils mourront d’ennui, de frustration, et de vieillissement précoce.

Mettre à l’abri les mourants en congelant les vivants

Ma génération est passée à travers le SIDA sans grandes précautions — quitte à en payer le prix. Mais vous prétendez mettre à l’abri les mourants en congelant les vivants. Outre votre qualification méritée de meilleurs employés de l’année d’Amazon and Co, vous avez aussi droit à la reconnaissance des fabricants de godemichés.

Sauf que l’amour n’est pas seulement une question d’orgasme. En muselant tout le monde, vous prétendez interdire le baiser, qui est « Une façon d’un peu se respirer le cœur, Et d’un peu se goûter, au bord des lèvres, l’âme ! » Au safe sex promu par des peine-à-jouïr s’est ajouté le no-sex imposé par les pré-cocus que vous êtes.

Quant au réflexe de survie, le boire et le manger, vous en avez ôté tout ce qui en faisait le charme bien français — la bonne cuisine comme la haute gastronomie. Parce que vous ne manquez de rien à la buvette de l’Assemblée, vous vous gaussez de ceux qui, dans le petit matin frileux, cherchent désespérément un café pour se réchauffer. Ne riez pas, le mépris n’est pas un bon conseiller : rappelez-vous Louis XVI.

La peur pour politique

Et tout cela au nom de la vie — ou de ce succédané de vie qu’est la frousse. Quel exemple pour les générations montantes ! Les grands mécaniciens de la chose publique ont choisi la peur pour politique — la peur qui a pour effet, justement, d’éloigner les gens les uns des autres. Pensez-vous, ce faisant, diluer le peuple dans la trouille, comme on dissout le gras dans l’alcool ?

En fait, c’est à une extinction de la civilisation que vous vous livrez. Sans doute trouvez-vous qu’elle n’est pas assez mortellement atteinte, sous les coups de minorités qui ont leur propre agenda et rêvent du retour au désert.

Quant aux arguments économico-sanitaires que vous mettez en avant, vous comprendrez bien qu’ils peinent à convaincre. Le peuple (qui existe toujours, quoi que vous fassiez) trinque pendant que vos amis festoient à la Bourse, dont les cours n’ont jamais été si hauts.

À lire aussi, Élisabeth Lévy: Peur sur l’État

Méfiez-vous. À force de ravaler l’être humain vers l’animal, on finira par vous traiter vous-mêmes comme des animaux — des animaux dénaturés, hors sol, qu’il faudra bien se résoudre à mettre en cage quand l’enchantement médiatique qui est votre seul atout cessera de fonctionner. Pensez, il n’y aura bientôt plus de foot à la télé, et le pain quotidien est déjà hebdomadaire. Vous êtes seuls, laids et bêtes, et vous ne vous en êtes pas avisés.

Érection alpine

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Phallus géant en bois au sommet du mont Gruntën dans les Alpes bavaroises. © Kaj/Headshake

Un phallus géant en bois dominait fièrement les Alpes bavaroises jusqu’à fin novembre avant de disparaître… Sa présence aurait-elle dérangé des néo-féministes? 


Les velléités castratrices des néo-féministes tricolores ont-elles suscité des vocations outre-Rhin ?

Une castration mystérieuse

Bien que la région de l’Allgaü ne vous parle peut-être point, de jeunes randonneuses en short s’y prenaient en selfie il y a encore un mois, devant un phallus géant en bois. Érigée au sommet du mont Gruntën à 1738 mètres d’altitude, la sculpture dominait fièrement les Alpes bavaroises depuis quatre ans. Sa taille de deux mètres a-t-elle contrarié quelque esprit pudibond ?

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Toujours est-il que durant le dernier weekend de novembre, elle s’est volatilisée. « Quelqu’un a dû la scier pendant une opération menée de nuit ou dans le brouillard », a avancé à la presse allemande un dénommé Norbert Zeberl, propriétaire de « la cabane de Grünten ». Un châtiment douloureux pour la bourgade de Rettenberg, dont dépend le mont Grünten.

Coup dur pour la petite ville

Effondré, son maire centre-droit, Nikolaus Weißinger, a jugé « très dommage » la disparition de cette œuvre d’artiste inconnu, qui avait permis à sa paisible ville d’accéder à une certaine notoriété. Il n’a pas exclu qu’elle serait remplacée.

Afin d’être pleinement en symbiose avec son allié hexagonal, on serait tenté de lui suggérer de faire ériger un clitoris géant tel que celui en acier de l’université de Poitiers (volée déjà deux fois, cette sculpture de l’artiste britannique, Matthew Ellis, a été remplacée par une nouvelle en mars cette année).

Pour l’heure, sa commune n’en prend assurément pas le chemin : Rettenberger, la brasserie locale, vient de brasser la Grünten-Zipferl (littéralement « Grünten-Zizi »), une bière limitée en hommage au pénis castré.

Les progressistes “universalistes” sont les nouveaux snobs!

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Palais Royal, film de Valérie Lemercier (2005) © NANA PRODUCTIONS/SIPA Numéro de reportage: 00536468_000001

L’essence du progressisme, idéologie bourgeoise par excellence, c’est le snobisme.


Je suis tombé par hasard, ces derniers jours, sur la rediffusion par CNews du débat du 3 juillet entre Eric Zemmour et Raphaël Enthoven. Il était étonnant d’y constater à quel point l’universalisme affiché par Enthoven est, comme beaucoup de « valeurs » progressistes, une « valeur chrétienne devenue folle ». 

En effet, l’universalisme chrétien ne ressemble en rien à sa copie progressiste. Ce n’est pas une « abstraction plaquée sur la réalité » mais, au contraire, une réalité concrète et enracinée, un concept que les philosophes de gauche ne peuvent pas comprendre. Par exemple, l’Église affirme comme principe premier celui de la destination universelle des biens. Mais elle affirme, juste après, pour fixer les choses, le droit à la propriété privée (qui n’est pas, d’ailleurs, un « droit à l’égoïsme », mais un autre principe universaliste, centré sur la protection, essentielle, des proches et des familles). Les deux principes s’équilibrent et cet équilibre est plein de sagesse. L’arbitrage, si tel est le cas, doit se faire en faveur du premier, qui est plus important (c’est pourquoi l’Église valide la réquisition ou l’expropriation), mais le deuxième garde toute sa valeur.

La terreur du déclassement

En réalité, Enthoven est universaliste parce qu’il est un snob, au sens littéral du terme[tooltips content= »Snob est une contraction du latin « sine nobilitate », sans titre nobiliaire. Il a été repris par les fils de nobles, dans les prestigieuses écoles anglaises, comme Eton ou Cambridge, pour mépriser les enfants de la bourgeoisie lorsque, révolution industrielle aidant, ces derniers avaient obtenu le droit d’y avoir accès. Il désigne quelqu’un qui cherche à se distinguer du commun des mortels. Cf « Snob », Wikipedia. »](1)[/tooltips]. On le comprend à travers une pénétrante remarque attribuée à Colbert : « Il existe une catégorie de gens qui n’ont qu’une envie, c’est de devenir riches, et qu’une crainte, c’est de devenir pauvres ». Et il ajoutait, amusé et intéressé : « Ce sont ceux-là qu’il faut taxer ». Il avait, avant l’heure, défini, à travers cette description de la bourgeoisie, ce qu’on appellerait plus tard la classe moyenne. Il avait compris qu’elle était la plus malléable des catégories sociales, car hantée par deux terreurs, celle de ne pas parvenir à donner corps à ses ambitions (ce à quoi on ne parvient jamais), et celle de la déchéance, celle de retomber dans la plèbe de ses ancêtres.

Pour cette raison, l’instrument indispensable, qui lui permet à la fois de se positionner et de se rassurer, est le statut. Tout ce que dit ou fait le bourgeois, et en particulier dans sa catégorie la plus élevée, doit être empreint de statut, un statut suffisamment différenciateur et affirmé pour pouvoir dire aux catégories supérieures, auxquelles il s’identifie par avance, « je suis comme vous (ou presque) », et aux inférieures, celles de sa propre classe et celles du peuple, dont il doit absolument se démarquer : « je ne serai jamais comme toi ». 

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Ainsi, le fait de se déclarer comme pacifiste veut dire : « si la guerre éclate un jour, je n’en craindrai pas les effets (parce que je pourrai partir à l’étranger), toi oui ». Le fait de s’affirmer comme multiculturaliste veut dire : « je peux me permettre de mettre un genou à terre en hommage à Floyd parce que mon mode de vie, dans mes beaux quartiers, me protège des conséquences, pas toi ». En fait, la clef de lecture pour comprendre toute la pensée et les discours des intellectuels de gauche, c’est la terreur du déclassement. Le statut est pour eux une nécessité absolue, et le snobisme une seconde nature.

Le besoin de statut est, on a trop tendance à l’oublier, l’une des motivations les plus fortes qui soient. Bernard Arnaud l’a si bien compris que cette idée simple l’a hissé parmi les plus grandes fortunes du monde. Il a saisi que le succès phénoménal des grandes marques, vis-à-vis des nouvelles bourgeoisies planétaires en pleine expansion, n’était pas celui du luxe, mais du statut. À un certain moment, sur la route de la « réussite », lorsque le besoin de richesse est assouvi, le besoin de statut le remplace, et il est plus insatiable encore. Villas, voitures, voyages, vêtements, montres, titres, notoriété, amis, idées, expressions, c’est le statut qui positionne, bien plus que la fortune.

L’universalisme est une abstraction

L’universalisme des intellectuels de gauche est de cet ordre. Il est pour eux une façon de se démarquer, de se placer sur une « planète » abstraite où personne ne peut leur ressembler, sauf ceux qui sont construits au même moule et ont les mêmes ambitions. Attali, avec sa novlangue, est de la même veine. C’est pour ça que tant d’entre eux sont philosophes et pas historiens… Leur problème, c’est la réalité, parce que c’est là que sont les autres. Or l’expression : « comme les autres » leur donne des cauchemars…

Comme Enthoven (et comme Macron !), ils conçoivent aussi la République sans la France, sans la culture, sans les Français, et surtout sans le peuple. Ils tentent de croire à une nation abstraite. Ils veulent fabriquer une mayonnaise sans jaune d’œuf, parce qu’ils ne peuvent pas supporter qu’on leur dise qu’ils font partie du jaune. Évidemment, on peut mettre toute l’huile, celle de la « diversité », en particulier, et battre tout ce qu’on veut, ça ne marche pas… Ce serait bien qu’on le leur dise de temps en temps…

«Musulmans de France», Tabligh, Millî Görüs: exiger la liberté de conscience

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« Charte des valeurs »: le projet de texte préparé par le Conseil Français du Culte Musulman (CFCM) bloque sur la liberté de conscience. Trois des principales associations islamiques de France viennent de démontrer qu’elles n’ont pas leur place sur notre sol. En refusant de reconnaître la plus fondamentale de toutes les libertés garanties par la constitution, elles s’affirment comme des ennemies de la France.


Plus encore : par cette opposition à l’un des droits les plus absolus qui soient, elles se proclament ennemies de toute dignité humaine, où que ce soit. Ne pas les interdire, ne pas les combattre, c’est cautionner le totalitarisme théocratique et son cortège d’horreurs.

De quoi s’agit-il concrètement ? Comme l’explique Mohamed Sifaoui dans son excellent article pour le JDD, lors des travaux visant à élaborer un projet de « charte des valeurs » à soumettre au gouvernement, trois associations ont notamment refusé de valider la condamnation des idéologies hostiles à la Déclaration universelle des droits de l’Homme. Et il semble bien que, comme il y a vingt ans, l’un des points clefs soit la reconnaissance du droit à l’apostasie.

Le droit de changer de croyance

« Musulmans de France » (MF, l’ex-UOIF, très proche des Frères Musulmans), Foi et Pratique (le Tabligh), et le Milli Görüs (mouvement turc à la fois rival et complice des réseaux du néo-sultan islamiste Erdogan), tous trois soutenus sans surprise par L.E.S.Musulmans de Marwan Muhammad, confirment ainsi qu’ils voudraient refuser l’exercice de la liberté de conscience à nos concitoyens musulmans – et ne nous leurrons pas, à toute l’humanité s’ils en avaient le pouvoir.

Contrairement à ce que répètent à l’envie ceux qui édulcorent et trahissent la laïcité, l’enjeu n’est pas seulement le « droit de croire ou de ne pas croire », mais le droit de changer de croyance. Le droit non de pratiquer la religion de ses parents, mais de choisir sa religion – ou de décider de n’en avoir aucune – et le droit de changer d’avis, d’hésiter, de douter, de ne rendre compte à personne de son rapport intime avec le Divin et avec les croyances au sujet du Divin. L’enjeu, c’est que contrairement à ce que prétendent ceux qui assimilent la critique d’une religion à du racisme dans le but évident d’interdire cette critique, la religion demeure un choix, libre et responsable.

A lire aussi, du même auteur: Al-Sissi / Macron: loi de Dieu, loi des hommes

MF (et plus généralement les Frères Musulmans), le Tabligh et le Millî Görüs promeuvent des idéologies qui ne sont pas seulement contraire aux principes de la République, aux fondements de la France et aux valeurs de notre civilisation, mais à toute forme de civilisation digne de ce nom, ici ou ailleurs. Ce ne sont que des têtes différentes de cette hydre qu’est l’islam théocratique : tout compromis avec elles est une compromission avec l’abomination totalitaire.

Dans la quasi-totalité du monde islamique, l’apostasie est punie

Bien sûr, le mal est beaucoup plus profond que ces trois mouvements et leurs soutiens. Aussi, si les récentes déclarations de la Grande Mosquée de Paris permettent d’espérer, il convient de garder à l’esprit que ses motivations sont multiples, et de rester extrêmement vigilants.

Dans la quasi-totalité des pays musulmans, l’apostasie est punie par la loi : prison, perte totale ou partielle des droits civiques, confiscation des biens, annulation des mariages, et dans 10 pays au moins le code pénal prévoit même la peine de mort (Afghanistan, Arabie Saoudite, Brunei, Émirats Arabes Unis, Iran, Malaisie, Maldives, Mauritanie, Qatar, Yémen), sans compter ceux qui parviennent au même résultat en assimilant l’apostasie à un blasphème et punissent de mort le blasphème (on pense notamment au Pakistan).

On remarquera, et c’est fondamental, que l’islam est aujourd’hui la seule religion au monde au nom de laquelle des états criminalisent ainsi l’apostasie. La seule. Et ce refus acharné de reconnaître la dignité humaine n’est pas marginal : au sein du « monde musulman », il est la généralité, la norme.

Ainsi, l’actuel Grand Imam d’Al-Azhar (qui ne représente évidemment pas l’islam dans son ensemble, mais que dont nul ne peut prétendre qu’il n’aurait « rien à voir avec l’islam ») rappelait en 2016 que les quatre grandes écoles juridiques de l’islam sunnite sont unanimes pour prévoir la condamnation à mort des apostats. Et il refusait de se désolidariser de cette unanimité, esquivant depuis les questions à ce sujet en prétendant qu’elles seraient sans intérêt.

Si en France certains courants de l’islam trouvent la force de s’arracher à ce poids terrible et de reconnaître enfin, sans la moindre ambiguïté, le droit à l’apostasie, tant mieux ! Ce sera une chance pour l’islam de devenir une véritable religion, et non un obscurantisme étouffant. Une chance pour l’islam de ne plus servir un dieu-tyran pervers, mais un dieu respectueux de la dignité et de la liberté des êtres. Une chance pour l’islam de comprendre que la foi n’est pas affaire de croyance mais de confiance, et que la confiance – comme le respect ou l’amour – ne se commande pas, et ne peut exister que si elle est libre, librement donnée.

Être lucide sur notre erreur passée, entamer un rapport de force difficile

Aujourd’hui plus que jamais, toutes les religions doivent s’emparer de ce sujet. Si elles ne le font pas, elles se détournent de leur objet véritable : le refus de la liberté de conscience et de pensée, tout comme le refus de la critique éthique et rationnelle, condamne une religion à n’être plus qu’une idolâtrie d’elle-même. Si elles ne le font pas, elles se rendent complices des bourreaux de ceux qui, nés dans une famille d’une autre confession, entendent pourtant l’appel de leurs dieux – et par là, elles trahissent les dieux qu’elles prétendent servir. Je pense bien sûr en premier lieu au Pape François, fier de se présenter comme l’ami d’un Grand Imam qui cautionne la mise à mort des musulmans voulant se tourner vers le Christ : on est bien au-delà du simple paradoxe ou de la naïveté.

A lire aussi, Renée Fregosi: Contre l’islamisme: pas de «tenaille identitaire» qui vaille!

Le gouvernement français peut aujourd’hui réparer la grave erreur de jadis, lorsqu’en 1999/2000 on accepta de supprimer de la charte du futur CFCM l’obligation de reconnaître le droit de changer de religion – déjà cette question fondamentale de l’apostasie. Les mises en garde de Leïla Babès et Michel Renard se sont avérées depuis d’une terrible lucidité, et d’une douloureuse exactitude. À l’époque, la complaisance de l’État était une erreur. Majeure et aux funestes conséquences, mais sans doute de bonne foi. La répéter aujourd’hui serait en revanche une faute : stratégique, politique, morale.

Interdire sur notre sol MF, le Tabligh, le Millî Görüs et tous les courants de l’islam qui refuseront de  défendre le droit à l’apostasie – ainsi que leurs multiples soutiens et affidés – exigera un véritable rapport de force. Il y aura contre nous des campagnes de dénigrement bien pires que tout ce qui a suivi la mort de Samuel Paty et notre réaffirmation de la liberté d’expression. On nous accusera « d’islamophobie » et de « racisme anti-musulmans », alors que justement l’appartenance religieuse n’est pas un caractère hérité mais un choix, et que nous ne ferons rien d’autre que proclamer que les musulmans, comme tous les citoyens, comme tous les êtres humains, ont droit à la liberté de conscience. Certains pays diffuseront la haine de la France, le risque d’attentats jihadistes sera accru et beaucoup de nos « alliés » resteront spectateurs, paralysés par le soi-disant progressisme, qu’on l’appelle « woke », décolonial, politiquement correct, peu importe. Ce sera difficile, par moments épuisant, assurément dangereux, mais la liberté est à ce prix. Et ne rien faire serait, à moyen et long terme, infiniment plus dangereux encore.

« Il n’y a pas de bonheur sans liberté, il n’y a pas de liberté sans courage » disait Périclès. Face à un totalitarisme aux ambitions mondiales, le choix est simple : se soumettre ou combattre.

Islamophobie: Intoxication idéologique

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Robert Hossein et le théâtre populaire

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Robert Hossein en 2007 © LYDIE/SIPA Numéro de reportage: 00539219_000008

J’ai rencontré Hossein deux ou trois fois. C’était en 1987, il montait Kean, de Sartre et Alexandre Dumas, au théâtre Marigny. Nous avions eu l’idée, avec mes deux acolytes, Jean-Luc Rispail et Christian Biet, de proposer à Gallimard une nouvelle collection intelligente pour les jeunes, des textes de fiction ou de théâtre commentés par des personnalités contemporaines. Kean était une merveilleuse ouverture pour une telle collection, Pierre Marchand, qui dirigeait alors Gallimard-Jeunesse s’était enthousiasmé à l’idée. C’est ainsi que nous rencontrâmes Hossein.

Bien sûr, j’avais vu plusieurs pièces montées ou jouées par lui. À commencer par Pas d’orchidées pour Miss Blandish, le roman de James Hadley Chase adapté par Frédéric Dard, qui collaborait depuis longtemps avec Hossein : le metteur en scène y jouait l’abominable Slim Grisson, dans une esthétique très empruntée au cinéma, avec des « arrêts sur image » impressionnants.
Pas de quoi faire se pâmer les intellos du Monde. Michel Cournot descendit en flammes l’adaptation de Kean, qui marquait le grand retour de Belmondo sur les planches.

Le théâtre de Hossein a constamment déplu à ces critiques qui pensent aujourd’hui que Wajdi Mouawad est le sommet de l’art théâtral. Ses grandes machines historiques — le Danton et Robespierre par exemple, présenté au Palais des Congrès en 1979 — avec les acteurs disséminés dans la salle, interpellant tel protagoniste imprudemment monté sur scène, défrisaient les poils occultes des éminences littéraires.

Hossein en était peut-être blessé, mais il en avait pris son parti, et il se contentait d’être un metteur en scène immensément populaire, au meilleur sens du terme.

Comme il aimait être un acteur populaire, comme Belmondo a pu l’être lui aussi. Il aimait avoir été Geoffroy de Peyrac, balafré et sombre, dans la série des Angélique. Ou le voyou nonchalant du Repos du guerrier. Ou ce salopard de commissaire Rosen qui fomente des complots contre Belmondo, justement, dans le Professionnel.

La disparition de celui qui fut le compagnon de Marina Vlady quand elle était la Princesse de Clèves marque la fin d’une époque, où l’on pouvait aller au cinéma ou au théâtre sans se demander ce qu’en penseraient Libé ou Olivier Véran. Hossein était très beau tout en ayant une gueule, comme on dit. La voix légèrement embrumée, le regard noir et amical, la direction d’acteurs précise et efficace. En tous points, un grand bonhomme. Il ne manquait que ça à l’année 2020 pour être vraiment annus horribilis, comme disait jadis Elisabeth II.

PS. La collection finalement ne s’est pas montée. L’héritière de Sartre, Arlette Elkaïm, n’a pas souhaité que l’on prostitue un texte de son père adoptif dans une collection pour mômes. Pauvre petite crétine. Du coup, nous avons monté pour Gallimard la collection Découvertes, qui n’a pas mal marché, ma foi.

En vœux-tu, en voilà!

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Cette fin d’année 2020 s’accompagne, comme toutes les autres, de la longue litanie des vœux. Mais cette fois, on se souhaitera du bien à distance tant qu’on n’est pas vacciné!


On pourrait se dire qu’en cette période de catastrophes en tous genres nous serions épargnés par la litanie des vœux. Eh bien non. On nous souhaite d’autant plus de choses que personne n’y croit plus! La phrase fétiche qui était déjà un leitmotiv pénible, va devenir un cri collectif de ralliement : « Et puis surtout bonne santé, hein ! Tant qu’on a la santé…  » Suit alors un exposé narratif de ceux qui dans l’entourage de votre interlocuteur n’ont pas eu cette chance d’avoir vu se réaliser le « Bonne Santé » de l’année dernière… sans oublier la covid qui alimente le sujet à l’infini.

Le rituel incontournable des vœux va devenir d’autant plus prolixe qu’il faut pallier les frustrations festives. On va compenser en se souhaitant des trucs à distance.

3… 2… 1… Bonne année !

Pour vous entourer, tous ceux qui vous veulent du bien vont l’exprimer par des mails en série, jusqu’à saturation de votre boîte. Il en sort de partout. Je suis déjà étouffée de messages de gens qui le reste de l’année me manifestent une certaine indifférence sans aucun témoignage particulier de leurs bonnes intentions, mais qui soudain me veulent du bien. Le pire, c’est qu’il faut rendre la pareille !

Sophie de Menthon © SdM
Sophie de Menthon © SdM

Cette inflation affective me met de fort méchante humeur. Je nourris en particulier une véritable vindicte envers ceux qui dans un souci d’efficacité inversement proportionnel à la proximité de nos relations, envoient de leurs portables des mailings de SMS: un CLIC et leurs 358 « contacts » en mémoire (c’est le nouveau mot pour amis) m’inondent de souhaits dégoulinants identiques, de préférence le matin du 25 ou du 31 pour faire croire que vous êtes au centre de leurs préoccupations à cet instant précieux.

Carte de l’ancien monde ou carte virtuelle?

Nouvelles technos obligent, vous aurez personnellement le choix entre un « e-mailing » avec carte virtuelle animée que vous balancez à tout le monde, ou du sur-mesure avec photos de l’équipe au bureau qui n’est pas en télétravail. Si vous avez un réseau social pro ou privé important, vous ne vous souviendrez absolument pas de qui a dégainé le premier mail: est-ce lui qui répond à vos vœux? Ou bien est-ce à vous de lui répondre? Votre correspondant se pose la même question et on se renvoie des vœux en ping-pong jusqu’à trois ou quatre fois de suite…

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À l’écrit, la « carte de vieux » en papier reprend du galon : primitif Italien de Vierge à l’Enfant pour la droite tradi… Photo de nature pour la tendance verte… Carte UNICEF avec bonne conscience assurée… Ou encore l’horrible décor pailleté sur lequel il faut signer, voire faire signer tous ceux qui vous entourent! Souvenez-vous de l’époque exquise où l’on mettait toutes les cartes sur la cheminée ou l’étagère… Mieux: on élisait la plus belle carte. La popularité se mesurait alors au nombre de cartes reçues. C’est l’ancêtre du nombre de followers, quand on y réfléchit… 

Cette année, il ne vous reste plus qu’à jouer sur tous les médias. Sinon vous culpabiliserez de répondre par un simple mail à celui qui a dépensé 3,20€ la carte (le prix est marqué derrière) plus un timbre, juste pour votre bonheur en 2021.

En face à face, cette année, c’est plus compliqué

Tout cela va durer des semaines, sans preuve d’une quelconque efficacité scientifique sur la santé, le bonheur ou l’efficacité du vaccin, mais le principe de précaution veut qu’on n’y déroge pas!

Et puis il y a aussi le face à face – distancé – on ne s’embrasse pas, on dégaine masqué avec force décibels – à cause du masque – c’est à celui qui crie le premier « bonne année » !  Il faut renchérir très vite, le temps est compté. On attendra aussi ce soir les vœux traditionnels du président de la République qui doit être échaudé de ceux de l’année dernière: aura-t-il meilleure mine ? que va-t-il nous annoncer encore ? Franchement c’est à lui qu’il faut souhaiter bonne chance ! On en profiterait tous…

Jeune pangolin de Thaïlande. © Yingboon Chongsomchai/ ZSL/ Cover/ SIPA
Jeune pangolin de Thaïlande.
© Yingboon Chongsomchai/ ZSL/ Cover/ SIPA

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Tout cela va durer un mois, au-delà il y a péremption; mais rassurez-vous, c’est entrecoupé par la galette des rois (pas encore celle des reines: mais que font les féministes? quid de l’écriture inclusive?) La covid risquant de contaminer la fève et ses adeptes, on se dirige encore vers des frustrations ou une galette virtuelle… Mais je suis sûre que les boulangers cogitent.

Je profite de cette occasion pour vous présenter tous mes vœux les plus sincères (forcément) et ceux de Causeur pour la nouvelle année! Et même pas la peine de me répondre, je ne vous en voudrai pas…

Géographie: la carte maîtresse

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L'Atlas Catalan (partie occidentale), 1375. © The Library of Congress

Dans Les Défricheurs du monde (Le Cherche-Midi), un ouvrage richement illustré, Laurent Maréchaux parcourt trente siècles de cartographie et dresse le portait de géographes qui ont inventé le monde.


 Au commencement, il y aurait la carte, que l’on confondrait avec le territoire. C’est l’histoire du collégien, le regard fasciné par les mappemondes colorées suspendues au tableau, ces cartes que l’on recherche encore chez les brocanteurs, qu’elles viennent de chez Hatier, Deyrolle ou Armand Colin. Le chineur, comme votre serviteur, qui se livre à cette chasse nostalgique, apprend ainsi que la carte n’est jamais qu’un moment de l’histoire, que les pays comme les saisons changent de noms, que les frontières s’abolissent ou renaissent.

La chambre des cartes

Le jeune Baudelaire, avant de se rendre à l’île Maurice ou en Hollande, est cet « enfant amoureux de cartes et d’estampes ». Le Rimbaud du Bateau ivre, qui veut « heurter d’incroyables Florides », termine marchand d’armes à Harar. Laurent Maréchaux exprime la même passion et a suivi le même chemin que « ces géographes qui ont dessiné la Terre », sous-titre des Défricheurs de monde. Une fois achevées ses études de droit et de sciences politiques, préférant le voyage à l’écriture, il a décidé de confronter son amour des cartes à la réalité du terrain. Il s’est fait exploitant forestier en Amérique du Nord, a parcouru un bout de chemin avec les moudjahidines en Afghanistan dans les années 1980, il a sillonné le Kenya, l’Indonésie puis a passé le cap Horn à la voile. Il aurait pu y croiser le regretté Jean Raspail, à la recherche des royaumes perdus de Patagonie.

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Les Défricheurs du monde est ce qu’il est convenu d’appeler un « beau livre ». L’iconographie est somptueuse, une véritable « chambre des cartes » comme il en existait à bord des navires ou des forteresses, ces lieux où se pensent les itinéraires et les batailles et où se retrouvent les personnages du Rivage des Syrtes, le chef-d’œuvre de Julien Gracq qui, de son vrai nom, s’appelait Louis Poirier et exerçait, ce n’est pas un hasard, le métier de professeur de géographie. Sauf que Maréchaux ne nous offre pas seulement un bel objet, mais aussi une réflexion documentée sur les métamorphoses de la géographie à travers les âges et les civilisations, et d’en montrer les enjeux pour mieux illustrer le propos de Michelet : « L’histoire est d’abord toute géographie. »

Le bouclier d’Achille

Le père de la géographie est notre maître à tous, Homère, c’est-à-dire à la fois un poète et l’auteur des deux récits fondateurs de notre culture : L’Iliade et L’Odyssée. Considérer, comme le fait Maréchaux, Homère comme le premier géographe, c’est admettre que l’histoire se confond avec la légende. On retrouvera dans ce livre, une reproduction du fameux bouclier d’Achille, dessiné en 1827 par Giulio Ferrario. Ce bouclier est décrit au chant XVIII de L’Iliade. Il est forgé par Héphaïstos et montre en cercles concentriques « La terre, le ciel, et l’onde marine, l’infatigable soleil et la lune dans sa plénitude, et tous les astres dont le ciel se couronne. » On y voit même les mortels, avec leurs vignobles et leur bétail. Mais Homère fait aussi du périple d’Ulysse une géographie en marche qui se crée au fur et à mesure de l’errance des marins perdus.

Victor Bérard, le plus célèbre des traducteurs de L’Odyssée, s’efforce de faire correspondre les grandes étapes du retour incertain d’Ulysse avec la réalité géographique moderne. Il multiplie les hypothèses : la terre des Lotophages correspond-elle à Djerba ? Le pays des Cyclopes est-il la baie de Naples ? Les Lestrygons vivaient-ils en Sardaigne ? En 1849, un certain Oscar McCarthy grave sur bois Le Monde d’Homère, mais c’est surtout le célèbre Vidal de La Blache (1845-1918) qui établit un itinéraire d’Ulysse à partir de cartes contemporaines. C’est qu’à l’autre bout de la chaîne des Défricheurs du monde, Vidal de La Blache est le premier des géographes universitaires. Le besoin s’en fait sentir dans la France de la IIIe République née de la défaite de 1870. La France, amputée de l’Alsace-Lorraine, veut se rassurer sur son espace, se représenter sa nouvelle place dans le monde alors que naît son empire colonial. Vidal de La Blache a aussi connu l’émerveillement des voyages, mais c’est pour mieux cartographier notre pays sous toutes ses coutures, géologiques, économiques et surtout administratives dans son Atlas, classique de 1894 qui fournit tant de cartes scolaires, et notamment celle des départements en montrant ceux de l’Est sous la couleur violette du deuil.

Aristote : la Terre est ronde

Entre Homère et Vidal de La Blache, Laurent Maréchaux nous fait rencontrer une bonne quinzaine de géographes. Ce sont d’abord, après Homère, les Grecs qui se taillent la part du lion et qui contribuent pour beaucoup à cette approche pluridisciplinaire du monde qui est, aujourd’hui encore, au cœur de la géographie. Hérodote, bien sûr, qualifié par l’auteur de « reporter géographe », mais aussi Aristote qui en fait un outil philosophique pour comprendre l’univers, ou encore Ptolémée qui introduit les mathématiques et aboutit aux mêmes conclusions qu’Aristote : la Terre est ronde.

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On peut sourire à l’idée du renouveau, notamment aux États-Unis, des théories « platistes » qui font partie de l’arsenal de tout bon complotiste. On oublie ainsi qu’à l’exception des géographes arabes et chinois, le Moyen Âge a renié les découvertes de l’Antiquité, avant que le pragmatisme marchand, qui a besoin de certitudes pour ses routes maritimes, pousse par exemple un Martin Behaim (1459-1507), négociant allemand, navigateur et cartographe, à se mettre au service du roi du Portugal ; puis à concevoir, avec l’aide de nombreux artisans, le globe « Erdapfel » – en allemand, littéralement, la « Terre-pomme » –, qui consacre la rotondité de la Terre pendant que les autorités religieuses font semblant de regarder ailleurs. Travail complété à la génération suivante par le Flamand Mercator, inventeur de la projection sphérique. En mettant « à plat » le globe de Behaim, il crée les premiers atlas modernes avec leurs fuseaux horaires.

Entre économie et écologie

La géographie est devenue une grande fille. On la place donc au service de l’économie avec Turgot, ministre de Louis XVI qui met au point le cadastre. Nous sommes loin de l’émerveillement homérique et on nous permettra de préférer, pour rêver encore, Élisée Reclus (1830-1905) ancien communard anarchiste, auteur d’une monumentale Nouvelle Géographie universelle respectée même de ses adversaires idéologiques, qui déclarait bien avant les écologistes : « Parmi les causes qui dans l’histoire de l’humanité ont fait disparaître tant de civilisations, il faudrait compter en première ligne la brutale violence avec laquelle la plupart des nations traitent la Terre nourricière. »

Les Défricheurs du monde: Ces géographes qui ont dessiné la Terre

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« Les Sept mercenaires », dernier western classique

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Yul Brynner et Steve McQueen, Les Sept Mercenaires (1960). © RONALDGRANT/MARY EVANS/SIPA Numéro de reportage: 51409328_000011

Les Sept mercenaires (The Magnificent Seven) de John Sturges (1960) n’est-il pas le dernier western de facture traditionnelle?


Ce film reprend la trame narrative du chef-d’œuvre Les Sept samouraïs tourné par Akira Kurosawa en 1955. Le film du cinéaste japonais contait la lutte d’un village de paysans pauvres, aidé par sept guerriers aguerris, des samouraïs, hantés par leur désir de mourir pour se racheter de leur conduite passée, contre une horde de bandits malfaisants.

Humaniste et mélancolique

La version de John Sturges transpose ce récit très oriental dans un Far West magnifié par les superbes paysages mexicains, secs et solaires, filmés en cinémascope par l’excellent chef-opérateur Charles Lang Jr.. Les sept mercenaires sont recrutés par trois paysans mexicains dont le village est sans cesse rançonné par une bande de hors-la-loi menée par un chef cruel. Si le film, parfois décrié, semble dans l’esprit de nombreux critiques et de cinéphiles moins inspiré que son modèle, il a néanmoins reçu un accueil public considérable et selon moi justifié (sept millions d’entrées rien qu’en France à sa sortie en 1961). II s’avère de fait un très beau remake où le choix de la justice, le sens du devoir et de l’honneur donnent aux parcours de ces sept hommes (qui payent cher leurs choix) une grande force humaniste teintée de mélancolie.

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Ce western crépusculaire se laisse voir et revoir avec un immense plaisir, car c’est un film dont il faut souligner la beauté, l’élégance et l’efficacité de la mise en scène de John Sturges, cinéaste qui signa les superbes Fort Bravo (Escape from Fort Bravo 1953), son chef-d’œuvre, Un homme est passé (Bad Day at Black Rock 1954), Règlements de comptes à OK Corral (Gunfight at the O.K. Corral 1957) et Le Dernier train de Gun Hill (Last Train from Gun Hill 1958), entre autres.

Les mercenaires fraternels

La force et l’émotion de l’œuvre sont dues au talent émérite des huit grands acteurs qui interprètent les rôles principaux. Pour les sept personnages des mercenaires : Yul Brynner (Chris Adams, le chef de la bande, beau, viril, droit et déterminé, notre photo), Steve McQueen (Vin, malicieux et élégant, est résolu et ironique), James Coburn (Britt, sec et dur, est le champion du lancer de couteaux), Charles Bronson (Bernardo O’Reilly, émouvant et drôle est un métis courageux et tendre), Robert Vaughn (Lee, un vétéran nerveux, est hanté par son passé et le Mal), Brad Dexter (Harry Luck, un gangster sympathique, est un peu trop cupide mais très serviable), Horst Buchholz (Chico, un jeune mexicain fougueux et généreux, est un admirateur des héros de l’Ouest américain) et dans le rôle du chef des bandits mexicains, Eli Wallach (Calvera, sans morale, est un homme pervers, brutal et sans pitié).

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Portés par la musique superbe, ample, poignante et triste d’Elmer Bernstein (voir notre vidéo plus bas), les sept mercenaires au grand cœur, des hommes solides, vaillants, courageux et volontaires vont payer de leur vie pour certains ou de la solitude du héros incompris leurs choix et comportements très humains et fraternels.

Les Sept Mercenaires est une histoire éternelle et mythique sur la révolte d’une poignée d’hommes déterminés contre l’injustice et la tyrannie des mauvais. Sept hommes aux caractères très différents qui se comportent en héros face au danger, foncent et sauvent des hommes, des femmes et des enfants au péril de leur vie. Aux derniers vivants, il reste honneur et rédemption.

Un des derniers westerns classiques

Film emblématique, il reste l’un des meilleurs westerns du cinéma qui annonce, par les caractères, comportements et démarches de ses acteurs, l’utilisation de la musique et sa sur-mise en scène des situations classiques du western, la fin du genre et la naissance du western-spaghetti. Ainsi Eli Wallach jouera dans Le Bon, la brute et le truand, Charles Bronson sera l’homme à harmonica dans Il était une fois dans l’ouest et James Coburn, le révolutionnaire irlandais de Il était une fois la révolution, tous signés Sergio Leone.

Les Sept mercenaires, vraisemblablement le chant du cygne du western classique de Hollywood… que Clint Eastwood revisitera plus tard, demeure un magnifique sur-western mélancolique.

Les Sept mercenaires un film de John Sturges – États-Unis – 1960 – 2h08
Interprétation: Yul Brynner, Steve McQueen, James Coburn, Charles Bronson, Robert Vaughn, Brad Dexter, Horst Buchholz, Eli Wallach…