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Le monde est plein d’idées chrétiennes devenues sottes. La preuve avec Marina Foïs

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L’actrice reproche aux Français un manque d’empathie pour les migrants


Les propos de Marina Foïs sur l’immigration sur RTL font beaucoup jaser. Chesterton dit que le monde est plein d’idées chrétiennes devenues folles. Plein d’idées chrétiennes devenues sottes, désormais, plutôt. Et je suis sympa, je vais seulement vous résumer le galimatias de l’actrice[1]. Marina Foïs aime l’Autre et la différence. Sauf la différence idéologique: l’autre qui pense que la France est menacée par l’immigration massive est un salaud et un facho.

A relire: Immigration et démographie urbaine: les cartes à peine croyables de France Stratégie

D’ailleurs, affirme la grande démographe, il n’y a pas d’immigration massive. Elle ne comprend pas le manque d’empathie des Français. «Quelqu’un qui arrive, qui a faim, froid et besoin d’un travail, pourquoi il n’aurait pas droit à la même chose que moi ?» s’indigne-t-elle. On suppose qu’elle héberge des malheureux.

Sans le savoir, Mademoiselle Foïs résume l’idéologie multiculti de presque toute la gauche. « L’intégration culturelle je m’en fous, peu importe que les gens pratiquent leur religion et ne mangent pas comme moi » dit-elle encore. Sauf que personne ne pense que pour s’intégrer ou s’assimiler, il faut renoncer à sa religion et manger du porc. S’intégrer c’est intégrer l’égalité des femmes, des homosexuels ou des juifs, ou accepter qu’on se moque de ton dieu. Non : Marina Foïs veut une France MacDo où chacun vient comme il est, avec ses préjugés, ses manies et sa femme en burqa si ça lui chante… Ne nous énervons pas : Foïs nous offre un admirable concentré du discours artiste sur l’immigration.

A ne pas manquer, éditorial: Liberté, retiens nos bras vengeurs

Les artistes ont bien le droit d’avoir une opinion, me répliquera-t-on. Évidemment oui, même si elle est sosotte. L’ennui, c’est qu’ils ont le droit d’en avoir une seule. Pour faire carrière dans le showbiz, il faut réciter le catéchisme: l’immigration est une chance, le patriarcat règne et « Israël-génocide ». Signataire d’une tribune dénonçant la reconnaissance inconditionnelle de la Palestine et soutenant une solution à deux Etats, Charlotte Gainsbourg a subi un déferlement haineux. En prime, elle est coupable de crime de lèse-gauche : elle incarne l’avocate Gisèle Halimi dans un film sur le procès de l’avortement de 1972 à Bobigny. Résultat: un édito de l’Humanité, une grande pétition et la protestation hier de Serge Halimi, ex-patron du Monde Diplomatique et fils de l’avocate. Sa mère, dit-il, aurait lu cette tribune avec dégoût. C’est possible (elle était extrême-gauchisante), et alors ? Pour avoir le droit de jouer Mme Halimi, il faudrait penser comme elle. Donc, il faut être nazi pour jouer Hitler et homosexuel pour jouer Charlus ? La représentation doit être identique au réel. Les ancêtres idéologiques de Serge Halimi imposaient un art officiel. Lui veut tout simplement interdire l’art. Alors contre les censeurs et les délateurs, vive Queen Charlotte qui me fera peut-être aimer Gisèle Halimi.


Cette chronique a été diffusée sur Sud Radio

Retrouvez Elisabeth Lévy dans la matinale


[1] https://x.com/RTLFrance/status/1971934413773754371

Causeur: sommes-nous foutus ?

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Dette, politique, immigration, natalité… Avec Franz-Olivier Giesbert, Alain Minc, Nicolas Pouvreau-Monti. Et le manifeste « foutuiste » d’Éric Naulleau. Découvrez le sommaire de notre numéro d’octobre


Effondrement de l’Éducation, immigration à jets continus, dette abyssale, cacophonie politique… Beaucoup pensent que la France est foutue et cherchent des coupables. Pourtant, dans leur présentation de notre dossier, Elisabeth Lévy et Jean-Baptiste Roques affirment que la plupart des crises que nous traversons sont une coproduction gouvernants-gouvernés. Pour avoir une chance de redresser le pays, les Français doivent arrêter de se victimiser et de compter sur l’État-providence. Éric Naulleau publie ce qu’on peut appeler son manifeste foutuiste : dans ce vieux pays fatigué, la progression de l’islamisme, du wokisme, du nihilisme et du crétinisme semble inéluctable. Le constat est donc évident : tout est F-O-U-T-U. Pour sa part, Alain Minc, dont les propos ont été recueillis par Élisabeth Lévy et Jean-Baptiste Roques, défend le système libéral dans les médias comme en économie. Mais il peine à trouver des solutions à la sérieuse crise identitaire que traverse la France. Très remonté contre Emmanuel Macron, il plaide pour l’union des modérés. Mais en cas d’un duel présidentiel entre LFI et le RN, il voterait pour ce dernier en se bouchant le nez. Franz-Olivier Giesbert a connu tous les présidents depuis quarante ans, chroniqué toutes les crises, déploré tous les renoncements. Mais cette fois-ci, c’est plus grave, nous confie-t-il. Les Français sont au bord du gouffre, et leurs élites – dirigeants tétanisés et médias inconscients compris – regardent ailleurs en se perdant en palabres et combines. Nicolas Pouvreau-Monti, co-fondateur et directeur de l’Observatoire de l’Immigration et de la Démographie, nous rappelle que la France est le pays européen qui accueille le plus d’immigrés africains. Le taux de fécondité élevé de ces populations dessine un bouleversement démographique rapide. Et les nombreux défis d’intégration imposés par cette situation ne se résolvent pas d’une génération à l’autre. Quant à l’École, la bienveillance est le nouveau maître-mot de l’Éducation nationale. Sous son diktat, le bien-être des élèves passe avant leur instruction, un véritable « psychosystème » que dénonce Matthieu Grimpret dans son nouveau livre, Bullshit bienveillance, que Jonathan Siksou a lu.

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Le numéro d’octobre est disponible ce mardi sur le site, et demain chez votre marchand de journaux. Soutenez-nous, achetez Causeur !

« Le monopole progressiste sur le pouvoir culturel a vécu ». C’est la leçon que, dans son édito du mois, Elisabeth Lévy tire de l’affaire Legrand-Cohen (racontée dans ce numéro par Didier Desrimais) ainsi que de l’assassinat de Charlie Kirk, devenu le symbole d’une nouvelle droite décomplexée. Mais si nous assistons à un tournant décisif dans la guerre culturelle, il ne faut pas que nous nous abaissions jusqu’à imiter les méthodes déloyales de nos adversaires: « Réclamer des têtes, répondre à la meute par la meute revient à combattre la cancel culture de gauche par une cancel culture de droite ».

Pour Olivier Dartigolles le mal de notre époque, c’est « l’entre-soi » qui règne dans tous les écosystèmes médiatiques, de droite comme de gauche. Ivan Rioufol montre, preuves à l’appui, que Jean-Luc Mélenchon est un allié utile d’Emmanuel Macron. Les deux hommes partagent un même désamour pour le peuple quand ce dernier est trop français. Évoquant la rentrée politique – drapeaux palestiniens, pétition sur l’immigration, chute du gouvernement… – Emmanuelle Ménard conclut que, si elle nous fait parfois rire, c’est le plus souvent jaune. Jean-Jacques Netter passe en revue des différents actes de folie commis par le gouvernement dans le domaine de l’économie, de la taxe Zucman, qui fera fuir les riches et les capitaux, aux aides versées par l’État qui font de la France le numéro un européen de la dépense sociale. Et Gilles-William Goldnadel écoute chaque jour France Inter afin de mieux dénoncer cette « tentative sournoise de me voir financer malgré moi l’hégémonie d’une seule idéologie »

Quel bilan dresser des derniers événements au Proche Orient ? Pour Gil Mihaely, la supériorité militaire d’Israël ne s’est pas traduite en victoire politique. Le Hamas retient encore des dizaines d’otages, le pays est plus isolé que jamais et les alliés de M. Netanyahou affichent des ambitions messianiques alarmantes. Elisabeth Lévy raconte l’histoire bouleversante de Mali Zander. Sa fille, Nova, a été assassinée à l’âge de 23 ans au festival Nova le 7 octobre 2023, mais cette mère en deuil, infirmière-chef à l’hôpital Tel HaShomer de Tel-Aviv, continue de venir en aide aux soldats blessés et aux ex-otages. Une fraternité et une résistance qui sont l’autre face de cette tragédie. Côté britannique, je reviens sur la grande manifestation londonienne du 13 septembre et l’été de grogne générale qui l’a précédée, une grogne alimentée par la crise migratoire et des crises politiques à répétition.

Pierre-Jean Doriel et Alexis Semanne, de l’Institut des Français de l’étranger, montrent comment la France pourrait s’inspirer de pays comme les Pays-Bas, Singapour et Taïwan pour mieux soigner ses malades et à moindre coût. Tout ne va pas nécessairement pour le pire en France. Emmanuel Macron n’a pas pris la pire des décisions en nommant à Matignon un bon connaisseur de l’armée et de l’industrie de la défense. A l’heure où Causeur se demande si le pays est foutu, le secteur militaire incarne peut-être le puissant levier de croissance dont la France a besoin.

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Côté culture, Richard Millet a lu L’Affranchi, de notre ami Cyril Bennasar. Le protagoniste est un homme qui refuse de se soumettre à une société de servitudes, du matraquage de l’Urssaf à la propagande immigrationniste en passant par les diktats du néoféminisme. La liberté de ton et l’autodérision de ce roman jubilatoire sont aussi rares que savoureuses. Georgia Ray fait l’éloge d’un ouvrage de Georges Clémenceau publié en 1926 mais jamais réédité. Son Démosthène était consacré à l’un des plus grands orateurs de la Grèce antique mais avait un caractère largement autobiographique. Comme les Anciens, le Tigre estimait que la démocratie allait de pair avec l’éloquence. Cent ans plus tard, ses successeurs lui donnent raison. Les historiens Alya Aglan et Julien Jackson publient un volume abondamment illustré des caricatures qu’a inspiré le général de Gaulle, de 1940 à 1970 sur les cinq continents. Selon Julien San Frax, un grand nombre de ces dessins et légendes sont aujourd’hui difficiles à interpréter pour l’œil non averti, mais le travail des deux auteurs permet de les comprendre dans leur contexte en ravivant trente ans d’histoire mondiale à travers la satire et l’irrévérence. Jean Chauvet est d’avis que, entre une savoureuse adaptation de l’affaire Bettencourt, une délicate transposition animée de la vie de Marcel Pagnol et un bel exercice de style autour du À bout de souffle de Godard, l’octobre cinéphile s’annonce radieux. Enfin, vous êtes viandard ? Vous trouvez que l’environnement actuel est hostile aux viandards ? Vous pouvez quand même compter sur une poignée d’excellents bouchers. Emmanuel Tresmontant nous recommande, par exemple, François Guillemin et Vincent Deniau, qui a troqué son maillot de champion de rugby pour un tablier de louchébem.

Rendez-vous ce mercredi 1er octobre dans vos kiosques pour un nouveau numéro de Causeur, bien saignant, comme toujours ! Ou dès maintenant pour les abonnés dans le kiosque numérique.


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Inégalités pour tous!

Plus les taux des crédits immobiliers sont faibles, plus les prix montent et creusent les inégalités de patrimoine.


Le peuple français, la gauche, mais aussi le RN et en vérité 99 % de la classe politique française, tous veulent continuer à dépenser plus, s’endetter plus – c’est ce que l’on fait depuis quarante ans sans avoir été jamais (vraiment) sanctionné. Tous militent, sans le savoir, pour le maintien d’une politique de taux d’intérêt bas, voire nuls. Les taux pratiqués depuis vingt ans par la BCE ont permis tout à la fois à l’État français d’emprunter sans compter… et à ceux qui le pouvaient de s’endetter pour acheter de l’immobilier. Or, le prix d’un appartement se trouve directement indexé aux taux : plus ils sont faibles, plus les prix montent. Les « vieux » sont donc de (virtuels) riches propriétaires, alors que les jeunes ne peuvent plus acquérir un bien, sauf à s’endetter sur trente ans – mieux vaut un emploi stable pour son dossier (fonctionnaire par exemple ?). Les taux bas sont donc le meilleur moyen de creuser les inégalités de patrimoine, car ils font monter le prix de tous les actifs : à l’immobilier s’ajoutent les actions, montres anciennes ou voitures de collection.

A lire aussi, du même auteur: Les quatre vérités de Michel Audiard

Tous ceux qui militent pour des dépenses publiques sans frein veulent ainsi des taux faibles. De façon assez comique, la gauche plébiscite donc le creusement sans fin des inégalités patrimoniales, qu’ils veulent évidemment taxer. Problème : que votre maison vaille 100 000 ou un million d’euros, cela ne vous laisse pas un kopeck pour payer une taxe Zucman à 2 %. Il n’y a que chez nous que la gauche dite de gouvernement se révèle aussi incohérente que d’extrême gauche.

Liberté, retiens nos bras vengeurs

L’éditorial d’octobre d’Elisabeth Lévy


On s’était habitués à ce qu’à la fin, le camp du Bien gagne et parvienne à mettre hors-jeu ses adversaires. Certes, cela fait un bout de temps que, dans le champ politique, l’arme suprême de la supériorité morale ne permet plus aussi bien qu’autrefois de maintenir le couvercle sur la marmite populiste. Il faut tout le talent comique de Hollande (et un brin d’opportunisme, car il paraît qu’il rêve la nuit que Mélenchon le soutient au deuxième tour) pour proférer que LFI fait partie de l’arc républicain et pas le RN. Cependant, comme le savent désormais les Gramsci de comptoir qui pullulent dans tous les camps, les batailles politiques se gagnent d’abord dans les esprits.

France inter: du rififi dans l’hégémonie

Or, le monopole progressiste sur le pouvoir culturel a vécu. Sous les coups de boutoir du réel, et grâce aux escouades de conservateurs, populistes et réacs qui, depuis une quinzaine d’années, sont sortis du placard et n’ont pas la moindre intention d’y retourner. C’est peu dire que la nomenclatura à grande conscience n’a pas digéré que, face à Matthieu Pigasse, George Soros et autres tycoons qui mettent leur fortune (enfin une partie) au service de leur antifascisme d’opérette et de leur volonté de déconstruction, se dressent désormais des Stérin et des Bolloré qui semblent beaucoup s’amuser à épater le bobo, quitte à être extrême droitisés par l’« arc médiatique ». La domination idéologique, c’était mieux quand on pouvait réduire ses contradicteurs au chômage et au silence.

Le résultat de ce travail de sape commencé dans les catacombes médiatiques (dont ce magazine) est qu’on assiste peut-être à un tournant décisif dans la guerre culturelle – Turning Point, c’est justement le nom de l’organisation de Charlie Kirk, devenu le symbole de cette droite décomplexée.

A relire: Cette gauche qui s’entend sur France inter

Pour commencer, le chantage au racisme ne marche plus. Même les électeurs de gauche ne craignent pas de déclarer (en tout cas aux sondeurs) ce que n’importe qui voit à l’œil nu, à savoir que beaucoup trop d’immigrés arrivent en Europe au regard de nos capacités d’accueil et d’intégration. Le premier droit que réclament les citoyens, c’est précisément celui de voir ce qu’ils voient et de dire ce qu’ils voient, raison pour laquelle la question migratoire a partie liée avec la défense de la liberté d’expression, comme l’avait compris Kirk. La majorité silencieuse sait que ces flux continus s’ajoutant aux millions de descendants d’immigrés qui n’ont pas tous adopté les mœurs locales menacent l’identité de leurs vieilles nations. Aussi la foule bien élevée qui a envahi les rues de Londres le 13 septembre était-elle surplombée par une forêt de drapeaux qui n’étaient pas palestiniens mais britanniques, anglais, écossais (voir l’article de Jeremy Stubbs dans notre numéro d’octobre). En France, cette majorité silencieuse ne défile pas, mais elle signe à tour de bras la pétition lancée par Philippe de Villiers pour un référendum sur l’immigration.

Cependant, c’est l’affaire Legrand-Cohen (narrée par Didier Desrimais dans notre nouveau magazine) qui met le feu à la plaine médiatique. Deux journalistes de l’audiovisuel public pincés à manigancer avec deux hiérarques socialistes, c’est cadeau. Le plus marrant, c’est que leur supposé complot visait à mettre sur orbite la candidature Glucksmann – convenons qu’on est assez loin de la Florence des Médicis. En tout cas, Legrand est débarqué en quelques heures. Qui, désormais, rabattra pour le PS « les voix de ce marais centre gauche, centre droit qui écoute France Inter, et en masse » ?

Panique au quartier général

Pour tenter de faire oublier la calamiteuse vidéo, le parti des médias dénonce en chœur une odieuse attaque de l’extrême droite. Sur CNews et Europe 1, on exulte. Les deux nigauds connivents et militants viennent d’offrir à leurs détracteurs la preuve irréfutable qu’ils avaient raison. Ils ont l’air malin avec leurs prêches. « Ceux de qui la conduite offre le plus à rire sont toujours sur autrui les premiers à médire », écrit Molière. De nombreux Français, lassés de payer pour se faire insulter, se sentent vengés. Feu sur le quartier général ! Curieusement, Delphine Ernotte remet une pièce dans la machine, accusant à son tour CNews d’être d’extrême droite et l’érigeant en adversaire principal – ce qui revient à reconnaître ses propres tropismes et à offrir au média honni un brevet d’opposant en chef. Pointe avancée de l’Église progressiste, l’audiovisuel public vient de subir une défaite en rase campagne. Il y a du rififi dans l’hégémonie.

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Reste à savoir ce que la galaxie conservatrice fera de ses victoires. Aux États-Unis, la traque vengeresse (mais assez brève) des hérétiques refusant de communier dans l’adoration du martyr n’est pas de bon augure. Réclamer des têtes, répondre à la meute par la meute revient à combattre la cancel culture de gauche par une cancel culture de droite. Qu’ils soient Maga ou décoloniaux, les offensés exigent toujours la censure des offenseurs. On ne peut pas défendre le blasphème quand il vise Mahomet et l’interdire quand il s’attaque à Kirk. Ce qu’il faut exiger, ce n’est pas l’éviction, mais la confrontation, à la loyale, vision du monde contre vision du monde et que le meilleur gagne.

Seulement, le pluralisme est d’abord une affaire de désir, celui de frotter sa cervelle contre celle d’autrui, comme le recommandait Montaigne. Alors que chacun est de plus en plus enclin à n’évoluer que dans sa zone de confort idéologique, et pas seulement à gauche, ce n’est pas gagné. En attendant, alternez une heure de CNews et une heure de France Inter (attention, pas en continu) : soit vous deviendrez fous, soit vous deviendrez sages.

Pardonner ou ne pas pardonner, d’Erika Kirk à la mère de Philippine

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Les drames vécus par l’épouse du militant américain Charlie Kirk, et Blandine de Carlan, ont ému la droite. Si le pardon reste un choix personnel, la société doit rester vigilante et combattive face aux assassinats à caractère idéologiques et aux dangers de l’immigration incontrôlée.


« Je pardonne » : ce sont les mots forts prononcés, avec des trémolos dans la voix, par Erika Kirk lors de la cérémonie d’hommage à son défunt mari, lâchement assassiné par un militant antifasciste aux États-Unis. De son côté, Blandine de Carlan, la maman de Philippine, jeune fille de 19 ans tuée tout aussi lâchement, déclarait n’éprouver aucune envie d’accorder son pardon au meurtrier, un clandestin qui n’avait rien à faire en France. Qui sommes-nous pour donner raison à l’une ou à l’autre, toutes deux si courageuses et dignes dans l’épreuve ? Personne ne peut comprendre leur douleur, encore moins juger leur réaction.

La joue gauche

Depuis les prises de parole de ces deux femmes remarquables, je ne cesse de m’interroger sur la notion de pardon. Témoigne-t-elle davantage de la supériorité de notre civilisation occidentale, et de la religion qui la fonde, ou de son immense naïveté face à l’ennemi ? Comment concilier l’idée de ne pas sombrer dans la vengeance, qui ne ferait qu’enclencher une escalade mortifère, et notre besoin de nous faire respecter et d’éviter que plus jamais ne se produisent des actes pareils ? Absoudre est-il forcément tendre l’autre joue ? 

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Les proches que ces deux femmes pleurent sont aussi un peu devenus, en tout cas pour les personnes dont le cœur penche à droite, nos victimes, nos martyrs, nos héros, les visages que nous n’oublierons jamais, qui nous obligeront, qui nous accompagneront, comme ceux de Lola et de Thomas, d’Arnaud Beltrame, de Pim Fortuyn. Certains sont morts parce qu’ils étaient au mauvais endroit – dans la France de Macron par exemple -, au mauvais moment, d’autres pour avoir défendu des idées.

Désarmés

Le plus effrayant est de constater que leurs bourreaux sont parfois célébrés, défendus ou encouragés au cœur des pays occidentaux, fracturés et peut-être irréconciliables à mesure que leurs forces vives ne pleurent plus les mêmes morts. Il n’est qu’à voir une partie de la gauche – celle qui pleure Nahel que nous prenons, de notre côté, pour… un délinquant – se réjouir de la mort de Charlie Kirk, comme elle l’avait fait au moment du décès de Jean-Marie Le Pen, ou les journalistes comparer la cérémonie d’hommage en Arizona à un meeting nazi, de la même manière qu’ils avaient parlé de « bal tragique » pour qualifier le drame de Crépol.

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Et si le pardon individuel dépend de chacun, en fonction de sa foi, de sa conscience et du soulagement que tel acte lui procure, il est de notre devoir, collectivement, de n’oublier jamais afin que nous puissions survivre collectivement : les « pas d’amalgame », les fleurs accompagnées d’ours en peluche et les « vous n’aurez pas ma haine » auront fait sans doute plus de mal que de bien aux pays européens au lendemain des attentats, comme si notre faiblesse allait désarmer nos ennemis. En réalité, nous savons, depuis Julien Freund et son aphorisme le plus célèbre, que c’est « l’ennemi qui nous désigne », et non l’inverse. Alors, il est de notre devoir de combattre celui-ci et de considérer comme adversaires tous ceux qui le soutiennent et qui veulent la disparition de nos modes de vie.

Qu’Erika Kirk, la maman de Philippine et toutes les familles de victimes trouvent un peu de réconfort dans notre détermination et la certitude que nous n’abandonnerons jamais.

Le réveil de la contre-culture homosexuelle

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C’est un événement rare qui mérite d’être connu: le 20 septembre, le groupe LGB Alliance France (Lesbienne Gay Bisexuel… sans T) a déclaré son « indépendance » de l’ « establishment LGBTQA+ », et cela en connexion avec dix-huit autres pays, allant de Taïwan à l’Australie en passant par la Bulgarie et les États-Unis. Éclaircissements.


« Depuis quelques années, lit-on dans le communiqué de presse, des femmes lesbiennes et des hommes gays ou bisexuels se retrouvent exclus de milieux professionnels liés à la culture mais aussi de certaines luttes sociales pour ne pas avoir consenti à des revendications se réclamant de la cause trans-activiste. Ces bannissements sont pensés pour avoir un aspect viral: même les personnes indifférentes à ces questions finissent par y participer. L’Alliance LGB France s’est constituée en réaction à ces méthodes autoritaires. »

Un « féminicide » social et méconnu

J’ai rejoint ce groupe après avoir été contactée par une jeune lesbienne qui demandait l’aide des féministes de ma génération (MLF). Elles étaient harcelées par des « femmes trans identifiées » qui voulaient entrer dans des associations de lesbiennes féministes alors qu’elles n’étaient pas opérées. Autrement dit, qu’elles étaient physiquement des hommes. En plus, « elles » y prenaient bien souvent le pouvoir et pour certaines voulaient avoir des relations sexuelles avec de « vraies » lesbiennes, et donc de « vraies » femmes, meilleur moyen selon « elles » d’authentifier leur adhésion à l’autre genre. C’est ainsi que je découvris l’offensive transactiviste pour coloniser les lieux féminins et les associations lesbiennes féministes universalistes existant depuis longtemps. Cette offensive vise principalement les femmes car les « hommes transidentifiés » ne cherchent pas à entrer dans les associations gays et encore moins dans les équipes masculines de foot, de boxe ou de rugby, comme on l’a vu dans le sport féminin. Harcèlement accompagné de menaces de toutes sortes et d’isolement social des « résistantes ». Mais le plus stupéfiant fut de découvrir que 75% des personnes désirant changer de genre étaient des filles, et pour un grand nombre d’entre elles des lesbiennes n’arrivant pas à assumer leur différence dans la société égalitaire néo-libérale.

À lire aussi, Jeremy Stubbs: Les hommes, ces indésirables

J’ai cherché dans un premier temps à soutenir ces « butch », c’est-à-dire ces femmes qui se sentent hommes et s’habillent en hommes, comme l’histoire des lesbiennes en donne de nombreux exemples, en montrant dans un livre qu’elles n’avaient pas besoin de prendre des hormones mâles ni de se couper les seins pour ce faire.

Avec Nicole Athea, gynécologue obstétricienne qui a soigné des transsexuels pendant des années, nous avons publié un livre consacré spécifiquement à la question des femmes en insistant sur l’aspect « féminicide social » de cette mise au pas des jeunes filles « anormales ». Notre essai Quand les filles deviennent des garçons, est paru au printemps 2023 aux éditions Odile Jacob. Nous n’avons pas reçu de menaces de mort, comme ce fut le cas de la romancière J.K. Rowling et la chercheuse féministe Maya Forstater, licenciée en 2018 pour avoir affirmé qu’une femme transgenre restait un homme d’un point de vue biologique. Mais nous avons « seulement » été censurées et délibérément « cancelées ». Les journalistes qui voulaient chroniquer notre livre en étaient gentiment détournés, soit parce que leur direction était favorable au progressisme transidentitaire, soit parce qu’elle avait peur d’être harcelée par les activistes qui ne reculent devant rien pour empêcher tout débat susceptible de remettre en question leur idéologie. Et je ne parle pas des descentes transactivistes dans les librairies pour cacher nos livres ou, sur les réseaux sociaux, pour nous assimiler à l’extrême droite homophobe.

Un débat qui agite la France depuis plusieurs années

C’est dans ce contexte que j’ai rencontré d’autres homosexuels exaspérés eux aussi par la curieuse évolution du mouvement homosexuel. Parmi eux se trouvait Frédérick Schminke, professeur d’anglais et bilingue qui était en contact avec le groupe LGB Alliance Royaume-Uni. C’est ce groupe qui fonde LGB Alliance international ce 20 septembre 2025, en même temps que la Déclaration d’indépendance tandis que l’association française était officiellement formée en 2024, Frédérick devenant président l’année suivante.

L’intérêt historique de ce nouveau groupe ne vient pas seulement de ce qu’il fait sécession avec une organisation LBGTQ+ devenue totalitaire, mais qu’il fait alliance avec un courant féministe opposé à la propagande actuelle en faveur de la transidentité des mineurs qui suppose la prise dangereuse de bloqueurs de puberté.

Le communiqué de presse note en effet que : « Le débat sur la transition des mineurs agite la France, dans le cadre d’une proposition de loi adoptée par le Sénat en mai 2024 mais toujours en attente à l’Assemblée nationale. Selon la commission des affaires sociales du Sénat, d’après les données de l’Assurance maladie, le nombre de mineurs en ALD pour transidentité est passé de huit en 2013 à 294 en 2020. L’ensemble des personnes en ALD pour ce motif est passé de 962 à 8 952 sur cette période. » Et il ajoute : « Parmi les 239 mineurs suivis entre 2012 et 2021 à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière, 105 ont pris des hormones du sexe opposé, 30 ont subi une ablation des seins et 26 ont reçu des analogues de la GnRH. » Ce communiqué ne parle pas du trafic d’hormones devenu monnaie courante dans les milieux à la mode. Ni du fait que la prise d’hormones contraires à son sexe a une incidence directe sur la sexualité des trans et l’expression du désir. Chez certaines filles par exemple, le clitoris peut tripler de volume et il fait si mal qu’elles n’ont plus de désir du tout. Bien sûr, on n’en parle pas sur les réseaux sociaux, comme si la nouvelle identité de genre comblait tous les désirs.

Dans son communiqué de presse, LGB Alliance France cite deux exemples de l’aspect misogyne et antiféministe de ce transactivisme LGBTQ+ :

« – À Rennes en 2023, le bar lesbien La Part des Anges a été vandalisé, menacé et poussé à la fermeture après des accusations de transphobie. Selon la gérante, tout a commencé lorsqu’elle a réagi à une agression sexuelle par un homme affirmant vouloir valider son identité en couchant avec des lesbiennes. (Sources : Ouest-France, 17 mai 2023 ; Charlie Hebdo, 25 mai 2023).

– À Toulouse en 2025, le Printemps lesbien, festival culturel organisé par l’association Bagdam Espace lesbien, a été la cible de violentes attaques, à travers un tract du collectif Bagarre (un groupe militant) diffusé avant le festival dans la communauté LGBT de Toulouse, et envoyé à certaines partenaires et invitées/intervenantes du festival, pour les inciter à quitter le festival. Il en est résulté l’annulation de quatre événements. »

À lire aussi: Minneapolis: existe-t-il un terrorisme trans?

Notons aussi que les jeunes gays commencent également à prendre la mesure du climat dictatorial qui régente une « communauté » convertie aux idéaux transactivistes sans qu’aucun débat ne puisse se tenir le bien-fondé d’une telle évolution d’un mouvement né dans une dynamique émancipatrice. À court terme, la « conversion genrée » des jeunes homos mal dans leur peau d’homosexuel mène à la disparition pure et simple de la liberté d’orientation sexuelle. Mais on ne règle pas le problème de l’homophobie en changeant de genre.

La création de cette nouvelle « Alliance » entre lesbiennes, gays et bisexuels a le mérite d’introduire la dissidence à l’intérieur d’une « communauté » qui a réussi à imposer ses revendications au « mariage gay » et à la « PMA pour toutes », en attendant la « GPA pour tous ». L’arrivée du transactivisme lui a donné un faux second souffle. « Faux », car on ne peut fonder l’émancipation homosexuelle sur le simulacre genré et le pouvoir coercitif du groupe. « Tu fais semblant de croire qu’un homme est une femme et je fais semblant de te croire », impose ce transactivisme à ses adeptes.

C’est pourquoi, ce NON formulé par des groupes issus d’une vingtaine de pays fait figure de révolution culturelle dans ce paysage politique soumis à la censure, la misogynie et la mutilation des mineurs. Il était temps de le dire.

Notons enfin que LGB Alliance est une association apartisane réunissant des personnes avec des opinions diverses sur les sujets non liés à la bioéthique (économie, immigration, etc.). Nous demandons aux différentes forces politiques de ne pas instrumentaliser notre cause pour ces autres débats.

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Budget 2026: Lecornu sur le fil du rasoir

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Les socialistes menacent le Premier ministre d’une censure dès son discours de politique générale s’il n’accepte pas d’augmenter les impôts. Les syndicats redescendront dans la rue jeudi.


Alors que Sébastien Lecornu tente d’imposer sa marque à Matignon, son projet de budget pour 2026 affronte déjà un front commun de critiques à gauche. Avec un déficit encore élevé et des concessions jugées insuffisantes, le risque d’une motion de censure grandit. Le nouveau Premier ministre joue ici bien plus que sa survie politique : c’est la crédibilité de l’État qui est en jeu.

Un budget d’équilibriste

Le budget présenté par Sébastien Lecornu pour 2026 vise à répondre à un triple impératif: réduire le déficit public (annoncé à 4,7% du PIB, contre 5,4 % attendus en 2025), calmer la colère sociale et désamorcer les tensions politiques héritées de la séquence Bayrou.

D’emblée, il a écarté certaines mesures explosives — comme la suppression de jours fériés — tout en refusant les symboles fiscaux chers à la gauche, à commencer par le retour de l’ISF ou une taxe sur les très hauts patrimoines.

M. Lecornu avance ainsi prudemment, annonçant 6 milliards d’économies sur le fonctionnement de l’État, une baisse des dépenses de communication et une hausse contenue des budgets de santé et de retraites. Mais ce calibrage, voulu comme raisonnable, laisse ses adversaires sur leur faim et ses alliés dans le flou. Trop peu ambitieux pour les uns, trop peu lisible pour les autres, ce budget navigue à vue dans une Assemblée nationale sans majorité, où chaque vote est un piège.

La gauche brandit l’arme de la censure

La réaction ne s’est pas fait attendre. Marine Tondelier (EELV) a lancé les hostilités en affirmant que Lecornu « fait le choix d’être censuré ». Le Parti socialiste, fort de ses 66 députés charnières, agite lui aussi la menace, tandis que LFI appelle à une motion de censure dès l’ouverture de la session parlementaire. Ce front de gauche, s’il parvient à s’unir, pourrait donc renverser le gouvernement.

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Mais la gauche joue ici un jeu dangereux. En abattant trop tôt la carte de la censure, elle risque d’ouvrir une crise institutionnelle sans en maîtriser l’issue. Une telle motion, si elle aboutissait, pourrait déclencher une dissolution de l’Assemblée nationale — et renvoyer tout le monde aux urnes dans un contexte d’abstention massive et de rejet des partis. Une éventualité que certains au PS redoutent autant qu’ils la menacent…

La stratégie Lecornu : concilier ou s’imposer ?

Dans cette séquence, le Premier ministre cherche une voie étroite : faire voter un budget sans renier la discipline budgétaire, sans déclencher d’émeutes sociales, et sans tomber sous les balles croisées des oppositions. Il mise sur un ton sobre, une posture de négociation ouverte, et un refus clair des totems idéologiques.

Mais derrière la façade apaisée, l’arbitrage reste délicat. Les classes moyennes, pilier du consentement fiscal, attendent un signal fort. Les dépenses régaliennes, notamment la défense, ne peuvent pas être sacrifiées. Et le moindre fléchissement face à la pression de la gauche serait interprété comme une faiblesse politique. La marche est étroite, et chaque pas compte.

Ce qui se joue : crédibilité, stabilité, autorité

Le cœur du sujet dépasse le contenu précis du budget. Ce qui est en jeu ici, c’est la capacité du pouvoir exécutif à gouverner dans un cadre parlementaire éclaté. Depuis 2022, la France vit sous un régime de minorité chronique, où l’arithmétique remplace le projet politique. M. Lecornu a été nommé pour sortir de cette impasse, non pour la subir.

Une censure réussie ouvrirait une séquence de chaos: démission, recomposition, dissolution — autant d’issues hasardeuses pour un pays fatigué de l’instabilité. À l’inverse, un budget voté offrirait au Premier ministre un premier succès politique et dessinerait un cap : celui d’un État sérieux sur ses finances, respectueux de ses missions, et capable de contenir les extravagances d’un hémicycle de plus en plus tenté par la posture.

Pour la droite, un moment de clarté

Ce budget, aussi imparfait soit-il, est une occasion pour la droite républicaine de peser sur les orientations à venir. Il s’agit moins d’offrir un blanc-seing au gouvernement que d’exiger des engagements clairs : baisse du train de vie de l’État, recentrage sur les fonctions régaliennes, protection des classes moyennes productives.

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À l’heure où la gauche radicale cherche à imposer un agenda confiscatoire et où le macronisme est devenu gestionnaire sans cap, le moment est propice pour rappeler que gouverner, ce n’est pas redistribuer l’illusion mais arbitrer avec courage. Et qu’un budget, même modeste, peut devenir l’acte fondateur d’un redressement — si tant est qu’on en assume le sens.

En conclusion : rester ou sombrer

Le Premier ministre Lecornu joue gros. Mais la France aussi. Le budget 2026 n’est pas une simple ligne comptable : c’est un test de maturité politique. La gauche pourra-t-elle résister à la tentation de tout casser pour exister ? La droite saura-t-elle exiger, sans bloquer ? Et le gouvernement pourra-t-il encore gouverner sans majorité, mais avec un mandat de responsabilité ?

Dans les semaines à venir, ces questions trouveront leurs réponses dans les couloirs de l’Assemblée. Ce ne sera pas une question de chiffres, mais de volonté. Et dans cette bataille feutrée, c’est toute l’idée que l’on se fait encore de l’État qui est en jeu.

Lyrique: Offenbach corrigé au féminin

Notre critique salue la performance vocale de Michael Spyres mais déplore une mise en scène pesante et didactique de Lotte De Beer, qui alourdit l’œuvre d’Offenbach au détriment de sa magie.


« Opéra fantastique en cinq actes, ou un prologue, trois actes et un épilogue », Les Contes d’Hoffmann, testament lyrique de l’allègre compositeur de La Belle Hélène ou de La Vie parisienne, se prête particulièrement aux transformations débridées. Adapté comme l’on sait de plusieurs contes du célèbre romantique allemand Ernst Theodor Amadeus Hoffmann à partir de la pièce éponyme écrite dès 1851 par le fameux duo Jules Barbier & Michel Carré (également librettistes stars du Faust de Gounod), le livret, d’ailleurs terminé par le seul Barbier car Carré est mort en 1872, sert l’ultime partition du roi de l’opérette et fondateur des Bouffes-Parisiens, Jacques Offenbach.

Trois rôles pour Amina Edris

Celle-ci aura décidément connu une maturation d’escargot : l’orchestration n’en est même pas achevée quand, miné par la maladie, Offenbach finit par s’éteindre le 5 octobre 1880. Il faut attendre le 10 février 1881 pour que l’œuvre soit créée salle Favart, dans une version mutilée qui plus est, avec des récitatifs remplacés par des dialogues parlés pour répondre aux règles qui régentent le genre « opéra- comique », par opposition avec le « grand opéra ». Puis le succès s’empare du chef-d’œuvre, durablement repris sur toutes les scènes européennes, dans des versions partiellement apocryphes. Bref, Les Contes d’Hoffman se prêtent comme jamais à la réécriture.

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C’est peu dire que s’en prive la Néerlandaise Lotte De Beer –  l’Opéra-Bastille lui devait déjà, en 2021, une Aïda aussitôt mise sous cloche par le Covid –  dans cette version créée à Strasbourg la saison passée, et que reprend à présent la si belle salle parisienne de la place Boieldieu, version en cinq actes dans laquelle les rôles d’Olympia, Giulietta, Antonia… et Stella, habituellement dévolus à plusieurs interprètes mezzo ou sopranos, se voient ici confiés à la seule soprano lyrique Amina Edris. Quelles que soient ses indéniables qualités, ce n’est pas une mince affaire que de donner chair tout uniment à des créatures si puissamment caractérisées chacune.

Élégant Michael Spyres

Autant dire que, sous les traits du ténor américain Michael Spyres, le personnage d’Hoffmann domine de très haut le cast vocal de cette production : agilité, élégance du phrasé, diction parfaite, puissance d’émission, un degré de perfection qui éclipse quelque peu la performance des autres chanteurs, du baryton Jean-Sébastien Bou (en Coppélius, Lindorf, docteur Miracle…) au ténor Raphael Brémard, en passant par la basse Nicolas Cavallier (en Luther et Crespel).

Amina Edris (Stella / Olympia / Antonia / Giulietta), Michael Spyres (Hoffmann), Héloïse Mas (La Muse / Nicklausse) Photo : Stefan Brion

Car sous les auspices de Lotte De Beer, la part belle revient pour ainsi dire par force à la mezzo Héloïse Mas, laquelle, assumant l’emploi Nicklausse / La Muse, a la lourde charge de développer le discours sous-jacent dont la metteur(e) – metteuse ? –  en scène croit devoir agrémenter le livret par d’innombrables ajouts de son cru. C’est là le travers le plus agaçant de cette régie, appliquée d’un bout à l’autre à nous imposer sa leçon de morale féministe, dans une effarante trivialité de langue : « Est-ce que tu as conscience de reproduire toujours le même schéma ? Tu es le héros tragique, tu projettes ton image de la femme, et à la fin c’est toi la victime »  (sic, Acte IV, scène 1). Ou encore, ce commentaire : « Ta dramaturgie est tellement attendue, Hoffmann : chaque fois qu’il devient difficile de faire face à la réalité, tu nous fourgues une scène de chœur » (Nicklausse, acte II, scène 5).

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Si le décor pouvait sauver la mise (en scène), on se résoudrait charitablement à regarder, sans prêter trop attention à tout ce fourbi didactique. Mais l’unique perspective de cette triste boîte en carton sur laquelle un rigide rideau noir tombe comme la guillotine à chaque interminable changement de tableau, n’a même pas la vertu de la beauté plastique, et fatigue l’attention plus qu’elle ne la stimule. Quant à l’idée de cette poupée XXL qui roule et cligne des yeux, cette apparition certes rigolote sur le plan visuel contraint à dédoubler la présence scénique d’Olympia, interdisant à la chanteuse de faire corps avec l’automate… L’honorable prestation de l’Orchestre philharmonique de Strasbourg que dirige avec Pierre Dumoussaud  avec une sobre et fine élégance et celle, pour le chœur, de l’ensemble Aedes, sauve partiellement du désastre cette tentative « archéologique », sacrifiée à la pesanteur de l’intention.

Par comparaison, on se prend rétrospectivement de nostalgie pour la version « opéra » de l’œuvre posthume d’Offenbach, telle que reprise il y a deux ans à l’Opéra Bastille dans la production de Robert Carsen millésimée de l’an 2000 : près qu’un quart de siècle plus tard, elle n’avait pas pris une ride.


Les Contes d’Hoffmann. Opéra de Jacques Offenbach. Avec Michael Spyres, Heloïse Mas, Amina Edris… Direction Pierre Dumoussaud. Mise en scène Lotte de Beer. Orchestre philharmonique de Strasbourg. Durée : 3h

Opéra-Comique, Paris. Les 29 septembre, 1, 3 octobre à 20h. Le 5 octobre à 15h.

Les magistrats sont-ils masochistes?

Non, les juges n’avaient pas envie de se faire «le scalp» de Nicolas Sarkozy, affirme Philippe Bilger. Notre contributeur s’étonne par ailleurs que le syndicalisme des magistrats, d’ordinaire tellement caricatural, politisé et vindicatif, ne soit pas capable de se faire entendre et respecter sur ce dossier. Tribune libre.


N’importe qui peut les traîner dans la boue. Les ignorants au sujet de la Justice ont le verbe d’autant plus haut et péremptoire qu’ils croient tout savoir. Les médias de droite – sur un mode un peu plus feutré – et d’extrême droite s’en donnent à cœur joie quand une personnalité de ce camp est condamnée et, encore plus, incarcérée. C’est la justice qui serait coupable et le prévenu, bien sûr, totalement, forcément innocent ! Les médias de gauche et d’extrême gauche se réjouissent de voir l’adversaire sanctionné avant de s’en prendre, à leur tour, aux juges lorsque la cause du Bien – cette mouvance, plus ou moins excitée, en est propriétaire ! – est mise à mal judiciairement.

Le pouvoir oblige

La classe politique elle-même, on l’a vu avec le jugement ayant concerné Nicolas Sarkozy avec d’autres, ne sait plus ce que c’est que d’appréhender lucidement une décision judiciaire en étant soucieuse de faire le partage entre le partisan et le pénal.

Hier, on a constaté ce qu’il en était avec LFI et Jean-Luc Mélenchon et la bronca était encore plus choquante et délirante ! On est bien obligé de constater que l’idéologie prime tout, y compris ce qui devrait échapper, sur ce plan, au parti pris. Comme si le fait d’être accordé politiquement devait rendre sourd et aveugle aux défaillances morales et aux délits soupçonnés, parfois condamnés.

Pour certains, c’est une République des juges et cette paresse de la pensée est perçue telle une vérité d’évangile !

Pour d’autres, dont Nicolas Sarkozy, les magistrats seraient « haineux » et celui qui se croit autorisé à ne pas soutenir le point de vue de ses inconditionnels est immédiatement lui aussi qualifié de « haineux ». J’ai beau rectifier, j’ai droit régulièrement à cette ânerie sur X ou parfois même sur tel ou tel plateau.

Il est piquant de relever que les mêmes, de droite ou de gauche, exigeant des preuves absolues pour que leur champion soit sanctionné, sont en revanche infiniment libéraux, voire désinvoltes, pour les condamnations de ceux qui leur importent peu. Il y a des manières honteuses de stigmatiser les magistrats : une grande journaliste pourtant, Catherine Nay, est une spécialiste du genre. Il y a des indignations qui pour émaner, avec courtoisie, d’une remarquable intelligence – celle de Bernard-Henri Lévy par exemple – me paraissent cependant, pour le jugement du 25 septembre, s’égarer en interprétant mal la décision. Pour Henri Guaino, ce n’est rien de moins « qu’un coup d’État judiciaire contre la séparation des pouvoirs » ! Pour Mathieu Bock-Côté, c’est pire : « une démonstration de force déguisée en décision de justice ». Karine Le Marchand, elle aussi, « dont la parole est rare » dans ce domaine et devrait le rester, pourfend les cinq ans d’emprisonnement à l’encontre de Nicolas Sarkozy en les comparant aux violeurs sous OQTF qui seraient laissés en liberté. Cette critique du deux poids, deux mesures, que j’entends beaucoup, est offensante pour les politiques car les mettre sur le même plan que des voyous est indécent. De ces derniers, on n’a aucun exemple à attendre alors que pour les autres, on devrait tout espérer, et d’abord de la rectitude. Quand elle fait défaut, il n’est pas scandaleux de les estimer plus coupables que les délinquants « ordinaires ». Le pouvoir oblige.

Pas d’amalgame !

On reproche aux juges d’amplifier la défiance des citoyens à leur égard mais tous ces pourfendeurs compulsifs, anonymes ou non, de cette décision et de l’institution se rendent-ils compte qu’ils l’inspirent, l’irriguent, la généralisent ? Face à l’ensemble de ces accusations, stigmatisations, moqueries, dérisions, approximations et leçons, que trouve-t-on du côté de la magistrature, aussi bien de la haute hiérarchie judiciaire que du syndicalisme ?

Il y aura, bien sûr, l’appel qui permettra peut-être au commun des citoyens de mieux comprendre pourquoi le pacte corruptif au cœur de l’association de malfaiteurs (entre Nicolas Sarkozy, Brice Hortefeux et Claude Guéant, avec des actes préparatoires occultes et transgressifs en Libye et des espérances de fonds en France) a été lourdement condamné par le tribunal. La présidente de la juridiction a été menacée de mort et deux enquêtes ont été ordonnées. Seulement le 27 septembre le premier président de la cour d’appel de Paris a demandé « le respect de l’institution judiciaire et de son indépendance ». C’est tardif et cela va compter peu face à l’entretien fleuve du JDD avec Nicolas Sarkozy qui bénéficie d’une complaisance médiatique évidemment de nature à changer l’équilibre des forces pour l’appel et la sérénité des futurs débats.

Ce n’est pas au garde des Sceaux d’intervenir sans cesse pour défendre des troupes qui devraient être capables de le faire elles-mêmes, non par corporatisme, mais parce qu’il n’est écrit nulle part que l’institution judiciaire a à se distinguer par son silence, sa tolérance et sa patience. J’entends bien – et j’ai des exemples – que plus on monte, plus on a peur et qu’exiger des grands chefs de la magistrature du courage revient à la quadrature du cercle. Mais tout de même, lisent-ils, entendent-ils, écoutent-ils ?

On peut en douter quand on relève leur immobilisme à l’égard de ce qui, souvent, aurait dû susciter des réactions vives, voire de la colère de leur part… Alors, ils prêchent modération et mesure, qui ne sont que le masque d’une frilosité assumée.

Ils auraient eu matière, depuis le jugement du 25 septembre et à l’égard de tant d’autres controverses judiciaires avant, pour intervenir haut et fort. Mais leur faiblesse nourrit l’hostilité compulsive et les égarements de ceux qui ne voient aucune raison de ne pas s’essuyer les pieds et l’esprit sur les juges.

Et ce syndicalisme, tellement caricatural, politisé, partial et vindicatif dans certaines de ses réactions, n’est-il pas capable, pour une fois, de se mobiliser pour une bonne cause et de justifier une existence discutée régulièrement par une majorité de citoyens ? Que faut-il de plus pour que les syndicats judiciaires mettent une intelligente pugnacité et formulent des répliques cinglantes à l’encontre de ces inquisitions ? Les voix solitaires ne suffisent pas.

Je n’ai pas envie qu’on fasse mal à la magistrature, corps essentiel à la paix d’une société, à sa régulation, à la démocratie. Mais si son vice est le masochisme, qu’elle continue de se faire fouetter avec le sourire !

Note : depuis la rédaction de ce billet – sans lien de cause à effet-, réactions tout de même du premier président de la cour d’appel de Paris, du président du tribunal judiciaire de Paris, du Syndicat de la magistrature et de l’USM, du chef du PNF, du président de la République… Sur un autre plan, de Dominique de Villepin le 28 septembre et de Jean-Louis Bourlanges le 29…

Quand la Justice met la démocratie en danger

Nicolas Sarkozy a été condamné pour association de malfaiteurs dans le cadre de l’affaire du «financement libyen». «La démocratie est en danger», a déclaré dans les médias Jean-François Bohnert, procureur et directeur du Parquet national financier, préoccupé par les remises en cause de l’institution judiciaire qu’il dirige et par les discours évoquant l’existence d’un prétendu «gouvernement des juges». Le coup de gueule d’Ivan Rioufol.


L’ « association de malfaiteurs » est une trouvaille, précieuse pour les épurateurs éthiques. Cette accusation floue, qui va permettre aux juges du tribunal correctionnel de Paris de mettre Nicolas Sarkozy en prison, peut être déclinée contre ceux qui déplaisent aux vendeurs de vertu. Le malfaiteur est devenu, dans ce procès, celui qui contrarie une caste présumée infaillible. Ceux qui sont accusés d’être « d’extrême droite », par leur opposition à un progressisme sectaire et brutal, pourraient bien devenir à leur tour des délinquants. La loi des suspects (1793) avait inauguré la méthode, développée par l’URSS et la Chine communiste notamment.

Une meute ravie

Le crime politique devient envisageable quand un ancien président de la République va être incarcéré alors qu’aucune preuve n’a été retenue contre lui. La pente totalitaire de ce jugement, qui va s’appliquer en dépit de l’appel, est vertigineuse. Le délibéré ravit la gauche stalinienne et la meute lyncheuse. Les juges expliquent avoir opté pour l’exécution provisoire de la détention « en regard de l’importance du trouble à l’ordre public causé par l’infraction ». En l’espèce, il est reproché à Sarkozy des contacts noués en 2005 en Libye par ses collaborateurs, Brice Hortefeux et Claude Guéant, avec Ziad Takieddine, homme d’affaires véreux, et Abdallah Senoussi, proche de Kadhafi, criminel condamné par contumace à perpétuité pour son implication dans l’attentat de 1989 contre le DC 10 d’UTA (156 morts, dont 142 Français). De l’objet de ces contacts, les juges ne savent rien. Ils se contentent de considérer ces acteurs comme infréquentables. Mais cette intrusion morale dans la marche de l’exécutif est une violation de la séparation des pouvoirs.

État affaibli et PNF tout-puissant

Ce jugement n’a qu’un mérite : il illustre l’état de déliquescence de la démocratie. La politique paie son isolement du reste des citoyens. Ceux-ci, écartés par une caste méfiante de la plèbe, ont vidé le Pouvoir de sa substance humaine. La faiblesse de l’Etat, privé de son assise populaire, est devenue telle que la Justice se croit autorisée désormais à remplir les vides et à s’ériger en autorité de substitution. « La démocratie est en danger », a alerté ce lundi (RTL) Jean-François Bohnert, procureur qui dirige le Parquet national financier. Mais ce sont les nouveaux robespierristes qui la menacent. Après avoir participé à la chute de François Fillon, des juges se préparent à entraver la course présidentielle de Marine Le Pen.

Or cette corporation non élue, qui supporte mal la contradiction, a encore moins de légitimité démocratique que la classe politique déconnectée. La Justice n’est pas plus exemplaire que les puissants qu’elle entend humilier. L’affaire Sarkozy a été lancée en 2012 par un document de Mediapart dont le tribunal a reconnu qu’il est probablement faux. Or ce bidouillage n’a pas empêché le tribunal d’aller au bout de son intime conviction, en piétinant les prérogatives de la Cour de justice de la République, voire de la Haute Cour. La Justice sème le désordre public. Qui jugera les juges ?

Le monde est plein d’idées chrétiennes devenues sottes. La preuve avec Marina Foïs

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L'actrice et citoyenne du monde Marina Foïs, au micro de RTL, le 27 septembre 2025. Capture You Tube.

L’actrice reproche aux Français un manque d’empathie pour les migrants


Les propos de Marina Foïs sur l’immigration sur RTL font beaucoup jaser. Chesterton dit que le monde est plein d’idées chrétiennes devenues folles. Plein d’idées chrétiennes devenues sottes, désormais, plutôt. Et je suis sympa, je vais seulement vous résumer le galimatias de l’actrice[1]. Marina Foïs aime l’Autre et la différence. Sauf la différence idéologique: l’autre qui pense que la France est menacée par l’immigration massive est un salaud et un facho.

A relire: Immigration et démographie urbaine: les cartes à peine croyables de France Stratégie

D’ailleurs, affirme la grande démographe, il n’y a pas d’immigration massive. Elle ne comprend pas le manque d’empathie des Français. «Quelqu’un qui arrive, qui a faim, froid et besoin d’un travail, pourquoi il n’aurait pas droit à la même chose que moi ?» s’indigne-t-elle. On suppose qu’elle héberge des malheureux.

Sans le savoir, Mademoiselle Foïs résume l’idéologie multiculti de presque toute la gauche. « L’intégration culturelle je m’en fous, peu importe que les gens pratiquent leur religion et ne mangent pas comme moi » dit-elle encore. Sauf que personne ne pense que pour s’intégrer ou s’assimiler, il faut renoncer à sa religion et manger du porc. S’intégrer c’est intégrer l’égalité des femmes, des homosexuels ou des juifs, ou accepter qu’on se moque de ton dieu. Non : Marina Foïs veut une France MacDo où chacun vient comme il est, avec ses préjugés, ses manies et sa femme en burqa si ça lui chante… Ne nous énervons pas : Foïs nous offre un admirable concentré du discours artiste sur l’immigration.

A ne pas manquer, éditorial: Liberté, retiens nos bras vengeurs

Les artistes ont bien le droit d’avoir une opinion, me répliquera-t-on. Évidemment oui, même si elle est sosotte. L’ennui, c’est qu’ils ont le droit d’en avoir une seule. Pour faire carrière dans le showbiz, il faut réciter le catéchisme: l’immigration est une chance, le patriarcat règne et « Israël-génocide ». Signataire d’une tribune dénonçant la reconnaissance inconditionnelle de la Palestine et soutenant une solution à deux Etats, Charlotte Gainsbourg a subi un déferlement haineux. En prime, elle est coupable de crime de lèse-gauche : elle incarne l’avocate Gisèle Halimi dans un film sur le procès de l’avortement de 1972 à Bobigny. Résultat: un édito de l’Humanité, une grande pétition et la protestation hier de Serge Halimi, ex-patron du Monde Diplomatique et fils de l’avocate. Sa mère, dit-il, aurait lu cette tribune avec dégoût. C’est possible (elle était extrême-gauchisante), et alors ? Pour avoir le droit de jouer Mme Halimi, il faudrait penser comme elle. Donc, il faut être nazi pour jouer Hitler et homosexuel pour jouer Charlus ? La représentation doit être identique au réel. Les ancêtres idéologiques de Serge Halimi imposaient un art officiel. Lui veut tout simplement interdire l’art. Alors contre les censeurs et les délateurs, vive Queen Charlotte qui me fera peut-être aimer Gisèle Halimi.


Cette chronique a été diffusée sur Sud Radio

Retrouvez Elisabeth Lévy dans la matinale


[1] https://x.com/RTLFrance/status/1971934413773754371

Causeur: sommes-nous foutus ?

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Dette, politique, immigration, natalité… Avec Franz-Olivier Giesbert, Alain Minc, Nicolas Pouvreau-Monti. Et le manifeste « foutuiste » d’Éric Naulleau. Découvrez le sommaire de notre numéro d’octobre


Effondrement de l’Éducation, immigration à jets continus, dette abyssale, cacophonie politique… Beaucoup pensent que la France est foutue et cherchent des coupables. Pourtant, dans leur présentation de notre dossier, Elisabeth Lévy et Jean-Baptiste Roques affirment que la plupart des crises que nous traversons sont une coproduction gouvernants-gouvernés. Pour avoir une chance de redresser le pays, les Français doivent arrêter de se victimiser et de compter sur l’État-providence. Éric Naulleau publie ce qu’on peut appeler son manifeste foutuiste : dans ce vieux pays fatigué, la progression de l’islamisme, du wokisme, du nihilisme et du crétinisme semble inéluctable. Le constat est donc évident : tout est F-O-U-T-U. Pour sa part, Alain Minc, dont les propos ont été recueillis par Élisabeth Lévy et Jean-Baptiste Roques, défend le système libéral dans les médias comme en économie. Mais il peine à trouver des solutions à la sérieuse crise identitaire que traverse la France. Très remonté contre Emmanuel Macron, il plaide pour l’union des modérés. Mais en cas d’un duel présidentiel entre LFI et le RN, il voterait pour ce dernier en se bouchant le nez. Franz-Olivier Giesbert a connu tous les présidents depuis quarante ans, chroniqué toutes les crises, déploré tous les renoncements. Mais cette fois-ci, c’est plus grave, nous confie-t-il. Les Français sont au bord du gouffre, et leurs élites – dirigeants tétanisés et médias inconscients compris – regardent ailleurs en se perdant en palabres et combines. Nicolas Pouvreau-Monti, co-fondateur et directeur de l’Observatoire de l’Immigration et de la Démographie, nous rappelle que la France est le pays européen qui accueille le plus d’immigrés africains. Le taux de fécondité élevé de ces populations dessine un bouleversement démographique rapide. Et les nombreux défis d’intégration imposés par cette situation ne se résolvent pas d’une génération à l’autre. Quant à l’École, la bienveillance est le nouveau maître-mot de l’Éducation nationale. Sous son diktat, le bien-être des élèves passe avant leur instruction, un véritable « psychosystème » que dénonce Matthieu Grimpret dans son nouveau livre, Bullshit bienveillance, que Jonathan Siksou a lu.

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Le numéro d’octobre est disponible ce mardi sur le site, et demain chez votre marchand de journaux. Soutenez-nous, achetez Causeur !

« Le monopole progressiste sur le pouvoir culturel a vécu ». C’est la leçon que, dans son édito du mois, Elisabeth Lévy tire de l’affaire Legrand-Cohen (racontée dans ce numéro par Didier Desrimais) ainsi que de l’assassinat de Charlie Kirk, devenu le symbole d’une nouvelle droite décomplexée. Mais si nous assistons à un tournant décisif dans la guerre culturelle, il ne faut pas que nous nous abaissions jusqu’à imiter les méthodes déloyales de nos adversaires: « Réclamer des têtes, répondre à la meute par la meute revient à combattre la cancel culture de gauche par une cancel culture de droite ».

Pour Olivier Dartigolles le mal de notre époque, c’est « l’entre-soi » qui règne dans tous les écosystèmes médiatiques, de droite comme de gauche. Ivan Rioufol montre, preuves à l’appui, que Jean-Luc Mélenchon est un allié utile d’Emmanuel Macron. Les deux hommes partagent un même désamour pour le peuple quand ce dernier est trop français. Évoquant la rentrée politique – drapeaux palestiniens, pétition sur l’immigration, chute du gouvernement… – Emmanuelle Ménard conclut que, si elle nous fait parfois rire, c’est le plus souvent jaune. Jean-Jacques Netter passe en revue des différents actes de folie commis par le gouvernement dans le domaine de l’économie, de la taxe Zucman, qui fera fuir les riches et les capitaux, aux aides versées par l’État qui font de la France le numéro un européen de la dépense sociale. Et Gilles-William Goldnadel écoute chaque jour France Inter afin de mieux dénoncer cette « tentative sournoise de me voir financer malgré moi l’hégémonie d’une seule idéologie »

Quel bilan dresser des derniers événements au Proche Orient ? Pour Gil Mihaely, la supériorité militaire d’Israël ne s’est pas traduite en victoire politique. Le Hamas retient encore des dizaines d’otages, le pays est plus isolé que jamais et les alliés de M. Netanyahou affichent des ambitions messianiques alarmantes. Elisabeth Lévy raconte l’histoire bouleversante de Mali Zander. Sa fille, Nova, a été assassinée à l’âge de 23 ans au festival Nova le 7 octobre 2023, mais cette mère en deuil, infirmière-chef à l’hôpital Tel HaShomer de Tel-Aviv, continue de venir en aide aux soldats blessés et aux ex-otages. Une fraternité et une résistance qui sont l’autre face de cette tragédie. Côté britannique, je reviens sur la grande manifestation londonienne du 13 septembre et l’été de grogne générale qui l’a précédée, une grogne alimentée par la crise migratoire et des crises politiques à répétition.

Pierre-Jean Doriel et Alexis Semanne, de l’Institut des Français de l’étranger, montrent comment la France pourrait s’inspirer de pays comme les Pays-Bas, Singapour et Taïwan pour mieux soigner ses malades et à moindre coût. Tout ne va pas nécessairement pour le pire en France. Emmanuel Macron n’a pas pris la pire des décisions en nommant à Matignon un bon connaisseur de l’armée et de l’industrie de la défense. A l’heure où Causeur se demande si le pays est foutu, le secteur militaire incarne peut-être le puissant levier de croissance dont la France a besoin.

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Côté culture, Richard Millet a lu L’Affranchi, de notre ami Cyril Bennasar. Le protagoniste est un homme qui refuse de se soumettre à une société de servitudes, du matraquage de l’Urssaf à la propagande immigrationniste en passant par les diktats du néoféminisme. La liberté de ton et l’autodérision de ce roman jubilatoire sont aussi rares que savoureuses. Georgia Ray fait l’éloge d’un ouvrage de Georges Clémenceau publié en 1926 mais jamais réédité. Son Démosthène était consacré à l’un des plus grands orateurs de la Grèce antique mais avait un caractère largement autobiographique. Comme les Anciens, le Tigre estimait que la démocratie allait de pair avec l’éloquence. Cent ans plus tard, ses successeurs lui donnent raison. Les historiens Alya Aglan et Julien Jackson publient un volume abondamment illustré des caricatures qu’a inspiré le général de Gaulle, de 1940 à 1970 sur les cinq continents. Selon Julien San Frax, un grand nombre de ces dessins et légendes sont aujourd’hui difficiles à interpréter pour l’œil non averti, mais le travail des deux auteurs permet de les comprendre dans leur contexte en ravivant trente ans d’histoire mondiale à travers la satire et l’irrévérence. Jean Chauvet est d’avis que, entre une savoureuse adaptation de l’affaire Bettencourt, une délicate transposition animée de la vie de Marcel Pagnol et un bel exercice de style autour du À bout de souffle de Godard, l’octobre cinéphile s’annonce radieux. Enfin, vous êtes viandard ? Vous trouvez que l’environnement actuel est hostile aux viandards ? Vous pouvez quand même compter sur une poignée d’excellents bouchers. Emmanuel Tresmontant nous recommande, par exemple, François Guillemin et Vincent Deniau, qui a troqué son maillot de champion de rugby pour un tablier de louchébem.

Rendez-vous ce mercredi 1er octobre dans vos kiosques pour un nouveau numéro de Causeur, bien saignant, comme toujours ! Ou dès maintenant pour les abonnés dans le kiosque numérique.


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Inégalités pour tous!

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DR.

Plus les taux des crédits immobiliers sont faibles, plus les prix montent et creusent les inégalités de patrimoine.


Le peuple français, la gauche, mais aussi le RN et en vérité 99 % de la classe politique française, tous veulent continuer à dépenser plus, s’endetter plus – c’est ce que l’on fait depuis quarante ans sans avoir été jamais (vraiment) sanctionné. Tous militent, sans le savoir, pour le maintien d’une politique de taux d’intérêt bas, voire nuls. Les taux pratiqués depuis vingt ans par la BCE ont permis tout à la fois à l’État français d’emprunter sans compter… et à ceux qui le pouvaient de s’endetter pour acheter de l’immobilier. Or, le prix d’un appartement se trouve directement indexé aux taux : plus ils sont faibles, plus les prix montent. Les « vieux » sont donc de (virtuels) riches propriétaires, alors que les jeunes ne peuvent plus acquérir un bien, sauf à s’endetter sur trente ans – mieux vaut un emploi stable pour son dossier (fonctionnaire par exemple ?). Les taux bas sont donc le meilleur moyen de creuser les inégalités de patrimoine, car ils font monter le prix de tous les actifs : à l’immobilier s’ajoutent les actions, montres anciennes ou voitures de collection.

A lire aussi, du même auteur: Les quatre vérités de Michel Audiard

Tous ceux qui militent pour des dépenses publiques sans frein veulent ainsi des taux faibles. De façon assez comique, la gauche plébiscite donc le creusement sans fin des inégalités patrimoniales, qu’ils veulent évidemment taxer. Problème : que votre maison vaille 100 000 ou un million d’euros, cela ne vous laisse pas un kopeck pour payer une taxe Zucman à 2 %. Il n’y a que chez nous que la gauche dite de gouvernement se révèle aussi incohérente que d’extrême gauche.

Liberté, retiens nos bras vengeurs

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France TV, Esplanade Henri de France à Paris © ADIL BENAYACHE/SIPA

L’éditorial d’octobre d’Elisabeth Lévy


On s’était habitués à ce qu’à la fin, le camp du Bien gagne et parvienne à mettre hors-jeu ses adversaires. Certes, cela fait un bout de temps que, dans le champ politique, l’arme suprême de la supériorité morale ne permet plus aussi bien qu’autrefois de maintenir le couvercle sur la marmite populiste. Il faut tout le talent comique de Hollande (et un brin d’opportunisme, car il paraît qu’il rêve la nuit que Mélenchon le soutient au deuxième tour) pour proférer que LFI fait partie de l’arc républicain et pas le RN. Cependant, comme le savent désormais les Gramsci de comptoir qui pullulent dans tous les camps, les batailles politiques se gagnent d’abord dans les esprits.

France inter: du rififi dans l’hégémonie

Or, le monopole progressiste sur le pouvoir culturel a vécu. Sous les coups de boutoir du réel, et grâce aux escouades de conservateurs, populistes et réacs qui, depuis une quinzaine d’années, sont sortis du placard et n’ont pas la moindre intention d’y retourner. C’est peu dire que la nomenclatura à grande conscience n’a pas digéré que, face à Matthieu Pigasse, George Soros et autres tycoons qui mettent leur fortune (enfin une partie) au service de leur antifascisme d’opérette et de leur volonté de déconstruction, se dressent désormais des Stérin et des Bolloré qui semblent beaucoup s’amuser à épater le bobo, quitte à être extrême droitisés par l’« arc médiatique ». La domination idéologique, c’était mieux quand on pouvait réduire ses contradicteurs au chômage et au silence.

Le résultat de ce travail de sape commencé dans les catacombes médiatiques (dont ce magazine) est qu’on assiste peut-être à un tournant décisif dans la guerre culturelle – Turning Point, c’est justement le nom de l’organisation de Charlie Kirk, devenu le symbole de cette droite décomplexée.

A relire: Cette gauche qui s’entend sur France inter

Pour commencer, le chantage au racisme ne marche plus. Même les électeurs de gauche ne craignent pas de déclarer (en tout cas aux sondeurs) ce que n’importe qui voit à l’œil nu, à savoir que beaucoup trop d’immigrés arrivent en Europe au regard de nos capacités d’accueil et d’intégration. Le premier droit que réclament les citoyens, c’est précisément celui de voir ce qu’ils voient et de dire ce qu’ils voient, raison pour laquelle la question migratoire a partie liée avec la défense de la liberté d’expression, comme l’avait compris Kirk. La majorité silencieuse sait que ces flux continus s’ajoutant aux millions de descendants d’immigrés qui n’ont pas tous adopté les mœurs locales menacent l’identité de leurs vieilles nations. Aussi la foule bien élevée qui a envahi les rues de Londres le 13 septembre était-elle surplombée par une forêt de drapeaux qui n’étaient pas palestiniens mais britanniques, anglais, écossais (voir l’article de Jeremy Stubbs dans notre numéro d’octobre). En France, cette majorité silencieuse ne défile pas, mais elle signe à tour de bras la pétition lancée par Philippe de Villiers pour un référendum sur l’immigration.

Cependant, c’est l’affaire Legrand-Cohen (narrée par Didier Desrimais dans notre nouveau magazine) qui met le feu à la plaine médiatique. Deux journalistes de l’audiovisuel public pincés à manigancer avec deux hiérarques socialistes, c’est cadeau. Le plus marrant, c’est que leur supposé complot visait à mettre sur orbite la candidature Glucksmann – convenons qu’on est assez loin de la Florence des Médicis. En tout cas, Legrand est débarqué en quelques heures. Qui, désormais, rabattra pour le PS « les voix de ce marais centre gauche, centre droit qui écoute France Inter, et en masse » ?

Panique au quartier général

Pour tenter de faire oublier la calamiteuse vidéo, le parti des médias dénonce en chœur une odieuse attaque de l’extrême droite. Sur CNews et Europe 1, on exulte. Les deux nigauds connivents et militants viennent d’offrir à leurs détracteurs la preuve irréfutable qu’ils avaient raison. Ils ont l’air malin avec leurs prêches. « Ceux de qui la conduite offre le plus à rire sont toujours sur autrui les premiers à médire », écrit Molière. De nombreux Français, lassés de payer pour se faire insulter, se sentent vengés. Feu sur le quartier général ! Curieusement, Delphine Ernotte remet une pièce dans la machine, accusant à son tour CNews d’être d’extrême droite et l’érigeant en adversaire principal – ce qui revient à reconnaître ses propres tropismes et à offrir au média honni un brevet d’opposant en chef. Pointe avancée de l’Église progressiste, l’audiovisuel public vient de subir une défaite en rase campagne. Il y a du rififi dans l’hégémonie.

A lire aussi: Abus de quatrième pouvoir?

Reste à savoir ce que la galaxie conservatrice fera de ses victoires. Aux États-Unis, la traque vengeresse (mais assez brève) des hérétiques refusant de communier dans l’adoration du martyr n’est pas de bon augure. Réclamer des têtes, répondre à la meute par la meute revient à combattre la cancel culture de gauche par une cancel culture de droite. Qu’ils soient Maga ou décoloniaux, les offensés exigent toujours la censure des offenseurs. On ne peut pas défendre le blasphème quand il vise Mahomet et l’interdire quand il s’attaque à Kirk. Ce qu’il faut exiger, ce n’est pas l’éviction, mais la confrontation, à la loyale, vision du monde contre vision du monde et que le meilleur gagne.

Seulement, le pluralisme est d’abord une affaire de désir, celui de frotter sa cervelle contre celle d’autrui, comme le recommandait Montaigne. Alors que chacun est de plus en plus enclin à n’évoluer que dans sa zone de confort idéologique, et pas seulement à gauche, ce n’est pas gagné. En attendant, alternez une heure de CNews et une heure de France Inter (attention, pas en continu) : soit vous deviendrez fous, soit vous deviendrez sages.

Pardonner ou ne pas pardonner, d’Erika Kirk à la mère de Philippine

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La vueuve de Charlie Kirk prononce un discours au State Farm Stadium, à Phoenix dans l'Arizona, 21 septembre 2025 © UPI/Newscom/SIPA

Les drames vécus par l’épouse du militant américain Charlie Kirk, et Blandine de Carlan, ont ému la droite. Si le pardon reste un choix personnel, la société doit rester vigilante et combattive face aux assassinats à caractère idéologiques et aux dangers de l’immigration incontrôlée.


« Je pardonne » : ce sont les mots forts prononcés, avec des trémolos dans la voix, par Erika Kirk lors de la cérémonie d’hommage à son défunt mari, lâchement assassiné par un militant antifasciste aux États-Unis. De son côté, Blandine de Carlan, la maman de Philippine, jeune fille de 19 ans tuée tout aussi lâchement, déclarait n’éprouver aucune envie d’accorder son pardon au meurtrier, un clandestin qui n’avait rien à faire en France. Qui sommes-nous pour donner raison à l’une ou à l’autre, toutes deux si courageuses et dignes dans l’épreuve ? Personne ne peut comprendre leur douleur, encore moins juger leur réaction.

La joue gauche

Depuis les prises de parole de ces deux femmes remarquables, je ne cesse de m’interroger sur la notion de pardon. Témoigne-t-elle davantage de la supériorité de notre civilisation occidentale, et de la religion qui la fonde, ou de son immense naïveté face à l’ennemi ? Comment concilier l’idée de ne pas sombrer dans la vengeance, qui ne ferait qu’enclencher une escalade mortifère, et notre besoin de nous faire respecter et d’éviter que plus jamais ne se produisent des actes pareils ? Absoudre est-il forcément tendre l’autre joue ? 

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Les proches que ces deux femmes pleurent sont aussi un peu devenus, en tout cas pour les personnes dont le cœur penche à droite, nos victimes, nos martyrs, nos héros, les visages que nous n’oublierons jamais, qui nous obligeront, qui nous accompagneront, comme ceux de Lola et de Thomas, d’Arnaud Beltrame, de Pim Fortuyn. Certains sont morts parce qu’ils étaient au mauvais endroit – dans la France de Macron par exemple -, au mauvais moment, d’autres pour avoir défendu des idées.

Désarmés

Le plus effrayant est de constater que leurs bourreaux sont parfois célébrés, défendus ou encouragés au cœur des pays occidentaux, fracturés et peut-être irréconciliables à mesure que leurs forces vives ne pleurent plus les mêmes morts. Il n’est qu’à voir une partie de la gauche – celle qui pleure Nahel que nous prenons, de notre côté, pour… un délinquant – se réjouir de la mort de Charlie Kirk, comme elle l’avait fait au moment du décès de Jean-Marie Le Pen, ou les journalistes comparer la cérémonie d’hommage en Arizona à un meeting nazi, de la même manière qu’ils avaient parlé de « bal tragique » pour qualifier le drame de Crépol.

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Et si le pardon individuel dépend de chacun, en fonction de sa foi, de sa conscience et du soulagement que tel acte lui procure, il est de notre devoir, collectivement, de n’oublier jamais afin que nous puissions survivre collectivement : les « pas d’amalgame », les fleurs accompagnées d’ours en peluche et les « vous n’aurez pas ma haine » auront fait sans doute plus de mal que de bien aux pays européens au lendemain des attentats, comme si notre faiblesse allait désarmer nos ennemis. En réalité, nous savons, depuis Julien Freund et son aphorisme le plus célèbre, que c’est « l’ennemi qui nous désigne », et non l’inverse. Alors, il est de notre devoir de combattre celui-ci et de considérer comme adversaires tous ceux qui le soutiennent et qui veulent la disparition de nos modes de vie.

Qu’Erika Kirk, la maman de Philippine et toutes les familles de victimes trouvent un peu de réconfort dans notre détermination et la certitude que nous n’abandonnerons jamais.

Le réveil de la contre-culture homosexuelle

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Marche des fiertés homosexuelles au Mans, 2 juin 2018 © GILE MICHEL/SIPA

C’est un événement rare qui mérite d’être connu: le 20 septembre, le groupe LGB Alliance France (Lesbienne Gay Bisexuel… sans T) a déclaré son « indépendance » de l’ « establishment LGBTQA+ », et cela en connexion avec dix-huit autres pays, allant de Taïwan à l’Australie en passant par la Bulgarie et les États-Unis. Éclaircissements.


« Depuis quelques années, lit-on dans le communiqué de presse, des femmes lesbiennes et des hommes gays ou bisexuels se retrouvent exclus de milieux professionnels liés à la culture mais aussi de certaines luttes sociales pour ne pas avoir consenti à des revendications se réclamant de la cause trans-activiste. Ces bannissements sont pensés pour avoir un aspect viral: même les personnes indifférentes à ces questions finissent par y participer. L’Alliance LGB France s’est constituée en réaction à ces méthodes autoritaires. »

Un « féminicide » social et méconnu

J’ai rejoint ce groupe après avoir été contactée par une jeune lesbienne qui demandait l’aide des féministes de ma génération (MLF). Elles étaient harcelées par des « femmes trans identifiées » qui voulaient entrer dans des associations de lesbiennes féministes alors qu’elles n’étaient pas opérées. Autrement dit, qu’elles étaient physiquement des hommes. En plus, « elles » y prenaient bien souvent le pouvoir et pour certaines voulaient avoir des relations sexuelles avec de « vraies » lesbiennes, et donc de « vraies » femmes, meilleur moyen selon « elles » d’authentifier leur adhésion à l’autre genre. C’est ainsi que je découvris l’offensive transactiviste pour coloniser les lieux féminins et les associations lesbiennes féministes universalistes existant depuis longtemps. Cette offensive vise principalement les femmes car les « hommes transidentifiés » ne cherchent pas à entrer dans les associations gays et encore moins dans les équipes masculines de foot, de boxe ou de rugby, comme on l’a vu dans le sport féminin. Harcèlement accompagné de menaces de toutes sortes et d’isolement social des « résistantes ». Mais le plus stupéfiant fut de découvrir que 75% des personnes désirant changer de genre étaient des filles, et pour un grand nombre d’entre elles des lesbiennes n’arrivant pas à assumer leur différence dans la société égalitaire néo-libérale.

À lire aussi, Jeremy Stubbs: Les hommes, ces indésirables

J’ai cherché dans un premier temps à soutenir ces « butch », c’est-à-dire ces femmes qui se sentent hommes et s’habillent en hommes, comme l’histoire des lesbiennes en donne de nombreux exemples, en montrant dans un livre qu’elles n’avaient pas besoin de prendre des hormones mâles ni de se couper les seins pour ce faire.

Avec Nicole Athea, gynécologue obstétricienne qui a soigné des transsexuels pendant des années, nous avons publié un livre consacré spécifiquement à la question des femmes en insistant sur l’aspect « féminicide social » de cette mise au pas des jeunes filles « anormales ». Notre essai Quand les filles deviennent des garçons, est paru au printemps 2023 aux éditions Odile Jacob. Nous n’avons pas reçu de menaces de mort, comme ce fut le cas de la romancière J.K. Rowling et la chercheuse féministe Maya Forstater, licenciée en 2018 pour avoir affirmé qu’une femme transgenre restait un homme d’un point de vue biologique. Mais nous avons « seulement » été censurées et délibérément « cancelées ». Les journalistes qui voulaient chroniquer notre livre en étaient gentiment détournés, soit parce que leur direction était favorable au progressisme transidentitaire, soit parce qu’elle avait peur d’être harcelée par les activistes qui ne reculent devant rien pour empêcher tout débat susceptible de remettre en question leur idéologie. Et je ne parle pas des descentes transactivistes dans les librairies pour cacher nos livres ou, sur les réseaux sociaux, pour nous assimiler à l’extrême droite homophobe.

Un débat qui agite la France depuis plusieurs années

C’est dans ce contexte que j’ai rencontré d’autres homosexuels exaspérés eux aussi par la curieuse évolution du mouvement homosexuel. Parmi eux se trouvait Frédérick Schminke, professeur d’anglais et bilingue qui était en contact avec le groupe LGB Alliance Royaume-Uni. C’est ce groupe qui fonde LGB Alliance international ce 20 septembre 2025, en même temps que la Déclaration d’indépendance tandis que l’association française était officiellement formée en 2024, Frédérick devenant président l’année suivante.

L’intérêt historique de ce nouveau groupe ne vient pas seulement de ce qu’il fait sécession avec une organisation LBGTQ+ devenue totalitaire, mais qu’il fait alliance avec un courant féministe opposé à la propagande actuelle en faveur de la transidentité des mineurs qui suppose la prise dangereuse de bloqueurs de puberté.

Le communiqué de presse note en effet que : « Le débat sur la transition des mineurs agite la France, dans le cadre d’une proposition de loi adoptée par le Sénat en mai 2024 mais toujours en attente à l’Assemblée nationale. Selon la commission des affaires sociales du Sénat, d’après les données de l’Assurance maladie, le nombre de mineurs en ALD pour transidentité est passé de huit en 2013 à 294 en 2020. L’ensemble des personnes en ALD pour ce motif est passé de 962 à 8 952 sur cette période. » Et il ajoute : « Parmi les 239 mineurs suivis entre 2012 et 2021 à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière, 105 ont pris des hormones du sexe opposé, 30 ont subi une ablation des seins et 26 ont reçu des analogues de la GnRH. » Ce communiqué ne parle pas du trafic d’hormones devenu monnaie courante dans les milieux à la mode. Ni du fait que la prise d’hormones contraires à son sexe a une incidence directe sur la sexualité des trans et l’expression du désir. Chez certaines filles par exemple, le clitoris peut tripler de volume et il fait si mal qu’elles n’ont plus de désir du tout. Bien sûr, on n’en parle pas sur les réseaux sociaux, comme si la nouvelle identité de genre comblait tous les désirs.

Dans son communiqué de presse, LGB Alliance France cite deux exemples de l’aspect misogyne et antiféministe de ce transactivisme LGBTQ+ :

« – À Rennes en 2023, le bar lesbien La Part des Anges a été vandalisé, menacé et poussé à la fermeture après des accusations de transphobie. Selon la gérante, tout a commencé lorsqu’elle a réagi à une agression sexuelle par un homme affirmant vouloir valider son identité en couchant avec des lesbiennes. (Sources : Ouest-France, 17 mai 2023 ; Charlie Hebdo, 25 mai 2023).

– À Toulouse en 2025, le Printemps lesbien, festival culturel organisé par l’association Bagdam Espace lesbien, a été la cible de violentes attaques, à travers un tract du collectif Bagarre (un groupe militant) diffusé avant le festival dans la communauté LGBT de Toulouse, et envoyé à certaines partenaires et invitées/intervenantes du festival, pour les inciter à quitter le festival. Il en est résulté l’annulation de quatre événements. »

À lire aussi: Minneapolis: existe-t-il un terrorisme trans?

Notons aussi que les jeunes gays commencent également à prendre la mesure du climat dictatorial qui régente une « communauté » convertie aux idéaux transactivistes sans qu’aucun débat ne puisse se tenir le bien-fondé d’une telle évolution d’un mouvement né dans une dynamique émancipatrice. À court terme, la « conversion genrée » des jeunes homos mal dans leur peau d’homosexuel mène à la disparition pure et simple de la liberté d’orientation sexuelle. Mais on ne règle pas le problème de l’homophobie en changeant de genre.

La création de cette nouvelle « Alliance » entre lesbiennes, gays et bisexuels a le mérite d’introduire la dissidence à l’intérieur d’une « communauté » qui a réussi à imposer ses revendications au « mariage gay » et à la « PMA pour toutes », en attendant la « GPA pour tous ». L’arrivée du transactivisme lui a donné un faux second souffle. « Faux », car on ne peut fonder l’émancipation homosexuelle sur le simulacre genré et le pouvoir coercitif du groupe. « Tu fais semblant de croire qu’un homme est une femme et je fais semblant de te croire », impose ce transactivisme à ses adeptes.

C’est pourquoi, ce NON formulé par des groupes issus d’une vingtaine de pays fait figure de révolution culturelle dans ce paysage politique soumis à la censure, la misogynie et la mutilation des mineurs. Il était temps de le dire.

Notons enfin que LGB Alliance est une association apartisane réunissant des personnes avec des opinions diverses sur les sujets non liés à la bioéthique (économie, immigration, etc.). Nous demandons aux différentes forces politiques de ne pas instrumentaliser notre cause pour ces autres débats.

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Budget 2026: Lecornu sur le fil du rasoir

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Manifestations contre le budget, Lille, 18 septembre 2025 © Adrien Fillon/ZUMA/SIPA

Les socialistes menacent le Premier ministre d’une censure dès son discours de politique générale s’il n’accepte pas d’augmenter les impôts. Les syndicats redescendront dans la rue jeudi.


Alors que Sébastien Lecornu tente d’imposer sa marque à Matignon, son projet de budget pour 2026 affronte déjà un front commun de critiques à gauche. Avec un déficit encore élevé et des concessions jugées insuffisantes, le risque d’une motion de censure grandit. Le nouveau Premier ministre joue ici bien plus que sa survie politique : c’est la crédibilité de l’État qui est en jeu.

Un budget d’équilibriste

Le budget présenté par Sébastien Lecornu pour 2026 vise à répondre à un triple impératif: réduire le déficit public (annoncé à 4,7% du PIB, contre 5,4 % attendus en 2025), calmer la colère sociale et désamorcer les tensions politiques héritées de la séquence Bayrou.

D’emblée, il a écarté certaines mesures explosives — comme la suppression de jours fériés — tout en refusant les symboles fiscaux chers à la gauche, à commencer par le retour de l’ISF ou une taxe sur les très hauts patrimoines.

M. Lecornu avance ainsi prudemment, annonçant 6 milliards d’économies sur le fonctionnement de l’État, une baisse des dépenses de communication et une hausse contenue des budgets de santé et de retraites. Mais ce calibrage, voulu comme raisonnable, laisse ses adversaires sur leur faim et ses alliés dans le flou. Trop peu ambitieux pour les uns, trop peu lisible pour les autres, ce budget navigue à vue dans une Assemblée nationale sans majorité, où chaque vote est un piège.

La gauche brandit l’arme de la censure

La réaction ne s’est pas fait attendre. Marine Tondelier (EELV) a lancé les hostilités en affirmant que Lecornu « fait le choix d’être censuré ». Le Parti socialiste, fort de ses 66 députés charnières, agite lui aussi la menace, tandis que LFI appelle à une motion de censure dès l’ouverture de la session parlementaire. Ce front de gauche, s’il parvient à s’unir, pourrait donc renverser le gouvernement.

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Mais la gauche joue ici un jeu dangereux. En abattant trop tôt la carte de la censure, elle risque d’ouvrir une crise institutionnelle sans en maîtriser l’issue. Une telle motion, si elle aboutissait, pourrait déclencher une dissolution de l’Assemblée nationale — et renvoyer tout le monde aux urnes dans un contexte d’abstention massive et de rejet des partis. Une éventualité que certains au PS redoutent autant qu’ils la menacent…

La stratégie Lecornu : concilier ou s’imposer ?

Dans cette séquence, le Premier ministre cherche une voie étroite : faire voter un budget sans renier la discipline budgétaire, sans déclencher d’émeutes sociales, et sans tomber sous les balles croisées des oppositions. Il mise sur un ton sobre, une posture de négociation ouverte, et un refus clair des totems idéologiques.

Mais derrière la façade apaisée, l’arbitrage reste délicat. Les classes moyennes, pilier du consentement fiscal, attendent un signal fort. Les dépenses régaliennes, notamment la défense, ne peuvent pas être sacrifiées. Et le moindre fléchissement face à la pression de la gauche serait interprété comme une faiblesse politique. La marche est étroite, et chaque pas compte.

Ce qui se joue : crédibilité, stabilité, autorité

Le cœur du sujet dépasse le contenu précis du budget. Ce qui est en jeu ici, c’est la capacité du pouvoir exécutif à gouverner dans un cadre parlementaire éclaté. Depuis 2022, la France vit sous un régime de minorité chronique, où l’arithmétique remplace le projet politique. M. Lecornu a été nommé pour sortir de cette impasse, non pour la subir.

Une censure réussie ouvrirait une séquence de chaos: démission, recomposition, dissolution — autant d’issues hasardeuses pour un pays fatigué de l’instabilité. À l’inverse, un budget voté offrirait au Premier ministre un premier succès politique et dessinerait un cap : celui d’un État sérieux sur ses finances, respectueux de ses missions, et capable de contenir les extravagances d’un hémicycle de plus en plus tenté par la posture.

Pour la droite, un moment de clarté

Ce budget, aussi imparfait soit-il, est une occasion pour la droite républicaine de peser sur les orientations à venir. Il s’agit moins d’offrir un blanc-seing au gouvernement que d’exiger des engagements clairs : baisse du train de vie de l’État, recentrage sur les fonctions régaliennes, protection des classes moyennes productives.

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À l’heure où la gauche radicale cherche à imposer un agenda confiscatoire et où le macronisme est devenu gestionnaire sans cap, le moment est propice pour rappeler que gouverner, ce n’est pas redistribuer l’illusion mais arbitrer avec courage. Et qu’un budget, même modeste, peut devenir l’acte fondateur d’un redressement — si tant est qu’on en assume le sens.

En conclusion : rester ou sombrer

Le Premier ministre Lecornu joue gros. Mais la France aussi. Le budget 2026 n’est pas une simple ligne comptable : c’est un test de maturité politique. La gauche pourra-t-elle résister à la tentation de tout casser pour exister ? La droite saura-t-elle exiger, sans bloquer ? Et le gouvernement pourra-t-il encore gouverner sans majorité, mais avec un mandat de responsabilité ?

Dans les semaines à venir, ces questions trouveront leurs réponses dans les couloirs de l’Assemblée. Ce ne sera pas une question de chiffres, mais de volonté. Et dans cette bataille feutrée, c’est toute l’idée que l’on se fait encore de l’État qui est en jeu.

Lyrique: Offenbach corrigé au féminin

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Michael Spyres (Hoffmann), Ensemble Aedes, "Les contes d'Hoffmann" © DR. Stefan Brion

Notre critique salue la performance vocale de Michael Spyres mais déplore une mise en scène pesante et didactique de Lotte De Beer, qui alourdit l’œuvre d’Offenbach au détriment de sa magie.


« Opéra fantastique en cinq actes, ou un prologue, trois actes et un épilogue », Les Contes d’Hoffmann, testament lyrique de l’allègre compositeur de La Belle Hélène ou de La Vie parisienne, se prête particulièrement aux transformations débridées. Adapté comme l’on sait de plusieurs contes du célèbre romantique allemand Ernst Theodor Amadeus Hoffmann à partir de la pièce éponyme écrite dès 1851 par le fameux duo Jules Barbier & Michel Carré (également librettistes stars du Faust de Gounod), le livret, d’ailleurs terminé par le seul Barbier car Carré est mort en 1872, sert l’ultime partition du roi de l’opérette et fondateur des Bouffes-Parisiens, Jacques Offenbach.

Trois rôles pour Amina Edris

Celle-ci aura décidément connu une maturation d’escargot : l’orchestration n’en est même pas achevée quand, miné par la maladie, Offenbach finit par s’éteindre le 5 octobre 1880. Il faut attendre le 10 février 1881 pour que l’œuvre soit créée salle Favart, dans une version mutilée qui plus est, avec des récitatifs remplacés par des dialogues parlés pour répondre aux règles qui régentent le genre « opéra- comique », par opposition avec le « grand opéra ». Puis le succès s’empare du chef-d’œuvre, durablement repris sur toutes les scènes européennes, dans des versions partiellement apocryphes. Bref, Les Contes d’Hoffman se prêtent comme jamais à la réécriture.

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C’est peu dire que s’en prive la Néerlandaise Lotte De Beer –  l’Opéra-Bastille lui devait déjà, en 2021, une Aïda aussitôt mise sous cloche par le Covid –  dans cette version créée à Strasbourg la saison passée, et que reprend à présent la si belle salle parisienne de la place Boieldieu, version en cinq actes dans laquelle les rôles d’Olympia, Giulietta, Antonia… et Stella, habituellement dévolus à plusieurs interprètes mezzo ou sopranos, se voient ici confiés à la seule soprano lyrique Amina Edris. Quelles que soient ses indéniables qualités, ce n’est pas une mince affaire que de donner chair tout uniment à des créatures si puissamment caractérisées chacune.

Élégant Michael Spyres

Autant dire que, sous les traits du ténor américain Michael Spyres, le personnage d’Hoffmann domine de très haut le cast vocal de cette production : agilité, élégance du phrasé, diction parfaite, puissance d’émission, un degré de perfection qui éclipse quelque peu la performance des autres chanteurs, du baryton Jean-Sébastien Bou (en Coppélius, Lindorf, docteur Miracle…) au ténor Raphael Brémard, en passant par la basse Nicolas Cavallier (en Luther et Crespel).

Amina Edris (Stella / Olympia / Antonia / Giulietta), Michael Spyres (Hoffmann), Héloïse Mas (La Muse / Nicklausse) Photo : Stefan Brion

Car sous les auspices de Lotte De Beer, la part belle revient pour ainsi dire par force à la mezzo Héloïse Mas, laquelle, assumant l’emploi Nicklausse / La Muse, a la lourde charge de développer le discours sous-jacent dont la metteur(e) – metteuse ? –  en scène croit devoir agrémenter le livret par d’innombrables ajouts de son cru. C’est là le travers le plus agaçant de cette régie, appliquée d’un bout à l’autre à nous imposer sa leçon de morale féministe, dans une effarante trivialité de langue : « Est-ce que tu as conscience de reproduire toujours le même schéma ? Tu es le héros tragique, tu projettes ton image de la femme, et à la fin c’est toi la victime »  (sic, Acte IV, scène 1). Ou encore, ce commentaire : « Ta dramaturgie est tellement attendue, Hoffmann : chaque fois qu’il devient difficile de faire face à la réalité, tu nous fourgues une scène de chœur » (Nicklausse, acte II, scène 5).

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Si le décor pouvait sauver la mise (en scène), on se résoudrait charitablement à regarder, sans prêter trop attention à tout ce fourbi didactique. Mais l’unique perspective de cette triste boîte en carton sur laquelle un rigide rideau noir tombe comme la guillotine à chaque interminable changement de tableau, n’a même pas la vertu de la beauté plastique, et fatigue l’attention plus qu’elle ne la stimule. Quant à l’idée de cette poupée XXL qui roule et cligne des yeux, cette apparition certes rigolote sur le plan visuel contraint à dédoubler la présence scénique d’Olympia, interdisant à la chanteuse de faire corps avec l’automate… L’honorable prestation de l’Orchestre philharmonique de Strasbourg que dirige avec Pierre Dumoussaud  avec une sobre et fine élégance et celle, pour le chœur, de l’ensemble Aedes, sauve partiellement du désastre cette tentative « archéologique », sacrifiée à la pesanteur de l’intention.

Par comparaison, on se prend rétrospectivement de nostalgie pour la version « opéra » de l’œuvre posthume d’Offenbach, telle que reprise il y a deux ans à l’Opéra Bastille dans la production de Robert Carsen millésimée de l’an 2000 : près qu’un quart de siècle plus tard, elle n’avait pas pris une ride.


Les Contes d’Hoffmann. Opéra de Jacques Offenbach. Avec Michael Spyres, Heloïse Mas, Amina Edris… Direction Pierre Dumoussaud. Mise en scène Lotte de Beer. Orchestre philharmonique de Strasbourg. Durée : 3h

Opéra-Comique, Paris. Les 29 septembre, 1, 3 octobre à 20h. Le 5 octobre à 15h.

Les magistrats sont-ils masochistes?

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Le magistrat et essayiste français Philippe Bilger © Pierre Olivier

Non, les juges n’avaient pas envie de se faire «le scalp» de Nicolas Sarkozy, affirme Philippe Bilger. Notre contributeur s’étonne par ailleurs que le syndicalisme des magistrats, d’ordinaire tellement caricatural, politisé et vindicatif, ne soit pas capable de se faire entendre et respecter sur ce dossier. Tribune libre.


N’importe qui peut les traîner dans la boue. Les ignorants au sujet de la Justice ont le verbe d’autant plus haut et péremptoire qu’ils croient tout savoir. Les médias de droite – sur un mode un peu plus feutré – et d’extrême droite s’en donnent à cœur joie quand une personnalité de ce camp est condamnée et, encore plus, incarcérée. C’est la justice qui serait coupable et le prévenu, bien sûr, totalement, forcément innocent ! Les médias de gauche et d’extrême gauche se réjouissent de voir l’adversaire sanctionné avant de s’en prendre, à leur tour, aux juges lorsque la cause du Bien – cette mouvance, plus ou moins excitée, en est propriétaire ! – est mise à mal judiciairement.

Le pouvoir oblige

La classe politique elle-même, on l’a vu avec le jugement ayant concerné Nicolas Sarkozy avec d’autres, ne sait plus ce que c’est que d’appréhender lucidement une décision judiciaire en étant soucieuse de faire le partage entre le partisan et le pénal.

Hier, on a constaté ce qu’il en était avec LFI et Jean-Luc Mélenchon et la bronca était encore plus choquante et délirante ! On est bien obligé de constater que l’idéologie prime tout, y compris ce qui devrait échapper, sur ce plan, au parti pris. Comme si le fait d’être accordé politiquement devait rendre sourd et aveugle aux défaillances morales et aux délits soupçonnés, parfois condamnés.

Pour certains, c’est une République des juges et cette paresse de la pensée est perçue telle une vérité d’évangile !

Pour d’autres, dont Nicolas Sarkozy, les magistrats seraient « haineux » et celui qui se croit autorisé à ne pas soutenir le point de vue de ses inconditionnels est immédiatement lui aussi qualifié de « haineux ». J’ai beau rectifier, j’ai droit régulièrement à cette ânerie sur X ou parfois même sur tel ou tel plateau.

Il est piquant de relever que les mêmes, de droite ou de gauche, exigeant des preuves absolues pour que leur champion soit sanctionné, sont en revanche infiniment libéraux, voire désinvoltes, pour les condamnations de ceux qui leur importent peu. Il y a des manières honteuses de stigmatiser les magistrats : une grande journaliste pourtant, Catherine Nay, est une spécialiste du genre. Il y a des indignations qui pour émaner, avec courtoisie, d’une remarquable intelligence – celle de Bernard-Henri Lévy par exemple – me paraissent cependant, pour le jugement du 25 septembre, s’égarer en interprétant mal la décision. Pour Henri Guaino, ce n’est rien de moins « qu’un coup d’État judiciaire contre la séparation des pouvoirs » ! Pour Mathieu Bock-Côté, c’est pire : « une démonstration de force déguisée en décision de justice ». Karine Le Marchand, elle aussi, « dont la parole est rare » dans ce domaine et devrait le rester, pourfend les cinq ans d’emprisonnement à l’encontre de Nicolas Sarkozy en les comparant aux violeurs sous OQTF qui seraient laissés en liberté. Cette critique du deux poids, deux mesures, que j’entends beaucoup, est offensante pour les politiques car les mettre sur le même plan que des voyous est indécent. De ces derniers, on n’a aucun exemple à attendre alors que pour les autres, on devrait tout espérer, et d’abord de la rectitude. Quand elle fait défaut, il n’est pas scandaleux de les estimer plus coupables que les délinquants « ordinaires ». Le pouvoir oblige.

Pas d’amalgame !

On reproche aux juges d’amplifier la défiance des citoyens à leur égard mais tous ces pourfendeurs compulsifs, anonymes ou non, de cette décision et de l’institution se rendent-ils compte qu’ils l’inspirent, l’irriguent, la généralisent ? Face à l’ensemble de ces accusations, stigmatisations, moqueries, dérisions, approximations et leçons, que trouve-t-on du côté de la magistrature, aussi bien de la haute hiérarchie judiciaire que du syndicalisme ?

Il y aura, bien sûr, l’appel qui permettra peut-être au commun des citoyens de mieux comprendre pourquoi le pacte corruptif au cœur de l’association de malfaiteurs (entre Nicolas Sarkozy, Brice Hortefeux et Claude Guéant, avec des actes préparatoires occultes et transgressifs en Libye et des espérances de fonds en France) a été lourdement condamné par le tribunal. La présidente de la juridiction a été menacée de mort et deux enquêtes ont été ordonnées. Seulement le 27 septembre le premier président de la cour d’appel de Paris a demandé « le respect de l’institution judiciaire et de son indépendance ». C’est tardif et cela va compter peu face à l’entretien fleuve du JDD avec Nicolas Sarkozy qui bénéficie d’une complaisance médiatique évidemment de nature à changer l’équilibre des forces pour l’appel et la sérénité des futurs débats.

Ce n’est pas au garde des Sceaux d’intervenir sans cesse pour défendre des troupes qui devraient être capables de le faire elles-mêmes, non par corporatisme, mais parce qu’il n’est écrit nulle part que l’institution judiciaire a à se distinguer par son silence, sa tolérance et sa patience. J’entends bien – et j’ai des exemples – que plus on monte, plus on a peur et qu’exiger des grands chefs de la magistrature du courage revient à la quadrature du cercle. Mais tout de même, lisent-ils, entendent-ils, écoutent-ils ?

On peut en douter quand on relève leur immobilisme à l’égard de ce qui, souvent, aurait dû susciter des réactions vives, voire de la colère de leur part… Alors, ils prêchent modération et mesure, qui ne sont que le masque d’une frilosité assumée.

Ils auraient eu matière, depuis le jugement du 25 septembre et à l’égard de tant d’autres controverses judiciaires avant, pour intervenir haut et fort. Mais leur faiblesse nourrit l’hostilité compulsive et les égarements de ceux qui ne voient aucune raison de ne pas s’essuyer les pieds et l’esprit sur les juges.

Et ce syndicalisme, tellement caricatural, politisé, partial et vindicatif dans certaines de ses réactions, n’est-il pas capable, pour une fois, de se mobiliser pour une bonne cause et de justifier une existence discutée régulièrement par une majorité de citoyens ? Que faut-il de plus pour que les syndicats judiciaires mettent une intelligente pugnacité et formulent des répliques cinglantes à l’encontre de ces inquisitions ? Les voix solitaires ne suffisent pas.

Je n’ai pas envie qu’on fasse mal à la magistrature, corps essentiel à la paix d’une société, à sa régulation, à la démocratie. Mais si son vice est le masochisme, qu’elle continue de se faire fouetter avec le sourire !

Note : depuis la rédaction de ce billet – sans lien de cause à effet-, réactions tout de même du premier président de la cour d’appel de Paris, du président du tribunal judiciaire de Paris, du Syndicat de la magistrature et de l’USM, du chef du PNF, du président de la République… Sur un autre plan, de Dominique de Villepin le 28 septembre et de Jean-Louis Bourlanges le 29…

Quand la Justice met la démocratie en danger

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Le journaliste Ivan Rioufol. Photo: Hannah Assouline

Nicolas Sarkozy a été condamné pour association de malfaiteurs dans le cadre de l’affaire du «financement libyen». «La démocratie est en danger», a déclaré dans les médias Jean-François Bohnert, procureur et directeur du Parquet national financier, préoccupé par les remises en cause de l’institution judiciaire qu’il dirige et par les discours évoquant l’existence d’un prétendu «gouvernement des juges». Le coup de gueule d’Ivan Rioufol.


L’ « association de malfaiteurs » est une trouvaille, précieuse pour les épurateurs éthiques. Cette accusation floue, qui va permettre aux juges du tribunal correctionnel de Paris de mettre Nicolas Sarkozy en prison, peut être déclinée contre ceux qui déplaisent aux vendeurs de vertu. Le malfaiteur est devenu, dans ce procès, celui qui contrarie une caste présumée infaillible. Ceux qui sont accusés d’être « d’extrême droite », par leur opposition à un progressisme sectaire et brutal, pourraient bien devenir à leur tour des délinquants. La loi des suspects (1793) avait inauguré la méthode, développée par l’URSS et la Chine communiste notamment.

Une meute ravie

Le crime politique devient envisageable quand un ancien président de la République va être incarcéré alors qu’aucune preuve n’a été retenue contre lui. La pente totalitaire de ce jugement, qui va s’appliquer en dépit de l’appel, est vertigineuse. Le délibéré ravit la gauche stalinienne et la meute lyncheuse. Les juges expliquent avoir opté pour l’exécution provisoire de la détention « en regard de l’importance du trouble à l’ordre public causé par l’infraction ». En l’espèce, il est reproché à Sarkozy des contacts noués en 2005 en Libye par ses collaborateurs, Brice Hortefeux et Claude Guéant, avec Ziad Takieddine, homme d’affaires véreux, et Abdallah Senoussi, proche de Kadhafi, criminel condamné par contumace à perpétuité pour son implication dans l’attentat de 1989 contre le DC 10 d’UTA (156 morts, dont 142 Français). De l’objet de ces contacts, les juges ne savent rien. Ils se contentent de considérer ces acteurs comme infréquentables. Mais cette intrusion morale dans la marche de l’exécutif est une violation de la séparation des pouvoirs.

État affaibli et PNF tout-puissant

Ce jugement n’a qu’un mérite : il illustre l’état de déliquescence de la démocratie. La politique paie son isolement du reste des citoyens. Ceux-ci, écartés par une caste méfiante de la plèbe, ont vidé le Pouvoir de sa substance humaine. La faiblesse de l’Etat, privé de son assise populaire, est devenue telle que la Justice se croit autorisée désormais à remplir les vides et à s’ériger en autorité de substitution. « La démocratie est en danger », a alerté ce lundi (RTL) Jean-François Bohnert, procureur qui dirige le Parquet national financier. Mais ce sont les nouveaux robespierristes qui la menacent. Après avoir participé à la chute de François Fillon, des juges se préparent à entraver la course présidentielle de Marine Le Pen.

Or cette corporation non élue, qui supporte mal la contradiction, a encore moins de légitimité démocratique que la classe politique déconnectée. La Justice n’est pas plus exemplaire que les puissants qu’elle entend humilier. L’affaire Sarkozy a été lancée en 2012 par un document de Mediapart dont le tribunal a reconnu qu’il est probablement faux. Or ce bidouillage n’a pas empêché le tribunal d’aller au bout de son intime conviction, en piétinant les prérogatives de la Cour de justice de la République, voire de la Haute Cour. La Justice sème le désordre public. Qui jugera les juges ?