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Ibiza? No more!


Ibiza? No more!
Le 18 janvier, Jean-Michel Blanquer s'explique sur ses vacances à Ibiza face à l'opposition © Jacques Witt/SIPA

Chers collègues enseignants, battez-vous pour des sujets qui en valent la peine


Dans le film mythique de Barbet Shroeder, “More” (1969), tout se passe bien tant que l’été déferle. Mais quand l’hiver s’installe sur cette île battue de vents et de pluie, le héros fatigué meurt au coin d’une ruelle. Du coup, les Pink Floyd cessent de jouer…

C’est aux Baléares, à Majorque, que Sand eut la mauvaise idée d’amener Chopin durant l’hiver 1838-1839 — à la chartreuse de Valldemossa. Le compositeur y écrivit quelques belles pièces, et finit d’y cracher ce qu’il lui restait de poumons, tant le temps était exécrable.

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Mais voilà : Ibiza chante dans la tête de certains journalistes ou hommes politiques qui ont sans doute l’habitude de s’y encanailler dans les orgies teutonnes organisées là-bas chaque été. Que Blanquer y soit allé hors saison, pour quelques jours de vacances — ou de lune de miel anticipée — n’est pas le problème d’Edwy Plenel, la concierge d’extrême-gauche rencardée par qui de droit. Dans ce genre de circonstances, le ministre peut suspecter aussi bien ses ennemis (mais comment l’auraient-ils su ?) que quelques-uns de ses excellents amis.

Et puis Plenel, comme tous les anciens trotskistes, a une sexualité bizarre, il n’éjacule que du fiel. Ibiza doit lui paraître exotique.

Edwy Plenel, avril 2012. SIPA. 00618647_000021

Revenons brièvement sur cette « affaire » montée en épingle par une presse de caniveau avide de potins.

C’est d’Ibiza que Blanquer a communiqué au Parisien (ce fut peut-être sa seule erreur, l’AFP aurait aussi bien fait l’affaire) le premier d’une longue série de protocoles sanitaires aussi aberrants les uns que les autres. Comme je l’ai expliqué à Yves Calvi sur BFM, le ministre est trop intelligent pour accoucher d’un tel fatras d’incompétence. Regardez plutôt du côté du docteur Knock qui se croit Premier ministre-bis (et qui guignait le titre : fatalitas, Macron a préféré Castex…).

Blanquer aime tellement Olivier Knock qu’il a failli le mettre knock down mercredi dernier en ouverture du Conseil des ministres. Caramba ! Encorrre raté !

Le ministre de la Santé à l’assemblée nationale, le 3 janvier 2022 © STEPHANE DE SAKUTIN / AFP

Sérieusement ! On peut sans doute reprocher certaines choses au ministre de l’Éducation — ne pas avoir supprimé le Bac, par exemple, ou ne pas avoir envoyé certains pédagos qui plastronnent dans les INSPE replanter le riz en Camargue —, mais pas d’assumer de loin (la distance Ibiza-Paris est symbolique de celle qu’il a prise vis-à-vis de ces protocoles successifs incohérents) une politique sanitaire qui va à l’encontre de son projet principal durant l’épidémie : maintenir l’école ouverte.

C’était d’autant plus essentiel que la Société française de Pédiatrie s’insurge contre ceux qui voulaient différer le retour en classe des enfants. Les gosses ont déjà payé un très lourd tribut aux divers confinements qu’on leur a imposés. Ils ont des idées suicidaires, ils se sont déscolarisés, ils ne tiennent plus en place, et ils ont tout oublié. Qu’en serait-il si Blanquer avait laissé le Haut conseil sanitaire imposer ses vues et mis l’École sous cloche ?

À lire aussi, du même auteur: «L’École, c’est du sérieux», dit Blanquer — et il n’a même pas honte

Dans ce contexte, se lancer dans une grève de plus, ce jeudi, est irresponsable. Un professeur doit professer, et faire passer l’intérêt de ses élèves avant le sien. Sinon, il peut tenter de poser sa candidature au CNED ? peut-être ne sera-t-il pas contaminé par les gosses, à distance.

À noter que le front syndical s’est désagrégé. Le SNALC n’appelle plus à la grève — ni le petit mais combattif syndicat Action & Démocratie. Allons, chers collègues, battez-vous pour des sujets qui en valent la peine, et ne commencez pas à dire que vous ne pourrez jamais finir le programme. Demandez comme moi la fin du Bac, un symbole onéreux de nos incapacités pédagogiques, virez les pédagos qui vous encombrent, arrêtez de confondre le quantitatif et le qualitatif, et retroussez vos manches : vous savez bien que les élèves ne travaillent que s’ils nous voient travailler. Et fichez la paix au ministre, qui fait ce qu’il peut, tiraillé entre le désir d’assumer pleinement sa fonction et les impératifs que lui impose Knock — le vrai responsable de cette chienlit.

PS. Tout le monde a lu Knock, ou le triomphe de la médecine, l’immortelle pièce de Jules Romains. Mais en cas, vous pouvez vous l’offrir, ou l’écouter là, ou vous procurer le DVD de la version de Louis Jouvet, absolument impayable dans le rôle. Et non, je ne vous conseille pas la version d’Omar Sy.


Élisabeth Lévy : « Blanquer à Ibiza ? Mediapart se comporte comme la pire presse people »

Retrouvez la chronique d’Elisabeth Lévy, notre directrice de la rédaction, chaque matin à 8h10 dans la matinale de Sud Radio.



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Normalien et agrégé de lettres, Jean-Paul Brighelli a parcouru l'essentiel du paysage éducatif français, du collège à l'université. Il anime le blog "Bonnet d'âne" hébergé par Causeur.

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