Crise dans la restauration japonaise: des vidéos virales montrant des jeunes en train de lécher couverts, plats et bols sèment la pagaille.
Les kaitenzushi ou restaurants de sushis, où les victuailles se succèdent sur un tapis roulant qui tourne sans cesse, sont un élément essentiel de la culture japonaise. On peut donc imaginer l’esclandre déclenché par des canulars qui mettent en doute la salubrité de ces lieux.
Le 29 janvier, une vidéo postée sur Twitter montre un adolescent qui lèche une bouteille de sauce soja, le rebord d’une tasse à thé et ensuite ses doigts, avec lesquels il touche ensuite des sushis qui passent. La vidéo a été visionnée 99 millions de fois. L’horreur et le dégoût exprimés par les internautes sont à la hauteur du choc. Pour comble, la vidéo a provoqué des imitations. Le phénomène a été vite baptisé « sushi-terro », autrement dit, « sushi-terrorisme ». Les actions de la société mère de la chaîne de restaurants en question, Sushiro, ont perdu 5% de leur valeur, même si la perte a été rattrapée par la suite. Selon un spécialiste interviewé par CNN, il faudrait jusqu’à six mois pour surmonter l’impact de ces farces sur les ventes. L’adolescent de la vidéo principale a présenté ses excuses, mais l’entreprise entend poursuivre en justice tous les farceurs qui peuvent être identifiés. La chaîne a limité l’accès des clients aux plats et aux couverts. Une autre a installé des caméras pour surveiller les clients trop tactiles.
Très soucieux d’hygiène, les Japonais portaient couramment le masque même avant la pandémie. Or, le pays connaît actuellement un pic de cas de Covid. Le contrat social traditionnel suppose que chacun puisse compter sur les autres pour se comporter correctement. D’où cette lamentation d’un twittos : « Où est passée notre morale ? »
Causeur avait raillé l’opportunisme politique du maire de Nice, lorsqu’il a bataillé contre le cirque Zavatta et est venu en aide à l’hippopotame Jumbo… Dans cette tribune, l’avocat Thierry Granturco, maire dans le Calvados, invite les cirques à abandonner leurs numéros avec animaux pour se consacrer au rire et aux acrobaties aériennes ; il rappelle les évolutions récentes de la législation.
« Je refuse d’accueillir un cirque qui veut s’installer sans droit ni titre, exploite des animaux sauvages en captivité et bloque la circulation ». Christian Estrosi, maire de Nice, a récemment dû en découdre avec le cirque Zavatta, détenant des animaux sauvages, et qui a voulu s’installer dans sa commune sans son autorisation. À l’appui de sa décision, il a publié en ligne des photos d’un hippopotame propriété du cirque et vivant dans des conditions manifestement indignes.
J’ai été l’un des premiers maires, à Villers-sur-Mer, à prendre une telle décision, dès 2020. Contre une jurisprudence constante, qu’il appartient au juge administratif de faire évoluer, refusant aux maires d’exercer leurs pouvoirs de police générale pour ce qui concerne les cirques itinérants, et donnant un pouvoir de police spéciale aux préfets sur la question.
Pour ma part, je considère, comme Christian Estrosi et 400 autres maires en France, que les maires sont chargés de préserver l’ordre public et la moralité publique.
La domestication d’animaux sauvages relève de la maltraitance
Ces dernières années, le droit français n’a cessé de renforcer la protection accordée aux animaux, allant jusqu’à leur conférer le statut d’être vivant sensible, par la loi du 16 février 2015. Leurs propriétaires doivent donc, notamment, leur offrir des conditions de vie compatibles avec les impératifs de leurs espèces.
C’est dans cette logique que la loi du 30 novembre 2021, « visant à lutter contre la maltraitance animale et conforter le lien entre les animaux et les hommes », a fini par interdire les animaux sauvages dans les cirques à partir de 2028 et a, en attendant et dès à présent, “interdit d’acquérir, de commercialiser et de faire se reproduire des animaux appartenant aux espèces non-domestiques en vue de les présenter au public dans des établissements itinérants”.
Il est évident que la présentation au public d’animaux sauvages expose ces derniers à des traitements cruels et traumatisants, qui peuvent leur causer de graves blessures. Les animaux de cirque ne vivent pas dans des conditions compatibles avec leurs impératifs biologiques. Les impératifs des numéros auxquels ils sont soumis leur infligent d’inacceptables souffrances. Leur dressage demande des méthodes coercitives, violentes et répétitives. Ces violences ont notamment pour effet de priver l’animal de ses instincts et comportements naturels.
La Fédération des Vétérinaires d’Europe (FVE), organisation représentant plus de 38 pays, a d’ailleurs formellement recommandé, en 2015, l’interdiction générale de l’utilisation d’animaux sauvages dans les cirques en Europe. La FVE estime que “ces animaux ont le même patrimoine génétique que leurs homologues dans la nature et conservent les pulsions et besoins de leur comportement instinctif naturel. Les besoins des mammifères sauvages non domestiqués ne peuvent être satisfaits dans un cirque itinérant, en particulier au niveau de l’habitat et de la possibilité pour eux d’exprimer des comportements naturels”.
Privilégier les arts du cirque plutôt que l’exploitation animale
En tant que garants de l’ordre public, comment nous, maires, pourrions laisser faire ? Comment nous demander d’agir pour les cas de maltraitance sur animaux domestiques, de maltraitance sur animaux d’élevage, mais pas sur les cas de maltraitance sur animaux sauvages, sous prétexte qu’ils sont détenus par des cirques ?
La situation, telle que nous la voyons tous les jours sur le terrain, est terrifiante. Dromadaires attachés à des poteaux en bordure de route, lions qui se morfondent dans leurs cages toute la journée, hippopotames tournant en rond dans un enclos et qui n’ont pas toujours la petite piscine d’eau à laquelle a eu droit celui que Christian Estrosi a pu voir à Nice. Les préfets, contrairement aux maires, ne sont pas submergés de signalements d’administrés effarés des faits de maltraitance dont ils sont témoins.
Si Christian Estrosi, comme moi et comme plus de 400 autres maires, avons pris la responsabilité d’interdire les cirques avec animaux dans nos communes, c’est que nous estimons que le bien-être animal ne devrait pas se résumer à la question de savoir qui, entre le Préfet et le Maire, a le droit de prononcer de telles interdictions.
Il est urgent d’inviter les cirques, qui ne sont pas des zoos ambulants, à se concentrer sur… les arts du cirque, dont ils se sont écartés progressivement. Ils doivent revenir aux spectacles d’acrobatie, de jonglerie, aux disciplines aériennes et réapprendre à préférer les clowns aux animaux sauvages. Ils en sortiront grandis. Le cirque aussi.
Thierry Granturco est avocat aux Barreaux de Paris et de Bruxelles, spécialiste de droit du sport et des nouvelles technologies. Il est aussi maire de Villers dans le Calvados. Il est actif dans le milieu du football professionnel depuis plus de 20 ans après avoir lui-même joué à haut niveau à l’Olympique Lyonnais (OL). Il préside également le fonds d’investissement Dodécagone. Grâce aux bénéfices dégagés, il a également créé deux Fondations privées qu’il finance intégralement : l’une, Handynamisme, pour venir en soutien à des projets novateurs destinés à une population de personnes handicapées mentales ; et l’autre, la Fondation Philia, a été créée pour la défense de la cause animale.
Causeur a lu l’enquête bien renseignée de Florence Bergeaud-Blackler sur les Frères musulmans, préfacée par Gilles Kepel, qui vaut à l’anthropologue une intense campagne de dénigrement islamo-gauchiste.
C’est avec la théorie de l’islam du juste milieu que le mouvement islamiste s’est lancé à l’assaut de l’Europe, explique Florence Bergeaud-Blackler, chargée d’études au CNRS et spécialiste de ces questions. Cette dénomination sert d’appeau à naïfs, car cet islam-là n’a rien de modéré. Les Frères ont un rêve : faire de l’Europe une terre d’islam. Ils sont habités par un récit fondateur. Ils entendent suivre ici et maintenant la voie tracée par leur prophète, Mahomet. C’est-à-dire passer de La Mecque à Médine, de la phase de faiblesse à celle de la force. Ils rêvent de conquête et pensent que celle de l’Europe est réalisable grâce à l’immigration massive et au ventre des femmes musulmanes. Ils le disent, ils l’écrivent. Pourtant, rares sont ceux qui les prennent au sérieux.
Un plan d’action sur trois décennies
En 1990, leur leader établit un plan d’actions pour les trente années à venir. Au programme notamment : la formation d’une avant-garde islamique et celle d’une opinion publique musulmane. Force est de constater que tout s’est déroulé comme prévu : « Les Frères musulmans constituent l’avant-garde de l’islam mondialisé. Une opinion publique musulmane a vu le jour, en particulier dans les métropoles des pays occidentaux où les musulmans comptent de plus en plus comme une force sociopolitique. »
Dans les années 2000, cette stratégie permet aux Frères d’investir les institutions européennes. À l’époque, pour lutter contre l’euroscepticisme croissant, l’Union européenne essaie de retrouver une forme de soutien populaire en mettant en avant, non des politiques concrètes, mais les valeurs communes de l’Europe. Celles-ci sont notamment définies comme spirituelles. Dans ce cadre, les principales religions sont sollicitées. « La Commission européenne affiche alors son souhait de coopérer avec les acteurs modérés de l’islam, écrit Florence Bergeaud-Blackler. N’étant pas capable de se doter de critères de modération et encore moins de vérifier que les représentants qui frappent à sa porte les remplissent, elle croit sur parole ceux qui se revendiquent tels. Bien entendu, les Frères ne manquent pas cette occasion bénie. » Ils vantent alors le dialogue entre les civilisations, sauf que leur but n’est pas d’adapter l’islam à l’Europe, mais d’adapter l’Europe à l’islam. L’influence frériste se déploie alors à partir des organisations historiques des Frères musulmans comme la Fédération des organisations islamiques en Europe (FOIE), son organisme de formation d’imams, l’IESH, sa branche jeunesse, Femyso et sa branche femme, EFOMW. Sa stratégie de développement cible les mêmes domaines au niveau européen que dans les pays membres. Elle se concentre sur « le dialogue religieux et interculturel, l’éducation et la formation, la place de la femme dans la société, la lutte contre le racisme ». En revisitant l’histoire de la confrérie et de sa mainmise sur les institutions représentatives de l’islam en France et en Europe, Florence Bergeaud-Blackler constate que la mauvaise intégration des musulmans n’est pas imputable aux sociétés occidentales. C’est même tout le contraire : « C’est l’islamisme, ici le frérisme, qui empêche l’intégration. Il le fait en demandant aux jeunes d’accepter la citoyenneté française tout en gardant un cœur musulman […]. » Il s’agit d’inverser « le processus d’assimilation : à la France de s’adapter aux musulmans, c’est le tribut qu’elle doit payer pour avoir colonisé une partie du monde musulman ».
Le directeur de l’Observatoire des Inégalités a publié, le 23 février 2023, un texte ahurissant appelant à repousser l’âge de l’apprentissage de la lecture.
Se référant aux travaux du linguiste Alain Bentolila et à des données de l’OCDE, Louis Maurin énonce entre autres, qu’il n’existe « aucun lien entre le fait de savoir lire tôt et le niveau ultérieur des individus », que ce serait « prendre à l’envers » le problème que de permettre aux enfants de s’adonner plus tôt aux joies de la lecture plutôt que de retarder cet apprentissage, ou encore que notre pays, « arc-bouté sur ses traditions », s’entête dans un sprint qui n’aurait comme conséquence que d’empêcher de « réduire les tensions liées à la compétition scolaire dans les plus petites classes et réduire les inégalités sociales à l’école ». Une des analogies les plus amusantes dans ce vibrant plaidoyer serait celle suivant laquelle « si l’école demandait aux enfants de savoir faire du vélo, les parents diplômés s’acharneraient davantage à leur apprendre le deux-roues. Pourtant, même sans cela les enfants finissent tous par savoir faire du vélo ». L’auteur de ces lignes en est tombé de sa selle. Mon sang n’a fait qu’un Tour (de France). En effet, il serait dès lors préférable de ne pas participer à la course plutôt que d’améliorer son temps?
Nous ne ferons pas à Monsieur le Directeur l’offense de rappeler qu’une étude publiée en 2018 dans le journal Plos One a révélé que l’apprentissage précoce de la lecture était associé à une meilleure compréhension de la langue, une plus grande fluidité de lecture et une plus grande confiance en soi chez les enfants. Ni qu’une étude menée en 2016 par des chercheurs de l’Université de Floride a montré que l’apprentissage précoce de la lecture était associé à des performances supérieures en mathématiques et en sciences chez les élèves du primaire. Ni qu’une méta-analyse de 20 études différentes publiée en 2017 dans le périodique Early Childhood Research Quarterly a montré que les enfants qui apprenaient à lire tôt avaient tendance à avoir de meilleures compétences en lecture que ceux qui apprenaient à lire après eux. Ni qu’une étude publiée en 2015 dans le journal Developmental Psychology a montré que l’apprentissage précoce de la lecture était associé à une plus grande activation de certaines régions du cerveau impliquées dans le traitement de la langue et de la lecture.
Par ailleurs, nous n’irons pas jusqu’à rappeler qu’Emilia Ferreiro, psychologue et chercheuse argentine, a mené des études sur les processus d’apprentissage de la lecture et a conclu que les enfants étaient capables d’apprendre à lire bien avant l’âge traditionnellement considéré comme approprié. Que Stanislas Dehaene, éminent neuroscientifique français, a écrit plusieurs livres sur le cerveau et l’apprentissage, dont Les neurones de la lecture, défendant l’idée que son apprentissage précoce peut être bénéfique pour les enfants en stimulant certaines zones du cerveau et en développant des compétences cognitives. Que Sally Shaywitz, une chercheuse américaine en neurologie, a mené des études sur la dyslexie et a conclu que les enfants qui apprenaient à lire tôt étaient moins susceptibles de développer des troubles de la lecture. Que John Hattie, un chercheur en éducation néo-zélandais, a mené des méta-analyses de recherches sur l’efficacité de différentes méthodes d’enseignement et a conclu que l’apprentissage précoce de la lecture avait un effet positif sur les performances académiques des élèves.
Il est étrange que le texte de l’Observatoire, quant à lui, ne cite quasiment aucune étude plus scientifique sur le sujet… Pour autant, il a au moins l’honnêteté de reconnaitre que les parents diplômés apprennent à leurs enfants à lire avant même leur entrée en primaire, et c’est là tout le nœud du problème : il est des inégalités qui ne seront jamais comblées. Certains parents ne cesseront jamais de pousser leurs enfants à aller plus vite que la musique. Et pendant que ces parents feront « lire le petit prince à 6 ans » à leurs enfants comme le chantait Renaud, d’autres laisseront les leurs vaquer à leurs abrutissantes occupations.
Le chocolat Milka de notre enfance est peu à peu remplacé par d’autres tablettes. Les enfants sont en effet confrontés aux smartphones de plus en plus jeunes, et regardent des programmes télévisés de moins en moins édifiants. En l’absence de réel contrôle des parents, c’est donc véritablement un nivellement par le Baba que nous propose l’Observatoire.
En tout état de cause, serait-il judicieux de retarder l’âge auquel les enfants apprennent à lire, donc à s’ouvrir sur ce que le monde a à leur offrir de meilleur, de plus enrichissant intellectuellement, à l’heure où ils sont confrontés de plus en plus jeunes aux affres de la crétinisation généralisée, via les réseaux sociaux et la télé poubelle ? Ne serait-il pas dramatique dans le pays de Victor Hugo, voisin de celui de Tintin, qu’un enfant apprenne à utiliser TikTok avant de savoir lire ? C’est malheureusement déjà le cas, et il est navrant que le directeur d’un centre censé lutter contre les inégalités reconnaissant en amont son incapacité à les résorber, ne les accroisse en ne comprenant pas que sa mesure creuserait davantage le fossé entre ceux dont les parents n’attendent pas le premier cours de lecture et ceux qui n’ont pas les possibilités ou la capacité d’aider leurs enfants. Parce qu’une chose est certaine : cette mesure ne changera en rien le rythme d’apprentissage des premiers, mais ralentira celui des enfants défavorisés. Il serait dramatique que la première aventure sélénite d’un enfant soit moins liée à Tintin et au Professeur Tournesol qu’à un youtubeur pour qui Neil Armstrong n’a jamais mis le pied sur la lune.
Inutile de ressasser les quelques recherches citées plus haut… Nul besoin d’être un éminent chercheur pour trouver le lien indubitable entre le fait de savoir lire et le fait… de lire. Lire, c’est le début de l’émancipation intellectuelle, donc le début de l’émancipation tout court. C’est le début de l’autonomie. Le début du questionnement, de la compilation d’informations éparses, de la remise en cause de ce qu’on récolte au gré de nos pérégrinations écrites. C’est le début d’un voyage, un long voyage de construction personnelle et intellectuelle. Et devant un tel voyage, une telle aventure qui attend les futurs acteurs du monde de demain, il serait criminel de les maintenir dans l’ignorance une année entière de plus. Prions pour que la lettre ouverte de l’Observatoire reste lettre morte.
– Hier, métro ligne 3, entre 14h02 et 14h06. Tu es monté.e station Louise Michel, tu avais Libébète à la main. Je t’ai remarqué.e immédiatement : fortement genré.e, en même temps indéfinissable, cheveux courts, pas de maquillage, mains épaisses, épaules larges, pantalon de cuir en agneau halal (ou casher ?), de marque Agnès Bééé. J’ai flashé sur ton regard très féminin, ta mâchoire très masculine, tes pieds très en dedans. Moi, style fortement burné de dos, indéfinissable de face : grand cou, petite tête, épaules égyptiennes époque des pyramides. Je t’ai regardé.e, tu m’as vu.e: sourires, complicité immédiate, sentiment d’appartenance LGBT (-) (+) = -. Tu es descendu.e, pas moi: c’est dommage! Timidité? Pourtant, je le sais, tu le sais, tu es mon genre, je suis ton genre, je serai le gendre de ta mère/père. Si tu te reconnais, je t’en prie, écris vite au journal tant qu’il paraît !
Je t’ai repéré
– Samedi, vers 20h, tu es monté dans la rame à la station Bastille. Très jeune, un visage très chti, un peu bouffi, l’air satisfait. Tu ressemblais à Louis Brayard. Tu avais une pancarte à la main :
– Macroléon comme Napo, L’a vraiment un très gros souci, Sa réforme, manque de pot, C’est sa retraite de Russie.
Moi: forte poitrine, large du bassin, des joues vraiment pleines, une bouche édentée, des lèvres gourmandes, surtout la supérieure façon « canard à l’orange ». Je t’ai kiffé immédiatement. Pour te le faire comprendre, je t’ai mis une main au panier discrètement. Tu t’es retourné, tu as fait mine de me gifler. – Connard ! j’ai dit, tu te prends pour Quatremains ? – Non, pour Louis Brayard ! Tous tes amis ont rigolé bruyamment. J’étais vexée, mais séduite, et je veux m’abandonner. Viens ce soir devant le lycée Bouffon, dans le XVe arrondissement, vers minuit. Tu mettras le feu à mon petit intérieur; après, on ira jouer au baby-foot.
Je t’ai vue
– Tu es montée dans le bus de la ligne 89 à Cambronne-Lecourbe, et descendue à Panthéon. Jupe serrée, longue, visage émacié, un air austère, rébarbatif même, lunettes cerclées de métal, maigre, pas de formes. Moi : taille moyenne, précocement chauve, bâti en forme de bouteille de Perrier, pieds plats, regard fuyant, l’air mauvais. Je suis révolté contre la société. Tu lisais un livre de Manuel Bonparti et Aurélie Trouvetout : Cours de mathématiques et d’économie mélenchoniennes ou comment revendre au Venezuela son propre pétrole, théorie et pratique, avec des exercices corrigés.Libébète dépassait de ton sac en plastique, tu tenais également dans ta main un ouvrage, dont le titre était, je me le rappelle: L’écologie politique ou les soviets moins l’électricité. Au début, je me disais que j’avais une chance avec une fille comme toi. Puis j’ai réfléchi, j’ai pensé à Ava Gardner, à Brigitte Bardot, à Marilyn Monroe…
Tu ne m’as pas vu, moi, je ne veux plus te voir.
Je t’ai bien eu !
– Dimanche, vers 17h30, Station Porte Dauphine, ligne 2; quelques personnes sur le quai attendent le départ de la rame. Moi: tailleur sombre, chaussures rouges, talons aiguilles; l’élégance-même, mais épicée, physionomie froide, une pointe de dédain, rouge à lèvres « bourgeoise de chevet », l’air d’avoir gagné une grosse somme au poker. Toi: Libébète sous le bras, la tête d’un type qui vient de déchirer une fois de plus ses tickets perdants de PMU. Tu montes dans la voiture de tête, moi aussi, je m’assieds en face de toi. Je sais que tu me regardes. Je dégage mes jambes, très haut sur les cuisses. Je feins de lire L’Obs(tacle), mon magazine de mode préféré. De temps en temps, je t’adresse un sourire, je croise et décroise les jambes. Tu es rubicond. Station Villiers, je descends, je te chuchote « rendez-vous aux petites annonces de Libébète, mardi ».
Alors voilà : cesse de rêver, tu n’avais aucune chance.
– Jeudi dernier, ligne 8, station Opéra, le métro était bourré, moi aussi. Tu avais Libébète à la main: couperosée, cheveux gras, petite avec une odeur forte, plus large que haute, mais très féminine. Moi: visage rouge, trois chicots noirs dans la bouche, grand, maigre, voûté, avec des mains d’étrangleur, fatigué mais viril. Si tu te reconnais, dépêche-toi, parce que moi, je ne te reconnaitrai pas! Je ne suis pas sûr d’avoir envie de toi à jeun, mais ivre, ça peut le faire! Ne laisse pas passer cette chance. Avant, je faisais la manche devant le journal, mais plus maintenant, ils n’ont plus un rond! Je t’attends, je t’espère, je te veux! Téléphone au directeur de Libébète, c’est un copain, on fait la manche ensemble.
Je t’ai ressentie
– C’était hier, t’en souviens-tu? Métro Sablons. Toi: grande, élancée, blonde aux yeux verts, sac Gucci, talons hauts, bas noirs, tu lisais Libébète. Moi: pas mal, surtout de dos, front bas très vaste (chauve), petits yeux gris rapprochés, grand, costaud, un peu inquiétant mais très poli. Je tenais un sac d’où dépassait un fémur. J’ai tout de suite compris que tu aimais le danger. Si tu te reconnais, viens me retrouver sous les arcades du pont Bir Hakeim, après minuit. Je t’attendrai toute la semaine. Tu vas aimer…
Note : Pour accompagner ces petites rencontres libébètes, une chanson dont la musique est de Dante Pilate Marchetti, les paroles de Maurice de Féraudy.
Je t’ai rencontré simplement, Et tu n’as rien fait pour chercher à me plaire…
Loi sur les peines planchers. On y revient, pas totalement, mais on s’en rapproche… Le bon sens fait le forcing et l’idéologie recule.
Un jour, on finira par comprendre que vaincre la délinquance répétitive est plus important pour notre société que de laisser les politiques s’enivrer de leurs convictions abstraites. Qu’il vaut mieux protéger les citoyens que ses propres préjugés. Ce fut une grave faute que d’avoir supprimé les peines planchers au mois d’octobre 2014. Depuis, elles sont calomniées ou présentées sous un jour absolument négatif sans que quiconque, politiquement, médiatiquement, y trouve à redire. Il faut rendre hommage à la députée Horizons Naïma Moutchou, qui avait eu l’intention de faire voter une proposition de loi par l’ensemble des groupes composant la majorité relative. Elle a été contrainte de la retirer à la suite de manœuvres politiciennes dont le principal ressort était de nuire à Edouard Philippe. Pourtant, elle n’avait pas poussé la cohérence jusqu’au bout, n’évoquant les peines planchers que pour les crimes ou délits commis contre les personnes dépositaires de l’autorité publique, personnels de santé, d’éducation et d’orientation. Le député LR Yannick Neuder a repris la balle au bond, approuvé par Olivier Marleix, Eric Ciotti, et soutenu par 40 députés de droite. L’objectif de cette nouvelle proposition de loi: défendre toutes les victimes occupant des missions d’intérêt général (professionnels de santé, policiers, gendarmes, agents des douanes, sapeurs-pompiers, enseignants)…
Il faut à l’évidence aller plus loin et, sans forcément considérer qu’une certaine magistrature est laxiste, accepter que le dispositif des peines planchers (instaurant principalement des peines minimales) régisse l’ensemble des parcours judiciaires caractérisés par des récidives et réitérations chroniques. Il convient en effet de sanctionner l’entêtement dans les transgressions, quelle que soit leur nature. Il faut sortir de l’appréciation au cas par cas d’un casier judiciaire mais appréhender celui-ci globalement en relevant la constance d’une volonté transgressive. L’utilité des peines planchers se trouvera là, dans la prise en compte, avec la rigueur adéquate, de ces destinées surabondantes dans la malfaisance qui encombrent les tribunaux, ceux-ci les voyant revenir sans avoir pu à aucun moment briser net leur trajet.
Je remercie le député Yannick Neuder d’avoir eu le courage de rappeler cette évidence qu’« on ne retire pas un tel sujet de l’Assemblée au motif que notre garde des Sceaux a un problème avec les peines planchers ». Son « problème » est facilement explicable: le ministre ne s’est pas détaché du point de vue de l’avocat qu’il a été. Par ailleurs, prétendant que les peines planchers n’ont « pas marché », il néglige le fait qu’en réalité, elles n’ont jamais pu être mises en œuvre dans leur plénitude. Une décision du Conseil constitutionnel d’août 2007, invoquant l’individualisation des peines, les a vidées de leur substance, les privant de leur efficacité.
Il est clair que pour toute proposition de loi relative aux peines planchers, il faudra réfléchir à une rédaction anticipant les dysfonctionnements ayant ruiné la loi de 2007. Mais il me semble que le simple fait de limiter, de manière claire et explicite, le champ d’appréciation du juge, pour la sauvegarde de tous, ne devrait pas être un critère forcément décisif pour une censure. Puis-je, même s’ils datent forcément, renvoyer à deux de mes billets : « Un changement d’ère » (31 mais 2007) et « Des médias aux ordres » (3 juin 2007).
Les peines planchers ont été stigmatisées à proportion de l’ignorance à leur sujet et de l’influence d’une gauche doctrinaire. On ne peut plus continuer à souffrir au quotidien de l’insécurité et refuser ce qui est de nature à la réduire judiciairement. On a besoin d’elles, plus que jamais, et vite !
* L’auteur d’origine russe et naturalisé français Andreï Makine est l’auteur d’un vibrant hommage fait à son pays d’élection : Cette France qu’on oublie d’aimer, Points, Paris, 2010.
Je suis devenue française le 9 mars 2023. Belge de naissance, j’ai fait le vœu d’acquérir la nationalité française au moment où, débarquant de Londres, je posais mes valises à Paris il y a sept ans. La ville m’avait alors éblouie par sa beauté. Ce mot sacré, subtil et un peu étrange, qui fit vaciller Stendhal à Florence, dont Périclès affirmait qu’elle rendait Athènes supérieure aux autres villes grecques[1], mot dont Dostoïevski disait qu’il sauvera le monde, est presque tabou aujourd’hui, comme une réminiscence de l’Ancien Régime (« Beauté, mon beau souci », François de Malherbe). Pourtant, la beauté subsiste, et tout ne se vaut pas, n’en déplaise aux égalitaristes. C’est bien elle qui arrache un cri d’admiration à des millions de touristes venus contempler Versailles, le Louvre, les bocages en Normandie, les vignobles en Bourgogne à l’automne, les champs de lavande bercés par le son des cigales en Provence, la mer entourant de ses bras le Mont Saint-Michel à l’aube, ou le reflet doré d’un soleil couchant sur le Mont-Blanc. La France n’est pas belle : elle est déchirante de beauté.
Mes chers concitoyens, soyez dignes de la France, faites-la briller
J’avais presque perdu espoir de voir ma demande de naturalisation aboutir. Après deux années et plusieurs allers-retours postaux du dossier avec la préfecture de police pour des bagatelles administratives (somme toute très françaises elles aussi), j’ai été convoquée pour un entretien censé vérifier mon stade d’intégration. Plusieurs dizaines de questions me furent posées sur l’histoire, la géographie et les symboles du pays. Quelle est la devise de la France ? De quand date la Révolution française ? Quelle est la symbolique des couleurs du drapeau français ? Rien qui soit hors d’atteinte pour un élève de CM2. Les remparts de la citadelle française me semblèrent soudain moins hauts.
Lorsque je reçus le courrier de la préfecture de police m’indiquant qu’« une suite favorable » avait été accordée à ma demande, c’est la fierté – oui, une immense fierté patriotique, expression surannée et en sursis elle aussi – qui m’a saisie. Car j’appartiens désormais à une nation grandiose, où mes ancêtres – même si j’attrape le train en marche – portent des noms qui brillent comme des phares dans l’Histoire : de Gaulle, Napoléon, Louis XIV ou Charlemagne ; mais aussi en littérature : Flaubert, Proust, Baudelaire, Hugo, Racine, Maupassant, Céline ; ou encore dans l’art : David, Delacroix, Poussin, Monet, Géricault, Degas, Debussy. Je regarde l’excellence de l’armée française, l’exigence de ses grandes écoles, le raffinement de son artisanat, la douce musique de sa langue, dont Camus disait qu’elle était sa patrie, et qui est de l’or à mes oreilles. Et je réalise alors cette chance inouïe, phénoménale, vertigineuse de pouvoir me murmurer: « Tout cela, c’est mon pays ! ».
Pourtant, quand j’explique ma démarche, des yeux s’écarquillent autour de moi et les questions fusent : « Pourquoi veux-tu devenir française ? Qu’est-ce que cela t’apporte, puisque tu es Belge ? » Dialogue de sourds. Je réalise alors combien les Français méprisent leur pays, et combien ce mépris est funeste.
Il est vrai que la France est une pelote de contradictions. Aux prises tout à la fois avec un goût de château, un brin passéiste et nostalgique, rêvant de ses ors, de ses rois et de sa grandeur passés ; et un goût de Révolution, de têtes coupées, du branle-bas de combat et d’avant-garde. Elle est tiraillée entre une tradition chrétienne d’une part, en digne « fille aînée de l’Église » (Jean-Paul II), qui fit ériger un clocher dans le moindre de ses villages et se trouva crucifiée de douleur quand la flèche de Notre-Dame sombra dans les flammes – et sa laïcité d’autre part, martelée sans cesse et brandie partout comme un bouclier. Tourmentée, complexe, chatoyante, la France ne se laisse pas réduire à une notion abstraite, comme la République ou la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Elle s’incarne dans une terre, un peuple, une âme ; bref, un monde.
Il est vrai aussi qu’elle ne sait plus très bien où elle va. Entre cette modernité cyber-mercantile qui promet un bonheur sous cellophane, ce multiculturalisme encouragé et dans lequel elle ne se reconnaît pas, son modèle social insoluble dans le capitalisme moderne, ce christianisme sans larmes ni miracle, la France semble manquer de souffle. Elle peine à trouver sa place et se laisse déborder de toute part. Indécision, fatigue existentielle ? On guette en vain les traces de son audace et son singulier sens de l’Histoire, son génie, son élégant panache. Un président qui ne cesse de battre sa coulpe pour des « fautes » commises par ses prédécesseurs, selon un culte de la résipiscence très en vogue, en afflige plus d’un, tant il est vrai qu’un pays qui se méprise à ce point-là et s’incline devant tout ne fait pas rêver. La culture française elle-même semble en passe de devenir une machine d’ennui, volupté sage et consolation élégante, orpheline de ses génies, où le wokisme ratiboise tout ce qui « offense » son public.
Le discours de circonstance qui nous fut adressé à l’occasion de la cérémonie d’accueil dans la citoyenneté française nous vanta sans surprise la richesse que représente cette assimilation d’étrangers par la France. Nous étions 70 nouveaux Français à écouter l’agent administratif dans la salle (dont une trentaine de nationalités représentées). « Vous avez sans doute souhaité rejoindre la France pour des motifs professionnels ou familiaux… », nous dit-il. Tandis qu’il s’appesantissait sur nos droits fraîchement acquis, je songeais à d’autres qui, comme moi, sont nés à l’étranger et ont acquis la nationalité par amour de la France et certainement rien que cela: Romain Gary, Zola, Apollinaire, Kundera, Marie Curie, Blaise Cendrars ou Joseph Kessel.
Soudain, cette phrase inattendue: « Mes chers concitoyens, soyez dignes de la France, faites-la briller ». Et là, sous le vernis régulier et bien-pensant, par une déchirure, comme un rappel, le souvenir d’un monde ancien aboli, un aperçu des rêves de grandeur et de l’admiration éprouvée pour son pays. Si le désir de « faire briller la France », à nouveau, pouvait triompher dans les cœurs, taire les amertumes, rassembler les âmes ! Nous sortîmes, des sourires se peignant sur tous les visages, et me revenaient dans l’air frémissant les beaux vers d’Aragon : « Je vous salue, ma France aux yeux de tourterelle… ».
Le dernier film de Laurent Firode, satirique et revigorant, est un médicament pour méchants réacs. Il est un allié précieux pour survivre à l’époque débilitante.
Il y a quelques mois, je faisais ici même l’éloge du film de Laurent Firode, Le Monde d’après. J’évoquais l’intelligence et la drôlerie de ce film-médicament, de cet élixir de jouissance anti-woke, de ce reconstituant neuronal par le rire. Je ne regrettais qu’une chose: sa courte durée, une heure seulement. Je priais alors pour que le réalisateur continue son œuvre bienfaitrice. Alléluia, mes frères et mes sœurs ! Le Seigneur m’a entendu et a éclairé de Sa lumière céleste Laurent Firode et sa bande : LeMonde d’après 2 sort le 15 mars à Paris [1] – il dure une heure et demie et est aussi réjouissant que le premier opus.
Le film est composé de 15 saynètes, 15 photographies de notre société tourmentée à la fois par les décisions sanitaires et arbitraires du gouvernement au moment de la crise due au Covid, l’écologisme le plus arriéré, le féminisme le plus abêti et le wokisme le plus hargneusement destructeur. Les dialogues savoureusement drôles empruntent aux discours des porte-parole gouvernementaux et aux propos de Sandrine Rousseau autant qu’à la novlangue de l’idéologie woke – comme si ce monde d’après avait fini par gober toutes les âneries en cours et ne pouvait plus échapper aux idées débilitantes sur le genre considéré comme une « construction sociale et patriarcale », sur « l’appropriation culturelle », le « transgenrisme » et la « déconstruction des hommes », entre autres absurdités idéologiques.
Histoire de vous mettre l’eau à la bouche… La troisième saynète s’intitule Tous-tes contre l’exclusion. Deux amis discutent dans un appartement cosy. L’un d’entre eux se maquille et s’apprête à se rendre à la manifestation « inclusive » pour les droits des « minorités opprimées ». Il décrit à son ami – un hétérosexuel « cisgenre » qui aimerait bien montrer sa solidarité en participant, même discrètement, à cet événement – la composition du cortège : en tête, les trans racisés. Ensuite, les queers. Puis les handi non-binaires mixtes et les lesbiennes non-genrées. Autant dire que, dans ce cortège clamant sa « fierté » d’inclure tout le monde, la présence d’un « hétérosexuel cisgenre », même désireux d’être un « allié » de la cause des minorités, ne va pas de soi. Je vous laisse découvrir comment l’inclusif ami trans résoudra cette difficulté.
Connaissez-vous la méthode Hammerstein-Flitzkraub ? Non ? Il faut absolument que vous soyez informés sur cette technique permettant de prendre conscience de supposés traumatismes vécus pendant la toute petite enfance. La scène met en exergue toute la folie de ce monde, l’inconsistance d’individus décérébrés et ayant gobé un discours pseudo-scientifique tout à la fois victimaire et culpabilisateur, et la dissolution du simple bon sens. C’est cruel et très drôle.
Découvrez aussi le « rebelle » autoproclamé qui se prend « presque » pour Jean Moulin parce qu’il est allé boire une bière sur une terrasse de café « dès le lendemain » des attentats du 13 novembre 2015 et porte un tee-shirt à l’effigie de Zelensky ; les deux écologistes qui récitent leur catéchisme militant avant que d’essayer une nouvelle colle pour préparer un « coup d’éclat » ; ou encore Corentin faisant son coming out – et quel coming-out ! – devant ses parents effarés (un sketch à rebondissements qui m’a fait mourir de rire). Enchâssées entre ces moments purement jubilatoires, quelques scènes teintées d’une réelle émotion rappellent les délires autoritaires de notre gouvernement au moment du confinement imposé et du masque obligatoire, et leurs conséquences sur nos vies. Les acteurs et les actrices, tous parfaits, jouent idéalement leurs rôles d’hommes et de femmes abrutis ou meurtris par les idéologies les plus bêtes.
Le rire désarme la bêtise
Il existe deux façons de combattre le wokisme, toutes les deux honorables et indispensables. La première consiste à le prendre au sérieux. Il est alors capital de démasquer sa présence militante dans les lieux de savoir aussi bien que dans ceux du divertissement et des médias, de dire la vérité sur la propagande distillée dans les écoles dès le plus jeune âge, de dénoncer les associations qui le répandent. Pour appréhender et combattre cette idéologie disparate et mortifère, il est primordial de prendre le temps de lire des ouvrages analysant ses origines, ses manières d’infiltrer la société et ses objectifs totalitaires – ceux de Jean-François Braunstein, Bérénice Levet, Mathieu Bock-Côté, Pierre-André Taguieff ou Sabine Prokhoris, par exemple. La seconde consiste à s’en moquer comme d’une absurdité évidente, un objet débile qui ne peut être que tourné en dérision. L’éclat de rire devant une affiche du planning familial exhibant un « homme enceint » ou proclamant que « le sexe est un construit social » et que « le pénis est un pénis, pas un organe sexuel mâle », doit briller comme un éclair de vérité et de bon sens. Le rire est une torpille contre la bêtise parce qu’il est « le dédain et la compréhension mêlés » (Flaubert) – l’idéologue abruti par son idéologie est désarmé par la spontanéité d’un éclat de rire révélant une intelligence intuitive mille fois supérieure à la sienne, préfabriquée et abêtie.
Nombre d’auteurs, dont votre serviteur se targue de faire partie, aiment à manier aussi bien les arguments les plus rationnels que ces armes redoutables que sont l’ironie, la parodie, la farce, l’humour. À sa manière, la manière cinématographique, Laurent Firode est un adepte de Muray, notre maître à tous. Il jette l’époque telle quelle sur la toile, reprend ses mots, la met entre guillemets, dans l’espoir qu’apparaissent en même temps son absurdité et son comique.
Nul besoin de surjouer la folie, d’inventer ou d’ajouter des effets spéciaux de décérébration – filmée ironiquement par Laurent Firode, imitée à la perfection, cette époque apparaît bien comme l’une des plus tarées que l’humanité ait jamais connues. Nous avons encore la liberté d’en rire, profitons-en !
[1] Sortie le 15 mars au cinéma l’Espace Saint Michel (7 place Saint-Michel, Paris 5ème). Séance tous les soirs à 18h00. Au moment où j’écris ces lignes, j’ignore s’il est prévu que ce film soit à l’affiche d’autres salles parisiennes ou en province.
Si Vladimir Poutine est le premier responsable de la guerre actuelle, il ne faut pas écarter la responsabilité des États-Unis dans la longue escalade qui a précédé le conflit. Mais surtout, il est impossible d’accueillir l’Ukraine au sein de l’UE tant que celle-ci érigera en héros des génocidaires comme Bandera. Propos recueillis par Gil Mihaely.
Causeur. Vous avez appelé récemment à un accord de paix entre l’Ukraine et la Russie. Pourquoi, selon vous, les Russes et les Ukrainiens ne sont-ils toujours pas en train de négocier un tel accord ?
Arno Klarsfeld. Parce qu’une fois que les passions humaines se mettent en branle, une fois qu’il y a de nombreux morts d’un côté comme de l’autre, il est difficile de mettre les deux protagonistes autour d’une table de négociations. D’autant que les Américains veulent affaiblir la Russie avec les troupes ukrainiennes, sans entrer eux-mêmes dans le conflit. Mais aussi parce que l’Europe se sent menacée, que le droit international a été bafoué.
Qui en porte la responsabilité ?
Poutine est le premier responsable ! Il a commencé cette guerre alors qu’il n’y avait pas de menace immédiate à l’encontre de la Russie. Il avait déjà la Crimée, il avait déjà une partie du Donbass ! Mais l’OTAN porte une part de responsabilité, dans le sens où depuis 2014, elle a laissé l’Ukraine bâtir son identité sur une haine viscérale de la Russie, démolir les monuments commémorant la victoire sur le nazisme et ériger des monuments à la gloire de ceux qui avaient combattu les Soviétiques et massacré des dizaines de milliers de juifs.
L’OTAN, à ce moment-là, pouvait faire pression sur l’Ukraine, car elle l’armait. Elle aurait pu dire : « Trouvez une solution raisonnable avec les Russes. Vous voyez que Poutine est un dictateur, vous savez comment, poussés dans leurs retranchements, ils peuvent réagir. Essayons de trouver une solution raisonnable, ne demandez pas à entrer dans l’OTAN. » Cela n’a pas été fait, donc on a laissé la situation s’envenimer.
Poutine viole le droit international, mais il faut lui faire des concessions car c’est un voyou ?
Le régime ukrainien est aussi peu démocratique ou presque que le régime russe. C’est un régime oligarchique où la liberté des médias n’est pas meilleure qu’en Russie et où il y a le même niveau de corruption. En plus l’Ukraine dresse des monuments à la gloire de collaborateurs nazis.
Tout de même, il faut se demander comment un peuple qui faisait partie de l’URSS et lui a donné beaucoup de dirigeants est devenu une nation fondée sur la haine de la Russie ?
Ceux qui défendaient l’Ukraine et son ancrage occidental en 2014 appartenaient à l’extrême droite. Ce sont les nationalistes qui ont fait la révolution de Maïdan. Ces jeunes étaient aguerris, courageux, prêts à mourir et ils avaient la haine des Russes. Et ce sont eux qui ont pris le pouvoir.
Les dirigeants ont une responsabilité vis-à-vis de leur peuple, de leur permettre d’avoir une certaine liberté et d’être heureux et de ne pas mourir inutilement. Les Ukrainiens auraient dû faire comme la Finlande : l’URSS pesait sur ce pays où il ne fallait pas dire trop de mal des Russes, mais les Finlandais avaient une certaine liberté, ils vivaient heureux et indépendants.
Vous n’êtes pas très exigeant en termes de liberté. Il fallait aussi mettre une raclée à l’Armée rouge.
L’Ukraine voulait être indépendante, se rattacher à l’Occident, ce qui est tout à fait compréhensible. Mais elle a été imprudente et le résultat est là. L’Ukraine ne va sans doute pas gagner la guerre. Elle peut contenir peut-être les Russes, mais le résultat sera terrible pour la population. Et du point de vue moral, toutes les villes ukrainiennes dont on parle aujourd’hui parce qu’il y a des combats ont vu des pogroms menés par la population ukrainienne. Le régime ukrainien non seulement le dissimule et ne le commémore pas, mais en plus glorifie ceux qui ont permis ces pogroms.
Il y a quelques jours, une cérémonie a eu lieu à Babi Yar à laquelle Zelenski, qui est juif par ailleurs, a assisté.
Oui, mais le mémorial de Babi Yar a été bâti avec des fonds privés et le rôle de l’Ukraine dans ces massacres y est caché. Je vous rappelle que la route qu’on emprunte pour aller à Babi Yar, sur les lieux du massacre, s’appelle depuis 2014 avenue Stepan Bandera.
En quoi cela amoindrit-il le droit de l’Ukraine à l’autodétermination ?
En rien. Aucun des deux régimes ne m’est sympathique. Je dis que l’Ukraine a été agressée, que Poutine est un dictateur, mais je dis aussi que si l’UE parle de corruption, elle doit aussi parler de la glorification de génocidaires comme Bandera. Et elle ne le fait pas parce qu’elle ne veut pas gâcher son récit d’une Ukraine angélique. L’UE a donné à l’Ukraine le statut de pays candidat. Désolé, mais si vous voulez accueillir l’Ukraine, alors vous devez lui demander d’adhérer à nos valeurs forgées dans la victoire contre le nazisme. On doit leur dire qu’il est hors de question qu’une Ukraine qui glorifie des génocidaires entre dans l’UE.
Comprenez-vous que vos prises de position sont perçues comme un soutien à Poutine ?
Non, parce que ce n’est pas le cas ! Si on est épris de liberté, Poutine est terrible. Mais en même temps le niveau de vie a monté, le niveau des pensions de retraite est supérieur à celui de l’Ukraine. En tous les cas, je ne suis pas pour Poutine et ne l’ai jamais été. J’ai contesté Zemmour qui voulait un Poutine français. Je suis épris de liberté, je suis pro-américain, j’ai prêté serment sur la Constitution américaine en tant qu’avocat, je la connais par cœur et je peux réciter la liste des présidents américains depuis Washington. Mais je ne veux pas de cette Ukraine-là dans l’UE, je pense que la Crimée est russe et que pour le Donbass, ils peuvent trouver une solution raisonnable.
Je n’ai pas envie que le conflit déborde en Europe, car le risque d’une troisième guerre mondiale est réel. L’Europe s’est déjà suicidée deux fois, elle n’a pas besoin de se suicider une troisième fois, pour le Donbass et en plus pour un régime qui ne m’est pas sympathique.
Avec 164 milliards d’euros de déficit commercial, la France affiche sa pire performance depuis l’après-guerre. Cependant, les marchés financiers s’en accommodent. Ils sont davantage obsédés par les résultats des grands groupes mondialisés que par la désindustrialisation des pays occidentaux. Les remèdes pour sortir du déclin existent, mais l’UE nous les interdit.
On cherchera vainement dans les premières pages de nos quotidiens l’annonce des derniers chiffres de notre commerce extérieur. Est-ce la faute au conflit ukrainien ou à la crise énergétique, sujets essentiels ? Peut-être, mais plus encore, sans doute à l’indifférence à un sujet qui fâche : la France administrée par Emmanuel Macron affiche la pire performance commerciale de l’après-guerre.
Sur l’exercice 2022, notre balance commerciale s’avère déficitaire de 164 milliards d’euros, contre 78 milliards en 2021. Le bateau France prend l’eau mois après mois.
Le silence des grands médias contraste avec la mise en exergue qui s’imposait il y a quarante ans au moment de l’échec sans gloire du « socialisme à la française ». On soulignait alors que la relance keynésienne avait creusé les déficits intérieur et extérieur sans véritable profit pour l’emploi et la production. Et cet échec allait ouvrir la voie à une nouvelle configuration de politique économique qui est encore la nôtre.
C’était une autre époque, c’était un autre monde. Les pays déficitaires, à l’exception notable des États-Unis dotés de la devise internationale, étaient impitoyablement sanctionnés lorsque leurs comptes extérieurs dérivaient. Et la France dut rétablir ses propres comptes au moyen de trois dévaluations successives assorties d’un plan d’austérité.
Pourquoi aujourd’hui les marchés financiers s’accommodent-ils d’une situation qui aurait entraîné auparavant leur désaveu cinglant ? Il y a bien sûr notre inclusion dans l’euro qui dissimule notre échec. Mais la vérité est que les critères des marchés financiers ont radicalement changé. Les performances en matière de production et d’emploi, et, par-dessus tout, la santé financière des grands groupes mondialisés, obsédés par la création de valeur pour l’actionnaire, prennent le pas sur toute autre considération. Et qu’importe que cette création de valeur, basée sur une délocalisation opportuniste, affaiblisse les appareils de production.
L’erreur à ne pas commettre serait de poser un diagnostic global de manque de compétitivité, sans voir exactement où le bât blesse. Il faut toujours « ventiler » pour mettre au jour les défaillances sectorielles.
L’industrie abandonnée
Enjambons le déficit énergétique, « normal », qui s’est cependant aggravé avec la réduction de notre capacité nucléaire, pour aller au cœur de notre drame économique : le déclin de notre production industrielle et de nos exportations de produits manufacturés.
L’année 2000 est la référence. Notre production industrielle a depuis chuté de 10 %, mais bien plus s’agissant de la production par tête. Nos présidents ont abandonné l’industrie sous l’influence perverse des apôtres de la société « post-industrielle », tandis que notre inclusion dans l’euro les a délivrés de la hantise d’une crise monétaire. Le naufrage commercial apparaît comme le plus saisissant stigmate de ce déclin industriel. Notre commerce était encore équilibré en 2000, malgré les importations d’hydrocarbures et la forte demande intérieure. Or, au troisième trimestre 2022, le déficit en produits manufacturés culminait à 21 milliards d’euros en dépit de l’excédent croissant du secteur aéronautique et spatial. La filière automobile en revanche, affiche un déficit de près de 5 milliards, qui contraste avec l’excédent de 12 milliards enregistré en 2000. Le déclin relatif des marques françaises s’est conjugué avec la délocalisation sans états d’âme de nos entreprises.
Cet échec commercial pose la question de la validité du système économique français. Oublions un instant le mot fétiche « compétitivité ». À chaque fois que notre déficit commercial s’aggrave, la France « exporte du PIB, des emplois productifs, des revenus et des recettes publiques ». Tout notre édifice de services publics et de prélèvements obligatoires adjacents s’enfonce silencieusement dans des sables mouvants. Là est le fond du problème économique, financier et social français. Face au défi intérieur grandissant représenté par la montée de l’insécurité et au défi de la menace extérieure, la capacité d’action de l’État se réduit année après année en proportion de la force de production sur le site français.
Or, hormis quelques personnes attachées à la pérennité de la France, la majorité présidentielle ânonne sur le thème inépuisable des réformes de structure, comme si la réforme des retraites pouvait réduire de 20 ou 25 % notre coût du travail, tandis que l’opposition gauchiste prône un nouveau programme à base de fonctionnariat et de réduction d’une durée du travail qui est déjà la plus basse du monde !
Les États désarmés
Laissons les esprits forts, Macron et Mélenchon, dans leur rôle. Nous sommes enfermés dans une souricière. Les deux remèdes objectifs nous sont interdits. La sortie de l’euro est le premier tabou. Nous comprenons aujourd’hui que la monnaie unique n’est pas un outil économique, mais une de ces idoles auxquelles il serait sacrilège de toucher. Et l’Europe sacro-sainte prohibe, depuis l’entrée dans le marché unique en 1993, le deuxième remède qui consisterait en un allégement massif de charges sociales ciblé sur les secteurs industriels exposés à la concurrence extérieure. De même prohibe-t-elle le soutien des États aux secteurs naissants et aux innovations économiques ou écologiques – le projet Airbus ne pourrait plus voir le jour. L’échappatoire serait d’abaisser drastiquement les salaires dans l’industrie et les services qui lui sont dédiés, au prix d’un suicide politique pour les gouvernants. Les traités européens ont atteint leur objectif crucial : désarmer les États.
Nous ne voyons de changement possible qu’à la faveur de turbulences sociales qui redistribueraient les cartes en obligeant les politiques et les médias à une révision déchirante de leur idéologie. Mais c’est s’illusionner encore, dès lors que les idéologues sont plus têtus que les faits.
Crise dans la restauration japonaise: des vidéos virales montrant des jeunes en train de lécher couverts, plats et bols sèment la pagaille.
Les kaitenzushi ou restaurants de sushis, où les victuailles se succèdent sur un tapis roulant qui tourne sans cesse, sont un élément essentiel de la culture japonaise. On peut donc imaginer l’esclandre déclenché par des canulars qui mettent en doute la salubrité de ces lieux.
Le 29 janvier, une vidéo postée sur Twitter montre un adolescent qui lèche une bouteille de sauce soja, le rebord d’une tasse à thé et ensuite ses doigts, avec lesquels il touche ensuite des sushis qui passent. La vidéo a été visionnée 99 millions de fois. L’horreur et le dégoût exprimés par les internautes sont à la hauteur du choc. Pour comble, la vidéo a provoqué des imitations. Le phénomène a été vite baptisé « sushi-terro », autrement dit, « sushi-terrorisme ». Les actions de la société mère de la chaîne de restaurants en question, Sushiro, ont perdu 5% de leur valeur, même si la perte a été rattrapée par la suite. Selon un spécialiste interviewé par CNN, il faudrait jusqu’à six mois pour surmonter l’impact de ces farces sur les ventes. L’adolescent de la vidéo principale a présenté ses excuses, mais l’entreprise entend poursuivre en justice tous les farceurs qui peuvent être identifiés. La chaîne a limité l’accès des clients aux plats et aux couverts. Une autre a installé des caméras pour surveiller les clients trop tactiles.
Très soucieux d’hygiène, les Japonais portaient couramment le masque même avant la pandémie. Or, le pays connaît actuellement un pic de cas de Covid. Le contrat social traditionnel suppose que chacun puisse compter sur les autres pour se comporter correctement. D’où cette lamentation d’un twittos : « Où est passée notre morale ? »
Causeur avait raillé l’opportunisme politique du maire de Nice, lorsqu’il a bataillé contre le cirque Zavatta et est venu en aide à l’hippopotame Jumbo… Dans cette tribune, l’avocat Thierry Granturco, maire dans le Calvados, invite les cirques à abandonner leurs numéros avec animaux pour se consacrer au rire et aux acrobaties aériennes ; il rappelle les évolutions récentes de la législation.
« Je refuse d’accueillir un cirque qui veut s’installer sans droit ni titre, exploite des animaux sauvages en captivité et bloque la circulation ». Christian Estrosi, maire de Nice, a récemment dû en découdre avec le cirque Zavatta, détenant des animaux sauvages, et qui a voulu s’installer dans sa commune sans son autorisation. À l’appui de sa décision, il a publié en ligne des photos d’un hippopotame propriété du cirque et vivant dans des conditions manifestement indignes.
J’ai été l’un des premiers maires, à Villers-sur-Mer, à prendre une telle décision, dès 2020. Contre une jurisprudence constante, qu’il appartient au juge administratif de faire évoluer, refusant aux maires d’exercer leurs pouvoirs de police générale pour ce qui concerne les cirques itinérants, et donnant un pouvoir de police spéciale aux préfets sur la question.
Pour ma part, je considère, comme Christian Estrosi et 400 autres maires en France, que les maires sont chargés de préserver l’ordre public et la moralité publique.
La domestication d’animaux sauvages relève de la maltraitance
Ces dernières années, le droit français n’a cessé de renforcer la protection accordée aux animaux, allant jusqu’à leur conférer le statut d’être vivant sensible, par la loi du 16 février 2015. Leurs propriétaires doivent donc, notamment, leur offrir des conditions de vie compatibles avec les impératifs de leurs espèces.
C’est dans cette logique que la loi du 30 novembre 2021, « visant à lutter contre la maltraitance animale et conforter le lien entre les animaux et les hommes », a fini par interdire les animaux sauvages dans les cirques à partir de 2028 et a, en attendant et dès à présent, “interdit d’acquérir, de commercialiser et de faire se reproduire des animaux appartenant aux espèces non-domestiques en vue de les présenter au public dans des établissements itinérants”.
Il est évident que la présentation au public d’animaux sauvages expose ces derniers à des traitements cruels et traumatisants, qui peuvent leur causer de graves blessures. Les animaux de cirque ne vivent pas dans des conditions compatibles avec leurs impératifs biologiques. Les impératifs des numéros auxquels ils sont soumis leur infligent d’inacceptables souffrances. Leur dressage demande des méthodes coercitives, violentes et répétitives. Ces violences ont notamment pour effet de priver l’animal de ses instincts et comportements naturels.
La Fédération des Vétérinaires d’Europe (FVE), organisation représentant plus de 38 pays, a d’ailleurs formellement recommandé, en 2015, l’interdiction générale de l’utilisation d’animaux sauvages dans les cirques en Europe. La FVE estime que “ces animaux ont le même patrimoine génétique que leurs homologues dans la nature et conservent les pulsions et besoins de leur comportement instinctif naturel. Les besoins des mammifères sauvages non domestiqués ne peuvent être satisfaits dans un cirque itinérant, en particulier au niveau de l’habitat et de la possibilité pour eux d’exprimer des comportements naturels”.
Privilégier les arts du cirque plutôt que l’exploitation animale
En tant que garants de l’ordre public, comment nous, maires, pourrions laisser faire ? Comment nous demander d’agir pour les cas de maltraitance sur animaux domestiques, de maltraitance sur animaux d’élevage, mais pas sur les cas de maltraitance sur animaux sauvages, sous prétexte qu’ils sont détenus par des cirques ?
La situation, telle que nous la voyons tous les jours sur le terrain, est terrifiante. Dromadaires attachés à des poteaux en bordure de route, lions qui se morfondent dans leurs cages toute la journée, hippopotames tournant en rond dans un enclos et qui n’ont pas toujours la petite piscine d’eau à laquelle a eu droit celui que Christian Estrosi a pu voir à Nice. Les préfets, contrairement aux maires, ne sont pas submergés de signalements d’administrés effarés des faits de maltraitance dont ils sont témoins.
Si Christian Estrosi, comme moi et comme plus de 400 autres maires, avons pris la responsabilité d’interdire les cirques avec animaux dans nos communes, c’est que nous estimons que le bien-être animal ne devrait pas se résumer à la question de savoir qui, entre le Préfet et le Maire, a le droit de prononcer de telles interdictions.
Il est urgent d’inviter les cirques, qui ne sont pas des zoos ambulants, à se concentrer sur… les arts du cirque, dont ils se sont écartés progressivement. Ils doivent revenir aux spectacles d’acrobatie, de jonglerie, aux disciplines aériennes et réapprendre à préférer les clowns aux animaux sauvages. Ils en sortiront grandis. Le cirque aussi.
Thierry Granturco est avocat aux Barreaux de Paris et de Bruxelles, spécialiste de droit du sport et des nouvelles technologies. Il est aussi maire de Villers dans le Calvados. Il est actif dans le milieu du football professionnel depuis plus de 20 ans après avoir lui-même joué à haut niveau à l’Olympique Lyonnais (OL). Il préside également le fonds d’investissement Dodécagone. Grâce aux bénéfices dégagés, il a également créé deux Fondations privées qu’il finance intégralement : l’une, Handynamisme, pour venir en soutien à des projets novateurs destinés à une population de personnes handicapées mentales ; et l’autre, la Fondation Philia, a été créée pour la défense de la cause animale.
Florence Bergeaud-Blackler est chargée de recherche au CNRS. D.R.
Causeur a lu l’enquête bien renseignée de Florence Bergeaud-Blackler sur les Frères musulmans, préfacée par Gilles Kepel, qui vaut à l’anthropologue une intense campagne de dénigrement islamo-gauchiste.
C’est avec la théorie de l’islam du juste milieu que le mouvement islamiste s’est lancé à l’assaut de l’Europe, explique Florence Bergeaud-Blackler, chargée d’études au CNRS et spécialiste de ces questions. Cette dénomination sert d’appeau à naïfs, car cet islam-là n’a rien de modéré. Les Frères ont un rêve : faire de l’Europe une terre d’islam. Ils sont habités par un récit fondateur. Ils entendent suivre ici et maintenant la voie tracée par leur prophète, Mahomet. C’est-à-dire passer de La Mecque à Médine, de la phase de faiblesse à celle de la force. Ils rêvent de conquête et pensent que celle de l’Europe est réalisable grâce à l’immigration massive et au ventre des femmes musulmanes. Ils le disent, ils l’écrivent. Pourtant, rares sont ceux qui les prennent au sérieux.
Un plan d’action sur trois décennies
En 1990, leur leader établit un plan d’actions pour les trente années à venir. Au programme notamment : la formation d’une avant-garde islamique et celle d’une opinion publique musulmane. Force est de constater que tout s’est déroulé comme prévu : « Les Frères musulmans constituent l’avant-garde de l’islam mondialisé. Une opinion publique musulmane a vu le jour, en particulier dans les métropoles des pays occidentaux où les musulmans comptent de plus en plus comme une force sociopolitique. »
Dans les années 2000, cette stratégie permet aux Frères d’investir les institutions européennes. À l’époque, pour lutter contre l’euroscepticisme croissant, l’Union européenne essaie de retrouver une forme de soutien populaire en mettant en avant, non des politiques concrètes, mais les valeurs communes de l’Europe. Celles-ci sont notamment définies comme spirituelles. Dans ce cadre, les principales religions sont sollicitées. « La Commission européenne affiche alors son souhait de coopérer avec les acteurs modérés de l’islam, écrit Florence Bergeaud-Blackler. N’étant pas capable de se doter de critères de modération et encore moins de vérifier que les représentants qui frappent à sa porte les remplissent, elle croit sur parole ceux qui se revendiquent tels. Bien entendu, les Frères ne manquent pas cette occasion bénie. » Ils vantent alors le dialogue entre les civilisations, sauf que leur but n’est pas d’adapter l’islam à l’Europe, mais d’adapter l’Europe à l’islam. L’influence frériste se déploie alors à partir des organisations historiques des Frères musulmans comme la Fédération des organisations islamiques en Europe (FOIE), son organisme de formation d’imams, l’IESH, sa branche jeunesse, Femyso et sa branche femme, EFOMW. Sa stratégie de développement cible les mêmes domaines au niveau européen que dans les pays membres. Elle se concentre sur « le dialogue religieux et interculturel, l’éducation et la formation, la place de la femme dans la société, la lutte contre le racisme ». En revisitant l’histoire de la confrérie et de sa mainmise sur les institutions représentatives de l’islam en France et en Europe, Florence Bergeaud-Blackler constate que la mauvaise intégration des musulmans n’est pas imputable aux sociétés occidentales. C’est même tout le contraire : « C’est l’islamisme, ici le frérisme, qui empêche l’intégration. Il le fait en demandant aux jeunes d’accepter la citoyenneté française tout en gardant un cœur musulman […]. » Il s’agit d’inverser « le processus d’assimilation : à la France de s’adapter aux musulmans, c’est le tribut qu’elle doit payer pour avoir colonisé une partie du monde musulman ».
Le directeur de l’Observatoire des Inégalités a publié, le 23 février 2023, un texte ahurissant appelant à repousser l’âge de l’apprentissage de la lecture.
Se référant aux travaux du linguiste Alain Bentolila et à des données de l’OCDE, Louis Maurin énonce entre autres, qu’il n’existe « aucun lien entre le fait de savoir lire tôt et le niveau ultérieur des individus », que ce serait « prendre à l’envers » le problème que de permettre aux enfants de s’adonner plus tôt aux joies de la lecture plutôt que de retarder cet apprentissage, ou encore que notre pays, « arc-bouté sur ses traditions », s’entête dans un sprint qui n’aurait comme conséquence que d’empêcher de « réduire les tensions liées à la compétition scolaire dans les plus petites classes et réduire les inégalités sociales à l’école ». Une des analogies les plus amusantes dans ce vibrant plaidoyer serait celle suivant laquelle « si l’école demandait aux enfants de savoir faire du vélo, les parents diplômés s’acharneraient davantage à leur apprendre le deux-roues. Pourtant, même sans cela les enfants finissent tous par savoir faire du vélo ». L’auteur de ces lignes en est tombé de sa selle. Mon sang n’a fait qu’un Tour (de France). En effet, il serait dès lors préférable de ne pas participer à la course plutôt que d’améliorer son temps?
Nous ne ferons pas à Monsieur le Directeur l’offense de rappeler qu’une étude publiée en 2018 dans le journal Plos One a révélé que l’apprentissage précoce de la lecture était associé à une meilleure compréhension de la langue, une plus grande fluidité de lecture et une plus grande confiance en soi chez les enfants. Ni qu’une étude menée en 2016 par des chercheurs de l’Université de Floride a montré que l’apprentissage précoce de la lecture était associé à des performances supérieures en mathématiques et en sciences chez les élèves du primaire. Ni qu’une méta-analyse de 20 études différentes publiée en 2017 dans le périodique Early Childhood Research Quarterly a montré que les enfants qui apprenaient à lire tôt avaient tendance à avoir de meilleures compétences en lecture que ceux qui apprenaient à lire après eux. Ni qu’une étude publiée en 2015 dans le journal Developmental Psychology a montré que l’apprentissage précoce de la lecture était associé à une plus grande activation de certaines régions du cerveau impliquées dans le traitement de la langue et de la lecture.
Par ailleurs, nous n’irons pas jusqu’à rappeler qu’Emilia Ferreiro, psychologue et chercheuse argentine, a mené des études sur les processus d’apprentissage de la lecture et a conclu que les enfants étaient capables d’apprendre à lire bien avant l’âge traditionnellement considéré comme approprié. Que Stanislas Dehaene, éminent neuroscientifique français, a écrit plusieurs livres sur le cerveau et l’apprentissage, dont Les neurones de la lecture, défendant l’idée que son apprentissage précoce peut être bénéfique pour les enfants en stimulant certaines zones du cerveau et en développant des compétences cognitives. Que Sally Shaywitz, une chercheuse américaine en neurologie, a mené des études sur la dyslexie et a conclu que les enfants qui apprenaient à lire tôt étaient moins susceptibles de développer des troubles de la lecture. Que John Hattie, un chercheur en éducation néo-zélandais, a mené des méta-analyses de recherches sur l’efficacité de différentes méthodes d’enseignement et a conclu que l’apprentissage précoce de la lecture avait un effet positif sur les performances académiques des élèves.
Il est étrange que le texte de l’Observatoire, quant à lui, ne cite quasiment aucune étude plus scientifique sur le sujet… Pour autant, il a au moins l’honnêteté de reconnaitre que les parents diplômés apprennent à leurs enfants à lire avant même leur entrée en primaire, et c’est là tout le nœud du problème : il est des inégalités qui ne seront jamais comblées. Certains parents ne cesseront jamais de pousser leurs enfants à aller plus vite que la musique. Et pendant que ces parents feront « lire le petit prince à 6 ans » à leurs enfants comme le chantait Renaud, d’autres laisseront les leurs vaquer à leurs abrutissantes occupations.
Le chocolat Milka de notre enfance est peu à peu remplacé par d’autres tablettes. Les enfants sont en effet confrontés aux smartphones de plus en plus jeunes, et regardent des programmes télévisés de moins en moins édifiants. En l’absence de réel contrôle des parents, c’est donc véritablement un nivellement par le Baba que nous propose l’Observatoire.
En tout état de cause, serait-il judicieux de retarder l’âge auquel les enfants apprennent à lire, donc à s’ouvrir sur ce que le monde a à leur offrir de meilleur, de plus enrichissant intellectuellement, à l’heure où ils sont confrontés de plus en plus jeunes aux affres de la crétinisation généralisée, via les réseaux sociaux et la télé poubelle ? Ne serait-il pas dramatique dans le pays de Victor Hugo, voisin de celui de Tintin, qu’un enfant apprenne à utiliser TikTok avant de savoir lire ? C’est malheureusement déjà le cas, et il est navrant que le directeur d’un centre censé lutter contre les inégalités reconnaissant en amont son incapacité à les résorber, ne les accroisse en ne comprenant pas que sa mesure creuserait davantage le fossé entre ceux dont les parents n’attendent pas le premier cours de lecture et ceux qui n’ont pas les possibilités ou la capacité d’aider leurs enfants. Parce qu’une chose est certaine : cette mesure ne changera en rien le rythme d’apprentissage des premiers, mais ralentira celui des enfants défavorisés. Il serait dramatique que la première aventure sélénite d’un enfant soit moins liée à Tintin et au Professeur Tournesol qu’à un youtubeur pour qui Neil Armstrong n’a jamais mis le pied sur la lune.
Inutile de ressasser les quelques recherches citées plus haut… Nul besoin d’être un éminent chercheur pour trouver le lien indubitable entre le fait de savoir lire et le fait… de lire. Lire, c’est le début de l’émancipation intellectuelle, donc le début de l’émancipation tout court. C’est le début de l’autonomie. Le début du questionnement, de la compilation d’informations éparses, de la remise en cause de ce qu’on récolte au gré de nos pérégrinations écrites. C’est le début d’un voyage, un long voyage de construction personnelle et intellectuelle. Et devant un tel voyage, une telle aventure qui attend les futurs acteurs du monde de demain, il serait criminel de les maintenir dans l’ignorance une année entière de plus. Prions pour que la lettre ouverte de l’Observatoire reste lettre morte.
– Hier, métro ligne 3, entre 14h02 et 14h06. Tu es monté.e station Louise Michel, tu avais Libébète à la main. Je t’ai remarqué.e immédiatement : fortement genré.e, en même temps indéfinissable, cheveux courts, pas de maquillage, mains épaisses, épaules larges, pantalon de cuir en agneau halal (ou casher ?), de marque Agnès Bééé. J’ai flashé sur ton regard très féminin, ta mâchoire très masculine, tes pieds très en dedans. Moi, style fortement burné de dos, indéfinissable de face : grand cou, petite tête, épaules égyptiennes époque des pyramides. Je t’ai regardé.e, tu m’as vu.e: sourires, complicité immédiate, sentiment d’appartenance LGBT (-) (+) = -. Tu es descendu.e, pas moi: c’est dommage! Timidité? Pourtant, je le sais, tu le sais, tu es mon genre, je suis ton genre, je serai le gendre de ta mère/père. Si tu te reconnais, je t’en prie, écris vite au journal tant qu’il paraît !
Je t’ai repéré
– Samedi, vers 20h, tu es monté dans la rame à la station Bastille. Très jeune, un visage très chti, un peu bouffi, l’air satisfait. Tu ressemblais à Louis Brayard. Tu avais une pancarte à la main :
– Macroléon comme Napo, L’a vraiment un très gros souci, Sa réforme, manque de pot, C’est sa retraite de Russie.
Moi: forte poitrine, large du bassin, des joues vraiment pleines, une bouche édentée, des lèvres gourmandes, surtout la supérieure façon « canard à l’orange ». Je t’ai kiffé immédiatement. Pour te le faire comprendre, je t’ai mis une main au panier discrètement. Tu t’es retourné, tu as fait mine de me gifler. – Connard ! j’ai dit, tu te prends pour Quatremains ? – Non, pour Louis Brayard ! Tous tes amis ont rigolé bruyamment. J’étais vexée, mais séduite, et je veux m’abandonner. Viens ce soir devant le lycée Bouffon, dans le XVe arrondissement, vers minuit. Tu mettras le feu à mon petit intérieur; après, on ira jouer au baby-foot.
Je t’ai vue
– Tu es montée dans le bus de la ligne 89 à Cambronne-Lecourbe, et descendue à Panthéon. Jupe serrée, longue, visage émacié, un air austère, rébarbatif même, lunettes cerclées de métal, maigre, pas de formes. Moi : taille moyenne, précocement chauve, bâti en forme de bouteille de Perrier, pieds plats, regard fuyant, l’air mauvais. Je suis révolté contre la société. Tu lisais un livre de Manuel Bonparti et Aurélie Trouvetout : Cours de mathématiques et d’économie mélenchoniennes ou comment revendre au Venezuela son propre pétrole, théorie et pratique, avec des exercices corrigés.Libébète dépassait de ton sac en plastique, tu tenais également dans ta main un ouvrage, dont le titre était, je me le rappelle: L’écologie politique ou les soviets moins l’électricité. Au début, je me disais que j’avais une chance avec une fille comme toi. Puis j’ai réfléchi, j’ai pensé à Ava Gardner, à Brigitte Bardot, à Marilyn Monroe…
Tu ne m’as pas vu, moi, je ne veux plus te voir.
Je t’ai bien eu !
– Dimanche, vers 17h30, Station Porte Dauphine, ligne 2; quelques personnes sur le quai attendent le départ de la rame. Moi: tailleur sombre, chaussures rouges, talons aiguilles; l’élégance-même, mais épicée, physionomie froide, une pointe de dédain, rouge à lèvres « bourgeoise de chevet », l’air d’avoir gagné une grosse somme au poker. Toi: Libébète sous le bras, la tête d’un type qui vient de déchirer une fois de plus ses tickets perdants de PMU. Tu montes dans la voiture de tête, moi aussi, je m’assieds en face de toi. Je sais que tu me regardes. Je dégage mes jambes, très haut sur les cuisses. Je feins de lire L’Obs(tacle), mon magazine de mode préféré. De temps en temps, je t’adresse un sourire, je croise et décroise les jambes. Tu es rubicond. Station Villiers, je descends, je te chuchote « rendez-vous aux petites annonces de Libébète, mardi ».
Alors voilà : cesse de rêver, tu n’avais aucune chance.
– Jeudi dernier, ligne 8, station Opéra, le métro était bourré, moi aussi. Tu avais Libébète à la main: couperosée, cheveux gras, petite avec une odeur forte, plus large que haute, mais très féminine. Moi: visage rouge, trois chicots noirs dans la bouche, grand, maigre, voûté, avec des mains d’étrangleur, fatigué mais viril. Si tu te reconnais, dépêche-toi, parce que moi, je ne te reconnaitrai pas! Je ne suis pas sûr d’avoir envie de toi à jeun, mais ivre, ça peut le faire! Ne laisse pas passer cette chance. Avant, je faisais la manche devant le journal, mais plus maintenant, ils n’ont plus un rond! Je t’attends, je t’espère, je te veux! Téléphone au directeur de Libébète, c’est un copain, on fait la manche ensemble.
Je t’ai ressentie
– C’était hier, t’en souviens-tu? Métro Sablons. Toi: grande, élancée, blonde aux yeux verts, sac Gucci, talons hauts, bas noirs, tu lisais Libébète. Moi: pas mal, surtout de dos, front bas très vaste (chauve), petits yeux gris rapprochés, grand, costaud, un peu inquiétant mais très poli. Je tenais un sac d’où dépassait un fémur. J’ai tout de suite compris que tu aimais le danger. Si tu te reconnais, viens me retrouver sous les arcades du pont Bir Hakeim, après minuit. Je t’attendrai toute la semaine. Tu vas aimer…
Note : Pour accompagner ces petites rencontres libébètes, une chanson dont la musique est de Dante Pilate Marchetti, les paroles de Maurice de Féraudy.
Je t’ai rencontré simplement, Et tu n’as rien fait pour chercher à me plaire…
Loi sur les peines planchers. On y revient, pas totalement, mais on s’en rapproche… Le bon sens fait le forcing et l’idéologie recule.
Un jour, on finira par comprendre que vaincre la délinquance répétitive est plus important pour notre société que de laisser les politiques s’enivrer de leurs convictions abstraites. Qu’il vaut mieux protéger les citoyens que ses propres préjugés. Ce fut une grave faute que d’avoir supprimé les peines planchers au mois d’octobre 2014. Depuis, elles sont calomniées ou présentées sous un jour absolument négatif sans que quiconque, politiquement, médiatiquement, y trouve à redire. Il faut rendre hommage à la députée Horizons Naïma Moutchou, qui avait eu l’intention de faire voter une proposition de loi par l’ensemble des groupes composant la majorité relative. Elle a été contrainte de la retirer à la suite de manœuvres politiciennes dont le principal ressort était de nuire à Edouard Philippe. Pourtant, elle n’avait pas poussé la cohérence jusqu’au bout, n’évoquant les peines planchers que pour les crimes ou délits commis contre les personnes dépositaires de l’autorité publique, personnels de santé, d’éducation et d’orientation. Le député LR Yannick Neuder a repris la balle au bond, approuvé par Olivier Marleix, Eric Ciotti, et soutenu par 40 députés de droite. L’objectif de cette nouvelle proposition de loi: défendre toutes les victimes occupant des missions d’intérêt général (professionnels de santé, policiers, gendarmes, agents des douanes, sapeurs-pompiers, enseignants)…
Il faut à l’évidence aller plus loin et, sans forcément considérer qu’une certaine magistrature est laxiste, accepter que le dispositif des peines planchers (instaurant principalement des peines minimales) régisse l’ensemble des parcours judiciaires caractérisés par des récidives et réitérations chroniques. Il convient en effet de sanctionner l’entêtement dans les transgressions, quelle que soit leur nature. Il faut sortir de l’appréciation au cas par cas d’un casier judiciaire mais appréhender celui-ci globalement en relevant la constance d’une volonté transgressive. L’utilité des peines planchers se trouvera là, dans la prise en compte, avec la rigueur adéquate, de ces destinées surabondantes dans la malfaisance qui encombrent les tribunaux, ceux-ci les voyant revenir sans avoir pu à aucun moment briser net leur trajet.
Je remercie le député Yannick Neuder d’avoir eu le courage de rappeler cette évidence qu’« on ne retire pas un tel sujet de l’Assemblée au motif que notre garde des Sceaux a un problème avec les peines planchers ». Son « problème » est facilement explicable: le ministre ne s’est pas détaché du point de vue de l’avocat qu’il a été. Par ailleurs, prétendant que les peines planchers n’ont « pas marché », il néglige le fait qu’en réalité, elles n’ont jamais pu être mises en œuvre dans leur plénitude. Une décision du Conseil constitutionnel d’août 2007, invoquant l’individualisation des peines, les a vidées de leur substance, les privant de leur efficacité.
Il est clair que pour toute proposition de loi relative aux peines planchers, il faudra réfléchir à une rédaction anticipant les dysfonctionnements ayant ruiné la loi de 2007. Mais il me semble que le simple fait de limiter, de manière claire et explicite, le champ d’appréciation du juge, pour la sauvegarde de tous, ne devrait pas être un critère forcément décisif pour une censure. Puis-je, même s’ils datent forcément, renvoyer à deux de mes billets : « Un changement d’ère » (31 mais 2007) et « Des médias aux ordres » (3 juin 2007).
Les peines planchers ont été stigmatisées à proportion de l’ignorance à leur sujet et de l’influence d’une gauche doctrinaire. On ne peut plus continuer à souffrir au quotidien de l’insécurité et refuser ce qui est de nature à la réduire judiciairement. On a besoin d’elles, plus que jamais, et vite !
* L’auteur d’origine russe et naturalisé français Andreï Makine est l’auteur d’un vibrant hommage fait à son pays d’élection : Cette France qu’on oublie d’aimer, Points, Paris, 2010.
Je suis devenue française le 9 mars 2023. Belge de naissance, j’ai fait le vœu d’acquérir la nationalité française au moment où, débarquant de Londres, je posais mes valises à Paris il y a sept ans. La ville m’avait alors éblouie par sa beauté. Ce mot sacré, subtil et un peu étrange, qui fit vaciller Stendhal à Florence, dont Périclès affirmait qu’elle rendait Athènes supérieure aux autres villes grecques[1], mot dont Dostoïevski disait qu’il sauvera le monde, est presque tabou aujourd’hui, comme une réminiscence de l’Ancien Régime (« Beauté, mon beau souci », François de Malherbe). Pourtant, la beauté subsiste, et tout ne se vaut pas, n’en déplaise aux égalitaristes. C’est bien elle qui arrache un cri d’admiration à des millions de touristes venus contempler Versailles, le Louvre, les bocages en Normandie, les vignobles en Bourgogne à l’automne, les champs de lavande bercés par le son des cigales en Provence, la mer entourant de ses bras le Mont Saint-Michel à l’aube, ou le reflet doré d’un soleil couchant sur le Mont-Blanc. La France n’est pas belle : elle est déchirante de beauté.
Mes chers concitoyens, soyez dignes de la France, faites-la briller
J’avais presque perdu espoir de voir ma demande de naturalisation aboutir. Après deux années et plusieurs allers-retours postaux du dossier avec la préfecture de police pour des bagatelles administratives (somme toute très françaises elles aussi), j’ai été convoquée pour un entretien censé vérifier mon stade d’intégration. Plusieurs dizaines de questions me furent posées sur l’histoire, la géographie et les symboles du pays. Quelle est la devise de la France ? De quand date la Révolution française ? Quelle est la symbolique des couleurs du drapeau français ? Rien qui soit hors d’atteinte pour un élève de CM2. Les remparts de la citadelle française me semblèrent soudain moins hauts.
Lorsque je reçus le courrier de la préfecture de police m’indiquant qu’« une suite favorable » avait été accordée à ma demande, c’est la fierté – oui, une immense fierté patriotique, expression surannée et en sursis elle aussi – qui m’a saisie. Car j’appartiens désormais à une nation grandiose, où mes ancêtres – même si j’attrape le train en marche – portent des noms qui brillent comme des phares dans l’Histoire : de Gaulle, Napoléon, Louis XIV ou Charlemagne ; mais aussi en littérature : Flaubert, Proust, Baudelaire, Hugo, Racine, Maupassant, Céline ; ou encore dans l’art : David, Delacroix, Poussin, Monet, Géricault, Degas, Debussy. Je regarde l’excellence de l’armée française, l’exigence de ses grandes écoles, le raffinement de son artisanat, la douce musique de sa langue, dont Camus disait qu’elle était sa patrie, et qui est de l’or à mes oreilles. Et je réalise alors cette chance inouïe, phénoménale, vertigineuse de pouvoir me murmurer: « Tout cela, c’est mon pays ! ».
Pourtant, quand j’explique ma démarche, des yeux s’écarquillent autour de moi et les questions fusent : « Pourquoi veux-tu devenir française ? Qu’est-ce que cela t’apporte, puisque tu es Belge ? » Dialogue de sourds. Je réalise alors combien les Français méprisent leur pays, et combien ce mépris est funeste.
Il est vrai que la France est une pelote de contradictions. Aux prises tout à la fois avec un goût de château, un brin passéiste et nostalgique, rêvant de ses ors, de ses rois et de sa grandeur passés ; et un goût de Révolution, de têtes coupées, du branle-bas de combat et d’avant-garde. Elle est tiraillée entre une tradition chrétienne d’une part, en digne « fille aînée de l’Église » (Jean-Paul II), qui fit ériger un clocher dans le moindre de ses villages et se trouva crucifiée de douleur quand la flèche de Notre-Dame sombra dans les flammes – et sa laïcité d’autre part, martelée sans cesse et brandie partout comme un bouclier. Tourmentée, complexe, chatoyante, la France ne se laisse pas réduire à une notion abstraite, comme la République ou la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Elle s’incarne dans une terre, un peuple, une âme ; bref, un monde.
Il est vrai aussi qu’elle ne sait plus très bien où elle va. Entre cette modernité cyber-mercantile qui promet un bonheur sous cellophane, ce multiculturalisme encouragé et dans lequel elle ne se reconnaît pas, son modèle social insoluble dans le capitalisme moderne, ce christianisme sans larmes ni miracle, la France semble manquer de souffle. Elle peine à trouver sa place et se laisse déborder de toute part. Indécision, fatigue existentielle ? On guette en vain les traces de son audace et son singulier sens de l’Histoire, son génie, son élégant panache. Un président qui ne cesse de battre sa coulpe pour des « fautes » commises par ses prédécesseurs, selon un culte de la résipiscence très en vogue, en afflige plus d’un, tant il est vrai qu’un pays qui se méprise à ce point-là et s’incline devant tout ne fait pas rêver. La culture française elle-même semble en passe de devenir une machine d’ennui, volupté sage et consolation élégante, orpheline de ses génies, où le wokisme ratiboise tout ce qui « offense » son public.
Le discours de circonstance qui nous fut adressé à l’occasion de la cérémonie d’accueil dans la citoyenneté française nous vanta sans surprise la richesse que représente cette assimilation d’étrangers par la France. Nous étions 70 nouveaux Français à écouter l’agent administratif dans la salle (dont une trentaine de nationalités représentées). « Vous avez sans doute souhaité rejoindre la France pour des motifs professionnels ou familiaux… », nous dit-il. Tandis qu’il s’appesantissait sur nos droits fraîchement acquis, je songeais à d’autres qui, comme moi, sont nés à l’étranger et ont acquis la nationalité par amour de la France et certainement rien que cela: Romain Gary, Zola, Apollinaire, Kundera, Marie Curie, Blaise Cendrars ou Joseph Kessel.
Soudain, cette phrase inattendue: « Mes chers concitoyens, soyez dignes de la France, faites-la briller ». Et là, sous le vernis régulier et bien-pensant, par une déchirure, comme un rappel, le souvenir d’un monde ancien aboli, un aperçu des rêves de grandeur et de l’admiration éprouvée pour son pays. Si le désir de « faire briller la France », à nouveau, pouvait triompher dans les cœurs, taire les amertumes, rassembler les âmes ! Nous sortîmes, des sourires se peignant sur tous les visages, et me revenaient dans l’air frémissant les beaux vers d’Aragon : « Je vous salue, ma France aux yeux de tourterelle… ».
Le dernier film de Laurent Firode, satirique et revigorant, est un médicament pour méchants réacs. Il est un allié précieux pour survivre à l’époque débilitante.
Il y a quelques mois, je faisais ici même l’éloge du film de Laurent Firode, Le Monde d’après. J’évoquais l’intelligence et la drôlerie de ce film-médicament, de cet élixir de jouissance anti-woke, de ce reconstituant neuronal par le rire. Je ne regrettais qu’une chose: sa courte durée, une heure seulement. Je priais alors pour que le réalisateur continue son œuvre bienfaitrice. Alléluia, mes frères et mes sœurs ! Le Seigneur m’a entendu et a éclairé de Sa lumière céleste Laurent Firode et sa bande : LeMonde d’après 2 sort le 15 mars à Paris [1] – il dure une heure et demie et est aussi réjouissant que le premier opus.
Le film est composé de 15 saynètes, 15 photographies de notre société tourmentée à la fois par les décisions sanitaires et arbitraires du gouvernement au moment de la crise due au Covid, l’écologisme le plus arriéré, le féminisme le plus abêti et le wokisme le plus hargneusement destructeur. Les dialogues savoureusement drôles empruntent aux discours des porte-parole gouvernementaux et aux propos de Sandrine Rousseau autant qu’à la novlangue de l’idéologie woke – comme si ce monde d’après avait fini par gober toutes les âneries en cours et ne pouvait plus échapper aux idées débilitantes sur le genre considéré comme une « construction sociale et patriarcale », sur « l’appropriation culturelle », le « transgenrisme » et la « déconstruction des hommes », entre autres absurdités idéologiques.
Histoire de vous mettre l’eau à la bouche… La troisième saynète s’intitule Tous-tes contre l’exclusion. Deux amis discutent dans un appartement cosy. L’un d’entre eux se maquille et s’apprête à se rendre à la manifestation « inclusive » pour les droits des « minorités opprimées ». Il décrit à son ami – un hétérosexuel « cisgenre » qui aimerait bien montrer sa solidarité en participant, même discrètement, à cet événement – la composition du cortège : en tête, les trans racisés. Ensuite, les queers. Puis les handi non-binaires mixtes et les lesbiennes non-genrées. Autant dire que, dans ce cortège clamant sa « fierté » d’inclure tout le monde, la présence d’un « hétérosexuel cisgenre », même désireux d’être un « allié » de la cause des minorités, ne va pas de soi. Je vous laisse découvrir comment l’inclusif ami trans résoudra cette difficulté.
Connaissez-vous la méthode Hammerstein-Flitzkraub ? Non ? Il faut absolument que vous soyez informés sur cette technique permettant de prendre conscience de supposés traumatismes vécus pendant la toute petite enfance. La scène met en exergue toute la folie de ce monde, l’inconsistance d’individus décérébrés et ayant gobé un discours pseudo-scientifique tout à la fois victimaire et culpabilisateur, et la dissolution du simple bon sens. C’est cruel et très drôle.
Découvrez aussi le « rebelle » autoproclamé qui se prend « presque » pour Jean Moulin parce qu’il est allé boire une bière sur une terrasse de café « dès le lendemain » des attentats du 13 novembre 2015 et porte un tee-shirt à l’effigie de Zelensky ; les deux écologistes qui récitent leur catéchisme militant avant que d’essayer une nouvelle colle pour préparer un « coup d’éclat » ; ou encore Corentin faisant son coming out – et quel coming-out ! – devant ses parents effarés (un sketch à rebondissements qui m’a fait mourir de rire). Enchâssées entre ces moments purement jubilatoires, quelques scènes teintées d’une réelle émotion rappellent les délires autoritaires de notre gouvernement au moment du confinement imposé et du masque obligatoire, et leurs conséquences sur nos vies. Les acteurs et les actrices, tous parfaits, jouent idéalement leurs rôles d’hommes et de femmes abrutis ou meurtris par les idéologies les plus bêtes.
Le rire désarme la bêtise
Il existe deux façons de combattre le wokisme, toutes les deux honorables et indispensables. La première consiste à le prendre au sérieux. Il est alors capital de démasquer sa présence militante dans les lieux de savoir aussi bien que dans ceux du divertissement et des médias, de dire la vérité sur la propagande distillée dans les écoles dès le plus jeune âge, de dénoncer les associations qui le répandent. Pour appréhender et combattre cette idéologie disparate et mortifère, il est primordial de prendre le temps de lire des ouvrages analysant ses origines, ses manières d’infiltrer la société et ses objectifs totalitaires – ceux de Jean-François Braunstein, Bérénice Levet, Mathieu Bock-Côté, Pierre-André Taguieff ou Sabine Prokhoris, par exemple. La seconde consiste à s’en moquer comme d’une absurdité évidente, un objet débile qui ne peut être que tourné en dérision. L’éclat de rire devant une affiche du planning familial exhibant un « homme enceint » ou proclamant que « le sexe est un construit social » et que « le pénis est un pénis, pas un organe sexuel mâle », doit briller comme un éclair de vérité et de bon sens. Le rire est une torpille contre la bêtise parce qu’il est « le dédain et la compréhension mêlés » (Flaubert) – l’idéologue abruti par son idéologie est désarmé par la spontanéité d’un éclat de rire révélant une intelligence intuitive mille fois supérieure à la sienne, préfabriquée et abêtie.
Nombre d’auteurs, dont votre serviteur se targue de faire partie, aiment à manier aussi bien les arguments les plus rationnels que ces armes redoutables que sont l’ironie, la parodie, la farce, l’humour. À sa manière, la manière cinématographique, Laurent Firode est un adepte de Muray, notre maître à tous. Il jette l’époque telle quelle sur la toile, reprend ses mots, la met entre guillemets, dans l’espoir qu’apparaissent en même temps son absurdité et son comique.
Nul besoin de surjouer la folie, d’inventer ou d’ajouter des effets spéciaux de décérébration – filmée ironiquement par Laurent Firode, imitée à la perfection, cette époque apparaît bien comme l’une des plus tarées que l’humanité ait jamais connues. Nous avons encore la liberté d’en rire, profitons-en !
[1] Sortie le 15 mars au cinéma l’Espace Saint Michel (7 place Saint-Michel, Paris 5ème). Séance tous les soirs à 18h00. Au moment où j’écris ces lignes, j’ignore s’il est prévu que ce film soit à l’affiche d’autres salles parisiennes ou en province.
Si Vladimir Poutine est le premier responsable de la guerre actuelle, il ne faut pas écarter la responsabilité des États-Unis dans la longue escalade qui a précédé le conflit. Mais surtout, il est impossible d’accueillir l’Ukraine au sein de l’UE tant que celle-ci érigera en héros des génocidaires comme Bandera. Propos recueillis par Gil Mihaely.
Causeur. Vous avez appelé récemment à un accord de paix entre l’Ukraine et la Russie. Pourquoi, selon vous, les Russes et les Ukrainiens ne sont-ils toujours pas en train de négocier un tel accord ?
Arno Klarsfeld. Parce qu’une fois que les passions humaines se mettent en branle, une fois qu’il y a de nombreux morts d’un côté comme de l’autre, il est difficile de mettre les deux protagonistes autour d’une table de négociations. D’autant que les Américains veulent affaiblir la Russie avec les troupes ukrainiennes, sans entrer eux-mêmes dans le conflit. Mais aussi parce que l’Europe se sent menacée, que le droit international a été bafoué.
Qui en porte la responsabilité ?
Poutine est le premier responsable ! Il a commencé cette guerre alors qu’il n’y avait pas de menace immédiate à l’encontre de la Russie. Il avait déjà la Crimée, il avait déjà une partie du Donbass ! Mais l’OTAN porte une part de responsabilité, dans le sens où depuis 2014, elle a laissé l’Ukraine bâtir son identité sur une haine viscérale de la Russie, démolir les monuments commémorant la victoire sur le nazisme et ériger des monuments à la gloire de ceux qui avaient combattu les Soviétiques et massacré des dizaines de milliers de juifs.
L’OTAN, à ce moment-là, pouvait faire pression sur l’Ukraine, car elle l’armait. Elle aurait pu dire : « Trouvez une solution raisonnable avec les Russes. Vous voyez que Poutine est un dictateur, vous savez comment, poussés dans leurs retranchements, ils peuvent réagir. Essayons de trouver une solution raisonnable, ne demandez pas à entrer dans l’OTAN. » Cela n’a pas été fait, donc on a laissé la situation s’envenimer.
Poutine viole le droit international, mais il faut lui faire des concessions car c’est un voyou ?
Le régime ukrainien est aussi peu démocratique ou presque que le régime russe. C’est un régime oligarchique où la liberté des médias n’est pas meilleure qu’en Russie et où il y a le même niveau de corruption. En plus l’Ukraine dresse des monuments à la gloire de collaborateurs nazis.
Tout de même, il faut se demander comment un peuple qui faisait partie de l’URSS et lui a donné beaucoup de dirigeants est devenu une nation fondée sur la haine de la Russie ?
Ceux qui défendaient l’Ukraine et son ancrage occidental en 2014 appartenaient à l’extrême droite. Ce sont les nationalistes qui ont fait la révolution de Maïdan. Ces jeunes étaient aguerris, courageux, prêts à mourir et ils avaient la haine des Russes. Et ce sont eux qui ont pris le pouvoir.
Les dirigeants ont une responsabilité vis-à-vis de leur peuple, de leur permettre d’avoir une certaine liberté et d’être heureux et de ne pas mourir inutilement. Les Ukrainiens auraient dû faire comme la Finlande : l’URSS pesait sur ce pays où il ne fallait pas dire trop de mal des Russes, mais les Finlandais avaient une certaine liberté, ils vivaient heureux et indépendants.
Vous n’êtes pas très exigeant en termes de liberté. Il fallait aussi mettre une raclée à l’Armée rouge.
L’Ukraine voulait être indépendante, se rattacher à l’Occident, ce qui est tout à fait compréhensible. Mais elle a été imprudente et le résultat est là. L’Ukraine ne va sans doute pas gagner la guerre. Elle peut contenir peut-être les Russes, mais le résultat sera terrible pour la population. Et du point de vue moral, toutes les villes ukrainiennes dont on parle aujourd’hui parce qu’il y a des combats ont vu des pogroms menés par la population ukrainienne. Le régime ukrainien non seulement le dissimule et ne le commémore pas, mais en plus glorifie ceux qui ont permis ces pogroms.
Il y a quelques jours, une cérémonie a eu lieu à Babi Yar à laquelle Zelenski, qui est juif par ailleurs, a assisté.
Oui, mais le mémorial de Babi Yar a été bâti avec des fonds privés et le rôle de l’Ukraine dans ces massacres y est caché. Je vous rappelle que la route qu’on emprunte pour aller à Babi Yar, sur les lieux du massacre, s’appelle depuis 2014 avenue Stepan Bandera.
En quoi cela amoindrit-il le droit de l’Ukraine à l’autodétermination ?
En rien. Aucun des deux régimes ne m’est sympathique. Je dis que l’Ukraine a été agressée, que Poutine est un dictateur, mais je dis aussi que si l’UE parle de corruption, elle doit aussi parler de la glorification de génocidaires comme Bandera. Et elle ne le fait pas parce qu’elle ne veut pas gâcher son récit d’une Ukraine angélique. L’UE a donné à l’Ukraine le statut de pays candidat. Désolé, mais si vous voulez accueillir l’Ukraine, alors vous devez lui demander d’adhérer à nos valeurs forgées dans la victoire contre le nazisme. On doit leur dire qu’il est hors de question qu’une Ukraine qui glorifie des génocidaires entre dans l’UE.
Comprenez-vous que vos prises de position sont perçues comme un soutien à Poutine ?
Non, parce que ce n’est pas le cas ! Si on est épris de liberté, Poutine est terrible. Mais en même temps le niveau de vie a monté, le niveau des pensions de retraite est supérieur à celui de l’Ukraine. En tous les cas, je ne suis pas pour Poutine et ne l’ai jamais été. J’ai contesté Zemmour qui voulait un Poutine français. Je suis épris de liberté, je suis pro-américain, j’ai prêté serment sur la Constitution américaine en tant qu’avocat, je la connais par cœur et je peux réciter la liste des présidents américains depuis Washington. Mais je ne veux pas de cette Ukraine-là dans l’UE, je pense que la Crimée est russe et que pour le Donbass, ils peuvent trouver une solution raisonnable.
Je n’ai pas envie que le conflit déborde en Europe, car le risque d’une troisième guerre mondiale est réel. L’Europe s’est déjà suicidée deux fois, elle n’a pas besoin de se suicider une troisième fois, pour le Donbass et en plus pour un régime qui ne m’est pas sympathique.
Avec 164 milliards d’euros de déficit commercial, la France affiche sa pire performance depuis l’après-guerre. Cependant, les marchés financiers s’en accommodent. Ils sont davantage obsédés par les résultats des grands groupes mondialisés que par la désindustrialisation des pays occidentaux. Les remèdes pour sortir du déclin existent, mais l’UE nous les interdit.
On cherchera vainement dans les premières pages de nos quotidiens l’annonce des derniers chiffres de notre commerce extérieur. Est-ce la faute au conflit ukrainien ou à la crise énergétique, sujets essentiels ? Peut-être, mais plus encore, sans doute à l’indifférence à un sujet qui fâche : la France administrée par Emmanuel Macron affiche la pire performance commerciale de l’après-guerre.
Sur l’exercice 2022, notre balance commerciale s’avère déficitaire de 164 milliards d’euros, contre 78 milliards en 2021. Le bateau France prend l’eau mois après mois.
Le silence des grands médias contraste avec la mise en exergue qui s’imposait il y a quarante ans au moment de l’échec sans gloire du « socialisme à la française ». On soulignait alors que la relance keynésienne avait creusé les déficits intérieur et extérieur sans véritable profit pour l’emploi et la production. Et cet échec allait ouvrir la voie à une nouvelle configuration de politique économique qui est encore la nôtre.
C’était une autre époque, c’était un autre monde. Les pays déficitaires, à l’exception notable des États-Unis dotés de la devise internationale, étaient impitoyablement sanctionnés lorsque leurs comptes extérieurs dérivaient. Et la France dut rétablir ses propres comptes au moyen de trois dévaluations successives assorties d’un plan d’austérité.
Pourquoi aujourd’hui les marchés financiers s’accommodent-ils d’une situation qui aurait entraîné auparavant leur désaveu cinglant ? Il y a bien sûr notre inclusion dans l’euro qui dissimule notre échec. Mais la vérité est que les critères des marchés financiers ont radicalement changé. Les performances en matière de production et d’emploi, et, par-dessus tout, la santé financière des grands groupes mondialisés, obsédés par la création de valeur pour l’actionnaire, prennent le pas sur toute autre considération. Et qu’importe que cette création de valeur, basée sur une délocalisation opportuniste, affaiblisse les appareils de production.
L’erreur à ne pas commettre serait de poser un diagnostic global de manque de compétitivité, sans voir exactement où le bât blesse. Il faut toujours « ventiler » pour mettre au jour les défaillances sectorielles.
L’industrie abandonnée
Enjambons le déficit énergétique, « normal », qui s’est cependant aggravé avec la réduction de notre capacité nucléaire, pour aller au cœur de notre drame économique : le déclin de notre production industrielle et de nos exportations de produits manufacturés.
L’année 2000 est la référence. Notre production industrielle a depuis chuté de 10 %, mais bien plus s’agissant de la production par tête. Nos présidents ont abandonné l’industrie sous l’influence perverse des apôtres de la société « post-industrielle », tandis que notre inclusion dans l’euro les a délivrés de la hantise d’une crise monétaire. Le naufrage commercial apparaît comme le plus saisissant stigmate de ce déclin industriel. Notre commerce était encore équilibré en 2000, malgré les importations d’hydrocarbures et la forte demande intérieure. Or, au troisième trimestre 2022, le déficit en produits manufacturés culminait à 21 milliards d’euros en dépit de l’excédent croissant du secteur aéronautique et spatial. La filière automobile en revanche, affiche un déficit de près de 5 milliards, qui contraste avec l’excédent de 12 milliards enregistré en 2000. Le déclin relatif des marques françaises s’est conjugué avec la délocalisation sans états d’âme de nos entreprises.
Cet échec commercial pose la question de la validité du système économique français. Oublions un instant le mot fétiche « compétitivité ». À chaque fois que notre déficit commercial s’aggrave, la France « exporte du PIB, des emplois productifs, des revenus et des recettes publiques ». Tout notre édifice de services publics et de prélèvements obligatoires adjacents s’enfonce silencieusement dans des sables mouvants. Là est le fond du problème économique, financier et social français. Face au défi intérieur grandissant représenté par la montée de l’insécurité et au défi de la menace extérieure, la capacité d’action de l’État se réduit année après année en proportion de la force de production sur le site français.
Or, hormis quelques personnes attachées à la pérennité de la France, la majorité présidentielle ânonne sur le thème inépuisable des réformes de structure, comme si la réforme des retraites pouvait réduire de 20 ou 25 % notre coût du travail, tandis que l’opposition gauchiste prône un nouveau programme à base de fonctionnariat et de réduction d’une durée du travail qui est déjà la plus basse du monde !
Les États désarmés
Laissons les esprits forts, Macron et Mélenchon, dans leur rôle. Nous sommes enfermés dans une souricière. Les deux remèdes objectifs nous sont interdits. La sortie de l’euro est le premier tabou. Nous comprenons aujourd’hui que la monnaie unique n’est pas un outil économique, mais une de ces idoles auxquelles il serait sacrilège de toucher. Et l’Europe sacro-sainte prohibe, depuis l’entrée dans le marché unique en 1993, le deuxième remède qui consisterait en un allégement massif de charges sociales ciblé sur les secteurs industriels exposés à la concurrence extérieure. De même prohibe-t-elle le soutien des États aux secteurs naissants et aux innovations économiques ou écologiques – le projet Airbus ne pourrait plus voir le jour. L’échappatoire serait d’abaisser drastiquement les salaires dans l’industrie et les services qui lui sont dédiés, au prix d’un suicide politique pour les gouvernants. Les traités européens ont atteint leur objectif crucial : désarmer les États.
Nous ne voyons de changement possible qu’à la faveur de turbulences sociales qui redistribueraient les cartes en obligeant les politiques et les médias à une révision déchirante de leur idéologie. Mais c’est s’illusionner encore, dès lors que les idéologues sont plus têtus que les faits.