Accueil Site Page 880

Le franglais tel qu’on le parle

0

L’Académie française tire la sonnette d’alarme pour la énième fois : notre belle langue française est contaminée par l’anglais au-delà de ce que les Immortels jugent acceptable. Peut-être faut-il expliquer ce qui se joue dans cette invasion du globish — qui est à l’anglais ce qu’une commode est à votre — vous m’avez compris.

En 1964, le très brillant professeur René Etiemble, ordinairement spécialiste de Rimbaud et de Confucius, publiait Parlez-vous franglais ?. Succès immédiat. Rappelons qu’à cette époque où la « pub » s’appelait encore la réclame, les seuls slogans anglais qu’on lisait sur les murs étaient les « US go home ! » peints en rouge par le PCF. 

C’est dans ce contexte d’après-guerre qu’il faut comprendre l’interrogation narquoise d’Etiemble. Le français n’était alors contaminé par l’anglais qu’à la marge, l’utilisation de mots détachés témoignait d’un snobisme (c’est l’époque où « surprise-party » remplace « soirée ») réservé à quelques imbéciles en rupture de bourgeoisie qui croyaient chic de parler la langue des GI. 

La réaction d’Etiemble était drôle parce que personne n’imaginait que le français, que l’on enseignait alors sérieusement à l’école, pût être menacé par l’idiome de l’ennemi héréditaire — qui n’a jamais été l’allemand, mais l’anglais, relisez donc Vingt mille lieues sous les mers, où le capitaine Nemo coule les vaisseaux de la perfide Albion. On disait d’ailleurs « franglais » sans trop réaliser qu’il s’agissait d’américanismes, et que le Plan Marshall avait une contrepartie : la mise en quarantaine des cultures du vieux continent, et à terme leur dissolution dans un flot de dollars.

Nous y sommes — et c’est tout autre chose que les dérives anecdotiques des années 1960. Notre culture tout entière est en train de basculer. Ce ne sont plus quelques mots — dont Sophie de Menthon a dressé la liste dans un article plaisant — qui s’insèrent dans la langue française, c’est une contre-culture qui envahit la nôtre, ou ce qu’il en reste.

L’Académie Française a donc confié à quelques-uns de ses membres les plus éminents, dont Danièle Sallenave ou Florence Delay, la tâche de sonner l’alerte. Mais est-il encore temps ? Et peut-on redresser la langue sans réformer l’éducation, où tant d’enseignants ont baissé les bras devant le jargon de leurs élèves ?
Dans les couloirs de l’Élysée, depuis cinq ans, on s’interpelle dans la langue de Shakespeare — pardon : la langue de Mark Zuckerberg et Jeff Bezos. Ça fait chic, ça fait choc, et ça renvoie dans les oubliettes de l’Histoire ceux qui s’obstinent à parler la langue de Molière — pardon : la langue d’Aya Nakamura, comme nous l’a expliqué récemment le député LREM Rémy Rebeirotte. Pensez donc que Jean-Marie Le Pen fut l’un des derniers à oser en public un imparfait du subjonctif, et que Zemmour passe pour un extraterrestre parce qu’il s’exprime en gros dans un français correct. 

La chanteuse Aya Nakamura, 2019 © LAURENT VU/SIPA Numéro de reportage: 00895088_000034.

La grammaire, pensent certains profs de Français (et si on me cherche, je vais publier des noms) est une lubie réactionnaire. Tout récemment dans un collège marseillais, une titulaire du CAPES de Lettres ignorait ce qu’était un complément du nom. « Ah oui, un prédicat », rectifia-t-elle, reprenant le jargon pseudo-linguistique imposé par Vallaud-Belkacem et les ânes de son ministériat lors de la dernière réécriture des programmes, en 2015. 

Preuve au passage qu’elle ne savait pas non plus ce qu’est un prédicat, qui n’est pas du tout un complément du nom. Mais que savait-elle vraiment ?

J’ai tenté d’expliquer tout cela en 2017 en publiant C’est le français qu’on assassine. Je voulais l’intituler « Encore eût-il fallu que je le susse », l’éditeur n’a pas voulu — tant pis, c’était un bien meilleur titre et l’imparfait du subjonctif, désormais aux abonnés absents, posait la bonne question. Aucune réaction : « Le mal est sans remède, les vices se sont changés en mœurs », disait Laclos en 1784, citant Sénèque. 

« Apprenez qu’on ne sort de l’esclavage que par une grande révolution », ajoutait-il. Et cinq ans plus tard…

Le « franglais » n’est que la masse émergée. Ce qui s’en va avec la langue française, c’est la France. Et c’est une ambition ancienne que de laminer « ce vieux pays », comme disait De Gaulle, jusqu’à ce qu’il n’en reste rien, dans le grand concert mondialisé qui parle globish, cette sous-langue inventée pour qu’un Argentin communique avec un Népalais sur l’aéroport d’Amsterdam. Car parallèlement au français, l’anglais — la langue de Shakespeare — disparaît lui aussi. 

Quand Abdellatif Kechiche fait jouer Marivaux en passant la langue somptueuse du Jeu de l’amour et du hasard à la moulinette du volapük banlieusard parlé par des racailles dont on fait des héros ; quand un animateur de télévision s’exprime comme un charretier à l’écran — alors même qu’il est fort capable de parler une langue châtiée en privé ; quand des publicitaires lancent des slogans en anglais qu’ils traduisent en tout petit dans un angle de leur publicité — et encore parce qu’ils y sont obligés ; quand les « éveillés » s’appellent entre eux les « woke » — alors en vérité le français n’est plus assassiné, il est mort. En état de putréfaction.

Non seulement il faut imposer à l’école l’étude de la vraie et bonne langue française et virer les enseignants ou les inspecteurs qui s’y refusent, mais il faut, comme les Canadiens, qui vivent assiégés par les Anglo-saxons, interdire la diffusion de tout terme anglais — à commencer par les titres de films. En 1999 on a traduit par Sexe intentions un titre américain, Cruel intentions, parce qu’adopter une inversion anglaise sur des mots français faisait cool, comme disent sans doute ces imbéciles. Et sans doute les diffuseurs français qui ont intitulé Very bad trip (in french in the text) un film qui s’intitulait à l’origine The Hangover — la gueule de bois — avaient abusé des mêmes boissons douteuses que les personnages.

Quoiqu’à bien y penser, ce n’est pas plus grave qu’un gouvernement qui écrit « pass sanitaire » ou impose des cartes d’identité en bilingue. Ou cherche à imposer « la » Covid parce que le « d » de Covid est « disease », et que « maladie » est féminin en français, n’est-ce pas… 

À l’imprimerie nationale de Douai, Marlène Schiappa présente la nouvelle carte d’identité, 16 mars 2021 © FRANCOIS GREUEZ/SIPA Numéro de reportage : 01009527_000001

Il n’est plus temps de se moquer, comme le faisait Etiemble en 1964. Il faut sévir et sanctionner — et interdire d’antenne. Il n’y a plus d’autre solution que la violence d’État face au délitement général — à ceci près que je ne vois guère qui a les épaules assez solides pour imposer au pays le sursaut indispensable avant la mort clinique. Quelqu’un qui ait le verbe et le physique — et la culture.

Parlez-vous franglais ?

Price: 17,55 €

5 used & new available from

C'est le français qu'on assassine

Price: 161,37 €

7 used & new available from 64,76 €

Fabien Roussel ou comment éviter les baisers de la mort

On aime beaucoup les communistes en ce moment. Un peu trop pour que cet enthousiasme soit honnête.


« Fabien Roussel renverse les stigmates. Les gens se sentent méprisés et culpabilisés dans leurs habitudes, lui a inversé le rapport de force. » Ce n’est pas n’importe qui, l’auteur de cette phrase, c’est Nicolas Mathieu, prix Goncourt 2018 pour Leurs enfants après eux et qui vient de sortir Connemara (Actes Sud). C’était lors de C politique, l’émission de la 5.

Il faut toujours se méfier des gens qui disent aimer les communistes quand ils ne sont pas communistes. C’est en général soit parce que les communistes, croient-ils, sont au fond du trou et ne font plus peur, soit parce qu’ils espèrent, par un coup de billard à trois bandes, gêner un autre candidat de gauche.

Fabien Roussel au siège du Parti communiste, Paris, 11 mai 2021 © NICOLAS MESSYASZ/SIPA Numéro de reportage : 01018505_000013

Dans les deux cas, ils se trompent, la candidature de Fabien Roussel n’est ni faite pour faire plaisir à la droite, ni pour compliquer la situation à gauche. Elle est là pour faire entendre la voix séculaire du parti qui est celui du monde du travail et qui n’est pas pour rien historiquement dans la construction de l’Etat providence, comme le rappelle le slogan de la campagne, « Les jours heureux », allusion directe au programme politique né dans la Résistance et qui donnera, notamment, naissance à la Sécurité Sociale. Quand la droite feint d’aimer Fabien Roussel, ne jamais oublier que son idée fixe, c’est de s’efforcer de le démanteler, cet Etat providence, que cette droite ait le visage d’un Macron réélu, d’une Pécresse qui est un clone du susnommé, ou bien pire.

Blanquer ou le baiser de la mort

Dernier exemple en date, dans le genre baiser de la mort, Blanquer qui félicite Fabien Roussel pour son « logiciel républicain. » A cette notable différence que Blanquer se fait une idée de la République qui consiste d’abord à traquer des fantasmes « islamogauchistes » ou « woke » à l’université, à créer de faux syndicats lycéens pour faire passer sa réforme aberrante sur le bac et surtout, surtout à mépriser les profs plutôt que de changer l’école. Dire qu’il a fallu un Ibizagate pour qu’il se décide à consulter les syndicats sur le prochain protocole sanitaire.

A lire aussi, Jean-Paul Brighelli: Qu’est donc la gauche devenue?

Bref, ce n’est certainement pas à Blanquer de délivrer des brevets de bon républicain du haut de sa morgue technocratique et avec ses clins d’œil appuyés aux thèmes de la droite nationale.

Le peuple qui manque

Mais revenons à l’écrivain Nicolas Mathieu : son analyse de la candidature de Fabien Roussel est aussi fine que sincère. Il ne faut pas laisser le peuple aux populistes (Le Pen, Zemmour.) Pour les populistes, le peuple est une variable d’ajustement dans un projet réactionnaire où il s’agit de jouer sur les pulsions plutôt que la raison. Il ne faut pas non plus laisser la place à certains, à gauche, qui oublient la notion de classe en préférant jouer sur une concurrence victimaire entre des minorités.

Ce peuple oublié, ce peuple qui manque (à tous les sens du terme : il manque du nécessaire et il manque dans la représentation politique), c’est le sujet des romans de Nicolas Mathieu, qu’il faut lire. Il sait de quoi il parle, il se définit lui-même comme « un transfuge de classe », celui qui était de ce peuple-là avant de devenir un écrivain.

J’ignore si Nicolas Mathieu votera communiste, et d’une certaine manière, je m’en moque. L’important est qu’il ait compris, et dit ce qui se jouait à travers la candidature de Fabien Roussel.

Leurs enfants après eux

Price: 10,40 €

38 used & new available from 2,44 €

Connemara

Price: 22,00 €

63 used & new available from 2,47 €

En Vendée, l’étouffe-chrétienté

La statue de Saint-Michel aux Sables-d’Olonne est la victime d’une indignation laïciste bien sélective…


La Vendée est encore une fois condamnée à l’apostasie par les croque-morts de l’histoire, désireux de transformer la France en un cimetière de souvenirs déchus.

Un jugement rendu le 16 décembre 2021 par le tribunal administratif de Nantes a enjoint Yannick Moreau, maire de la commune des Sables-d’Olonne, de procéder au retrait de la statue de Saint-Michel, sise sur une place publique. La requérante, la Fédération de Vendée de la libre pensée, « fondée sur la seule Raison, en dehors de tout dogme », prétend-elle, considère comme attentatoire à la loi de 1905 la présence de la statue litigieuse, initialement installée dans l’enceinte d’une école privée jusqu’à la destruction partielle de celle-ci, et exposée sur le domaine public depuis 2018.

Il convient de préciser que cette association zélée est issue d’un démembrement de la Fédération nationale de la libre pensée, dont l’idéologie n’est que l’ombre suintante d’un laïcisme cacochyme que seule une indignation ultra sélective parvient à ressusciter dès qu’une cloche sonne. Elle s’émeut aujourd’hui contre l’infâme visibilité d’une statue à la symbolique fondamentale pour l’histoire non seulement cultuelle, mais culturelle de la France. Mais en 2016, elle qualifiait de « totalitaires » les responsables politiques qui prétendaient interdire le port du « burkini » en zone balnéaire. L’été dernier, cette courageuse association éblouie par les lumières salvatrices de la Raison, a même eu l’indécence de blâmer pour « contradiction » avec la « liberté de conscience » les hommages du gouvernement témoignés à l’égard du père Maire, mort assassiné à Saint-Laurent-sur-Sèvre. Voici donc des apôtres de la laïcité aveuglés par l’évangile des droits fondamentaux, qui partent en croisade contre le ciment de notre civilisation. Espérons que leur royaume sans racines ne sera jamais de ce monde.

Pourquoi aime-t-on tant critiquer «La Nouvelle Vague»?

Ce soir, à 22 h 35, Arte diffuse «La Nouvelle Vague, une bande à part», un documentaire inédit de Florence Platarets


On y revient toujours, sans enthousiasme, un peu à reculons. Elle a tant de facettes détestables. Une préciosité ridicule, un ennui souverain, une errance technique, un caporalisme estudiantin et ce magistère intellectuel qui ferait sourire, aujourd’hui, dans les cours d’art dramatique. Le prétexte de l’âge n’explique pas tout. L’emphase et la démagogie sont des maladies enfantines à vocation durable. Les jeunes turcs des Cahiers débordaient de mots, à défaut d’images. Ils avaient le stylo plus incisif que la caméra, le goût pour la castagne en salle de montage et l’aplomb des enfants-rois.

Un agaçant ressac

De guingois et toujours patraque, aux abords du Luxembourg, la Nouvelle Vague résiste depuis maintenant plus de soixante ans aux assauts d’un cinéma léché et scénaristiquement plus stable. Cette Nouvelle Vague est instable, par nature ; présomptueuse par destination.

Elle agace par sa volonté de déconstruire le cinéma de papa, par sa geste révolutionnaire en provenance des beaux quartiers et surtout, par son mépris pour l’apprentissage d’un métier. Elle croit au talent inné et aux décors naturels, à l’indépendance artistique et à l’inconfort du public. Elle fustige les institutions pour mieux les détourner à son profit. Comme la mondialisation a gagné la bataille idéologique, la Nouvelle Vague est devenue une religion à l’académisme plombant. Ses errements ont fait florès. L’amateurisme ayant force de loi s’est propagé dans les milieux culturels, c’est pour mieux vous endormir, mes enfants. La cinéphilie a besoin de totems pour alimenter son mal-être et réactiver ses troupes. Ce soir (ou en replay déjà disponible sur le site d’Arte), le documentaire de Florence Platarets revient sur la naissance de ce mouvement esthétique et politique dont le corps bouge encore. Un documentaire très réussi par le choix des archives et la présentation équilibrée des forces en présence. Ils sont tous là. Truffaut, Godard, Varda, Chabrol, Rohmer, Langlois, etc… Et, la vieille garde, droite dans ses bottes, les Autant-Lara et Delannoy, tous les réprouvés du système, passablement agacés qu’on vienne mordiller leur pellicule.

À lire aussi, du même auteur : Rembob’INA, meilleure émission de TV de l’année

Dans un premier temps, Clouzot et Cocteau ont applaudi au génie de cette jeunesse en marche. Plus circonspects, Audiard et Ventura se sont marrés. Martine Carol et Gina Lollobrigida n’apprécièrent guère l’arrivée d’Anna Karina et de Bernadette Lafont sur leur terrain de jeu. Entre grognards et hussards, le match a connu des épisodes plus ou moins houleux, piques dans la presse, campagnes de déstabilisation, insultes radiophoniques, puis, les producteurs ont sonné la fin de la partie. En avançant dans leur carrière, les jeunes loups ont eu le goût pour les gentilhommières et les coupés italiens énergivores. La morale bourgeoise fut saine et sauve. Il faut que tout change pour que rien ne change. Vous connaissez la formule de notre bon prince palermitain.

Un grain si particulier propre aux années 60

La Nouvelle Vague est une marque générique, fourre-tout qui recouvra bien des sensibilités différentes. Dans une période lointaine, elle a constitué une langue étrangère tant sa grammaire vitreuse plongea les spectateurs dans l’incompréhension, voire l’effroi. Oui, il y eut dans cette vague, de la frime, de la peur, de l’arrivisme, de la bricole, de vastes champs d’incohérence comblés par un discours trop alambiqué pour être crédible, d’une certaine façon, nous vivons encore sous l’emprise malsaine d’un intellectualisme déconnant, mais, reconnaissons-le aussi, elle fut à l’origine d’immenses réussites visuelles et surtout sentimentales. C’est pourquoi, on adore la détester et qu’il nous est si difficile d’en réchapper.

Elle aura donné aux années 1960, un grain si particulier, ce faux-rythme qui colle à la peau des héros germanopratins, cette liberté bredouillante qui s’exprime maladroitement dans les corps et les paroles et cette friabilité qui émeut. Qu’on le veuille ou non, notre imaginaire a été perfusé par leur regard. Nous devons à tous ces réalisateurs une part de notre romantisme niais et de nos bégaiements amoureux. Nous sommes nombreux à défaillir à la vue d’un tee-shirt côtelé, d’une jupe plissée à carreaux, d’un trench voltigeant, d’une coupe à la garçonne, d’un Pschitt orange, d’une Austin-Healey, d’un drugstore recouvert de moleskine, du Herald Tribune distribué sur les Champs et de ce parfum entêtant qui s’appelle mélancolie.    

Ce soir sur arte à 22h30 (canal 7)

Des candidats à la chasse aux voix

Le Mouvement de la Ruralité (LMR), anciennement appelé « Chasse, pêche, nature et traditions » (CPNT) organisait hier un grand oral afin d’entendre les propositions des candidats à l’élection présidentielle pour la ruralité. Nous sommes allés écouter ce que Valérie Pécresse et Éric Zemmour avaient à dire aux chasseurs.


Éric Zemmour, Valérie Pécresse, Jean Lassalle et Nicolas Dupont-Aignan étaient présents hier à l’ambassade d’Auvergne, dans le 3ème arrondissement de Paris, à l’invitation du mouvement « Chasse, pêche, nature et traditions », désormais renommé « Mouvement de la Ruralité » (LMR). Les adhérents du LMR nous ont confié regretter les absences d’autres candidats, qui témoignent selon eux d’un manque de considération pour les populations rurales, déjà abandonnées depuis de nombreuses années. Eddie Puyjalon, dirigeant du mouvement, indiquait aux journalistes que les enjeux du monde rural étaient selon lui « l’angle mort de la campagne », et qu’il souhaitait obliger les prétendants à la fonction suprême à se positionner sur les sujets clivants, autrement qu’« en caressant une vache au salon de l’agriculture » !

Malheureusement pour lui, Marine Le Pen et Emmanuel Macron ont donc fait abstraction de l’évènement.

Des constats communs, mais une vision différente

Le LMR est un parti politique sous forme d’association qui défend des valeurs traditionnelles, chères au monde rural. Aussi, l’objectif pour les candidats présents à l’évènement était clair : prouver qu’ils ne sont pas déconnectés des territoires ruraux.

A lire aussi: Zemmour au chevet de la France silencieuse

Éric Zemmour l’a rappelé, il n’est pas un enfant de la campagne : « J’ai grandi dans les banlieues, à l’époque où elles étaient des campagnes urbanisées. Mes grands-parents vivaient en Algérie dans des petits villages organisés à la française, j’ai découvert la ruralité dans la littérature. » Après avoir évoqué son histoire, le candidat « Reconquête » a dressé un constat sur l’état des campagnes françaises : manque d’hôpitaux, chute de la natalité, chômage constant, fermetures des écoles, manque d’aides de l’État… Ces constats sont à peu près les mêmes que ceux dressés ensuite par Valérie Pécresse. La candidate des Républicains a expliqué que la ruralité était selon elle «  l’alliance de l’identité et de la modernité », mais elle ne s’est pas livrée à des confidences personnelles comme Zemmour. Selon elle, la ruralité est « une chance » et «  un rempart contre le réchauffement climatique et les famines qui arrivent à nos portes et touchent déjà l’Afrique ». L’analyse est surprenante, mais la suite de son discours dressait des constats plus convenus : la crise sanitaire a permis à beaucoup de Français de redécouvrir les bienfaits de la campagne, et a également mis en lumière le manque de moyens des hôpitaux en milieu rural, la politique de décroissance agricole menée depuis des années et le manque de petits commerces de proximité. Si des constats communs sont donc partagés par les deux candidats de droite, ils posent cependant un regard bien différent sur l’avenir des territoires ruraux : là où Valérie Pécresse y voit une opportunité de développement et l’emplacement idéal pour de futures cités dortoirs qui s’agiteraient le week-end pour aller chasser et profiter d’un grand jardin (!), Eric Zemmour veut retrouver la France d’antan. La ruralité rêvée d’Eric Zemmour est faite de vestes Barbour, de brebis, de petits commerçants et de bistrots face aux clochers…

La question de la chasse et de la pêche 

Pécresse comme Zemmour entendent évidemment chacun défendre la chasse et la pêche, témoins, selon eux, de la tradition française. Deux pratiques particulièrement chères au Mouvement de la Ruralité. Pécresse a dénoncé la situation tendue entre l’Angleterre et la France qui freine une grande partie de notre activité halieutique. Elle a déclaré que « la chasse fait partie de nos traditions », et que «  c’est un acquis de la Révolution Française ». Elle a ajouté que les chasseurs étaient selon elle « les premiers amoureux de la nature. » Interpellée par un journaliste lui demandant si les chasseurs étaient vraiment des écolos, elle a esquivé la réponse et répété qu’elle était convaincue de l’amour qu’ils portent à la nature.

A lire aussi: Pour Valérie Pécresse, ce n’est pas tous les jours dimanche

De son côté, Eric Zemmour s’est montré plus ferme sur la question : « Je refuse qu’on interdise la chasse et la pêche. Les bobos attaquent et assiègent votre monde, je les ferai reculer. Les vrais écologistes, c’est vous ! »

Des solutions différentes

S’ils poursuivent des objectifs assez similaires pour la ruralité, les deux poids lourds présents au grand oral des chasseurs proposent des solutions différentes pour y parvenir.

© Gilles Bassignac/ Divergence

Par exemple, lorsqu’Eric Zemmour veut tout simplement interdire les nouvelles constructions d’éoliennes, Valérie Pécresse propose de soumettre ces installations au vote local. Lorsque Valérie Pécresse veut préserver les familles rurales, elle propose d’améliorer le service public de la petite enfance en milieu rural pour aider les femmes à continuer de travailler. Eric Zemmour propose, lui, une prime de 10 000 euros pour toute nouvelle naissance dans une famille rurale. Une solution est cependant commune aux deux candidats : favoriser les produits locaux dans les cantines et privilégier ainsi les circuits courts.

Pour pallier aux déserts médicaux, Eric Zemmour propose de réinstaurer les gardes des médecins, tandis que Valérie Pécresse promet d’embaucher plus de personnels. Concernant les actions des militants vegans ou antispécistes contre les boucheries et les abattoirs, Valérie Pécresse a regretté la violence des actes perpétrés par ces derniers et appelé à ce que chacun respecte le mode de vie des autres. Éric Zemmour, lui, a dénoncé une « idéologie » à combattre. La candidate des Républicains à enfin défendu la culture comme facteur de cohésion en zone rurale, tandis que le candidat « Reconquête » n’a pas évoqué le sujet.

Eric Zemmour et Valérie Pécresse à l’épreuve de la ruralité, ce sont donc deux projets qui s’opposent mais qui revendiquent pourtant un même attachement à la culture française et aux traditions. Eric Zemmour a cependant marqué des points face à sa rivale en signant la charte et les 30 propositions de LMR, alors que Valérie Pécresse a refusé de le faire, estimant qu’elle émettait des réserves sur certains points. Alors que la réunion se terminait, un adhérent de mouvement ne me cachait pas ses doutes sur la sincérité de Valérie Pécresse: « Elle semblait fausse, c’était décevant, franchement moyen. De toute façon, on savait en venant ici que les seuls candidats qui sauraient nous parler sont Eric Zemmour et Jean Lassalle ». C’est un peu dur : Valérie Pécresse a au moins fait le déplacement, elle !

Minuit moins le quart dans le siècle?

2

Où que l’on regarde les rapports de force entre puissances mondiales, on ne peut qu’observer une inquiétante fuite en avant vers le pire. Analyses.


Serait-il déjà minuit moins le quart dans le siècle qui vient à peine de commencer ? Le siècle précédent avait déjà joué en 1956 à Budapest puis en 1968 à Prague ce que Vladimir Poutine tente de rejouer en Ukraine. C’était au temps de l’URSS. Comment peut-on imaginer de nouveau un scénario pareil aujourd’hui ? Faut-il retourner plus loin en arrière pour prendre la mesure des projets de reconquête au nom du passé impérial, de la parenté de langue, de culture, de religion ?

Les marches de l’Empire, une approche anachronique ?

Du règne des tsars à celui des soviets, l’Ukraine s’est toujours située aux marches de l’Empire. Comment un homme aussi roué que Poutine peut-il considérer que l’ordre géopolitique la Russie des tsars puis celui de l’URSS serait toujours d’actualité, près de trente ans après la chute du mur de Berlin et la dislocation de l’empire soviétique, alors que, mondialisation oblige, l’internet, les gazoducs, les flux financiers électroniques et autres merveilles contemporaines, il y a désormais sur la planète des royaumes sans frontières bien plus riches que ceux qu’un nationalisme borné a su engendrer ? Qu’est-ce que la possession des Sudètes ou le couloir de Dantzig ont apporté comme plaisirs supplémentaires à l’Allemagne ? Qu’est-ce que le projet d’élimination des ennemis supposés de la germanité a apporté de plus au supposé génie aryen? On connaît la suite.

À lire aussi, Gil Mihaely : L’Ukraine n’est plus la “Petite Russie”…

En contrepoint la volonté américaine d’inscrire l’Ukraine dans l’OTAN, c’est à dire dans une alliance militaire pensée au temps de la guerre froide avec l’URSS, peut symétriquement être ressentie par les Russes comme un dispositif agressif semblable à celui que les soviétiques avaient eux-mêmes imaginé en installant des missiles à Cuba en 1962. L’OTAN n’est pas une organisation caritative, mais une machine de guerre contre un ennemi potentiel situé sur son flanc Est. Avec la disparition de l’URSS, a-t-elle toujours la même pertinence ?

Les meilleurs ennemis du monde

Tandis que deux régimes autocratiques majeurs, la Russie et la Chine, se trouvaient rivaux, voilà que la crise actuelle entre Russie et Occident, vient de les rapprocher. La Chine lorgne sur Taïwan, a déjà fait main basse sur le Tibet, sur Hong-Kong, rééduque ses opposants. Poutine fait enfermer ou éliminer ses opposants, les journalistes critiques comme Anna Politkovskaïa ou Alexeï Navalny. Xi Jinping met en cage les Ouighours et il y a désormais à Lhassa davantage de Chinois que de Tibétains. Commerce international oblige, l’Occident s’est parfaitement accommodé de cet ethnocide et nombreux sont les ex-leaders européens à être salariés ou actionnaires des entreprises russes. On le sait, l’argent n’a pas d’odeur…

Le tempo politique des démocrates n’est pas celui des régimes autoritaires. En cinquante ans de règne la dynastie des Kim a su doter la Corée du Nord d’une puissance militaire qui la sanctuarise. Missiles balistiques et bombes atomiques obligent les démocraties à la prudence dans leurs relations. La course à la bombe atomique, tant désirée par les mollahs iraniens, présente des périls aussi grands sinon plus grands, tant la part d’irrationnel religieux nourrit les choix politiques. Négliger l’offensive planétaire de l’islam radical serait une erreur d’appréciation considérable, tant les règles du jeu du jihad sont autres que celles qui opposent Etats-Unis et Russie. Une guerre en Europe ne ferait que donner des ailes à cet autre impérialisme.

Qui est l’ennemi principal ? Qui est l’ennemi secondaire ?

Aujourd’hui la temporalité politique des démocraties est de l’ordre de cinq ou dix ans entre deux passages de relais grâce à au respect partagé des mécaniques électorales tandis que chez les autocrates la durée minimum dépasse les dix ans avant qu’ils ne daignent profiter d’une retraite bien méritée. Dans les pays du sud, dans les ex colonies de l’Occident, seuls  Gandhi ou Mandela avaient réussi à proposer à leurs peuples une sortie de la domination coloniale sans leur imposer une violence symétrique.

L’ONU, un théâtre de farceurs

En Birmanie, en Algérie, en Syrie, dans la plupart des pays arabes, en Turquie, en Corée du Nord, en Iran et dans d’autres endroits de la terre, seuls comptent les rapports de force. Les castes, les mafias, les tribus, méprisent les désirs de liberté, les volontés populaires d’émancipation. Les printemps arabes ne furent qu’une illusion passagère, très vite écrasée par des pouvoirs d’abord soucieux d’assurer la pérennité de leurs rentes. De rares et fragiles éclaircies, comme les accords d’Abraham entre Israël et quelques pétromonarchies corrigent l’appréciation qui précède.

À lire aussi, Harold Hyman: Poutine est-il encore un grand stratège?

L’ONU, dont la mission essentielle consiste à réguler les rapports entre les Etats, n’est plus qu’un théâtre de farceurs dont son Conseil des droits de l’homme est la plus parfaite caricature : seul Israël serait responsable et coupable du malheur arabe, et c’est Amnesty International qui vient cautionner cette sinistre forfaiture. La Syrie, grande alliée de la Russie, et responsable du gazage de milliers de Syriens n’a jamais été inquiétée par les Etats-Unis sous la gouvernance d’Obama. Les Kurdes, seuls alliés de l’Occident contre l’Etat islamique, ont été abandonnés à leur sort sous la présidence de Trump. Les bonzes tibétains peuvent toujours s’immoler par le feu, cela n’empêchera pas la fiction de l’innocence sportive aux Jeux olympiques à Pékin.

Dans l’affaire ukrainienne, les démocraties de l’Ouest semblent défavorisées par cette montée en puissance des autocrates tant elles dépendent elles-mêmes des produits chinois ou du gaz russe. En Afrique, Poutine agit par mercenaires interposés pour mieux en chasser la France, l’Iran fait de même au Yémen, au Liban, au Vénézuela. Si le chaos généralisé devient la nouvelle donne des relations internationales, ce n’est même plus le « choc des civilisations » qui en serait le moteur, mais plutôt les ambitions folles de quelques-uns ou les délires fanatiques de quelques autres.

Seul l’énoncé clair du prix à payer des tentatives d’agression peut ralentir cette fuite en avant vers le pire. Si le mot civilisation a encore un minimum de sens il devrait caractériser la primauté absolue du droit sur la force et que l’usage de la force obéisse au droit. Comment les Russes peuvent-ils oublier ce qui les a unis aux Américains, aux Européens, contre le nazisme ? Mettre de la raison et de la fermeté là où le bon sens semble aujourd’hui faire singulièrement défaut à certains est la seule politique possible. S’il n’est pas encore minuit dans le siècle, le temps presse.

Quand le militantisme politique s’attaque au sport, les femmes sont toujours en première ligne

Militants woke ou islamistes, sur les terrains ils n’ont pas le même maillot, mais la même passion pour le chantage victimaire! Actuellement, le collectif des “hijabeuses” pousse pour que le port du voile islamique (qui est un instrument politique partout dans le monde) soit autorisé en France pendant les matchs de football – la FIFA l’autorise dans son règlement depuis 2014. Des associations féministes, idiotes utiles, soutiennent les militants islamistes.


Notre contributrice Renée Fregosi est notamment l’auteur de Français encore un effort… pour rester laïques ! (Ed. L’Harmattan 2019), et Comment je n’ai pas fait carrière au PS. La social-démocratie empêchée (Ed. Balland 2021)

Les compétions sportives ont toujours eu partie liée avec la politique. D’Olympie en Grèce ancienne au jeu sacrificiel de la balle des Mayas et des Aztèques, des cours de chars où s’affrontaient les clans de Byzance aux arts martiaux réservés aux Samouraïs de l’époque des Shoguns du Japon médiéval. Et plus près de nous, on se souvient de l’instrumentalisation par Hitler des jeux olympiques de Berlin en 1936, ou pendant la guerre froide, des athlètes du bloc de l’Est traitées aux hormones pour la raison d’État. Aujourd’hui encore, le choix des villes qui accueillent les grandes rencontres internationales dépend au moins en partie de manœuvres géopolitiques. 

Dans le sport comme ailleurs, la banalisation insidieuse du port du voile doit être dénoncée et combattue

Mais ce qui est nouveau, c’est que des acteurs non étatiques s’invitent aujourd’hui dans le jeu. De même que les ONG interagissent de plus en plus avec les États dans les arènes internationales (comme on peut le constater depuis l’Assemblée générale de l’ONU à Durban institutionnalisant en 2001 une stratégie résolue contre Israël), le militantisme politique s’est lancé à l’assaut du sport. Les enjeux y sont alors également d’ordre culturel et civilisationnel, et deux groupes de pression de nature et de poids différents, y sont principalement à l’œuvre : les défenseurs du combat LGBT-Queer et les islamistes.  Dans les deux cas, ce sont les femmes qui sont les premières touchées, de façon perverse, par ces offensives militantes.

Les poids lourds de l’activisme “inclusif”

En septembre 2021, Alana McLaughlin deuxième athlète déclarée transgenre à combattre dans les « arts martiaux mixtes », a remporté facilement la compétition qui l’opposait à la Française Céline Provost. Dans le nom « arts martiaux mixtes » (ou « Mixed Martial Arts » en anglais (MMA)), « mixte » ne signifie pas que les hommes et les femmes participent aux mêmes combats, mais que ce type de lutte à mains nues combine différentes techniques qui en font un sport extrêmement violent. Anciennement appelée combat libre ou free-fight, cette discipline sportive n’a été légalisée en France qu’en 2020 comme elle l’est dans plusieurs autres pays. En 2011, l’Ultimate Fighting Championship (UFC), organisation de combat libre basée aux États-Unis, a commencé à promouvoir les combats de femmes et il existe depuis lors des compétitions internationales féminines officielles. Or, dès 2013, s’est posée la question de la participation à ces combats féminins, de femmes transgenres (des hommes se reconnaissant comme étant des femmes). À l’époque, Ronda Rousey, championne femme « cisgenre » (c’est-à-dire de naissance) avait refusé d’affronter la trans Fallon Fox, considérant le combat inéquitable.

A lire aussi: Quand LREM protège l’islamisation du sport

Certes, lorsqu’on évoque la question de l’équité entre concurrents dans les compétitions sportives, on peut arguer du fait qu’il n’existe pas d’équité naturelle entre individus humains, de tailles et corpulences très diverses, y compris dans chacun des deux sexes. Mais alors pourquoi, notamment dans les sports de combat, existe-t-il des catégories différentes en fonction du poids ? Devrait-on les supprimer au nom de l’inégalité de nature dans les caractéristiques corporelles ? Sans doute pas. Quant à la séparation traditionnelle entre compétitions féminines et masculines, elle peut relever de la même logique d’équité. 

La mixité n’est pas légitime dans toutes les disciplines sportives

Toutefois, il est indéniable qu’à l’origine du sport féminin, longtemps réprouvé au motif que les femmes ne devraient pas exh​​iber leurs corps ni s’adonner aux mêmes plaisirs et activités que les hommes, des considérations « morales » archaïques entraient également en ligne de compte. Lorsqu’on autorisa les femmes à pratiquer le sport, la séparation des sexes était par conséquent sans doute davantage une concession à la pudibonderie qu’elle ne procédait d’un souci d’équité. Mais devrait-on renoncer pour autant à cette distinction au nom de l’égalité hommes/femmes ? Pour certains sports, la mixité des sexes est tout a fait possible et c’est d’ailleurs déjà le cas dans certaines disciplines : par exemple, dans les sports équestres, hommes et femmes peuvent concourir dans les mêmes épreuves aux Jeux olympiques. Il peut en être de même pour le tir au pistolet et au fusil, toutefois l’histoire du tir aux Jeux olympiques est symptomatique de la complexité de la question : la compétition est devenue mixte (hommes/femmes) en  1972. Mais après qu’en 1992 la tireuse chinoise Zhang Shan ait battu le record du monde, la compétition a de nouveau été réservée uniquement aux hommes (les femmes pouvant concourir entre elles à partir de 2000)… 

A lire aussi: Le quidditch change de nom

Dans d’autres sports, notamment les sports d’équipe (ballons, relais) la mixité des sexes pourrait également être admise en toute équité, en établissant des règles précises notamment quant à l’égalité du nombre de joueurs ou de membres hommes et femmes dans les équipes respectives. En revanche, dans les compétitions individuelles, lorsque la force est déterminante, l’introduction de catégories différentes s’impose, mais en fonction de critères combinés tels que la masse musculaire, la taille et le poids quel que soit le sexe ou le genre de chaque sportif. La distinction entre compétitions féminines et masculines pourrait même en théorie alors être abolie un peu partout, au profit des différents groupes formés sur ces critères physiques mesurables absolument objectifs. Sans cela, ou bien on interdira aux transgenres d’entrer en compétition, ce qui constitue manifestement, une discrimination, ou bien on multipliera les polémiques comme celle qui a rebondi à propos la compétition en MMA de septembre dernier. Car le débat dépasse largement le cadre des sports de combat. Plusieurs sports féminins sont concernés, notamment le rugby : si la World Rugby « recommande » aux athlètes hommes devenus des femmes de ne pas concourir dans les compétitions féminines, la Fédération française de rugby a davantage clarifié sa position en acceptant, en mai 2021, d’ouvrir les compétitions féminines aux personnes trans féminines, « à partir du moment où elle initie son changement d’état civil et suit un traitement hormonal de douze mois ». Cela au nom de « l’inclusion » qui est partout devenu le mot d’ordre.

Or nombre de féministes de toutes obédiences, s’insurgent contre ce qu’elles considèrent à juste titre comme une injustice nouvelle faite aux femmes. La cause transgenre vient ainsi percuter la ligne de défense des intérêts (mal compris) des femmes, par les néoféministes qui ont fait de la victimisation des « faibles femmes » et de la différenciation des « genres » plutôt que de la lutte en faveur de l’égalité des sexes, les armes de leur combat. En effet, si la représentation que l’on se fait de son genre prime sur la différenciation génitale, on doit reconnaître aux « femmes transgenres » l’appartenance à la catégorie « femme » même si elles ne sont pas des « personnes à utérus » (comme une nouvelle facette du politiquement correct imposerait de désigner le genre féminin, autre incongruité). 

Un mélange des genres encore plus sulfureux…

Mais le néoféminisme n’est pas à une contradiction près et il en est une plus grave sans doute : celle qui consiste à soutenir les revendications islamistes et tout particulièrement le port du voile au nom de la liberté des femmes. Depuis plusieurs années déjà, la plupart des néoféministes se retrouvent en effet aux côtés des islamistes pour défendre le port du voile dans tous les lieux publics, tout comme le port du burqini dans les piscines et sur les plages françaises. Elles poussent même la complicité jusqu’à accepter  la notion de «féminisme islamique » en lutte contre « le féminisme occidental » considérant que le voile est bien une protection des femmes victimes de la concupiscence des hommes. « Intersectionnelles », ces néoféministes, alliées au mouvement décolonial et anti-« privilège blanc », rejoignent, elles aussi, l’offensive anti-occidentale des islamistes et se font leurs idiotes utiles.

A lire aussi: Antivoile, je perds mon sang froid

Menant leur offensive jusque dans le sport, les islamistes tentent ainsi aujourd’hui de faire plier les fédérations françaises en revendiquant que les milieux associatifs sportifs soient considérés comme un espace privé et donc un espace de « liberté » où le port du voile est permis. Le mouvement des « Hidjabeuses » est emblématique de ce prétendu féminisme islamiste. La nature de la « révolution religieuse » portée tant par les sunnites de la tendance frériste (des Frères musulmans) notamment, que par les chiites alignés sur le régime iranien des mollahs, est en effet un mélange d’archaïsme dans les principes (misogynie, primauté du religieux sur le politique) et de modernité (moyens de communication, innovations vestimentaires). Si elles étaient réellement féministes, plutôt que de chercher à imposer la légitimité du port du voile sur les terrains, les Hidjabeuses devraient s’engager dans la lutte en faveur du droit des femmes dans les pays musulmans qui, pour les plus intégristes d’entre eux, vont jusqu’à interdire aux femmes d’assister depuis les gradins, à des matchs de foot.

On ne rappellera jamais assez que le voile quelle que forme qu’il prenne (« simple foulard », hidjab, niqab, tchador ou burqa) est avant tout le signe et l’instrument de la soumission des femmes aux hommes et non un signe religieux relevant de la liberté du culte. Toutes les religions monothéistes dans leur version fondamentaliste et les sociétés traditionnelles en général, voilent leurs femmes. Ce n’est donc devenu la marque identitaire spécifique de l’islam que depuis que l’offensive islamiste en a fait son étendard politique. Dans le sport comme ailleurs, la banalisation insidieuse du port du voile doit être dénoncée et combattue, au nom de la libération des femmes et de la défense de la culture occidentale, porteuse d’émancipation des individus de tous les sexes et de tous les genres.

Pour Valérie Pécresse, ce n’est pas tous les jours dimanche

0

Philippe Bilger revient sur le meeting politique raté de la candidate LR dimanche dernier


Depuis le 13 février, je ne cesse de ressentir ma différence d’avec ceux qui accablent Valérie Pécresse à la suite de son discours médiocre au meeting du Zénith – une mauvaise scansion, un abus des formules « téléphonées » et de surcroît un verbe haché par de multiples et intempestives interruptions militantes : pour ma part, je l’exonère d’une grande part de responsabilité dans ce que certains dans son camp ont qualifié de « naufrage ».

Inquiétudes avant les prochains sondages

Une équipe qu’on nous vante comme expérimentée ne projette pas une candidate dont l’oralité publique et l’éloquence n’ont jamais été le fort devant 7 000 personnes, selon des modalités qui ne pouvaient aboutir qu’à un fiasco. On a le droit d’être intelligent et lucide. Ce n’était pas rendre service à Valérie Pécresse que de la laisser aller inéluctablement vers un échec. N’être pas « une oratrice » n’est pas grave si on ne vous contraint pas à faire croire qu’on l’est et à endosser une posture tribunitienne aussi éloignée de vous que possible. Valérie Pécresse a raison : « si vous voulez des orateurs, il y en a plein dans la campagne », mais il est aberrant qu’on l’ait envoyée délibérément dans un piège politique, technique et intellectuel. Ce n’est pas être « machiste » que de mettre en lumière cette faute dont j’espère qu’elle ne payera pas le prix dans les prochains sondages !

A lire aussi: Pécresse après son meeting: Je n’ai pas le “gène” de l’art oratoire!

Il est clair que mon adhésion renouvelée à sa cause a souffert le martyre face à ce qu’elle n’a pas su dire, à ce qu’elle a mal dit, avec un insupportable hiatus entre un fond qui se voulait d’autorité et de volontarisme et une tonalité de voix qui, pour cet exercice, laissait gravement à désirer. Je n’ai cessé de mettre l’accent sur le fait que pour Valérie Pécresse, le problème résidait dans la forme, dans l’expression d’un verbe qui ne devenait convaincant que dans le partage citoyen, dans l’empathie médiatique. Une parole « en chambre » en quelque sorte. Pour pratiquement tous les autres candidats, cette difficulté n’existe pas. On n’est pas conduit à se détourner de la substance de leurs propos à cause de l’agacement face à leur formulation.

Un mauvais dimanche

Il n’aurait pas fallu faire passer ce dimanche à Valérie Pécresse et à ceux qui contre vents et marées continuent à penser que sa vision d’une droite à la fois ferme, opératoire et républicaine, aux antipodes de la pratique d’Emmanuel Macron, est la seule qui mérite d’être défendue, avec la possibilité d’une victoire au second tour. Quel terrible manque, d’ailleurs, dans ce discours du 13 février, que l’absence de dénonciation du péché le plus grave du macronisme, une manière de présider qui a poussé à son comble la monarchie régalienne en faisant fi, même à deux mois de l’issue capitale, des règles de bienséance démocratique, attitude que Valérie Pécresse pourfend ailleurs à juste titre.

À la décharge de Valérie Pécresse, on peut faire valoir un certain nombre d’arguments

D’abord ne pas lui imputer de reprendre le vocabulaire d’Éric Zemmour (le « grand remplacement ») alors que, si elle l’a fait, c’était pour stigmatiser ces notions et leur extrémisme. Quel dommage qu’elle n’en ait pas profité pour répliquer à la charge d’Éric Zemmour selon laquelle elle ne serait pas de droite ! Tant de lacunes, tant de faiblesses dans son argumentation : plus qu’irritant !

A lire aussi: Le premier tour des présidentielles, voilà la vraie primaire de la droite!

Ensuite ce n’est pas de la faute de Valérie Pécresse si elle a gagné lors du Congrès, tout simplement parce que cette manière de débattre moins impérieuse que de bon aloi lui convenait mieux. J’ai l’impression qu’on lui reproche rétrospectivement une victoire dont elle n’aurait pas été digne. De surcroît, peut-on faire l’impasse sur les étranges et inquiétants atermoiements de Nicolas Sarkozy qui veut bien donner des conseils mais apparemment ne pas apporter explicitement son soutien ! En tant que citoyen conscient de ce que l’ancien président pourrait et devrait offrir à la candidate choisie par son camp en matière de légitimité et de crédibilité, je suis troublé, pour ne pas dire plus, par les bruits émanant des coulisses du pouvoir : tractations entre Nicolas Sarkozy et Emmanuel Macron, recommandations de Christine Lagarde comme Premier ministre (aux oubliettes, l’arbitrage Tapie !), toute une vie officieuse dans les marges de la transparence républicaine. Il y a des éléments qui nous sont cachés et dont on peut estimer qu’ils créent à notre détriment un déficit démocratique.

Petites ambitions

Enfin ces personnalités, de Christian Estrosi à Eric Woerth et d’autres moins connues profitant de leur migration pour se faire mieux identifier, qui ont rejoint Emmanuel Macron après avoir combattu vigoureusement sa politique, en effaçant ce que son mandat avait de blâmable notamment sur le plan régalien… J’ose espérer que toutes les motivations de ces transfuges ne sont pas putrides mais on ne peut tout de même pas béer d’admiration face à ces opportunismes persuadés d’aller au secours de la victoire. Et ce n’est pas l’impayable Christophe Castaner qui nous convaincra du contraire !

Cela fait beaucoup de pierres jetées dans le jardin de Valérie Pécresse mais rien n’est perdu, en tout cas pas l’honneur. Il est essentiel chez LR de ne demander à notre candidate que ce qu’elle peut donner. Elle a des qualités, des faiblesses émouvantes qui sont des chances. Ceux qui la méprisent, la traitent de haut ont bien tort : je ne le ferai jamais même si je trouve souvent sa dialectique maladroite, ou son autocélébration artificielle. Il faut vite qu’elle retrouve son second souffle. En tirant les leçons de ce qu’elle ne sait pas faire ni être.

Petit traité sur le retournement de veste

1

Ça bouge décidément beaucoup en politique


Pour notre plus grand plaisir et peut- être, nous osons l’espérer, parce qu’elle nous a fait l’honneur de prendre en compte notre suggestion, Christiane Taubira a convoqué Jean Ferrat lors de son meeting de Créteil samedi dernier. Oubliant Aimé Césaire, c’est en effet “Ma France” qu’elle a entonnée, suivie par tous ses sympathisants pris aux tripes. C’est pourquoi nous nous permettons une nouvelle suggestion musicale, destinée cette fois-ci à l’ensemble des candidats et à leurs soutiens. Ralliés d’hier, de demain et d’aujourd’hui, hérauts de toutes les causes perdues ou à gagner, si vous voulez, vous aussi, pousser la chansonnette, envoyez Jacques Dutronc. On reprendra en chœur “l’Opportuniste”, tous avec vous et sans vous railler, promis !

Je suis de tous les partis
Je suis de toutes les party
Je suis de toutes les coteries
Je suis le roi des convertis (…)

Cette pratique de la palinodie en politique n’est pas nouvelle. Du grec palin « en arrière » et ôdê « chant », dans l’antiquité, le mot désignait une pièce de vers dans laquelle le poète déclarait rétracter ses sentiments antérieurs. Par extension, se livrer à une palinodie a voulu dire se contredire, lieu commun s’il en est, en politique. Et pourtant, on se fait immanquablement avoir comme des bleus ! Et cette fois encore, c’est « tournez manège » : on en a le tournis ! 

À droite, à gauche, au centre : c’est un vrai festival. Les scénaristes des “Feux de l’amour” n’auraient jamais imaginé pareils rebondissements. On rallie des camps ; les idées et les projets, démonétisés, sont sans importance : ils passent de main en main.

C’est Guillaume Peltier qui a ouvert le bal, quittant les Républicains pour rejoindre “Reconquête” et, tout s’est enchaîné.

Stéphane Ravier a lâché Marine Le Pen pour Éric Zemmour à cause de Franck Allisio (un de ses confrères du Rassemblement national) qu’il a qualifié « d’élément perturbateur et saccageur ».

Éric Woerth, depuis, assume pleinement sa rupture avec Valérie Pécresse pour soutenir la cause d’Emmanuel Macron. Après avoir en son temps qualifié le président « d’incantatoire », Éric Woerth assure avoir « évolué » avant d’ajouter que « la présidence d’Emmanuel Macron l’a fait aussi ».  

Il se murmure également que notre président fait de l’œil au maire socialiste de Dijon, François Rebsamen. 

Ségolène Royal, jamais en reste quand il s’agit de piétiner une rivale, se tâte pour abandonner Anne Hidalgo au profit de Valérie Pécresse. 

Ségolène Royal à Courbevoie, octobre 2018. SIPA. 00880127_000007

À gauche, on note le précieux ralliement à la France insoumise d’Aymeric Caron, le fondateur du parti Révolution écologique pour le vivant. Avant de tourner casaque, notre valeureux défenseur des drosophiles et des moustiques a en effet affirmé dans un entretien au Journal du Dimanche : « Le camp de la gauche et des écologistes est un champ de ruines. »

Quant aux « catholiques traditionalistes, aux païens et aux nazis », ils ont d’après Marine Le Pen, déserté le Rassemblement national pour aller grossir les troupes d’Éric Zemmour ! Cerise sur le gâteau, dans la série : « tous les coups sont permis », on vient d’annoncer que Nicolas Bay, porte-parole de la campagne du Rassemblement national et député européen, était accusé par son parti d’avoir profité traîtreusement depuis des mois de sa position privilégiée pour transmettre à l’adversaire Eric Zemmour des éléments stratégiques et confidentiels ! Il vient d’être suspendu de son parte-parolat de campagne et de toutes ses autres responsabilités. Le bureau exécutif du Rassemblement national évoque « un véritable sabotage ». Ce n’est plus un bazar, c’est un bordel, mes amis !

Nicolas Bay (Rassemblement national) © Michel Stoupak / NurPhoto / NurPhoto via AFP.

Mais cessons de jouer les naïfs pour revenir à la nature humaine et à nos bons vieux écrivains, qui, depuis toujours, pointent les travers humains : 

La Bruyère avait déjà tout dit en son temps dans ses Caractères (livre VIII. De la Cour)

L’on remarque dans les cours des hommes avides, qui se revêtent de toutes les conditions pour en avoir les avantages ; gouvernement, charge, bénéfice, tout leur convient ; ils sont si bien ajustés, que par leur état ils deviennent capables de toutes les grâces ; ils sont amphibies ; ils vivent de l’Église et de l’épée, et auront le secret d’y joindre la robe : si vous demandez que font ces gens à la Cour ; ils reçoivent, et envient tous ceux à qui l’on donne.

Autrement dit, il s’agit de bouffer à tous les râteliers et une fois de plus, il convient avec Musset, cette fois-ci, de déclamer : Qu’importe le flacon pourvu qu’on ait l’ivraie, pardon, l’ivresse. Allez, tous en chœur, on est avec vous et avec “l’Opportuniste” :

Je crie vive la révolution
Je crie vive les institutions
Je crie vive les manifestations
Je crie vive la collaboration 
Non jamais je ne conteste
Ni revendique ni ne proteste
Je ne sais faire qu’un seul geste
Celui de retourner ma veste
Toujours du bon côté
Je l’ai tellement retournée 
Qu’elle craque de tous côtés
À la prochaine révolution
Je retourne mon pantalon

«La surprise reste l’arme majeure des terroristes»

0

Entretien avec Daniel Dory et Marie-Danielle Demélas, auteurs de Terrorisme et contre insurrection, texte inédit de Roger Trinquier


Au début des années 60, un officier tout juste à la retraite se consacre à la théorisation des méthodes de contre guérilla. Le Colonel Trinquier, engagé en Indochine puis en Algérie, s’appuie sur son expérience du feu pour penser les nouvelles pratiques de la guerre moderne.

Toujours enseignées dans les académies militaires américaines, son ouvrage De la Guerre moderne reste encore trop peu connu en France.

Cette étude critique de l’œuvre de Roger Trinquier par Daniel Dory et Marie-Danielle Demélas, nous fait découvrir une pensée militaire aujourd’hui abandonné par les armées françaises.

Terrorisme et Contre-Insurrection : Un texte inédit de Roger Trinquier, Marie-Danielle Demélas ; Daniel Dory, VA Éditions, Collection TerrorismeS, Versailles, 2021.

Cette édition critique de La Guerre moderne de Roger Trinquier apporte quelques nouveautés. Longtemps resté en retrait derrière David Galula, celui-ci est revenu en grâce après avoir été redécouvert par le général américain Petraeus empêtré en Irak au début des années 2000. Loin d’être un soldat expéditif, Trinquier est un auteur qui avait alors tiré les meilleures leçons de son expérience et qui défrichait en solitaire un terrain jusqu’alors déserté. C’est ce que nous racontent les auteurs de Terrorisme et Contre-Insurrection, dans une biographie accompagnée d’une remise en contexte historique.


Causeur. Une des conditions de l’existence d’une guérilla est le soutien de la population à celle-ci. Quels sont les facteurs qui peuvent conduire une population civile à apporter son soutien à une guérilla ?

Marie-Danielle Demélas. Trinquier part toujours d’un problème concret à résoudre. Durant la guerre d’Indochine, la guerre menée par le Vietminh a pris la forme de guérilla en Cochinchine ; au Tonkin, le Viêt-minh a rapidement obtenu les moyens de passer à un autre niveau et former un véritable corps d’armée, avec l’aide de la Chine. La fin de la guerre (Diên Biên Phu…) est un combat classique gagné par l’artillerie. 

En Algérie, le FLN n’a jamais eu les moyens de développer une guérilla de grande ampleur permettant de passer à la phase suivante.

Sinon, on peut répondre de façon très classique : une guérilla existe, se développe et se maintient quand elle est chez elle, en prise avec les intérêts et les conflits locaux. C’est là sa force et sa faiblesse. Loin de son territoire, elle est peu efficace.

Daniel Dory. La guérilla, lorsqu’elle s’inscrit dans le cadre d’une insurrection, a un besoin vital du soutien d’au moins une partie significative de la population. Sans cela elle est privée de ravitaillement, de renseignement, de caches et de futures recrues. Cette symbiose entre combattants et populations se réalise sous la forme d’un gradient qui va depuis la complicité minimale (la non-dénonciation) jusqu’à la participation aux actions armées. Dans ce cadre, le terrorisme, qui est avant tout un moyen de communication violente, vise à intimider la population indécise et à neutraliser les agents locaux de l’ennemi. Trinquier montre bien la logique qui opère dans ce type de situations.

Lorsque ce soutien n’est pas spontané, Roger Trinquier émet la possibilité pour un gouvernement de l’obtenir par la peur (terrorisme). D’autres moyens ont-ils déjà été mis en place par les armées pour recueillir le soutien d’une population ? Si oui quelle a été leur efficacité ?

DD. Une armée affrontant une insurrection en terrain hostile se trouve dans la nécessité de traquer et combattre les ennemis armés (action offensive) ; se protéger des attaques (action défensive) et de s’assurer, au mieux, la neutralité de la population. Concernant ce dernier point, lorsque le conflit met sur le terrain des acteurs dont les identités nationales, ethniques, religieuses, etc. sont différentes, souvent l’intimidation (voire la « terrorisation ») des populations semble la seule option. Avec le risque, comme d’innombrables exemples le prouvent, de s’engager dans une spirale sans fin de la violence, et de motiver encore davantage les populations à s’engager dans la lutte « du mauvais côté ». A cet égard le texte de Trinquier permet opportunément d’approfondir cette question, depuis le cas algérien jusqu’à l’échec de « la conquête des esprits et des cœurs » en Irak et en Afghanistan.

Trinquier recommande la mise en place d’un cadre légal au contre-terrorisme. Ce cadre exceptionnel ne serait appliqué que lorsque plusieurs attentats terroristes auraient été commis sur un territoire. A-t-il pensé à un cadre légal général au contre-terrorisme s’appliquant en continu ?

DD. Au moment où Trinquier écrit, la réflexion théorique sur le terrorisme, et sur sa spécificité, est pratiquement inexistante. Il faudra attendre une décennie pour que, vers la fin des années 1960, surgissent les tout premiers travaux précurseurs de ce qui deviendra progressivement le champ disciplinaire des terrorism studies. Ce à quoi Trinquier fait référence c’est à la nécessité d’inscrire la contre-insurrection (dont participe le contreterrorisme) dans un cadre légal fournissant aux forces engagées sur le terrain des outils légaux différents de ceux qui prévalent en temps de paix. Par la suite, et jusqu’à aujourd’hui, le débat concernant les législations d’exception demeure d’actualité.

Les travaux de Roger Trinquier ont-ils entrainé un changement de doctrine au sein de l’armée française ?

MDD. Non. Quand il a mis en pratique ce qu’il a théorisé, que ce soit à Alger en 1957 ou dans le secteur de El-Milia, en 1959-1960, il a été unanimement reconnu qu’il avait trouvé les bonnes solutions. Mais quand il publie La Guerre moderne, l’armée française est priée d’oublier tout ce qui a été produit à propos de guerre révolutionnaire et de contre-insurrection pour se consacrer à ce que de Gaulle et ses ministres des Armées (Guillaumat puis Messmer) considèrent comme étant LA guerre moderne : la dissuasion nucléaire. 

Quelle a été la portée de ses écrits à l’étranger ?

MDD. Elle a été importante aux Etats-Unis, où La Guerre Moderne est traduite l’année suivant sa publication en français, et précédée d’une intelligente introduction de Bernard Fall. Sa lecture est de nouveau recommandée aux officiers américains œuvrant en Irak et en Afghanistan à partir de 2004.

DD. Les textes de Trinquier ont exercé une influence certaine, mais qui reste à évaluer, sur l’émergence des terrorism studies et les recherches concernant la contre-insurrection. Puis, tout comme pour l’armée française à la fin de la Guerre d’Algérie, la défaite des États-Unis au Vietnam a favorisé leur « oubli ». Il y a donc fort à parier qu’après l’échec en Afghanistan et le désastre irakien, notre auteur connaisse un nouveau « purgatoire » au sein des institutions de formation militaires. Ce qui serait, bien entendu, injuste et absurde. Car en matière de pensée stratégique on (re)découvre souvent moins ce qui relève de la nouveauté, que ce que l’on a plus ou moins volontairement oublié des expériences antérieures.

Trinquier place au centre de sa doctrine, le contrôle de la population par une hiérarchie stricte, qui permet de lui conférer des missions de police : détection, surveillance et transmission. Dans une société aujourd’hui très individualiste, comment faire accepter cette hiérarchie de contrôle et de surveillance ?

MDD. Il s’agit ici d’un contrôle social institutionnalisé. Ce qui existe dans tous les villages et univers paysans (chacun sait ce que fait le voisin, qui vit chez lui, qui il reçoit). Contrôler serait plus difficile dans une société très individualiste ? C’est à voir : il suffit de consulter internet pour savoir ce que fait Pierre, Paul ou Jacques qui poussent la complaisance jusqu’à en offrir un film…

DD. La technologie actuelle, en effet, est incomparable avec celle dont disposaient les forces dites « de l’ordre » au temps de Trinquier. Actuellement la surveillance des idées et des comportements des populations est possible (et effective) en temps réel. Tant les régimes ouvertement répressifs comme post-démocratiques (qui pratiquent la vigilance « bienveillante ») y recourent constamment.

La surprise est un des facteurs essentiels de la guérilla, a-t-il encore un sens aujourd’hui à l’heure d’internet et autres nouvelles technologies (caméra, satellite) ? 

MDD. Qu’il s’agisse de l’arc à Azincourt ou du drone aujourd’hui, la surprise est créée par la façon de se servir de la technique…

DD. La surprise est un élément essentiel dans la tactique de la guérilla et dans la réalisation de l’acte terroriste. Les technologies de surveillance de masse ont pourtant toutes des failles plus ou moins évidentes : la base du métier de terroriste consiste à les identifier et à en tirer profit.

Terrorisme et contre insurrection: Texte inédit de Roger Trinquier

Price: 18,00 €

12 used & new available from 18,00 €

La guerre moderne

Price: 27,00 €

13 used & new available from 22,09 €

Le franglais tel qu’on le parle

0

L’Académie française tire la sonnette d’alarme pour la énième fois : notre belle langue française est contaminée par l’anglais au-delà de ce que les Immortels jugent acceptable. Peut-être faut-il expliquer ce qui se joue dans cette invasion du globish — qui est à l’anglais ce qu’une commode est à votre — vous m’avez compris.

En 1964, le très brillant professeur René Etiemble, ordinairement spécialiste de Rimbaud et de Confucius, publiait Parlez-vous franglais ?. Succès immédiat. Rappelons qu’à cette époque où la « pub » s’appelait encore la réclame, les seuls slogans anglais qu’on lisait sur les murs étaient les « US go home ! » peints en rouge par le PCF. 

C’est dans ce contexte d’après-guerre qu’il faut comprendre l’interrogation narquoise d’Etiemble. Le français n’était alors contaminé par l’anglais qu’à la marge, l’utilisation de mots détachés témoignait d’un snobisme (c’est l’époque où « surprise-party » remplace « soirée ») réservé à quelques imbéciles en rupture de bourgeoisie qui croyaient chic de parler la langue des GI. 

La réaction d’Etiemble était drôle parce que personne n’imaginait que le français, que l’on enseignait alors sérieusement à l’école, pût être menacé par l’idiome de l’ennemi héréditaire — qui n’a jamais été l’allemand, mais l’anglais, relisez donc Vingt mille lieues sous les mers, où le capitaine Nemo coule les vaisseaux de la perfide Albion. On disait d’ailleurs « franglais » sans trop réaliser qu’il s’agissait d’américanismes, et que le Plan Marshall avait une contrepartie : la mise en quarantaine des cultures du vieux continent, et à terme leur dissolution dans un flot de dollars.

Nous y sommes — et c’est tout autre chose que les dérives anecdotiques des années 1960. Notre culture tout entière est en train de basculer. Ce ne sont plus quelques mots — dont Sophie de Menthon a dressé la liste dans un article plaisant — qui s’insèrent dans la langue française, c’est une contre-culture qui envahit la nôtre, ou ce qu’il en reste.

L’Académie Française a donc confié à quelques-uns de ses membres les plus éminents, dont Danièle Sallenave ou Florence Delay, la tâche de sonner l’alerte. Mais est-il encore temps ? Et peut-on redresser la langue sans réformer l’éducation, où tant d’enseignants ont baissé les bras devant le jargon de leurs élèves ?
Dans les couloirs de l’Élysée, depuis cinq ans, on s’interpelle dans la langue de Shakespeare — pardon : la langue de Mark Zuckerberg et Jeff Bezos. Ça fait chic, ça fait choc, et ça renvoie dans les oubliettes de l’Histoire ceux qui s’obstinent à parler la langue de Molière — pardon : la langue d’Aya Nakamura, comme nous l’a expliqué récemment le député LREM Rémy Rebeirotte. Pensez donc que Jean-Marie Le Pen fut l’un des derniers à oser en public un imparfait du subjonctif, et que Zemmour passe pour un extraterrestre parce qu’il s’exprime en gros dans un français correct. 

La chanteuse Aya Nakamura, 2019 © LAURENT VU/SIPA Numéro de reportage: 00895088_000034.

La grammaire, pensent certains profs de Français (et si on me cherche, je vais publier des noms) est une lubie réactionnaire. Tout récemment dans un collège marseillais, une titulaire du CAPES de Lettres ignorait ce qu’était un complément du nom. « Ah oui, un prédicat », rectifia-t-elle, reprenant le jargon pseudo-linguistique imposé par Vallaud-Belkacem et les ânes de son ministériat lors de la dernière réécriture des programmes, en 2015. 

Preuve au passage qu’elle ne savait pas non plus ce qu’est un prédicat, qui n’est pas du tout un complément du nom. Mais que savait-elle vraiment ?

J’ai tenté d’expliquer tout cela en 2017 en publiant C’est le français qu’on assassine. Je voulais l’intituler « Encore eût-il fallu que je le susse », l’éditeur n’a pas voulu — tant pis, c’était un bien meilleur titre et l’imparfait du subjonctif, désormais aux abonnés absents, posait la bonne question. Aucune réaction : « Le mal est sans remède, les vices se sont changés en mœurs », disait Laclos en 1784, citant Sénèque. 

« Apprenez qu’on ne sort de l’esclavage que par une grande révolution », ajoutait-il. Et cinq ans plus tard…

Le « franglais » n’est que la masse émergée. Ce qui s’en va avec la langue française, c’est la France. Et c’est une ambition ancienne que de laminer « ce vieux pays », comme disait De Gaulle, jusqu’à ce qu’il n’en reste rien, dans le grand concert mondialisé qui parle globish, cette sous-langue inventée pour qu’un Argentin communique avec un Népalais sur l’aéroport d’Amsterdam. Car parallèlement au français, l’anglais — la langue de Shakespeare — disparaît lui aussi. 

Quand Abdellatif Kechiche fait jouer Marivaux en passant la langue somptueuse du Jeu de l’amour et du hasard à la moulinette du volapük banlieusard parlé par des racailles dont on fait des héros ; quand un animateur de télévision s’exprime comme un charretier à l’écran — alors même qu’il est fort capable de parler une langue châtiée en privé ; quand des publicitaires lancent des slogans en anglais qu’ils traduisent en tout petit dans un angle de leur publicité — et encore parce qu’ils y sont obligés ; quand les « éveillés » s’appellent entre eux les « woke » — alors en vérité le français n’est plus assassiné, il est mort. En état de putréfaction.

Non seulement il faut imposer à l’école l’étude de la vraie et bonne langue française et virer les enseignants ou les inspecteurs qui s’y refusent, mais il faut, comme les Canadiens, qui vivent assiégés par les Anglo-saxons, interdire la diffusion de tout terme anglais — à commencer par les titres de films. En 1999 on a traduit par Sexe intentions un titre américain, Cruel intentions, parce qu’adopter une inversion anglaise sur des mots français faisait cool, comme disent sans doute ces imbéciles. Et sans doute les diffuseurs français qui ont intitulé Very bad trip (in french in the text) un film qui s’intitulait à l’origine The Hangover — la gueule de bois — avaient abusé des mêmes boissons douteuses que les personnages.

Quoiqu’à bien y penser, ce n’est pas plus grave qu’un gouvernement qui écrit « pass sanitaire » ou impose des cartes d’identité en bilingue. Ou cherche à imposer « la » Covid parce que le « d » de Covid est « disease », et que « maladie » est féminin en français, n’est-ce pas… 

À l’imprimerie nationale de Douai, Marlène Schiappa présente la nouvelle carte d’identité, 16 mars 2021 © FRANCOIS GREUEZ/SIPA Numéro de reportage : 01009527_000001

Il n’est plus temps de se moquer, comme le faisait Etiemble en 1964. Il faut sévir et sanctionner — et interdire d’antenne. Il n’y a plus d’autre solution que la violence d’État face au délitement général — à ceci près que je ne vois guère qui a les épaules assez solides pour imposer au pays le sursaut indispensable avant la mort clinique. Quelqu’un qui ait le verbe et le physique — et la culture.

Parlez-vous franglais ?

Price: 17,55 €

5 used & new available from

C'est le français qu'on assassine

Price: 161,37 €

7 used & new available from 64,76 €

Fabien Roussel ou comment éviter les baisers de la mort

0
Le candidat du parti communiste à la présidentielle Fabien Roussel, Orly, 3 février 2022 © NICOLAS MESSYASZ/SIPA

On aime beaucoup les communistes en ce moment. Un peu trop pour que cet enthousiasme soit honnête.


« Fabien Roussel renverse les stigmates. Les gens se sentent méprisés et culpabilisés dans leurs habitudes, lui a inversé le rapport de force. » Ce n’est pas n’importe qui, l’auteur de cette phrase, c’est Nicolas Mathieu, prix Goncourt 2018 pour Leurs enfants après eux et qui vient de sortir Connemara (Actes Sud). C’était lors de C politique, l’émission de la 5.

Il faut toujours se méfier des gens qui disent aimer les communistes quand ils ne sont pas communistes. C’est en général soit parce que les communistes, croient-ils, sont au fond du trou et ne font plus peur, soit parce qu’ils espèrent, par un coup de billard à trois bandes, gêner un autre candidat de gauche.

Fabien Roussel au siège du Parti communiste, Paris, 11 mai 2021 © NICOLAS MESSYASZ/SIPA Numéro de reportage : 01018505_000013

Dans les deux cas, ils se trompent, la candidature de Fabien Roussel n’est ni faite pour faire plaisir à la droite, ni pour compliquer la situation à gauche. Elle est là pour faire entendre la voix séculaire du parti qui est celui du monde du travail et qui n’est pas pour rien historiquement dans la construction de l’Etat providence, comme le rappelle le slogan de la campagne, « Les jours heureux », allusion directe au programme politique né dans la Résistance et qui donnera, notamment, naissance à la Sécurité Sociale. Quand la droite feint d’aimer Fabien Roussel, ne jamais oublier que son idée fixe, c’est de s’efforcer de le démanteler, cet Etat providence, que cette droite ait le visage d’un Macron réélu, d’une Pécresse qui est un clone du susnommé, ou bien pire.

Blanquer ou le baiser de la mort

Dernier exemple en date, dans le genre baiser de la mort, Blanquer qui félicite Fabien Roussel pour son « logiciel républicain. » A cette notable différence que Blanquer se fait une idée de la République qui consiste d’abord à traquer des fantasmes « islamogauchistes » ou « woke » à l’université, à créer de faux syndicats lycéens pour faire passer sa réforme aberrante sur le bac et surtout, surtout à mépriser les profs plutôt que de changer l’école. Dire qu’il a fallu un Ibizagate pour qu’il se décide à consulter les syndicats sur le prochain protocole sanitaire.

A lire aussi, Jean-Paul Brighelli: Qu’est donc la gauche devenue?

Bref, ce n’est certainement pas à Blanquer de délivrer des brevets de bon républicain du haut de sa morgue technocratique et avec ses clins d’œil appuyés aux thèmes de la droite nationale.

Le peuple qui manque

Mais revenons à l’écrivain Nicolas Mathieu : son analyse de la candidature de Fabien Roussel est aussi fine que sincère. Il ne faut pas laisser le peuple aux populistes (Le Pen, Zemmour.) Pour les populistes, le peuple est une variable d’ajustement dans un projet réactionnaire où il s’agit de jouer sur les pulsions plutôt que la raison. Il ne faut pas non plus laisser la place à certains, à gauche, qui oublient la notion de classe en préférant jouer sur une concurrence victimaire entre des minorités.

Ce peuple oublié, ce peuple qui manque (à tous les sens du terme : il manque du nécessaire et il manque dans la représentation politique), c’est le sujet des romans de Nicolas Mathieu, qu’il faut lire. Il sait de quoi il parle, il se définit lui-même comme « un transfuge de classe », celui qui était de ce peuple-là avant de devenir un écrivain.

J’ignore si Nicolas Mathieu votera communiste, et d’une certaine manière, je m’en moque. L’important est qu’il ait compris, et dit ce qui se jouait à travers la candidature de Fabien Roussel.

Leurs enfants après eux

Price: 10,40 €

38 used & new available from 2,44 €

Connemara

Price: 22,00 €

63 used & new available from 2,47 €

En Vendée, l’étouffe-chrétienté

0
©D.R.

La statue de Saint-Michel aux Sables-d’Olonne est la victime d’une indignation laïciste bien sélective…


La Vendée est encore une fois condamnée à l’apostasie par les croque-morts de l’histoire, désireux de transformer la France en un cimetière de souvenirs déchus.

Un jugement rendu le 16 décembre 2021 par le tribunal administratif de Nantes a enjoint Yannick Moreau, maire de la commune des Sables-d’Olonne, de procéder au retrait de la statue de Saint-Michel, sise sur une place publique. La requérante, la Fédération de Vendée de la libre pensée, « fondée sur la seule Raison, en dehors de tout dogme », prétend-elle, considère comme attentatoire à la loi de 1905 la présence de la statue litigieuse, initialement installée dans l’enceinte d’une école privée jusqu’à la destruction partielle de celle-ci, et exposée sur le domaine public depuis 2018.

Il convient de préciser que cette association zélée est issue d’un démembrement de la Fédération nationale de la libre pensée, dont l’idéologie n’est que l’ombre suintante d’un laïcisme cacochyme que seule une indignation ultra sélective parvient à ressusciter dès qu’une cloche sonne. Elle s’émeut aujourd’hui contre l’infâme visibilité d’une statue à la symbolique fondamentale pour l’histoire non seulement cultuelle, mais culturelle de la France. Mais en 2016, elle qualifiait de « totalitaires » les responsables politiques qui prétendaient interdire le port du « burkini » en zone balnéaire. L’été dernier, cette courageuse association éblouie par les lumières salvatrices de la Raison, a même eu l’indécence de blâmer pour « contradiction » avec la « liberté de conscience » les hommages du gouvernement témoignés à l’égard du père Maire, mort assassiné à Saint-Laurent-sur-Sèvre. Voici donc des apôtres de la laïcité aveuglés par l’évangile des droits fondamentaux, qui partent en croisade contre le ciment de notre civilisation. Espérons que leur royaume sans racines ne sera jamais de ce monde.

Pourquoi aime-t-on tant critiquer «La Nouvelle Vague»?

0

Ce soir, à 22 h 35, Arte diffuse «La Nouvelle Vague, une bande à part», un documentaire inédit de Florence Platarets


On y revient toujours, sans enthousiasme, un peu à reculons. Elle a tant de facettes détestables. Une préciosité ridicule, un ennui souverain, une errance technique, un caporalisme estudiantin et ce magistère intellectuel qui ferait sourire, aujourd’hui, dans les cours d’art dramatique. Le prétexte de l’âge n’explique pas tout. L’emphase et la démagogie sont des maladies enfantines à vocation durable. Les jeunes turcs des Cahiers débordaient de mots, à défaut d’images. Ils avaient le stylo plus incisif que la caméra, le goût pour la castagne en salle de montage et l’aplomb des enfants-rois.

Un agaçant ressac

De guingois et toujours patraque, aux abords du Luxembourg, la Nouvelle Vague résiste depuis maintenant plus de soixante ans aux assauts d’un cinéma léché et scénaristiquement plus stable. Cette Nouvelle Vague est instable, par nature ; présomptueuse par destination.

Elle agace par sa volonté de déconstruire le cinéma de papa, par sa geste révolutionnaire en provenance des beaux quartiers et surtout, par son mépris pour l’apprentissage d’un métier. Elle croit au talent inné et aux décors naturels, à l’indépendance artistique et à l’inconfort du public. Elle fustige les institutions pour mieux les détourner à son profit. Comme la mondialisation a gagné la bataille idéologique, la Nouvelle Vague est devenue une religion à l’académisme plombant. Ses errements ont fait florès. L’amateurisme ayant force de loi s’est propagé dans les milieux culturels, c’est pour mieux vous endormir, mes enfants. La cinéphilie a besoin de totems pour alimenter son mal-être et réactiver ses troupes. Ce soir (ou en replay déjà disponible sur le site d’Arte), le documentaire de Florence Platarets revient sur la naissance de ce mouvement esthétique et politique dont le corps bouge encore. Un documentaire très réussi par le choix des archives et la présentation équilibrée des forces en présence. Ils sont tous là. Truffaut, Godard, Varda, Chabrol, Rohmer, Langlois, etc… Et, la vieille garde, droite dans ses bottes, les Autant-Lara et Delannoy, tous les réprouvés du système, passablement agacés qu’on vienne mordiller leur pellicule.

À lire aussi, du même auteur : Rembob’INA, meilleure émission de TV de l’année

Dans un premier temps, Clouzot et Cocteau ont applaudi au génie de cette jeunesse en marche. Plus circonspects, Audiard et Ventura se sont marrés. Martine Carol et Gina Lollobrigida n’apprécièrent guère l’arrivée d’Anna Karina et de Bernadette Lafont sur leur terrain de jeu. Entre grognards et hussards, le match a connu des épisodes plus ou moins houleux, piques dans la presse, campagnes de déstabilisation, insultes radiophoniques, puis, les producteurs ont sonné la fin de la partie. En avançant dans leur carrière, les jeunes loups ont eu le goût pour les gentilhommières et les coupés italiens énergivores. La morale bourgeoise fut saine et sauve. Il faut que tout change pour que rien ne change. Vous connaissez la formule de notre bon prince palermitain.

Un grain si particulier propre aux années 60

La Nouvelle Vague est une marque générique, fourre-tout qui recouvra bien des sensibilités différentes. Dans une période lointaine, elle a constitué une langue étrangère tant sa grammaire vitreuse plongea les spectateurs dans l’incompréhension, voire l’effroi. Oui, il y eut dans cette vague, de la frime, de la peur, de l’arrivisme, de la bricole, de vastes champs d’incohérence comblés par un discours trop alambiqué pour être crédible, d’une certaine façon, nous vivons encore sous l’emprise malsaine d’un intellectualisme déconnant, mais, reconnaissons-le aussi, elle fut à l’origine d’immenses réussites visuelles et surtout sentimentales. C’est pourquoi, on adore la détester et qu’il nous est si difficile d’en réchapper.

Elle aura donné aux années 1960, un grain si particulier, ce faux-rythme qui colle à la peau des héros germanopratins, cette liberté bredouillante qui s’exprime maladroitement dans les corps et les paroles et cette friabilité qui émeut. Qu’on le veuille ou non, notre imaginaire a été perfusé par leur regard. Nous devons à tous ces réalisateurs une part de notre romantisme niais et de nos bégaiements amoureux. Nous sommes nombreux à défaillir à la vue d’un tee-shirt côtelé, d’une jupe plissée à carreaux, d’un trench voltigeant, d’une coupe à la garçonne, d’un Pschitt orange, d’une Austin-Healey, d’un drugstore recouvert de moleskine, du Herald Tribune distribué sur les Champs et de ce parfum entêtant qui s’appelle mélancolie.    

Ce soir sur arte à 22h30 (canal 7)

Des candidats à la chasse aux voix

2
Eric Zemmour avec le Mouvement de la Ruralité, Paris, 15 février 2022 D.R.

Le Mouvement de la Ruralité (LMR), anciennement appelé « Chasse, pêche, nature et traditions » (CPNT) organisait hier un grand oral afin d’entendre les propositions des candidats à l’élection présidentielle pour la ruralité. Nous sommes allés écouter ce que Valérie Pécresse et Éric Zemmour avaient à dire aux chasseurs.


Éric Zemmour, Valérie Pécresse, Jean Lassalle et Nicolas Dupont-Aignan étaient présents hier à l’ambassade d’Auvergne, dans le 3ème arrondissement de Paris, à l’invitation du mouvement « Chasse, pêche, nature et traditions », désormais renommé « Mouvement de la Ruralité » (LMR). Les adhérents du LMR nous ont confié regretter les absences d’autres candidats, qui témoignent selon eux d’un manque de considération pour les populations rurales, déjà abandonnées depuis de nombreuses années. Eddie Puyjalon, dirigeant du mouvement, indiquait aux journalistes que les enjeux du monde rural étaient selon lui « l’angle mort de la campagne », et qu’il souhaitait obliger les prétendants à la fonction suprême à se positionner sur les sujets clivants, autrement qu’« en caressant une vache au salon de l’agriculture » !

Malheureusement pour lui, Marine Le Pen et Emmanuel Macron ont donc fait abstraction de l’évènement.

Des constats communs, mais une vision différente

Le LMR est un parti politique sous forme d’association qui défend des valeurs traditionnelles, chères au monde rural. Aussi, l’objectif pour les candidats présents à l’évènement était clair : prouver qu’ils ne sont pas déconnectés des territoires ruraux.

A lire aussi: Zemmour au chevet de la France silencieuse

Éric Zemmour l’a rappelé, il n’est pas un enfant de la campagne : « J’ai grandi dans les banlieues, à l’époque où elles étaient des campagnes urbanisées. Mes grands-parents vivaient en Algérie dans des petits villages organisés à la française, j’ai découvert la ruralité dans la littérature. » Après avoir évoqué son histoire, le candidat « Reconquête » a dressé un constat sur l’état des campagnes françaises : manque d’hôpitaux, chute de la natalité, chômage constant, fermetures des écoles, manque d’aides de l’État… Ces constats sont à peu près les mêmes que ceux dressés ensuite par Valérie Pécresse. La candidate des Républicains a expliqué que la ruralité était selon elle «  l’alliance de l’identité et de la modernité », mais elle ne s’est pas livrée à des confidences personnelles comme Zemmour. Selon elle, la ruralité est « une chance » et «  un rempart contre le réchauffement climatique et les famines qui arrivent à nos portes et touchent déjà l’Afrique ». L’analyse est surprenante, mais la suite de son discours dressait des constats plus convenus : la crise sanitaire a permis à beaucoup de Français de redécouvrir les bienfaits de la campagne, et a également mis en lumière le manque de moyens des hôpitaux en milieu rural, la politique de décroissance agricole menée depuis des années et le manque de petits commerces de proximité. Si des constats communs sont donc partagés par les deux candidats de droite, ils posent cependant un regard bien différent sur l’avenir des territoires ruraux : là où Valérie Pécresse y voit une opportunité de développement et l’emplacement idéal pour de futures cités dortoirs qui s’agiteraient le week-end pour aller chasser et profiter d’un grand jardin (!), Eric Zemmour veut retrouver la France d’antan. La ruralité rêvée d’Eric Zemmour est faite de vestes Barbour, de brebis, de petits commerçants et de bistrots face aux clochers…

La question de la chasse et de la pêche 

Pécresse comme Zemmour entendent évidemment chacun défendre la chasse et la pêche, témoins, selon eux, de la tradition française. Deux pratiques particulièrement chères au Mouvement de la Ruralité. Pécresse a dénoncé la situation tendue entre l’Angleterre et la France qui freine une grande partie de notre activité halieutique. Elle a déclaré que « la chasse fait partie de nos traditions », et que «  c’est un acquis de la Révolution Française ». Elle a ajouté que les chasseurs étaient selon elle « les premiers amoureux de la nature. » Interpellée par un journaliste lui demandant si les chasseurs étaient vraiment des écolos, elle a esquivé la réponse et répété qu’elle était convaincue de l’amour qu’ils portent à la nature.

A lire aussi: Pour Valérie Pécresse, ce n’est pas tous les jours dimanche

De son côté, Eric Zemmour s’est montré plus ferme sur la question : « Je refuse qu’on interdise la chasse et la pêche. Les bobos attaquent et assiègent votre monde, je les ferai reculer. Les vrais écologistes, c’est vous ! »

Des solutions différentes

S’ils poursuivent des objectifs assez similaires pour la ruralité, les deux poids lourds présents au grand oral des chasseurs proposent des solutions différentes pour y parvenir.

© Gilles Bassignac/ Divergence

Par exemple, lorsqu’Eric Zemmour veut tout simplement interdire les nouvelles constructions d’éoliennes, Valérie Pécresse propose de soumettre ces installations au vote local. Lorsque Valérie Pécresse veut préserver les familles rurales, elle propose d’améliorer le service public de la petite enfance en milieu rural pour aider les femmes à continuer de travailler. Eric Zemmour propose, lui, une prime de 10 000 euros pour toute nouvelle naissance dans une famille rurale. Une solution est cependant commune aux deux candidats : favoriser les produits locaux dans les cantines et privilégier ainsi les circuits courts.

Pour pallier aux déserts médicaux, Eric Zemmour propose de réinstaurer les gardes des médecins, tandis que Valérie Pécresse promet d’embaucher plus de personnels. Concernant les actions des militants vegans ou antispécistes contre les boucheries et les abattoirs, Valérie Pécresse a regretté la violence des actes perpétrés par ces derniers et appelé à ce que chacun respecte le mode de vie des autres. Éric Zemmour, lui, a dénoncé une « idéologie » à combattre. La candidate des Républicains à enfin défendu la culture comme facteur de cohésion en zone rurale, tandis que le candidat « Reconquête » n’a pas évoqué le sujet.

Eric Zemmour et Valérie Pécresse à l’épreuve de la ruralité, ce sont donc deux projets qui s’opposent mais qui revendiquent pourtant un même attachement à la culture française et aux traditions. Eric Zemmour a cependant marqué des points face à sa rivale en signant la charte et les 30 propositions de LMR, alors que Valérie Pécresse a refusé de le faire, estimant qu’elle émettait des réserves sur certains points. Alors que la réunion se terminait, un adhérent de mouvement ne me cachait pas ses doutes sur la sincérité de Valérie Pécresse: « Elle semblait fausse, c’était décevant, franchement moyen. De toute façon, on savait en venant ici que les seuls candidats qui sauraient nous parler sont Eric Zemmour et Jean Lassalle ». C’est un peu dur : Valérie Pécresse a au moins fait le déplacement, elle !

Minuit moins le quart dans le siècle?

2
Troupes américaines à la base de Mihail Kogalniceanu, au bord de la mer Noire, Roumanie, 11 février 2022 © Andreea Alexandru/AP/SIPA

Où que l’on regarde les rapports de force entre puissances mondiales, on ne peut qu’observer une inquiétante fuite en avant vers le pire. Analyses.


Serait-il déjà minuit moins le quart dans le siècle qui vient à peine de commencer ? Le siècle précédent avait déjà joué en 1956 à Budapest puis en 1968 à Prague ce que Vladimir Poutine tente de rejouer en Ukraine. C’était au temps de l’URSS. Comment peut-on imaginer de nouveau un scénario pareil aujourd’hui ? Faut-il retourner plus loin en arrière pour prendre la mesure des projets de reconquête au nom du passé impérial, de la parenté de langue, de culture, de religion ?

Les marches de l’Empire, une approche anachronique ?

Du règne des tsars à celui des soviets, l’Ukraine s’est toujours située aux marches de l’Empire. Comment un homme aussi roué que Poutine peut-il considérer que l’ordre géopolitique la Russie des tsars puis celui de l’URSS serait toujours d’actualité, près de trente ans après la chute du mur de Berlin et la dislocation de l’empire soviétique, alors que, mondialisation oblige, l’internet, les gazoducs, les flux financiers électroniques et autres merveilles contemporaines, il y a désormais sur la planète des royaumes sans frontières bien plus riches que ceux qu’un nationalisme borné a su engendrer ? Qu’est-ce que la possession des Sudètes ou le couloir de Dantzig ont apporté comme plaisirs supplémentaires à l’Allemagne ? Qu’est-ce que le projet d’élimination des ennemis supposés de la germanité a apporté de plus au supposé génie aryen? On connaît la suite.

À lire aussi, Gil Mihaely : L’Ukraine n’est plus la “Petite Russie”…

En contrepoint la volonté américaine d’inscrire l’Ukraine dans l’OTAN, c’est à dire dans une alliance militaire pensée au temps de la guerre froide avec l’URSS, peut symétriquement être ressentie par les Russes comme un dispositif agressif semblable à celui que les soviétiques avaient eux-mêmes imaginé en installant des missiles à Cuba en 1962. L’OTAN n’est pas une organisation caritative, mais une machine de guerre contre un ennemi potentiel situé sur son flanc Est. Avec la disparition de l’URSS, a-t-elle toujours la même pertinence ?

Les meilleurs ennemis du monde

Tandis que deux régimes autocratiques majeurs, la Russie et la Chine, se trouvaient rivaux, voilà que la crise actuelle entre Russie et Occident, vient de les rapprocher. La Chine lorgne sur Taïwan, a déjà fait main basse sur le Tibet, sur Hong-Kong, rééduque ses opposants. Poutine fait enfermer ou éliminer ses opposants, les journalistes critiques comme Anna Politkovskaïa ou Alexeï Navalny. Xi Jinping met en cage les Ouighours et il y a désormais à Lhassa davantage de Chinois que de Tibétains. Commerce international oblige, l’Occident s’est parfaitement accommodé de cet ethnocide et nombreux sont les ex-leaders européens à être salariés ou actionnaires des entreprises russes. On le sait, l’argent n’a pas d’odeur…

Le tempo politique des démocrates n’est pas celui des régimes autoritaires. En cinquante ans de règne la dynastie des Kim a su doter la Corée du Nord d’une puissance militaire qui la sanctuarise. Missiles balistiques et bombes atomiques obligent les démocraties à la prudence dans leurs relations. La course à la bombe atomique, tant désirée par les mollahs iraniens, présente des périls aussi grands sinon plus grands, tant la part d’irrationnel religieux nourrit les choix politiques. Négliger l’offensive planétaire de l’islam radical serait une erreur d’appréciation considérable, tant les règles du jeu du jihad sont autres que celles qui opposent Etats-Unis et Russie. Une guerre en Europe ne ferait que donner des ailes à cet autre impérialisme.

Qui est l’ennemi principal ? Qui est l’ennemi secondaire ?

Aujourd’hui la temporalité politique des démocraties est de l’ordre de cinq ou dix ans entre deux passages de relais grâce à au respect partagé des mécaniques électorales tandis que chez les autocrates la durée minimum dépasse les dix ans avant qu’ils ne daignent profiter d’une retraite bien méritée. Dans les pays du sud, dans les ex colonies de l’Occident, seuls  Gandhi ou Mandela avaient réussi à proposer à leurs peuples une sortie de la domination coloniale sans leur imposer une violence symétrique.

L’ONU, un théâtre de farceurs

En Birmanie, en Algérie, en Syrie, dans la plupart des pays arabes, en Turquie, en Corée du Nord, en Iran et dans d’autres endroits de la terre, seuls comptent les rapports de force. Les castes, les mafias, les tribus, méprisent les désirs de liberté, les volontés populaires d’émancipation. Les printemps arabes ne furent qu’une illusion passagère, très vite écrasée par des pouvoirs d’abord soucieux d’assurer la pérennité de leurs rentes. De rares et fragiles éclaircies, comme les accords d’Abraham entre Israël et quelques pétromonarchies corrigent l’appréciation qui précède.

À lire aussi, Harold Hyman: Poutine est-il encore un grand stratège?

L’ONU, dont la mission essentielle consiste à réguler les rapports entre les Etats, n’est plus qu’un théâtre de farceurs dont son Conseil des droits de l’homme est la plus parfaite caricature : seul Israël serait responsable et coupable du malheur arabe, et c’est Amnesty International qui vient cautionner cette sinistre forfaiture. La Syrie, grande alliée de la Russie, et responsable du gazage de milliers de Syriens n’a jamais été inquiétée par les Etats-Unis sous la gouvernance d’Obama. Les Kurdes, seuls alliés de l’Occident contre l’Etat islamique, ont été abandonnés à leur sort sous la présidence de Trump. Les bonzes tibétains peuvent toujours s’immoler par le feu, cela n’empêchera pas la fiction de l’innocence sportive aux Jeux olympiques à Pékin.

Dans l’affaire ukrainienne, les démocraties de l’Ouest semblent défavorisées par cette montée en puissance des autocrates tant elles dépendent elles-mêmes des produits chinois ou du gaz russe. En Afrique, Poutine agit par mercenaires interposés pour mieux en chasser la France, l’Iran fait de même au Yémen, au Liban, au Vénézuela. Si le chaos généralisé devient la nouvelle donne des relations internationales, ce n’est même plus le « choc des civilisations » qui en serait le moteur, mais plutôt les ambitions folles de quelques-uns ou les délires fanatiques de quelques autres.

Seul l’énoncé clair du prix à payer des tentatives d’agression peut ralentir cette fuite en avant vers le pire. Si le mot civilisation a encore un minimum de sens il devrait caractériser la primauté absolue du droit sur la force et que l’usage de la force obéisse au droit. Comment les Russes peuvent-ils oublier ce qui les a unis aux Américains, aux Européens, contre le nazisme ? Mettre de la raison et de la fermeté là où le bon sens semble aujourd’hui faire singulièrement défaut à certains est la seule politique possible. S’il n’est pas encore minuit dans le siècle, le temps presse.

Quand le militantisme politique s’attaque au sport, les femmes sont toujours en première ligne

0
Paris, 2022 Image: Capture YouTube / LeParisien.

Militants woke ou islamistes, sur les terrains ils n’ont pas le même maillot, mais la même passion pour le chantage victimaire! Actuellement, le collectif des “hijabeuses” pousse pour que le port du voile islamique (qui est un instrument politique partout dans le monde) soit autorisé en France pendant les matchs de football – la FIFA l’autorise dans son règlement depuis 2014. Des associations féministes, idiotes utiles, soutiennent les militants islamistes.


Notre contributrice Renée Fregosi est notamment l’auteur de Français encore un effort… pour rester laïques ! (Ed. L’Harmattan 2019), et Comment je n’ai pas fait carrière au PS. La social-démocratie empêchée (Ed. Balland 2021)

Les compétions sportives ont toujours eu partie liée avec la politique. D’Olympie en Grèce ancienne au jeu sacrificiel de la balle des Mayas et des Aztèques, des cours de chars où s’affrontaient les clans de Byzance aux arts martiaux réservés aux Samouraïs de l’époque des Shoguns du Japon médiéval. Et plus près de nous, on se souvient de l’instrumentalisation par Hitler des jeux olympiques de Berlin en 1936, ou pendant la guerre froide, des athlètes du bloc de l’Est traitées aux hormones pour la raison d’État. Aujourd’hui encore, le choix des villes qui accueillent les grandes rencontres internationales dépend au moins en partie de manœuvres géopolitiques. 

Dans le sport comme ailleurs, la banalisation insidieuse du port du voile doit être dénoncée et combattue

Mais ce qui est nouveau, c’est que des acteurs non étatiques s’invitent aujourd’hui dans le jeu. De même que les ONG interagissent de plus en plus avec les États dans les arènes internationales (comme on peut le constater depuis l’Assemblée générale de l’ONU à Durban institutionnalisant en 2001 une stratégie résolue contre Israël), le militantisme politique s’est lancé à l’assaut du sport. Les enjeux y sont alors également d’ordre culturel et civilisationnel, et deux groupes de pression de nature et de poids différents, y sont principalement à l’œuvre : les défenseurs du combat LGBT-Queer et les islamistes.  Dans les deux cas, ce sont les femmes qui sont les premières touchées, de façon perverse, par ces offensives militantes.

Les poids lourds de l’activisme “inclusif”

En septembre 2021, Alana McLaughlin deuxième athlète déclarée transgenre à combattre dans les « arts martiaux mixtes », a remporté facilement la compétition qui l’opposait à la Française Céline Provost. Dans le nom « arts martiaux mixtes » (ou « Mixed Martial Arts » en anglais (MMA)), « mixte » ne signifie pas que les hommes et les femmes participent aux mêmes combats, mais que ce type de lutte à mains nues combine différentes techniques qui en font un sport extrêmement violent. Anciennement appelée combat libre ou free-fight, cette discipline sportive n’a été légalisée en France qu’en 2020 comme elle l’est dans plusieurs autres pays. En 2011, l’Ultimate Fighting Championship (UFC), organisation de combat libre basée aux États-Unis, a commencé à promouvoir les combats de femmes et il existe depuis lors des compétitions internationales féminines officielles. Or, dès 2013, s’est posée la question de la participation à ces combats féminins, de femmes transgenres (des hommes se reconnaissant comme étant des femmes). À l’époque, Ronda Rousey, championne femme « cisgenre » (c’est-à-dire de naissance) avait refusé d’affronter la trans Fallon Fox, considérant le combat inéquitable.

A lire aussi: Quand LREM protège l’islamisation du sport

Certes, lorsqu’on évoque la question de l’équité entre concurrents dans les compétitions sportives, on peut arguer du fait qu’il n’existe pas d’équité naturelle entre individus humains, de tailles et corpulences très diverses, y compris dans chacun des deux sexes. Mais alors pourquoi, notamment dans les sports de combat, existe-t-il des catégories différentes en fonction du poids ? Devrait-on les supprimer au nom de l’inégalité de nature dans les caractéristiques corporelles ? Sans doute pas. Quant à la séparation traditionnelle entre compétitions féminines et masculines, elle peut relever de la même logique d’équité. 

La mixité n’est pas légitime dans toutes les disciplines sportives

Toutefois, il est indéniable qu’à l’origine du sport féminin, longtemps réprouvé au motif que les femmes ne devraient pas exh​​iber leurs corps ni s’adonner aux mêmes plaisirs et activités que les hommes, des considérations « morales » archaïques entraient également en ligne de compte. Lorsqu’on autorisa les femmes à pratiquer le sport, la séparation des sexes était par conséquent sans doute davantage une concession à la pudibonderie qu’elle ne procédait d’un souci d’équité. Mais devrait-on renoncer pour autant à cette distinction au nom de l’égalité hommes/femmes ? Pour certains sports, la mixité des sexes est tout a fait possible et c’est d’ailleurs déjà le cas dans certaines disciplines : par exemple, dans les sports équestres, hommes et femmes peuvent concourir dans les mêmes épreuves aux Jeux olympiques. Il peut en être de même pour le tir au pistolet et au fusil, toutefois l’histoire du tir aux Jeux olympiques est symptomatique de la complexité de la question : la compétition est devenue mixte (hommes/femmes) en  1972. Mais après qu’en 1992 la tireuse chinoise Zhang Shan ait battu le record du monde, la compétition a de nouveau été réservée uniquement aux hommes (les femmes pouvant concourir entre elles à partir de 2000)… 

A lire aussi: Le quidditch change de nom

Dans d’autres sports, notamment les sports d’équipe (ballons, relais) la mixité des sexes pourrait également être admise en toute équité, en établissant des règles précises notamment quant à l’égalité du nombre de joueurs ou de membres hommes et femmes dans les équipes respectives. En revanche, dans les compétitions individuelles, lorsque la force est déterminante, l’introduction de catégories différentes s’impose, mais en fonction de critères combinés tels que la masse musculaire, la taille et le poids quel que soit le sexe ou le genre de chaque sportif. La distinction entre compétitions féminines et masculines pourrait même en théorie alors être abolie un peu partout, au profit des différents groupes formés sur ces critères physiques mesurables absolument objectifs. Sans cela, ou bien on interdira aux transgenres d’entrer en compétition, ce qui constitue manifestement, une discrimination, ou bien on multipliera les polémiques comme celle qui a rebondi à propos la compétition en MMA de septembre dernier. Car le débat dépasse largement le cadre des sports de combat. Plusieurs sports féminins sont concernés, notamment le rugby : si la World Rugby « recommande » aux athlètes hommes devenus des femmes de ne pas concourir dans les compétitions féminines, la Fédération française de rugby a davantage clarifié sa position en acceptant, en mai 2021, d’ouvrir les compétitions féminines aux personnes trans féminines, « à partir du moment où elle initie son changement d’état civil et suit un traitement hormonal de douze mois ». Cela au nom de « l’inclusion » qui est partout devenu le mot d’ordre.

Or nombre de féministes de toutes obédiences, s’insurgent contre ce qu’elles considèrent à juste titre comme une injustice nouvelle faite aux femmes. La cause transgenre vient ainsi percuter la ligne de défense des intérêts (mal compris) des femmes, par les néoféministes qui ont fait de la victimisation des « faibles femmes » et de la différenciation des « genres » plutôt que de la lutte en faveur de l’égalité des sexes, les armes de leur combat. En effet, si la représentation que l’on se fait de son genre prime sur la différenciation génitale, on doit reconnaître aux « femmes transgenres » l’appartenance à la catégorie « femme » même si elles ne sont pas des « personnes à utérus » (comme une nouvelle facette du politiquement correct imposerait de désigner le genre féminin, autre incongruité). 

Un mélange des genres encore plus sulfureux…

Mais le néoféminisme n’est pas à une contradiction près et il en est une plus grave sans doute : celle qui consiste à soutenir les revendications islamistes et tout particulièrement le port du voile au nom de la liberté des femmes. Depuis plusieurs années déjà, la plupart des néoféministes se retrouvent en effet aux côtés des islamistes pour défendre le port du voile dans tous les lieux publics, tout comme le port du burqini dans les piscines et sur les plages françaises. Elles poussent même la complicité jusqu’à accepter  la notion de «féminisme islamique » en lutte contre « le féminisme occidental » considérant que le voile est bien une protection des femmes victimes de la concupiscence des hommes. « Intersectionnelles », ces néoféministes, alliées au mouvement décolonial et anti-« privilège blanc », rejoignent, elles aussi, l’offensive anti-occidentale des islamistes et se font leurs idiotes utiles.

A lire aussi: Antivoile, je perds mon sang froid

Menant leur offensive jusque dans le sport, les islamistes tentent ainsi aujourd’hui de faire plier les fédérations françaises en revendiquant que les milieux associatifs sportifs soient considérés comme un espace privé et donc un espace de « liberté » où le port du voile est permis. Le mouvement des « Hidjabeuses » est emblématique de ce prétendu féminisme islamiste. La nature de la « révolution religieuse » portée tant par les sunnites de la tendance frériste (des Frères musulmans) notamment, que par les chiites alignés sur le régime iranien des mollahs, est en effet un mélange d’archaïsme dans les principes (misogynie, primauté du religieux sur le politique) et de modernité (moyens de communication, innovations vestimentaires). Si elles étaient réellement féministes, plutôt que de chercher à imposer la légitimité du port du voile sur les terrains, les Hidjabeuses devraient s’engager dans la lutte en faveur du droit des femmes dans les pays musulmans qui, pour les plus intégristes d’entre eux, vont jusqu’à interdire aux femmes d’assister depuis les gradins, à des matchs de foot.

On ne rappellera jamais assez que le voile quelle que forme qu’il prenne (« simple foulard », hidjab, niqab, tchador ou burqa) est avant tout le signe et l’instrument de la soumission des femmes aux hommes et non un signe religieux relevant de la liberté du culte. Toutes les religions monothéistes dans leur version fondamentaliste et les sociétés traditionnelles en général, voilent leurs femmes. Ce n’est donc devenu la marque identitaire spécifique de l’islam que depuis que l’offensive islamiste en a fait son étendard politique. Dans le sport comme ailleurs, la banalisation insidieuse du port du voile doit être dénoncée et combattue, au nom de la libération des femmes et de la défense de la culture occidentale, porteuse d’émancipation des individus de tous les sexes et de tous les genres.

Pour Valérie Pécresse, ce n’est pas tous les jours dimanche

0
Patrick Stefanini et Valerie Pécresse à Boissy-Mauvoisin (78), 13 mai 2021 © Jacques Witt/SIPA

Philippe Bilger revient sur le meeting politique raté de la candidate LR dimanche dernier


Depuis le 13 février, je ne cesse de ressentir ma différence d’avec ceux qui accablent Valérie Pécresse à la suite de son discours médiocre au meeting du Zénith – une mauvaise scansion, un abus des formules « téléphonées » et de surcroît un verbe haché par de multiples et intempestives interruptions militantes : pour ma part, je l’exonère d’une grande part de responsabilité dans ce que certains dans son camp ont qualifié de « naufrage ».

Inquiétudes avant les prochains sondages

Une équipe qu’on nous vante comme expérimentée ne projette pas une candidate dont l’oralité publique et l’éloquence n’ont jamais été le fort devant 7 000 personnes, selon des modalités qui ne pouvaient aboutir qu’à un fiasco. On a le droit d’être intelligent et lucide. Ce n’était pas rendre service à Valérie Pécresse que de la laisser aller inéluctablement vers un échec. N’être pas « une oratrice » n’est pas grave si on ne vous contraint pas à faire croire qu’on l’est et à endosser une posture tribunitienne aussi éloignée de vous que possible. Valérie Pécresse a raison : « si vous voulez des orateurs, il y en a plein dans la campagne », mais il est aberrant qu’on l’ait envoyée délibérément dans un piège politique, technique et intellectuel. Ce n’est pas être « machiste » que de mettre en lumière cette faute dont j’espère qu’elle ne payera pas le prix dans les prochains sondages !

A lire aussi: Pécresse après son meeting: Je n’ai pas le “gène” de l’art oratoire!

Il est clair que mon adhésion renouvelée à sa cause a souffert le martyre face à ce qu’elle n’a pas su dire, à ce qu’elle a mal dit, avec un insupportable hiatus entre un fond qui se voulait d’autorité et de volontarisme et une tonalité de voix qui, pour cet exercice, laissait gravement à désirer. Je n’ai cessé de mettre l’accent sur le fait que pour Valérie Pécresse, le problème résidait dans la forme, dans l’expression d’un verbe qui ne devenait convaincant que dans le partage citoyen, dans l’empathie médiatique. Une parole « en chambre » en quelque sorte. Pour pratiquement tous les autres candidats, cette difficulté n’existe pas. On n’est pas conduit à se détourner de la substance de leurs propos à cause de l’agacement face à leur formulation.

Un mauvais dimanche

Il n’aurait pas fallu faire passer ce dimanche à Valérie Pécresse et à ceux qui contre vents et marées continuent à penser que sa vision d’une droite à la fois ferme, opératoire et républicaine, aux antipodes de la pratique d’Emmanuel Macron, est la seule qui mérite d’être défendue, avec la possibilité d’une victoire au second tour. Quel terrible manque, d’ailleurs, dans ce discours du 13 février, que l’absence de dénonciation du péché le plus grave du macronisme, une manière de présider qui a poussé à son comble la monarchie régalienne en faisant fi, même à deux mois de l’issue capitale, des règles de bienséance démocratique, attitude que Valérie Pécresse pourfend ailleurs à juste titre.

À la décharge de Valérie Pécresse, on peut faire valoir un certain nombre d’arguments

D’abord ne pas lui imputer de reprendre le vocabulaire d’Éric Zemmour (le « grand remplacement ») alors que, si elle l’a fait, c’était pour stigmatiser ces notions et leur extrémisme. Quel dommage qu’elle n’en ait pas profité pour répliquer à la charge d’Éric Zemmour selon laquelle elle ne serait pas de droite ! Tant de lacunes, tant de faiblesses dans son argumentation : plus qu’irritant !

A lire aussi: Le premier tour des présidentielles, voilà la vraie primaire de la droite!

Ensuite ce n’est pas de la faute de Valérie Pécresse si elle a gagné lors du Congrès, tout simplement parce que cette manière de débattre moins impérieuse que de bon aloi lui convenait mieux. J’ai l’impression qu’on lui reproche rétrospectivement une victoire dont elle n’aurait pas été digne. De surcroît, peut-on faire l’impasse sur les étranges et inquiétants atermoiements de Nicolas Sarkozy qui veut bien donner des conseils mais apparemment ne pas apporter explicitement son soutien ! En tant que citoyen conscient de ce que l’ancien président pourrait et devrait offrir à la candidate choisie par son camp en matière de légitimité et de crédibilité, je suis troublé, pour ne pas dire plus, par les bruits émanant des coulisses du pouvoir : tractations entre Nicolas Sarkozy et Emmanuel Macron, recommandations de Christine Lagarde comme Premier ministre (aux oubliettes, l’arbitrage Tapie !), toute une vie officieuse dans les marges de la transparence républicaine. Il y a des éléments qui nous sont cachés et dont on peut estimer qu’ils créent à notre détriment un déficit démocratique.

Petites ambitions

Enfin ces personnalités, de Christian Estrosi à Eric Woerth et d’autres moins connues profitant de leur migration pour se faire mieux identifier, qui ont rejoint Emmanuel Macron après avoir combattu vigoureusement sa politique, en effaçant ce que son mandat avait de blâmable notamment sur le plan régalien… J’ose espérer que toutes les motivations de ces transfuges ne sont pas putrides mais on ne peut tout de même pas béer d’admiration face à ces opportunismes persuadés d’aller au secours de la victoire. Et ce n’est pas l’impayable Christophe Castaner qui nous convaincra du contraire !

Cela fait beaucoup de pierres jetées dans le jardin de Valérie Pécresse mais rien n’est perdu, en tout cas pas l’honneur. Il est essentiel chez LR de ne demander à notre candidate que ce qu’elle peut donner. Elle a des qualités, des faiblesses émouvantes qui sont des chances. Ceux qui la méprisent, la traitent de haut ont bien tort : je ne le ferai jamais même si je trouve souvent sa dialectique maladroite, ou son autocélébration artificielle. Il faut vite qu’elle retrouve son second souffle. En tirant les leçons de ce qu’elle ne sait pas faire ni être.

Petit traité sur le retournement de veste

1
Ancien numéro 2 des Républicains, Guillaume Peltier est désormais Vice-Président de "Reconquête", le parti d'Eric Zemmour. Chaumont-sur-Tharonne (41), 28 janvier 2022 © Jacques Witt/SIPA

Ça bouge décidément beaucoup en politique


Pour notre plus grand plaisir et peut- être, nous osons l’espérer, parce qu’elle nous a fait l’honneur de prendre en compte notre suggestion, Christiane Taubira a convoqué Jean Ferrat lors de son meeting de Créteil samedi dernier. Oubliant Aimé Césaire, c’est en effet “Ma France” qu’elle a entonnée, suivie par tous ses sympathisants pris aux tripes. C’est pourquoi nous nous permettons une nouvelle suggestion musicale, destinée cette fois-ci à l’ensemble des candidats et à leurs soutiens. Ralliés d’hier, de demain et d’aujourd’hui, hérauts de toutes les causes perdues ou à gagner, si vous voulez, vous aussi, pousser la chansonnette, envoyez Jacques Dutronc. On reprendra en chœur “l’Opportuniste”, tous avec vous et sans vous railler, promis !

Je suis de tous les partis
Je suis de toutes les party
Je suis de toutes les coteries
Je suis le roi des convertis (…)

Cette pratique de la palinodie en politique n’est pas nouvelle. Du grec palin « en arrière » et ôdê « chant », dans l’antiquité, le mot désignait une pièce de vers dans laquelle le poète déclarait rétracter ses sentiments antérieurs. Par extension, se livrer à une palinodie a voulu dire se contredire, lieu commun s’il en est, en politique. Et pourtant, on se fait immanquablement avoir comme des bleus ! Et cette fois encore, c’est « tournez manège » : on en a le tournis ! 

À droite, à gauche, au centre : c’est un vrai festival. Les scénaristes des “Feux de l’amour” n’auraient jamais imaginé pareils rebondissements. On rallie des camps ; les idées et les projets, démonétisés, sont sans importance : ils passent de main en main.

C’est Guillaume Peltier qui a ouvert le bal, quittant les Républicains pour rejoindre “Reconquête” et, tout s’est enchaîné.

Stéphane Ravier a lâché Marine Le Pen pour Éric Zemmour à cause de Franck Allisio (un de ses confrères du Rassemblement national) qu’il a qualifié « d’élément perturbateur et saccageur ».

Éric Woerth, depuis, assume pleinement sa rupture avec Valérie Pécresse pour soutenir la cause d’Emmanuel Macron. Après avoir en son temps qualifié le président « d’incantatoire », Éric Woerth assure avoir « évolué » avant d’ajouter que « la présidence d’Emmanuel Macron l’a fait aussi ».  

Il se murmure également que notre président fait de l’œil au maire socialiste de Dijon, François Rebsamen. 

Ségolène Royal, jamais en reste quand il s’agit de piétiner une rivale, se tâte pour abandonner Anne Hidalgo au profit de Valérie Pécresse. 

Ségolène Royal à Courbevoie, octobre 2018. SIPA. 00880127_000007

À gauche, on note le précieux ralliement à la France insoumise d’Aymeric Caron, le fondateur du parti Révolution écologique pour le vivant. Avant de tourner casaque, notre valeureux défenseur des drosophiles et des moustiques a en effet affirmé dans un entretien au Journal du Dimanche : « Le camp de la gauche et des écologistes est un champ de ruines. »

Quant aux « catholiques traditionalistes, aux païens et aux nazis », ils ont d’après Marine Le Pen, déserté le Rassemblement national pour aller grossir les troupes d’Éric Zemmour ! Cerise sur le gâteau, dans la série : « tous les coups sont permis », on vient d’annoncer que Nicolas Bay, porte-parole de la campagne du Rassemblement national et député européen, était accusé par son parti d’avoir profité traîtreusement depuis des mois de sa position privilégiée pour transmettre à l’adversaire Eric Zemmour des éléments stratégiques et confidentiels ! Il vient d’être suspendu de son parte-parolat de campagne et de toutes ses autres responsabilités. Le bureau exécutif du Rassemblement national évoque « un véritable sabotage ». Ce n’est plus un bazar, c’est un bordel, mes amis !

Nicolas Bay (Rassemblement national) © Michel Stoupak / NurPhoto / NurPhoto via AFP.

Mais cessons de jouer les naïfs pour revenir à la nature humaine et à nos bons vieux écrivains, qui, depuis toujours, pointent les travers humains : 

La Bruyère avait déjà tout dit en son temps dans ses Caractères (livre VIII. De la Cour)

L’on remarque dans les cours des hommes avides, qui se revêtent de toutes les conditions pour en avoir les avantages ; gouvernement, charge, bénéfice, tout leur convient ; ils sont si bien ajustés, que par leur état ils deviennent capables de toutes les grâces ; ils sont amphibies ; ils vivent de l’Église et de l’épée, et auront le secret d’y joindre la robe : si vous demandez que font ces gens à la Cour ; ils reçoivent, et envient tous ceux à qui l’on donne.

Autrement dit, il s’agit de bouffer à tous les râteliers et une fois de plus, il convient avec Musset, cette fois-ci, de déclamer : Qu’importe le flacon pourvu qu’on ait l’ivraie, pardon, l’ivresse. Allez, tous en chœur, on est avec vous et avec “l’Opportuniste” :

Je crie vive la révolution
Je crie vive les institutions
Je crie vive les manifestations
Je crie vive la collaboration 
Non jamais je ne conteste
Ni revendique ni ne proteste
Je ne sais faire qu’un seul geste
Celui de retourner ma veste
Toujours du bon côté
Je l’ai tellement retournée 
Qu’elle craque de tous côtés
À la prochaine révolution
Je retourne mon pantalon

«La surprise reste l’arme majeure des terroristes»

0
Opération sentinelle de l'armée de terre à Nice le 3 décembre 2020© SYSPEO/SIPA

Entretien avec Daniel Dory et Marie-Danielle Demélas, auteurs de Terrorisme et contre insurrection, texte inédit de Roger Trinquier


Au début des années 60, un officier tout juste à la retraite se consacre à la théorisation des méthodes de contre guérilla. Le Colonel Trinquier, engagé en Indochine puis en Algérie, s’appuie sur son expérience du feu pour penser les nouvelles pratiques de la guerre moderne.

Toujours enseignées dans les académies militaires américaines, son ouvrage De la Guerre moderne reste encore trop peu connu en France.

Cette étude critique de l’œuvre de Roger Trinquier par Daniel Dory et Marie-Danielle Demélas, nous fait découvrir une pensée militaire aujourd’hui abandonné par les armées françaises.

Terrorisme et Contre-Insurrection : Un texte inédit de Roger Trinquier, Marie-Danielle Demélas ; Daniel Dory, VA Éditions, Collection TerrorismeS, Versailles, 2021.

Cette édition critique de La Guerre moderne de Roger Trinquier apporte quelques nouveautés. Longtemps resté en retrait derrière David Galula, celui-ci est revenu en grâce après avoir été redécouvert par le général américain Petraeus empêtré en Irak au début des années 2000. Loin d’être un soldat expéditif, Trinquier est un auteur qui avait alors tiré les meilleures leçons de son expérience et qui défrichait en solitaire un terrain jusqu’alors déserté. C’est ce que nous racontent les auteurs de Terrorisme et Contre-Insurrection, dans une biographie accompagnée d’une remise en contexte historique.


Causeur. Une des conditions de l’existence d’une guérilla est le soutien de la population à celle-ci. Quels sont les facteurs qui peuvent conduire une population civile à apporter son soutien à une guérilla ?

Marie-Danielle Demélas. Trinquier part toujours d’un problème concret à résoudre. Durant la guerre d’Indochine, la guerre menée par le Vietminh a pris la forme de guérilla en Cochinchine ; au Tonkin, le Viêt-minh a rapidement obtenu les moyens de passer à un autre niveau et former un véritable corps d’armée, avec l’aide de la Chine. La fin de la guerre (Diên Biên Phu…) est un combat classique gagné par l’artillerie. 

En Algérie, le FLN n’a jamais eu les moyens de développer une guérilla de grande ampleur permettant de passer à la phase suivante.

Sinon, on peut répondre de façon très classique : une guérilla existe, se développe et se maintient quand elle est chez elle, en prise avec les intérêts et les conflits locaux. C’est là sa force et sa faiblesse. Loin de son territoire, elle est peu efficace.

Daniel Dory. La guérilla, lorsqu’elle s’inscrit dans le cadre d’une insurrection, a un besoin vital du soutien d’au moins une partie significative de la population. Sans cela elle est privée de ravitaillement, de renseignement, de caches et de futures recrues. Cette symbiose entre combattants et populations se réalise sous la forme d’un gradient qui va depuis la complicité minimale (la non-dénonciation) jusqu’à la participation aux actions armées. Dans ce cadre, le terrorisme, qui est avant tout un moyen de communication violente, vise à intimider la population indécise et à neutraliser les agents locaux de l’ennemi. Trinquier montre bien la logique qui opère dans ce type de situations.

Lorsque ce soutien n’est pas spontané, Roger Trinquier émet la possibilité pour un gouvernement de l’obtenir par la peur (terrorisme). D’autres moyens ont-ils déjà été mis en place par les armées pour recueillir le soutien d’une population ? Si oui quelle a été leur efficacité ?

DD. Une armée affrontant une insurrection en terrain hostile se trouve dans la nécessité de traquer et combattre les ennemis armés (action offensive) ; se protéger des attaques (action défensive) et de s’assurer, au mieux, la neutralité de la population. Concernant ce dernier point, lorsque le conflit met sur le terrain des acteurs dont les identités nationales, ethniques, religieuses, etc. sont différentes, souvent l’intimidation (voire la « terrorisation ») des populations semble la seule option. Avec le risque, comme d’innombrables exemples le prouvent, de s’engager dans une spirale sans fin de la violence, et de motiver encore davantage les populations à s’engager dans la lutte « du mauvais côté ». A cet égard le texte de Trinquier permet opportunément d’approfondir cette question, depuis le cas algérien jusqu’à l’échec de « la conquête des esprits et des cœurs » en Irak et en Afghanistan.

Trinquier recommande la mise en place d’un cadre légal au contre-terrorisme. Ce cadre exceptionnel ne serait appliqué que lorsque plusieurs attentats terroristes auraient été commis sur un territoire. A-t-il pensé à un cadre légal général au contre-terrorisme s’appliquant en continu ?

DD. Au moment où Trinquier écrit, la réflexion théorique sur le terrorisme, et sur sa spécificité, est pratiquement inexistante. Il faudra attendre une décennie pour que, vers la fin des années 1960, surgissent les tout premiers travaux précurseurs de ce qui deviendra progressivement le champ disciplinaire des terrorism studies. Ce à quoi Trinquier fait référence c’est à la nécessité d’inscrire la contre-insurrection (dont participe le contreterrorisme) dans un cadre légal fournissant aux forces engagées sur le terrain des outils légaux différents de ceux qui prévalent en temps de paix. Par la suite, et jusqu’à aujourd’hui, le débat concernant les législations d’exception demeure d’actualité.

Les travaux de Roger Trinquier ont-ils entrainé un changement de doctrine au sein de l’armée française ?

MDD. Non. Quand il a mis en pratique ce qu’il a théorisé, que ce soit à Alger en 1957 ou dans le secteur de El-Milia, en 1959-1960, il a été unanimement reconnu qu’il avait trouvé les bonnes solutions. Mais quand il publie La Guerre moderne, l’armée française est priée d’oublier tout ce qui a été produit à propos de guerre révolutionnaire et de contre-insurrection pour se consacrer à ce que de Gaulle et ses ministres des Armées (Guillaumat puis Messmer) considèrent comme étant LA guerre moderne : la dissuasion nucléaire. 

Quelle a été la portée de ses écrits à l’étranger ?

MDD. Elle a été importante aux Etats-Unis, où La Guerre Moderne est traduite l’année suivant sa publication en français, et précédée d’une intelligente introduction de Bernard Fall. Sa lecture est de nouveau recommandée aux officiers américains œuvrant en Irak et en Afghanistan à partir de 2004.

DD. Les textes de Trinquier ont exercé une influence certaine, mais qui reste à évaluer, sur l’émergence des terrorism studies et les recherches concernant la contre-insurrection. Puis, tout comme pour l’armée française à la fin de la Guerre d’Algérie, la défaite des États-Unis au Vietnam a favorisé leur « oubli ». Il y a donc fort à parier qu’après l’échec en Afghanistan et le désastre irakien, notre auteur connaisse un nouveau « purgatoire » au sein des institutions de formation militaires. Ce qui serait, bien entendu, injuste et absurde. Car en matière de pensée stratégique on (re)découvre souvent moins ce qui relève de la nouveauté, que ce que l’on a plus ou moins volontairement oublié des expériences antérieures.

Trinquier place au centre de sa doctrine, le contrôle de la population par une hiérarchie stricte, qui permet de lui conférer des missions de police : détection, surveillance et transmission. Dans une société aujourd’hui très individualiste, comment faire accepter cette hiérarchie de contrôle et de surveillance ?

MDD. Il s’agit ici d’un contrôle social institutionnalisé. Ce qui existe dans tous les villages et univers paysans (chacun sait ce que fait le voisin, qui vit chez lui, qui il reçoit). Contrôler serait plus difficile dans une société très individualiste ? C’est à voir : il suffit de consulter internet pour savoir ce que fait Pierre, Paul ou Jacques qui poussent la complaisance jusqu’à en offrir un film…

DD. La technologie actuelle, en effet, est incomparable avec celle dont disposaient les forces dites « de l’ordre » au temps de Trinquier. Actuellement la surveillance des idées et des comportements des populations est possible (et effective) en temps réel. Tant les régimes ouvertement répressifs comme post-démocratiques (qui pratiquent la vigilance « bienveillante ») y recourent constamment.

La surprise est un des facteurs essentiels de la guérilla, a-t-il encore un sens aujourd’hui à l’heure d’internet et autres nouvelles technologies (caméra, satellite) ? 

MDD. Qu’il s’agisse de l’arc à Azincourt ou du drone aujourd’hui, la surprise est créée par la façon de se servir de la technique…

DD. La surprise est un élément essentiel dans la tactique de la guérilla et dans la réalisation de l’acte terroriste. Les technologies de surveillance de masse ont pourtant toutes des failles plus ou moins évidentes : la base du métier de terroriste consiste à les identifier et à en tirer profit.

Terrorisme et contre insurrection: Texte inédit de Roger Trinquier

Price: 18,00 €

12 used & new available from 18,00 €

La guerre moderne

Price: 27,00 €

13 used & new available from 22,09 €