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In vino veritas

La France ne s’avine plus avec autant d’entrain qu’autrefois, déplore notre chroniqueur. Une affaire culturelle, sociologique?


Voilà quelques jours, le week-end dernier, une jeune Française se hissait à la quatrième place du championnat du monde des sommeliers. Ce n’est pas peu de chose. Voilà un talent qui fait honneur à notre vieux fonds culturel et patrimonial. Le vin et le pain, le pain et le vin, notre identité profonde en deux mots, en deux merveilles toutes simples.

Il n’empêche, depuis une dizaine d’années, la consommation de vin baisse en France. Au pays de Rabelais et de la Dive Bouteille, voilà qui fait un brin désordre. Parallèlement, le recours au chichon ne cesse de progresser. Au point qu’on en arrive à se demander si nos vignerons bordelais, contraints d’arracher certaines de leurs vignes – autrement dit de se couper un bras – ne devraient pas se reconvertir dans la culture du hachich, ingrédient de base du chichon dont il est question ici et qu’on veillera à ne pas confondre avec son homonyme du Sud-Ouest, savoureux d’ailleurs, mais incompatible avec le précédent puisque la viande de porc entre pour une part importante dans sa composition (Et, pour tout dire, le pinard pour une part non moins essentielle dans son accompagnement).

A lire aussi, Emmanuel Tresmontant: La Champagne, terre de cuvées

Bref, la France ne s’avine plus avec autant d’entrain que voilà quelques années encore. L’excédent menace. Les cuves sont pleines et la jeunesse – la jeunesse surtout, nous disent les enquêtes les plus fiables – bouderait le tonneau, se tiendrait résolument à l’écart du litron. O tempora O mores, comme il est dit aussi dans Astérix. Serait-ce donc au profit du chichon, en faveur de cette griserie d’importation que s’opère ce déclin ? L’affaire serait culturelle, sociologique. Nous serions confrontés à une sorte de grand remplacement pour les rites en vigueur dans les assommoirs du samedi soir après le turbin. Demeurons vigilants ! Aujourd’hui le vin – blanc, rouge ou rosé, sans distinction de couleur, ce qui doit être regardé comme exemplaire – serait menacé, chassé, répudié. In Vino Satanas ! Voilà l’anathème des temps nouveaux. Aujourd’hui le vin, donc. Et demain ? Le chichon, assurément. Je veux dire celui du Sud-Ouest, avec des morceaux de cochon dedans. On se le procurerait désormais sous le manteau et notre sommelière émérite en serait réduite à officier quelque part dans le maquis sous un nom de code.

On notera que cette guerre culturelle n’en est pas à ces premiers assauts. Le général US Coca Cola nous la mène depuis maintenant belle lurette. Cependant, nous avons à faire face à présent à une stratégie qui relève davantage de la guérilla. La menace n’en est pas moins rude. Aussi, ne serait-il pas temps de songer à entrer en résistance ? Devant un tel péril, ne doit-on pas reprendre à notre compte ce que clamait bien fort l’aviné et regretté Coluche, et brailler avec lui : Le pinard, ça devrait être obligatoire !

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Au pays des curiosités, avec Jacques Damade

Le nouveau livre de Jacques Damade, Du côté du Jardin des plantes, remonte aux racines du Muséum d’histoire naturelle et de son jardin botanique. Une promenade inspirante.


Jacques Damade est écrivain et éditeur. Il a fondé, il y a une vingtaine d’années, une maison d’édition assez classieuse, repérée et recherchée, les Éditions de la Bibliothèque : son catalogue affiche aussi bien Remy de Gourmont, Léon Bloy ou Villiers de l’Isle-Adam, que Bossuet, une étude sur Verlaine, une autre sur Chateaubriand, Jean Lorrain, l’abbé Raynal, Joachim Sartorius, Pierre Lartigue ou Fabrice Hadjadj. Il a, en outre, depuis une dizaine d’années, initié la collection « L’ombre animale », dédiée à un thème qui lui est cher – sans être aucunement un effet de l’époque.

Il a commencé par rééditer La Forme animale d’Adolf Portmann (que les connaisseurs comme Élisabeth de Fontenay tiennent pour un classique du genre), puis Buffon ou Pline l’Ancien (Des animaux).Et lui-même, comme écrivain, a alimenté cette collection : d’abord en consacrant un ouvrage aux Abattoirs de Chicago, puis à Darwin au bord de l’eau, qu’il prolonge aujourd’hui avec un « cabinet de curiosités littéraires » consacré au Jardin des plantes-Muséum d’histoire naturelle.

Jacques Damade est aussi l’un des connaisseurs les plus avisés de Paris. Pour les curieux, se reporter à son catalogue – en particulier, une petite merveille, Paris 1860 : les Tableaux parisiens de Baudelaire illustrés par 19 gravures du légendaire Charles Meryon (1821-1868). Il a lui-même commis un délicieux petit essai sur les Îles disparues de Paris (une dizaine d’îles encore, au temps d’Henri II).

Son dernier livre, Du côté du Jardin des plantes, conjugue deux de ses passions : Paris et le monde vivant. D’abord Paris – et le Muséum d’histoire naturelle, la fondation de sa ménagerie. Il ressuscite la figure tutélaire (et méconnue) de Bernardin de Saint-Pierre (l’auteur de Paul et Virginie), dernier intendant du Jardin nommé par Louis XVI et rédacteur, en décembre 1792, d’un « Mémoire sur la nécessité de joindre une ménagerie au Jardin national des plantes de Paris ».

Autre figure importante tirée de l’oubli : Geoffroy Saint-Hilaire, nommé à 21 ans professeur – chaire de zoologie, chargé des mammifères et des oiseaux – au nouveau Muséum national d’histoire naturelle créé en juin 1793 : « le Jardin des plantes devient (alors) le Muséum d’histoire naturelle » (l’architecture vitrée des grandes serres date des années 1830). Et on croise au fil des pages d’autres personnages illustres : Chaumette, Lakanal, Cuvier, Lacépède, Daubenton, Lamarck, etc.

Damade se balade et évoque les controverses qui ponctuent la fin du xviiie et le xixe siècle. Du côté du Jardin des plantes est un plaidoyer en même temps qu’une balade avec d’éminents compagnons : certains sont des scientifiques de laboratoire (Cuvier), d’autres (Humboldt, Geoffroy, Darwin, Wallace…) vont sur le terrain, voyagent, sont des « naturalistes-scientifiques-explorateurs » (Geoffroy fait partie des 160 savants embarqués par Bonaparte lors de l’expédition d’Égypte).

Le Jardin-Muséum restitue une vision de la science, ses collections révèlent l’état d’esprit qui a présidé à leur constitution : d’abord la curiosité, l’ouverture au monde vivant (et à son unité) : « La ménagerie de la Révolution ne distingue pas l’histoire des hommes de celle des animaux chacune de son côté, et nous montre comment elles voisinent dans un même monde. »

Cuvier (1769-1832), dans son laboratoire, ne comprend rien à Humboldt (1769-1859), le naturaliste-voyageur. Si la science moderne est « du côté de Cuvier », Damade est résolument du côté de Humboldt, et le Muséum aussi : « Le Muséum d’histoire naturelle avec sa ménagerie, ses herbiers, son accueil des explorateurs a toujours eu le souci de présenter la faune et la flore en leur extension ; sa démarche scientifique va à la rencontre de Portmann et d’Humboldt et garde ses distances envers la prééminence du moléculaire. Il privilégie l’animal vivant et la plante dans leur élément. » D’où ce livre inspiré et habité illuminé par les dessins poétiques de Vincent Puente, qui est tout à la fois l’évocation historique d’un lieu magique de Paris, et défense et illustration d’une certaine conception du monde animal, humain – en un mot : vivant.

À lire

Jacques Damade, Du côté du Jardin des plantes, La Bibliothèque, 2022.

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À lire également

La première édition intégrale du fameux récit d’Alfred Russel Wallace (compère offusqué par l’ombre de Darwin), L’Archipel malais : berceau de l’orang-outan et de l’oiseau de paradis, récit de son voyage – huit ans ! – dans l’archipel indonésien. Aux éditions Plume de Carotte, 2022.

Et aussi : collectif, Manifeste du Muséum : aux origines du genre, bilingue anglais, Reliefs, 2022.

Et enfin : La Terre, le vivant, les humains : petites et grandes découvertes d’histoire naturelle (dir. Jean-Denis Vigne et Bruno David), La Découverte, 2022.

Vipère!

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L’affiche du film, « La femme de Tchaïkovski », montre un beau couple en costume d’époque, qui s’embrasse tendrement. Image trompeuse !


Car dans la séquence du film dont celle-ci est extraite, Tchaïkovski (dans le rôle, Odin Lund Biron, fidèle compagnon de route du cinéaste et metteur en scène d’opéra et de théâtre) souffle à son épouse: « Vipère ! »  –  et jamais leurs lèvres ne se joindront. 

Bac Films

Enfer conjugal

Dernier opus de Kirill Serebrennikov, (cf. les films Leto, La fièvre de Petrov ; le très mémorable Parsifal de Wagner, au Staatopera de Vienne en 2021 ; ou encore la pièce de Tchekhov Le Moine noir, en juillet dernier dans la Cour d’honneur d’Avignon…) La femme de Tchaïkovski n’a rien d’un biopic célébrant, en chromo façon Hollywood, la vie sentimentale du grand romantique russe, sur fond sonore de Casse-Noisette, du Lac des cygnes, d’Eugène Onéguine ou de La Dame de pique :  à travers le récit abrupt d’un mariage catastrophique, et de l’enfer conjugal qui s’ensuit, c’est plutôt un brûlot contre les injonctions de la morale publique.

A lire aussi, du même auteur: Nuit d’amour beur

Piotr Illitch Tchaïkovski l’a effectivement vécu, cet enfer. Cédant aux instances d’une jeune apprentie pianiste qui s’est entichée de lui, il consent, de guerre lasse et sur la promesse d’une dot confortable qui n’arrivera jamais, à se marier avec la jeune Antonina Milivkova (campée ici par la très belle Alyona Mikhailova), couverture idéale pour donner libre cours à ses tendances d’inverti notoire, peu compatibles avec la paix du foyer. La relation ne tarde pas à se dégrader. Mais la flamme de l’épousée ne s’éteint pas pour autant. Elle s’obstine. La haine de l’époux à son endroit attise encore son idolâtrie. Séparation. Tractations méandreuses pour un divorce auquel se refuse catégoriquement cette hystérique qui se consume à aimer le seul homme qui l’exècre. A mesure que croît la gloire du compositeur s’affirme son rejet de cette sangsue: vertige délétère, sur fond de rumeurs quant aux mœurs du compositeur, exclusivement porté sur les garçons au vu et au su de ses protecteurs, tel le grand prince Sergueï Romanov (historiquement, faut-il le rappeler, le plus proche conseiller du tsar Alexandre II), dépeint non sans humour, dans le film, sous les traits d’une « folle » chamarrée haute en couleur.  Gagnée par l’érotomanie et saisie bientôt d’une folie asilaire, Antonina donne en outre naissance à trois enfants illégitimes, qu’elle abandonnera à l’orphelinat et qui tous mourront en bas âge… Vive la famille !

Pas un film « historique »

L’image du film, volontiers ténébreuse et sans irisations, d’un chromatisme sombre tirant vers le sépia, évacue sciemment l’éclat architectural de Saint-Pétersbourg, dont la toile de fond ne dévoile, dans la pénombre mordorée des chandelles et des lampes à huile, que le clair-obscur ornementé de ses salons aristocratiques, où la conversation mondaine passe tout naturellement du russe au français dans une même phrase… Avec une grande intelligence scénaristique, La femme de Tchaïkovski esquive avec soin le kitch de l’illustration musicale. Au point que la riche bande-son du film trame, en savantes superpositions mélodiques, bien des motifs de la musique de Tchaïkovski, mais sans en citer jamais formellement aucun extrait. C’est que la véracité archéologique n’est pas du tout l’affaire de Serebrennikov : il se fiche éperdument de faire un film « historique », portrait en pied du plus populaire des compositeurs russes.  

Si le mot « homosexualité n’est jamais prononcé une seule fois dans les deux heures et demi que dure La femme de Tchaïkovski, ce n’est pas seulement en vertu de l’anachronisme, évident dans le contexte de la Russie impériale du second XIXème siècle – d’où cette scène où l’on tente d’expliquer à Antonina que son mari est un… « bougre », terme dont le sens paraît échapper à l’entendement de la dame – mais, plus profondément, parce que l’intention est toute autre. Immense artiste, opposant déclaré au régime de Poutine, exilé de Moscou après avoir été un temps emprisonné puis assigné à résidence, Serebrennikov, qui a désormais pris souche à Berlin, transpose probablement dans la figure d’un Tchaïkovski harcelé par cette passion délirante et honnie, l’idéal du génie solitaire, travaillant à se libérer des assignations de la morale publique. D’où cette scène du film, étonnante entre toutes, où s’exhibe à l’écran, dans leur nudité superbe, une cohorte de beaux garçons, leurs académies glorieuses offertes à la volupté.

Le projet du film remonte à 2014. Mais le scénario de Serebrennikov n’a pas eu l’heur de plaire aux autorités de la Sainte Russie, lesquelles ont préféré remettre la célébration du compositeur entre les mains de Yuri Arabov, le scénariste d’Alexandre Sokourov, pour un biopic bien-pensant et inexportable, où les préférences sexuelles avérées de Tchaïkovski passent à la trappe. La guerre en Ukraine ayant eu raison de Limonov, adaptation du roman d’Emmanuel Carrère que le cinéaste s’apprêtait à tourner à Moscou, Serebrennikov a résolu de remettre La Femme de Tchaïkovski sur le chantier. Pour un interlude,  un sacré morceau !    

La femme de Tchaïkovski. Film de Kirill Serebrennikov. Avec Odin Lund Biron, Alena Mikhailova. Durée : 2h23. En salles le 15 février.

Dechavanne: le nouveau roi de l’infotainment?

Quelle époque! Christophe Dechavanne comes back. The show must go on… Chez Léa Salamé, le samedi soir sur France 2, où il est un exceptionnel “invité permanent”, il gratifie son auditoire de bribes de phrases tantôt inaudibles, tantôt incompréhensibles.


Homme de radio et surtout de télé, son dynamisme et son sens de la répartie lui permettent de devenir dans les années 80/90 un des animateurs parmi les plus recherchés dans le milieu médiatique. De Ciel, mon mardi ! à Coucou c’est nous !, Christophe Dechavanne participe au succès de TF1, la chaîne qui, au dire de son cynique président de l’époque Patrick Le Lay, vend à Coca-Cola du temps de cerveau humain disponible. La ménagère de moins de 50 ans est folle de ce sémillant animateur, affirment alors les marchands de pub. Entre 1988 et 1992, les parts d’audience de ses émissions faites pour divertir les Français ne désirant que s’abrutir se détendre après une dure journée de labeur, atteignent des scores jamais vus, jusqu’à 60 % de parts de marché. En même temps que les parts d’audience, la tête de « Cri-cri » se met à gonfler, et l’animateur exige que TF1 lui octroie la case du jeudi soir à la place des séries qui assurent pourtant le succès de la chaîne depuis des années. Badaboum ! Sa nouvelle émission intitulée Tout le toutim est une catastrophe et le public va voir ailleurs s’il y est ; TF1 décide d’arrêter les frais et de revenir à la grille initiale ; Dechavanne poursuit TF1 en justice avant de se rabibocher avec la chaîne qui lui donne une nouvelle chance. Patatras ! Michel Drucker sur France 2 fait de meilleures audiences que Dechavanne. Le Lay est furieux et traite ce dernier « d’accident industriel ». Après plusieurs émissions qui sont autant d’échecs et quelques apparitions sporadiques dans des « soirées spéciales », l’animateur disparaît des radars télévisuels.

Dechavanne demande l’asile sur le service public

En 2019, Dechavanne se lâche dans Le Parisien. TF1, dit-il, l’a placardisé. Pourtant il ne manque pas d’idées. Vingt fois, affirme-t-il, il a proposé à la chaîne une « grande soirée sur l’écologie baptisée “Demain vous appartient” ». Sans succès. Il est obligé de le reconnaître: « Un homme blanc de 61 ans, ce n’est pas ce qu’on recherche à la télé. » Les mois passent mais Dechavanne ne désarme pas. Décidé à faire son come-back, il lance un appel au service public: « Que la direction me fasse passer des castings. Je n’ai aucun problème d’ego. Ou alors, qu’elle lance une étude pour demander aux téléspectateurs si j’ai ma place sur le service public. » La présidente de France Télévisions, Delphine Ernotte, a beau avoir déclaré qu’il y avait trop d’hommes blancs de plus de 50 ans à la télévision, Léa Salamé la rebelle passe outre et demande à Christophe Dechavanne de bien vouloir devenir « l’invité permanent » de sa nouvelle émission sur France 2, Quelle époque ! L’animateur accepte et, raisonnable, promet de ne pas faire d’ombre à la journaliste-animatrice : « Léa sera la boss. je ne serai pas loin d’elle, avec mon tempérament et mes engagements », affirme-t-il à Télé-Loisirs. Assagi, le « ch’ti pépère » de 65 ans a de toute manière des engagements écologistes, progressistes et sociétaux qui ne risquent pas de le mettre à mal avec sa nouvelle patronne. 

Je n’avais pas encore vu l’émission en question. Il faut dire que le mélange des genres inhérent à ces émissions dites d’infotainment n’a vraiment rien d’attrayant. Ma curiosité a toutefois été aiguisée par l’annonce d’un débat sur l’immigration entre Marlène Schiappa et Marion Maréchal devant avoir lieu dans l’émission du 4 février que j’ai par conséquent regardée. Isabelle Larmat a très justement décrit l’ambiance et le ton de ce « talk-show spectaculaire, drôle et festif » qui permit surtout à un humoriste pas drôle de France Inter (pléonasme) de faire la gueule pendant deux heures en donnant des leçons de morale, à un curé progressiste, écrivain à ses heures, Philippe Besson pour ne pas le nommer, de postillonner des contre-vérités sur l’immigration, à une Secrétaire d’État de dodeliner de la tête en prenant des airs de vierge effarouchée à chaque prise de parole de son adversaire politique. Quant à Christophe Dechavanne, il distilla entre deux somnolences de rares réflexions composées de bribes de phrases tantôt inaudibles, tantôt incompréhensibles.

Génial et torride Christophe Dechavanne

Pourtant, Léa Salamé, après s’être trémoussée sur une musique rythmée et avoir chauffé la salle d’un « Comment il va le public ce soir ? » digne d’un spectacle de sosies de Johnny Hallyday, nous avait promis un « génial et torride Christophe Dechavanne ». Déçus, nous vîmes et entendîmes ce soir-là un animateur un peu fatigué, aussi torride qu’une soirée d’hiver dans le désert de Gobi et aussi génial que Marlène Schiappa avec laquelle il tomba d’accord pour dire que les migrants sont « aussi des êtres humains ». Nous pensâmes même l’avoir complètement perdu lorsqu’il reprocha à Marion Maréchal de « toujours tout ramener à l’immigration », oubliant visiblement, comme le lui fit gentiment remarquer la vice-présidente de Reconquête, que l’unique sujet du débat était à ce moment-là… l’immigration. Après ce coup d’éclat raté, l’invité permanent de Léa Salamé plongera dans une sorte de torpeur dont il ne sortira qu’à la toute fin de l’émission (voir ci-dessous).

Tout ça pour dire que Christophe Dechavanne, s’il est opportuniste, n’est pas un mauvais bougre. Après avoir visionné ses autres interventions dans l’émission susnommée sur France 2, je peux affirmer que l’animateur a parfaitement intégré l’esprit actuel de la télévision publique, idéologiquement de gauche. En face de Jordan Bardella, il s’est comporté comme il fallait, avec la mine défaite et le ton accablé de l’humaniste confronté au Mal. Avec François Ruffin, il l’a joué roucoulade et sérénade. Il y a bien eu un léger accrochage avec Christiane Taubira mais comme (presque) plus personne ne peut piffrer cette insupportable Castafiore de la politique, cela n’a pas porté à conséquence. Par ailleurs, Christophe Dechavanne réalise en ce moment des podcasts pour lesquels il n’a invité ou n’invitera, dit-il, que des gens qu’il aime bien, comme… Marlène Schiappa, et… François Hollande, et aussi… Raphaël Gluksmann. Ce dernier choix ne peut pas nuire à sa nouvelle carrière (!)

Christophe Dechavanne est à l’image de cette émission d’infotainment qui, comme toutes les émissions d’infotainment, ricane sur des sujets sérieux et disserte sur des sujets risibles. Avec l’âge, l’animateur jadis survolté a trouvé une forme de sagesse opportuniste qu’il met à profit pour débiter des truismes dans l’air du temps entre deux bâillements. Mais méfiance, le trublion qui sommeille en lui peut resurgir à tout moment, la preuve : à la fin de l’émission de samedi dernier, Dechavanne s’est soudain réveillé, est monté sur ses ergots fatigués et a lancé un appel solennel aux… pharmaciens. Non, leur a-t-il dit, il n’est pas vrai que les grossistes-répartiteurs manquent de préservatifs. Les pharmaciens doivent donc insister pour se faire livrer les préservatifs qu’ils pourront remettre gratuitement aux « mineurs de 16 à 26 ans » (sic) qui, de leur côté, ne doivent pas craindre de venir réclamer leur dû – « ça évitera beaucoup d’emmerdements, y compris des grossesses chez les mineures ». Cette scène pathétique a été l’apogée de la prestation de Dechavanne qui n’est plus que l’ombre de l’animateur rigolard et déjanté des années 90. Finis les grimaces, les bruits de pet et les mauvais jeux de mots. 

Pour continuer de vivoter dans le milieu médiatique, en particulier celui du service public, l’animateur a adopté sans hésiter une nouvelle manière, plus vicelarde, d’abrutir les masses : bienvenue aux prêchi-prêcha gauchisants, aux sermons progressistes et aux débats qui n’en sont pas. Bienvenue dans cette époque – et quelle époque !

Les cocos soutiennent les cathos

Un journal mexicain de gauche, dans lequel Fidel Castro a publié des articles de 2007 à 2012, est adepte de la théorie du grand remplacement!


Épais quotidien mexicain, La Jornada n’a rien d’un repaire d’antimarxistes. Résolument hostile à l’atlantisme, il est toujours prompt à voler au secours du régime cubain. Dans un article nommé « Francia se inquieta », en date du 10 janvier, La Jornada dénonce l’immobilisme du Vatican face à la déchristianisation de la France. « Les attaques d’églises catholiques se succèdent sans qu’il y ait de réaction, alors que la moindre attaque d’une mosquée ou d’une synagogue provoque l’indignation générale », y écrit l’auteur mexicain Vilma Fuentes.

Parisienne d’adoption, on lui doit notamment le roman Les Greffiers du diable qui traite de l’implication du pouvoir mexicain dans le trafic de drogue. Après avoir dénoncé les ravages de la culpabilisation au sujet de l’évangélisation du Nouveau Monde, le règne du politiquement correct et l’état du catholicisme en France, l’écrivain y va franchement : « Le pape François semble croire que le grand remplacement est le seul avenir possible en Europe : la disparition du christianisme dans un continent peuplé d’islamistes. » Les ligues de vertu vont-elles accuser le journal favori de Fidel Castro de virer fasciste ? Ce sera difficile : de 2007 à 2012, des dizaines de tribunes du Lider Maximo y ont été publiées dans la rubrique « Reflexiones de Fidel Castro ». « En cette époque de démolition de la culture française et de la civilisation occidentale, laquelle ne pourrait être empêchée de s’étendre à d’autres continents en raison du caractère conquérant de l’islamisme, il serait nécessaire, si nous voulons survivre un peu plus […], de méditer une phrase de Paul Valéry : “Nous, civilisations, savons que nous sommes mortelles” », prévient Vilma Fuentes en guise de conclusion. C’est ce qu’on appelle nommer un chat un chat. Si même les soutiens de Cuba se mettent à incommoder la gauche olfactive, ne serait-il pas temps de nommer les choses telles qu’elles sont par chez nous, camarade ?

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Il faut parler d’un autre fiasco que celui du Stade de France

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Je parle de ces peines qu’on n’exécute pas…


Je ne me faisais aucune illusion: je connais trop bien les dysfonctionnements français pour être surpris par les faillites qui nous accablent. À propos du fiasco du Stade de France, un rapport cinglant dénonce une gestion calamiteuse tenant à la fois à un amateurisme ministériel et à une hiérarchie policière de ce fait dépassée. Nous avions raison de nous révolter. Notre pays a été sali nationalement et internationalement, cette honte n’a pourtant pas entraîné la moindre sanction.

Une étude peu reprise dans les médias

Un autre fiasco encore plus dévastateur, car structurel, a été porté à notre connaissance mais il a très peu ému l’opinion publique parce que l’information médiatique a été très chiche pour l’annoncer. Seuls le Figaro et CNews ont accompli correctement leur mission. Parce que, comme c’était essentiel, il convenait de ne pas trop en parler. Une perversion due à une absurde hiérarchisation des problèmes. Il ne suffit pas que les mauvaises nouvelles soient vraies : encore faut-il que le messager qui nous les apprend soit accepté par les gardiens de l’humanitairement et judiciairement correct.

L’Institut pour la Justice (IPJ) n’appartient pas à la catégorie des instances respectables pour le progressisme empli de mansuétude envers les multiples transgressions qui ne l’affectent pas. L’IPJ, il est vrai, n’éprouve de sollicitude que pour les victimes et s’obstine à déplorer la faiblesse ciblée d’une justice pénale dont les citoyens comprennent de moins en moins les décisions: dure avec les modestes, frileuse ou laxiste avec les violences en nombre, commises à un âge de plus en plus précoce.

A lire aussi: Prison: le plan A

Quelles sont donc ces données que l’étude de l’IPJ a communiquées et qui mettent le désastre en évidence ?

D’abord une véritable industrialisation des aménagements de peines de prison ferme. Entre 2016 et 2020, seulement 59% des condamnés à une peine de prison ferme ont été effectivement incarcérés. Le ministère de la Justice juge cohérent ce chiffre « correspondant à la part d’aménagement de peine qui regroupe la semi-liberté, les placements extérieurs ou l’usage du bracelet électronique apparu en 1997 sous Chirac et Jospin et qui a connu son essor sous Nicolas Sarkozy ».

Un peuple français qui attend, agacé

Il y a donc une schizophrénie constante entre l’attente populaire qui légitimement souhaite l’effectivité de la prison quand les cours l’édictent, et les pouvoirs de droite comme de gauche qui font tout pour la rendre autant que possible symbolique – tout en prétendant l’appliquer.

Cette contradiction explique pourquoi des multirécidivistes sortent bien avant le terme de leur incarcération avec le renouvellement, de ce fait, de délits ou de crimes qui indignent les citoyens. Un exemple fourni par un procureur mentionne le cas d’une personne ayant renversé et gravement blessé une douanière : « Cinq bracelets électroniques, un sursis libre, une libération conditionnelle, autant d’aménagements qui ont pour but la réinsertion (…) et voilà le résultat: une douanière qui aurait pu être tuée ».

A lire aussi, du même auteur: Sihem: une mort dans les règles?

Il est extraordinaire qu’on ne s’élève pas contre cette aberration qui permet un aménagement ab initio pour les peines de moins d’un an : le jugement d’un tribunal correctionnel édictant une peine ferme peut ainsi, contre toute logique, être dénaturé. Ce qui est évidemment de nature à discréditer les magistrats « initiaux ». On aboutit à des statistiques trompeuses: s’il y a eu une augmentation de 70% des peines de prison ferme entre 1999 et 2019 – de 55 000 à 93 000 -, elle est à relativiser puisque la faillite de l’inexécution est structurelle et rend caduque cette sévérité apparente. Enfin, en 2020, 8% des peines d’emprisonnement restaient inappliquées cinq ans après leur prononcé – soit 10 000 peines chaque année.

Ce tableau sombre montre un paradoxe qui devrait susciter une réforme politique radicale. Que penserait-on d’une entreprise, d’un service public, d’une institution dont la finalité suprême serait sans cesse mise à mal ? Le pire évidemment. C’est pourtant ce qui affecte gravement le système pénal et l’univers pénitentiaire. Face à ces dysfonctionnements structurels, est-il permis de s’interroger ? Au mois de juillet 2022, 65 % des Français estimaient que « les juges ne sont pas assez sévères ». Cette accusation de faiblesse est exagérée mais je suis persuadé que notre démocratie est ainsi faite – c’est l’un de ses vices – que ce que réclame le peuple n’est jamais le bienvenu… De quoi se mêle-t-il donc alors que le pouvoir, lui, sait ? Mais pour le pire…

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Les entrepreneurs montrés de l’index… senior!

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Réforme des retraites. Dans les seules nouvelles propositions vraiment concrètes évoquées par la Première ministre, Elisabeth Borne, on trouve le projet de « sanctions » des entreprises ayant de « mauvaises pratiques » dans l’emploi des séniors (une taxation supplémentaire !). Sans compter – si l’on peut dire – les ruptures conventionnelles, que le gouvernement entend également taxer davantage.


Dernière minute ! Coup de théâtre, hier soir, à l’Assemblée nationale. Les députés ont rejeté l’article créant un « index seniors » dans les entreprises par 256 votes contre 203. Cet index visait à inscrire le nombre d’employés seniors, et les actions de l’entreprise mises en œuvre pour favoriser leur emploi…

Le gouvernement, continuant dans le régime amendes et contraintes supplémentaires, se met peu à peu à dos tous les entrepreneurs de France. Même si nous n’avons pas franchement la mentalité manif’ et encore moins grève, est-ce bien le moment ? On peut comprendre la finalité, mais la politique de la taxe et de la pénalité rend les entreprises véritablement hostiles à ces pickpockets surentraînés ! Le gouvernement veut absolument innover, pour calmer la colère qui gronde. Pour cela, quoi de mieux que de rétablir une pseudo injustice, en s’attaquant aux entreprises ? À qui d’autre s’attaquer, d’ailleurs ? On nous demande déjà d’augmenter nos salariés mais aussi de les rendre actionnaires de nos entreprises, le tout en travaillant moins…

Au moment où l’Assemblée nationale se bat sur des sujets importants mais hélas avec des objectifs exclusivement politiques, que ce soit sur le partage de la valeur ou des retraites, les entrepreneurs qui ont des propositions, ne sont écoutés que d’une oreille et seulement par quelques parlementaires motivés. Personne en revanche ne se pose plus vraiment la question des régimes spéciaux. Pourquoi donc part-on à la retraite à 56,81 ans (très précisément !) à la RATP ?

Les propositions alternatives de Sophie de Menthon

Il est donc important de redonner concrètement des pistes, sur la façon de garder le plus longtemps possible les seniors dans l’entreprise. C’est une préoccupation des patrons, qui fait l’objet de recherches appliquées, en particulier au sein du mouvement ETHIC.

Voici des mesures efficaces et pragmatiques :

  • Supprimer inévitablement le principe des pré-retraites à Pole Emploi, tentation vertigineuse aussi bien pour les employeurs que pour les salariés (« puisqu’on y a droit ! »).
  • Mettre au point des formations flash, pour le secteur tertiaire en particulier, sur la maîtrise du digital (c’est prioritaire !).
  • Accepter le principe de mi-temps dégressifs sur deux ou trois ans, et sur mesure, en accord avec les entreprises et les salariés avec formation tandem interne des juniors, par exemple.
  • Aménager des formations complémentaires, incluses dans les emplois du temps (informatique, réseaux sociaux, formation des seniors sur la digitalisation…), dès 40 ans.
  • Travailler sur la question du salaire plus élevé des seniors, dont une partie pourrait être compensée par une baisse de cotisations.
  • Vraiment prendre en compte la pénibilité des emplois, et prévoir une deuxième carrière pour les seniors, dès l’apprentissage, pour les métiers les plus physiques. Rien ne sert de le dire si ce n’est pas immédiatement intégré dans les cursus d’apprentissage !
  • Créer un CDD de cinq ans, renouvelable, réservé aux seniors à partir de 58 ans avec charges allégées, pour inciter à leur recrutement. Il faut savoir, toutefois, que plus l’âge de la retraite est reculé, plus on recrute des salariés plus âgés (cela se vérifie dans tous les pays d’Europe).
  • Dans un autre ordre d’idées, il faut veiller à alléger le contexte général de l’emploi. Ainsi, lorsqu’un salarié a eu un accident dans sa carrière, le report de l’inaptitude sur le dernier employeur est injuste : la dernière entreprise n’a pas à subir seule financièrement la prise en charge de toute une vie d’un travailleur malade ou fragile…

Le travail c’est la santé !

Et puis, il faut redonner le goût du travail avec un discours politique et un discours entrepreneurial dès l’école. Or le glissement vers le confort, la paresse, le temps libre, la redondance de l’accusation de « pénibilité » (pour un peu c’est le retour à Zola) devient une intoxication nationale. Que dire devant des assertions telles que « il ne faut pas perdre sa vie à la gagner ! ». Comme le dit Luc Ferry : « La disparition de la foi religieuse fait que le paradis qu’on gagnait dans l’au-delà se trouve désormais dans la promesse d’une retraite miraculeuse ! »

Enfin, laissez travailler plus longtemps ceux qui le veulent ! Question de bon sens qui ne doit pas être très difficile à appliquer. À l’hôpital, nos meilleurs médecins, à la longue expérience, n’ont pas le droit de continuer à exercer ! Un philosophe de 72 ans ne peut pas non plus donner un cours à la Sorbonne, alors qu’il en donne à travers toute la France dans le privé, moyennant finances… Le comble c’est de vouloir faire travailler les gens plus longtemps et « en même temps » de l’interdire à ceux qui veulent de le faire.

Un désert d’objectivité et de bonne volonté…

Il faut aussi arrêter à tout prix de désigner les entrepreneurs qui réussissent, en têtes de turcs de tous ceux qui n’ont pas un pouvoir d’achat suffisant. Il semble que tout raisonnement sain soit écarté au profit de querelles idéologiques dont l’entreprise est hélas le cœur.

Le spectacle de l’Assemblée nationale est navrant, et devient le socle d’une forme de décadence de notre pays. Des vociférations, des huées, des contradictions, des guéguerres !

Un exemple désastreux pour les citoyens que nous sommes tous, et évidemment pour beaucoup de salariés qui font en réalité grève contre ceux qu’ils ont élus plutôt que contre une réforme qu’ils ne comprennent pas de toute façon.

Le redressement de la France passe par l’entreprise, c’est sa colonne vertébrale, quelle que soit sa taille ou son secteur d’activités. Va-t-on enfin le comprendre ? Il est presque trop tard…

La douteuse exemplarité de la Grande Mosquée de Paris

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Interrogé sur l’antisémitisme de certaines de ses ouailles, Chems-Eddine Hafiz dénonce une méconnaissance de l’islam.


Interrogé par Mohamed Bouhafsi sur RTL dans Focus Dimanche, le recteur de la Grande Mosquée de Paris a été amené à aborder, entre autres, le sujet des relations entre musulmans et juifs, et a alors déclaré : « la Grande Mosquée de Paris a toujours donné l’exemple. » Le lecteur en jugera, en se référant à des textes qui, il y a quelques années, se trouvaient sur le site internet de la Grande Mosquée de Paris (cf. la fin de cet article).

Deux remarques préalables sur ce que dit Chems-Eddine Hafiz à propos de Moïse. Il affirme que si un musulman dit « sale juif » à un juif, il s’insulte lui-même puisque l’islam reconnaît Moïse comme un prophète, et donc que « si vous vous attaquez aux personnes qui croient en Moïse, c’est-à-dire les juifs, vous êtes en train de commettre un acte anti-musulman, contre vous-même, c’est ça qu’il faut expliquer. » Et il impute les comportements répréhensibles de certains musulmans au fait que « les musulmans ne connaissent pas leur religion ».

Première remarque : si c’est réellement ce dont le recteur veut convaincre ses fidèles, alors sa tentative de désamorcer l’anti-judaïsme de l’islam est peut-être bien intentionnée mais totalement contraire aux enseignements de l’islam depuis des siècles, et de ce fait bien fragile. En effet, pour l’islam Moïse était musulman, et non pas juif, le judaïsme étant une falsification ultérieure des enseignements de Moïse, falsification que l’islam est venu rectifier pour rétablir le véritable message des prophètes successifs du dieu unique, d’Abraham à Jésus en passant par Moïse. Le christianisme, d’ailleurs, n’est qu’une autre de ces falsifications, également rectifiée par l’islam. Dès lors, l’argument du recteur pourrait éventuellement « protéger » les Juifs au sens « racial » du terme, mais malheureusement pas les juifs au sens de « ceux qui croient à la religion juive », ce qu’il semble pourtant avoir en tête en évoquant les « personnes qui croient en Moïse, c’est-à-dire les juifs. »

Deuxième remarque : Chems-Eddine Hafiz accuse les musulmans pour tenter d’innocenter l’islam (d’ailleurs, ne se livre-t-il pas très exactement à une généralisation du genre de celles qu’il reprochait à Houellebecq ?). Une fois de plus, il veut éviter à sa religion les très sévères critiques qu’elle mérite, et qui doivent impérativement lui être faites faute de quoi les « germes du mal » qui « sont dans les textes », pour citer Abdelwahab Meddeb, ne cesseront jamais de donner de nouvelles pousses empoisonnées. Je ne spéculerai pas sur les raisons de cette esquive systématique que pratique le recteur. Notons simplement qu’il est douteux qu’il parvienne à convaincre ses ouailles que les auteurs du Coran ne connaissaient pas leur religion…. à moins qu’il soit prêt à remettre en cause le dogme du Coran éternel et incréé, parole d’Allah dictée verbatim par Jibril/Gabriel et rapportée puis transmise avec une parfaite exactitude par le prophète de l’islam et ses disciples ? Ce serait salutaire, mais qu’il le dise clairement ! Faute de quoi, son silence ressemblera désagréablement à du « cépaçalislam », une volonté de convaincre les non-musulmans de baisser la garde pour pouvoir continuer impunément à proclamer parole divine un livre dans lequel il est écrit, par exemple (sourate 9, verset 30) : « Les Juifs disent « Uzayr est fils d’Allah » et les Chrétiens disent « Le Christ est fils d’Allah ». Telle est leur parole provenant de leurs bouches. Ils imitent le dire des mécréants avant eux. Qu’Allah les anéantisse ! Comment s’écartent-ils (de la vérité) ? »

Sans parler bien sûr de certains hadiths suintant la haine des juifs, traditionnellement considérés comme authentiques, qui font donc partie intégrante de ce que l’islam sunnite des quatre madhhabs orthodoxes présente à ses fidèles comme références pour guider leurs vies.

Quant au fait que la Grande Mosquée de Paris aurait « toujours donné l’exemple », remontons simplement à ce que je constatais et exposais en 2017. Les citations que je rapportais alors dans un article parlent d’elles-mêmes. Elles ont depuis, et heureusement, été retirées du site internet de la Grande Mosquée de Paris, mais jettent un éclairage parlant sur l’exemplarité passée de cette institution….

Quel type de travailleur êtes-vous?

Dans l’univers impitoyable du travail, on trouve des collègues populaires, des meneurs d’ordre, des ambitieux et des fainéants. Pour progresser, mieux vaut connaître ses défauts et ses qualités.


1. Si vous étiez un employé ou un numéro 2, vous seriez :

a) Tullius Détritus dans La Zizanie. Vous savez instaurer des relations de respect mutuel qui rappellent les meilleures heures d’un congrès socialiste, vous avez d’ailleurs donné récemment votre mesure en coachant la dernière élection du chef du parti. Quand on sait que, pour vos dernières vacances, vous avez fait un road trip en Russie et en Ukraine, on comprend mieux pourquoi Xi Jinping vous a offert un voyage à Taïwan et Recep Tayyip Erdogan, un séjour en Grèce.

b) Pépin le Bref. Vous êtes le P’tit Pimousse de l’histoire de France. Petit, mais costaud. Votre n+1 est un roi fainéant. Un tantinet maniaque, vous n’hésitez pas à ramasser le sceptre qu’il laisse traîner un peu partout. De là à le garder…

c) Iznogoud, le Poulidor du putsch, toujours partant, jamais vainqueur. Vous illustrez parfaitement l’adage qui distingue obligation de moyens d’obligation de résultat : malgré l’énergie certaine que vous mettez dans votre projet d’ascension sociale par le crime, la société ne vous offre pas la reconnaissance espérée et la réussite vous fuit.

d) Prince Harry, duc de Sussex. Passe encore que vous ne serviez à rien tout en coûtant une blinde à votre famille, mais faut-il vraiment que vous soyez aussi geignard ? Un peu de dignité que diable, pensez à votre oncle Andrew !

A lire aussi, Céline Pina: De quoi le rejet de la réforme des retraites est le nom

2. Si vous étiez un grand guerrier, vous seriez :

a) Attila. Vous aussi êtes né pour être un killer, un « cost killer ». Devant vous la ressource humaine tremble et la masse salariale se rétracte. Hélas, point de horde de Huns pour vous aider à mener à bien votre mission salvatrice de délocalisation de la production au fin fond de la Papouasie. Personne pour vous aider à lutter contre le « quiet quitting » qui frappe notre jeunesse amollie dans le confort, en mettant les enfants au travail dès 5 ans pour leur apprendre la vie. Incompris, vous êtes seul et haï, mais votre fiche de paye affiche quatre zéros et votre femme a vingt ans de moins que vous, votre secrétaire aussi.

b) Jeanne d’Arc. Vous êtes la reine de la candidature spontanée et du lancement de carrière fulgurant. De bergère à général en un coup gagnant. Malheureusement vous connaissez des difficultés à l’international et avez du mal avec la filière anglo-saxonne. Méfiez-vous, vous pourriez vous y brûler les ailes.

c) Napoléon. Vous êtes un homme qui sait saisir les opportunités et bousculer le destin. Malheureusement vous ne vous épanouissez que dans le conflit et avez du mal à évoluer dans un cadre européen en respectant la souveraineté territoriale de vos partenaires.

d) Gaston Lagaffe. Vous n’êtes pas paresseux, c’est juste que votre créativité est incomprise de béotiens productivistes aux ambitions triviales et bassement matérialistes.

3. Si vous étiez un loser, vous seriez :

a) Hubert Bonisseur de La Bath dans OSS 117. Vous êtes particulièrement débile, mais encore plus chanceux. Toutes vos initiatives tournent à la catastrophe, mais ce sont vos partenaires qui en payent le prix. Alors pourquoi changer ? Hasta la vista, baby !

b) Jean-Claude Dusse dans Les Bronzés. Vous y croyez pourtant, vous ne ménagez pas vos efforts mais rien à faire, vous ne concluez pas. Allez, dites-nous tout, vous êtes commercial chez Dassault Industries et essayez de vendre des Rafale à nos amis européens ?

c) Cruella d’Enfer. Vous avez plus de charisme que les 101 dalmatiens et leur maître réunis mais voilà, vous êtes un méchant de dessin animé, donc condamné à perdre. Reconvertissez-vous dans le cinéma pour adulte, dans Orange mécanique, c’est le méchant qui gagne à la fin !

d) Bridget Jones. Bon, vous n’êtes pas le couteau le plus affûté du tiroir et vous passez trop de temps sur Tinder au boulot, mais vous savez donner de votre personne. Évitez juste de la donner à votre n+1, personne ne croira en votre mérite, mais tout l’open space dira que votre soutien-gorge vous sert de cordée.

4. Si vous étiez une entreprise, vous seriez :

a) Krupp. Une sympathique entreprise familiale, appuyée sur des valeurs traditionnelles : antisémitisme, exploitation de déportés, soutien au régime nazi… D’ailleurs vous avez même eu les honneurs du cinéma, Les Damnés de Visconti vous servent d’album de famille. De quoi donner envie d’élaguer son arbre généalogique. Justement le film vous fournit le mode d’emploi.

b) Apple. Votre ado passe son temps dans votre sous-sol avec un copain binoclard et boutonneux, et quand vous les espionnez cela ne sent pas la marijuana à plein nez. Vous avez peut-être touché le gros lot et pondu le nouveau Steve Jobs. Vous vous en doutiez un peu, il présente la liste des courses sous forme de Keynote et organise des brainstorming avec la perruche et les acariens du tapis pour choisir le nom du chien.

c) Une start-up. Vous comptez sous-payer vos salariés, mais vous avez installé un baby-foot dans l’open space et du coup vous atteignez les sommets de la coolitude patronale. Vous organisez des « stands up meeting », des ateliers de « design thinking » et vous vous filmez la bouche en cul-de-poule sur les réseaux en expliquant à vos followers que vos employés ne travaillent pas pour vous, mais avec vous. Au final vous fonctionnez comme une entreprise traditionnelle à coups de projets mal définis, de plannings aussi ambitieux qu’irréalistes, de discours de la hiérarchie déconnecté de la réalité du terrain. Bien sûr vous prenez seul toutes les décisions et quand ça tourne mal, vous êtes victime de l’incompétence des autres. Vous êtes sûr que vous n’êtes pas Emmanuel Macron ?

d) Une entreprise de niche. Vous investissez dans l’obsessionnel militant. Un bon marché captif de personnes qui pour se distinguer choisissent de faire quand même dans le grégaire, mais minoritaire. Du coup vous avez investi sur le véganisme. Vos produits sont dégueulasses, mais vous vous marrez bien dans les séances de brainstorming pour choisir les noms. Le coup du foie gras végan rebaptisé « faux gras », qui permet de vendre cher un mixage d’huile de palme, d’amidon de pomme de terre et de tofu, est votre coup de maître. Allez, une bonne côte de bœuf pour fêter ça ?


Résultats :

Un maximum de a)

Le Toxique. Aussi populaire qu’un inspecteur du travail dans un congrès du Medef ou qu’un staphylocoque doré dans un service hospitalier, vous savez mettre de l’ambiance dans l’open space. En matière de team building, vous faites plutôt dans la démolition par explosif et la notion de bienveillance dans le management vous donne envie de dissoudre des chatons dans l’acide. Dans votre dos, on vous appelle Benito. Vous ne comprenez pas pourquoi, vous n’êtes même pas italien.

Un maximum de b)

Le Leader. Meneur d’hommes né, au xiiie siècle vous auriez été Gengis Khan. Au xxie vous vous bornez à blinder vos projets et à organiser vos troupes en task force afin d’affiner votre plan d’attaque pour conquérir de nouveaux marchés en menant une guerre marketing totale. En bref, vous essayez de refourguer à Jean-René de chez Carrefour des œufs de lump daubés au prix du caviar. Cerise sur le logo, comme depuis l’affaire France Telecom pousser ses salariés au suicide pour alléger les équipes est mal perçu, vous êtes obligé de suivre des tutos sur le management par la bienveillance. Et dire que Gengis, lui, avait le droit de découper au sabre ses collaborateurs récalcitrants.

A lire aussi, Elisabeth Lévy : La retraite en héritage

Un maximum de c)

L’Ambitieux. Vous trichez sur vos rendements réels pour faire passer tous vos collègues pour des glandeurs. Si vous appelez cela « susciter une saine émulation au service du collectif » et réussissez ainsi à faire passer le mensonge et le sadisme pour de la « motivation par objectifs » et de la « conduite opérationnelle participative », vous avez toutes les chances d’obtenir une promotion.

Un maximum de d)

Le Fainéant. Pour vous voir, mieux vaut aller au bas de l’immeuble que dans votre bureau, votre principale activité étant la pause clope. Mais pendant que vous faites preuve d’un dynamisme acharné tout entier voué à la destruction de vos poumons, vous ne remplissez pas votre mission. Ce n’est pas grave, de toute façon vous êtes affecté à la surveillance d’usines où il ne se passe rien. Vous avez commencé votre carrière à Bhopal et venez d’être affecté à Tchernobyl.

Olivier Babeau: la société du spectacle a encore frappé!

Notre collaboratrice, persuadée que consacrer son temps libre au iaido et non à l’usage de la télécommande dans le starting block du canapé, est socialement déterminant, s’est amusée à lire La Tyrannie du divertissement, le dernier essai d’Olivier Babeau. Il l’a apparemment convaincue. Dis-moi ce que tu glandes, je te dirai qui tu es, y apprend-on… Et à la vieille interrogation sur le sens du travail doit se substituer une autre, non moins redoutable, sur le sens du loisir, prévient l’économiste.


Le jeune Olivier Babeau s’était entendu dire par son universitaire de père : « Prends un livre et lis ». Et aujourd’hui ses deux fils sont avides de vidéos footballistiques. C’est parce qu’il balance entre deux âges qu’il livre sa réflexion sur cette voie du temps libre, car « il est urgent de mieux transmettre à tous l’art de résister à soi ».

Entre une génération qui a créé le cordon USB sur le modèle du cordon ombilical et une autre qui croit fermement que ce dernier est la base du premier, le rapport à l’écran, à la lumière qui fut bleue, les nouvelles technologies proposent un nouveau pacte faustien, comme celui que Yuval Harari avait expliqué, concernant l’agriculture, dans Sapiens.

Buchet Chastel

Le stade néolithique a permis la tripartition du temps : temps pour les autres, temps pour soi et temps pour rien. Les loisirs qui s’indexent sur ces temps sont socialement déterminants : « Les loisirs creusent aujourd’hui les inégalités de façon plus dramatique qu’autrefois. » Autrefois, c’était par la skholè et l’otium qu’on reconnaissait un bon citoyen, maintenant, c’est à son degré de consommation, comme le disent certains qui y décèlent l’origine ontologique du « crétin ». Évident pense-t-on : encore faut-il en avoir compris les principes.

Centres d’intérêt 

Il y a trois loisirs : l’aristocratique (concentré sur le rapport aux autres, il est obsédé par l’appartenance au groupe), le studieux (reposant sur la mise à distance du plaisir. Il exerce le corps ou l’esprit pour en améliorer les capacités), et le populaire, dit aussi divertissement (qui s’épuise dans l’instant et n’a pas ou très peu d’effet au-delà du plaisir immédiat). Mais Babeau n’est pas un donneur de leçons, il sait que le lièvre a autant raison que la tortue : « Chacune des trois formes est indispensable » et « une répartition idéale serait par tiers. »

La nouvelle différenciation sociale se fait donc sur l’extracurriculaire qui, comme le veut le CV-type, apparaît dans la case « Centres d’intérêt ». L’usage que chaque groupe social fait de son temps libre est déterminant puisque « le temps libre n’est pas que notre présent. Il prépare surtout notre futur. » Balzac, qui ignorait tout des hikikomoris et du métavers, eût fait des merveilles avec ce nouveau « dis-moi ce que tu glandes, je te dirai qui tu es. »

Les technologies ont garanti un plus grand temps libre. Nous abandonnons peu à peu les tâches les plus rudes, et les disputes sur le corvéable à la vaisselle se sont pacifiées grâce à la machine dédiée à la tâche. Le temps libre a gagné sans cesse en minutes, puis en heures : « En cinquante ans, ce sont 500 heures de loisirs qui sont conquises pour un travailleur moyen ! L’équivalent d’un mois de vie éveillée supplémentaire chaque année. » Vertigineux ? Angoissant ? Là est le drame du temps libre, car le seul problème existentiel reste le choix.

Alors, pour nous l’éviter, les pouvoirs publics ont accepté d’occuper ce treizième mois pour nous. « En France, rappelle Babeau, lorsque la loi de 1906 a réinstitué le dimanche chômé dans une perspective laïque, elle le fait reposer sur deux valeurs nouvelles : le repos et la famille… [les pouvoirs publics] lui substituèrent l’idée d’une nécessité d’ordre public. » Le problème se pose lorsque une famille lambda se retrouve désœuvrée le dimanche et que les parents, laissant libre cours à la responsabilité de leurs enfants, leur disent « fais ce que voudras ». Car le temps est en vue de quelque chose, de la religion, des autres ou simplement de soi, « la question du sens de l’existence se concentre dans ces moments où l’on peut faire ce que l’on veut. » « Fais ce que voudras » n’a plus le sens que Rabelais lui donnait.

Nous avons cru un temps que la culture s’était démocratisée : que la télévision mettait à la portée de tous le Trouvère de Verdi à l’opéra Bastille, que le tourisme faisait accéder chacun à Angkor et que tous, nous pourrions via la réalité virtuelle revivre sur la Terre des Pharaons.  Mais Babeau est catégorique : « La démocratisation de la culture n’a pas eu lieu. » la Télévision a érigé Cyril Hanouna en prophète et le Grand Tour, qui jadis vous emmenait dans toute l’Europe, ne consiste plus qu’à tourner en rond autour de son nombril sur l’axe de rotation d’une perche à selfie.

La paresse culturelle croît

L’occupation du loisir est donc devenue la nouvelle stratégie de différenciation des classes sociales et si l’on doute, comme Eugénie Bastié, que les classes dominantes soient toujours aussi cultivées, il est indéniable que notre vie professionnelle est en partie le résultat de la capitalisation des loisirs que nous avons eus. Le triomphe du divertissement ne touche pas toutes les classes sociales de la même façon, et c’est un choix civilisationnel qui se pose à chacun. Le « non ! » de Bérenger à la fin du Rhinocéros d’Ionesco n’est pas facile à dire…

Comme tout économiste, Babeau cède à la tentation de l’équation élégante : « inégalités = (environnement + hasard).(g+effort)». g étant le facteur intelligence, il est quasiment impossible de modifier l’environnement d’un élève et le kairos, l’occasion propice — à la Castellane, par exemple, zone à trafics des Quartiers Nord de Marseille — passe rarement… On ne peut agir que sur un seul facteur : l’effort, la volonté.

Mais voilà : la paresse culturelle croît, la révolution que la sédentarisation a permise est sur le point de se reproduire avec les écrans. Car si c’est avec eux que l’on se distrayait du travail avant le covid, c’est avec eux qu’on travaille maintenant.

Or, l’écran est par essence même le divertissement : il détourne le regard d’un endroit à l’autre, une pub par-ci détourne d’une pub par-là. Tiktok et ses chorégraphies « en mode stroboscopique » montre l’aspect kaléidoscopique de notre ennui car le vide informationnel est le méthylphénidate de notre vide intérieur.  « Le loisir distrayait du travail. Aujourd’hui le travail vient distraire d’une vie de loisir. » On comprend d’autant plus la tragédie d’une vie sans emploi…

Sens du travail et sens du loisir

Alors que faut-il pour ne pas intégrer malgré soi la fabrique du crétin ? Il faut développer notre « cortex frontal » qui peut « inhiber la compulsion de notre striadum pour le plaisir immédiat », car si « la connexion fronto-striatale » ne se fait pas, ou mal, « c’est notre capacité à résister à nous-même qui diminue » explique Gérald Bronner. Dur ? Pas tant que cela, puisqu’on apprend bien à un chien à ne pas toucher à la balle bruyante la nuit.

En revanche, l’école, avec le principe du divertissement des élèves n’est-elle pas devenue l’instrument chargé d’atrophier ce goût de l’effort, cette volonté de soi, qui était le seul levier capable d’être actionné par tous pour son propre bien futur ? À la Fabrique du crétin (J-P Brighelli) s’ajoute la Fabrique du crétin digital (Michel Desmurget) : « L’école n’est à la limite que le moment de vérification et d’épanouissement d’acquis fondamentalement préparés au-dehors », note judicieusement Babeau.

Qui arrive en classe les mains vides, n’en repart pas la tête pleine ? « La culture générale, précise l’essayiste, accomplit aujourd’hui un grand retour (pour l’instant, il est vrai, peu remarqué) dans la panoplie des armes du succès. … le XXe siècle était celui des spécialistes ; le XXIe est celui des généralistes » — sauf que de culture générale à l’école, peu de nouvelles : quand des élèves donnent comme exemple de la monarchie absolue de droit divin la décapitation de Louis XIV en 1789 par Charles Martel, on ne peut rien objecter à Babeau…

Et en pleine crise du débat sur les retraites, la lecture de cet essai permet de prendre à l’envers le débat sur l’allongement ou non de la durée de cotisation : « À la vieille interrogation sur le sens du travail doit se substituer une autre, non moins redoutable, sur le sens du loisir ». Ce n’était pas exactement ce qu’avait en tête Lafargue quand il parlait en 1880 du « droit à la paresse ».

Olivier Babeau, La Tyrannie du divertissement, Buchet-Chastel, 285 p.

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In vino veritas

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Jean Carmet "Brèves de comptoir" Image: capture d'écran Dailymotion

La France ne s’avine plus avec autant d’entrain qu’autrefois, déplore notre chroniqueur. Une affaire culturelle, sociologique?


Voilà quelques jours, le week-end dernier, une jeune Française se hissait à la quatrième place du championnat du monde des sommeliers. Ce n’est pas peu de chose. Voilà un talent qui fait honneur à notre vieux fonds culturel et patrimonial. Le vin et le pain, le pain et le vin, notre identité profonde en deux mots, en deux merveilles toutes simples.

Il n’empêche, depuis une dizaine d’années, la consommation de vin baisse en France. Au pays de Rabelais et de la Dive Bouteille, voilà qui fait un brin désordre. Parallèlement, le recours au chichon ne cesse de progresser. Au point qu’on en arrive à se demander si nos vignerons bordelais, contraints d’arracher certaines de leurs vignes – autrement dit de se couper un bras – ne devraient pas se reconvertir dans la culture du hachich, ingrédient de base du chichon dont il est question ici et qu’on veillera à ne pas confondre avec son homonyme du Sud-Ouest, savoureux d’ailleurs, mais incompatible avec le précédent puisque la viande de porc entre pour une part importante dans sa composition (Et, pour tout dire, le pinard pour une part non moins essentielle dans son accompagnement).

A lire aussi, Emmanuel Tresmontant: La Champagne, terre de cuvées

Bref, la France ne s’avine plus avec autant d’entrain que voilà quelques années encore. L’excédent menace. Les cuves sont pleines et la jeunesse – la jeunesse surtout, nous disent les enquêtes les plus fiables – bouderait le tonneau, se tiendrait résolument à l’écart du litron. O tempora O mores, comme il est dit aussi dans Astérix. Serait-ce donc au profit du chichon, en faveur de cette griserie d’importation que s’opère ce déclin ? L’affaire serait culturelle, sociologique. Nous serions confrontés à une sorte de grand remplacement pour les rites en vigueur dans les assommoirs du samedi soir après le turbin. Demeurons vigilants ! Aujourd’hui le vin – blanc, rouge ou rosé, sans distinction de couleur, ce qui doit être regardé comme exemplaire – serait menacé, chassé, répudié. In Vino Satanas ! Voilà l’anathème des temps nouveaux. Aujourd’hui le vin, donc. Et demain ? Le chichon, assurément. Je veux dire celui du Sud-Ouest, avec des morceaux de cochon dedans. On se le procurerait désormais sous le manteau et notre sommelière émérite en serait réduite à officier quelque part dans le maquis sous un nom de code.

On notera que cette guerre culturelle n’en est pas à ces premiers assauts. Le général US Coca Cola nous la mène depuis maintenant belle lurette. Cependant, nous avons à faire face à présent à une stratégie qui relève davantage de la guérilla. La menace n’en est pas moins rude. Aussi, ne serait-il pas temps de songer à entrer en résistance ? Devant un tel péril, ne doit-on pas reprendre à notre compte ce que clamait bien fort l’aviné et regretté Coluche, et brailler avec lui : Le pinard, ça devrait être obligatoire !

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Au pays des curiosités, avec Jacques Damade

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D.R.

Le nouveau livre de Jacques Damade, Du côté du Jardin des plantes, remonte aux racines du Muséum d’histoire naturelle et de son jardin botanique. Une promenade inspirante.


Jacques Damade est écrivain et éditeur. Il a fondé, il y a une vingtaine d’années, une maison d’édition assez classieuse, repérée et recherchée, les Éditions de la Bibliothèque : son catalogue affiche aussi bien Remy de Gourmont, Léon Bloy ou Villiers de l’Isle-Adam, que Bossuet, une étude sur Verlaine, une autre sur Chateaubriand, Jean Lorrain, l’abbé Raynal, Joachim Sartorius, Pierre Lartigue ou Fabrice Hadjadj. Il a, en outre, depuis une dizaine d’années, initié la collection « L’ombre animale », dédiée à un thème qui lui est cher – sans être aucunement un effet de l’époque.

Il a commencé par rééditer La Forme animale d’Adolf Portmann (que les connaisseurs comme Élisabeth de Fontenay tiennent pour un classique du genre), puis Buffon ou Pline l’Ancien (Des animaux).Et lui-même, comme écrivain, a alimenté cette collection : d’abord en consacrant un ouvrage aux Abattoirs de Chicago, puis à Darwin au bord de l’eau, qu’il prolonge aujourd’hui avec un « cabinet de curiosités littéraires » consacré au Jardin des plantes-Muséum d’histoire naturelle.

Jacques Damade est aussi l’un des connaisseurs les plus avisés de Paris. Pour les curieux, se reporter à son catalogue – en particulier, une petite merveille, Paris 1860 : les Tableaux parisiens de Baudelaire illustrés par 19 gravures du légendaire Charles Meryon (1821-1868). Il a lui-même commis un délicieux petit essai sur les Îles disparues de Paris (une dizaine d’îles encore, au temps d’Henri II).

Son dernier livre, Du côté du Jardin des plantes, conjugue deux de ses passions : Paris et le monde vivant. D’abord Paris – et le Muséum d’histoire naturelle, la fondation de sa ménagerie. Il ressuscite la figure tutélaire (et méconnue) de Bernardin de Saint-Pierre (l’auteur de Paul et Virginie), dernier intendant du Jardin nommé par Louis XVI et rédacteur, en décembre 1792, d’un « Mémoire sur la nécessité de joindre une ménagerie au Jardin national des plantes de Paris ».

Autre figure importante tirée de l’oubli : Geoffroy Saint-Hilaire, nommé à 21 ans professeur – chaire de zoologie, chargé des mammifères et des oiseaux – au nouveau Muséum national d’histoire naturelle créé en juin 1793 : « le Jardin des plantes devient (alors) le Muséum d’histoire naturelle » (l’architecture vitrée des grandes serres date des années 1830). Et on croise au fil des pages d’autres personnages illustres : Chaumette, Lakanal, Cuvier, Lacépède, Daubenton, Lamarck, etc.

Damade se balade et évoque les controverses qui ponctuent la fin du xviiie et le xixe siècle. Du côté du Jardin des plantes est un plaidoyer en même temps qu’une balade avec d’éminents compagnons : certains sont des scientifiques de laboratoire (Cuvier), d’autres (Humboldt, Geoffroy, Darwin, Wallace…) vont sur le terrain, voyagent, sont des « naturalistes-scientifiques-explorateurs » (Geoffroy fait partie des 160 savants embarqués par Bonaparte lors de l’expédition d’Égypte).

Le Jardin-Muséum restitue une vision de la science, ses collections révèlent l’état d’esprit qui a présidé à leur constitution : d’abord la curiosité, l’ouverture au monde vivant (et à son unité) : « La ménagerie de la Révolution ne distingue pas l’histoire des hommes de celle des animaux chacune de son côté, et nous montre comment elles voisinent dans un même monde. »

Cuvier (1769-1832), dans son laboratoire, ne comprend rien à Humboldt (1769-1859), le naturaliste-voyageur. Si la science moderne est « du côté de Cuvier », Damade est résolument du côté de Humboldt, et le Muséum aussi : « Le Muséum d’histoire naturelle avec sa ménagerie, ses herbiers, son accueil des explorateurs a toujours eu le souci de présenter la faune et la flore en leur extension ; sa démarche scientifique va à la rencontre de Portmann et d’Humboldt et garde ses distances envers la prééminence du moléculaire. Il privilégie l’animal vivant et la plante dans leur élément. » D’où ce livre inspiré et habité illuminé par les dessins poétiques de Vincent Puente, qui est tout à la fois l’évocation historique d’un lieu magique de Paris, et défense et illustration d’une certaine conception du monde animal, humain – en un mot : vivant.

À lire

Jacques Damade, Du côté du Jardin des plantes, La Bibliothèque, 2022.

Du côté du Jardin des Plantes

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À lire également

La première édition intégrale du fameux récit d’Alfred Russel Wallace (compère offusqué par l’ombre de Darwin), L’Archipel malais : berceau de l’orang-outan et de l’oiseau de paradis, récit de son voyage – huit ans ! – dans l’archipel indonésien. Aux éditions Plume de Carotte, 2022.

Et aussi : collectif, Manifeste du Muséum : aux origines du genre, bilingue anglais, Reliefs, 2022.

Et enfin : La Terre, le vivant, les humains : petites et grandes découvertes d’histoire naturelle (dir. Jean-Denis Vigne et Bruno David), La Découverte, 2022.

Vipère!

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Odin Lund Biron et Alena Mikhailova "La femme de Tchaikovski" (2023) de Kirill Serebrennikov © Bac Films

L’affiche du film, « La femme de Tchaïkovski », montre un beau couple en costume d’époque, qui s’embrasse tendrement. Image trompeuse !


Car dans la séquence du film dont celle-ci est extraite, Tchaïkovski (dans le rôle, Odin Lund Biron, fidèle compagnon de route du cinéaste et metteur en scène d’opéra et de théâtre) souffle à son épouse: « Vipère ! »  –  et jamais leurs lèvres ne se joindront. 

Bac Films

Enfer conjugal

Dernier opus de Kirill Serebrennikov, (cf. les films Leto, La fièvre de Petrov ; le très mémorable Parsifal de Wagner, au Staatopera de Vienne en 2021 ; ou encore la pièce de Tchekhov Le Moine noir, en juillet dernier dans la Cour d’honneur d’Avignon…) La femme de Tchaïkovski n’a rien d’un biopic célébrant, en chromo façon Hollywood, la vie sentimentale du grand romantique russe, sur fond sonore de Casse-Noisette, du Lac des cygnes, d’Eugène Onéguine ou de La Dame de pique :  à travers le récit abrupt d’un mariage catastrophique, et de l’enfer conjugal qui s’ensuit, c’est plutôt un brûlot contre les injonctions de la morale publique.

A lire aussi, du même auteur: Nuit d’amour beur

Piotr Illitch Tchaïkovski l’a effectivement vécu, cet enfer. Cédant aux instances d’une jeune apprentie pianiste qui s’est entichée de lui, il consent, de guerre lasse et sur la promesse d’une dot confortable qui n’arrivera jamais, à se marier avec la jeune Antonina Milivkova (campée ici par la très belle Alyona Mikhailova), couverture idéale pour donner libre cours à ses tendances d’inverti notoire, peu compatibles avec la paix du foyer. La relation ne tarde pas à se dégrader. Mais la flamme de l’épousée ne s’éteint pas pour autant. Elle s’obstine. La haine de l’époux à son endroit attise encore son idolâtrie. Séparation. Tractations méandreuses pour un divorce auquel se refuse catégoriquement cette hystérique qui se consume à aimer le seul homme qui l’exècre. A mesure que croît la gloire du compositeur s’affirme son rejet de cette sangsue: vertige délétère, sur fond de rumeurs quant aux mœurs du compositeur, exclusivement porté sur les garçons au vu et au su de ses protecteurs, tel le grand prince Sergueï Romanov (historiquement, faut-il le rappeler, le plus proche conseiller du tsar Alexandre II), dépeint non sans humour, dans le film, sous les traits d’une « folle » chamarrée haute en couleur.  Gagnée par l’érotomanie et saisie bientôt d’une folie asilaire, Antonina donne en outre naissance à trois enfants illégitimes, qu’elle abandonnera à l’orphelinat et qui tous mourront en bas âge… Vive la famille !

Pas un film « historique »

L’image du film, volontiers ténébreuse et sans irisations, d’un chromatisme sombre tirant vers le sépia, évacue sciemment l’éclat architectural de Saint-Pétersbourg, dont la toile de fond ne dévoile, dans la pénombre mordorée des chandelles et des lampes à huile, que le clair-obscur ornementé de ses salons aristocratiques, où la conversation mondaine passe tout naturellement du russe au français dans une même phrase… Avec une grande intelligence scénaristique, La femme de Tchaïkovski esquive avec soin le kitch de l’illustration musicale. Au point que la riche bande-son du film trame, en savantes superpositions mélodiques, bien des motifs de la musique de Tchaïkovski, mais sans en citer jamais formellement aucun extrait. C’est que la véracité archéologique n’est pas du tout l’affaire de Serebrennikov : il se fiche éperdument de faire un film « historique », portrait en pied du plus populaire des compositeurs russes.  

Si le mot « homosexualité n’est jamais prononcé une seule fois dans les deux heures et demi que dure La femme de Tchaïkovski, ce n’est pas seulement en vertu de l’anachronisme, évident dans le contexte de la Russie impériale du second XIXème siècle – d’où cette scène où l’on tente d’expliquer à Antonina que son mari est un… « bougre », terme dont le sens paraît échapper à l’entendement de la dame – mais, plus profondément, parce que l’intention est toute autre. Immense artiste, opposant déclaré au régime de Poutine, exilé de Moscou après avoir été un temps emprisonné puis assigné à résidence, Serebrennikov, qui a désormais pris souche à Berlin, transpose probablement dans la figure d’un Tchaïkovski harcelé par cette passion délirante et honnie, l’idéal du génie solitaire, travaillant à se libérer des assignations de la morale publique. D’où cette scène du film, étonnante entre toutes, où s’exhibe à l’écran, dans leur nudité superbe, une cohorte de beaux garçons, leurs académies glorieuses offertes à la volupté.

Le projet du film remonte à 2014. Mais le scénario de Serebrennikov n’a pas eu l’heur de plaire aux autorités de la Sainte Russie, lesquelles ont préféré remettre la célébration du compositeur entre les mains de Yuri Arabov, le scénariste d’Alexandre Sokourov, pour un biopic bien-pensant et inexportable, où les préférences sexuelles avérées de Tchaïkovski passent à la trappe. La guerre en Ukraine ayant eu raison de Limonov, adaptation du roman d’Emmanuel Carrère que le cinéaste s’apprêtait à tourner à Moscou, Serebrennikov a résolu de remettre La Femme de Tchaïkovski sur le chantier. Pour un interlude,  un sacré morceau !    

La femme de Tchaïkovski. Film de Kirill Serebrennikov. Avec Odin Lund Biron, Alena Mikhailova. Durée : 2h23. En salles le 15 février.

Dechavanne: le nouveau roi de l’infotainment?

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Christophe Dechavanne sur TF1 en 2015 © Jean-Marc SUREAU/TF1/SIPA

Quelle époque! Christophe Dechavanne comes back. The show must go on… Chez Léa Salamé, le samedi soir sur France 2, où il est un exceptionnel “invité permanent”, il gratifie son auditoire de bribes de phrases tantôt inaudibles, tantôt incompréhensibles.


Homme de radio et surtout de télé, son dynamisme et son sens de la répartie lui permettent de devenir dans les années 80/90 un des animateurs parmi les plus recherchés dans le milieu médiatique. De Ciel, mon mardi ! à Coucou c’est nous !, Christophe Dechavanne participe au succès de TF1, la chaîne qui, au dire de son cynique président de l’époque Patrick Le Lay, vend à Coca-Cola du temps de cerveau humain disponible. La ménagère de moins de 50 ans est folle de ce sémillant animateur, affirment alors les marchands de pub. Entre 1988 et 1992, les parts d’audience de ses émissions faites pour divertir les Français ne désirant que s’abrutir se détendre après une dure journée de labeur, atteignent des scores jamais vus, jusqu’à 60 % de parts de marché. En même temps que les parts d’audience, la tête de « Cri-cri » se met à gonfler, et l’animateur exige que TF1 lui octroie la case du jeudi soir à la place des séries qui assurent pourtant le succès de la chaîne depuis des années. Badaboum ! Sa nouvelle émission intitulée Tout le toutim est une catastrophe et le public va voir ailleurs s’il y est ; TF1 décide d’arrêter les frais et de revenir à la grille initiale ; Dechavanne poursuit TF1 en justice avant de se rabibocher avec la chaîne qui lui donne une nouvelle chance. Patatras ! Michel Drucker sur France 2 fait de meilleures audiences que Dechavanne. Le Lay est furieux et traite ce dernier « d’accident industriel ». Après plusieurs émissions qui sont autant d’échecs et quelques apparitions sporadiques dans des « soirées spéciales », l’animateur disparaît des radars télévisuels.

Dechavanne demande l’asile sur le service public

En 2019, Dechavanne se lâche dans Le Parisien. TF1, dit-il, l’a placardisé. Pourtant il ne manque pas d’idées. Vingt fois, affirme-t-il, il a proposé à la chaîne une « grande soirée sur l’écologie baptisée “Demain vous appartient” ». Sans succès. Il est obligé de le reconnaître: « Un homme blanc de 61 ans, ce n’est pas ce qu’on recherche à la télé. » Les mois passent mais Dechavanne ne désarme pas. Décidé à faire son come-back, il lance un appel au service public: « Que la direction me fasse passer des castings. Je n’ai aucun problème d’ego. Ou alors, qu’elle lance une étude pour demander aux téléspectateurs si j’ai ma place sur le service public. » La présidente de France Télévisions, Delphine Ernotte, a beau avoir déclaré qu’il y avait trop d’hommes blancs de plus de 50 ans à la télévision, Léa Salamé la rebelle passe outre et demande à Christophe Dechavanne de bien vouloir devenir « l’invité permanent » de sa nouvelle émission sur France 2, Quelle époque ! L’animateur accepte et, raisonnable, promet de ne pas faire d’ombre à la journaliste-animatrice : « Léa sera la boss. je ne serai pas loin d’elle, avec mon tempérament et mes engagements », affirme-t-il à Télé-Loisirs. Assagi, le « ch’ti pépère » de 65 ans a de toute manière des engagements écologistes, progressistes et sociétaux qui ne risquent pas de le mettre à mal avec sa nouvelle patronne. 

Je n’avais pas encore vu l’émission en question. Il faut dire que le mélange des genres inhérent à ces émissions dites d’infotainment n’a vraiment rien d’attrayant. Ma curiosité a toutefois été aiguisée par l’annonce d’un débat sur l’immigration entre Marlène Schiappa et Marion Maréchal devant avoir lieu dans l’émission du 4 février que j’ai par conséquent regardée. Isabelle Larmat a très justement décrit l’ambiance et le ton de ce « talk-show spectaculaire, drôle et festif » qui permit surtout à un humoriste pas drôle de France Inter (pléonasme) de faire la gueule pendant deux heures en donnant des leçons de morale, à un curé progressiste, écrivain à ses heures, Philippe Besson pour ne pas le nommer, de postillonner des contre-vérités sur l’immigration, à une Secrétaire d’État de dodeliner de la tête en prenant des airs de vierge effarouchée à chaque prise de parole de son adversaire politique. Quant à Christophe Dechavanne, il distilla entre deux somnolences de rares réflexions composées de bribes de phrases tantôt inaudibles, tantôt incompréhensibles.

Génial et torride Christophe Dechavanne

Pourtant, Léa Salamé, après s’être trémoussée sur une musique rythmée et avoir chauffé la salle d’un « Comment il va le public ce soir ? » digne d’un spectacle de sosies de Johnny Hallyday, nous avait promis un « génial et torride Christophe Dechavanne ». Déçus, nous vîmes et entendîmes ce soir-là un animateur un peu fatigué, aussi torride qu’une soirée d’hiver dans le désert de Gobi et aussi génial que Marlène Schiappa avec laquelle il tomba d’accord pour dire que les migrants sont « aussi des êtres humains ». Nous pensâmes même l’avoir complètement perdu lorsqu’il reprocha à Marion Maréchal de « toujours tout ramener à l’immigration », oubliant visiblement, comme le lui fit gentiment remarquer la vice-présidente de Reconquête, que l’unique sujet du débat était à ce moment-là… l’immigration. Après ce coup d’éclat raté, l’invité permanent de Léa Salamé plongera dans une sorte de torpeur dont il ne sortira qu’à la toute fin de l’émission (voir ci-dessous).

Tout ça pour dire que Christophe Dechavanne, s’il est opportuniste, n’est pas un mauvais bougre. Après avoir visionné ses autres interventions dans l’émission susnommée sur France 2, je peux affirmer que l’animateur a parfaitement intégré l’esprit actuel de la télévision publique, idéologiquement de gauche. En face de Jordan Bardella, il s’est comporté comme il fallait, avec la mine défaite et le ton accablé de l’humaniste confronté au Mal. Avec François Ruffin, il l’a joué roucoulade et sérénade. Il y a bien eu un léger accrochage avec Christiane Taubira mais comme (presque) plus personne ne peut piffrer cette insupportable Castafiore de la politique, cela n’a pas porté à conséquence. Par ailleurs, Christophe Dechavanne réalise en ce moment des podcasts pour lesquels il n’a invité ou n’invitera, dit-il, que des gens qu’il aime bien, comme… Marlène Schiappa, et… François Hollande, et aussi… Raphaël Gluksmann. Ce dernier choix ne peut pas nuire à sa nouvelle carrière (!)

Christophe Dechavanne est à l’image de cette émission d’infotainment qui, comme toutes les émissions d’infotainment, ricane sur des sujets sérieux et disserte sur des sujets risibles. Avec l’âge, l’animateur jadis survolté a trouvé une forme de sagesse opportuniste qu’il met à profit pour débiter des truismes dans l’air du temps entre deux bâillements. Mais méfiance, le trublion qui sommeille en lui peut resurgir à tout moment, la preuve : à la fin de l’émission de samedi dernier, Dechavanne s’est soudain réveillé, est monté sur ses ergots fatigués et a lancé un appel solennel aux… pharmaciens. Non, leur a-t-il dit, il n’est pas vrai que les grossistes-répartiteurs manquent de préservatifs. Les pharmaciens doivent donc insister pour se faire livrer les préservatifs qu’ils pourront remettre gratuitement aux « mineurs de 16 à 26 ans » (sic) qui, de leur côté, ne doivent pas craindre de venir réclamer leur dû – « ça évitera beaucoup d’emmerdements, y compris des grossesses chez les mineures ». Cette scène pathétique a été l’apogée de la prestation de Dechavanne qui n’est plus que l’ombre de l’animateur rigolard et déjanté des années 90. Finis les grimaces, les bruits de pet et les mauvais jeux de mots. 

Pour continuer de vivoter dans le milieu médiatique, en particulier celui du service public, l’animateur a adopté sans hésiter une nouvelle manière, plus vicelarde, d’abrutir les masses : bienvenue aux prêchi-prêcha gauchisants, aux sermons progressistes et aux débats qui n’en sont pas. Bienvenue dans cette époque – et quelle époque !

Les cocos soutiennent les cathos

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D.R.

Un journal mexicain de gauche, dans lequel Fidel Castro a publié des articles de 2007 à 2012, est adepte de la théorie du grand remplacement!


Épais quotidien mexicain, La Jornada n’a rien d’un repaire d’antimarxistes. Résolument hostile à l’atlantisme, il est toujours prompt à voler au secours du régime cubain. Dans un article nommé « Francia se inquieta », en date du 10 janvier, La Jornada dénonce l’immobilisme du Vatican face à la déchristianisation de la France. « Les attaques d’églises catholiques se succèdent sans qu’il y ait de réaction, alors que la moindre attaque d’une mosquée ou d’une synagogue provoque l’indignation générale », y écrit l’auteur mexicain Vilma Fuentes.

Parisienne d’adoption, on lui doit notamment le roman Les Greffiers du diable qui traite de l’implication du pouvoir mexicain dans le trafic de drogue. Après avoir dénoncé les ravages de la culpabilisation au sujet de l’évangélisation du Nouveau Monde, le règne du politiquement correct et l’état du catholicisme en France, l’écrivain y va franchement : « Le pape François semble croire que le grand remplacement est le seul avenir possible en Europe : la disparition du christianisme dans un continent peuplé d’islamistes. » Les ligues de vertu vont-elles accuser le journal favori de Fidel Castro de virer fasciste ? Ce sera difficile : de 2007 à 2012, des dizaines de tribunes du Lider Maximo y ont été publiées dans la rubrique « Reflexiones de Fidel Castro ». « En cette époque de démolition de la culture française et de la civilisation occidentale, laquelle ne pourrait être empêchée de s’étendre à d’autres continents en raison du caractère conquérant de l’islamisme, il serait nécessaire, si nous voulons survivre un peu plus […], de méditer une phrase de Paul Valéry : “Nous, civilisations, savons que nous sommes mortelles” », prévient Vilma Fuentes en guise de conclusion. C’est ce qu’on appelle nommer un chat un chat. Si même les soutiens de Cuba se mettent à incommoder la gauche olfactive, ne serait-il pas temps de nommer les choses telles qu’elles sont par chez nous, camarade ?

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Il faut parler d’un autre fiasco que celui du Stade de France

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Saint-Denis, 28 mai 2022 © Christophe Ena/AP/SIPA

Je parle de ces peines qu’on n’exécute pas…


Je ne me faisais aucune illusion: je connais trop bien les dysfonctionnements français pour être surpris par les faillites qui nous accablent. À propos du fiasco du Stade de France, un rapport cinglant dénonce une gestion calamiteuse tenant à la fois à un amateurisme ministériel et à une hiérarchie policière de ce fait dépassée. Nous avions raison de nous révolter. Notre pays a été sali nationalement et internationalement, cette honte n’a pourtant pas entraîné la moindre sanction.

Une étude peu reprise dans les médias

Un autre fiasco encore plus dévastateur, car structurel, a été porté à notre connaissance mais il a très peu ému l’opinion publique parce que l’information médiatique a été très chiche pour l’annoncer. Seuls le Figaro et CNews ont accompli correctement leur mission. Parce que, comme c’était essentiel, il convenait de ne pas trop en parler. Une perversion due à une absurde hiérarchisation des problèmes. Il ne suffit pas que les mauvaises nouvelles soient vraies : encore faut-il que le messager qui nous les apprend soit accepté par les gardiens de l’humanitairement et judiciairement correct.

L’Institut pour la Justice (IPJ) n’appartient pas à la catégorie des instances respectables pour le progressisme empli de mansuétude envers les multiples transgressions qui ne l’affectent pas. L’IPJ, il est vrai, n’éprouve de sollicitude que pour les victimes et s’obstine à déplorer la faiblesse ciblée d’une justice pénale dont les citoyens comprennent de moins en moins les décisions: dure avec les modestes, frileuse ou laxiste avec les violences en nombre, commises à un âge de plus en plus précoce.

A lire aussi: Prison: le plan A

Quelles sont donc ces données que l’étude de l’IPJ a communiquées et qui mettent le désastre en évidence ?

D’abord une véritable industrialisation des aménagements de peines de prison ferme. Entre 2016 et 2020, seulement 59% des condamnés à une peine de prison ferme ont été effectivement incarcérés. Le ministère de la Justice juge cohérent ce chiffre « correspondant à la part d’aménagement de peine qui regroupe la semi-liberté, les placements extérieurs ou l’usage du bracelet électronique apparu en 1997 sous Chirac et Jospin et qui a connu son essor sous Nicolas Sarkozy ».

Un peuple français qui attend, agacé

Il y a donc une schizophrénie constante entre l’attente populaire qui légitimement souhaite l’effectivité de la prison quand les cours l’édictent, et les pouvoirs de droite comme de gauche qui font tout pour la rendre autant que possible symbolique – tout en prétendant l’appliquer.

Cette contradiction explique pourquoi des multirécidivistes sortent bien avant le terme de leur incarcération avec le renouvellement, de ce fait, de délits ou de crimes qui indignent les citoyens. Un exemple fourni par un procureur mentionne le cas d’une personne ayant renversé et gravement blessé une douanière : « Cinq bracelets électroniques, un sursis libre, une libération conditionnelle, autant d’aménagements qui ont pour but la réinsertion (…) et voilà le résultat: une douanière qui aurait pu être tuée ».

A lire aussi, du même auteur: Sihem: une mort dans les règles?

Il est extraordinaire qu’on ne s’élève pas contre cette aberration qui permet un aménagement ab initio pour les peines de moins d’un an : le jugement d’un tribunal correctionnel édictant une peine ferme peut ainsi, contre toute logique, être dénaturé. Ce qui est évidemment de nature à discréditer les magistrats « initiaux ». On aboutit à des statistiques trompeuses: s’il y a eu une augmentation de 70% des peines de prison ferme entre 1999 et 2019 – de 55 000 à 93 000 -, elle est à relativiser puisque la faillite de l’inexécution est structurelle et rend caduque cette sévérité apparente. Enfin, en 2020, 8% des peines d’emprisonnement restaient inappliquées cinq ans après leur prononcé – soit 10 000 peines chaque année.

Ce tableau sombre montre un paradoxe qui devrait susciter une réforme politique radicale. Que penserait-on d’une entreprise, d’un service public, d’une institution dont la finalité suprême serait sans cesse mise à mal ? Le pire évidemment. C’est pourtant ce qui affecte gravement le système pénal et l’univers pénitentiaire. Face à ces dysfonctionnements structurels, est-il permis de s’interroger ? Au mois de juillet 2022, 65 % des Français estimaient que « les juges ne sont pas assez sévères ». Cette accusation de faiblesse est exagérée mais je suis persuadé que notre démocratie est ainsi faite – c’est l’un de ses vices – que ce que réclame le peuple n’est jamais le bienvenu… De quoi se mêle-t-il donc alors que le pouvoir, lui, sait ? Mais pour le pire…

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Les entrepreneurs montrés de l’index… senior!

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Manifestation contre la réforme des retraites, Paris, 19 janvier 2023. © OLIVIER CHASSIGNOLE/AFP

Réforme des retraites. Dans les seules nouvelles propositions vraiment concrètes évoquées par la Première ministre, Elisabeth Borne, on trouve le projet de « sanctions » des entreprises ayant de « mauvaises pratiques » dans l’emploi des séniors (une taxation supplémentaire !). Sans compter – si l’on peut dire – les ruptures conventionnelles, que le gouvernement entend également taxer davantage.


Dernière minute ! Coup de théâtre, hier soir, à l’Assemblée nationale. Les députés ont rejeté l’article créant un « index seniors » dans les entreprises par 256 votes contre 203. Cet index visait à inscrire le nombre d’employés seniors, et les actions de l’entreprise mises en œuvre pour favoriser leur emploi…

Le gouvernement, continuant dans le régime amendes et contraintes supplémentaires, se met peu à peu à dos tous les entrepreneurs de France. Même si nous n’avons pas franchement la mentalité manif’ et encore moins grève, est-ce bien le moment ? On peut comprendre la finalité, mais la politique de la taxe et de la pénalité rend les entreprises véritablement hostiles à ces pickpockets surentraînés ! Le gouvernement veut absolument innover, pour calmer la colère qui gronde. Pour cela, quoi de mieux que de rétablir une pseudo injustice, en s’attaquant aux entreprises ? À qui d’autre s’attaquer, d’ailleurs ? On nous demande déjà d’augmenter nos salariés mais aussi de les rendre actionnaires de nos entreprises, le tout en travaillant moins…

Au moment où l’Assemblée nationale se bat sur des sujets importants mais hélas avec des objectifs exclusivement politiques, que ce soit sur le partage de la valeur ou des retraites, les entrepreneurs qui ont des propositions, ne sont écoutés que d’une oreille et seulement par quelques parlementaires motivés. Personne en revanche ne se pose plus vraiment la question des régimes spéciaux. Pourquoi donc part-on à la retraite à 56,81 ans (très précisément !) à la RATP ?

Les propositions alternatives de Sophie de Menthon

Il est donc important de redonner concrètement des pistes, sur la façon de garder le plus longtemps possible les seniors dans l’entreprise. C’est une préoccupation des patrons, qui fait l’objet de recherches appliquées, en particulier au sein du mouvement ETHIC.

Voici des mesures efficaces et pragmatiques :

  • Supprimer inévitablement le principe des pré-retraites à Pole Emploi, tentation vertigineuse aussi bien pour les employeurs que pour les salariés (« puisqu’on y a droit ! »).
  • Mettre au point des formations flash, pour le secteur tertiaire en particulier, sur la maîtrise du digital (c’est prioritaire !).
  • Accepter le principe de mi-temps dégressifs sur deux ou trois ans, et sur mesure, en accord avec les entreprises et les salariés avec formation tandem interne des juniors, par exemple.
  • Aménager des formations complémentaires, incluses dans les emplois du temps (informatique, réseaux sociaux, formation des seniors sur la digitalisation…), dès 40 ans.
  • Travailler sur la question du salaire plus élevé des seniors, dont une partie pourrait être compensée par une baisse de cotisations.
  • Vraiment prendre en compte la pénibilité des emplois, et prévoir une deuxième carrière pour les seniors, dès l’apprentissage, pour les métiers les plus physiques. Rien ne sert de le dire si ce n’est pas immédiatement intégré dans les cursus d’apprentissage !
  • Créer un CDD de cinq ans, renouvelable, réservé aux seniors à partir de 58 ans avec charges allégées, pour inciter à leur recrutement. Il faut savoir, toutefois, que plus l’âge de la retraite est reculé, plus on recrute des salariés plus âgés (cela se vérifie dans tous les pays d’Europe).
  • Dans un autre ordre d’idées, il faut veiller à alléger le contexte général de l’emploi. Ainsi, lorsqu’un salarié a eu un accident dans sa carrière, le report de l’inaptitude sur le dernier employeur est injuste : la dernière entreprise n’a pas à subir seule financièrement la prise en charge de toute une vie d’un travailleur malade ou fragile…

Le travail c’est la santé !

Et puis, il faut redonner le goût du travail avec un discours politique et un discours entrepreneurial dès l’école. Or le glissement vers le confort, la paresse, le temps libre, la redondance de l’accusation de « pénibilité » (pour un peu c’est le retour à Zola) devient une intoxication nationale. Que dire devant des assertions telles que « il ne faut pas perdre sa vie à la gagner ! ». Comme le dit Luc Ferry : « La disparition de la foi religieuse fait que le paradis qu’on gagnait dans l’au-delà se trouve désormais dans la promesse d’une retraite miraculeuse ! »

Enfin, laissez travailler plus longtemps ceux qui le veulent ! Question de bon sens qui ne doit pas être très difficile à appliquer. À l’hôpital, nos meilleurs médecins, à la longue expérience, n’ont pas le droit de continuer à exercer ! Un philosophe de 72 ans ne peut pas non plus donner un cours à la Sorbonne, alors qu’il en donne à travers toute la France dans le privé, moyennant finances… Le comble c’est de vouloir faire travailler les gens plus longtemps et « en même temps » de l’interdire à ceux qui veulent de le faire.

Un désert d’objectivité et de bonne volonté…

Il faut aussi arrêter à tout prix de désigner les entrepreneurs qui réussissent, en têtes de turcs de tous ceux qui n’ont pas un pouvoir d’achat suffisant. Il semble que tout raisonnement sain soit écarté au profit de querelles idéologiques dont l’entreprise est hélas le cœur.

Le spectacle de l’Assemblée nationale est navrant, et devient le socle d’une forme de décadence de notre pays. Des vociférations, des huées, des contradictions, des guéguerres !

Un exemple désastreux pour les citoyens que nous sommes tous, et évidemment pour beaucoup de salariés qui font en réalité grève contre ceux qu’ils ont élus plutôt que contre une réforme qu’ils ne comprennent pas de toute façon.

Le redressement de la France passe par l’entreprise, c’est sa colonne vertébrale, quelle que soit sa taille ou son secteur d’activités. Va-t-on enfin le comprendre ? Il est presque trop tard…

La douteuse exemplarité de la Grande Mosquée de Paris

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Mosquée de Paris

Interrogé sur l’antisémitisme de certaines de ses ouailles, Chems-Eddine Hafiz dénonce une méconnaissance de l’islam.


Interrogé par Mohamed Bouhafsi sur RTL dans Focus Dimanche, le recteur de la Grande Mosquée de Paris a été amené à aborder, entre autres, le sujet des relations entre musulmans et juifs, et a alors déclaré : « la Grande Mosquée de Paris a toujours donné l’exemple. » Le lecteur en jugera, en se référant à des textes qui, il y a quelques années, se trouvaient sur le site internet de la Grande Mosquée de Paris (cf. la fin de cet article).

Deux remarques préalables sur ce que dit Chems-Eddine Hafiz à propos de Moïse. Il affirme que si un musulman dit « sale juif » à un juif, il s’insulte lui-même puisque l’islam reconnaît Moïse comme un prophète, et donc que « si vous vous attaquez aux personnes qui croient en Moïse, c’est-à-dire les juifs, vous êtes en train de commettre un acte anti-musulman, contre vous-même, c’est ça qu’il faut expliquer. » Et il impute les comportements répréhensibles de certains musulmans au fait que « les musulmans ne connaissent pas leur religion ».

Première remarque : si c’est réellement ce dont le recteur veut convaincre ses fidèles, alors sa tentative de désamorcer l’anti-judaïsme de l’islam est peut-être bien intentionnée mais totalement contraire aux enseignements de l’islam depuis des siècles, et de ce fait bien fragile. En effet, pour l’islam Moïse était musulman, et non pas juif, le judaïsme étant une falsification ultérieure des enseignements de Moïse, falsification que l’islam est venu rectifier pour rétablir le véritable message des prophètes successifs du dieu unique, d’Abraham à Jésus en passant par Moïse. Le christianisme, d’ailleurs, n’est qu’une autre de ces falsifications, également rectifiée par l’islam. Dès lors, l’argument du recteur pourrait éventuellement « protéger » les Juifs au sens « racial » du terme, mais malheureusement pas les juifs au sens de « ceux qui croient à la religion juive », ce qu’il semble pourtant avoir en tête en évoquant les « personnes qui croient en Moïse, c’est-à-dire les juifs. »

Deuxième remarque : Chems-Eddine Hafiz accuse les musulmans pour tenter d’innocenter l’islam (d’ailleurs, ne se livre-t-il pas très exactement à une généralisation du genre de celles qu’il reprochait à Houellebecq ?). Une fois de plus, il veut éviter à sa religion les très sévères critiques qu’elle mérite, et qui doivent impérativement lui être faites faute de quoi les « germes du mal » qui « sont dans les textes », pour citer Abdelwahab Meddeb, ne cesseront jamais de donner de nouvelles pousses empoisonnées. Je ne spéculerai pas sur les raisons de cette esquive systématique que pratique le recteur. Notons simplement qu’il est douteux qu’il parvienne à convaincre ses ouailles que les auteurs du Coran ne connaissaient pas leur religion…. à moins qu’il soit prêt à remettre en cause le dogme du Coran éternel et incréé, parole d’Allah dictée verbatim par Jibril/Gabriel et rapportée puis transmise avec une parfaite exactitude par le prophète de l’islam et ses disciples ? Ce serait salutaire, mais qu’il le dise clairement ! Faute de quoi, son silence ressemblera désagréablement à du « cépaçalislam », une volonté de convaincre les non-musulmans de baisser la garde pour pouvoir continuer impunément à proclamer parole divine un livre dans lequel il est écrit, par exemple (sourate 9, verset 30) : « Les Juifs disent « Uzayr est fils d’Allah » et les Chrétiens disent « Le Christ est fils d’Allah ». Telle est leur parole provenant de leurs bouches. Ils imitent le dire des mécréants avant eux. Qu’Allah les anéantisse ! Comment s’écartent-ils (de la vérité) ? »

Sans parler bien sûr de certains hadiths suintant la haine des juifs, traditionnellement considérés comme authentiques, qui font donc partie intégrante de ce que l’islam sunnite des quatre madhhabs orthodoxes présente à ses fidèles comme références pour guider leurs vies.

Quant au fait que la Grande Mosquée de Paris aurait « toujours donné l’exemple », remontons simplement à ce que je constatais et exposais en 2017. Les citations que je rapportais alors dans un article parlent d’elles-mêmes. Elles ont depuis, et heureusement, été retirées du site internet de la Grande Mosquée de Paris, mais jettent un éclairage parlant sur l’exemplarité passée de cette institution….

Quel type de travailleur êtes-vous?

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Les 7 nains rentrent de la mine, Disney 1937 © MARY EVANS/SIPA

Dans l’univers impitoyable du travail, on trouve des collègues populaires, des meneurs d’ordre, des ambitieux et des fainéants. Pour progresser, mieux vaut connaître ses défauts et ses qualités.


1. Si vous étiez un employé ou un numéro 2, vous seriez :

a) Tullius Détritus dans La Zizanie. Vous savez instaurer des relations de respect mutuel qui rappellent les meilleures heures d’un congrès socialiste, vous avez d’ailleurs donné récemment votre mesure en coachant la dernière élection du chef du parti. Quand on sait que, pour vos dernières vacances, vous avez fait un road trip en Russie et en Ukraine, on comprend mieux pourquoi Xi Jinping vous a offert un voyage à Taïwan et Recep Tayyip Erdogan, un séjour en Grèce.

b) Pépin le Bref. Vous êtes le P’tit Pimousse de l’histoire de France. Petit, mais costaud. Votre n+1 est un roi fainéant. Un tantinet maniaque, vous n’hésitez pas à ramasser le sceptre qu’il laisse traîner un peu partout. De là à le garder…

c) Iznogoud, le Poulidor du putsch, toujours partant, jamais vainqueur. Vous illustrez parfaitement l’adage qui distingue obligation de moyens d’obligation de résultat : malgré l’énergie certaine que vous mettez dans votre projet d’ascension sociale par le crime, la société ne vous offre pas la reconnaissance espérée et la réussite vous fuit.

d) Prince Harry, duc de Sussex. Passe encore que vous ne serviez à rien tout en coûtant une blinde à votre famille, mais faut-il vraiment que vous soyez aussi geignard ? Un peu de dignité que diable, pensez à votre oncle Andrew !

A lire aussi, Céline Pina: De quoi le rejet de la réforme des retraites est le nom

2. Si vous étiez un grand guerrier, vous seriez :

a) Attila. Vous aussi êtes né pour être un killer, un « cost killer ». Devant vous la ressource humaine tremble et la masse salariale se rétracte. Hélas, point de horde de Huns pour vous aider à mener à bien votre mission salvatrice de délocalisation de la production au fin fond de la Papouasie. Personne pour vous aider à lutter contre le « quiet quitting » qui frappe notre jeunesse amollie dans le confort, en mettant les enfants au travail dès 5 ans pour leur apprendre la vie. Incompris, vous êtes seul et haï, mais votre fiche de paye affiche quatre zéros et votre femme a vingt ans de moins que vous, votre secrétaire aussi.

b) Jeanne d’Arc. Vous êtes la reine de la candidature spontanée et du lancement de carrière fulgurant. De bergère à général en un coup gagnant. Malheureusement vous connaissez des difficultés à l’international et avez du mal avec la filière anglo-saxonne. Méfiez-vous, vous pourriez vous y brûler les ailes.

c) Napoléon. Vous êtes un homme qui sait saisir les opportunités et bousculer le destin. Malheureusement vous ne vous épanouissez que dans le conflit et avez du mal à évoluer dans un cadre européen en respectant la souveraineté territoriale de vos partenaires.

d) Gaston Lagaffe. Vous n’êtes pas paresseux, c’est juste que votre créativité est incomprise de béotiens productivistes aux ambitions triviales et bassement matérialistes.

3. Si vous étiez un loser, vous seriez :

a) Hubert Bonisseur de La Bath dans OSS 117. Vous êtes particulièrement débile, mais encore plus chanceux. Toutes vos initiatives tournent à la catastrophe, mais ce sont vos partenaires qui en payent le prix. Alors pourquoi changer ? Hasta la vista, baby !

b) Jean-Claude Dusse dans Les Bronzés. Vous y croyez pourtant, vous ne ménagez pas vos efforts mais rien à faire, vous ne concluez pas. Allez, dites-nous tout, vous êtes commercial chez Dassault Industries et essayez de vendre des Rafale à nos amis européens ?

c) Cruella d’Enfer. Vous avez plus de charisme que les 101 dalmatiens et leur maître réunis mais voilà, vous êtes un méchant de dessin animé, donc condamné à perdre. Reconvertissez-vous dans le cinéma pour adulte, dans Orange mécanique, c’est le méchant qui gagne à la fin !

d) Bridget Jones. Bon, vous n’êtes pas le couteau le plus affûté du tiroir et vous passez trop de temps sur Tinder au boulot, mais vous savez donner de votre personne. Évitez juste de la donner à votre n+1, personne ne croira en votre mérite, mais tout l’open space dira que votre soutien-gorge vous sert de cordée.

4. Si vous étiez une entreprise, vous seriez :

a) Krupp. Une sympathique entreprise familiale, appuyée sur des valeurs traditionnelles : antisémitisme, exploitation de déportés, soutien au régime nazi… D’ailleurs vous avez même eu les honneurs du cinéma, Les Damnés de Visconti vous servent d’album de famille. De quoi donner envie d’élaguer son arbre généalogique. Justement le film vous fournit le mode d’emploi.

b) Apple. Votre ado passe son temps dans votre sous-sol avec un copain binoclard et boutonneux, et quand vous les espionnez cela ne sent pas la marijuana à plein nez. Vous avez peut-être touché le gros lot et pondu le nouveau Steve Jobs. Vous vous en doutiez un peu, il présente la liste des courses sous forme de Keynote et organise des brainstorming avec la perruche et les acariens du tapis pour choisir le nom du chien.

c) Une start-up. Vous comptez sous-payer vos salariés, mais vous avez installé un baby-foot dans l’open space et du coup vous atteignez les sommets de la coolitude patronale. Vous organisez des « stands up meeting », des ateliers de « design thinking » et vous vous filmez la bouche en cul-de-poule sur les réseaux en expliquant à vos followers que vos employés ne travaillent pas pour vous, mais avec vous. Au final vous fonctionnez comme une entreprise traditionnelle à coups de projets mal définis, de plannings aussi ambitieux qu’irréalistes, de discours de la hiérarchie déconnecté de la réalité du terrain. Bien sûr vous prenez seul toutes les décisions et quand ça tourne mal, vous êtes victime de l’incompétence des autres. Vous êtes sûr que vous n’êtes pas Emmanuel Macron ?

d) Une entreprise de niche. Vous investissez dans l’obsessionnel militant. Un bon marché captif de personnes qui pour se distinguer choisissent de faire quand même dans le grégaire, mais minoritaire. Du coup vous avez investi sur le véganisme. Vos produits sont dégueulasses, mais vous vous marrez bien dans les séances de brainstorming pour choisir les noms. Le coup du foie gras végan rebaptisé « faux gras », qui permet de vendre cher un mixage d’huile de palme, d’amidon de pomme de terre et de tofu, est votre coup de maître. Allez, une bonne côte de bœuf pour fêter ça ?


Résultats :

Un maximum de a)

Le Toxique. Aussi populaire qu’un inspecteur du travail dans un congrès du Medef ou qu’un staphylocoque doré dans un service hospitalier, vous savez mettre de l’ambiance dans l’open space. En matière de team building, vous faites plutôt dans la démolition par explosif et la notion de bienveillance dans le management vous donne envie de dissoudre des chatons dans l’acide. Dans votre dos, on vous appelle Benito. Vous ne comprenez pas pourquoi, vous n’êtes même pas italien.

Un maximum de b)

Le Leader. Meneur d’hommes né, au xiiie siècle vous auriez été Gengis Khan. Au xxie vous vous bornez à blinder vos projets et à organiser vos troupes en task force afin d’affiner votre plan d’attaque pour conquérir de nouveaux marchés en menant une guerre marketing totale. En bref, vous essayez de refourguer à Jean-René de chez Carrefour des œufs de lump daubés au prix du caviar. Cerise sur le logo, comme depuis l’affaire France Telecom pousser ses salariés au suicide pour alléger les équipes est mal perçu, vous êtes obligé de suivre des tutos sur le management par la bienveillance. Et dire que Gengis, lui, avait le droit de découper au sabre ses collaborateurs récalcitrants.

A lire aussi, Elisabeth Lévy : La retraite en héritage

Un maximum de c)

L’Ambitieux. Vous trichez sur vos rendements réels pour faire passer tous vos collègues pour des glandeurs. Si vous appelez cela « susciter une saine émulation au service du collectif » et réussissez ainsi à faire passer le mensonge et le sadisme pour de la « motivation par objectifs » et de la « conduite opérationnelle participative », vous avez toutes les chances d’obtenir une promotion.

Un maximum de d)

Le Fainéant. Pour vous voir, mieux vaut aller au bas de l’immeuble que dans votre bureau, votre principale activité étant la pause clope. Mais pendant que vous faites preuve d’un dynamisme acharné tout entier voué à la destruction de vos poumons, vous ne remplissez pas votre mission. Ce n’est pas grave, de toute façon vous êtes affecté à la surveillance d’usines où il ne se passe rien. Vous avez commencé votre carrière à Bhopal et venez d’être affecté à Tchernobyl.

Olivier Babeau: la société du spectacle a encore frappé!

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Image d'illustration Unsplash

Notre collaboratrice, persuadée que consacrer son temps libre au iaido et non à l’usage de la télécommande dans le starting block du canapé, est socialement déterminant, s’est amusée à lire La Tyrannie du divertissement, le dernier essai d’Olivier Babeau. Il l’a apparemment convaincue. Dis-moi ce que tu glandes, je te dirai qui tu es, y apprend-on… Et à la vieille interrogation sur le sens du travail doit se substituer une autre, non moins redoutable, sur le sens du loisir, prévient l’économiste.


Le jeune Olivier Babeau s’était entendu dire par son universitaire de père : « Prends un livre et lis ». Et aujourd’hui ses deux fils sont avides de vidéos footballistiques. C’est parce qu’il balance entre deux âges qu’il livre sa réflexion sur cette voie du temps libre, car « il est urgent de mieux transmettre à tous l’art de résister à soi ».

Entre une génération qui a créé le cordon USB sur le modèle du cordon ombilical et une autre qui croit fermement que ce dernier est la base du premier, le rapport à l’écran, à la lumière qui fut bleue, les nouvelles technologies proposent un nouveau pacte faustien, comme celui que Yuval Harari avait expliqué, concernant l’agriculture, dans Sapiens.

Buchet Chastel

Le stade néolithique a permis la tripartition du temps : temps pour les autres, temps pour soi et temps pour rien. Les loisirs qui s’indexent sur ces temps sont socialement déterminants : « Les loisirs creusent aujourd’hui les inégalités de façon plus dramatique qu’autrefois. » Autrefois, c’était par la skholè et l’otium qu’on reconnaissait un bon citoyen, maintenant, c’est à son degré de consommation, comme le disent certains qui y décèlent l’origine ontologique du « crétin ». Évident pense-t-on : encore faut-il en avoir compris les principes.

Centres d’intérêt 

Il y a trois loisirs : l’aristocratique (concentré sur le rapport aux autres, il est obsédé par l’appartenance au groupe), le studieux (reposant sur la mise à distance du plaisir. Il exerce le corps ou l’esprit pour en améliorer les capacités), et le populaire, dit aussi divertissement (qui s’épuise dans l’instant et n’a pas ou très peu d’effet au-delà du plaisir immédiat). Mais Babeau n’est pas un donneur de leçons, il sait que le lièvre a autant raison que la tortue : « Chacune des trois formes est indispensable » et « une répartition idéale serait par tiers. »

La nouvelle différenciation sociale se fait donc sur l’extracurriculaire qui, comme le veut le CV-type, apparaît dans la case « Centres d’intérêt ». L’usage que chaque groupe social fait de son temps libre est déterminant puisque « le temps libre n’est pas que notre présent. Il prépare surtout notre futur. » Balzac, qui ignorait tout des hikikomoris et du métavers, eût fait des merveilles avec ce nouveau « dis-moi ce que tu glandes, je te dirai qui tu es. »

Les technologies ont garanti un plus grand temps libre. Nous abandonnons peu à peu les tâches les plus rudes, et les disputes sur le corvéable à la vaisselle se sont pacifiées grâce à la machine dédiée à la tâche. Le temps libre a gagné sans cesse en minutes, puis en heures : « En cinquante ans, ce sont 500 heures de loisirs qui sont conquises pour un travailleur moyen ! L’équivalent d’un mois de vie éveillée supplémentaire chaque année. » Vertigineux ? Angoissant ? Là est le drame du temps libre, car le seul problème existentiel reste le choix.

Alors, pour nous l’éviter, les pouvoirs publics ont accepté d’occuper ce treizième mois pour nous. « En France, rappelle Babeau, lorsque la loi de 1906 a réinstitué le dimanche chômé dans une perspective laïque, elle le fait reposer sur deux valeurs nouvelles : le repos et la famille… [les pouvoirs publics] lui substituèrent l’idée d’une nécessité d’ordre public. » Le problème se pose lorsque une famille lambda se retrouve désœuvrée le dimanche et que les parents, laissant libre cours à la responsabilité de leurs enfants, leur disent « fais ce que voudras ». Car le temps est en vue de quelque chose, de la religion, des autres ou simplement de soi, « la question du sens de l’existence se concentre dans ces moments où l’on peut faire ce que l’on veut. » « Fais ce que voudras » n’a plus le sens que Rabelais lui donnait.

Nous avons cru un temps que la culture s’était démocratisée : que la télévision mettait à la portée de tous le Trouvère de Verdi à l’opéra Bastille, que le tourisme faisait accéder chacun à Angkor et que tous, nous pourrions via la réalité virtuelle revivre sur la Terre des Pharaons.  Mais Babeau est catégorique : « La démocratisation de la culture n’a pas eu lieu. » la Télévision a érigé Cyril Hanouna en prophète et le Grand Tour, qui jadis vous emmenait dans toute l’Europe, ne consiste plus qu’à tourner en rond autour de son nombril sur l’axe de rotation d’une perche à selfie.

La paresse culturelle croît

L’occupation du loisir est donc devenue la nouvelle stratégie de différenciation des classes sociales et si l’on doute, comme Eugénie Bastié, que les classes dominantes soient toujours aussi cultivées, il est indéniable que notre vie professionnelle est en partie le résultat de la capitalisation des loisirs que nous avons eus. Le triomphe du divertissement ne touche pas toutes les classes sociales de la même façon, et c’est un choix civilisationnel qui se pose à chacun. Le « non ! » de Bérenger à la fin du Rhinocéros d’Ionesco n’est pas facile à dire…

Comme tout économiste, Babeau cède à la tentation de l’équation élégante : « inégalités = (environnement + hasard).(g+effort)». g étant le facteur intelligence, il est quasiment impossible de modifier l’environnement d’un élève et le kairos, l’occasion propice — à la Castellane, par exemple, zone à trafics des Quartiers Nord de Marseille — passe rarement… On ne peut agir que sur un seul facteur : l’effort, la volonté.

Mais voilà : la paresse culturelle croît, la révolution que la sédentarisation a permise est sur le point de se reproduire avec les écrans. Car si c’est avec eux que l’on se distrayait du travail avant le covid, c’est avec eux qu’on travaille maintenant.

Or, l’écran est par essence même le divertissement : il détourne le regard d’un endroit à l’autre, une pub par-ci détourne d’une pub par-là. Tiktok et ses chorégraphies « en mode stroboscopique » montre l’aspect kaléidoscopique de notre ennui car le vide informationnel est le méthylphénidate de notre vide intérieur.  « Le loisir distrayait du travail. Aujourd’hui le travail vient distraire d’une vie de loisir. » On comprend d’autant plus la tragédie d’une vie sans emploi…

Sens du travail et sens du loisir

Alors que faut-il pour ne pas intégrer malgré soi la fabrique du crétin ? Il faut développer notre « cortex frontal » qui peut « inhiber la compulsion de notre striadum pour le plaisir immédiat », car si « la connexion fronto-striatale » ne se fait pas, ou mal, « c’est notre capacité à résister à nous-même qui diminue » explique Gérald Bronner. Dur ? Pas tant que cela, puisqu’on apprend bien à un chien à ne pas toucher à la balle bruyante la nuit.

En revanche, l’école, avec le principe du divertissement des élèves n’est-elle pas devenue l’instrument chargé d’atrophier ce goût de l’effort, cette volonté de soi, qui était le seul levier capable d’être actionné par tous pour son propre bien futur ? À la Fabrique du crétin (J-P Brighelli) s’ajoute la Fabrique du crétin digital (Michel Desmurget) : « L’école n’est à la limite que le moment de vérification et d’épanouissement d’acquis fondamentalement préparés au-dehors », note judicieusement Babeau.

Qui arrive en classe les mains vides, n’en repart pas la tête pleine ? « La culture générale, précise l’essayiste, accomplit aujourd’hui un grand retour (pour l’instant, il est vrai, peu remarqué) dans la panoplie des armes du succès. … le XXe siècle était celui des spécialistes ; le XXIe est celui des généralistes » — sauf que de culture générale à l’école, peu de nouvelles : quand des élèves donnent comme exemple de la monarchie absolue de droit divin la décapitation de Louis XIV en 1789 par Charles Martel, on ne peut rien objecter à Babeau…

Et en pleine crise du débat sur les retraites, la lecture de cet essai permet de prendre à l’envers le débat sur l’allongement ou non de la durée de cotisation : « À la vieille interrogation sur le sens du travail doit se substituer une autre, non moins redoutable, sur le sens du loisir ». Ce n’était pas exactement ce qu’avait en tête Lafargue quand il parlait en 1880 du « droit à la paresse ».

Olivier Babeau, La Tyrannie du divertissement, Buchet-Chastel, 285 p.

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