Des Français en rêvaient, Madame Macron l’aurait fait…
Ils sont en effet nombreux, paraît-il, les Français que démangerait depuis longtemps l’envie de flanquer une calotte, même légère, à leur président, agacés qu’ils sont de lui voir ses airs supérieurs et d’entendre ses tirades à rallonge, ses annonces à tiroirs si peu suivies d’effets. Oui, lassés de ces péroraisons de bon élève si subtilement formaté ENA qui, à le suivre dans cet exercice qu’il affectionne tant, font inévitablement penser au Trissotin des Femmes Savantes de Molière : « On cherche ce qu’il dit après qu’il a parlé. »
Ainsi, images saisies alors que la porte de l’avion s’ouvre sur l’aéroport vietnamien, Madame Macron, se souvenant peut-être de l’autorité qu’elle eut à exercer, elle, le professeur, sur lui, l’élève, y serait allé de cette supposée gifle. Exaspérée, elle aussi? Allez donc savoir? Et pour quelle raison?
Spéculer plus avant sur le sujet reviendrait à violer la sphère de l’intime, ce à quoi nous nous refusons absolument.
Le Palais de l’Élysée, fort embêté et empêtré comme il l’est si souvent, crut avoir trouvé une explication satisfaisante. C’était un coup de l’IA manipulée en la circonstance par les Russes. Ces temps-ci, chez nous, quand ce n’est pas Donald Trump qui est à l’origine de ce qui coince ou déraille, c’est le tsar moscoutaire. Rien de plus commode.
Hélas pour les gens du prince, le pétard a fait long feu et il fallut trouver autre chose. Cette version, trop belle pour être vraie, s’avérait vite intenable.
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Alors, le président en personne est monté au créneau. Il a tenu à lever toute ambiguïté et s’est fait une douce violence, livrant devant une presse haletante la clef du mystère. Baffe ou not baffe ? Telle était donc la question.
Explication : on chahutait. Tant il est vrai qu’on est resté gamin chez les Macron. On chahutait histoire de décompresser. Entendant cela, on se dit qu’on doit, en effet, vraiment beaucoup s’amuser les soirs d’hiver entre les murs du palais élyséen. Des jeux mignons comme tout, du genre : « le premier qui rira aura une tapette. »
Voilà donc toute l’affaire du geste incongru. On respire. Un petit jeu entre gentils époux. Rien de plus. Et tant pis pour celles et ceux – celles surtout – pour qui souffleter n’est pas jouer…
Dans sa chronique radio, Elisabeth Lévy est également revenue sur le giflegate. « Depuis 24 heures, on commente quelques secondes qui ne veulent rien dire… »
On dit que les images parlent. Seulement elles peuvent dire n’importe quoi. Depuis 24 heures on commente quelques secondes de vidéo dont on ne devrait rien dire parce qu’on ne sait pas ce qu’elles racontent. On voit la main de Brigitte se poser vivement sur le visage d’Emmanuel. Mais comme on n’a pas le son, qu’on ignore ce qui s’est passé avant, et qu’on ne connait pas les habitudes tactiles du couple présidentiel, bien malin qui pourrait dire ce qui se passe. Que le président de la République et son épouse se tapotent, se chahutent, se talochent, se chatouillent, je n’en sais rien et je ne veux pas le savoir.
Ce n’est pas parce qu’on ne sait pas qu’on doit se taire. Cette gifle a été le grand sujet du jour, elle a fait les délices des réseaux sociaux. Le président français serait peut-être un homme battu, n’a-t-il pas été un adolescent violenté par sa prof. Un homme marié à une femme de 15 ans son ainée, c’est pas normal chef. Les amours impossibles ne font plus recette. Les braves gens qui n’aiment pas qu’on suive une autre route qu’eux s’en donnent à cœur joie.
Comment s’explique cet emballement ? D’abord, par les bourdes des communicants de l’Élysée. Ils commencent par accuser les Russes, sans doute sincèrement. Manque de bol, c’est une agence US. Ensuite, au lieu d’envoyer balader les journalistes, ils donnent une explication ridicule (le chahut) et enfin dénoncent les complotistes, le mot-clef qui embrase les réseaux.
Mais il y a ceux qu’on regarde et ceux qui matent. L’Élysée se défend maladroitement contre cette surveillance, mais le public qui se croit autorisé à l’exercer n’est pas très glorieux. La transparence a bon dos. D’accord, Saint-Simon épiait tous les habitants de la Cour. Oui, mais pas pour faire des tweets. La vie privée est l’une des plus grandes conquêtes de la civilisation libérale. Emmanuel Macron fait ce qu’il veut de son deuxième corps. Cet acharnement révèle aussi la haine insensée qu’il suscite. Incompréhensible, quels que soient ses défauts et échecs.
Dans ce brouhaha, on a peu commenté l’hommage rendu par le président à Ho Chi Minh, qui a mené la guerre d’indépendance contre la France avant de diriger la dictature communiste. Après tout, on peut respecter ses anciens ennemis. Cette fois, Brigitte, fort élégante, lui tenait le bras.