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«Aline», vrai-faux biopic

Un conte de fées moderne et sympathique, au cinéma


«Aline», vrai-faux biopic
Valérie Lemercier dans "Aline", film de 2021 © Jean-Marie Leroy / Rectangle Productions, Gaumont.

Quand Valérie Lemercier s’empare de la légende Céline Dion


Ceux qui ignorent la sortie en salle, le 10 novembre dernier, du film Aline, le vrai faux biopic de Céline Dion, réalisé par Valérie Lemercier, doivent vivre sur Mars. Autant affirmer d’emblée que c’est très réussi.

Trouvailles narratives

L’exercice du biopic est très périlleux, le spectateur a toujours en tête la vie du personnage, et les acteurs sont souvent tentés par l’imitation, jusqu’au grotesque dans le cas de Marion Cotillard, qui a massacré Piaf.

Lemercier déjoue tous les pièges avec une grande intelligence. En y mettant beaucoup de sincérité, on sent une véritable affection pour le personnage, et elle a d’ailleurs affirmé que Céline a toujours fait partie de sa vie. Par ailleurs, il y a d’excellentes trouvailles narratives, comme la réalité augmentée, le mélange des petits arrangements avec la vérité avec quelques images d’archives, et la structure qui rappelle celle des contes de fées. Les acteurs sont tous exceptionnels, Valérie Lemercier réussit l’exploit d’être à la fois sobre et tourbillonnante de drôlerie. La mayonnaise a superbement pris.

Une mythologie à la Piaf

C’est l’histoire d’une petite fille, la dernière de quatorze enfants, celle que l’on n’attendait plus, qui a une voix surnaturelle. Avec l’aide de bonnes fées et de l’amour sans failles de sa famille, elle deviendra une star internationale de la chanson.

Elle n’est pas très jolie ? Qu’à cela ne tienne, ça s’arrange. Elle ne parle pas anglais ? Ca s’apprend. L’essentiel c’est la voix

Cette histoire est contée sans ironie aucune, la chaleur qui émane de cette famille, au milieu des paysages enneigés du Québec, transperce l’écran. On voit la famille s’agrandir gaiement jusqu’à compter quatorze enfants. Lorsqu’arrive la dernière, sa mère décide de l’appeler Aline, à cause de la chanson de Christophe. Dans la réalité, ce fut Céline à cause de la chanson d’Hughes Aufrey. Ce procédé crée à la fois une distanciation et une proximité. Nous sommes d’ailleurs peut-être plus proches de ces vrais/faux personnages, que nous le sommes des originaux quand le biopic colle complètement à la réalité.

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Nous entrons de plein pied dans l’archétype à la Piaf, dans la mythologie de la petite chanteuse sortie de nulle part et qui atteint le firmament. La trajectoire n’est semée que de peu d’embûches, sa voix la dépasse et la guide : « comment une si grande voix peut-elle sortir d’un si petit corps » ? dira Guy-Claude, le personnage de René Angelil, son impresario, qui deviendra monsieur Céline Dion. Elle n’est pas très jolie ? Qu’à cela ne tienne, ça s’arrange. Elle ne parle pas anglais ? Ca s’apprend. L’essentiel c’est la voix.

Le premier cachet de Cendrillon

Tel le Petit Poucet et ses petits cailloux, la réalisatrice sème pendant tout son film des objets symboliques qui ne cesseront de rappeler à la star sa vie d’avant : des porte-bonheurs, une pièce de quelques centimes que son père lui offrit pour sa première audition, des réflexes de « pauvres » (ex : Céline/Aline pique partout où elle va des sachets de sucre, même au faîte de sa gloire à Las Vegas, son sac en est rempli)… Telle Cendrillon, elle s’achètera des escarpins dorés avec son premier cachet et plus tard, collectionnera les chaussures.

Le récit est focalisé sur son histoire d’amour avec Guy-Claude, empêchée au début par la trop grande différence d’âge, mais ce qu’Aline veut, elle l’aura. Nous sommes là en pleine comédie romantique, Guy-Claude / René fait sa demande en mariage avec une bague cachée dans une glace au chocolat, et à la fin, lorsque celui-ci souffre d’un cancer, Aline / Céline lui fait des signes complices et enfantins, alors qu’elle chante sur scène et qu’il la suit devant sa télé. Nous avons envie d’y croire, à cette idylle, car cela est sacrément rafraîchissant à notre époque où même les histoires d’amour sont politiques…

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La performance de Valérie Lemercier vaut à elle seule le déplacement. Elle joue Aline tout au long de sa vie, même enfant. Dans ma grande naïveté, j’étais interloquée au début : comment diable fait-elle pour avoir le corps d’une gamine de dix ans ? Chacun se souvient de son personnage de petite fille dans une parodie de l’Ecole des fans de Jacques Martin… Il s’agit bien sûr dans le film d’effets spéciaux que je serais bien en peine d’expliquer ici. Reste que c’est du grand Valérie Lemercier. Dans « Aline », nulle parodie, mais une émotion subtile mêlée de beaucoup d’humour. C’est aussi une des grandes forces du film. Comme dans tous les contes de fées, il y a des obstacles. Aline perd à un moment son pouvoir magique, sa voix. Obligée de se taire pendant des mois, elle s’aperçoit finalement qu’elle n’aime plus parler. Comme si sa voix ne devait exister que par le chant…

Aline en salle depuis le 11 novembre.



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est enseignante.

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