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La vie sexuelle et spirituelle cachée de Marcel Proust

Du côté du signe...


La vie sexuelle et spirituelle cachée de Marcel Proust
Robert de Flers, Marcel Proust et Lucien Daudet, vers 1894 D.R.

Marcel Proust considérait son homosexualité comme une « maladie incurable ». Il a songé à se faire prêtre, mais les autorités ecclésiastiques de l’époque ont dû percevoir sa conception juive du monde, et l’en ont dissuadé… C’est donc finalement vers la littérature qu’il s’est tourné. Entretien avec le cinéaste et écrivain Patrick Mimouni (1/2), auteur de Proust amoureux: Vie sexuelle, vie sentimentale, vie spirituelle (Grasset)


Causeur. La lecture de votre Proust amoureux nous apprend que l’écrivain était impuissant. Par conséquent, vous avancez que son homosexualité passive était pour lui le seul moyen d’accéder à la jouissance sexuelle. Proust était-il alors homosexuel par défaut ?

Patrick Mimouni. En réalité, à l’époque où Proust a vécu, la plupart des homosexuels l’étaient par défaut, c’est-à-dire qu’ils avaient l’impression d’être atteint d’une “maladie incurable”, pour reprendre l’expression de Proust. Mais lui souffrait, de surcroît, d’un problème érectile, du moins c’est ce qu’il laisse entendre dans un épisode de son roman, et puis dans une note sur l’un de ses carnets à propos d’Albertine : “Je l’entretiendrai sans chercher à la posséder par impuissance du bonheur”. Il précisait : “Par impuissance d’être aimé.” L’impuissance joue un rôle fondamental dans la Recherche, l’impuissance dans tous les sens du terme, l’impossibilité de se “réaliser” comme sous l’effet d’une malédiction. Mais une malédiction universelle. Toute l’humanité s’y reconnaît. 

Marcel Proust avait-il honte d’être homosexuel ? Un inverti manquant de discrétion comme le personnage de Charlus – inspiré du comte de Montesquiou, sorte de people aristo de la Belle Époque – et parfois inquiétant, finissant carrément par s’adonner à des pratiques masochistes dégradantes dans le roman, ne lui fait-il pas horreur ? Son père était antisémite et marié à une juive, alors Proust ne serait-il pas ce qu’on qualifie aujourd’hui d’homophobe après tout ?

Non. L’homosexualité tapageuse, celle des grandes folles à la Charlus, ne lui faisait pas peur. Il éprouvait de la sympathie pour ce genre de personnages. Il en fournit largement la preuve dans ses écrits, notamment quand il remarque que le mépris « du moins homosexuel pour le plus homosexuel » caractérise Sodome, comme le mépris « du plus déjudaïsé pour le petit Juif » caractérise Israël. Il voulait dire qu’une “folle” épouvantait les homosexuels soucieux de respectabilité de la même manière qu’un rabbin traditionnel tout juste émigré de Pologne épouvantait un israélite du 16e arrondissement. “Ce que nous trouvons ignoble, objet de rire ou de dégoût, ne lui paraît pas, à lui, si repoussant”, notait Gide en parlant de Proust.

Quel est le type physique d’hommes de Marcel Proust ?

Proust expliquait, dans ses confidences à Gide, que ce qui l’attirait chez un garçon, ce n’était presque jamais la beauté. Il parlait de la beauté physique, bien entendu – la beauté conçue selon les critères de l’esthétique gréco-romaine. De ce point de vue, Jacques Bizet, le premier amour de Proust, n’était pas beau, pas plus d’ailleurs qu’Alfred Agostinelli, un autre grand amour, un garçon obèse à dix-neuf ans, comme d’ailleurs Albertine dans le roman, “une fille fort grosse et hommasse”, précise Proust. Ce qui l’attirait chez un homme ou chez une femme, car il a aussi aimé des femmes à sa manière, ce qui l’attirait, c’est quelque chose d’invisible.

Entre le moment où il découvrit son impuissance vers l’âge de quinze ans, en 1886, et le moment où il lui fallut renoncer à devenir prêtre vers l’âge de vingt-deux ans, en 1893, Proust avait vécu une vie complète

Certaines des thèses contenues dans votre livre peuvent être discutées ou contestées par d’autres spécialistes. Considérez-vous votre travail exclusivement comme celui d’un historien méticuleux, ou aussi comme celui d’un artiste qui a le droit de donner libre cours à une certaine fantaisie ?

Pour qu’une thèse se constitue, il lui faut nécessairement s’appuyer sur une série d’indices. Par exemple, Proust surnommait Reynaldo Hahn “mon petit maître”. Et, en retour, Reynaldo surnommait Marcel “mon petit poney”. Pourquoi “mon petit poney” ? Eh bien, parce que Reynaldo le chevauchait, le montait, le “sautait”. Ce qui veut dire que Proust était exclusivement passif dans ses rapports avec Reynaldo. Du moins, on peut logiquement faire cette déduction, précisément comme le ferait un historien. Rien n’interdit à un artiste de se comporter en historien. En revanche, un historien ne se comportera pas forcément en artiste. Et c’est bien là le problème. Je ne crois pas qu’un scientifique dénué de toutes qualités artistiques puisse comprendre quelqu’un comme Proust. Lui-même expliquait que l’essence de l’art consiste “à réveiller le fond mystérieux d’une âme qui commence là où la science s’arrête”. 

Les lettres ou écrits compromettants ayant soigneusement été brûlés par prudence de son vivant par Proust lui-même, ou par son frère Robert après sa mort, un spécialiste comme vous doit s’appuyer sur les témoignages ultérieurs de ceux qui ont croisé son chemin, et, surtout, lire entre les lignes de l’œuvre littéraire, pour tenter d’y voir clair dans sa vie sexuelle, sentimentale ou religieuse. Quelles ont été vos principales sources ? Les publications inédites récentes ont-elles appris aux spécialistes de nouvelles choses sur ces plans ? 

Prenons par exemple le Zohar, l’ouvrage phare de la Cabale, le troisième livre saint du judaïsme. En 1925, un universitaire qui s’appelait Denis Saurat, a remarqué que la lecture du Zohar avait exercé une influence déterminante sur Proust. Bien d’autres proustiens ont ensuite développé ou corroboré cette thèse : Walter Benjamin, Julia Kristeva, Juliette Hassine, etc. Une thèse qui n’allait pas de soi pour autant. Elle a été attaquée, notamment par Antoine Compagnon, pour qui cette thèse relève de la “propagande sioniste”, je le cite. 

On n’avait pas la preuve formelle que Proust avait lu le Zohar. Et, tant qu’on n’avait pas cette preuve, on pouvait toujours mêler à cette histoire les prétendus intérêts du sionisme. Or, récemment, la Bibliothèque nationale a eu la bonne idée de publier en ligne les cahiers du manuscrit de la Recherche. Et là, dans le cinquième cahier, j’ai découvert le passage où Proust disait qu’il avait lu le Zohar. Un passage resté inédit jusqu’à ce que je le publie.  

Prenons un autre exemple, la photographie d’Alfred Agostinelli à dix-neuf ou vingt ans en 1908, où on le voit assis dans une voiture à côté d’un ami à lui. Il suffit d’agrandir la photo pour constater qu’Alfred était obèse. Pourquoi ne s’en était-on pas aperçu avant que je m’en aperçoive ? 

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On retrouve le même épisode dans le roman, quand le narrateur confie à Saint-Loup une photographie d’Albertine. Là où j’observais un “être céleste”, remarquait Proust, les autres ne voyaient qu’un “édredon”. Une remarque qui s’applique à bien d’autres choses.

Pour un universitaire comme Compagnon, il va de soi que Proust ne peut pas avoir lu le Zohar, de même qu’Alfred ne pouvait pas être obèse, toujours pour la même raison, à savoir qu’il s’agit d’images inconciliables avec l’idée toute faite que l’on se fait de Proust, c’est-à-dire un auteur assimilable à une grande marque de haute couture, et à défendre comme tel. 

Est-il envisageable que les derniers volumes de la Recherche, publiés après la mort de l’écrivain et l’intervention de son frère, ne contiennent pas exactement tout ce que l’écrivain souhaitait ? 

Robert Proust s’est plu à exercer son autorité sur les éditeurs de son frère. Il les a beaucoup embêtés, mais en définitive il les a laissé faire. Je ne crois pas qu’il ait censuré quoi que ce soit dans le roman proprement dit, contrairement à ce qu’il a fait avec d’autres écrits, la correspondance en particulier. La maison Gallimard a tâché de faire de son mieux. Elle a édité un texte sur lequel Proust avait beaucoup travaillé, un texte admirable, mais qu’il aurait sûrement remanié s’il avait vécu plus longtemps. 

Si le narrateur de la Recherche évolue dans une famille catholique, quelque chose cloche, et de nombreux signes cachés peuvent alerter le lecteur attentif. Quels sont ces principaux signes de la religion juive que vous dévoilez et analysez dans votre livre ? 

Curieusement, la famille du petit Marcel, tout à fait catholique en apparence, ne reçoit que Swann à dîner lorsqu’elle réside à Combray. Et Swann, c’est un Juif – un Juif qui n’a pas bonne réputation dans la région.

« Le monde se bornait habituellement à M. Swann, qui, en dehors de quelques étrangers de passage, était à peu près la seule personne qui vînt chez nous à Combray », précise l’enfant narrateur. Le soir, quand sa famille se rassemble avant le dîner, on entend parfois la clochette qui signale l’arrivée d’un visiteur. « Tout le monde aussitôt se demandait : “Une visite, qui cela peut-il être ?” mais on savait bien que cela ne pouvait être que M. Swann. »

Comment se fait-il que la famille du petit Marcel ne reçoive jamais personne d’autre à dîner dans un petit bourg comme celui-là ? Manifestement, elle aimerait bien recevoir du monde. Pourquoi n’en reçoit-elle jamais ? Pourquoi n’intègre-t-elle pas pleinement la société de Combray ? Proust ne l’explique pas. Il se contente d’émettre un signe. Autrement dit, “il passe du côté de chez Swann”. Et, ce signe, c’est au lecteur qu’il appartient de le relever. Faut-il encore qu’il y soit sensible.

Le petit Marcel invite tout de même des camarades de classe à Combray. Seulement, voilà, « chaque fois que je me liais avec un de mes camarades plus qu’avec les autres et que je l’amenais chez nous, c’était toujours un Juif. »

Qu’est-ce que c’est que cette histoire ? Une famille de la bonne bourgeoisie catholique comme celle-là, à cette époque-là, ne peut pas accueillir que des Juifs à Combray – sauf si elle est elle-même juive, et pas catholique en réalité. Cela va de soi. Mais, alors, comment expliquer les réflexions antisémites du narrateur ou celles de son grand-père ?

Regardez Éric Zemmour, lui aussi tâche de se faire passer pour un antisémite à sa façon. Regardez le musée du Judaïsme de Paris. Savez-vous qui il a nommé comme conseiller pour organiser la prochaine exposition Proust qui doit se tenir en avril dans ce même musée : Antoine Compagnon, l’universitaire le plus opposé à la thèse d’un Proust profondément juif en pensée. 

Les israélites, si soucieux de se comporter normalement, agissaient par mimétisme dans un pays gagné massivement par l’antisémitisme. Ils ne pouvaient s’empêcher de faire eux-mêmes des réflexions antijuives, pour faire comme tout le monde, précisément. Et, pourtant, ils continuaient à se rassembler le samedi pour déjeuner en famille, selon la tradition juive, alors qu’apparemment ils n’avaient plus rien de juif.

Eh bien, dans le roman, la famille du petit Marcel se comporte de la même manière. Elle célèbre le rite du déjeuner du samedi, comme une famille juive, en se distinguant des autres familles du bourg, mais là encore ce trait ne constitue plus qu’un signe, c’est-à-dire un incident destiné à troubler le lecteur.

« Un barbare », précise Proust en expliquant : « Nous appelions ainsi tous les gens qui ne savaient pas ce qu’avait de particulier le samedi. » Et de signaler que ce rite crée « une sorte de lien national » entre les membres de la famille, précisément comme on pourrait le dire du rite du chabbat, dans un roman qui s’appelle justement Du côté de chez Swann, c’est-à-dire Du côté du Signe

En prenant parti dans l’affaire Dreyfus, Marcel Proust participa-t-il au débat français du moment comme d’autres intellectuels de l’époque, ou faut-il y voir aussi une identité refoulée qui se réveille et s’indigne, selon vous ?  

Les deux choses sont liées. Proust a milité dans le mouvement dreyfusard en même temps que s’opérait une espèce de prise de conscience de sa judéité et, plus encore, de son attirance pour le mysticisme juif.

En 1892, il avait servi comme garçon d’honneur au mariage des Bergson dans la grande synagogue de Paris. À cette occasion, il avait assisté au rite du verre brisé, vous savez, un rite qui signifie : « Eh bien ! C’est fait. Et c’est irrémédiable. Rien ne pourra plus nous séparer. » L’on entonnait ensuite le psaume qui rappelait l’exil à Babylone : “Si je t’oublie, Jérusalem, que ma main droite se dessèche ! Que ma langue s’attache à mon palais !” Car, en se jurant fidélité, les mariés ne juraient pas moins de rester fidèles à Israël.

Or, en 1898, en pleine affaire Dreyfus, quand il écrivait Jean Santeuil, quelque chose d’imprévisible apparut dans son texte. Le vase en verre de Venise brisé par son héros, lors d’une dispute avec sa mère, y rappelait précisément le rite de la brisure du verre à la synagogue. Eh oui ! Quelles que soient leurs dissensions, rien ne pourra séparer Mme Santeuil et son fils. Ce verre brisé, “ce sera comme au temple le symbole de l’indestructible union”, écrivait Proust en mettant ces mots sur les lèvres de Mme Santeuil. Ce verre brisé resurgissait en opérant la toute première réminiscence proustienne.

En se disputant avec sa mère, Marcel avait réellement brisé la porte en verre de la salle à manger familiale en la claquant comme un forcené. Mais Mme Proust, sans se laisser démonter, constata : “Le verre cassé ne sera plus que ce qu’il est au temple : le symbole de l’indissoluble union.” Cependant, dans le roman, Mme Santeuil appartient à une famille catholique tout à fait classique, de sorte qu’elle ne peut pas dire une chose pareille. Comment pourrait-elle invoquer un rite proprement juif pour célébrer sa réconciliation avec son fils ? Tout cela exigeait de remanier entièrement Jean Santeuil pour concevoir ce qui deviendrait la base de la Recherche

Proust est volontiers mystique. S’il n’est pas religieux pratiquant et a renoncé jeune à se faire prêtre, qu’est-ce qui l’intéresse néanmoins dans la religion, et que lit-il concernant le judaïsme ? Est-il entré en littérature comme on entre en religion ? 

« Les expériences spirites, pas plus que les dogmes religieux, n’apportent la preuve que l’âme subsiste, remarquait Proust. Ce qu’on peut dire, c’est que tout se passe dans notre vie comme si nous y entrions avec le faix d’obligations contractées dans une vie antérieure. »

L’idée qu’avant de naître à notre vie présente, nous avons vécu une vie passée dans un autre monde, où nous avons reçu une loi à laquelle nous continuons d’obéir sans savoir pourquoi, cette idée, essentielle pour Proust, c’est une idée proprement juive. Pourquoi se réunir en famille pour déjeuner le samedi comme on le faisait dans sa propre famille ? Eh bien, justement, parce que la famille avait vécu une vie antérieure, dans un autre monde, celui d’Israël dans l’Antiquité, où elle obéissait à la loi qui imposait notamment de faire la fête le samedi. Proust adhérait à une morale qui dépendait du même processus puisque, précisément, selon lui, « il n’y a aucune raison, dans nos conditions de vie sur cette terre, pour que nous nous croyions obligés à faire le bien, à être délicats, même à être polis. »

Cependant les Pères de l’Église voyaient les choses d’un autre point de vue. Ils s’adressaient à des païens, qu’ils tâchaient de convertir au christianisme sans leur enseigner pour autant qu’ils avaient vécu une vie antérieure dans un monde meilleur. Bien au contraire. Il allait de soi, pour les chrétiens, que le christianisme représentait un progrès en tant que tel, intrinsèquement, quelles que soient les aléas de l’histoire. 

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Mais les Juifs privés de leur temple, et condamnés à l’exil et à la dispersion, éprouvaient évidemment le sentiment inverse. Ils vivaient dans un monde bien plus mauvais qu’auparavant, quoi qu’on fasse pour le réformer. Cette impression – cette position par rapport au temps présent – Proust ne cessait de la ressentir. Et il la conserva jusqu’à la fin de sa vie. Son œuvre elle-même en découle.

“Toutes ces obligations, précisait-il, qui n’ont pas leur sanction dans la vie présente, semblent appartenir à un monde différent, fondé sur la bonté, le scrupule, le sacrifice, un monde entièrement différent de celui-ci, et dont nous sortons pour naître à cette terre, avant peut-être d’y retourner revivre, sous l’empire de ces lois inconnues auxquelles nous avons obéi parce que nous en portions l’enseignement en nous sans savoir qui les y avait tracées.”

Tout cela n’entrait pas dans le cadre théologique du catholicisme. Tout cela rappelait la métempsychose propre à la Cabale juive, c’est-à-dire le Guilgoul en hébreu, littéralement le « cycle des âmes ». 

Platon affirmait déjà que l’âme vivait dans un monde céleste, au contact des idées pures, avant de devoir rejoindre le monde terrestre pour y subir les épreuves dues à l’incarnation, voire à la transmigration d’un corps à un autre. Mais, précisément, cette conception des choses, le christianisme l’avait récusée. La théorie platonicienne de la métempsychose ne s’était transmise que dans la littérature juive, qui l’avait considérablement développée à l’époque médiévale, notamment dans le Zohar.

En septembre 1893, Proust annonçait à un ami qu’il ne voulait être “ni avocat, ni médecin, ni prêtre”. Il venait d’avoir vingt-deux ans alors. Avocat ou médecin, c’est ce à quoi songeaient ses parents. Prêtre, c’était son idée à lui, bien entendu.

Les autorités ecclésiastiques auxquelles il s’adressa, quand il voulut se consacrer au sacerdoce, ont probablement entrevu qu’il adhérait – ne serait-ce qu’inconsciemment – à une conception proprement juive du monde. En tout cas, le fait est là : elles le dissuadèrent d’entrer dans l’Église.

Entre le moment où il découvrit son impuissance vers l’âge de quinze ans, en 1886, et le moment où il lui fallut renoncer à devenir prêtre vers l’âge de vingt-deux ans, en 1893, Proust avait vécu une vie complète, marquée par sa vocation religieuse. En renonçant à la prêtrise, c’était comme s’il mourait. 

À la recherche du temps perdu se déroule principalement durant cette tranche de vie, quand son narrateur a entre 15 et 22 ans, les sept années décisives qui, finalement, aboutissent à un renoncement. Un moment très angoissant, qui réveille le souvenir des épreuves du même genre vécues antérieurement, jusque dans la petite enfance, et peut-être dans d’autres vies.

Et voilà qu’au moment où il atteint le seuil le plus désespérant, il lui arrive quelque chose d’extraordinaire. Il reçoit une espèce de grâce en heurtant du pied un pavé disjoint dans la cour d’un immeuble. En se heurtant à ce pavé lui revient la mémoire d’un séjour à Venise des années auparavant. Soudain, il se rend compte que le temps n’est qu’une espèce d’illusion, et précisément il éprouve alors une joie dont il sent qu’elle est à jamais durable. Voilà comment il accède à la véritable religion, c’est-à-dire à la littérature, au sens où il l’entend… 

>>> Retrouvez la deuxième partie de cet entretien demain sur Causeur.fr <<<

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