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Bardot, la femme sans alibi

La légende Bardot ne fait que commencer


Bardot, la femme sans alibi
Brigitte Bardot dans "Une Ravissante Idiote" © Dalmas/sipa

Le biographe de la Française la plus connue au monde se souvient de cette femme qui, avec une audace inouïe, volait la vedette aux hommes et qui a toujours su dire non au déshonneur et à l’injustice.


Des souvenirs reviennent depuis la mort de Bardot, née en 1934. J’écris sa bio, en 2021, avec la complicité de Bernard d’Ormale, le dernier compagnon de BB. Il transmet mes questions à celle qui a voué sa vie à la défense des animaux. Elle me répond parfois elle-même, le plus souvent c’est Bernard qui est son messager. La veille, Arte a diffusé Le Mépris, de Godard. Un curieux film un peu foutraque où le réalisateur atrabilaire raconte sa vie tumultueuse avec Anna Karina. 

Le film s’ouvre sur une séquence culte. On voit dans la pénombre les fesses de Bardot, c’est beau comme un coucher de soleil de Turner, avec Piccoli subjugué par la plastique du mythe. Godard veut que Bardot ressemble à Karina. Alors la fausse blonde Bardot met une perruque brune. Ça pourrait être risible, mais ça ne l’est pas parce que Bardot est une immense actrice qui maitrise à la fois son corps et capte la lumière comme aucune autre. Du reste, elle ne joue pas : elle est. Toute la différence est là. Ce corps n’appartient qu’à elle, elle a su le dominer depuis l’enfance quand elle a pratiqué la danse classique. Elle faisait des pointes et des pointes. Pourtant, me dira Bernard, elle a gardé de très beaux pieds. Mais je digresse. On passe donc Le Mépris. Le lendemain, j’appelle Bernard. Il me raconte que Brigitte l’a regardé. Elle n’a toujours pas compris le film. Elle se souvient que Godard était toujours irrité et sale. Mais elle a confié à Bernard : « Tu as vu, ma voix a changé ». L’élégance comme signature.

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C’est la française la plus connue dans le monde. Elle en a bavé pour s’imposer. D’abord au sein de sa famille. Elle a pris des gifles par son père, elle fut humiliée par sa mère. Elle était laide, lui disait-elle. Puis elle a rencontré son pygmalion, Roger Vadim. Il l’a transformée, en a fait un mythe qui monte sur la table pour jouer un mambo endiablé rendant les hommes jaloux. Elle a attrapé sa liberté au vol avec Et Dieu… créa la femme. C’était en 1956. La gamine Bardot osait regarder droit dans les yeux les mâles et leur tenir tête. Elle rejetait la famille, les valeurs bourgeoises, les machos, elle s’imposait en imposant son désir sans demander la permission à personne. Elle n’avait pas honte dans sa petite blouse. Pas besoin d’alibi pour vivre sa vie de femme. Aujourd’hui ça paraît normal. En 1956, c’était d’une audace inouïe. 

Les hommes lui en ont voulu. Tu parles, BB leur volait la vedette. Elle les mettait à poil. Ils étaient veules, libidineux, colériques, mesquins. Ils se sont servis de sa légende, elle, la fille en pleine lumière. Elle a souffert, elle a rendu coup pour coup. L’un d’entre eux lui a fait un enfant de force. Elle n’en voulait pas. Elle vivait comme une bête traquée par les journalistes. Elle a eu un fils, Nicolas, en 1960. Ce fut une épreuve. Elle a eu des mots très durs sur sa grossesse. On l’a traitée de « salope ». Elle a encaissé. Elle n’a jamais baissé les yeux. Quand l’OAS lui a fait du chantage, elle a révélé au public ce chantage. Bardot, c’est Antigone. Elle a toujours dit non au déshonneur et à l’injustice. Et comme l’a écrit Malraux, en pensant à de Gaulle, les hommes et les femmes qui savent dire non font l’Histoire. 

Oui, elle a su dire la vérité. Et de quelle manière dans le film du psychopathe Henri-Georges Clouzot. Lui aussi, il a voulu la manipuler sur le tournage de La Vérité. Il n’y est pas parvenu. Mais il a su tirer la quintessence de l’actrice. Devant sa caméra, elle a montré ses qualités de tragédienne. Et elle a su dire aux hommes leurs quatre vérités : ils étaient tous morts, et elle, elle avait vécu sa passion jusqu’au bout, et toujours sans alibi.

Ce que la société des Assis n’a pas pardonné à Bardot : d’avoir renversé la table ; d’avoir dit merde au cinéma en 1973, et d’avoir « utiliser » sa notoriété pour défendre ceux qui ne l’ont jamais trahie : les animaux.

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Là encore, elle en a pris plein la gueule. Elle a été jusqu’à écorner le mythe BB. Jusqu’à son dernier souffle, elle a voulu qu’on respecte les animaux, qu’on ne les fasse pas souffrir, qu’on ne les égorge pas vivants dans des baignoires, qu’on ne brise pas les jambes des chevaux promis à l’abattoir quand ils montent dans des camions trop exigus, qu’on cesse de les empoissonner, car les empoisonner, c’est intoxiquer l’homme. Un jour, avec sa diction inimitable, elle a balancé : « J’ai donné ma jeunesse et ma beauté aux hommes et maintenant je donne ma sagesse et mon expérience aux animaux ». Ainsi est née la Fondation Brigitte Bardot. Je sais que le combat de Bardot ne fut pas vain. Les mentalités ne changent pas vite, mais elles changent. Et la légende Bardot ne fait que commencer.

Ce soir, demain, le portail bleu de La Madrague attend le retour de la maitresse des lieux. La brise marine apporte la fraîcheur tant attendue l’été. Mais nous sommes en hiver. Et le soleil est froid. Quelques paroles de La madrague me reviennent : « On a rangé les vacances/Dans des valises en carton/Et c’est triste quand on pense à la saison/Du soleil et des chansons »

Elle chantait aussi BB, et ses chansons faisaient du bien même si elle y révélait la mélancolie qui ne la quittait jamais vraiment.

Et puis, il reste cette scène incroyable. Piccoli allongé sur le lit, en T-shirt, et Bardot, nue. D’une voix lascive, elle demande, faussement naïve : « Qu’est-ce que tu préfères : mes seins ou la pointe de mes seins ? »

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Pascal Louvrier est écrivain. Derniers ouvrages parus: biographie « Malraux maintenant », Le Passeur éditeur; roman « Portuaire », Kubik Editions.

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