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La démonisation de Poutine appelle l’angélisation de Navalny


Pour la première fois depuis l’arrivée de Poutine au pouvoir, la possibilité d’un changement est incarnée par Alexeï Navalny. Pour Jean-François Colosimo, grand connaisseur de la Russie et de son âme, c’est la raison de la réaction violente du « système russe », cette structure de pouvoir oligarchique qui gouverne le pays et dont Poutine n’est que le point focal.


Causeur. Alors que le procès Navalny provoque d’importantes manifestations en Russie, assiste-t-on selon vous à un tournant ?

Jean-François Colosimo. L’événement est aussi indéniable que son lendemain indécis. Il tient d’abord à la cristallisation de passés proches et lointains qui sont propres à la Russie. À en faire une épiphanie de la mondialisation des esprits, on en rate l’essentiel. Les manifestants qui défilent ne se veulent pas moins des tenants de l’idée russe que les miliciens qui les répriment. À l’image d’Alexeï Navalny qui n’a rien d’un occidentaliste et tout d’un slavophile, mais postmoderne. Ce dont atteste son retour, contre toute raison. Son combat, à tous risques, contre le mensonge généralisé rencontre le sentiment des classes moyennes mais, plus profondément encore, réveille le culte russe du sacrifice pour la vérité.

Jean-François Colosimo. Vient de paraître en poche : "L’Apocalypse russe : Dieu au pays de Dostoïevski", Lexio, janvier 2021 © Photo HANNAH ASSOULINE
Jean-François Colosimo. Vient de paraître en poche : « L’Apocalypse russe :
Dieu au pays de
Dostoïevski », Lexio,
janvier 2021 © Photo HANNAH ASSOULINE

En somme, vous ne croyez pas au caractère rationnel de sa popularité. Cherchez-vous à minimiser son rôle ?

Non. Son intelligence et son courage sont incontestables. Mais son aura héroïque, conquise de haute lutte, ne saurait gommer son activisme politique, marqué par une décennie de zigzags. Alexeï Navalny a d’abord navigué entre les forces classiques d’opposition, allant du libéralisme d’un Grigori Iavlinski au républicanisme d’un Boris Nemtsov en passant par le centrisme d’un Alexandre Lebedev, l’ancien guébiste devenu milliardaire qui l’a fait nommer, un temps, au conseil d’administration d’Aeroflot. Cette nébuleuse est composée d’ex-gorbatchéviens et d’ex-eltsiniens qui, avec les oligarques première manière, ont été chassés du pouvoir par Poutine. Navalny a comme atouts de ne jamais l’avoir exercé et de partager les mœurs des jeunes générations. Il a su substituer la puissance mobilisatrice des réseaux sociaux à l’impuissance militante des appareils traditionnels, l’émotion à la critique, la rue à la Douma. Ce qui lui permet d’entrer spontanément dans l’antique galerie russe des figures providentielles.

Vous le renvoyez à la génération nouvelle tout en le disant moins nouveau qu’il n’y paraît. Vous reconnaissez son combat pour les libertés et soulignez son flottement idéologique. Comment, dès lors, le définiriez-vous ?

Il y a un fait qui tranche avec son apparente indifférence aux idéologies. Il a cofondé « Narod », le « Parti du peuple », qui avait vocation à rassembler les franges souverainistes d’extrême gauche et d’extrême droite, et qui cimente la Marche russe, la rencontre annuelle des organisations nationalistes, dont il a repris les slogans anti-immigrés. Finalement, il est revenu à son axe initial, apparu dès 2009, redevenant le dénonciateur solitaire de la déliquescence des classes dirigeantes. Par-delà l’ignominieuse propagande officielle à son sujet, il reste que, selon les catégories en vogue, Alexeï Navalny coche de nombreuses cases du « populisme ». Ce qui ne devrait pas laisser d’interroger. Mais par méconnaissance ou par mépris, ceux qui blâment cette mouvance ailleurs l’exonèrent en Russie.

Ce « populisme » à la russe serait-il en soi un mal ? N’est-il pas, d’une certaine façon, adapté à la situation russe ?

L’impasse institutionnelle est telle que la conjonction des colères, des frustrations, des épuisements, demeure l’unique levier de contestation. Le phénomène Navalny ne devrait pas empêcher d’interroger la méthode Navalny. D’une part, son usage intensif d’internet, concentré sur la divulgation bienvenue des scandales d’État, lui vaut un plébiscite viral, quoique virtuel, de justicier plutôt que de dirigeant. D’autre part, sa tactique perturbatrice du « vote intelligent », le fait de se reporter sur le candidat le mieux placé, quel qu’il soit, afin de barrer la route au candidat officiel, peine par définition à dégager une stratégie électorale cohérente. Animer une protestation et construire une opposition, ce n’est pas la même chose. On peut se demander d’où vient le premier rival effectif de Poutine, il faut surtout se demander où il va.

Pour nos médias, la cause est entendue. Alexeï Navalny est le « défenseur de l’État de droit ». Pourquoi ?

D’abord, par effet d’encombrement théorique : la case populisme est déjà occupée par l’autocrate qui réside au Kremlin. Ensuite, par effet de compensation manichéenne : la démonisation de Poutine appelle l’angélisation de Navalny. Enfin, par effet de réassurance narrative : le progrès universel suit son cours. Plus simplement et plus radicalement, l’opposition a désormais un nom et un visage. Poutine lui-même, qui feignait magiquement de l’ignorer, doit en admettre l’existence. Altérité, alternative, alternance : l’irruption personnifiée de cette hypothèse a suffi à ébranler le système de certitude univoque sur lequel reposait l’actuel pouvoir. D’où son état de sidération, de confusion et de surréaction. De cette fêlure, Alexeï Navalny est indubitablement l’icône, à la façon d’Hollywood pour les Occidentaux, mais à la manière de Byzance pour les Russes. Il incarne le Golgotha du peuple souffrant.

Précisément, vous évoquiez la nécessité de se référer au passé récent pour comprendre l’événement.

L’événement Navalny ratifie la lente mais menaçante dégradation des fondamentaux du régime depuis 2005 sous le poids de répétitions sans résolution. Au cycle des interventions militaires, ouvertes ou occultes, dans les anciennes marches impériales, a succédé le spectre angoissant de l’enlisement. Au fur et à mesure des éliminations politiques, des « traîtres » aux organes d’État aux opposants aux mensonges du Kremlin, s’est imposée l’image d’une spectaculaire inefficience. Au rythme des répressions collectives, de la punition des manifestants à la persécution des réfractaires, est advenue l’évidence de l’impossibilité de l’endiguement. Le recours à la violence maximale, au besoin arbitraire et cruelle, n’intimide plus. Erdogan apparaît à Bakou, Navalny réapparaît à Moscou et les jeunes jetés en prison par la milice en ressortent insurgés. Or, un pouvoir autoritaire est d’autant plus démuni pour traiter sa vulnérabilité qu’il croyait imparable son système de dissuasion.

Voilà qui explique l’évolution des dernières années. Mais vous semblez penser que Navalny est une des incarnations de l’âme russe éternelle…

Dans l’imaginaire, Navalny s’apparente au revenu d’entre les morts, ce qui n’est pas rien au pays de la Pâque orthodoxe, de l’épopée résurrectionnelle de Dostoïevski, mais aussi de la garde de Lénine dans son mausolée. Le récit national, en parallèle, exalte le dissident surgi des limbes pour se faire le guide des foules : ainsi, au xviiie siècle, le rebelle Pougatchev dépeint par Pouchkine dans La Fille du capitaine. Enfin, historiquement, existe le précédent du pope Gueorgui Gapone, l’orateur et l’organisateur des premières pétitions et processions pour l’égalité et la liberté qui préparent la révolution de 1905 : lui aussi sera banni de Russie et y retournera en bravant la police secrète avant d’être assassiné. Gapone a pour adversaire déclaré Konstantin Pobiedonostsev, le ministre des Affaires religieuses, le défenseur de l’autocratie au nom du triptyque « Orthodoxie, État, Patrie » et l’excommunicateur de Tolstoï qui l’avait brocardé dans Anna Karénine. Cette partition se rejoue aujourd’hui, soulignant la difficulté russe à concevoir la démocratie autrement qu’un paradis ou un enfer, l’impératif de la fraternité demeurant métapolitique, d’ordre métaphysique.

Faut-il en déduire que le mouvement puisse s’embraser et le « nouveau tsar » être renversé ?

C’est une autre erreur commune de ne pas voir en Vladimir Poutine le point focal d’un vaste ensemble oligarchique aux cercles multiples et contradictoires. Le noyau originel des Pétersbourgeois perdure, les mariages croisés entre leurs enfants assurant sa cohésion clanique ainsi que sa mainmise durable sur l’appareil financier et économique. Le bras armé de l’appareil sécuritaire est également fiable, car l’enrichissement personnel fonde la fidélité collective des anciens du KGB qui le composent. Quant à l’appareil militaire, le seul vrai bénéficiaire du redressement promis de l’État, il est pareillement acquis. Enfin, aux périphéries, dans les appareils industriel, médiatique, culturel, religieux, l’allégeance a force de loi sous peine d’éviction. La convergence de ces cercles sera stable tant que continuera leur communauté d’intérêts. Pour autant, l’anarchie de constitution et la médiocrité de recrutement de ces différents foyers de décisions éclairent l’absurdité de certaines actions au regard de l’habileté certaine dont sait faire montre leur chef suprême.

Vladimir Poutine peut donc espérer rester au pouvoir jusqu’à son dernier souffle ?

S’il a échoué à instaurer une économie concurrentielle, lui préférant la rente facile des ressources naturelles, Poutine a restauré une diplomatie et une armée compétitives au point de refaire de la Russie un acteur majeur sur la scène planétaire. Mais sa concentration sur les affaires internationales au détriment des questions intérieures tend précisément à l’éloigner de la gestion du quotidien. Un scénario plausible serait donc que, reproduisant le scénario par lequel lui-même a évincé Eltsine, la jeune classe montante des technocrates éduqués à la globalisation, toujours plus présente dans l’appareil étatique, le force à son tour à une retraite dorée. Et ce, avec ou sans la pression d’une révolte populaire.

Le malaise russe se réduit-il aux difficultés de l’après-communisme ?

Pour partie. Alexandre Soljenitsyne rappelait que, dans la Bible, Dieu soumet l’entrée de son peuple en Terre promise à la mort de l’ultime Hébreu qui a adoré le Veau d’or : il n’y aura pas de Russe vraiment nouveau avant l’extinction de l’Homo sovieticus. Mais il y a autre chose. En s’obstinant à considérer la Russie comme leur ennemi fondamental en raison de l’égalité délétère que lui confère son arsenal nucléaire, les États-Unis la condamnent à un survivalisme où l’inimitié de l’Occident justifie l’hostilité envers l’Occident. Trente ans après la dissolution du pacte de Varsovie, l’Alliance atlantique garde pour but premier l’encerclement, l’isolement et l’assujettissement de Moscou, lui réservant une intransigeance dont l’inégalité est criante, mesurée aux faveurs que Washington prodigue aux plus douteux de ses alliés. Il y a là une sorte d’intolérance toxique, comme on le dit en médecine, que l’Union européenne imite volontiers depuis qu’elle a accueilli en son sein d’anciens pays de l’Est pour qui elle n’était jamais qu’un sas vers l’OTAN. Or, la France ferait bien de se souvenir qu’elle est plus que l’Occident ou l’Europe, qu’elle a une longue tradition de dialogue avec la Russie et que ce lien, certainement difficile, précaire et périlleux, ne sert pas moins son besoin récurrent d’une alliance de revers chaque fois qu’elle est elle-même menacée d’affaiblissement.

Pour conclure, restez-vous optimiste quant à l’avenir de la Russie ?

C’est elle qui, à l’inverse, nous apprend que le pessimisme doit toujours être de mise, car pour l’esprit russe il n’est ni bonheur sans malheur, ni salut sans péché. Je note cependant qu’aussi défiguré qu’il apparaisse aujourd’hui, ce pays irrémédiablement rebelle à la raison ne cesse de nous réserver des surprises, voire des prodiges. Voyez combien ses contempteurs attitrés ont eu tort de se gausser, sur le ton qu’ils prennent pour évoquer des fake news, d’un vaccin indiscutablement plus efficace que celui que nous avons lamentablement échoué à produire. C’est à la résilience spirituelle de ce peuple, littéraire, artistique, savante mais aussi ordinaire et anonyme, sur laquelle sont venues buter toutes les dominations et les malédictions, que je fais confiance.

Vient de paraître en poche: Jean-François Colosimo, L’Apocalypse russe : Dieu au pays de Dostoïevski, Lexio, janvier 2021.

Chicha et chichon: halte aux discriminations!


Didier Raoult, à l’occasion d’un point sur l’épidémie, lance un cri d’alerte. 


En analysant un cluster dont les chercheurs ne décelaient pas l’origine, on a découvert que ses membres avaient tous participé à une soirée chicha. La salive chauffée, partagée, ça, ça vous diffuse de l’aérosol, tu penses ! Un facteur de risque qui touche les 25-45 ans. C’est à partir de la 11ème minute dans la vidéo publiée sur le site de la Provence. Mais ce qui précède vaut tout de même son pesant de bouillabaisse.

Je suis outré. Comment Raoult, habitant Marseille, se laisse-t-il aller à discriminer un groupe qui, dans la cité phocéenne, représente au moins la moitié des habitants — immigrants illégaux compris ? La chicha est une pratique conviviale essentiellement maghrébine. Gainsbourg n’écrivait-il pas « Dieu est un fumeur de gitanes » ? De gitanes peut-être pas, mais de chicha, sûrement.

C’est comme si l’on disait qu’il faut inculper pour mutilation permanente sur mineur toutes les mères et tous les praticiens, diplômés ou non, qui pratiquent des excisions sur des fillettes. 20 ans de prison minimum. Ce serait discriminer toute l’Afrique noire réimplantée en France, avec d’excellentes excuses que je me garderai bien de contester…

Raoult évoque au passage l’usage (« quand il était jeune ») des pétards. Eh oui, se passer un vague chichon dans l’une de ces soirées qui, de 18h à 6h du mat’, les rassemblent à l’insu de leur plein gré, ça peut être contaminant. 

Mais c’est discriminer cette fois le créneau des 12-30 ans — de la juvénophobie, si le lecteur m’autorise à créer un tel barbarisme. Que les jeunes méprisent leurs aînés (« OK ! Boomer ! » disent-ils avec un admirable sens du raccourci et de la pensée profonde) ne choque personne. S’en prendre aux jeunes cons / sommateurs, c’est autre chose. Je m’insurge ! 

Tout comme on doit s’insurger lorsque des pédagogues à l’ancienne protestent parce qu’un élève les a insultés, ou a sorti son portable en cours pour envoyer à ses potes la vidéo d’une fellation opérée dans les chiottes du collège. Libre expression ! Communication ! Il faut au contraire encourager de tels comportements ! Le jeune doit être libre ! On ne somme pas un consommateur !

Je remarque d’ailleurs que le gouvernement — sur lui toutes les bénédictions — se garde bien de reprendre les fantasmes du druide marseillais. Qui a raison, je vous le demande, Olivier Véran, qui veille sur notre santé en imposant des masques et des couvre-feux, ou Didier Raoult, qui, comme chacun sait, la menace en s’obstinant à guérir les gens ?

Poser la question, c’est y répondre.

Je suggère donc au gouvernement de tenir son prochain conseil de guerre sanitaire autour d’un narghilé. Cela aura de la gueule, et enverra un signal clair à Erdogan, toujours candidat pour une entrée dans l’Europe. La stigmatisation des fumeurs de chicha doit cesser ! La répression du shit doit s’interrompre ! Car enfin, vouloir réprimer des usages immémoriaux, n’est-ce pas une façon insidieuse d’inciter les Musulmans à s’intégrer dans une société française dont ils ne veulent pas ? Interdire le chichon, n’est-ce pas un effet pervers de cette laïcité à la française dont une majorité de jeunes ne veut pas ?

Tous fumeurs ! Tous envapés ! C’est alors que la société sera libre — et qu’il ne restera plus aux dhimmis non fumeurs qu’à payer la djizîa — la taxe imposée à tous ceux qui refusent de se laisser obscurcir le cerveau par la fumée des calembredaines.

Ceci est mon sang


L’éditorial de mars d’Elisabeth Lévy


La nouvelle a été accueillie par des cris de victoire des associations. La France va rattraper, enfin, un coupable retard. Non, il ne s’agit pas – pas encore – de la reconnaissance d’un troisième sexe (et de tous les autres), mais de la gratuité pour les étudiantes des protections périodiques, promise le 23 février par Frédérique Vidal pour la rentrée 2021. Depuis le temps qu’on attendait.

Peut-être la ministre a-t-elle été sommée de changer de sujet après une semaine de brouhaha sur l’islamo-gauchisme, au cours de laquelle on a appris que le problème n’était pas la chose et sa progression, mais le mot, qui froisse tous les bons esprits de la Macronie et d’ailleurs, très à cheval sur la précision sémantique. Le moindre solécisme en parlant les irrite, mais ils en font bien d’autres étranges en conduite.

Pour les nouvelles féministes, les productions corporelles comme les souffrances psychiques ont vocation à être montrées en place publique

Puisqu’il a été acté à la satisfaction générale que l’islamo-gauchisme n’existait pas (d’ailleurs, l’islamisme non plus, la preuve par Trappes), Frédérique Vidal peut se consacrer aux vrais problèmes et, au premier chef, à ce que la langue populaire appelle les « ragnagnas » et la langue victimaire la « précarité menstruelle », expression prouvant que nous tenons là une nouvelle perle enfilée sur le collier des injustices faites aux femmes. Toute différence y compris biologique devient une discrimination – à sens unique, car nul n’aurait l’idée de parler précarité pileuse pour les hommes condamnés au rasoir à vie. D’ailleurs, le premier privilège mâle est de pouvoir uriner debout, scandale auquel certaines chapelles féministoïdes entendent bien mettre fin en imposant à toutes-et-tous la position assise. En attendant qu’on intente un procès à Dame Nature et qu’on oblige les hommes à avoir leurs règles, il convient au moins de faire de celles-ci un sujet de pleurnicherie. Le vrai privilège masculin, c’est de ne pas être traité en victime.

Vérification faite sur le site d’un supermarché, les protections hygiéniques coûtent quatre euros par mois, soit moins de 50 par an, ce qui pour quarante ans, revient à 2 000 euros. On aimerait savoir où doit s’arrêter l’assistanat. Pourquoi ne pas financer les chaussures, tout aussi indispensables, ou la mousse à raser ? Perso, je préférerais qu’on me rembourse mes paires de bas, parce qu’à raison de quatre ou cinq par semaine entre octobre et avril, l’addition est salée.

Je vous entends d’ici. Tu badines parce que tu as la chance d’avoir du travail, mais la pauvreté étudiante, tu en fais quoi ? Surtout quand il n’y a plus de petits boulots ni de restau U, on aimerait t’y voir. D’accord, si notre système social laisse sur le carreau des étudiants désargentés et déprimés, qu’on leur accorde une aide d’urgence. Mais de grâce, qu’on nous épargne de savoir si elle sera convertie en nouilles, bières, sextoys (dont la vente explose, paraît-il) ou protections hygiéniques. Les fonctions naturelles n’ont rien de honteux, mais elles n’ont pas non plus à être un sujet de « pride » permanente. Pareil pour la sexualité. Je ne veux pas plus entendre parler de règles que de la main de X dans la culotte de Y – et ce n’est pas une clause de style, l’accusatrice de PPDA ayant cru bon de révéler les détails de l’attentat.

C’est sans doute le plus funeste renversement inventé par une époque qui en prodigue à foison. L’exhibition qui était naguère une transgression, une façon d’épater le bourgeois puritain, est devenue une vertu citoyenne – et, par la même occasion, la marque de fabrique d’un nouveau puritanisme qui, ne voyant le mal nulle part, finit par le débusquer partout. Rien n’est moins érotique, en effet, que cette mise à nu appelée transparence qui prive l’imaginaire de nourrissants mystères.

Désormais, rien de ce qui est intime ne doit être caché. Pour les nouvelles féministes, les productions corporelles comme les souffrances psychiques ont vocation à être montrées en place publique. Aussi évoquent-elles avec une gourmandise assez dégoûtante leurs flux et sécrétions, croyant faire preuve d’audace et de liberté d’esprit. Au demeurant, à en juger par la facilité avec laquelle la plupart des gens discourent sur leurs maladies à la télévision, elles sont loin d’être les seules.

S’agissant des souffrances psychiques, il faudra un jour demander des comptes à tous ces croisés de la « parole libérée », qui ont encouragé des victimes de violences sexuelles à se livrer à un déballage public qui, à terme, pourrait se révéler aussi douloureux que les violences elles-mêmes. Le malheureux étudiant qui s’est pendu dans sa chambre universitaire de Nanterre après avoir accusé deux élus communistes de viol avait abondamment libéré sa parole sur les réseaux sociaux. À l’évidence, cela ne l’a pas aidé. Paix à son âme et condoléances à ses proches.

Que ce soit volontairement que des individus, égarés par le désarroi ou l’air du temps, renoncent à leur droit à la vie privée ne rend pas la chose moins grave. Car demain, nous serons tous sommés d’exposer la nôtre. Or, comme le disait Malraux, « pour l’essentiel, l’homme est ce qu’il cache : un misérable petit tas de secrets ». Alors, qu’on nous laisse les conserver par-devers nous.

À tous ces apôtres du déballage, on rappellera donc que qui n’a rien à cacher n’a rien à montrer et surtout, qu’un peu de pudeur, de réserve, de quant-à-soi, est la condition du vivre-ensemble. Nous avons le droit de ne pas savoir ce qui se passe dans le lit et la salle de bains de nos contemporains. Le corps est encore une affaire privée.

P.-S. Les heureux abonnés de ce magazine ont eu la joie de recevoir, avec ce numéro, L’arnaque antiraciste expliquée à ma sœur,  l’essai allègre et féroce dans lequel Cyril Bennasar répond à Rokhaya Diallo. Tous les nouveaux abonnés auront ce privilège. Mais n’hésitez pas à offrir à vos amis cet argumentaire implacable contre l’une des folies de l’époque. Ou un abonnement à Causeur.

Dissolution de Génération Identitaire: «Même sur le plan politicien, je ne trouve pas ça malin!»


L’avocat Gilles-William Goldnadel réagit au projet de dissolution du mouvement anti-immigration Génération identitaire voulu par le gouvernement.


Craignez-vous l’annonce d’une dissolution de Génération Identitaire au prochain Conseil des ministres ?

Oui. Je n’en suis pas sûr, mais comme je suis sûr que nous ne vivons pas tout à fait dans un État de droit, ma crainte est particulièrement justifiée. Si je vivais dans un État de droit, je serais d’une placidité parfaite, mais ce n’est pas le cas. Si je vivais dans un État de droit, jamais un ministre n’aurait osé demander la dissolution d’une association aussi pacifique.

Quels recours aurez-vous, si cette dissolution est annoncée ?

Si jamais mercredi Génération Identitaire est dissoute, nous irons au Conseil d’État.

Paris, 20 février 2021
Paris, 20 février 2021

Le pouvoir est gêné par Génération Identitaire depuis des mois, mais jusqu’alors il estimait ne pas avoir d’éléments permettant d’engager une dissolution. Qu’est-ce qui a changé ?

Le ministre ! Ce qui a changé, c’est la politique, c’est le coup de barre à droite – au moins sur le plan verbal – sur l’immigration et sur l’islamisme qui nécessitait dans notre gouvernement du « en même temps » un coup de barre à gauche. C’est aussi simple que cela.

On a effectivement l’impression que cette décision que vous craignez vise à donner des gages à la gauche. Elle intervient après d’autres dissolutions polémiques (Barakacity et le CCIF). Vous pensez donc que c’est pour équilibrer ?

Oui. Mais c’est une fausse symétrie, qui a des vues politiques scandaleuses. Je ne suis pas sûr que monsieur Darmanin, compte tenu du débat qui s’est instauré, soit spécialement satisfait d’avoir pris cette décision. Même si mercredi Génération Identitaire est dissoute, bien au-delà du Rassemblement National et de la droite dure, des démocrates ne seront pas du tout d’accord avec cette dissolution. Et je ne suis pas sûr du tout que l’exécutif retrouvera à gauche de qu’il va perdre à droite. Où que je tourne mon regard, que ce soit sur le plan juridique, que ce soit sur le plan philosophique, politique ou démocratique, je trouve que c’est une décision assez stupide. Et j’ai d’autant plus de peine à le dire que j’aime bien Gérald Darmanin. Venant de Castaner, j’aurais compris, mais venant de Darmanin… Sans doute devait-il se faire excuser certaines choses par la gauche. Mais, encore une fois, même sur le plan politicien, je ne trouve pas ça malin.

Quand vous dites que c’est une « fausse symétrie », vous dites qu’on devrait tolérer une certaine radicalité à la droite de la droite, qu’elle ne constitue pas une menace pour la sécurité nationale comme le CCIF?

Pour parler franchement, les mouvements islamistes qui ont été dissous flirtaient ou mettaient de la compréhension par rapport à ce qui s’est passé avec Charlie Hebdo, par rapport au terrorisme islamique, par rapport à l’antisémitisme islamique criminel. Or les positions de Génération Identitaire, ce n’est pas ça. C’est la droite radicale qui n’en peut plus ni de l’immigration ni de l’impuissance de l’État devant son caractère massif ou illégal. Et reconnaissez qu’il faut être vraiment amoureux pour regarder le visage de l’immigration avec les yeux de Chimène.

Le 21 janvier, l’ancien ministre de l’Intérieur Christophe Castaner racontait qu’il aurait bien aimé se faire Génération Identitaire, mais qu’il ne le pouvait pas. Une semaine après, qu’est-ce qui a changé ? L’expédition des Pyrénées. Alors que c’est une réitération de l’expédition des Alpes et que l’on sait qu’elle avait été considérée par la justice comme exclusive de tous délits. Par quel miracle juridique extraordinaire va-t-on pouvoir nous expliquer que désormais c’est différent ?

Ce que dit le ministre de l’Intérieur, c’est que dans ses actions à la frontière italienne ou espagnole, Génération Identitaire agirait comme une milice, c’est-à-dire qu’elle prendrait les apparences de la force publique légitime. Contestez-vous cela ?

Cela a déjà été contesté avec succès devant le tribunal. Mais le parquet, après avoir classé sans suite l’affaire tant c’était stupide, semble avoir été missionné pour tenter de faire croire que les militants se déguisaient en gendarmes. Finalement c’était des blousons sur lesquels était écrit « Génération Identitaire ». Si avoir un blouson avec le sigle de son association c’est faire partie d’une milice, il va y avoir beaucoup de dissolutions dans le monde du sport et notamment du sport de la haute montagne ! C’est une grande plaisanterie… La dernière jurisprudence en matière de dissolution de milice, c’est qu’il faut que les personnes soient sélectionnées – pour des raisons physiques notamment – pour faire partie de la milice. Alors si Génération Identitaire est une milice, personnellement je pourrais parfaitement en faire partie alors que je n’ai plus vraiment l’âge (!)

Autre point reproché à Génération Identitaire, le cas de Fabien Badaroux à Avignon qui en octobre avait lui aussi le fameux blouson et qui a menacé des passants et a été abattu par la police. Cela ne peut-il pas jouer en défaveur de Génération identitaire, ou pas du tout ?

C’était donc du temps de monsieur Castaner, qui a donc considéré que ça ne tenait pas ! Le type s’est fait abattre, je ne connais pas le dossier. Mais dans tous les partis politiques, vous avez des mauvais sujets, à supposer que celui-là en était un, ce n’est pas pour cela que vous allez dissoudre le Parti communiste français, les Insoumis et le Rassemblement National.

 Concrètement, qu’impliquerait une dissolution par la justice administrative pour les militants ?

Pour les militants rien. Pour l’association, sauf à être convaincue de reconstitution de ligue dissoute, cela l’empêcherait de recommencer ses activités. Ce serait un très grave manquement à la démocratie politique et à la liberté d’expression, mais on n’en est pas là.

Pap Ndiaye nommé au Musée de l’Histoire de l’immigration: une décision dans l’air du temps


Pap Ndiaye, co-signataire du rapport sur la diversité à l’Opéra de Paris, prend la direction du Musée de l’Histoire de l’immigration


Le19 février, Ali Baddou a reçu l’historien Pap Ndiaye au Grand entretien de la matinale de France Inter. Le professeur à Sciences Po vient d’être nommé à la direction du Musée de l’Histoire de l’immigration, au Palais de la Porte Dorée.

Ce Musée de l’Histoire de l’immigration ne sera pas qu’un Musée sur l’immigration, annonce Pap Ndiaye. Il intégrera l’histoire de l’esclavage à partir du 18ème siècle et celle de la colonisation. Pourquoi pas ? Il restera à voir comment seront agencées les différentes présentations historiques relatant ces histoires complexes. À vrai dire, le reste de l’entretien laisse peu de doute.

Ndiaye ne contredit pas Ali Baddou lorsque celui-ci dit que ce musée sera aussi « un lieu où toutes les questions qui ont trait à la lutte antiraciste auront leur place.» Lui-même pense que le musée pourra être un lieu de débats “décolonialistes”. « On cherche ce qui dans la société française contemporaine est hérité de l’époque coloniale. On regarde les formes de continuité sans préjuger que nous serions entièrement détachés de cette période.» Traduction : on regarde les formes de continuité en préjugeant que la société française a gardé un fond colonialiste qu’elle perpétue aujourd’hui en France même. Autrement dit, militantisme antiraciste et thèses décolonialistes incriminant une France xénophobe qui userait de méthodes coloniales pour continuer de discriminer les populations issues de l’immigration auront table ouverte au Musée de l’Histoire de l’immigration.

A lire aussi: Zemmourisation des esprits: panique au musée de l’immigration!

Le sujet de l’islamo-gauchisme est abordé. Pour l’historien, « ce terme n’a aucune réalité dans l’université, c’est plutôt une manière de stigmatiser des courants de recherche », lesquels courants sont surtout ceux de la « recherche intersectionnelle » traitant des “discriminations croisées”. Involontairement, Pap Ndiaye souligne un point primordial : les courants de “recherche intersectionnelle” qui irriguent actuellement les universités convergent effectivement tous dans la même direction, et la “déconstruction” d’à peu près tout ce qui a fondé l’Occident en général et la France en particulier est à l’œuvre.

En attendant de voir réellement les dispositifs du Musée de l’Histoire de l’immigration, il est intéressant d’analyser quelques éléments du Rapport sur la diversité à l’Opéra de Paris, co-signé par M. Ndiaye. Ce rapport est curieusement introduit par un rappel de la mort de George Floyd et le combat du mouvement Black Lives Matter qui auraient engagé « à réfléchir en profondeur sur les formes de discrimination raciale et racisme qui existent dans le monde culturel » en Europe (sic), mais qui n’ont que peu ému les « établissements culturels » français (resic). La France, pays foncièrement xénophobe, traînerait donc des patins dès qu’il s’agit de se remettre en question ? A lire ce document, il serait temps d’envisager des mesures correctrices draconiennes, y compris dans le « monde culturel ».

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L’historien peut alors faire fi de l’histoire essentiellement occidentale de l’opéra – ses œuvres emblématiques, son décorum, ses symboles – et s’appuyer sur un Manifeste qui a « libéré la parole » (De la question raciale à L’Opéra National de Paris) pour défaire une tradition artistique française au nom de l’antiracisme. Quand on en arrive à demander « la création à l’Opéra national de Paris d’un poste de responsable diversité et inclusion » ; à réclamer « une formation aux enjeux de non-discrimination » pour les membres des jurys de l’opéra ; à proposer de « démarcher de manière active, y compris à l’international, des artistes non blancs de haut niveau » ; à préconiser, dans une novlangue de la plus belle eau, de « repenser l’unité chromatique » en favorisant « la diversité mélanique », que fait-on en réalité ? Pour reprendre des termes chers à Françoise Vergès ou David Bobée, on « décolonise les arts » en promouvant le comptage “diversitaire” plutôt que les aptitudes artistiques ; on déclare sottement que « la danse chinoise et la danse arabe de Casse-Noisette » relèvent d’une « racialisation », ou que Madame Butterfly présente des « personnages “yellowface” avec le maquillage de la peau et le contour des yeux exagérément allongé », parce qu’on ignore l’esprit des « tableaux fantaisistes, peints à une autre époque dans un esprit de rêve et de divertissement » (Benoît Duteurtre). On ne parle plus d’art mais de morale. On ne se laisse plus enchanter par des œuvres artistiques, on livre des combats politiques.

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Pap Ndiaye parlant d’immigration, de l’Opéra de Paris ou de certains travaux universitaires, n’a de cesse d’évoquer une recherche française “intersectionnelle” qui irriguerait la recherche internationale. Il se trompe et inverse les rôles. Tous les débats français “racialistes”, décoloniaux, diversitaires, déconstructivistes, etc., qui empoisonnent actuellement le monde artistique comme le monde universitaire, les musées comme l’opéra, nous viennent des États-Unis, et non l’inverse. Ces faux débats véhiculent l’idée d’une France blanche raciste, discriminante, ne donnant aucune chance à la partie de sa population “racisée”. Les thèses qui alimentent ces faux débats ont actuellement le vent en poupe et gangrènent tous les pans de la société. Si chacun reconnaît la valeur du travail d’historien de M. Ndiaye, il reste qu’on peut s’interroger sur sa manière de promouvoir la discrimination positive à l’Opéra, ou sur sa vision d’une histoire de l’immigration qui semble surtout ajustée à celle des thèses décolonialistes.

Droit de réponse d’Anticor


L’association exerce son droit de réponse suite à l’article publié sur Causeur le 6 février. « L’association n’agit pas pour «se faire l’Élysée», mais pour l’égalité de tous les citoyens devant la loi »


 « L’association Anticor, exerce son droit de réponse prévu à l’article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 en précisant les éléments suivants :

  1. Sur la commission d’enquête: Les dirigeants d’Anticor sont régulièrement invités à participer à des commissions d’enquête parlementaire. À cette occasion, ils apportent l’expertise de l’association sur des sujets précis. L’audition du 20 mai 2020 portait sur « les obstacles à l’indépendance du pouvoir judiciaire » et en aucun cas sur l’indépendance d’Anticor, association de droit privé. Une députée a interrogé Élise Van Beneden, présidente et Éric Alt, vice-président, sur l’absence de publication de l’identité des donateurs. Au cours de sa réponse, la présidente a déclaré qu’elle ne connaissait pas les noms des donateurs. Anticor a en effet environ 1 600 donateurs, il est donc parfaitement impossible de les connaître tous. De plus, seule la trésorière et notre prestataire externe ont accès à la liste des donateurs. Par ailleurs, Élise Van Beneden a précisé qu’Anticor s’était dotée, de son propre chef, d’un mécanisme d’alerte lorsqu’un don ou plusieurs dons sur la même année, venaient à dépasser 7 500 euros.
  2. Ce mécanisme a vocation à informer le conseil d’administration de l’existence de ce don afin qu’il évalue l’importance du don compte-tenu du budget prévisionnel de l’association et du réalisé à date. Bien évidemment, dans ces cas-là, la présidente est informée du nom du donateur. Ainsi, rien ne peut être reproché aux dirigeants de l’association, qui ont dit la vérité aux députés, conformément à leur serment. Le procédé consistant à isoler une phrase et à accuser une personne d’avoir menti est parfaitement déloyal.
  3. À notre connaissance, aucune autre association n’a mis en place un tel mécanisme. Par ailleurs, Anticor n’a pas les moyens d’enquêter sur ses donateurs, qui n’ont aucun moyen de peser sur les décisions de l’association, ni aucune raison de se méfier de leurs motivations ou de leurs valeurs.
  4. Sur l’affaire Kohler : Aucun don d’un montant de 15 000 ou 20 000 € n’a été « fléché » pour financer les poursuites contre Alexis Kohler.
  5. Sur l’identité des donateurs: la CNIL, dans une décision du 1er février 2021 a conforté la position d’Anticor, qui ne livre pas le nom de ses donateurs et adhérents. La CNIL précise notamment que les noms des donateurs et adhérents revêtent un caractère hautement personnel, voire sensible, pour les personnes concernées, et que l’association n’a pas le droit de les communiquer. Il est étrange de reprocher à Anticor de respecter la loi.
  6. Sur l’influence des donateurs : Nos donateurs n’ont aucun moyen de peser sur les décisions du Conseil d’administration. S’ils sont adhérents, ils bénéficient d’un vote à l’assemblée générale, rien de plus. Par ailleurs, rien, si ce n’est l’opinion complotiste d’une administratrice démissionnaire, n’établit l’intervention de sociétés secrètes à Anticor.
  7. Sur le choix des dossiers : l’affaire concernant Richard Ferrand, classée par le parquet de Brest a été jugée recevable par les juges d’instruction. De même, l’affaire concernant Alexis Kohler, également classée par le parquet, a été jugée recevable par des juges d’instruction. Enfin, la plainte contre Éric Dupond-Moretti a été jugée recevable par la Cour de justice de la République. Cela démontre que l’association a eu raison d’agir. Ces affaires suivent à présent leur cours normal. Anticor a signalé environ 130 dossiers aux procureurs de la République et s’est constituée partie civile dans une centaine d’entre eux. L’association n’agit pas pour « se faire l’Élysée », mais pour l’égalité de tous les citoyens devant la loi.
  8. Sur l’esprit partisan : Anticor est une association transpartisane. Le vice-président d’Anticor ne s’est pas spécialement opposé à une action contre M. Mélenchon, il s’est opposé à une plainte visant l’ensemble des candidats aux présidentielles ayant comme fondement des irrégularités dans leurs comptes de campagne car l’agrément d’Anticor ne lui permet pas se constituer partie civile sur ce fondement. Une plainte a néanmoins été déposée en juin 2018. Anticor a par ailleurs porté plainte dans l’affaire de la Tour Triangle, susceptible de concerner Mme Anne Hidalgo, contre M. Mathieu Gallet, M. Jean-Noël Guerini et M. Martial Passi, maire communiste de Givors, entre autres. Aussi, les « ravages de l’esprit partisan » que vous citez semble être des mirages.
  9. Sur la création de Blast : Blast est un média créé par Denis Robert, grand journaliste d’investigation ayant notamment dénoncé les affaires Clearstream et Lyon-Turin. Il s’agit d’une coopérative à but non lucratif dans laquelle Élise Van Beneden détient des parts sociales qui ne donnent droit à aucun dividende, ni à aucune plus-value en cas de revente. Le fait de diriger Anticor n’emporte statutairement qu’une seule incompatibilité : l’interdiction d’un mandat électif. Du reste, la participation d’un administrateur à un média ne révèle en rien un positionnement de l’association, chacun ayant le droit à sa liberté d’opinion, garantie par la déclaration des droits de l’Homme. »

Elise Van Beneden, Présidente d’Anticor

 

Suite à notre article, l’association Anticor nous a adressé le droit de réponse ci-dessus.

Causeur maintient l’intégralité de ses informations et regrette que la direction d’Anticor n’ait pas pris le temps de répondre à nos questions avant parution, malgré plusieurs relances. Le droit de réponse que nous publions ici confirme les dissensions internes dont nous avons fait état: Mme Van Beneden, présidente d’Anticor, trouve judicieux de qualifier de « complotiste » une ancienne administratrice, en l’occurrence Françoise Verchère, maire de Bouguenais pendant 14 ans, prix Ethique Anticor 2017. On a connu plus serein.

Nous notons que la direction d’Anticor ne dément ni l’existence de dons fléchés, ni l’existence d’un donateur ayant versé en 2020 au moins 5000€ par mois à Anticor, dont elle connait parfaitement l’identité.

Enfin, l’assertion selon laquelle la présence de Mme Van Beneden parmi les administrateurs de Blast, média de Denis Robert, «ne révèle en rien un positionnement de l’association», serait plus crédible si des centaines de messages enthousiastes sur les réseaux sociaux n’associaient pas Blast et Anticor. Ainsi David Koubbi, avocat d’Anticor, sur Twitter, le 14 janvier : « Lancement de BLAST, media de lutte anti corruption, par l’ami @DenisRobert accompagné d’Elise VAN BENEDEN, militante anti corruption et Présidente infatigable d’ANTICOR ». De son côté, Denis Robert déclarait dans un message vidéo diffusé le 4 février : « Anticor, comme Blast, est un caillou dans les mocassins du pouvoir, ce pouvoir ridicule et déliquescent », etc. Libre à chacun de souhaiter l’alternance, mais il devient difficile de soutenir que la direction d’Anticor – bien distincte en cela de ses adhérents – aborde la prochaine présidentielle sans esprit partisan.

Célébration de Fernandel

2021 est un beau millésime sur le front des célébrations et autres anniversaires. Ce sera Baudelaire en avril, Napoléon en mai, Frédéric Dard (San Antonio) en juin, La Fontaine en juillet, Brassens en octobre, Flaubert en décembre. Je parlerai en leur temps de tous ces gens-là, parce qu’ils figurent tous à divers titres dans mon panthéon personnel. Baudelaire parce qu’il a écrit de bien belles choses, Frédéric Dard parce que San Antonio (je crois que je les connais tous à peu près par cœur), La Fontaine parce que j’ai une admiration sans bornes pour l’artiste qu’il était, Brassens parce que je l’ai tellement joué que le manche de ma guitare en est creusé.

Flaubert, j’anticiperai même un peu, une exposition sur Salammbô doit s’ouvrir à Rouen en avril. Je rêve d’en rendre compte. Salammbô ! Je donnerais ma main droite pour avoir écrit la première phrase du roman, « C’était à Mégara, faubourg de Carthage, dans les jardins d’Hamilcar » — coup de trompette en A majeur.

En attendant, il y a 50 ans, le 26 février 1971, disparaissait Fernand Contandin. Qui ça ? Fernandel ! Même qu’un certain Olivier de Bruyn l’exécute cette semaine dans Marianne, en ressortant tous les clichés que peut attendre le populo : brave type, incroyablement populaire, sans oublier « l’accent ».
Et de citer sa collaboration avec Pagnol : Angèle, Regain, le Schpountz, la Fille du puisatier
En choisissant d’éliminer de la liste le chef-d’œuvre qui aurait pu donner à son article un petit quelque chose en plus : Topaze.

A lire aussi, Patrick Mandon: Marcel Pagnol et Albert Cohen: mousquetaires de la garrigue

Je tiens Pagnol pour l’un des grands écrivains du siècle. Lisez donc Jazz, ou l’intellectuel désenchanté, lisez les Marchands de gloire, l’une des charges les plus violentes contre la guerre, écrite au lendemain de la victoire. Pagnol a souffert des adaptations nullissimes par Alexandre Korda de la « trilogie marseillaise » auxquelles on persiste à l’assimiler — ah, l’accent du Quai de Rive-Neuve reconstitué par ce Parisien de Pierre Fresnay ! Yves Robert a fait un honnête travail avec la Gloire de mon père et le Château de ma mère — sans parvenir à insérer le sous-texte tragique de ces deux fragments autobiographiques, la mort du chevrier, Lili des Bellons, pendant la guerre, et surtout celle de la mère de Pagnol, décédée en 1910, quand son fils avait tout juste 15 ans et était élève au lycée Thiers avec Albert Cohen. C’est le souvenir de ces deux catastrophes, l’une nationale et l’autre intime, qui donne au soleil du Garlaban une nuance noire.

Ou lisez Topaze.

Topaze a donné à Fernandel l’occasion de prouver deux choses. Primo, qu’il pouvait, si on lui en donnait l’occasion, être encore meilleur que Jouvet — qui ne démérite pas dans la première version filmée de la pièce, en 1933, mais qui est loin, très loin de la performance de Fernandel en 1951. Secundo, que ce faux sympa (qui était un vrai tyran domestique, fou de jalousie, qui séquestrait littéralement son épouse) était un vrai méchant — et l’on adore le moment où il révèle sa vraie nature.

Pendant trois actes (la pièce en a quatre), Fernandel, petite barbichette, air sérieux et accablé, choisit de ne pas se ressembler. Il est un …

>>> Lire la fin de l’article sur le blog de Jean-Paul Brighelli <<<

Bernard Arnault: l’humain d’abord?


Alors quElon Musk veut emmener le transhumain sur Mars, le plus riche des Français a fait fortune en aidant lHomme à mieux vivre sur Terre.


“X Æ A-XII”. Ceci n’est pas un code de mise à feu de l’arsenal nucléaire américain, mais le prénom donné par l’homme le plus riche du monde à son fils, né l’an dernier. Elon Musk, célébrissime patron du constructeur automobile Tesla et de l’agence spatiale privée Space-X, n’en finit plus de faire parler de lui. Il lui suffit désormais d’éternuer (ou presque, de tweeter), pour que les cours de la Bourse ou du Bitcoin flambent ou s’effondrent.

Avec une fortune évaluée à plus de 188 milliards de dollars en janvier dernier, cet homme de 49 ans au visage poupin a laissé entendre qu’il en verserait la moitié à des œuvres de charité. Mais pas tout de suite. Plutôt “dans vingt ans, quand Tesla sera stabilisée”, confiait-il en 2018. Pour l’heure, ses investissements se concentrent sur la colonisation de Mars et l’implantation de puces électroniques dans le cerveau humain.

Jusqu’à preuve du contraire, un sac à main rend la vie plus agréable que la réservation d’un séjour sur Mars en 2050

Avec son projet Neuralink, l’apprenti sorcier compte en effet soigner les addictions, la dépression ou l’insomnie, et même supprimer la peur. Pour l’instant, les expériences sont réalisées sur des cochons mais demain, il le promet, l’homme aura “une montre connectée dans le crâne”. À moins qu’une pandémie mondiale ne vienne contrarier ses plans et retarder l’avènement de la créature surhumaine censée nous remplacer…

A lire aussi: Légion étrangère: le mâle du pays

Pendant ce temps, le PDG du géant du luxe français LVMH, lui, continue de passer pour un “salaud de riche”. Au pays de la CGT, Bernard Arnault demeure encore et toujours la tête de Turc d’un certain nombre de nos concitoyens. Pour eux, son patronyme est presque devenu un nom commun : celui du méchant milliardaire, dont l’indécente fortune devrait être confisquée et redistribuée d’urgence.

Et pourtant. LVMH n’investit pas dans la pseudo-révolution transhumaniste, mais dans le plaisir ici et maintenant. Ce fleuron de l’économie frenchy produit des articles d’une qualité exceptionnelle, que l’on acquiert “pour la vie” et qui se transmettent de génération en génération. Aux antipodes des lubies scientistes de l’époque, le luxe à la française ne promet pas une vie meilleure demain ou ailleurs, mais ici et maintenant.

Vuitton, Moët-Hennessy, Guerlain, Fendi, Céline, Chaumet, Bulgari… la collection de marques acquises par le redoutable homme d’affaires fait rêver. Mais en gardant les pieds sur Terre. Jusqu’à preuve du contraire, un sac à main élégant et inusable rend la vie plus agréable que la réservation d’un séjour sur la planète rouge en 2050. Car encore faudrait-il que l’on soit vivant et à peu près valide le jour du départ.

La différence entre un savant fou post-humaniste américain et notre baron industriel à nous, c’est que le second semble avoir conscience de nos limites. “Tant que le problème crucial des inégalités ne sera pas traité, d’autres objectifs et d’autres désirs resteront hors de portée », indique une note communiquée à l’équipe de Joe Biden par un groupe de personnalités réunies autour du PDG de JP Morgan.

« Les dirigeants économiques doivent prendre conscience du fait qu’ils n’ont pas seulement une obligation économique mais aussi un intérêt commercial à promouvoir un système plus juste et plus équitable”, indique également le document. Or l’un de ses co-signataires – parmi lesquels figurent Tony Blair, Condoleezza Rice, Henry Kissinger ou encore le vice-président du géant chinois Alibaba – n’est autre que notre Bernard Arnault national.

A lire aussi: Disparition de Jack Ma (Alibaba): enfin une bonne nouvelle pour l’Occident!

Quoi qu’on pense de sa pratique du capitalisme financier, chacun sait qu’Arnault est aussi un amoureux des arts, auxquels il a dédié la fondation Louis Vuitton. On sait peut-être moins que LVMH a largement participé à “l’effort de guerre” contre la Covid, que ce soit en finançant un important essai clinique mené par l’Institut Pasteur de Lille, en achetant des dizaines de millions de masques, ou en réorientant son activité vers la production de gel hydroalcoolique pour les soignants.

On ignore encore plus souvent l’existence du programme d’apprentissage d’excellence de LVMH, qui soutient l’emploi des jeunes sans qualification à l’heure où l’on parle de “génération sacrifiée”. Et l’on oublie parfois que, face à la crise sanitaire qui venait, Bernard Arnault annonçait dès le printemps dernier renoncer à deux mois de son salaire de PDG et à toute rémunération variable pour 2020. Bien le minimum ? On conviendra que tous les puissants de ce monde n’en font pas autant.

Quant au fils de Bernard Arnault, son prénom est Antoine. Responsable de la communication et de l’image du groupe LVMH, c’est lui qui a repéré sur Twitter l’appel aux dons lancé l’an dernier par l’Institut Pasteur de Lille. Ce mois-ci il se dit “fier” d’avoir contribué en tant que mécène, à hauteur de 5 millions d’euros, à la recherche d’un traitement contre le coronavirus, qui devrait être disponible cette année. Ce n’est pas Mars, ce n’est même pas la Lune, mais c’est déjà ça.

Légion étrangère: le mâle du pays

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L’histoire de la Légion étrangère est inséparable de celle de la France. Pour un reportage réalisé au camp de Carpiagne, Elisabeth Lévy, accompagnée par le photographe Stéphane Edelson, est allée à la découverte du 1er REC qui fait partie de ce corps d’élite. Régie par un code d’honneur, la Légion compte plus de 8 000 volontaires étrangers placés sous le commandement de 450 officiers français. Des guerres coloniales aux combats contre l’État islamique au Mali, ces durs à cuire sont unis par les mêmes idéaux : discipline, amour du chef et surtout la mission, quoi qu’il en coûte. « La singularité militaire est d’accepter de mourir pour la France » confie à notre directrice de rédaction le colonel Nicolas Meunier. Unique au monde, la Légion recrute majoritairement des soldats étrangers prêts à se battre pour la France jusqu’au sacrifice suprême. Comme le dit le colonel du 1er REC : « Ces étrangers nous donnent une leçon d’identité. » Si les forces françaises interviennent aujourd’hui au Sahel, Jean-Baptiste Noé nous rappelle qu’il s’agit d’un effort au très long cours dont l’objectif est double : empêcher les djihadistes de semer la mort en France et empêcher des migrants de partir vers l’Europe.

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En passant d’un milieu masculin par excellence à un domaine réservé exclusivement aux femmes (jusqu’à nouvel ordre), Elisabeth Lévy commente la décision du gouvernement de fournir gratuitement des protections périodiques aux étudiantes. La manie actuelle consistant à parler haut et fort en public des fonctions naturelles les plus intimes est « la marque de fabrique d’un nouveau puritanisme qui, ne voyant le mal nulle part, finit par le débusquer partout. » Si la même manie s’exprime à travers les interventions de « tous ces croisés de la « parole libérée » » qui pullulent aujourd’hui, Muriel Salmona en tête, nos contributeurs attaquent le mal à la racine. Pour Erwan Seznec, cette psychiatre est entourée de militants qui sacralisent la parole de l’enfant, les mêmes qui estimaient dans l’affaire d’Outreau que plus le témoignage d’un enfant est contradictoire, plus il est fiable. Peggy Sastre nous explique comment les notions d’« amnésie traumatique » et de « refoulement », dénuées de fondement scientifique, constituent un écran derrière lequel Muriel Salmona promeut des thèses dangereuses qui enferment les victimes dans leurs souffrances. Le psychanalyste Daniel Pendanx nous met en garde contre les charlatans qui confondent processus judiciaire et psychothérapie. Pour d’autres actualités, nous passons derrière ce qu’on appelait autrefois le « rideau de fer. » Né sous Staline en URSS, Vitali Malkine rapproche les méthodes utilisées aujourd’hui en France par certains militants – notamment l’imposition de la discrimination positive – de celles des Soviétiques. Puisque nous ne savons apparemment pas tirer les leçons de l’histoire, Sylvie Perez a interviewé le créateur londonien d’un Musée de la terreur communiste dont l’objectif est de dessiller de nombreux jeunes qui, obnubilés par le mirage égalitaire, restent foncièrement ignorants de la réalité historique du communisme. Pour revenir à la Russie de notre époque, Jean-François Colosimo explique à Gil Mihaely pourquoi Alexeï Navalny a suscité une réaction si violente de la part des autorités russes : pour la première fois depuis l’arrivée de Poutine au pouvoir, il incarne la possibilité d’un changement, excitant ainsi l’ire de toute la structure de pouvoir oligarchique dont Poutine lui-même n’est que le point focal.

La culture sauvera-t-elle le monde ? « Possible ! » répondent Frédéric Fernay et Jérôme Leroy qui se sont penchés sur les nouveautés éditoriales : les titres de Patrice Jean et de François Sureau, ainsi que le troisième et dernier tome de Nabokov dans la Pléiade, nous apportent cette poésie, « cette fraîcheur poignante qui défie le temps. » « Pas sûr ! » répondent pour leur part Pierre Lamalattie et Jonathan Siksou, qui se sont penchés sur des projets de réaménagement de Paris. Quand la Mairie de Madame Hidalgo parle d’« écosystèmes » ou d’« esthétique », il faut craindre le pire. Pourtant, c’est Villon qui affirmait, « il n’est bon bec que de Paris. » La capitale sera sauvée par ses bouchers. William Bernet, que nous présente Emmanuel Tresmontant, est le dernier restaurateur à trancher lui-même ses carcasses de bœuf affinées à la perfection: son tartare est divin et sa tête de veau une merveille.

Le numéro 88 est disponible sur la boutique en ligne, et dans les kiosques mercredi 3 mars.
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Pays-Bas: jugée trop blanche, Marieke Lucas Reineveld renonce à traduire l’œuvre de Amanda Gorman

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Apartheid inversé dans le monde des Lettres aux Pays-Bas? L’auteure à succès Marieke Lucas Reineveld renonce à traduire l’œuvre de la poétesse noire américaine Amanda Gorman.


Marieke Lucas Reineveld cède ainsi aux attaques formulées par une journaliste néerlandaise noire, originaire de l’ex-colonie de Suriname. Celle-ci affirmait dans un article du journal de gauche De Volkskrant qu’une personne blanche ne peut pas ressentir la détresse d’un peuple opprimé comme les Noirs américains. Et proposait une poignée d’artistes « afro-néerlandais » qui seraient selon elle mieux placés pour traduire des poèmes tels The Hill we Climb (trad: La Colline que nous gravissons), déclamé par Amanda Gorman lors de la cérémonie d’investiture du président Joe Biden.

Marieke Lucas Reineveld ne crut pas bon de se défendre contre ce racisme anti-Blanc à son égard. Au contraire, dans un tweet plein de compréhension pour celle qui l’avait ostracisée, elle courba l’échine. Elle y affirmait même comprendre « celles et ceux qui se sentent blessés par le choix de sa maison d’édition ». Le choix, donc, de lui faire traduire la poésie empreinte de la lutte des Noirs d’Amanda Gorman.

La peur des critiques

L’éditeur néerlandais Meulenhoff se résigna de mauvais gré à la désertion de son auteure vedette. Tout en rappelant qu’Amanda Gorman avait elle-même approuvé le choix de la traductrice, après avoir lu un de ses livres en traduction anglaise. Détail qu’avait omis de mentionner la journaliste noire et jalouse. S’il persistait dans son choix, l’éditeur avait l’assurance que des « lecteurs en sensibilité » se pencheraient sur le travail de traduction, pour veiller à ce que la traductrice respecte le poétiquement correct. Peur d’offenser? On peut le supposer, son éditeur britannique avait déjà contraint Marieke Lucas Reineveld à supprimer une blague qu’elle fait dire à un enfant dans son livre: « Pourquoi Hitler s’est-il suicidé? Parce qu’il ne pouvait plus payer la note de gaz. »

A lire aussi: #DisruptTexts: pour contrer la « culture du viol », des militants censurent… Homère

La repentance de la très médiatique Marieke Lucas Reineveld a mis en fureur des Néerlandais soucieux d’éviter la cancel culture en provenance des États-Unis, laquelle condamne les créateurs inconvenants ou les œuvres inappropriées, selon la définition de Michel Guerrin dans Le Monde. Selon eux, ce racisme « inversé » envers l’auteure fait partie d’une campagne agressive de Néerlandais issus de l’immigration, notamment originaires des ex-colonies comme le Suriname et les Antilles. Les immigrés originaires de l’Indonésie se sont en revanche construit une réputation positive et admirée, y compris dans le domaine des lettres. Les censeurs en herbe sont, bien sûr, loin de faire l’unanimité parmi les Néerlandais de couleur, mais des activistes bien établis dans le monde des arts et des médias dominent le débat.

Parmi eux s’est particulièrement distingué un rappeur qui veut fonder une chaîne de télévision Zwart (Noir). Antidote, selon lui, à l’ignorance des médias sur le multiculturalisme. Ledit rappeur jugea prudent de se retirer finalement du projet après avoir menacé un journaliste dont les questions lui déplurent, et dont il vola l’ordinateur. Des excuses timorées lui avaient peu avant épargné un procès pour incitation à la violence lors d’une manifestation contre le racisme.

Une traductrice débutante

De ce champ miné, Marieke Lucas Reineveld s’était jusqu’ici soigneusement tenue à distance. Elle doute encore, à 29 ans, si elle doit s’appeler fille ou garçon, mais ne donne pas l’impression que la question la taraude. Fille de paysans protestants stricts, elle abandonne la littérature et la poésie deux jours par semaine pour les consacrer aux besognes dans une ferme laitière. Elle s’habille de préférence dans des costards d’homme trop grands pour elle, et porte les cheveux blonds mi-longs genre sixties.

L’année dernière, la traduction en anglais de son premier roman obtint le prestigieux Booker International Prize. Le livre parut en français sous le titre Qui sème le vent. C’est selon son éditeur français Buchet/Chastel le « portrait sauvage et beau d’une enfance brutalement fleurie par le deuil ». Ses talents de traductrice étaient jusqu’ici restés un secret bien gardé, d’autant plus qu’elle avait confié l’année dernière que sa maîtrise de la langue de Shakespeare laissait à désirer. Pourquoi alors l’avoir invitée à traduire une partie de l’œuvre d’une poétesse américaine de renommée mondiale? Qui pratique de surcroit le genre ‘spoken word’ aux relents de rap et de hip-hop typiquement américains si difficiles à transposer dans une langue germanique. Un beau défi pour un traducteur chevronné, certes, mais est-ce que Marieke Lucas Reineveld aurait été à la hauteur? Il est permis d’en douter. Mystère… Pour tout dire, cet épisode fleurait bon le coup de com, sabordé par une journaliste tout ce qu’il y a de plus politiquement et racialement correcte…

Enfin, que dirait-on si un écrivain blanc néerlandais refusait qu’un traducteur noir se penche sur son œuvre, arguant que seul un batave pur sucre peut en saisir les subtilités?

La démonisation de Poutine appelle l’angélisation de Navalny

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Alexeï Navalny entouré de sa famille à l’hôpital de la Charité, Berlin, 15 septembre 2020. © HANDOUT

Pour la première fois depuis l’arrivée de Poutine au pouvoir, la possibilité d’un changement est incarnée par Alexeï Navalny. Pour Jean-François Colosimo, grand connaisseur de la Russie et de son âme, c’est la raison de la réaction violente du « système russe », cette structure de pouvoir oligarchique qui gouverne le pays et dont Poutine n’est que le point focal.


Causeur. Alors que le procès Navalny provoque d’importantes manifestations en Russie, assiste-t-on selon vous à un tournant ?

Jean-François Colosimo. L’événement est aussi indéniable que son lendemain indécis. Il tient d’abord à la cristallisation de passés proches et lointains qui sont propres à la Russie. À en faire une épiphanie de la mondialisation des esprits, on en rate l’essentiel. Les manifestants qui défilent ne se veulent pas moins des tenants de l’idée russe que les miliciens qui les répriment. À l’image d’Alexeï Navalny qui n’a rien d’un occidentaliste et tout d’un slavophile, mais postmoderne. Ce dont atteste son retour, contre toute raison. Son combat, à tous risques, contre le mensonge généralisé rencontre le sentiment des classes moyennes mais, plus profondément encore, réveille le culte russe du sacrifice pour la vérité.

Jean-François Colosimo. Vient de paraître en poche : "L’Apocalypse russe : Dieu au pays de Dostoïevski", Lexio, janvier 2021 © Photo HANNAH ASSOULINE
Jean-François Colosimo. Vient de paraître en poche : « L’Apocalypse russe :
Dieu au pays de
Dostoïevski », Lexio,
janvier 2021 © Photo HANNAH ASSOULINE

En somme, vous ne croyez pas au caractère rationnel de sa popularité. Cherchez-vous à minimiser son rôle ?

Non. Son intelligence et son courage sont incontestables. Mais son aura héroïque, conquise de haute lutte, ne saurait gommer son activisme politique, marqué par une décennie de zigzags. Alexeï Navalny a d’abord navigué entre les forces classiques d’opposition, allant du libéralisme d’un Grigori Iavlinski au républicanisme d’un Boris Nemtsov en passant par le centrisme d’un Alexandre Lebedev, l’ancien guébiste devenu milliardaire qui l’a fait nommer, un temps, au conseil d’administration d’Aeroflot. Cette nébuleuse est composée d’ex-gorbatchéviens et d’ex-eltsiniens qui, avec les oligarques première manière, ont été chassés du pouvoir par Poutine. Navalny a comme atouts de ne jamais l’avoir exercé et de partager les mœurs des jeunes générations. Il a su substituer la puissance mobilisatrice des réseaux sociaux à l’impuissance militante des appareils traditionnels, l’émotion à la critique, la rue à la Douma. Ce qui lui permet d’entrer spontanément dans l’antique galerie russe des figures providentielles.

Vous le renvoyez à la génération nouvelle tout en le disant moins nouveau qu’il n’y paraît. Vous reconnaissez son combat pour les libertés et soulignez son flottement idéologique. Comment, dès lors, le définiriez-vous ?

Il y a un fait qui tranche avec son apparente indifférence aux idéologies. Il a cofondé « Narod », le « Parti du peuple », qui avait vocation à rassembler les franges souverainistes d’extrême gauche et d’extrême droite, et qui cimente la Marche russe, la rencontre annuelle des organisations nationalistes, dont il a repris les slogans anti-immigrés. Finalement, il est revenu à son axe initial, apparu dès 2009, redevenant le dénonciateur solitaire de la déliquescence des classes dirigeantes. Par-delà l’ignominieuse propagande officielle à son sujet, il reste que, selon les catégories en vogue, Alexeï Navalny coche de nombreuses cases du « populisme ». Ce qui ne devrait pas laisser d’interroger. Mais par méconnaissance ou par mépris, ceux qui blâment cette mouvance ailleurs l’exonèrent en Russie.

Ce « populisme » à la russe serait-il en soi un mal ? N’est-il pas, d’une certaine façon, adapté à la situation russe ?

L’impasse institutionnelle est telle que la conjonction des colères, des frustrations, des épuisements, demeure l’unique levier de contestation. Le phénomène Navalny ne devrait pas empêcher d’interroger la méthode Navalny. D’une part, son usage intensif d’internet, concentré sur la divulgation bienvenue des scandales d’État, lui vaut un plébiscite viral, quoique virtuel, de justicier plutôt que de dirigeant. D’autre part, sa tactique perturbatrice du « vote intelligent », le fait de se reporter sur le candidat le mieux placé, quel qu’il soit, afin de barrer la route au candidat officiel, peine par définition à dégager une stratégie électorale cohérente. Animer une protestation et construire une opposition, ce n’est pas la même chose. On peut se demander d’où vient le premier rival effectif de Poutine, il faut surtout se demander où il va.

Pour nos médias, la cause est entendue. Alexeï Navalny est le « défenseur de l’État de droit ». Pourquoi ?

D’abord, par effet d’encombrement théorique : la case populisme est déjà occupée par l’autocrate qui réside au Kremlin. Ensuite, par effet de compensation manichéenne : la démonisation de Poutine appelle l’angélisation de Navalny. Enfin, par effet de réassurance narrative : le progrès universel suit son cours. Plus simplement et plus radicalement, l’opposition a désormais un nom et un visage. Poutine lui-même, qui feignait magiquement de l’ignorer, doit en admettre l’existence. Altérité, alternative, alternance : l’irruption personnifiée de cette hypothèse a suffi à ébranler le système de certitude univoque sur lequel reposait l’actuel pouvoir. D’où son état de sidération, de confusion et de surréaction. De cette fêlure, Alexeï Navalny est indubitablement l’icône, à la façon d’Hollywood pour les Occidentaux, mais à la manière de Byzance pour les Russes. Il incarne le Golgotha du peuple souffrant.

Précisément, vous évoquiez la nécessité de se référer au passé récent pour comprendre l’événement.

L’événement Navalny ratifie la lente mais menaçante dégradation des fondamentaux du régime depuis 2005 sous le poids de répétitions sans résolution. Au cycle des interventions militaires, ouvertes ou occultes, dans les anciennes marches impériales, a succédé le spectre angoissant de l’enlisement. Au fur et à mesure des éliminations politiques, des « traîtres » aux organes d’État aux opposants aux mensonges du Kremlin, s’est imposée l’image d’une spectaculaire inefficience. Au rythme des répressions collectives, de la punition des manifestants à la persécution des réfractaires, est advenue l’évidence de l’impossibilité de l’endiguement. Le recours à la violence maximale, au besoin arbitraire et cruelle, n’intimide plus. Erdogan apparaît à Bakou, Navalny réapparaît à Moscou et les jeunes jetés en prison par la milice en ressortent insurgés. Or, un pouvoir autoritaire est d’autant plus démuni pour traiter sa vulnérabilité qu’il croyait imparable son système de dissuasion.

Voilà qui explique l’évolution des dernières années. Mais vous semblez penser que Navalny est une des incarnations de l’âme russe éternelle…

Dans l’imaginaire, Navalny s’apparente au revenu d’entre les morts, ce qui n’est pas rien au pays de la Pâque orthodoxe, de l’épopée résurrectionnelle de Dostoïevski, mais aussi de la garde de Lénine dans son mausolée. Le récit national, en parallèle, exalte le dissident surgi des limbes pour se faire le guide des foules : ainsi, au xviiie siècle, le rebelle Pougatchev dépeint par Pouchkine dans La Fille du capitaine. Enfin, historiquement, existe le précédent du pope Gueorgui Gapone, l’orateur et l’organisateur des premières pétitions et processions pour l’égalité et la liberté qui préparent la révolution de 1905 : lui aussi sera banni de Russie et y retournera en bravant la police secrète avant d’être assassiné. Gapone a pour adversaire déclaré Konstantin Pobiedonostsev, le ministre des Affaires religieuses, le défenseur de l’autocratie au nom du triptyque « Orthodoxie, État, Patrie » et l’excommunicateur de Tolstoï qui l’avait brocardé dans Anna Karénine. Cette partition se rejoue aujourd’hui, soulignant la difficulté russe à concevoir la démocratie autrement qu’un paradis ou un enfer, l’impératif de la fraternité demeurant métapolitique, d’ordre métaphysique.

Faut-il en déduire que le mouvement puisse s’embraser et le « nouveau tsar » être renversé ?

C’est une autre erreur commune de ne pas voir en Vladimir Poutine le point focal d’un vaste ensemble oligarchique aux cercles multiples et contradictoires. Le noyau originel des Pétersbourgeois perdure, les mariages croisés entre leurs enfants assurant sa cohésion clanique ainsi que sa mainmise durable sur l’appareil financier et économique. Le bras armé de l’appareil sécuritaire est également fiable, car l’enrichissement personnel fonde la fidélité collective des anciens du KGB qui le composent. Quant à l’appareil militaire, le seul vrai bénéficiaire du redressement promis de l’État, il est pareillement acquis. Enfin, aux périphéries, dans les appareils industriel, médiatique, culturel, religieux, l’allégeance a force de loi sous peine d’éviction. La convergence de ces cercles sera stable tant que continuera leur communauté d’intérêts. Pour autant, l’anarchie de constitution et la médiocrité de recrutement de ces différents foyers de décisions éclairent l’absurdité de certaines actions au regard de l’habileté certaine dont sait faire montre leur chef suprême.

Vladimir Poutine peut donc espérer rester au pouvoir jusqu’à son dernier souffle ?

S’il a échoué à instaurer une économie concurrentielle, lui préférant la rente facile des ressources naturelles, Poutine a restauré une diplomatie et une armée compétitives au point de refaire de la Russie un acteur majeur sur la scène planétaire. Mais sa concentration sur les affaires internationales au détriment des questions intérieures tend précisément à l’éloigner de la gestion du quotidien. Un scénario plausible serait donc que, reproduisant le scénario par lequel lui-même a évincé Eltsine, la jeune classe montante des technocrates éduqués à la globalisation, toujours plus présente dans l’appareil étatique, le force à son tour à une retraite dorée. Et ce, avec ou sans la pression d’une révolte populaire.

Le malaise russe se réduit-il aux difficultés de l’après-communisme ?

Pour partie. Alexandre Soljenitsyne rappelait que, dans la Bible, Dieu soumet l’entrée de son peuple en Terre promise à la mort de l’ultime Hébreu qui a adoré le Veau d’or : il n’y aura pas de Russe vraiment nouveau avant l’extinction de l’Homo sovieticus. Mais il y a autre chose. En s’obstinant à considérer la Russie comme leur ennemi fondamental en raison de l’égalité délétère que lui confère son arsenal nucléaire, les États-Unis la condamnent à un survivalisme où l’inimitié de l’Occident justifie l’hostilité envers l’Occident. Trente ans après la dissolution du pacte de Varsovie, l’Alliance atlantique garde pour but premier l’encerclement, l’isolement et l’assujettissement de Moscou, lui réservant une intransigeance dont l’inégalité est criante, mesurée aux faveurs que Washington prodigue aux plus douteux de ses alliés. Il y a là une sorte d’intolérance toxique, comme on le dit en médecine, que l’Union européenne imite volontiers depuis qu’elle a accueilli en son sein d’anciens pays de l’Est pour qui elle n’était jamais qu’un sas vers l’OTAN. Or, la France ferait bien de se souvenir qu’elle est plus que l’Occident ou l’Europe, qu’elle a une longue tradition de dialogue avec la Russie et que ce lien, certainement difficile, précaire et périlleux, ne sert pas moins son besoin récurrent d’une alliance de revers chaque fois qu’elle est elle-même menacée d’affaiblissement.

Pour conclure, restez-vous optimiste quant à l’avenir de la Russie ?

C’est elle qui, à l’inverse, nous apprend que le pessimisme doit toujours être de mise, car pour l’esprit russe il n’est ni bonheur sans malheur, ni salut sans péché. Je note cependant qu’aussi défiguré qu’il apparaisse aujourd’hui, ce pays irrémédiablement rebelle à la raison ne cesse de nous réserver des surprises, voire des prodiges. Voyez combien ses contempteurs attitrés ont eu tort de se gausser, sur le ton qu’ils prennent pour évoquer des fake news, d’un vaccin indiscutablement plus efficace que celui que nous avons lamentablement échoué à produire. C’est à la résilience spirituelle de ce peuple, littéraire, artistique, savante mais aussi ordinaire et anonyme, sur laquelle sont venues buter toutes les dominations et les malédictions, que je fais confiance.

Vient de paraître en poche: Jean-François Colosimo, L’Apocalypse russe : Dieu au pays de Dostoïevski, Lexio, janvier 2021.

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Chicha et chichon: halte aux discriminations!

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Montage Causeur © ISA HARSIN/SIPA Numéro de reportage : 00969085_000011

Didier Raoult, à l’occasion d’un point sur l’épidémie, lance un cri d’alerte. 


En analysant un cluster dont les chercheurs ne décelaient pas l’origine, on a découvert que ses membres avaient tous participé à une soirée chicha. La salive chauffée, partagée, ça, ça vous diffuse de l’aérosol, tu penses ! Un facteur de risque qui touche les 25-45 ans. C’est à partir de la 11ème minute dans la vidéo publiée sur le site de la Provence. Mais ce qui précède vaut tout de même son pesant de bouillabaisse.

Je suis outré. Comment Raoult, habitant Marseille, se laisse-t-il aller à discriminer un groupe qui, dans la cité phocéenne, représente au moins la moitié des habitants — immigrants illégaux compris ? La chicha est une pratique conviviale essentiellement maghrébine. Gainsbourg n’écrivait-il pas « Dieu est un fumeur de gitanes » ? De gitanes peut-être pas, mais de chicha, sûrement.

C’est comme si l’on disait qu’il faut inculper pour mutilation permanente sur mineur toutes les mères et tous les praticiens, diplômés ou non, qui pratiquent des excisions sur des fillettes. 20 ans de prison minimum. Ce serait discriminer toute l’Afrique noire réimplantée en France, avec d’excellentes excuses que je me garderai bien de contester…

Raoult évoque au passage l’usage (« quand il était jeune ») des pétards. Eh oui, se passer un vague chichon dans l’une de ces soirées qui, de 18h à 6h du mat’, les rassemblent à l’insu de leur plein gré, ça peut être contaminant. 

Mais c’est discriminer cette fois le créneau des 12-30 ans — de la juvénophobie, si le lecteur m’autorise à créer un tel barbarisme. Que les jeunes méprisent leurs aînés (« OK ! Boomer ! » disent-ils avec un admirable sens du raccourci et de la pensée profonde) ne choque personne. S’en prendre aux jeunes cons / sommateurs, c’est autre chose. Je m’insurge ! 

Tout comme on doit s’insurger lorsque des pédagogues à l’ancienne protestent parce qu’un élève les a insultés, ou a sorti son portable en cours pour envoyer à ses potes la vidéo d’une fellation opérée dans les chiottes du collège. Libre expression ! Communication ! Il faut au contraire encourager de tels comportements ! Le jeune doit être libre ! On ne somme pas un consommateur !

Je remarque d’ailleurs que le gouvernement — sur lui toutes les bénédictions — se garde bien de reprendre les fantasmes du druide marseillais. Qui a raison, je vous le demande, Olivier Véran, qui veille sur notre santé en imposant des masques et des couvre-feux, ou Didier Raoult, qui, comme chacun sait, la menace en s’obstinant à guérir les gens ?

Poser la question, c’est y répondre.

Je suggère donc au gouvernement de tenir son prochain conseil de guerre sanitaire autour d’un narghilé. Cela aura de la gueule, et enverra un signal clair à Erdogan, toujours candidat pour une entrée dans l’Europe. La stigmatisation des fumeurs de chicha doit cesser ! La répression du shit doit s’interrompre ! Car enfin, vouloir réprimer des usages immémoriaux, n’est-ce pas une façon insidieuse d’inciter les Musulmans à s’intégrer dans une société française dont ils ne veulent pas ? Interdire le chichon, n’est-ce pas un effet pervers de cette laïcité à la française dont une majorité de jeunes ne veut pas ?

Tous fumeurs ! Tous envapés ! C’est alors que la société sera libre — et qu’il ne restera plus aux dhimmis non fumeurs qu’à payer la djizîa — la taxe imposée à tous ceux qui refusent de se laisser obscurcir le cerveau par la fumée des calembredaines.

Ceci est mon sang

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La journaliste Élisabeth Lévy © Photo: Pierre Olivier

L’éditorial de mars d’Elisabeth Lévy


La nouvelle a été accueillie par des cris de victoire des associations. La France va rattraper, enfin, un coupable retard. Non, il ne s’agit pas – pas encore – de la reconnaissance d’un troisième sexe (et de tous les autres), mais de la gratuité pour les étudiantes des protections périodiques, promise le 23 février par Frédérique Vidal pour la rentrée 2021. Depuis le temps qu’on attendait.

Peut-être la ministre a-t-elle été sommée de changer de sujet après une semaine de brouhaha sur l’islamo-gauchisme, au cours de laquelle on a appris que le problème n’était pas la chose et sa progression, mais le mot, qui froisse tous les bons esprits de la Macronie et d’ailleurs, très à cheval sur la précision sémantique. Le moindre solécisme en parlant les irrite, mais ils en font bien d’autres étranges en conduite.

Pour les nouvelles féministes, les productions corporelles comme les souffrances psychiques ont vocation à être montrées en place publique

Puisqu’il a été acté à la satisfaction générale que l’islamo-gauchisme n’existait pas (d’ailleurs, l’islamisme non plus, la preuve par Trappes), Frédérique Vidal peut se consacrer aux vrais problèmes et, au premier chef, à ce que la langue populaire appelle les « ragnagnas » et la langue victimaire la « précarité menstruelle », expression prouvant que nous tenons là une nouvelle perle enfilée sur le collier des injustices faites aux femmes. Toute différence y compris biologique devient une discrimination – à sens unique, car nul n’aurait l’idée de parler précarité pileuse pour les hommes condamnés au rasoir à vie. D’ailleurs, le premier privilège mâle est de pouvoir uriner debout, scandale auquel certaines chapelles féministoïdes entendent bien mettre fin en imposant à toutes-et-tous la position assise. En attendant qu’on intente un procès à Dame Nature et qu’on oblige les hommes à avoir leurs règles, il convient au moins de faire de celles-ci un sujet de pleurnicherie. Le vrai privilège masculin, c’est de ne pas être traité en victime.

Vérification faite sur le site d’un supermarché, les protections hygiéniques coûtent quatre euros par mois, soit moins de 50 par an, ce qui pour quarante ans, revient à 2 000 euros. On aimerait savoir où doit s’arrêter l’assistanat. Pourquoi ne pas financer les chaussures, tout aussi indispensables, ou la mousse à raser ? Perso, je préférerais qu’on me rembourse mes paires de bas, parce qu’à raison de quatre ou cinq par semaine entre octobre et avril, l’addition est salée.

Je vous entends d’ici. Tu badines parce que tu as la chance d’avoir du travail, mais la pauvreté étudiante, tu en fais quoi ? Surtout quand il n’y a plus de petits boulots ni de restau U, on aimerait t’y voir. D’accord, si notre système social laisse sur le carreau des étudiants désargentés et déprimés, qu’on leur accorde une aide d’urgence. Mais de grâce, qu’on nous épargne de savoir si elle sera convertie en nouilles, bières, sextoys (dont la vente explose, paraît-il) ou protections hygiéniques. Les fonctions naturelles n’ont rien de honteux, mais elles n’ont pas non plus à être un sujet de « pride » permanente. Pareil pour la sexualité. Je ne veux pas plus entendre parler de règles que de la main de X dans la culotte de Y – et ce n’est pas une clause de style, l’accusatrice de PPDA ayant cru bon de révéler les détails de l’attentat.

C’est sans doute le plus funeste renversement inventé par une époque qui en prodigue à foison. L’exhibition qui était naguère une transgression, une façon d’épater le bourgeois puritain, est devenue une vertu citoyenne – et, par la même occasion, la marque de fabrique d’un nouveau puritanisme qui, ne voyant le mal nulle part, finit par le débusquer partout. Rien n’est moins érotique, en effet, que cette mise à nu appelée transparence qui prive l’imaginaire de nourrissants mystères.

Désormais, rien de ce qui est intime ne doit être caché. Pour les nouvelles féministes, les productions corporelles comme les souffrances psychiques ont vocation à être montrées en place publique. Aussi évoquent-elles avec une gourmandise assez dégoûtante leurs flux et sécrétions, croyant faire preuve d’audace et de liberté d’esprit. Au demeurant, à en juger par la facilité avec laquelle la plupart des gens discourent sur leurs maladies à la télévision, elles sont loin d’être les seules.

S’agissant des souffrances psychiques, il faudra un jour demander des comptes à tous ces croisés de la « parole libérée », qui ont encouragé des victimes de violences sexuelles à se livrer à un déballage public qui, à terme, pourrait se révéler aussi douloureux que les violences elles-mêmes. Le malheureux étudiant qui s’est pendu dans sa chambre universitaire de Nanterre après avoir accusé deux élus communistes de viol avait abondamment libéré sa parole sur les réseaux sociaux. À l’évidence, cela ne l’a pas aidé. Paix à son âme et condoléances à ses proches.

Que ce soit volontairement que des individus, égarés par le désarroi ou l’air du temps, renoncent à leur droit à la vie privée ne rend pas la chose moins grave. Car demain, nous serons tous sommés d’exposer la nôtre. Or, comme le disait Malraux, « pour l’essentiel, l’homme est ce qu’il cache : un misérable petit tas de secrets ». Alors, qu’on nous laisse les conserver par-devers nous.

À tous ces apôtres du déballage, on rappellera donc que qui n’a rien à cacher n’a rien à montrer et surtout, qu’un peu de pudeur, de réserve, de quant-à-soi, est la condition du vivre-ensemble. Nous avons le droit de ne pas savoir ce qui se passe dans le lit et la salle de bains de nos contemporains. Le corps est encore une affaire privée.

P.-S. Les heureux abonnés de ce magazine ont eu la joie de recevoir, avec ce numéro, L’arnaque antiraciste expliquée à ma sœur,  l’essai allègre et féroce dans lequel Cyril Bennasar répond à Rokhaya Diallo. Tous les nouveaux abonnés auront ce privilège. Mais n’hésitez pas à offrir à vos amis cet argumentaire implacable contre l’une des folies de l’époque. Ou un abonnement à Causeur.

Dissolution de Génération Identitaire: «Même sur le plan politicien, je ne trouve pas ça malin!»

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L'avocat Gilles-William Goldnadel © Photographe: Hannah Assouline.

L’avocat Gilles-William Goldnadel réagit au projet de dissolution du mouvement anti-immigration Génération identitaire voulu par le gouvernement.


Craignez-vous l’annonce d’une dissolution de Génération Identitaire au prochain Conseil des ministres ?

Oui. Je n’en suis pas sûr, mais comme je suis sûr que nous ne vivons pas tout à fait dans un État de droit, ma crainte est particulièrement justifiée. Si je vivais dans un État de droit, je serais d’une placidité parfaite, mais ce n’est pas le cas. Si je vivais dans un État de droit, jamais un ministre n’aurait osé demander la dissolution d’une association aussi pacifique.

Quels recours aurez-vous, si cette dissolution est annoncée ?

Si jamais mercredi Génération Identitaire est dissoute, nous irons au Conseil d’État.

Paris, 20 février 2021
Paris, 20 février 2021

Le pouvoir est gêné par Génération Identitaire depuis des mois, mais jusqu’alors il estimait ne pas avoir d’éléments permettant d’engager une dissolution. Qu’est-ce qui a changé ?

Le ministre ! Ce qui a changé, c’est la politique, c’est le coup de barre à droite – au moins sur le plan verbal – sur l’immigration et sur l’islamisme qui nécessitait dans notre gouvernement du « en même temps » un coup de barre à gauche. C’est aussi simple que cela.

On a effectivement l’impression que cette décision que vous craignez vise à donner des gages à la gauche. Elle intervient après d’autres dissolutions polémiques (Barakacity et le CCIF). Vous pensez donc que c’est pour équilibrer ?

Oui. Mais c’est une fausse symétrie, qui a des vues politiques scandaleuses. Je ne suis pas sûr que monsieur Darmanin, compte tenu du débat qui s’est instauré, soit spécialement satisfait d’avoir pris cette décision. Même si mercredi Génération Identitaire est dissoute, bien au-delà du Rassemblement National et de la droite dure, des démocrates ne seront pas du tout d’accord avec cette dissolution. Et je ne suis pas sûr du tout que l’exécutif retrouvera à gauche de qu’il va perdre à droite. Où que je tourne mon regard, que ce soit sur le plan juridique, que ce soit sur le plan philosophique, politique ou démocratique, je trouve que c’est une décision assez stupide. Et j’ai d’autant plus de peine à le dire que j’aime bien Gérald Darmanin. Venant de Castaner, j’aurais compris, mais venant de Darmanin… Sans doute devait-il se faire excuser certaines choses par la gauche. Mais, encore une fois, même sur le plan politicien, je ne trouve pas ça malin.

Quand vous dites que c’est une « fausse symétrie », vous dites qu’on devrait tolérer une certaine radicalité à la droite de la droite, qu’elle ne constitue pas une menace pour la sécurité nationale comme le CCIF?

Pour parler franchement, les mouvements islamistes qui ont été dissous flirtaient ou mettaient de la compréhension par rapport à ce qui s’est passé avec Charlie Hebdo, par rapport au terrorisme islamique, par rapport à l’antisémitisme islamique criminel. Or les positions de Génération Identitaire, ce n’est pas ça. C’est la droite radicale qui n’en peut plus ni de l’immigration ni de l’impuissance de l’État devant son caractère massif ou illégal. Et reconnaissez qu’il faut être vraiment amoureux pour regarder le visage de l’immigration avec les yeux de Chimène.

Le 21 janvier, l’ancien ministre de l’Intérieur Christophe Castaner racontait qu’il aurait bien aimé se faire Génération Identitaire, mais qu’il ne le pouvait pas. Une semaine après, qu’est-ce qui a changé ? L’expédition des Pyrénées. Alors que c’est une réitération de l’expédition des Alpes et que l’on sait qu’elle avait été considérée par la justice comme exclusive de tous délits. Par quel miracle juridique extraordinaire va-t-on pouvoir nous expliquer que désormais c’est différent ?

Ce que dit le ministre de l’Intérieur, c’est que dans ses actions à la frontière italienne ou espagnole, Génération Identitaire agirait comme une milice, c’est-à-dire qu’elle prendrait les apparences de la force publique légitime. Contestez-vous cela ?

Cela a déjà été contesté avec succès devant le tribunal. Mais le parquet, après avoir classé sans suite l’affaire tant c’était stupide, semble avoir été missionné pour tenter de faire croire que les militants se déguisaient en gendarmes. Finalement c’était des blousons sur lesquels était écrit « Génération Identitaire ». Si avoir un blouson avec le sigle de son association c’est faire partie d’une milice, il va y avoir beaucoup de dissolutions dans le monde du sport et notamment du sport de la haute montagne ! C’est une grande plaisanterie… La dernière jurisprudence en matière de dissolution de milice, c’est qu’il faut que les personnes soient sélectionnées – pour des raisons physiques notamment – pour faire partie de la milice. Alors si Génération Identitaire est une milice, personnellement je pourrais parfaitement en faire partie alors que je n’ai plus vraiment l’âge (!)

Autre point reproché à Génération Identitaire, le cas de Fabien Badaroux à Avignon qui en octobre avait lui aussi le fameux blouson et qui a menacé des passants et a été abattu par la police. Cela ne peut-il pas jouer en défaveur de Génération identitaire, ou pas du tout ?

C’était donc du temps de monsieur Castaner, qui a donc considéré que ça ne tenait pas ! Le type s’est fait abattre, je ne connais pas le dossier. Mais dans tous les partis politiques, vous avez des mauvais sujets, à supposer que celui-là en était un, ce n’est pas pour cela que vous allez dissoudre le Parti communiste français, les Insoumis et le Rassemblement National.

 Concrètement, qu’impliquerait une dissolution par la justice administrative pour les militants ?

Pour les militants rien. Pour l’association, sauf à être convaincue de reconstitution de ligue dissoute, cela l’empêcherait de recommencer ses activités. Ce serait un très grave manquement à la démocratie politique et à la liberté d’expression, mais on n’en est pas là.

Pap Ndiaye nommé au Musée de l’Histoire de l’immigration: une décision dans l’air du temps

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L'historien Pap Ndiaye, spécialiste des "minorités" © BALTEL/SIPA Numéro de reportage : 00592566_000021.

Pap Ndiaye, co-signataire du rapport sur la diversité à l’Opéra de Paris, prend la direction du Musée de l’Histoire de l’immigration


Le19 février, Ali Baddou a reçu l’historien Pap Ndiaye au Grand entretien de la matinale de France Inter. Le professeur à Sciences Po vient d’être nommé à la direction du Musée de l’Histoire de l’immigration, au Palais de la Porte Dorée.

Ce Musée de l’Histoire de l’immigration ne sera pas qu’un Musée sur l’immigration, annonce Pap Ndiaye. Il intégrera l’histoire de l’esclavage à partir du 18ème siècle et celle de la colonisation. Pourquoi pas ? Il restera à voir comment seront agencées les différentes présentations historiques relatant ces histoires complexes. À vrai dire, le reste de l’entretien laisse peu de doute.

Ndiaye ne contredit pas Ali Baddou lorsque celui-ci dit que ce musée sera aussi « un lieu où toutes les questions qui ont trait à la lutte antiraciste auront leur place.» Lui-même pense que le musée pourra être un lieu de débats “décolonialistes”. « On cherche ce qui dans la société française contemporaine est hérité de l’époque coloniale. On regarde les formes de continuité sans préjuger que nous serions entièrement détachés de cette période.» Traduction : on regarde les formes de continuité en préjugeant que la société française a gardé un fond colonialiste qu’elle perpétue aujourd’hui en France même. Autrement dit, militantisme antiraciste et thèses décolonialistes incriminant une France xénophobe qui userait de méthodes coloniales pour continuer de discriminer les populations issues de l’immigration auront table ouverte au Musée de l’Histoire de l’immigration.

A lire aussi: Zemmourisation des esprits: panique au musée de l’immigration!

Le sujet de l’islamo-gauchisme est abordé. Pour l’historien, « ce terme n’a aucune réalité dans l’université, c’est plutôt une manière de stigmatiser des courants de recherche », lesquels courants sont surtout ceux de la « recherche intersectionnelle » traitant des “discriminations croisées”. Involontairement, Pap Ndiaye souligne un point primordial : les courants de “recherche intersectionnelle” qui irriguent actuellement les universités convergent effectivement tous dans la même direction, et la “déconstruction” d’à peu près tout ce qui a fondé l’Occident en général et la France en particulier est à l’œuvre.

En attendant de voir réellement les dispositifs du Musée de l’Histoire de l’immigration, il est intéressant d’analyser quelques éléments du Rapport sur la diversité à l’Opéra de Paris, co-signé par M. Ndiaye. Ce rapport est curieusement introduit par un rappel de la mort de George Floyd et le combat du mouvement Black Lives Matter qui auraient engagé « à réfléchir en profondeur sur les formes de discrimination raciale et racisme qui existent dans le monde culturel » en Europe (sic), mais qui n’ont que peu ému les « établissements culturels » français (resic). La France, pays foncièrement xénophobe, traînerait donc des patins dès qu’il s’agit de se remettre en question ? A lire ce document, il serait temps d’envisager des mesures correctrices draconiennes, y compris dans le « monde culturel ».

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L’historien peut alors faire fi de l’histoire essentiellement occidentale de l’opéra – ses œuvres emblématiques, son décorum, ses symboles – et s’appuyer sur un Manifeste qui a « libéré la parole » (De la question raciale à L’Opéra National de Paris) pour défaire une tradition artistique française au nom de l’antiracisme. Quand on en arrive à demander « la création à l’Opéra national de Paris d’un poste de responsable diversité et inclusion » ; à réclamer « une formation aux enjeux de non-discrimination » pour les membres des jurys de l’opéra ; à proposer de « démarcher de manière active, y compris à l’international, des artistes non blancs de haut niveau » ; à préconiser, dans une novlangue de la plus belle eau, de « repenser l’unité chromatique » en favorisant « la diversité mélanique », que fait-on en réalité ? Pour reprendre des termes chers à Françoise Vergès ou David Bobée, on « décolonise les arts » en promouvant le comptage “diversitaire” plutôt que les aptitudes artistiques ; on déclare sottement que « la danse chinoise et la danse arabe de Casse-Noisette » relèvent d’une « racialisation », ou que Madame Butterfly présente des « personnages “yellowface” avec le maquillage de la peau et le contour des yeux exagérément allongé », parce qu’on ignore l’esprit des « tableaux fantaisistes, peints à une autre époque dans un esprit de rêve et de divertissement » (Benoît Duteurtre). On ne parle plus d’art mais de morale. On ne se laisse plus enchanter par des œuvres artistiques, on livre des combats politiques.

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Pap Ndiaye parlant d’immigration, de l’Opéra de Paris ou de certains travaux universitaires, n’a de cesse d’évoquer une recherche française “intersectionnelle” qui irriguerait la recherche internationale. Il se trompe et inverse les rôles. Tous les débats français “racialistes”, décoloniaux, diversitaires, déconstructivistes, etc., qui empoisonnent actuellement le monde artistique comme le monde universitaire, les musées comme l’opéra, nous viennent des États-Unis, et non l’inverse. Ces faux débats véhiculent l’idée d’une France blanche raciste, discriminante, ne donnant aucune chance à la partie de sa population “racisée”. Les thèses qui alimentent ces faux débats ont actuellement le vent en poupe et gangrènent tous les pans de la société. Si chacun reconnaît la valeur du travail d’historien de M. Ndiaye, il reste qu’on peut s’interroger sur sa manière de promouvoir la discrimination positive à l’Opéra, ou sur sa vision d’une histoire de l’immigration qui semble surtout ajustée à celle des thèses décolonialistes.

Droit de réponse d’Anticor

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L’association exerce son droit de réponse suite à l’article publié sur Causeur le 6 février. « L’association n’agit pas pour «se faire l’Élysée», mais pour l’égalité de tous les citoyens devant la loi »


 « L’association Anticor, exerce son droit de réponse prévu à l’article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 en précisant les éléments suivants :

  1. Sur la commission d’enquête: Les dirigeants d’Anticor sont régulièrement invités à participer à des commissions d’enquête parlementaire. À cette occasion, ils apportent l’expertise de l’association sur des sujets précis. L’audition du 20 mai 2020 portait sur « les obstacles à l’indépendance du pouvoir judiciaire » et en aucun cas sur l’indépendance d’Anticor, association de droit privé. Une députée a interrogé Élise Van Beneden, présidente et Éric Alt, vice-président, sur l’absence de publication de l’identité des donateurs. Au cours de sa réponse, la présidente a déclaré qu’elle ne connaissait pas les noms des donateurs. Anticor a en effet environ 1 600 donateurs, il est donc parfaitement impossible de les connaître tous. De plus, seule la trésorière et notre prestataire externe ont accès à la liste des donateurs. Par ailleurs, Élise Van Beneden a précisé qu’Anticor s’était dotée, de son propre chef, d’un mécanisme d’alerte lorsqu’un don ou plusieurs dons sur la même année, venaient à dépasser 7 500 euros.
  2. Ce mécanisme a vocation à informer le conseil d’administration de l’existence de ce don afin qu’il évalue l’importance du don compte-tenu du budget prévisionnel de l’association et du réalisé à date. Bien évidemment, dans ces cas-là, la présidente est informée du nom du donateur. Ainsi, rien ne peut être reproché aux dirigeants de l’association, qui ont dit la vérité aux députés, conformément à leur serment. Le procédé consistant à isoler une phrase et à accuser une personne d’avoir menti est parfaitement déloyal.
  3. À notre connaissance, aucune autre association n’a mis en place un tel mécanisme. Par ailleurs, Anticor n’a pas les moyens d’enquêter sur ses donateurs, qui n’ont aucun moyen de peser sur les décisions de l’association, ni aucune raison de se méfier de leurs motivations ou de leurs valeurs.
  4. Sur l’affaire Kohler : Aucun don d’un montant de 15 000 ou 20 000 € n’a été « fléché » pour financer les poursuites contre Alexis Kohler.
  5. Sur l’identité des donateurs: la CNIL, dans une décision du 1er février 2021 a conforté la position d’Anticor, qui ne livre pas le nom de ses donateurs et adhérents. La CNIL précise notamment que les noms des donateurs et adhérents revêtent un caractère hautement personnel, voire sensible, pour les personnes concernées, et que l’association n’a pas le droit de les communiquer. Il est étrange de reprocher à Anticor de respecter la loi.
  6. Sur l’influence des donateurs : Nos donateurs n’ont aucun moyen de peser sur les décisions du Conseil d’administration. S’ils sont adhérents, ils bénéficient d’un vote à l’assemblée générale, rien de plus. Par ailleurs, rien, si ce n’est l’opinion complotiste d’une administratrice démissionnaire, n’établit l’intervention de sociétés secrètes à Anticor.
  7. Sur le choix des dossiers : l’affaire concernant Richard Ferrand, classée par le parquet de Brest a été jugée recevable par les juges d’instruction. De même, l’affaire concernant Alexis Kohler, également classée par le parquet, a été jugée recevable par des juges d’instruction. Enfin, la plainte contre Éric Dupond-Moretti a été jugée recevable par la Cour de justice de la République. Cela démontre que l’association a eu raison d’agir. Ces affaires suivent à présent leur cours normal. Anticor a signalé environ 130 dossiers aux procureurs de la République et s’est constituée partie civile dans une centaine d’entre eux. L’association n’agit pas pour « se faire l’Élysée », mais pour l’égalité de tous les citoyens devant la loi.
  8. Sur l’esprit partisan : Anticor est une association transpartisane. Le vice-président d’Anticor ne s’est pas spécialement opposé à une action contre M. Mélenchon, il s’est opposé à une plainte visant l’ensemble des candidats aux présidentielles ayant comme fondement des irrégularités dans leurs comptes de campagne car l’agrément d’Anticor ne lui permet pas se constituer partie civile sur ce fondement. Une plainte a néanmoins été déposée en juin 2018. Anticor a par ailleurs porté plainte dans l’affaire de la Tour Triangle, susceptible de concerner Mme Anne Hidalgo, contre M. Mathieu Gallet, M. Jean-Noël Guerini et M. Martial Passi, maire communiste de Givors, entre autres. Aussi, les « ravages de l’esprit partisan » que vous citez semble être des mirages.
  9. Sur la création de Blast : Blast est un média créé par Denis Robert, grand journaliste d’investigation ayant notamment dénoncé les affaires Clearstream et Lyon-Turin. Il s’agit d’une coopérative à but non lucratif dans laquelle Élise Van Beneden détient des parts sociales qui ne donnent droit à aucun dividende, ni à aucune plus-value en cas de revente. Le fait de diriger Anticor n’emporte statutairement qu’une seule incompatibilité : l’interdiction d’un mandat électif. Du reste, la participation d’un administrateur à un média ne révèle en rien un positionnement de l’association, chacun ayant le droit à sa liberté d’opinion, garantie par la déclaration des droits de l’Homme. »

Elise Van Beneden, Présidente d’Anticor

 

Suite à notre article, l’association Anticor nous a adressé le droit de réponse ci-dessus.

Causeur maintient l’intégralité de ses informations et regrette que la direction d’Anticor n’ait pas pris le temps de répondre à nos questions avant parution, malgré plusieurs relances. Le droit de réponse que nous publions ici confirme les dissensions internes dont nous avons fait état: Mme Van Beneden, présidente d’Anticor, trouve judicieux de qualifier de « complotiste » une ancienne administratrice, en l’occurrence Françoise Verchère, maire de Bouguenais pendant 14 ans, prix Ethique Anticor 2017. On a connu plus serein.

Nous notons que la direction d’Anticor ne dément ni l’existence de dons fléchés, ni l’existence d’un donateur ayant versé en 2020 au moins 5000€ par mois à Anticor, dont elle connait parfaitement l’identité.

Enfin, l’assertion selon laquelle la présence de Mme Van Beneden parmi les administrateurs de Blast, média de Denis Robert, «ne révèle en rien un positionnement de l’association», serait plus crédible si des centaines de messages enthousiastes sur les réseaux sociaux n’associaient pas Blast et Anticor. Ainsi David Koubbi, avocat d’Anticor, sur Twitter, le 14 janvier : « Lancement de BLAST, media de lutte anti corruption, par l’ami @DenisRobert accompagné d’Elise VAN BENEDEN, militante anti corruption et Présidente infatigable d’ANTICOR ». De son côté, Denis Robert déclarait dans un message vidéo diffusé le 4 février : « Anticor, comme Blast, est un caillou dans les mocassins du pouvoir, ce pouvoir ridicule et déliquescent », etc. Libre à chacun de souhaiter l’alternance, mais il devient difficile de soutenir que la direction d’Anticor – bien distincte en cela de ses adhérents – aborde la prochaine présidentielle sans esprit partisan.

Célébration de Fernandel

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Fernandel et Helene Perdriere dans "Topaze" de Marcel Pagnol (1951) © NANA PRODUCTIONS/SIPA Numéro de reportage: 00485102_000002

2021 est un beau millésime sur le front des célébrations et autres anniversaires. Ce sera Baudelaire en avril, Napoléon en mai, Frédéric Dard (San Antonio) en juin, La Fontaine en juillet, Brassens en octobre, Flaubert en décembre. Je parlerai en leur temps de tous ces gens-là, parce qu’ils figurent tous à divers titres dans mon panthéon personnel. Baudelaire parce qu’il a écrit de bien belles choses, Frédéric Dard parce que San Antonio (je crois que je les connais tous à peu près par cœur), La Fontaine parce que j’ai une admiration sans bornes pour l’artiste qu’il était, Brassens parce que je l’ai tellement joué que le manche de ma guitare en est creusé.

Flaubert, j’anticiperai même un peu, une exposition sur Salammbô doit s’ouvrir à Rouen en avril. Je rêve d’en rendre compte. Salammbô ! Je donnerais ma main droite pour avoir écrit la première phrase du roman, « C’était à Mégara, faubourg de Carthage, dans les jardins d’Hamilcar » — coup de trompette en A majeur.

En attendant, il y a 50 ans, le 26 février 1971, disparaissait Fernand Contandin. Qui ça ? Fernandel ! Même qu’un certain Olivier de Bruyn l’exécute cette semaine dans Marianne, en ressortant tous les clichés que peut attendre le populo : brave type, incroyablement populaire, sans oublier « l’accent ».
Et de citer sa collaboration avec Pagnol : Angèle, Regain, le Schpountz, la Fille du puisatier
En choisissant d’éliminer de la liste le chef-d’œuvre qui aurait pu donner à son article un petit quelque chose en plus : Topaze.

A lire aussi, Patrick Mandon: Marcel Pagnol et Albert Cohen: mousquetaires de la garrigue

Je tiens Pagnol pour l’un des grands écrivains du siècle. Lisez donc Jazz, ou l’intellectuel désenchanté, lisez les Marchands de gloire, l’une des charges les plus violentes contre la guerre, écrite au lendemain de la victoire. Pagnol a souffert des adaptations nullissimes par Alexandre Korda de la « trilogie marseillaise » auxquelles on persiste à l’assimiler — ah, l’accent du Quai de Rive-Neuve reconstitué par ce Parisien de Pierre Fresnay ! Yves Robert a fait un honnête travail avec la Gloire de mon père et le Château de ma mère — sans parvenir à insérer le sous-texte tragique de ces deux fragments autobiographiques, la mort du chevrier, Lili des Bellons, pendant la guerre, et surtout celle de la mère de Pagnol, décédée en 1910, quand son fils avait tout juste 15 ans et était élève au lycée Thiers avec Albert Cohen. C’est le souvenir de ces deux catastrophes, l’une nationale et l’autre intime, qui donne au soleil du Garlaban une nuance noire.

Ou lisez Topaze.

Topaze a donné à Fernandel l’occasion de prouver deux choses. Primo, qu’il pouvait, si on lui en donnait l’occasion, être encore meilleur que Jouvet — qui ne démérite pas dans la première version filmée de la pièce, en 1933, mais qui est loin, très loin de la performance de Fernandel en 1951. Secundo, que ce faux sympa (qui était un vrai tyran domestique, fou de jalousie, qui séquestrait littéralement son épouse) était un vrai méchant — et l’on adore le moment où il révèle sa vraie nature.

Pendant trois actes (la pièce en a quatre), Fernandel, petite barbichette, air sérieux et accablé, choisit de ne pas se ressembler. Il est un …

>>> Lire la fin de l’article sur le blog de Jean-Paul Brighelli <<<

Bernard Arnault: l’humain d’abord?

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De gauche à droite, Alexandre Arnault, Bernard Arnault et Delphine Arnault, Paris, 2018 © ROMUALD MEIGNEUX/SIPA Numéro de reportage : 00860715_000014

Alors quElon Musk veut emmener le transhumain sur Mars, le plus riche des Français a fait fortune en aidant lHomme à mieux vivre sur Terre.


“X Æ A-XII”. Ceci n’est pas un code de mise à feu de l’arsenal nucléaire américain, mais le prénom donné par l’homme le plus riche du monde à son fils, né l’an dernier. Elon Musk, célébrissime patron du constructeur automobile Tesla et de l’agence spatiale privée Space-X, n’en finit plus de faire parler de lui. Il lui suffit désormais d’éternuer (ou presque, de tweeter), pour que les cours de la Bourse ou du Bitcoin flambent ou s’effondrent.

Avec une fortune évaluée à plus de 188 milliards de dollars en janvier dernier, cet homme de 49 ans au visage poupin a laissé entendre qu’il en verserait la moitié à des œuvres de charité. Mais pas tout de suite. Plutôt “dans vingt ans, quand Tesla sera stabilisée”, confiait-il en 2018. Pour l’heure, ses investissements se concentrent sur la colonisation de Mars et l’implantation de puces électroniques dans le cerveau humain.

Jusqu’à preuve du contraire, un sac à main rend la vie plus agréable que la réservation d’un séjour sur Mars en 2050

Avec son projet Neuralink, l’apprenti sorcier compte en effet soigner les addictions, la dépression ou l’insomnie, et même supprimer la peur. Pour l’instant, les expériences sont réalisées sur des cochons mais demain, il le promet, l’homme aura “une montre connectée dans le crâne”. À moins qu’une pandémie mondiale ne vienne contrarier ses plans et retarder l’avènement de la créature surhumaine censée nous remplacer…

A lire aussi: Légion étrangère: le mâle du pays

Pendant ce temps, le PDG du géant du luxe français LVMH, lui, continue de passer pour un “salaud de riche”. Au pays de la CGT, Bernard Arnault demeure encore et toujours la tête de Turc d’un certain nombre de nos concitoyens. Pour eux, son patronyme est presque devenu un nom commun : celui du méchant milliardaire, dont l’indécente fortune devrait être confisquée et redistribuée d’urgence.

Et pourtant. LVMH n’investit pas dans la pseudo-révolution transhumaniste, mais dans le plaisir ici et maintenant. Ce fleuron de l’économie frenchy produit des articles d’une qualité exceptionnelle, que l’on acquiert “pour la vie” et qui se transmettent de génération en génération. Aux antipodes des lubies scientistes de l’époque, le luxe à la française ne promet pas une vie meilleure demain ou ailleurs, mais ici et maintenant.

Vuitton, Moët-Hennessy, Guerlain, Fendi, Céline, Chaumet, Bulgari… la collection de marques acquises par le redoutable homme d’affaires fait rêver. Mais en gardant les pieds sur Terre. Jusqu’à preuve du contraire, un sac à main élégant et inusable rend la vie plus agréable que la réservation d’un séjour sur la planète rouge en 2050. Car encore faudrait-il que l’on soit vivant et à peu près valide le jour du départ.

La différence entre un savant fou post-humaniste américain et notre baron industriel à nous, c’est que le second semble avoir conscience de nos limites. “Tant que le problème crucial des inégalités ne sera pas traité, d’autres objectifs et d’autres désirs resteront hors de portée », indique une note communiquée à l’équipe de Joe Biden par un groupe de personnalités réunies autour du PDG de JP Morgan.

« Les dirigeants économiques doivent prendre conscience du fait qu’ils n’ont pas seulement une obligation économique mais aussi un intérêt commercial à promouvoir un système plus juste et plus équitable”, indique également le document. Or l’un de ses co-signataires – parmi lesquels figurent Tony Blair, Condoleezza Rice, Henry Kissinger ou encore le vice-président du géant chinois Alibaba – n’est autre que notre Bernard Arnault national.

A lire aussi: Disparition de Jack Ma (Alibaba): enfin une bonne nouvelle pour l’Occident!

Quoi qu’on pense de sa pratique du capitalisme financier, chacun sait qu’Arnault est aussi un amoureux des arts, auxquels il a dédié la fondation Louis Vuitton. On sait peut-être moins que LVMH a largement participé à “l’effort de guerre” contre la Covid, que ce soit en finançant un important essai clinique mené par l’Institut Pasteur de Lille, en achetant des dizaines de millions de masques, ou en réorientant son activité vers la production de gel hydroalcoolique pour les soignants.

On ignore encore plus souvent l’existence du programme d’apprentissage d’excellence de LVMH, qui soutient l’emploi des jeunes sans qualification à l’heure où l’on parle de “génération sacrifiée”. Et l’on oublie parfois que, face à la crise sanitaire qui venait, Bernard Arnault annonçait dès le printemps dernier renoncer à deux mois de son salaire de PDG et à toute rémunération variable pour 2020. Bien le minimum ? On conviendra que tous les puissants de ce monde n’en font pas autant.

Quant au fils de Bernard Arnault, son prénom est Antoine. Responsable de la communication et de l’image du groupe LVMH, c’est lui qui a repéré sur Twitter l’appel aux dons lancé l’an dernier par l’Institut Pasteur de Lille. Ce mois-ci il se dit “fier” d’avoir contribué en tant que mécène, à hauteur de 5 millions d’euros, à la recherche d’un traitement contre le coronavirus, qui devrait être disponible cette année. Ce n’est pas Mars, ce n’est même pas la Lune, mais c’est déjà ça.

Légion étrangère: le mâle du pays

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Causeur

Découvrez le sommaire de notre numéro de mars


L’histoire de la Légion étrangère est inséparable de celle de la France. Pour un reportage réalisé au camp de Carpiagne, Elisabeth Lévy, accompagnée par le photographe Stéphane Edelson, est allée à la découverte du 1er REC qui fait partie de ce corps d’élite. Régie par un code d’honneur, la Légion compte plus de 8 000 volontaires étrangers placés sous le commandement de 450 officiers français. Des guerres coloniales aux combats contre l’État islamique au Mali, ces durs à cuire sont unis par les mêmes idéaux : discipline, amour du chef et surtout la mission, quoi qu’il en coûte. « La singularité militaire est d’accepter de mourir pour la France » confie à notre directrice de rédaction le colonel Nicolas Meunier. Unique au monde, la Légion recrute majoritairement des soldats étrangers prêts à se battre pour la France jusqu’au sacrifice suprême. Comme le dit le colonel du 1er REC : « Ces étrangers nous donnent une leçon d’identité. » Si les forces françaises interviennent aujourd’hui au Sahel, Jean-Baptiste Noé nous rappelle qu’il s’agit d’un effort au très long cours dont l’objectif est double : empêcher les djihadistes de semer la mort en France et empêcher des migrants de partir vers l’Europe.

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En passant d’un milieu masculin par excellence à un domaine réservé exclusivement aux femmes (jusqu’à nouvel ordre), Elisabeth Lévy commente la décision du gouvernement de fournir gratuitement des protections périodiques aux étudiantes. La manie actuelle consistant à parler haut et fort en public des fonctions naturelles les plus intimes est « la marque de fabrique d’un nouveau puritanisme qui, ne voyant le mal nulle part, finit par le débusquer partout. » Si la même manie s’exprime à travers les interventions de « tous ces croisés de la « parole libérée » » qui pullulent aujourd’hui, Muriel Salmona en tête, nos contributeurs attaquent le mal à la racine. Pour Erwan Seznec, cette psychiatre est entourée de militants qui sacralisent la parole de l’enfant, les mêmes qui estimaient dans l’affaire d’Outreau que plus le témoignage d’un enfant est contradictoire, plus il est fiable. Peggy Sastre nous explique comment les notions d’« amnésie traumatique » et de « refoulement », dénuées de fondement scientifique, constituent un écran derrière lequel Muriel Salmona promeut des thèses dangereuses qui enferment les victimes dans leurs souffrances. Le psychanalyste Daniel Pendanx nous met en garde contre les charlatans qui confondent processus judiciaire et psychothérapie. Pour d’autres actualités, nous passons derrière ce qu’on appelait autrefois le « rideau de fer. » Né sous Staline en URSS, Vitali Malkine rapproche les méthodes utilisées aujourd’hui en France par certains militants – notamment l’imposition de la discrimination positive – de celles des Soviétiques. Puisque nous ne savons apparemment pas tirer les leçons de l’histoire, Sylvie Perez a interviewé le créateur londonien d’un Musée de la terreur communiste dont l’objectif est de dessiller de nombreux jeunes qui, obnubilés par le mirage égalitaire, restent foncièrement ignorants de la réalité historique du communisme. Pour revenir à la Russie de notre époque, Jean-François Colosimo explique à Gil Mihaely pourquoi Alexeï Navalny a suscité une réaction si violente de la part des autorités russes : pour la première fois depuis l’arrivée de Poutine au pouvoir, il incarne la possibilité d’un changement, excitant ainsi l’ire de toute la structure de pouvoir oligarchique dont Poutine lui-même n’est que le point focal.

La culture sauvera-t-elle le monde ? « Possible ! » répondent Frédéric Fernay et Jérôme Leroy qui se sont penchés sur les nouveautés éditoriales : les titres de Patrice Jean et de François Sureau, ainsi que le troisième et dernier tome de Nabokov dans la Pléiade, nous apportent cette poésie, « cette fraîcheur poignante qui défie le temps. » « Pas sûr ! » répondent pour leur part Pierre Lamalattie et Jonathan Siksou, qui se sont penchés sur des projets de réaménagement de Paris. Quand la Mairie de Madame Hidalgo parle d’« écosystèmes » ou d’« esthétique », il faut craindre le pire. Pourtant, c’est Villon qui affirmait, « il n’est bon bec que de Paris. » La capitale sera sauvée par ses bouchers. William Bernet, que nous présente Emmanuel Tresmontant, est le dernier restaurateur à trancher lui-même ses carcasses de bœuf affinées à la perfection: son tartare est divin et sa tête de veau une merveille.

Le numéro 88 est disponible sur la boutique en ligne, et dans les kiosques mercredi 3 mars.
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Pays-Bas: jugée trop blanche, Marieke Lucas Reineveld renonce à traduire l’œuvre de Amanda Gorman

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Amanda Gorman lors de l'investiture de Joe Biden, 20 janvier 2021 © CNP/NEWSCOM/SIPA Numéro de reportage : SIPAUSA31543160_000039

Apartheid inversé dans le monde des Lettres aux Pays-Bas? L’auteure à succès Marieke Lucas Reineveld renonce à traduire l’œuvre de la poétesse noire américaine Amanda Gorman.


Marieke Lucas Reineveld cède ainsi aux attaques formulées par une journaliste néerlandaise noire, originaire de l’ex-colonie de Suriname. Celle-ci affirmait dans un article du journal de gauche De Volkskrant qu’une personne blanche ne peut pas ressentir la détresse d’un peuple opprimé comme les Noirs américains. Et proposait une poignée d’artistes « afro-néerlandais » qui seraient selon elle mieux placés pour traduire des poèmes tels The Hill we Climb (trad: La Colline que nous gravissons), déclamé par Amanda Gorman lors de la cérémonie d’investiture du président Joe Biden.

Marieke Lucas Reineveld ne crut pas bon de se défendre contre ce racisme anti-Blanc à son égard. Au contraire, dans un tweet plein de compréhension pour celle qui l’avait ostracisée, elle courba l’échine. Elle y affirmait même comprendre « celles et ceux qui se sentent blessés par le choix de sa maison d’édition ». Le choix, donc, de lui faire traduire la poésie empreinte de la lutte des Noirs d’Amanda Gorman.

La peur des critiques

L’éditeur néerlandais Meulenhoff se résigna de mauvais gré à la désertion de son auteure vedette. Tout en rappelant qu’Amanda Gorman avait elle-même approuvé le choix de la traductrice, après avoir lu un de ses livres en traduction anglaise. Détail qu’avait omis de mentionner la journaliste noire et jalouse. S’il persistait dans son choix, l’éditeur avait l’assurance que des « lecteurs en sensibilité » se pencheraient sur le travail de traduction, pour veiller à ce que la traductrice respecte le poétiquement correct. Peur d’offenser? On peut le supposer, son éditeur britannique avait déjà contraint Marieke Lucas Reineveld à supprimer une blague qu’elle fait dire à un enfant dans son livre: « Pourquoi Hitler s’est-il suicidé? Parce qu’il ne pouvait plus payer la note de gaz. »

A lire aussi: #DisruptTexts: pour contrer la « culture du viol », des militants censurent… Homère

La repentance de la très médiatique Marieke Lucas Reineveld a mis en fureur des Néerlandais soucieux d’éviter la cancel culture en provenance des États-Unis, laquelle condamne les créateurs inconvenants ou les œuvres inappropriées, selon la définition de Michel Guerrin dans Le Monde. Selon eux, ce racisme « inversé » envers l’auteure fait partie d’une campagne agressive de Néerlandais issus de l’immigration, notamment originaires des ex-colonies comme le Suriname et les Antilles. Les immigrés originaires de l’Indonésie se sont en revanche construit une réputation positive et admirée, y compris dans le domaine des lettres. Les censeurs en herbe sont, bien sûr, loin de faire l’unanimité parmi les Néerlandais de couleur, mais des activistes bien établis dans le monde des arts et des médias dominent le débat.

Parmi eux s’est particulièrement distingué un rappeur qui veut fonder une chaîne de télévision Zwart (Noir). Antidote, selon lui, à l’ignorance des médias sur le multiculturalisme. Ledit rappeur jugea prudent de se retirer finalement du projet après avoir menacé un journaliste dont les questions lui déplurent, et dont il vola l’ordinateur. Des excuses timorées lui avaient peu avant épargné un procès pour incitation à la violence lors d’une manifestation contre le racisme.

Une traductrice débutante

De ce champ miné, Marieke Lucas Reineveld s’était jusqu’ici soigneusement tenue à distance. Elle doute encore, à 29 ans, si elle doit s’appeler fille ou garçon, mais ne donne pas l’impression que la question la taraude. Fille de paysans protestants stricts, elle abandonne la littérature et la poésie deux jours par semaine pour les consacrer aux besognes dans une ferme laitière. Elle s’habille de préférence dans des costards d’homme trop grands pour elle, et porte les cheveux blonds mi-longs genre sixties.

L’année dernière, la traduction en anglais de son premier roman obtint le prestigieux Booker International Prize. Le livre parut en français sous le titre Qui sème le vent. C’est selon son éditeur français Buchet/Chastel le « portrait sauvage et beau d’une enfance brutalement fleurie par le deuil ». Ses talents de traductrice étaient jusqu’ici restés un secret bien gardé, d’autant plus qu’elle avait confié l’année dernière que sa maîtrise de la langue de Shakespeare laissait à désirer. Pourquoi alors l’avoir invitée à traduire une partie de l’œuvre d’une poétesse américaine de renommée mondiale? Qui pratique de surcroit le genre ‘spoken word’ aux relents de rap et de hip-hop typiquement américains si difficiles à transposer dans une langue germanique. Un beau défi pour un traducteur chevronné, certes, mais est-ce que Marieke Lucas Reineveld aurait été à la hauteur? Il est permis d’en douter. Mystère… Pour tout dire, cet épisode fleurait bon le coup de com, sabordé par une journaliste tout ce qu’il y a de plus politiquement et racialement correcte…

Enfin, que dirait-on si un écrivain blanc néerlandais refusait qu’un traducteur noir se penche sur son œuvre, arguant que seul un batave pur sucre peut en saisir les subtilités?

Qui sème le vent

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