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Ne laissons pas notre société s’enliser dans une vie amoindrie et névrotique

Rendre le port du masque obligatoire serait la mesure de trop


Ne laissons pas notre société s’enliser dans une vie amoindrie et névrotique
Couple parisien masqué © Lewis Joly/SIPA Numéro de reportage: 00961205_000009

Certains aimeraient imposer le port du masque pour tous et partout.


J’entends avec inquiétude que des voix s’élèvent pour réclamer le port du masque obligatoire. Alors que l’expérience nous a appris que ce virus n’est vraiment dangereux que pour les personnes fragilisées par d’autres maladies, que la simple distance physique suffit largement à protéger ceux qui seraient encore inquiets, et au moment même où le taux de circulation du virus, de l’aveu des autorités qui nous gouvernent, n’est plus que de 0 à 6% sur la majeure partie du territoire, cette demande est non seulement disproportionnée, mais irrationnelle, dangereuse pour notre sociabilité et, disons-le, pour notre santé mentale à tous.

Certains d’entre nous ne trouvent plus désormais de sentiment d’exister que dans la peur, de jouissance que dans la contrainte et la punition qu’ils peuvent voir infligées aux autres

Nous avons déjà enduré une privation de nos libertés les plus fondamentales pendant près de trois mois, qui a nui à l’instruction de nos enfants, à la santé psychologique des personnes isolées, à notre économie, au risque de plonger dans la détresse ceux qui devront mettre la clé sous la porte ou qui perdront leur emploi dans les mois qui viennent, au risque enfin d’affaiblir durablement notre pays. Tout cela, alors que l’utilité de cette privation de liberté reste à démontrer. 

Le confinement strict de la France: déraisonnable?

Nous avons été traqués jusque sur les sentiers les plus déserts, là où précisément le risque sanitaire était nul. Nous avons été placés sous la menace d’amendes, mirobolantes pour ceux d’entre nous qui font vivre leur famille avec moins de 2000 euros par mois, pour des infractions aussi graves qu’avoir parlé deux minutes à la fenêtre avec un mari en EPHAD, avoir fait des emplettes jugées comme ne relevant pas de la première nécessité, ou avoir tenté d’aller chercher un enfant en détresse morale dans sa chambre d’étudiant mais qui, parce que majeur, a été décrété invulnérable (tous ces cas sont véridiques). Quoiqu’il en soit la simple obligation de devoir remplir une attestation de dérogation pour aller acheter son pain était déjà en soi scandaleuse. Jamais d’ailleurs nous n’avions vécu sous un tel régime.

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Le pire reste encore ce qui a été et est encore largement passé sous silence : on nous a enjoint de laisser souffrir et mourir ceux que nous aimions, et qui nous aimaient, seuls, sans le soutien d’un voix, d’une main, d’un visage ami. 

Et nous avons subi tout cela cependant que des mesures de bon sens comme fermer les frontières, tester les malades et leur proposer un traitement qui semble efficace plutôt que rien, ont été moquées, vilipendées et refusées. Du côté des gouvernements comme du côté du peuple, il faudra bien un jour se demander quelle éducation nous avons promue, qui a mené à cette pantalonnade. Comment les Français, qui se targuent d’avoir été autrefois les champions de la raison et de la liberté, en sont-ils arrivés là ? 

Les Français pris pour des idiots

La population a été désorientée par les palinodies continuelles de ses gouvernants ; tétanisée par des mises en accusation répétées qui nous désignaient comme des enfants pas sages et bons pour le fouet ; plongée dans un état de psychose par des discours alarmistes à souhait, enflés d’hyperboles guerrières, et par la grand messe vespérale, le rabâchement quotidien des chiffres de la mortalité par coronavirus jamais mis en perspective rationnelle avec d’autres chiffres significatifs, opération pourtant essentielle à toute démarche scientifique, qui aurait permis de relativiser la gravité de l’épidémie qui nous a touchés.  

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Jamais nos gouvernants ne se sont vraiment adressés à nous comme à des citoyens adultes, libres, éclairés et responsables. Pour la première fois peut-être, on a regretté de n’être pas Allemands ou Suédois… On nous a même affirmé sans rire que se laver les mains était un acte héroïque. C’est dire à quel degré de bêtise et de veulerie nous avons été ravalés – et quelle vanité en même temps nous enfle : nous sommes prêts d’éclater.

Pente glissante

Malheureusement, en ces matières, la planche a été savonnée de longue date. Il n’est donc pas difficile pour une partie de la population de se laisser maintenant glisser sur la pente, faute de raison, de mesure, de bon sens et de dignité. Certains d’entre nous ne trouvent plus désormais de sentiment d’exister que dans la peur, de jouissance que dans la contrainte et la punition qu’ils peuvent voir infligées aux autres. Ces tristes passions sont encore galvanisées par la rhétorique du “jour d’après”, qui donne furieusement envie que quelque chose se passe, fût-ce n’importe quoi. Des masques ! Des masques ! Des masques ! L’envie du pénal, pour reprendre la terrible formule de Philippe Murray, semble devenu le tout de notre libido. Seulement, à la fin, ce n’est plus drôle ! 

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Céder à la tentation démagogique en rendant le port du masque obligatoire, serait faire courir un risque délétère à toute la société. Nous sommes des animaux sociaux. Voir le visage de l’autre, c’est la condition pour se reconnaître en lui, pour l’aimer et le respecter, pour vivre en confiance avec lui. “Tu ne tueras point” est la première parole du visage, écrit Lévinas. Le masque obligatoire ne peut que tendre à nous affranchir, subrepticement, de ce commandement, fondateur de toute sociabilité humaine. Ce n’est pas sans raison que nous nous sommes opposés au port de la burqua dans l’espace public. Offrir son visage, et accepter celui de l’autre, est la condition sine qua non d’une fraternité réelle et vécue. 

Résister à la logique hygiéno-collectiviste

On nous citera sûrement le merveilleux modèle de certains pays asiatiques, où le port d‘un  masque de protection est courant. D’abord il est courant, certes, mais il n’est pas obligatoire. Ensuite, je ne sache pas que les relations entre individus dans ces sociétés y soient plus heureuses, plus épanouies qu’ici. Cette admirable mentalité hygiéno-collectiviste libérale qui encourage la généralisation du port du masque, est aussi celle qui voit le taux de fécondité dégringoler le plus remarquablement (comme à Singapour, Taïwan ou en Corée du Sud), et qui voit augmenter inversement le nombre d’adultes n’ayant jamais connu aucune expérience sexuelle à deux. Aussi, comme exemple de bonne santé et de vitalité, il faudra pour me convaincre trouver des exemples plus probants. 

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Mais qui se lève pour défendre notre liberté d’abord, notre fraternité ensuite ? Où sont les hommes et les femmes de courage et de bon sens, qui osent résister à la psychose ambiante ? Nos partis politiques ont rivalisé dans la demande de protection, mais bien peu dans le souci de nos libertés et de notre fraternité. Sur le sujet du masque, notre gouvernement semble heureusement, malgré ses errements, connaître un sursaut de bon sens, retrouver un peu du très nécessaire instinct de survie : espérons qu’il tiendra bon face aux sirènes de la peur irraisonnée et du désir de contrôle total. Ne laissons pas notre société s’enliser dans une vie amoindrie et névrotique.



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est professeur de lettres dans un lycée de province.

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