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C’est foutu !

Le billet de Sophie de Menthon


C’est foutu !
Depuis lundi, des chauffeurs de taxi, venus de toute la France, se réunissent au cœur de Paris, boulevard Raspail, à proximité du célèbre hôtel "Le Lutetia", pour protester contre les mesures gouvernementales prévues pour le transport des malades © HOUPLINE-RENARD/SIPA

La dépression gagne du terrain. Dans les bistrots, au bureau, lors des dîners de famille ou entre copains, la réaction est toujours la même : « C’est vraiment foutu. »


Non pas que les Français soient fondamentalement pessimistes, mais même s’ils souhaitent un changement et espèrent vivement que la France se remette d’une longue maladie, ils n’y croient plus. Car personne ne semble avoir d’autre solution que les sempiternels « y’a qu’à », chers aux professionnels du commentaire. Les allocutions rassurantes d’hommes politiques ambitieux, qui promettent que tout va changer avec eux, ne convainquent plus personne. Car, derrière ces bonnes volontés affichées, il n’y a pas l’ombre d’une méthode : comment fait-on, concrètement ?
Lorsqu’ils ont un objectif à atteindre, tous les chefs d’entreprise du monde élaborent des plans précis, intégrant les salariés, les parties prenantes, les délais nécessaires, les réformes à engager et les process à mettre en place dans les moindres détails. Actuellement, nous n’avons ni projet, ni vision constructive : quel pays voulons-nous ?
On entend seulement une litanie d’objectifs abstraits : diminuer l’immigration, remettre l’école à niveau, restaurer l’autorité, donner des moyens (?) aux hôpitaux, réindustrialiser, travailler plus (!) — mais sans toucher aux retraites (attendons les résultats d’un conclave sans pape façon Foir’Fouille…) ; travailler plus, mais pourquoi pas avec la semaine de quatre jours ! Restaurer la sécurité, faire plus d’enfants grâce à une semaine de congés « en promo » pour encourager les couples (sic)… et j’en passe.
Quant à la dette, elle devrait miraculeusement diminuer, sans augmenter les impôts, mais avec les efforts de chacun.

Les taxis en colère

Le tout dernier exemple : la bonne idée de réduire les dépenses de santé liées aux transports sanitaires. Il s’agit d’économiser sur les 6,3 milliards d’euros de dépenses annuelles, dont 3 milliards en taxis. Objectif : 300 millions d’euros d’économies sur les 40 milliards recherchés en tout pour le Budget.
Réduire cette dépense revient à diminuer les revenus des taxis. Devinez ce qu’il advient ? Les taxis descendent dans la rue. Ils demandent simplement un médiateur et d’être consultés. Après cinq jours de blocage (il fallait bien ça…), le Premier ministre en personne se rend au ministère des Transports. Il en ressort en annonçant – ce qui est qualifié de « grande avancée » – qu’on va désormais se concerter… tout en maintenant la somme à économiser, bien sûr. On lui laisse le bénéfice du doute. D’ici là, les mêmes taxis reviendront manifester pour un autre sujet : les conditions d’exercice illégal de leur métier par des VTC que l’État ne contrôle pas.
Tout cela pour une microscopique réforme. Alors, quand il faudra passer aux choses sérieuses…

À lire aussi, Dominique Labarrière : Le premier qui rira aura une tapette

Choose France

À force d’empiler et d’imbriquer les stupidités et les maladresses, la France – et son administration en particulier – est devenue une sorte de Mikado géant où il est presque impossible de bouger un bâtonnet sans faire tout tomber. Cette semaine, c’est au tour des agriculteurs, que l’on mène en bateau sans scrupule : on leur retire ce qu’on leur avait accordé, et on envisage d’interdire un insecticide utilisé, semble-t-il, dans toute l’Europe. Ensuite, on s’occupera de la loi de finances, etc.
Voilà pourquoi – et c’est nouveau – les Français accordent désormais leur confiance aux chefs d’entreprise pour prendre les bonnes décisions.1 Un chef d’entreprise sait redresser une entreprise, faire des économies, et surtout, il inspire plus confiance que les politiques. Vers qui se tourner, sinon ? Certes, un chef d’entreprise a de réelles compétences, mais il ne sait pas faire de politique – tout comme un politique ne sait pas ce qu’est une entreprise.
Le mouvement patronal ETHIC vient donc de lancer une initiative : proposer aux députés une immersion en entreprise, une sorte de formation accélérée, en prise directe avec le terrain. Une initiative qui ne peut être que bénéfique. Les entrepreneurs sont tous d’accord.
D’autres pays ont réussi à se réformer. Pourquoi pas nous ? En France, les changements ne se produisent qu’à coups de révolutions. Alors, quand aura lieu la prochaine ?
Elle arrive, nous dit-on, d’un air accablé. Mais une révolution, c’est une révolte contre les autres… Quels autres ? Tout le monde est contre tout le monde. La demande d’autorité est immense, et pourtant, nos dirigeants politiques sont incapables d’en faire preuve à bon escient. Sans compter que l’autorité, c’est bien, à condition qu’elle ne soit pas exercée par des extrémistes — qui tiennent, chez nous, le haut du pavé des manifs.
Comment tenir encore deux ans avec des journaux qui titrent tous les deux jours sur les ambitions présidentielles de ceux qui ne pensent qu’à se positionner sur la ligne de départ ?

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  1. Les Français font davantage confiance aux entreprises qu’aux institutions politiques, d’après un sondage, Le Figaro, le 16 février 2025 ↩︎



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Chef d'entreprise, présidente du mouvement ETHIC.

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