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Pourquoi Christian Estrosi a raison de faire son cirque

Une tribune du maire Thierry Granturco


Pourquoi Christian Estrosi a raison de faire son cirque
Dumbo (1941), film de Ben Sharpsteen © RONALDGRANT/MARY EVANS/SIPA

Causeur avait raillé l’opportunisme politique du maire de Nice, lorsqu’il a bataillé contre le cirque Zavatta et est venu en aide à l’hippopotame Jumbo… Dans cette tribune, l’avocat Thierry Granturco, maire dans le Calvados, invite les cirques à abandonner leurs numéros avec animaux pour se consacrer au rire et aux acrobaties aériennes ; il rappelle les évolutions récentes de la législation.


« Je refuse d’accueillir un cirque qui veut s’installer sans droit ni titre, exploite des animaux sauvages en captivité et bloque la circulation ». Christian Estrosi, maire de Nice, a récemment dû en découdre avec le cirque Zavatta, détenant des animaux sauvages, et qui a voulu s’installer dans sa commune sans son autorisation. À l’appui de sa décision, il a publié en ligne des photos d’un hippopotame propriété du cirque et vivant dans des conditions manifestement indignes.

J’ai été l’un des premiers maires, à Villers-sur-Mer, à prendre une telle décision, dès 2020. Contre une jurisprudence constante, qu’il appartient au juge administratif de faire évoluer, refusant aux maires d’exercer leurs pouvoirs de police générale pour ce qui concerne les cirques itinérants, et donnant un pouvoir de police spéciale aux préfets sur la question. 

Pour ma part, je considère, comme Christian Estrosi et 400 autres maires en France, que les maires sont chargés de préserver l’ordre public et la moralité publique. 

La domestication d’animaux sauvages relève de la maltraitance

Ces dernières années, le droit français n’a cessé de renforcer la protection accordée aux animaux, allant jusqu’à leur conférer le statut d’être vivant sensible, par la loi du 16 février 2015. Leurs propriétaires doivent donc, notamment, leur offrir des conditions de vie compatibles avec les impératifs de leurs espèces.

C’est dans cette logique que la loi du 30 novembre 2021, « visant à lutter contre la maltraitance animale et conforter le lien entre les animaux et les hommes », a fini par interdire les animaux sauvages dans les cirques à partir de 2028 et a, en attendant et dès à présent, “interdit d’acquérir, de commercialiser et de faire se reproduire des animaux appartenant aux espèces non-domestiques en vue de les présenter au public dans des établissements itinérants”.

Il est évident que la présentation au public d’animaux sauvages expose ces derniers à des traitements cruels et traumatisants, qui peuvent leur causer de graves blessures. Les animaux de cirque ne vivent pas dans des conditions compatibles avec leurs impératifs biologiques. Les impératifs des numéros auxquels ils sont soumis leur infligent d’inacceptables souffrances. Leur dressage demande des méthodes coercitives, violentes et répétitives. Ces violences ont notamment pour effet de priver l’animal de ses instincts et comportements naturels.

La Fédération des Vétérinaires d’Europe (FVE), organisation représentant plus de 38 pays, a d’ailleurs formellement recommandé, en 2015, l’interdiction générale de l’utilisation d’animaux sauvages dans les cirques en Europe. La FVE estime que “ces animaux ont le même patrimoine génétique que leurs homologues dans la nature et conservent les pulsions et besoins de leur comportement instinctif naturel. Les besoins des mammifères sauvages non domestiqués ne peuvent être satisfaits dans un cirque itinérant, en particulier au niveau de l’habitat et de la possibilité pour eux d’exprimer des comportements naturels”.

Privilégier les arts du cirque plutôt que l’exploitation animale

En tant que garants de l’ordre public, comment nous, maires, pourrions laisser faire ? Comment nous demander d’agir pour les cas de maltraitance sur animaux domestiques, de maltraitance sur animaux d’élevage, mais pas sur les cas de maltraitance sur animaux sauvages, sous prétexte qu’ils sont détenus par des cirques ? 

La situation, telle que nous la voyons tous les jours sur le terrain, est terrifiante. Dromadaires attachés à des poteaux en bordure de route, lions qui se morfondent dans leurs cages toute la journée, hippopotames tournant en rond dans un enclos et qui n’ont pas toujours la petite piscine d’eau à laquelle a eu droit celui que Christian Estrosi a pu voir à Nice. Les préfets, contrairement aux maires, ne sont pas submergés de signalements d’administrés effarés des faits de maltraitance dont ils sont témoins. 

Si Christian Estrosi, comme moi et comme plus de 400 autres maires, avons pris la responsabilité d’interdire les cirques avec animaux dans nos communes, c’est que nous estimons que le bien-être animal ne devrait pas se résumer à la question de savoir qui, entre le Préfet et le Maire, a le droit de prononcer de telles interdictions. 

Il est urgent d’inviter les cirques, qui ne sont pas des zoos ambulants, à se concentrer sur… les arts du cirque, dont ils se sont écartés progressivement. Ils doivent revenir aux spectacles d’acrobatie, de jonglerie, aux disciplines aériennes et réapprendre à préférer les clowns aux animaux sauvages. Ils en sortiront grandis. Le cirque aussi. 

Thierry Granturco est avocat aux Barreaux de Paris et de Bruxelles, spécialiste de droit du sport et des nouvelles technologies. Il est aussi maire de Villers dans le Calvados.
Il est actif dans le milieu du football professionnel depuis plus de 20 ans après avoir lui-même joué à haut niveau à l’Olympique Lyonnais (OL).
Il préside également le fonds d’investissement Dodécagone. Grâce aux bénéfices dégagés, il a également créé deux Fondations privées qu’il finance intégralement : l’une, Handynamisme, pour venir en soutien à des projets novateurs destinés à une population de personnes handicapées mentales ; et l’autre, la Fondation Philia, a été créée pour la défense de la cause animale.



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Avocat aux Barreaux de Paris et de Bruxelles, maire de Villers dans le Calvados.

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