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Nuit d’amour beur

"Animals", un film belge de Nabil Ben Yadir, mercredi prochain


Nuit d’amour beur
© JHR Films

Dans «Animals», de Nabil Ben Yadir, en salles mercredi prochain, nous assistons au supplice d’un jeune homosexuel, Brahim, tabassé par une sale petite bande…


C’est l’anniversaire de la vieille maman. La fête réunit famille et amis dans le pavillon. Beaucoup de monde. L’époux, barbe chenue, patriarche maghrébin qui a dès longtemps pris racine en Belgique (le film est belge), a préparé un discours émouvant, qu’il fera lire à Brahim, 30 ans, son fils, pour avis, avant de le prononcer devant ses hôtes : avec émotion et tendresse, l’homme y fait l’aveu de la « trahison » à laquelle il s’est jadis livré, en abandonnant les « saintes valeurs de l’islam » pour ce lointain mariage d’amour avec une infidèle. Également issu de cette « diversité » assumée par leur géniteur, l’intraitable frère de Brahim détient un secret trop mal gardé : Brahim est gay. Ce dernier aurait rêvé d’inviter son petit copain à l’anniversaire de maman.

Homophobie (maghrébine) ordinaire

Hélas, tout part en vrille. Hors champ, le petit ami, de souche européenne, depuis qu’il a été molesté par le frangin de Brahim, reste désespérément injoignable. Désespéré, Brahim quitte la fête, et part à sa recherche dans les bars de la ville. Mauvaise idée. Au pied d’un établissement gay, il tombe par hasard sur trois beurs éméchés, en voiture, à la recherche de plans cul hétéros pour la nuit. Brahim, gentiment, calme le jeu, sauvant au passage une pauvre fille harcelée par ces crétins, et monte à bord pour guider ceux-ci vers des lieux mieux appropriés au défouloir de leurs poussées d’endorphines. Mal lui en prend. Dans l’habitacle, le dialogue s’envenime. Bientôt, les coups pleuvent. « Qu’est-ce que tu faisais devant un bar de pédés ?  Avoue que t’en est un, allez ! » Puis les tortures, dans le véhicule lancé à tombeau ouvert. Inexorable.

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Tout est filmé en plan serré, sans échappatoire, par une caméra mobile et survoltée. Parvenue en rase campagne, la bagnole stoppe. La sale petite bande en extrait Brahim, impuissant, gémissant, déjà sacrément amoché. Cette fois, à l’écran, c’est un téléphone portable qui prend le relai de l’image, format vertical, donc – et du son. Brahim dénudé, traîné au sol. Violé. Supplicié. Massacré. Dans une sorte de transe hallucinée, la caméra ne néglige aucune station de son martyre. Ni de la furie de ses tortionnaires, qui filment rageusement leurs exploits en se mettant en scène par selfies.  

On pense à Gaspar Noé

Dans une dernière partie, moins éprouvante, Animals – mais pourquoi ce titre en faux franglais ? Pourquoi pas plutôt : « Animaux » ?  – se recentre sur le plus jeune de ces pitoyables bêtes féroces, au retour de cette nuit d’amour beur : pâle ange exterminateur à binocles, blondinet photogénique à cheveux ras, manifestement en famille d’accueil et garçon mal aimé, il tente, telle une lady Macbeth, de dissimuler dans le coffre à linge les traces sanglantes de son crime, avant d’enfiler un costard trop grand pour lui, pour rejoindre la cérémonie de mariage de son père, à laquelle il s’était promis d’assister.

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Ces noces noires se clôturent abruptement sur la face archangélique du jeune démon.  Exit les comparses.  A tout cinéphile, Animals rappellera immanquablement Irréversible, le brûlot de Gaspar Noé qui fit tant scandale.  Mais ici, la fatalité du Mal prend un tout autre sens : le cinéaste Nabil Ben Yadir est-il conscient que, dans une forme de pulsion masochiste, il fourbit clairement contre lui armes et munitions à ceux qui, légitimement, seront tentés de ne voir dans Animals que  complaisance racoleuse dans l’exhibition de l’insoutenable, mais aussi, et surtout, l’expression exacte, probante, définitive, de la collusion ontologique entre foi mahométane et homophobie : deux fanatismes indissociables.  Des verges pour se faire battre, en somme ?

 Animals. Film de Nabil Ben Yadir. Belgique, 2022. Durée : 1h31. En salles le 15 février 2023



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