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L’indemnisation de l’échec, une idée 100% woke

L’insoutenable suspense entretenu ces derniers jours par Macron (« Quel héritier vais-je choisir comme ministre de l’Éducation pour se substituer à l’autre incapable — tiens, je vais prendre un pur produit de l’Ecole alsacienne, au moins, s’il est nul, il a les codes et il sort du sérail… ») a empêché la grande presse de se faire l’écho d’une splendide décision de la justice américaine : l’indemnisation (pour 1,8 milliards de dollars) des candidats recalés à l’examen d’enseignant de la Grosse Pomme, car les épreuves étaient « culturellement biaisées ». Notre chroniqueur s’en est amusé.


Dans Le Figaro Étudiant du 19 juillet, Jeanne Paturaud relate la décision récente de la justice américaine, si souvent citée en exemple de ce côté de l’Atlantique. Constatant que la moitié des candidats noirs ou hispaniques avaient échoué à l’examen qui donne à New York le droit d’enseigner, le tribunal a jugé que les épreuves étaient « culturellement biaisées ». Trop « blanches ». Pensez, on demandait par exemple « d’expliquer la signification d’un tableau de l’artiste pop Andy Warhol. Selon les plaignants, plus de 90% des candidats blancs ont réussi le test à choix multiples et l’essai, contre 53% pour les candidats noirs et 50% pour les hispaniques. » L’idée que lesdits candidats noirs ou hispaniques aient été nuls n’a pas effleuré le pays de l’égalité — au moment même où la Cour suprême, à majorité républicaine, supprimait une fois pour toutes la « discrimination positive » qui a permis au fil des ans à tant de représentants des minorités de prendre la place de postulants meilleurs qu’eux.

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Et de décider d’indemniser ces recalés, sur la base de ce qu’ils auraient pu gagner s’ils avaient été admis. Vous souriez ? C’est typique, c’est la raison pour laquelle, dans l’échelle de notation américaine, les enseignants ne mettent plus E ni F, car les parents des progénitures injustement stigmatisées attaquaient en justice et gagnaient des sommes considérables, calculées sur ce que la baisse de self esteem faisait potentiellement perdre au malheureux bambin étiqueté cancre.

Sommes records

Ici, on ne plaisante pas avec les zéros posés avant la virgule. « Si les sommes varient parmi les 5200 personnes concernées, certains ont déjà reçu plus d’un million de dollars. » Des indemnisations versées aux plaignants jusqu’en 2028. Sans compter que la facture réellement payée par les New-yorkais sera bien plus élevée, car elle devra comporter (et non, je n’invente rien, lisez donc le New York Post) des sommes versées au titre de la retraite d’une fonction que les plaignants n’ont jamais exercée. Elle est pas belle, la vie ?

Le test incriminé concerne l’évaluation en « Liberal Arts and Sciences », qui balaie aussi bien des connaissances en maths, en histoire, en communication et recherche, en analyse et expression écrite ou encore en expression artistique. Il a été modifié en 2013 pour tenir compte des différences de cultures d’origines — et vous savez quoi ? « Les candidats d’origine afro-américaine ou hispanique sont toujours moins nombreux à réussir le test, comparé aux candidats blancs ». Fatalitas !

Indemnisons les Kevin et Mathéo !

C’est une idée grandiose qu’il faut impérativement importer chez nous. Les candidats de Seine Saint-Denis ou des Quartiers Nord de Marseille, qui parlent une langue multicolore, devraient réfléchir à la grave injustice qui leur est infligée en les obligeant à écrire et à parler une langue « blanche » et parisienne dans les épreuves des concours. Et à professer des certitudes de même couleur : la terre est ronde, hommes et femmes sont égaux, l’école en France est laïque et les vêtements à connotation confessionnelle n’y sont pas admis — et autres fariboles peu pratiquées dans les quartiers susdits.

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Il est vrai que la France n’autorisant pas de repérage confessionnel ou ethnique, savoir qui est discriminé effectivement sera compliqué. Mais on n’aura qu’à demander à Darmanin, qui nous affirme que les émeutiers des dernières semaines se prénomment massivement Kevin et Mathéo », bien qu’ils aient paru « issus de l’immigration ». « L’explication seulement identitaire serait très erronée ». Indemnisons tous les Kevin qui voulaient se faire instits !

Heureusement que Kevin ne tient pas, en général, à entrer dans l’enseignement. Il a découvert dans son quartier bien d’autres moyens de gagner davantage que les 2000€ qu’on lui fait miroiter.

Heureusement qu’un peu de raison surnage outre-Atlantique. « The standards are the standards », dit un principal de collège. « It shouldn’t be based on what would be easy for blacks or whites. To hire people who are not qualified and change the requirements because a certain group didn‘t pass the test is bullshit » (« Embaucher des personnes qui ne sont pas qualifiées et modifier les exigences parce qu’un certain groupe n’a pas réussi le test, c’est de la foutaise »). Ben oui. Et les élèves que ces enseignants de second choix formeront n’arriveront pas bien haut. Mais il leur suffira, plus tard, de porter plainte…


Source : https://etudiant.lefigaro.fr/article/plus-d-un-milliard-de-dollars-attribue-aux-etudiants-noirs-et-hispaniques-qui-ont-rate-le-concours-enseignant-de-new-york_609b5624-2542-11ee-b73e-f8f9fcecead6/

Émeutes : « Des entrepreneurs identitaires veulent verrouiller les quartiers »

François Pupponi estime que les récentes émeutes ne sont pas sans rapport avec l’Islam politique. Selon l’ancien député-maire de Sarcelles, ces jeunes casseurs et pilleurs sont la chair à canon des entrepreneurs identitaires. Et le montant considérable des dégâts reflète le manque de fermeté du pouvoir.


Entretien avec François Pupponi. Propos recueillis par Céline Pina.

Causeur. Ces émeutes ont-elles ressemblé à celles de 2005 ?

François Pupponi. Dans le processus, oui. Un événement dramatique local provoque une étincelle, les quartiers s’embrasent et la prédation en bande se déploie. Il y a cependant des différences notables. Les exactions ne sont pas restées cantonnées aux quartiers. En 2023, les émeutes sont à la fois plus violentes et mieux organisées. Mais là où les émeutiers de 2005 paraissaient attendre quelque chose de l’État, les émeutiers de 2023 ont comme seul discours le rejet et la haine de la France et ne connaissent que la force dans le rapport à l’autorité et à autrui en général.

D’où vient cette mentalité ?

Depuis des années, les discours victimaires, relayés par l’extrême gauche, le mouvement racialiste et les islamistes agissent sur les cerveaux. Dans ces quartiers, les seuls adultes qui parlent aux jeunes générations sont les entrepreneurs identitaires qui voient en elles la chair à canon de leur rêve de pouvoir, voire une réserve de petits soldats prêts à semer le chaos. Pour manipuler quelqu’un, il suffit de cultiver son ressentiment.

Peut-on reprendre le contrôle ?

Dans un premier temps, il aurait fallu être très dur. Frapper vite et fort. On ne peut accepter que des hordes sauvages déferlent ainsi dans les villes pour piller, casser, brûler. Des interpellations massives permettraient d’ôter du paysage les plus enragés et les plus influents des émeutiers. Mais le pouvoir actuel est faible et le sait. Or, dans un deuxième temps, c’est la question de la présence humaine dans ces quartiers qui va se poser, car le repli territorial favorise la contre-culture et les logiques séparatistes.

Justement, on dirait que les interactions avec l’« extérieur » sont de plus en plus rares.

Oui, pour deux raisons : d’une part les entrepreneurs identitaires veulent verrouiller ces quartiers, d’autre part les politiques ne savent plus comment parler à ces habitants. Les élections municipales de 2020 se sont traduites par un basculement générationnel. Les nouveaux élus sont rarement des hommes et des femmes de terrain. Pour eux, la politique se résume à une logique de guichet et à la gestion administrative de dossiers. De plus, ceux qui tenaient traditionnellement les associations ont changé. Le vieil instituteur, le prof retraité qui assuraient l’aide au devoir ont été remplacés par des associations islamisées. Le développement des mosquées disposant de locaux a favorisé le contrôle de l’activité associative par les religieux.

La jeunesse des émeutiers vous a-t-elle surpris ?

Non. Ce sont les plus jeunes qui sont la cible de l’islam politique, fréquentent les mosquées, et sont travaillés par les associations proches des Frères musulmans. Leur violence pulsionnelle est dirigée contre la République et des institutions qu’ils voient comme des rivaux pour le contrôle des territoires. Leur discours est basique, mais clair : « On veut prendre votre place et les règles c’est nous qui allons les faire. On est ici chez nous, on est les patrons, vous, vous baissez la tête. » Les refus d’obtempérer sont un produit de cette mentalité. Ils ne voient même plus ce que la République fait pour eux. Mais la plupart des habitants des quartiers pensent que l’école gratuite, le logement social, les aides, la sécurité sociale… sont un dû. En fait, les seuls qu’ils identifient comme représentant la France sont les policiers. Ce sont les seuls et les derniers à résister aux caïds. Il faut donc leur taper dessus physiquement et politiquement, car pour être les maîtres du territoire, il faut d’abord désarmer et déstabiliser la police.

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La foudre de la violence gratuite peut tomber sur n’importe qui

Depuis des années, l’auteur de Guérilla décrit au fil de ses romans une France scindée en communautés et en proie à l’hyperviolence. La fiction est devenue réalité. Les émeutes du mois de juin ont une fois de plus prouvé l’impuissance de l’État à maintenir l’ordre. Pourtant, des solutions existent. Elles se nomment justice et fermeté.


Causeur. La réalité commence à ressembler furieusement à vos livres, ce qui vous donne le droit de jouer les oracles. Avons-nous assisté aux prémices d’une guerre civile ? Bref, pouvons-nous, pour de vrai, être plongés dans Guérilla (qui était hier encore qualifié de fantasmes d’extrême droite) ?

Laurent Obertone. Sans même parler des émeutes, nous vivons depuis des années un climat de guérilla latent. Les chiffres de l’insécurité, en particulier des violences aux personnes, sont indignes d’un pays développé. En augmentation constante depuis Hollande, ils ont battu sous Macron et Darmanin tous les records. Comme les chiffres de l’immigration d’ailleurs. Il a fallu un embrasement généralisé pour que le Français prenne la mesure des limites de l’État, soudain en pleine lumière, face à un ennemi innombrable, disséminé sur tout le territoire, dans des centaines de quartiers. Si cet ennemi se mobilise partout en même temps, les forces de l’ordre n’auront pas les moyens numériques, matériels – et surtout pas les directives – pour faire face. Ce qui sauve l’État est pour l’instant l’absence d’organisation politique des émeutiers, la passivité du citoyen moyen, qui se contente de regarder sa France brûler de loin, mais aussi le naufrage de l’opposition de gauche, qui a vendu ce qui lui restait d’âme en rêvant de noyauter de tels mouvements, en leur prêtant des intentions qui n’existent pas.

Il semble cependant que, dans la sécession à laquelle nous assistons, la composante islamiste soit moins présente que dans Guérilla. Mais peut-être avez-vous des informations à ce sujet…

Oui, il semble que les autorités religieuses soient un peu dépassées par l’embrasement. Mais la frontière pratique entre ces violences et le terrorisme est mince : il s’agit toujours de faire en sorte de soumettre l’autochtone, rendre ses promenades dangereuses, pister et attaquer les flics isolés… C’est une forme de terrorisme, sans les gros moyens, mais au moins aussi efficace. La foudre de la violence gratuite peut vous tomber dessus à tout moment… Et pénalement c’est moins risqué pour les auteurs, du fait de la « compréhension » judiciaire. Pour résumer, vous vous ferez poignarder ou lyncher pour rien, personne n’en parlera, c’est la faute à la société, il faut plus de moyens et de city-stades. Même pas besoin de compassion ministérielle et de petites bougies.

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Vous l’avez observé, il n’y avait pas, au-delà des violences, de projet politique pour renverser le gouvernement et prendre le pouvoir sinon, peut-être chez les Insoumis qui rêvent la nuit…

En effet. En difficulté dans l’opinion, ils rêvent de ce Grand Soir, sans comprendre qu’ils n’en feront pas partie. À mon sens, ils se sont sabordés avec une grande efficacité durant cette crise. La gestion du gouvernement était désastreuse, Mélenchon a montré qu’on pouvait faire encore pire, ce qui est un fameux exploit. Il semble que beaucoup d’endormis se soient réveillés ces derniers jours. Un éclat de réel vient de faire très mal à tous les forcenés du mensonge.

Peut-être. On verra si on s’empresse de refermer les yeux qu’on avait entrouverts… Mais revenons aux saccages. On nous dit qu’énormément d’armes circulent dans les banlieues. Heureusement, elles ne sont pas sorties. Les dealers ont-ils contribué à « circonscrire » les violences ?

Les dealers jouent un double jeu : certes, ces séquences ne sont pas profitables à leur économie dans l’immédiat, mais elles permettent d’une part de se venger des opérations des stups, et de l’autre, de mettre une grosse pression sur les élus qui leur résistent, sans parler des policiers. On sait qu’ils hésiteront encore plus à sortir leurs armes, à réaliser des descentes, à taper des réseaux. Et sans doute leur demandera-t-on de différer ou annuler leurs opérations prévues ces prochaines semaines. Donc les trafiquants bénéficieront de la crise. Évidemment, sortir les armes lourdes serait une mauvaise idée. Si les choses dérapent de manière trop évidente, ça implique un coup de projecteur sur le quartier, des perquisitions poussées, qui peuvent coûter cher.

Pour les semaines à venir, quels sont les scénarios possibles ? Allons-nous désormais vivre des périodes d’accalmie, entrecoupées d’éruptions régulières de violence ?

Oui, c’est ce qui va se passer, un retour à l’insécurité quotidienne, une guérilla larvée, des embrasements sporadiques. Le gouvernement condamné à sa com’, priant les flics d’en faire un peu moins, croisant les doigts pour que la publicité des confrontations ordinaires soit la moins mauvaise possible. Il compte pour ce faire sur l’extraordinaire capacité d’oubli du citoyen, digne du poisson rouge, face au feu roulant – et au roulement continu – de l’actualité.

Vous avez une dent contre le citoyen lambda !

Je l’avoue ! Je le vois depuis tant d’années partager mes constats, râler dans son coin, et puis s’écraser à la machine à café, par peur d’être accusé de « faire le jeu de… ». Ce renoncement à exister, à braver les excommunications d’Aymeric Caron n’est pas étranger à la gravité de notre situation. La résistible dégradation du pays doit beaucoup à cette passivité. Et je me mets dans le lot : j’aurais sans doute pu moi-même en faire beaucoup plus.

Cette fois, le détonateur a été la mort de Nahel, tué par un policier à 17 ans. Mais les émeutiers ne voulaient pas la justice, puisque la justice est passée. Que veulent-ils et que veulent-ils nous dire ?

Ils veulent exister, et pour eux ça passe par la reconnaissance de leur groupe, donc la violence aveugle envers l’extérieur, la soumission du reste du pays. Ainsi l’on acquiert le « respect ». Il y a aussi une bonne dose d’opportunisme et de mimétisme. Rien à voir avec la mort de Nahel. Même si ces violences paieront, d’une certaine manière, en ce qu’elles se traduiront par une forte pression sur les médias et magistrats, donc une forme de privilège judiciaire. Chaque mort ayant donné lieu à des émeutes a toujours fait l’objet de quantité d’enquêtes, d’expertises et de contre-enquêtes, comme l’affaire Adama, par exemple. Ce qui n’est pas le cas pour les morts non médiatisées.

Émeutes à Clichy-sous-Bois, 28 octobre 2005 (c) Sipa

On passe du côte-à-côte au face-à-face. Il y a donc un « eux » et un « nous ». Qui est « eux » et qui est « nous » ? Beaucoup d’habitants des quartiers disent, comme pour Charlie, la violence ce n’est pas bien, mais ils sont maltraités, etc.

« Eux », c’est une infinité de bandes, qui parfois s’affrontent, et les jours d’émeutes pillent ensemble. Jeunes, très majoritairement issus de l’immigration maghrébine et subsaharienne, avec quelques natifs qui se sont assimilés à cette majorité locale. Beaucoup d’habitants de ces quartiers sont passifs, certains déplorent les violences. Mais beaucoup d’autres disent les comprendre, et pensent qu’elles sont la seule solution pour obtenir plus. Il faut dire que ces quartiers sont habitués à être complaints, excusés, copieusement arrosés. Ça crée des attentes. « Nous », c’est la majorité périphérique, silencieuse, qui subit l’idéologie immigrationniste, les exactions, le racket fiscal, le chantage à l’extrême droite, les interdits, la violence gratuite. Celle qui demande plus d’État, d’autorité, qui espère qu’on réglera tout à sa place, pourvu que la vie continue, et qu’elle n’ait pas à se salir les mains. Elle préfère croire en une solution miraculeuse, surtout pas affronter cette si dérangeante réalité.

Que signifierait l’affronter ? Que voulez-vous que les gens fassent, qu’ils prennent les armes ?

Plutôt qu’ils reprennent leur souveraineté intellectuelle, qu’ils se libèrent enfin du politiquement correct, et se fassent obéir de l’État. Il existe quantité de moyens pacifistes de le faire, en dehors du champ politique habituel. J’en liste une partie dans mon livre Game Over.

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Quel est le profil des petits anges qui pillent et vandalisent ? Sont-ils arrivés récemment ? Savez-vous s’il y a beaucoup de clandestins ? Beaucoup travaillaient comme livreurs ou plongeurs…

Des étrangers et irréguliers se sont illustrés dans les pillages, mais majoritairement les interpellés sont français, comme Mohammed Merah, comme les frères Kouachi, comme vous et moi, ai-je envie de dire. Donc « aucun rapport avec l’immigration », nous dirait François Hollande. Ils sont nés en France, parfois de parents eux-mêmes nés en France, mais parlent très mal le français, vivent entre eux, n’ont absolument aucun rapport avec ce pays. Comme disait Driss Ghali, ils nous signifient chaque jour à quel point ils n’en sont pas. Et nous refusons tout aussi méthodiquement de l’entendre.

Que vous inspire l’analyse d’Emmanuel Todd qui prétend que le système tient grâce à l’alliance objective entre le gouvernement macroniste et la police lepéniste…

Le système tient grâce à la police, c’est un fait, mais ce n’est pas une alliance. Les policiers aiment leur pays, signent pour le défendre, faire respecter l’ordre. L’État – qui se substitue au pays – utilise sa police pour se protéger de ses incuries, lever un impôt de moins en moins consenti, imposer sa gouvernance de plus en plus discutable. Je pense que le peuple est lui aussi largement lepéniste, du moins dans sa vision des choses. L’État, qui se méfie beaucoup de lui, lui doit aussi sa survie. Tant que Monsieur Moyen, celui que Macron appelle « Jojo », paie tranquillement ses impôts en se contentant de râler, tout va bien.

Comment qualifiez-vous le drame d’Annecy ?

Ça rejoint cette forme de terrorisme quotidien dont je parlais : ce n’est pas politique, l’acte banal d’un « déséquilibré » isolé mais justement, ce sont de tels actes imprévisibles qui distillent dans tout le pays une forme de terreur, prenant le pas sur notre quiétude, notre art de vivre. Nos gouvernants, depuis plusieurs décennies, en sont lourdement responsables. Idem les gouvernés qui n’ont jamais su se faire entendre sur le sujet, avec suffisamment de force. Espérons que la dure leçon de cette crise ne soit pas perdue. Jojo, si tu nous regardes…

Certains macronistes accusent les jeux vidéo violents et les réseaux sociaux violents TikTok et Snapchat d’avoir une mauvaise influence sur la jeunesse. Partagez-vous cet avis ?

Non. On joue autant aux jeux vidéo dans la France périphérique que dans les banlieues, et les taux de violences sont incomparables. Les réseaux sociaux peuvent être utilisés pour organiser des actions ou se livrer à des concours d’exactions via le partage d’images, mais ce sont avant tout des outils. On ne va pas interdire les tronçonneuses parce qu’on a vu un émeutier en porter une, ça n’a pas de sens. Hélas, le Français est friand des interdits. Il ne voit pas que leur multiplication ne concerne que lui, et dissimule la faillite judiciaire, la non-application de la loi, qui réprime en théorie fermement les délits ou provocations aux délits. En pratique, ce n’est jamais le cas. Jamais les incendiaires, par exemple, ne sont condamnés à la moitié de ce que prévoit le Code pénal. Mettre partout des caméras ou voter des lois par centaines ne sert à rien si nos tribunaux restent une braderie pénale. Toutes les autres explications de ces violences cherchent à masquer cette lâcheté, cette faillite conjuguée de la justice et de l’immigration. Nos prisons débordent aujourd’hui malgré la justice, par une explosion sans précédent de l’ultraviolence.

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Avant la réponse pénale, il y a le maintien de l’ordre… On a l’impression que la peur de la violence inhibe tout recours à la force. Et de fait, un autre jeune tué provoquerait sans doute un embrasement. Mais dans ces conditions, peut-on encore maintenir l’ordre sans sortir des clous démocratiques ?

Justement, non ! Soit on se contente de communiquer et d’arroser d’argent public, en perdant chaque jour un peu plus de terrain, ce qui se passe, soit on agit, mais les actes que ça implique mettront notre pays au ban de l’ONU, de l’UE, de la communauté internationale, etc. Macron en serait totalement incapable. Donc priorité aux cabinets de conseil, aux projets de loi, aux grands plans quinquennaux. À la « réflexion pour comprendre les causes profondes ». Et tout va continuer.

Quand bien même on changerait radicalement de politique migratoire, une majorité de ceux qui clament leur haine de la France sont français. Peut-on encore empêcher la libanisation que redoute Alain Finkielkraut ?

On le peut. Les principaux vecteurs de libanisation sont selon moi l’immigration de quantité, le socialisme qui la conditionne et le laxisme judiciaire. On peut arrêter l’immigration, l’appel des aides, réprimer et expulser les délinquants étrangers. On peut aussi déchoir de leur nationalité ceux qui démontrent chaque jour leur refus de notre civilisation, ou encore les éloigner par quantité de mesures, y compris incitatives. Simple question de volonté politique. Bien sûr, on nous martèle chaque jour que « ça n’est pas possible » – après des années de « ça n’existe pas » –, précisément pour nous résigner à subir une telle situation.

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Quand Louis Boyard accuse Yaël Braun-Pivet d’être un «agent de l’Élysée»

Enfin, l’été est là ! Mais l’Hémicycle bouillonne toujours autant. Retour sur un mois de juin pas si tranquille !


Réalité pénitentiaire

Parmi l’arsenal mis à la disposition des députés pour contrôler le gouvernement, il existe les « questions orales sans débat ». Ce mardi matin, j’avais choisi d’interroger le garde des Sceaux, Éric Dupond-Moretti, au sujet de la prison de Béziers. En effet, notre centre pénitentiaire est confronté à un fléau bien réel : les projections. De quoi s’agit-il ? Chaque jour ou presque, une échelle est collée sur le mur d’enceinte de la prison. Dès qu’on en retire une, une autre réapparaît le lendemain. Des lanceurs de colis y grimpent et parviennent ainsi à escalader le mur qui entoure la prison. Ils lancent ensuite leurs colis à l’intérieur de l’enceinte. Et malheureusement, le temps que les surveillants arrivent, les détenus parviennent à récupérer les paquets en moins de dix minutes avec une sorte de canne à pêche et – il faut bien le reconnaître – une certaine habileté ! Malheureusement pour moi, le ministre n’est pas là. Il est retenu au Sénat. On m’a donc envoyé à sa place une ministre chargée de me lire la note que les services de la chancellerie lui ont préparée… Mais comme elle ne connaît pas le sujet, elle bute sur les mots et, par deux fois, me parle de mur « anti-protection » au lieu de mur « anti-projection ». Elle me ferait presque de la peine si je n’étais aussi agacée. Parce que, vous l’avez compris, je n’ai pas eu de réponse. Encore une matinée de perdue…

Niche LIOT – retraites suite et fin ?

Les niches parlementaires ressemblent à un bal de Cendrillon : à minuit, tout s’arrête et le carrosse redevient citrouille… Ce jour-là, nous étions tous prêts à passer la journée à ferrailler encore une fois sur la réforme des retraites. Mais finalement, le fameux article 40 dégainé par la présidente de l’Assemblée, Yaël Braun-Pivet, a vite sifflé la fin de la partie. Et après les habituelles saillies – « la démocratie est en danger » et autre « dérive mafieuse de la Macronie » –, Cendrillon est rentrée chez elle toute penaude. La morale de l’histoire rappelle plutôt les Fables de La Fontaine : la grenouille LIOT qui voulait devenir plus grosse que le bœuf a fini par se dégonfler…

Harcèlement scolaire

Lors de la séance de questions d’actualité du 6 juin dernier, Élisabeth Borne explique qu’elle « va faire de la lutte contre le harcèlement la priorité absolue de la rentrée 2023 », et pour cela elle va « faire en sorte de pouvoir écarter d’une école un élève auteur de harcèlement ». Pour mémoire, le 1er décembre 2021, alors que nous discutions de ce même sujet, j’avais proposé un amendement prévoyant « la possibilité d’exclure l’élève harceleur de l’école afin d’accorder à l’élève harcelé un temps de répit. C’est [en effet] l’enfant harceleur qui devrait être mis hors d’état de poursuivre ses actes répréhensibles. » Réponse du rapporteur de l’époque : « C’est un très mauvais amendement ! » Il n’est jamais bon d’avoir raison avant l’heure…

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Jean-Baptiste Trogneux

À l’audience du tribunal qui devait juger les auteurs présumés de l’agression contre Jean-Baptiste Trogneux, Adrien F., l’un des suspects, se présente comme illettré et conteste avoir frappé le petit cousin de Brigitte Macron. Il explique par ailleurs avoir participé au rassemblement en tant que « journaliste indépendant » ! Comme quoi, on peut être journaliste et illettré… LOL

Retraites toujours

Le jour de la proposition de loi LIOT sur les retraites, le député LFI Louis Boyard crie à plusieurs reprises, alors que Yaël Braun-Pivet lui demande de se « taire » pour « écouter la Première ministre » : « Quand on aura le droit de voter, on se taira ! » Rappelé à l’ordre par la présidente de l’Assemblée, l’Insoumis poursuit : « Je n’ai pas de leçons à recevoir d’un agent de l’Élysée ! » Une insolence qui lui vaudra d’être privé d’un quart de son indemnité parlementaire. Pendant ce temps, la Nupes refuse de se lever et de saluer la présidente de l’Assemblée ou les ministres présents… On a les rebelles de pacotille qu’on peut…

Il est pas frais mon poisson ?

Alors que les députés débattent de l’aide médicale d’État (AME) dans l’Hémicycle, Mathilde Panot, présidente du groupe LFI, intervient. L’élu RN Jocelyn Dessigny l’a traitée de « poissonnière » !Ce n’est pas la première fois : en 2021 déjà, le député LREM Pierre Henriet avait, lui aussi, traité l’Insoumise de « poissonnière » : il avait alors été sanctionné par le bureau de l’Assemblée, perdant un quart de son indemnité parlementaire mensuelle. Mathilde Panot n’aime pas les poissonnières : elle qui prétend défendre les petites gens, elle trouve la comparaison injurieuse. Moi, si j’étais poissonnière, je serais vexée que l’on considère mon métier comme une insulte…

Femmes, je vous aime

Où l’on apprend le 14 juin, à l’occasion d’un texte sur l’égalité entre les femmes et les hommes dans la fonction publique, que le cabinet du chef de l’État est composé de 11 hommes et… deux femmes. Pendant ce temps, les écosexuels courent tout nus dans les jardins de Lyon.

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Ma vraie vie à l’Assemblée

Pour illustrer une discussion sur les déserts médicaux en France, une députée MoDem – dont je tairai le nom – s’exclame : « Vous vous rendez compte, ça fait dix ans que je n’ai pas vu de gynécologue ! » Les députés sont-ils obligés de raconter toute leur vie dans l’Hémicycle ?

Nahel

Catastrophe ! Le jeune Nahel, décrit par ses proches (ou ses moins proches d’ailleurs) comme un saint ou un ange, décède tragiquement, alors qu’il refuse d’obtempérer aux ordres de la police. Au moment où j’écris ces lignes, trois nuits d’émeutes s’en sont suivies aux cris de « Justice pour Nahel ! ». Ce dernier a bon dos puisqu’il justifie apparemment le pillage de magasins (Nike de préférence…) et la dévastation de bâtiments publics – pas moins de 500 dans la nuit de jeudi à vendredi 30 juin ! À l’Assemblée, la présidente Yaël Braun-Pivet décide d’une énième minute de silence, précisant quand même qu’une « enquête est en cours et que la justice devra se prononcer ». Heureusement, je suis retenue dans une réunion en dehors de l’Hémicycle et je n’ai pas à y participer : je croyais – naïvement à coup sûr – que nous attendrions les résultats de l’enquête avant de rendre hommage à l’adolescent décédé. Entre le droit et l’émotion, la Macronie a perdu la tête !

Nahel, figure identificatoire parfaite pour une jeunesse culturellement allogène?

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La doxa qui s’est finalement installée, comme cadre explicatif convenu des émeutes, est celle d’une poussée de violence de nature délinquante, dont les auteurs, essentiellement Français, seraient «des jeunes». Et si l’affaire était tout autre? Et, si, par exemple, pour ceux qui les commettent, leurs actes étaient légitimes, au sein de l’horizon dans lequel ils se situent, où le «devoir de vengeance» est une obligation centrale au sein du système de coordonnées culturelles en sécession par rapport à toute possibilité d’intégration?


Les émeutes de juin 2023 constituent un symptôme majeur des évolutions en cours dans la société française. Sur ce point, tout le monde est d’accord, sauf ceux qui gardent la tête dans le sable, même si, au delà, les interprétations sur ce qui s’est réellement passé divergent radicalement. Différentes approches sont possibles, politiques, à partir des opinions de chacun, idéologiques, sur la base de croyances et de conceptions du monde, communautaires, si on privilégie un groupe d’appartenance, sécuritaires ou économiques par exemple, si on part d’un point de vue technique. 

Désarroi à gauche

On notera aussi une approche marquée par le désarroi, l’incompréhension, perceptible notamment chez nombre d’électeurs de la gauche « non-Nupes », peu représentés dans le débat public mais finalement assez nombreux dans leur discrète errance politique. Cette incompréhension à chaud, dans le cœur de l’évènement, face à l’automatisme et à la radicalité des positions, est peut-être l’attitude la plus saine intellectuellement devant des événements finalement assez nouveaux, malgré les tentatives de comparaison avec ceux de 2005, qui survenaient dans un tout autre contexte. 

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La doxa qui s’est finalement installée, comme cadre explicatif convenu, est celle d’une poussée de violence de nature délinquante, dont les auteurs, essentiellement Français, seraient « des jeunes ». Et si l’affaire était toute autre ? Et, si, par exemple, pour ceux qui les commettent, leurs actes étaient légitimes, au sein de l’horizon dans lequel ils se situent, où le « devoir de vengeance » est une obligation centrale ? Et si ces actes avaient un sens au sein du système de coordonnées culturelles qui constituent leur repère, qui s’avèrent du coup en sécession par rapport à toute possibilité d’intégration ? 

Des islamistes devant une voiture calcinée, 28 juin 2023, Nanterre © Lewis Joly/SIPA

Pour une approche anthropologique des émeutes

Pour avancer sur ce point, on tentera ici une approche d’anthropologie culturelle. L’anthropologie, on le sait, a pour objet à la fois l’universalité de l’espèce et à la fois la particularité des innombrables cultures qui se déploient dans son histoire. Déduire les comportements, et les évènements qui en découlent, de la culture à laquelle se rattachent ceux qui en sont les auteurs, est peut-être une clé précieuse pour analyser des faits comme par exemple les émeutes, la délinquance et la criminalité.

L’analyse culturelle (au sens de l’anthropologie) est un peu passée de mode, voire suspecte. Elle est recouverte par la croyance, teintée d’utopie universaliste, selon laquelle nos sociétés sont aujourd’hui faites d’individus, qui pensent ce qu’ils veulent et agissent en conséquence, sous-estimant ainsi le poids des normes culturelles. Qu’est-ce qu’une culture ? C’est un agrégat des trois grandes composantes : un système de croyances et de représentations du monde, un ensemble de mœurs (alimentaires, linguistiques, relationnelles, familiales, sexuelles, techniques), des normes sociales régulant la violence. La culture est aussi, ne l’oublions pas, ce qui sépare l’homme de l’animal.

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Croyances, mœurs, rapport à la violence. C’est dans ce triangle que nous nous situons tous et que nous nous déployons comme individu. La culture, c’est aussi une dynamique, certaines étant particulièrement conservatrices, d’autres particulièrement acharnées à changer en permanence leurs propres règles de vie.

L’immigration, problème démographique, problème culturel

La question d’autres cultures que la culture française (voir l’encadré en fin d’article) sur le territoire métropolitain (on n’évoque pas ici la situation spécifique des départements et territoires d’outre-mer) a commencé à se poser avec la politique de regroupement familial, permettant aux travailleurs étrangers de faire venir parfois des fratries entières. À ce noyau initial se sont agrégés par vagues successives, des immigrants maghrébins et africains, puis d’autres pays, comme ceux du Moyen Orient, l’Afghanistan, ou les pays balkaniques. A ces vagues successives s’est ajoutée l’arrivée massive de « mineurs isolés ». À l’immigration légale et souhaitée s’est donc superposée, avec l’ouverture des frontières intra-européennes, une immigration illégale, sans que cette illégalité constatée ne conduise à une véritable politique de retours à la frontière. Alors qu’elle ne l’était pas au départ, cette immigration a rapidement, au seuil des années 2000, constitué un double problème, démographique et culturel. Problème démographique, par le nombre impressionnant d’entrées sur le territoire, sans sortie correspondante, puis de naissances, avec des taux de natalité allogènes supérieurs à ceux des indigènes. Problème culturel, du fait qu’entrent des individus qui ne se défont pas, au passage des frontières, de leur culture d’origine. En fait, ce ne sont pas des individus ou des familles qui entrent en France, mais des personnes reliées entre elles par leur(s) culture(s) d’origine et qui, la plupart du temps cherchent à s’agréger géographiquement.

Les trois trajectoires possibles de l’allogène

Les allogènes, transformés en immigrants, peuvent suivre plusieurs trajectoires possibles. La première est le renoncement à leur culture d’origine et l’acculturation à celle des indigènes. La seconde est l’inclusion dans le territoire par le biais d’une communauté culturelle maintenue, avec des concessions plus ou moins importantes à la culture française (via les trois piliers de toute culture : croyances, mœurs, rapport à la violence). La troisième trajectoire est celle d’une présence sur le territoire avec un rejet de la culture française. Ce rejet peut prendre au moins deux formes, celui d’un retour, ou d’un maintien dans la culture d’origine, ou celui de l’acculturation à une culture mafieuse, liée au trafic de drogue ou d’êtres humains. Ce découpage théorique recouvre de multiples situations avec des passages d’une trajectoire à l’autre. On a vu des personnes acculturées revenir à la troisième trajectoire du fait par exemple de l’adhésion aux principes de l’islam radical. On notera également, c’est important pour la suite, que le positionnement culturel est assez indépendant de la nationalité au sens juridique (étranger, double nationalité ou Français).

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C’est à ce point du raisonnement que l’on rencontre la problématique des émeutes de juin 2023. Même si nous ne disposons d’aucune donnée chiffrée, il y a peu de doute sur le fait que l’essentiel des émeutiers sont « issus de l’immigration », qu’ils soient Français ou pas. Pas de doute sur leur âge, la majorité ont entre 16 et 25 ans. Pas de doute non plus sur les zones géographiques où ils habitent, des quartiers à forte densité de jeunes issus de l’immigration. Pas de doute non plus sur la nature des faits d’émeute : destruction de biens privés et publics, destruction de symboles de l’État, agression de policiers, pillages de commerce. La question est double : peut-on rattacher leur comportement à une culture donnée et peut-on les situer dans une des trois trajectoires décrites plus haut ?

Le recours à la justice vindicative comme marqueur culturel

Sur la première question, on ne niera pas l’existence d’une colère, qui trouve un point d’accroche fort avec le décès « d’un des nôtres », le jeune Nahel, figure identificatoire par excellence (petite délinquance bravache, sentiment d’impunité, absence du père, toute-puissance inopérante de la mère). Cette colère se nourrit par la représentation, encouragée par certains partis politiques de gauche, qu’ils sont « discriminés », et objet permanent d’un « racisme structurel » et que donc la responsabilité de leur destin et de leurs échecs est à reporter entièrement sur le pays qui les accueille. Leur comportement d’émeutier n’est donc pas principalement à leurs yeux un comportement délinquant (même s’il l’est au nom du droit pénal français), mais un comportement qui vise à rendre la justice. C’est là qu’une divergence culturelle majeure s’est installée, dans l’interprétation de ce que veut dire « rendre justice » La méthode pour faire justice (pour la mort de Nahel mais plus généralement pour le sort que le pays d’accueil leur infligerait) se décline, pour les émeutiers, sur le mode de la vengeance archaïque. « Nous sommes là pour venger Nahel » entend-on dans les groupes de jeunes.

Là où nous voyons des délinquants, eux se voient en justiciers. Là où nous faisons confiance à l’institution judiciaire, eux n’y voient qu’une farce hypocrite face à la vraie justice concrète que constitue la vengeance. Regardés à l’aune de l’anthropologie, les comportements d’émeute sont tous des gestes classiques de la justice vindicative traditionnelle et du code de l’honneur qui lui est associé. La vengeance est même, pour certains, un devoir auquel on ne saurait se soustraire. On se croirait dans une tragédie grecque, où les affrontements et la vendetta vindicative sont des prolégomènes à la guerre civile. Quand on ne peut pas tenir le responsable qu’il faut punir, on s’en prend à ses associés, à ses frères et à ses cousins, aux symboles et aux bâtiments auquel il se rattache. Tous les policiers sont complices de celui qui a tué leur frère. La vengeance peut donc s’exercer sur eux. L’État et tous ses représentants sont complices du sort qui leur est fait. L’association, l’amalgame et la globalisation sont les clés de la justice vindicative archaïque. Jusqu’au pillage, qui constitue toujours une compensation matérielle légitime du préjudice subi. Et puis, bénéfice secondaire, le policier incarnant la figure d’une autorité précisément absente, est un bon candidat pour être haï comme père de substitution.

D.R.

Une sécession avec la culture du pays d’accueil

Tous les émeutiers (combien sont-ils ? 100 000, 200 000 ?) qui ont causé tant de dégâts en juin 2023 n’ont pas forcément une conscience claire de mettre en œuvre ce processus archaïque de justice, même si la méthode leur paraît culturellement familière, mais il serait extrêmement réducteur, voir méprisant, de considérer chacun d’eux comme un simple délinquant ou un pur voyou, même s’il y a bien quelques actes d’opportunité. D’ailleurs les délinquants mafieux se sont sans doute tenus bien à l’écart d’un mouvement qui ruine leurs affaires, et, pour l’instant, ils n’ont pas prêté aux émeutiers les armes nombreuses dont ils disposent. Cette analyse, qui explique les émeutes par une geste vindicative archaïque, permet de répondre à la deuxième question, celle de la trajectoire d’intégration de leurs auteurs. Le choix massif, affirmé, risqué même, d’un rapport à la violence et à la justice spécifique aux cultures méditerranéennes et aux mœurs de certaines sociétés traditionnelles est bien un choix culturel qui leur paraît naturel tant leurs parents et grands-parents ont baigné dedans. Ces émeutiers s’installent clairement dans une troisième trajectoire, en sécession avec la culture du pays d’accueil. Bien loin de l’assimilation et en rupture générationnelle avec les communautés de concession (en l’absence du père, les mères ne ramènent-elles pas souvent à la culture d’origine ?), ils s’inscrivent parfaitement dans le cadre d’une présence sur le territoire avec un rejet de plus en plus affirmé de la culture française, dans laquelle ils ne se reconnaissent pas. Cette présence peut être qualifiée de sécessionniste.

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Cela implique la double tentation soit du retour à une culture d’origine dont le seul vecteur concret, à part le retour au pays, reste l’islamisme, arc-bouté lui aussi dans une culture de la vengeance, soit de l’entrée dans une culture mafieuse, dont les codes, les mœurs, le recours à la violence, elle aussi vindicative, sont en adéquation avec l’expérience intime, que chaque émeutier a pu faire à cette occasion, des destructions qu’il a commises, à vrai dire, en quasi toute impunité pour la plupart d’entre eux.


La construction de la culture française
L’oubli de la culture, comme outil d’analyse, est particulièrement dommageable dans le cas de la France mais de bien d’autres pays aussi. Notre pays est une entité constituée historiquement du rassemblement de différentes spécificités, de la Bretagne à l’Alsace, du pays d’Oc jusqu’aux Flandres. Si les langues régionales, qui étaient le vecteur actif des cultures constituées, ont pratiquement disparu, les particularités régionales, elles, sont toujours présentes, notamment dans un monde rural refuge de la sédentarité, face aux villes toujours plus cosmopolites et nomades.
La culture c’est aussi un ensemble de graines, qui comme les graines de végétaux restées en sommeil tout au long d’une période glaciaire, sont susceptibles de ressortir en cas de réchauffement social. La crise des « bonnets rouges », puis celle des « gilets jaunes », était aussi une résurgence de cultures enfouies, comme l’avaient été les jacqueries de l’Ancien régime.
Les cultures de la France de l’Ancien régime se sont en partie fondues dans une culture française, qui s’est identifiée à l’idée de République, dans la mesure où ce régime a été le creuset politique de l’intégration des moeurs des différentes régions qui composent le pays. Elle a également intégré une culture exogène, non territoriale, liée à la présence en France, depuis la colonisation romaine, de communautés juives, issues des différentes migrations du peuple hébreu depuis l’exode des années 70 après JC, du fait de l’occupation romaine de l’Israel d’alors.
L’acceptation par les communautés juives des lois de la République, des mœurs publiques et de la régulation de la violence par la justice d’Etat, le repli des mœurs religieuses et de certains traits culturels dans l’espace privé, a rendu cette intégration non problématique (sauf aux yeux des antisémites), au point qu’on parle souvent d’une France « judéo-chrétienne », ce qui est une exagération au vu du peu d’impact démographique et culturel des personnes d’origine juive en France.
Après la résistance du moyen âge aux invasions prédatrices du Sud (Sarrasins), du Nord (Vikings) et de l’Est (« Hongrois »), la France de l’Ancien régime, puis des quatre Républiques qui ont suivi la révolution, a été peu concernée par l’immigration et l’entrisme d’autres cultures. Les vagues polonaises, notamment dans les mines du Nord, et italiennes, dans l’Est et le Midi de la France, même si elles ont pu entrainer des difficultés locales (dues essentiellement à la concurrence sur le marché du travail) n’ont pas provoqué de choc culturel. Très chrétiens, les Polonais n’ont pas détonné dans le paysage culturel français. Quant aux Italiens, même s’ils venaient du sud de la péninsule, leur culture restait très proche de celle du Midi de la France. La même analyse peut être faite pour les immigrants espagnols et portugais.
Le retour massif des Français d’Algérie dans les années 60 a provoqué une confrontation culturelle avec une population dont les mœurs avaient commencé à diverger d’avec celles de la métropole, mais l’écart était trop faible pour provoquer un véritable choc. Les travailleurs maghrébins venus, célibataires, travailler en France, malgré leur nombre relativement important, n’ont pas non plus été à l’origine d’un choc culturel. Ils vivaient discrètement, plutôt en vase-clos, sans affirmation identitaire et sans plus se signaler que par une délinquance marginale, inévitable pour des communautés de célibataires en terre étrangère. La rupture s’est établie, à partir de 1976, avec la politique de regroupement familial, qui a permis l’entrée sur le territoire, de cultures exogènes • Philippe Breton

Tuez-moi, sinon vous êtes un assassin…

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Après avoir évoqué Les derniers jours de Stefan Zweig, en 2010, Laurent Seksik revient sur une autre figure de l’Europe centrale, dans Franz Kafka ne veut pas mourir.


Là encore, l’auteur s’intéresse à la fin de vie de l’écrivain tchèque, décédé en 1924, mais aussi au destin, durant les deux décennies suivantes, de trois de ses proches : Robert Klopstock, l’ami médecin, Dora Diamant, compagne connue un an avant sa mort et Ottla Kafka, la sœur de l’écrivain. Un livre pas si neurasthénique, car, malgré la supplique finale faite à son ami Robert (« Tuez-moi, sinon vous êtes un assassin »), Kafka apparaît finalement un peu plus solaire qu’on l’imaginerait: « L’homme n’avait rien de sombre. On riait, on chantait, on dansait même parfois au son des airs de guitare du capitaine ».

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La vie, une gare immense et désolée

Il y a quand même, dans ce roman, quelques belles phrases désespérées et torturées. Au moment de la mort de l’écrivain : « L’âme de Kafka quittera bientôt ce corps. Ou bien il n’y nulle âme qui tienne, rien avant, rien après, la vie est une gare immense et désolée où se croisent des hommes mus par des espoirs insensés, qui ne font qu’attendre des trains qui ne viendront jamais ». Les amours compliquées sont ainsi évoquées : « Les lettres, tant à Felice qu’à Milena […] le rendaient maître du jeu amoureux et lui autorisaient l’esquive, le mensonge, la dissimulation, la manipulation, les faux serments. Si bouleversantes fussent-elles, ces lettres s’adressaient à des inconnues ou presque. Appelaient-elles une réponse ou pouvait-on les lire comme de simples et sublimes monologues intérieurs ? Les jeunes fiancées d’un temps eurent sans doute tort d’y voir la promesse d’une grande suite nuptiale quand c’était seulement l’obscure antichambre d’une conscience agissante. La rage forcenée avec laquelle était criée sa soif d’amour n’était peut-être rien d’autre qu’une manière d’étancher ses fringales d’écriture ». Il y a aussi l’épisode connu de la lettre au père. Selon la sœur Ottla, la lettre au père est ce qu’il a écrit de plus important et, finalement, « peut-être même que tous ces écrits antérieurs, l’ensemble de ses nouvelles, ses ébauches de roman n’étaient-ils que des brouillons, un simple préambule » avant cet acte. Un père autoritaire, rabat-joie, qui a une haute conscience du sort des juifs d’Europe centrale et qui ne voit dans toute période heureuse qu’un bref moment de répit avant de nouveaux drames. La nouvelle génération, au lendemain de la Grande Guerre, est, elle, d’un optimisme béat. « Pour [les juifs], comme pour le monde entier, le XXème siècle offrait un avenir radieux. Le soleil qui se levait sur les décombres de la guerre éclairerait bientôt toute l’humanité », pense alors Robert Klopstock.

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Interrogatoire… kafkaïen

Le récit se poursuit durant les vingt années qui suivent la mort de l’écrivain. Robert, Dora et Ottla naviguent au sein de la Mitteleuropa et traversent les frontières au fil des annexions successives du IIIème Reich. Il y a dans la deuxième partie du roman de grands moments kafkaïens. Quand Robert Klopstock passe au bureau de la société d’assurance qui a employé Kafka plusieurs années, le directeur adjoint de la société d’assurance fait un éloge et une lecture émue de l’un de ses articles (un texte dans le style le plus juridico-jargonnant qu’il soit possible d’imaginer), qui avait « atteint l’un des sommets de l’art de l’assureur ».


S’il a vécu son emploi comme un frein à sa volonté d’écrire, on comprend qu’il a su déjouer le farouche antisémitisme qui sévissait dans ce milieu pour gravir les échelons au sein de l’entreprise.

Et puis il y a l’interrogatoire musclé de Dora, exilée en URSS et vite revenue de son adhésion primesautière au régime marxiste. Bientôt entre les mains du NKVD, qui veut la convaincre de trotskysme, elle est amenée à raconter à l’enquêteur l’intrigue du Procès. Plus l’interrogatoire avance, plus l’agent reconnaît son quotidien et le régime politique qu’il sert. Dans un accès de compassion très bref, il lui laisse un tout petit instant pour s’échapper, retraverser une nouvelle fois toute l’Europe et atteindre l’île de Man. Et ce n’était pas là la fin de l’aventure.

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À un moment, il faut que ça tranche…

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Après une étrange et sadique garden-party, à l’Élysée, le 18 juillet, où tous les ministres étaient à la fois invités et en sursis, Emmanuel Macron n’aura pas de mal à faire passer le remaniement ministériel pour un ajustement technique sans importance – tant les Français trouvent ce jeu de chaises musicales sans intérêt. Chronique de notre vie politique nationale, et d’une France réduite aux aguets.


On peut tout dire de notre vie nationale depuis la réélection d’Emmanuel Macron et la majorité relative à l’Assemblée nationale sauf qu’elle est épique. Au contraire, terriblement ordinaire. Alain Peyrefitte avait théorisé « La Société de confiance » (publié en 1995 chez Odile Jacob). Il me semble qu’on n’en a jamais été plus loin. La déconnexion entre le peuple et le pouvoir, dont j’admets qu’elle relève, au fil des périodes, d’une sorte de banalité, est plus nette et dévastatrice que jamais, au cours des débuts de ce second mandat présidentiel. Comme la promesse de rassemblement faite en 2017 et renouvelée en 2022 a été totalement trahie.

Singularité délétère

Parce que probablement nous avions toujours échappé à une personnalité affichant de manière aussi ostentatoire son désintérêt de l’opinion même fortement majoritaire des Français sur des sujets et des choix dont elle considère qu’ils se rapportent à son domaine réservé. Emmanuel Macron ne fait même pas semblant d’être le président de tous. Il a trouvé le moyen d’inspirer une vive défiance aux forces régaliennes largement entendues qui bénéficiaient traditionnellement du soutien de ses prédécesseurs. Parce que leur souci était moins de se distinguer que de stabiliser et d’apaiser le pays. La police aura pu le vérifier avec son propos initial sur la mort de Nahel et sa réponse fausse – contrairement à ce qu’il a affirmé, il visait cette seule affaire et ne parlait pas en général – à Matthieu Valet lors du 14 juillet.


On a eu encore eu un exemple de cette singularité délétère avec le sadisme festif de la soirée du 18 juillet à l’Elysée : « Amer dîner pour ministres en sursis » après la confirmation minimaliste de la Première ministre : pour quelques ministres il était clair que ce buffet serait sans doute le dernier ! Comme le président du groupe Horizons à l’Assemblée nationale, Laurent Marcangeli, a raison de protester : « On peut finir par croire qu’Emmanuel Macron prend un malin plaisir à ces moments d’attente… À un moment il faut que ça tranche ». Imagine-t-on le général de Gaulle qui n’aspirait qu’à de l’épopée et que les Français décevaient parce qu’ils y étaient allergiques, « des veaux » selon lui, pratiquer ces mondanités à la fois ridicules et honteuses à la place de confirmations ou d’exclusions clairement signifiées, sans la moindre équivoque ? Loin de l’épopée, cette conception élyséenne tourne au vaudeville. Les mots servent de baume. Le réel est euphémisé. Pas de remaniement mais des ajustements ! Cela va mal mais ça va bien !

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Le pire est que par contagion l’ensemble des processus politiques semble atteint, gangrené et qu’en effet une France de méfiance, aux aguets, quasiment caricaturale dans ses dérives, ses ambitions cachées, ses haines et sa « cuisine », a pris la place de ce qu’on aurait pu espérer : un pays d’allure, de grands espaces et de haute vision. Emmanuel Macron concocte ses petits plats au lieu de nous préparer le grand dîner du futur. La lutte des personnes s’est substituée à la recherche d’un destin collectif.

De quoi rire. LFI s’est assignée pour mission de contrôler le RN en vérifiant si les propos de ses députés ne sont pas « trop trash » en commission : Thomas Portes qui a été un modèle d’élégance républicaine est notamment à la manœuvre !

Venons-en aux choses sérieuses…

Emmanuel Macron n’aime pas Elisabeth Borne mais la maintient. Edouard Philippe lui déplaît, trop libre, trop indépendant, Gérald Darmanin et Bruno Le Maire ont trop d’ambition – ils font comme s’il n’était déjà plus là ! -, heureusement il y a Jean Castex avec lequel il s’est toujours bien entendu et qui ne lui a jamais manqué. Pour 2027, il pourrait être le bon candidat… Edouard Philippe joue un jeu subtil, loyal mais juste ce qu’il faut, opposant mais doucement, avec la dent dure en aparté ; il n’a rien oublié et se réjouit – il est étranger au narcissisme – de la condescendance de ceux qui l’ont maltraité et ont abusé d’inélégance sur son apparence : je suis persuadé qu’il sera dans la course. Bruno Le Maire fera moins de propositions, en 2027, que lors de sa malheureuse primaire mais il répète tellement qu’il adore sa fonction ministérielle qu’on sait qu’il ne pense qu’à la suite… Gabriel Attal jouit de son talent et accepte de retarder un tantinet l’expression de son dessein suprême : président. Trop tôt. Mais il ne sera pas en retard.

Eric Ciotti s’obstine à vendre Laurent Wauquiez pour la future élection présidentielle mais ce dernier n’a pas l’air de comprendre qu’il doit tout de même participer à l’action et ne pas avoir le dos tourné à chaque fois que le parti a besoin de lui… Nicolas Sarkozy a trahi LR mais il n’est pas gêné : il donne des leçons comme s’il finissait par croire au personnage de sage qu’on s’acharne à fabriquer pour lui et qui ne lui va pas du tout. Jordan Bardella piaffe et sait qu’il est meilleur que Marine Le Pen mais il a le temps. Elle échouera en 2027 et il sera en lice en 2032. Marion Maréchal a pris conscience qu’elle s’était fourvoyée en quittant trop vite le RN mais elle aussi est confiante pour 2032 : Eric Zemmour a tout donné mais il restera comme la preuve éclatante qu’en démocratie on a le droit de tout penser mais qu’il ne faut surtout pas tout dire.

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Jean-Luc Mélenchon se persuade que ses foucades, ses orages et ses outrances n’entraveront pas le futur qu’il continue à se concéder, généreux avec lui-même, grâce à son verbe et à son aura (de plus en plus ébréchée, il est vrai). Mais il oublie que derrière la façade, il y a des appétits, des ambitions, des envies de profanation, des intuitions plus lumineuses que les siennes, qu’il y a notamment François Ruffin qui ne gagnera jamais une élection présidentielle mais pourra lui boucher l’accès pour 2027… Olivier Faure, doué pour le « paquito » certes restera Olivier Faure : par électoralisme il a accepté la Nupes mais tué le socialisme. Il n’a plus qu’un dessein : briser net l’élan apparemment poussif de Bernard Cazeneuve. Fabien Roussel est trop lucide pour ne pas deviner qu’il ne pourra compter que sur sa personnalité empathique et chaleureuse, mais pas sur le communisme, le présent n’ayant pas encore fait totalement oublier le passé.

J’ai à peine exagéré en schématisant ainsi la vie politique, en la simplifiant, tel un jeu de rôles. En la réduisant à une France aux aguets. Je vais finir par comprendre ceux qui, révolutionnaires, anarchistes, conservateurs, citoyens déçus ou exaspérés, ne veulent plus entendre parler de cette politique. Les uns la fuient et la dévoient, les autres ne votent plus. Pour ma part je résisterai toujours à la tentation de la violence, de la dérision ou de l’abstention. Être un citoyen (aussi imparfait qu’on soit) est une chance et un honneur.

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Montée de l’antisémitisme en Afrique du Sud

En baisse dans les sondages, le parti sud-africain Economic Freedom Front (EFF) a récemment semé l’émoi parmi la communauté juive. Le mouvement du populiste Julius Malema a exigé que l’école juive United Herzlia Schools, située au Cap-Occidental, soit « radiée » de la liste des écoles agréées par le ministère de l’Éducation, accusant l’établissement scolaire de pousser ses élèves à émigrer vers la Terre promise et d’y rejoindre son armée. Un événement qui intervient dans un contexte de montée de l’antisémitisme dans cette partie de l’Afrique australe.


Aishah Cassiem siège comme députée au parlement de la province du Cap-Occidental. Ancienne journaliste d’investigation, elle a rejoint l’Economic Freedom Front (EFF) en 2013 après avoir interviewé Mogamad Nazier Paulsen, un des turbulents leaders de ce parti politique sud-africain. Elle a très rapidement gravi les échelons de ce mouvement fondé par le populiste Julius Malema, seconde force d’opposition du pays. Conseillère municipale du Cap, devenue trésorière du parti, elle a pu se fait élire au parlement fédéral en février 2023. Vêtue de rouge, la couleur arborée en toutes circonstances par l’EFF, Aishah Cassiem porte également un keffieh palestinien. Une cause à laquelle cette élue est sensible. Le 15 juin, elle a pointé du doigt l’école juive United Herzlia Schools dans une déclaration qui a été reprise par la presse israélienne. « Il est effarant de constater que le gouvernement provincial DA [Alliance démocratique] condamne la guerre en Ukraine, mais ne fait rien contre cette école qui a aligné ses programmes sut ceux de l’État d’Israël et encourage les élèves à participer à une politique d’apartheid » contre les Palestiniens. Elle a immédiatement réclamé que l’établissement scolaire soit « radié » de la liste des écoles agréées par le ministère de l’Éducation. D’autant que selon elle, l’école prône le retour vers la Terre promise à ses élèves et les incite à faire leur service militaire au sein de Tsahal, l’armée israélienne.

Idéologie malsaine

Des propos qui ont choqué la communauté juive d’Afrique du Sud. Bien qu’il ne nie pas le départ de certains juifs sud-africains vers Israël, le Centre Simon Wiesenthal s’est emparé de cette affaire et a accusé dans un communiqué la parlementaire de véhiculer une idéologie malsaine. « Nous dénonçons la déclaration d’une élue sud-africaine qui a demandé qu’une école communautaire juive du Cap, soit radiée après qu’il soit apparu que 22% des élèves de l’école se rendaient en Israël à la fin de leurs cursus afin de rejoindre Tsahal » a écrit cette organisation non-gouvernementale qui bénéficie d’un statut consultatif à l’ONU et à l’UNESCO.  Des chiffres confirmés par le directeur de l’éducation du lycée Herzlia, Geoff Cohen, et le directeur général de l’école, Andries van Renseen. « Le Cape SAJBD est profondément préoccupé par la dernière attaque publique de l’EFF contre les membres du conseil d’Herzlia, qui a même affiché des photos et des noms des élèves sur les réseaux sociaux » s’est inquiété Daniel Bloch, directeur général du Cape South African Jewish Board of Deputies.

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Jusqu’ici cantonnée à l’extrême-droite afrikaner, l’Afrique du Sud subit depuis des années une montée de l’antisémitisme au sein des couches populaires noires et musulmanes, exacerbée par l’EFF et l’African National Congress (ANC), le parti de Nelson Mandela qui dirige l’Afrique du Sud. « Le Cap SAJBD ne restera pas les bras croisés et ne permettra pas à cette démagogie politique de se poursuivre. C’est une attaque honteuse contre la plus grande et la plus prestigieuse école juive du Cap-Occidental. Nous continuerons à soutenir Herzlia et ses dirigeants et nous combattrons les tentatives répréhensibles de l’ANC, de l’EFF et de toutes les autres organisations de radier l’école. Ce n’est que la dernière tentative infructueuse des lobbyistes anti-israéliens pour intimider la communauté juive du Cap » a ajouté Daniel Bloch qui dénonce à son tour l’antisémitisme ambiant qui règne dans le pays. « Le gouvernement sud-africain – et tous les partis d’opposition – devraient concentrer leur attention non pas sur les conflits étrangers [Pretoria soutient ouvertement la Russie contre l’Ukraine-ndlr) mais sur les problèmes qui affectent les Sud-Africains, en particulier ceux liés à notre jeunesse. Il s’agit notamment de nos taux élevés d’abandon scolaire, des latrines à fosse, du manque de nourriture, d’eau et d’électricité dans nos écoles publiques, contre un taux de chômage des jeunes inexplicablement élevé » a déclaré de son côté Rowan Polovin, président national de la Fédération sioniste d’Afrique du Sud (SAZF).

Les islamistes ont pris Johannesburg

L’Afrique du Sud a établi des relations diplomatiques avec la Palestine en 1995, un an après la fin du régime de ségrégation raciale. Depuis lors, Pretoria est restée très critique à l’égard « des mauvais traitements continus, infligés aux Palestiniens par Israël ». Y compris contre sa politique de colonisation sur des terres arabes en Cisjordanie occupée. En juillet 2022, le ministre sud-africain des Affaires étrangères, Naledi Pandor, a demandé « qu’Israël soit classé comme un État d’apartheid et que l’Assemblée générale des Nations Unies établisse un comité international afin de vérifier si l’État Hébreu satisfaisait aux règles démocratiques » comme le rapporte Al Jazeera. Le parlement sud-africain a d’ailleurs voté une motion qui rétrograde le statut de son ambassade en Israël et qui le transforme en simple bureau de liaison, accusant le gouvernement du Premier ministre Benjamin Netanyahou de perpétrer « des abus sans fin contre les Palestiniens ». Dans la foulée, l’organisation sud-africaine de rugby a annoncé qu’elle n’autorisait plus son équipe à jouer contre leurs alter égos israéliens du Tel Aviv Heat lors de rencontres sportives. Enfin, dernière crispation en date entre les Pretoria et Jérusalem, l’expulsion du délégué israélien lors du sommet de l’Union africaine (UA) à la demande conjointe de l’Afrique du Sud et de l’Algérie.

Des tensions loin d’être retombées. Il y a plusieurs semaines, le chef du parti islamique sud-africain Al Jama-ah, qui prône la charia, a appelé les services de la police sud-africaine (SAPS) à « arrêter les corps sionistes présents au Cap », affirmant que le SAJBD et la SAZF « prônent le racisme et l’apartheid israélien ». Un mouvement mineur mais loin d’être négligeable, puisque dans le cadre d’une alliance avec l’ANC, les islamistes ont pu récemment obtenir la tête de la prestigieuse mairie de Johannesburg. Face à la polémique, le gouvernement israélien a préféré s’abstenir de toutes déclarations officielles sur le sujet.

Un dernier au revoir à Philippe Mathot

Ensauvagement. Dans la France orange mécanique des cités et des clans, des jeunes n’ont ni empathie ni sentiment de culpabilité. Philippe Mathot, ancien fleuriste de 72 ans, en a tragiquement fait l’expérience dans le Nord. Il a été battu à mort devant chez lui dans la nuit du 5 au 6 juillet.


Philippe Mathot a été enterré ce 19 juillet à Vieux-Condé (59). Il est très probable que ce nom ne vous dise rien. Philippe Mathot pourtant, même s’il n’était pas connu, n’était pas quelqu’un d’ordinaire. Là où il vivait, tout le monde le connaissait car il était un pilier de sa communauté. De ceux qui, tout en discrétion, rendent la vie meilleure autour d’eux.

Mort pour avoir réclamé que les voyous devant son domicile fassent moins de bruit

Sa mort n’aura pas été à l’image de sa vie. Il a été tabassé à mort par trois jeunes, à qui il avait simplement demandé de faire un peu moins de bruit. Le contraste est brutal entre la personnalité de la victime, dont chacun loue la gentillesse et la serviabilité, et la barbarie dont ont fait preuve ses agresseurs. S’acharnant sur un homme à terre, le rouant de coups de pieds dont beaucoup portés à la tête. C’est également la cause infime de ce qui a amené ce déchainement de violence qui choque. Ces jeunes donnent la mort pour un mauvais regard ou une demande de silence avec une désinvolture effrayante.

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Cette barbarie n’a rien de nouveau. L’hyperviolence de certains jeunes devient même un sujet de société. La sauvagerie dont ces jeunes font preuve est même parfaitement renseignée et connue. Maurice Berger, psychiatre qui s’est occupé d’enfants hyperviolents et qui constate l’augmentation de ce type d’agressions, explique que ce type de personnalité agressive ne fonctionne que dans l’impulsivité. L’autre n’existe pas à leurs yeux. Il n’est qu’un objet sur lequel on décharge sa tension et s’il s’avère être contrariant, il faut l’éliminer. Le psychiatre parle du nombre important de personnes qui, suite à un tabassage en règle, gardent des séquelles à vie, physiques ou cérébrales et dont les agresseurs n’écopent que de peines légères voire de sursis, comme si la vie ou la qualité de vie restante à leur victime, n’avait au fond que peu de valeur. Pas seulement à leurs propres yeux mais aussi aux yeux de la société.

Civilité et décivilisation

Maurice Berger a tracé le profil de ce type d’agresseur à partir de son expérience professionnelle et clinique dans le Centre d’Éducation Fermé où il travaille. Il se trouve que dans son centre, la grande majorité des mineurs est originaire du Maghreb, mais le pédopsychiatre précise que ce qui est déterminant dans le rapport à la violence n’est pas l’origine mais la structuration familiale : les garçons les plus violents viennent des familles qui ont un fonctionnement clanique. Dans certaines cultures, l’organisation familiale privilégie la forme nucléaire (père-mère-enfants), dans d’autres la famille c’est un assemblage plus vaste, un clan. La deuxième forme d’organisation a du mal à s’intégrer dans une communauté nationale, car elle essaie de mettre en avant les intérêts claniques sans se préoccuper des règles sociales et des lois. Dans des pays où la règle n’est pas intériorisée et où la loi n’est respectée que s’il y a une personne extérieure pour l’imposer et contraindre les individus, à l’absence d’intégration des normes répond une présence policière importante. Et une violence d’État endémique est acceptée, puisque la loi doit être imposée de l’extérieur. C’est le fameux discours que l’on entend souvent de la part de maghrébins choqués par ce que la France laisse faire à certains jeunes et qui disent : « En Algérie (au Maroc), cela ne se passerait pas comme cela, la police les materait et il y aurait moins de problèmes. » C’est peut-être vrai, mais cela ne correspond pas à notre forme de civilité qui passe par l’intériorisation de la norme et le recours en la force en dernier recours.

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Autre point, la famille clanique se construit contre la liberté individuelle et l’autonomie du sujet. Elle se pense comme un tout dont chaque membre est une partie. Si un des membres s’éloigne ou se met à penser différemment, il faut le faire revenir dans le rang. Alors que le but normal d’une famille est de donner assez de force et de confiance à un enfant pour qu’il puisse choisir sa vie, être indépendant et penser par lui-même. En revanche, dans la famille clanique, l’identité c’est avant tout l’appartenance au groupe. Les codes du groupe priment donc sur la loi extérieure. Pour ces jeunes il n’y a pas de relation à l’autre, mais de groupe à groupe. Si l’un deux est en difficulté dans une interaction, il rameute le groupe et attaque. Ces jeunes n’ont pas d’inhibition car ils n’ont pas de pensée. Ils sont dans l’action et la réaction. Celui qui n’appartient pas au groupe est déshumanisé. Il n’y a pas de rapport au bien ou au mal, mais à ce qui est bon ou mauvais pour le groupe. De ce fait, la vraie utilité de la sanction et de la prison c’est d’abord de soustraire l’individu à la logique du groupe, de lui faire prendre conscience de son individualité ; la deuxième fonction, c’est qu’en empêchant l’action et la pulsion, elle permet à certains jeunes de se mettre à penser.

Une jeunesse qui a perdu la tête

En attendant, ce qui est arrivé à Philippe Mathot a déjà été décrit par le psychiatre comme le mode d’action de cette jeunesse hyperviolente :  « des coups qui pleuvent sur la tête de la victime alors que la victime est déjà impuissante et au sol. Les agresseurs appellent cela ramollir une personne. Ils n’éprouvent ni empathie ni culpabilité, si bien que pour eux, frapper – voire tuer- ce n’est pas grave. » Ils sont restés à un stade embryonnaire de leur développement où seul le pulsionnel, le cerveau reptilien, les guide et celui-ci ne connait qu’une seule réponse à toutes les situations de frustration : la violence et l’élimination de la source de contrariété.

Si la presse a très peu repris l’histoire de la mort de Philippe Mathot, les réseaux, eux, ont fortement réagi. Beaucoup de personnes se sont indignées de ce que la mort d’un jeune défavorablement connu des services de police a suscité un hommage de l’Assemblée nationale et une prise de parole du président de la République, alors que le décès de ce vieil homme de 72 ans frappé par des jeunes ne suscite aucun hommage national.

Deux poids deux mesures

Cette émotion vient du contraste entre la bonne personne qu’il était et une mort aussi inattendue qu’imprévisible. Le jeune automobiliste, lui, était engagé dans un parcours de délinquance. Il ne méritait sans doute pas de mourir ainsi, mais il avait pris un chemin de vie dangereux qui l’exposait à cette éventualité entre conduite à grande vitesse de grosse cylindrée, culture de la rébellion face à la police et incursion dans le commerce de drogue. Les émeutes qui ont suivi cette mort ont été très mal vécues par beaucoup de Français et ceux-ci n’ont pas compris que les politiques leur imposent une émotion collective qu’ils ne ressentaient pas. Là, ils ressentent une grande proximité avec cette mort car pour eux c’est aujourd’hui le principal danger qui les guette ou qui parait guetter leurs enfants ou leurs parents au quotidien : faire une remarque anecdotique à certains jeunes et risquer le coup de couteau ou le tabassage à mort. Le risque de se faire tirer dessus par un policier n’est pas dans leur horizon, celui de se faire massacrer pour un regard mal placé, si. Et cela concerne tout le monde. Les habitants des quartiers ont également peur de ce genre de dérapage. Il n’en reste pas moins que, pendant que la plupart des Français s’identifiaient à Philippe Mathot, beaucoup de jeunes des quartiers, eux, se sont identifiés au jeune qui avait refusé d’obtempérer.

Autre point qui choque, la mobilisation communautariste et les émeutes suite à la mort du jeune homme de 17 ans ont été aussi des démonstrations de force. Même la représentation nationale et le président ont essayé de donner des gages aux émeutiers, quitte à piétiner toute décence. Mais, qui se lèvera et fera une minute de silence pour Philippe Mathot ? Ce deux poids deux mesures explique le sentiment d’abandon de trop de Français. Les émeutes leur ont montré qu’il y avait bien une ligne de fracture, une offensive séparatiste. Mais s’ils voient bien le Nous tribal, ethnique et religieux, le Nous de la Nation, en revanche, parait délétère, inexistant, désincarné. Finalement, avec les émeutes ils ont vu s’exprimer la logique de vengeance. Avec le décès de Philippe Mathot, ils se demandent si justice pourra être rendue.

Pays-Bas: la future Première ministre est une ex-réfugiée échouée sur une plage grecque!

La prochaine Première ministre néerlandaise pourrait être une ex-réfugiée turque échouée sur une plage grecque ! Un sacré atout pour plaire à la gauche, dirait-on. Il n’en est rien. Portrait de Dilan Yesilgöz.


Si en novembre son parti libéral remporte les élections, la limitation de l’immigration extra-européenne sera prioritaire pour Dilan Yesilgöz, née en 1977 à Ankara dans une famille turco-kurde. Très à gauche dans sa jeunesse, elle passa à droite avec l’âge. Cela arrive aux meilleurs. Et, à droite, elle l’est bien plus que l’homme qu’elle compte remplacer à la tête du Parti pour la Liberté et la Démocratie (VVD), le Premier ministre démissionnaire Mark Rutte. Lequel avait été aux manettes du parti et de quatre gouvernements de coalition depuis 13 ans quand, à la stupéfaction générale, le 10 juillet, il annonça son retrait de la politique après une période de flottement. La coalition qu’il dirigeait avait explosée peu avant sur la question de l’immigration, dont les excès justifieraient, selon le magazine libéral EW, la proclamation de l’état d’urgence.

Au sein du VVD, Mme Yesilgõz est pour l’heure la seule candidate à la succession de Mark Rutte. Si d’autres sont suffisamment naïfs ou audacieux pour la défier, les membres seront appelés à trancher avant la mi-août. 

Flirts de jeunesse avec la gauche

Mme Yesilgõz était arrivée aux Pays-Bas en 1984 comme réfugiée avec sa mère et sa petite sœur. Son père, syndicaliste de gauche et militant kurde, les y attendait. Trois ans plus tôt, il avait obtenu l’asile politique après sa fuite de Turquie où les autorités auraient voulu l’arrêter. 

Si son épouse et ses filles passèrent la première partie de leur fuite sur le bateau de pêche branlant d’un passeur turc, qui les déposa sur l’île grecque de Kos, la suite fut bien plus confortable. Et gratuite, grâce aux bons soins de l’État néerlandais qui avait payé les billets d’avion de la compagnie KLM. Sur le bateau, les trois femmes n’avaient qu’un seul sac avec elles, il est vrai, un authentique Louis Vuitton, que plus tard Dilan Yesilgöz montrera volontiers pour illustrer leur périple. Lycéenne et étudiante dans sa nouvelle patrie, Dilan Yesilgöz se frotta à pas moins de trois partis de gauche, avec le sentiment désagréable d’être l’étrangère “de service”, confinée dans un rôle victimaire. Les bonnes âmes la supposèrent musulmane, alors que la religion “ne [lui] dit absolument rien”, devait-elle confesser plus tard. Libérale, laïque, elle est mariée à un homme néerlandais juif portant parfois la kippa, ce qui dans certains quartiers des grandes villes hollandaises comporte désormais des risques…

Après ses flirts avec la gauche, Dilan Yesilgöz adhére au VVD et siège entre 2014 et 2017 au conseil municipal de la capitale, où la gauche fait la loi. Elle s’y fait une réputation de combattante contre la criminalité et les incivilités dont les jeunes filles font les frais. Tout le monde sait que ce sont surtout des garçons issus de la diversité, en particulier marocaine, qui s’en rendent coupables. Vérité pas bonne à dire dans le climat woke de la capitale, sauf pour Dilan Yesilgöz et d’autres voix isolées. “Talons aiguilles et forte en gueule” la qualifiait alors le journal amstellodamois Het Parool.

Make The Netherlands great again !

Ses talents de tribun, et l’admiration qu’elle suscite alors parmi d’autres filles d’immigrés, lui valent un siège au parlement à La Haye. Après sa nomination comme ministre de la Justice, début 2022, elle a maille à partir avec d’autres députés appelés jadis “allochtones”. Mot tombé en désuétude car jugé stigmatisant. Ainsi, elle sort de ses gonds quand une députée accuse la police de racisme pour avoir empêché une manifestation contre Zwarte Piet, le valet noir de Saint-Nicolas honni par des activistes pour ses supposés liens avec l’esclavage. Un autre député refuse de l’appeler par son patronyme turc, utilisant toujours celui, juif, de son mari. À bon entendeur… Ce député, d’origine turque lui aussi, avait fait remarquer, après l’assassinat de Samuel Paty, que des dessins d’Allah ne tombent pas sous le coup de la liberté d’expression. 

Geert Wilders, dirigeant principal de la droite de la droite, ne sortit pas non plus grandi d’un duel avec elle. Il feignait de croire qu’une ministre d’origine turque mettrait fin à sa protection suite à la fatwa prononcée contre lui en 2004. 

En tant que Premier ministre, Mark Rutte ne tenait des paroles fermes sur l’immigration qu’en période électorale. Du genre: “Nous allons rendre ce merveilleux pays aux Néerlandais!” En réalité, la droite de conviction le voit comme quelqu’un qui ne cesse de s’excuser de ne pas être de gauche. Il incombera à Dilan Yesilgöz de rompre avec la tradition de bricolage de coalitions gouvernementales lambda, dont les mesurettes contre l’immigration exaspèrent le peuple et amusent les passeurs. Encore faut-il gagner les élections législatives anticipées de novembre, ce qui est loin d’être acquis. Déjà, ça fleure bon la campagne électorale où la gauche, qui ne lui a pas pardonné sa trahison, traite Mme Yesilgöz d’hypocrite opportuniste, quand ce n’est l’inverse. Car, bien sûr, n’avait-elle pas bénéficié elle-même du regroupement familial dont, quarante ans plus tard, elle compte priver d’autres ? Un “raisonnement minable” juge l’écrivaine turco-néerlandaise Lale Gül, menacée depuis qu’elle a abjuré l’islam et jeté son voile. Dans sa chronique à Het Parool, elle rappelle le “soutien quotidien” que lui témoigna « Dilan » dans ses heures sombres. Et fustige “les racistes de gauche qui pensent pouvoir dicter leur idéologie politique à une fille d’immigrés”.

L’indemnisation de l’échec, une idée 100% woke

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New York. DR.

L’insoutenable suspense entretenu ces derniers jours par Macron (« Quel héritier vais-je choisir comme ministre de l’Éducation pour se substituer à l’autre incapable — tiens, je vais prendre un pur produit de l’Ecole alsacienne, au moins, s’il est nul, il a les codes et il sort du sérail… ») a empêché la grande presse de se faire l’écho d’une splendide décision de la justice américaine : l’indemnisation (pour 1,8 milliards de dollars) des candidats recalés à l’examen d’enseignant de la Grosse Pomme, car les épreuves étaient « culturellement biaisées ». Notre chroniqueur s’en est amusé.


Dans Le Figaro Étudiant du 19 juillet, Jeanne Paturaud relate la décision récente de la justice américaine, si souvent citée en exemple de ce côté de l’Atlantique. Constatant que la moitié des candidats noirs ou hispaniques avaient échoué à l’examen qui donne à New York le droit d’enseigner, le tribunal a jugé que les épreuves étaient « culturellement biaisées ». Trop « blanches ». Pensez, on demandait par exemple « d’expliquer la signification d’un tableau de l’artiste pop Andy Warhol. Selon les plaignants, plus de 90% des candidats blancs ont réussi le test à choix multiples et l’essai, contre 53% pour les candidats noirs et 50% pour les hispaniques. » L’idée que lesdits candidats noirs ou hispaniques aient été nuls n’a pas effleuré le pays de l’égalité — au moment même où la Cour suprême, à majorité républicaine, supprimait une fois pour toutes la « discrimination positive » qui a permis au fil des ans à tant de représentants des minorités de prendre la place de postulants meilleurs qu’eux.

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Et de décider d’indemniser ces recalés, sur la base de ce qu’ils auraient pu gagner s’ils avaient été admis. Vous souriez ? C’est typique, c’est la raison pour laquelle, dans l’échelle de notation américaine, les enseignants ne mettent plus E ni F, car les parents des progénitures injustement stigmatisées attaquaient en justice et gagnaient des sommes considérables, calculées sur ce que la baisse de self esteem faisait potentiellement perdre au malheureux bambin étiqueté cancre.

Sommes records

Ici, on ne plaisante pas avec les zéros posés avant la virgule. « Si les sommes varient parmi les 5200 personnes concernées, certains ont déjà reçu plus d’un million de dollars. » Des indemnisations versées aux plaignants jusqu’en 2028. Sans compter que la facture réellement payée par les New-yorkais sera bien plus élevée, car elle devra comporter (et non, je n’invente rien, lisez donc le New York Post) des sommes versées au titre de la retraite d’une fonction que les plaignants n’ont jamais exercée. Elle est pas belle, la vie ?

Le test incriminé concerne l’évaluation en « Liberal Arts and Sciences », qui balaie aussi bien des connaissances en maths, en histoire, en communication et recherche, en analyse et expression écrite ou encore en expression artistique. Il a été modifié en 2013 pour tenir compte des différences de cultures d’origines — et vous savez quoi ? « Les candidats d’origine afro-américaine ou hispanique sont toujours moins nombreux à réussir le test, comparé aux candidats blancs ». Fatalitas !

Indemnisons les Kevin et Mathéo !

C’est une idée grandiose qu’il faut impérativement importer chez nous. Les candidats de Seine Saint-Denis ou des Quartiers Nord de Marseille, qui parlent une langue multicolore, devraient réfléchir à la grave injustice qui leur est infligée en les obligeant à écrire et à parler une langue « blanche » et parisienne dans les épreuves des concours. Et à professer des certitudes de même couleur : la terre est ronde, hommes et femmes sont égaux, l’école en France est laïque et les vêtements à connotation confessionnelle n’y sont pas admis — et autres fariboles peu pratiquées dans les quartiers susdits.

A lire aussi, François Pupponi: “Des entrepreneurs identitaires veulent verrouiller les quartiers”

Il est vrai que la France n’autorisant pas de repérage confessionnel ou ethnique, savoir qui est discriminé effectivement sera compliqué. Mais on n’aura qu’à demander à Darmanin, qui nous affirme que les émeutiers des dernières semaines se prénomment massivement Kevin et Mathéo », bien qu’ils aient paru « issus de l’immigration ». « L’explication seulement identitaire serait très erronée ». Indemnisons tous les Kevin qui voulaient se faire instits !

Heureusement que Kevin ne tient pas, en général, à entrer dans l’enseignement. Il a découvert dans son quartier bien d’autres moyens de gagner davantage que les 2000€ qu’on lui fait miroiter.

Heureusement qu’un peu de raison surnage outre-Atlantique. « The standards are the standards », dit un principal de collège. « It shouldn’t be based on what would be easy for blacks or whites. To hire people who are not qualified and change the requirements because a certain group didn‘t pass the test is bullshit » (« Embaucher des personnes qui ne sont pas qualifiées et modifier les exigences parce qu’un certain groupe n’a pas réussi le test, c’est de la foutaise »). Ben oui. Et les élèves que ces enseignants de second choix formeront n’arriveront pas bien haut. Mais il leur suffira, plus tard, de porter plainte…


Source : https://etudiant.lefigaro.fr/article/plus-d-un-milliard-de-dollars-attribue-aux-etudiants-noirs-et-hispaniques-qui-ont-rate-le-concours-enseignant-de-new-york_609b5624-2542-11ee-b73e-f8f9fcecead6/

Émeutes : « Des entrepreneurs identitaires veulent verrouiller les quartiers »

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François Pupponi © Hannah Assouline

François Pupponi estime que les récentes émeutes ne sont pas sans rapport avec l’Islam politique. Selon l’ancien député-maire de Sarcelles, ces jeunes casseurs et pilleurs sont la chair à canon des entrepreneurs identitaires. Et le montant considérable des dégâts reflète le manque de fermeté du pouvoir.


Entretien avec François Pupponi. Propos recueillis par Céline Pina.

Causeur. Ces émeutes ont-elles ressemblé à celles de 2005 ?

François Pupponi. Dans le processus, oui. Un événement dramatique local provoque une étincelle, les quartiers s’embrasent et la prédation en bande se déploie. Il y a cependant des différences notables. Les exactions ne sont pas restées cantonnées aux quartiers. En 2023, les émeutes sont à la fois plus violentes et mieux organisées. Mais là où les émeutiers de 2005 paraissaient attendre quelque chose de l’État, les émeutiers de 2023 ont comme seul discours le rejet et la haine de la France et ne connaissent que la force dans le rapport à l’autorité et à autrui en général.

D’où vient cette mentalité ?

Depuis des années, les discours victimaires, relayés par l’extrême gauche, le mouvement racialiste et les islamistes agissent sur les cerveaux. Dans ces quartiers, les seuls adultes qui parlent aux jeunes générations sont les entrepreneurs identitaires qui voient en elles la chair à canon de leur rêve de pouvoir, voire une réserve de petits soldats prêts à semer le chaos. Pour manipuler quelqu’un, il suffit de cultiver son ressentiment.

Peut-on reprendre le contrôle ?

Dans un premier temps, il aurait fallu être très dur. Frapper vite et fort. On ne peut accepter que des hordes sauvages déferlent ainsi dans les villes pour piller, casser, brûler. Des interpellations massives permettraient d’ôter du paysage les plus enragés et les plus influents des émeutiers. Mais le pouvoir actuel est faible et le sait. Or, dans un deuxième temps, c’est la question de la présence humaine dans ces quartiers qui va se poser, car le repli territorial favorise la contre-culture et les logiques séparatistes.

Justement, on dirait que les interactions avec l’« extérieur » sont de plus en plus rares.

Oui, pour deux raisons : d’une part les entrepreneurs identitaires veulent verrouiller ces quartiers, d’autre part les politiques ne savent plus comment parler à ces habitants. Les élections municipales de 2020 se sont traduites par un basculement générationnel. Les nouveaux élus sont rarement des hommes et des femmes de terrain. Pour eux, la politique se résume à une logique de guichet et à la gestion administrative de dossiers. De plus, ceux qui tenaient traditionnellement les associations ont changé. Le vieil instituteur, le prof retraité qui assuraient l’aide au devoir ont été remplacés par des associations islamisées. Le développement des mosquées disposant de locaux a favorisé le contrôle de l’activité associative par les religieux.

La jeunesse des émeutiers vous a-t-elle surpris ?

Non. Ce sont les plus jeunes qui sont la cible de l’islam politique, fréquentent les mosquées, et sont travaillés par les associations proches des Frères musulmans. Leur violence pulsionnelle est dirigée contre la République et des institutions qu’ils voient comme des rivaux pour le contrôle des territoires. Leur discours est basique, mais clair : « On veut prendre votre place et les règles c’est nous qui allons les faire. On est ici chez nous, on est les patrons, vous, vous baissez la tête. » Les refus d’obtempérer sont un produit de cette mentalité. Ils ne voient même plus ce que la République fait pour eux. Mais la plupart des habitants des quartiers pensent que l’école gratuite, le logement social, les aides, la sécurité sociale… sont un dû. En fait, les seuls qu’ils identifient comme représentant la France sont les policiers. Ce sont les seuls et les derniers à résister aux caïds. Il faut donc leur taper dessus physiquement et politiquement, car pour être les maîtres du territoire, il faut d’abord désarmer et déstabiliser la police.

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La foudre de la violence gratuite peut tomber sur n’importe qui

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Laurent Obertone © Hannah Assouline

Depuis des années, l’auteur de Guérilla décrit au fil de ses romans une France scindée en communautés et en proie à l’hyperviolence. La fiction est devenue réalité. Les émeutes du mois de juin ont une fois de plus prouvé l’impuissance de l’État à maintenir l’ordre. Pourtant, des solutions existent. Elles se nomment justice et fermeté.


Causeur. La réalité commence à ressembler furieusement à vos livres, ce qui vous donne le droit de jouer les oracles. Avons-nous assisté aux prémices d’une guerre civile ? Bref, pouvons-nous, pour de vrai, être plongés dans Guérilla (qui était hier encore qualifié de fantasmes d’extrême droite) ?

Laurent Obertone. Sans même parler des émeutes, nous vivons depuis des années un climat de guérilla latent. Les chiffres de l’insécurité, en particulier des violences aux personnes, sont indignes d’un pays développé. En augmentation constante depuis Hollande, ils ont battu sous Macron et Darmanin tous les records. Comme les chiffres de l’immigration d’ailleurs. Il a fallu un embrasement généralisé pour que le Français prenne la mesure des limites de l’État, soudain en pleine lumière, face à un ennemi innombrable, disséminé sur tout le territoire, dans des centaines de quartiers. Si cet ennemi se mobilise partout en même temps, les forces de l’ordre n’auront pas les moyens numériques, matériels – et surtout pas les directives – pour faire face. Ce qui sauve l’État est pour l’instant l’absence d’organisation politique des émeutiers, la passivité du citoyen moyen, qui se contente de regarder sa France brûler de loin, mais aussi le naufrage de l’opposition de gauche, qui a vendu ce qui lui restait d’âme en rêvant de noyauter de tels mouvements, en leur prêtant des intentions qui n’existent pas.

Il semble cependant que, dans la sécession à laquelle nous assistons, la composante islamiste soit moins présente que dans Guérilla. Mais peut-être avez-vous des informations à ce sujet…

Oui, il semble que les autorités religieuses soient un peu dépassées par l’embrasement. Mais la frontière pratique entre ces violences et le terrorisme est mince : il s’agit toujours de faire en sorte de soumettre l’autochtone, rendre ses promenades dangereuses, pister et attaquer les flics isolés… C’est une forme de terrorisme, sans les gros moyens, mais au moins aussi efficace. La foudre de la violence gratuite peut vous tomber dessus à tout moment… Et pénalement c’est moins risqué pour les auteurs, du fait de la « compréhension » judiciaire. Pour résumer, vous vous ferez poignarder ou lyncher pour rien, personne n’en parlera, c’est la faute à la société, il faut plus de moyens et de city-stades. Même pas besoin de compassion ministérielle et de petites bougies.

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Vous l’avez observé, il n’y avait pas, au-delà des violences, de projet politique pour renverser le gouvernement et prendre le pouvoir sinon, peut-être chez les Insoumis qui rêvent la nuit…

En effet. En difficulté dans l’opinion, ils rêvent de ce Grand Soir, sans comprendre qu’ils n’en feront pas partie. À mon sens, ils se sont sabordés avec une grande efficacité durant cette crise. La gestion du gouvernement était désastreuse, Mélenchon a montré qu’on pouvait faire encore pire, ce qui est un fameux exploit. Il semble que beaucoup d’endormis se soient réveillés ces derniers jours. Un éclat de réel vient de faire très mal à tous les forcenés du mensonge.

Peut-être. On verra si on s’empresse de refermer les yeux qu’on avait entrouverts… Mais revenons aux saccages. On nous dit qu’énormément d’armes circulent dans les banlieues. Heureusement, elles ne sont pas sorties. Les dealers ont-ils contribué à « circonscrire » les violences ?

Les dealers jouent un double jeu : certes, ces séquences ne sont pas profitables à leur économie dans l’immédiat, mais elles permettent d’une part de se venger des opérations des stups, et de l’autre, de mettre une grosse pression sur les élus qui leur résistent, sans parler des policiers. On sait qu’ils hésiteront encore plus à sortir leurs armes, à réaliser des descentes, à taper des réseaux. Et sans doute leur demandera-t-on de différer ou annuler leurs opérations prévues ces prochaines semaines. Donc les trafiquants bénéficieront de la crise. Évidemment, sortir les armes lourdes serait une mauvaise idée. Si les choses dérapent de manière trop évidente, ça implique un coup de projecteur sur le quartier, des perquisitions poussées, qui peuvent coûter cher.

Pour les semaines à venir, quels sont les scénarios possibles ? Allons-nous désormais vivre des périodes d’accalmie, entrecoupées d’éruptions régulières de violence ?

Oui, c’est ce qui va se passer, un retour à l’insécurité quotidienne, une guérilla larvée, des embrasements sporadiques. Le gouvernement condamné à sa com’, priant les flics d’en faire un peu moins, croisant les doigts pour que la publicité des confrontations ordinaires soit la moins mauvaise possible. Il compte pour ce faire sur l’extraordinaire capacité d’oubli du citoyen, digne du poisson rouge, face au feu roulant – et au roulement continu – de l’actualité.

Vous avez une dent contre le citoyen lambda !

Je l’avoue ! Je le vois depuis tant d’années partager mes constats, râler dans son coin, et puis s’écraser à la machine à café, par peur d’être accusé de « faire le jeu de… ». Ce renoncement à exister, à braver les excommunications d’Aymeric Caron n’est pas étranger à la gravité de notre situation. La résistible dégradation du pays doit beaucoup à cette passivité. Et je me mets dans le lot : j’aurais sans doute pu moi-même en faire beaucoup plus.

Cette fois, le détonateur a été la mort de Nahel, tué par un policier à 17 ans. Mais les émeutiers ne voulaient pas la justice, puisque la justice est passée. Que veulent-ils et que veulent-ils nous dire ?

Ils veulent exister, et pour eux ça passe par la reconnaissance de leur groupe, donc la violence aveugle envers l’extérieur, la soumission du reste du pays. Ainsi l’on acquiert le « respect ». Il y a aussi une bonne dose d’opportunisme et de mimétisme. Rien à voir avec la mort de Nahel. Même si ces violences paieront, d’une certaine manière, en ce qu’elles se traduiront par une forte pression sur les médias et magistrats, donc une forme de privilège judiciaire. Chaque mort ayant donné lieu à des émeutes a toujours fait l’objet de quantité d’enquêtes, d’expertises et de contre-enquêtes, comme l’affaire Adama, par exemple. Ce qui n’est pas le cas pour les morts non médiatisées.

Émeutes à Clichy-sous-Bois, 28 octobre 2005 (c) Sipa

On passe du côte-à-côte au face-à-face. Il y a donc un « eux » et un « nous ». Qui est « eux » et qui est « nous » ? Beaucoup d’habitants des quartiers disent, comme pour Charlie, la violence ce n’est pas bien, mais ils sont maltraités, etc.

« Eux », c’est une infinité de bandes, qui parfois s’affrontent, et les jours d’émeutes pillent ensemble. Jeunes, très majoritairement issus de l’immigration maghrébine et subsaharienne, avec quelques natifs qui se sont assimilés à cette majorité locale. Beaucoup d’habitants de ces quartiers sont passifs, certains déplorent les violences. Mais beaucoup d’autres disent les comprendre, et pensent qu’elles sont la seule solution pour obtenir plus. Il faut dire que ces quartiers sont habitués à être complaints, excusés, copieusement arrosés. Ça crée des attentes. « Nous », c’est la majorité périphérique, silencieuse, qui subit l’idéologie immigrationniste, les exactions, le racket fiscal, le chantage à l’extrême droite, les interdits, la violence gratuite. Celle qui demande plus d’État, d’autorité, qui espère qu’on réglera tout à sa place, pourvu que la vie continue, et qu’elle n’ait pas à se salir les mains. Elle préfère croire en une solution miraculeuse, surtout pas affronter cette si dérangeante réalité.

Que signifierait l’affronter ? Que voulez-vous que les gens fassent, qu’ils prennent les armes ?

Plutôt qu’ils reprennent leur souveraineté intellectuelle, qu’ils se libèrent enfin du politiquement correct, et se fassent obéir de l’État. Il existe quantité de moyens pacifistes de le faire, en dehors du champ politique habituel. J’en liste une partie dans mon livre Game Over.

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Quel est le profil des petits anges qui pillent et vandalisent ? Sont-ils arrivés récemment ? Savez-vous s’il y a beaucoup de clandestins ? Beaucoup travaillaient comme livreurs ou plongeurs…

Des étrangers et irréguliers se sont illustrés dans les pillages, mais majoritairement les interpellés sont français, comme Mohammed Merah, comme les frères Kouachi, comme vous et moi, ai-je envie de dire. Donc « aucun rapport avec l’immigration », nous dirait François Hollande. Ils sont nés en France, parfois de parents eux-mêmes nés en France, mais parlent très mal le français, vivent entre eux, n’ont absolument aucun rapport avec ce pays. Comme disait Driss Ghali, ils nous signifient chaque jour à quel point ils n’en sont pas. Et nous refusons tout aussi méthodiquement de l’entendre.

Que vous inspire l’analyse d’Emmanuel Todd qui prétend que le système tient grâce à l’alliance objective entre le gouvernement macroniste et la police lepéniste…

Le système tient grâce à la police, c’est un fait, mais ce n’est pas une alliance. Les policiers aiment leur pays, signent pour le défendre, faire respecter l’ordre. L’État – qui se substitue au pays – utilise sa police pour se protéger de ses incuries, lever un impôt de moins en moins consenti, imposer sa gouvernance de plus en plus discutable. Je pense que le peuple est lui aussi largement lepéniste, du moins dans sa vision des choses. L’État, qui se méfie beaucoup de lui, lui doit aussi sa survie. Tant que Monsieur Moyen, celui que Macron appelle « Jojo », paie tranquillement ses impôts en se contentant de râler, tout va bien.

Comment qualifiez-vous le drame d’Annecy ?

Ça rejoint cette forme de terrorisme quotidien dont je parlais : ce n’est pas politique, l’acte banal d’un « déséquilibré » isolé mais justement, ce sont de tels actes imprévisibles qui distillent dans tout le pays une forme de terreur, prenant le pas sur notre quiétude, notre art de vivre. Nos gouvernants, depuis plusieurs décennies, en sont lourdement responsables. Idem les gouvernés qui n’ont jamais su se faire entendre sur le sujet, avec suffisamment de force. Espérons que la dure leçon de cette crise ne soit pas perdue. Jojo, si tu nous regardes…

Certains macronistes accusent les jeux vidéo violents et les réseaux sociaux violents TikTok et Snapchat d’avoir une mauvaise influence sur la jeunesse. Partagez-vous cet avis ?

Non. On joue autant aux jeux vidéo dans la France périphérique que dans les banlieues, et les taux de violences sont incomparables. Les réseaux sociaux peuvent être utilisés pour organiser des actions ou se livrer à des concours d’exactions via le partage d’images, mais ce sont avant tout des outils. On ne va pas interdire les tronçonneuses parce qu’on a vu un émeutier en porter une, ça n’a pas de sens. Hélas, le Français est friand des interdits. Il ne voit pas que leur multiplication ne concerne que lui, et dissimule la faillite judiciaire, la non-application de la loi, qui réprime en théorie fermement les délits ou provocations aux délits. En pratique, ce n’est jamais le cas. Jamais les incendiaires, par exemple, ne sont condamnés à la moitié de ce que prévoit le Code pénal. Mettre partout des caméras ou voter des lois par centaines ne sert à rien si nos tribunaux restent une braderie pénale. Toutes les autres explications de ces violences cherchent à masquer cette lâcheté, cette faillite conjuguée de la justice et de l’immigration. Nos prisons débordent aujourd’hui malgré la justice, par une explosion sans précédent de l’ultraviolence.

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Avant la réponse pénale, il y a le maintien de l’ordre… On a l’impression que la peur de la violence inhibe tout recours à la force. Et de fait, un autre jeune tué provoquerait sans doute un embrasement. Mais dans ces conditions, peut-on encore maintenir l’ordre sans sortir des clous démocratiques ?

Justement, non ! Soit on se contente de communiquer et d’arroser d’argent public, en perdant chaque jour un peu plus de terrain, ce qui se passe, soit on agit, mais les actes que ça implique mettront notre pays au ban de l’ONU, de l’UE, de la communauté internationale, etc. Macron en serait totalement incapable. Donc priorité aux cabinets de conseil, aux projets de loi, aux grands plans quinquennaux. À la « réflexion pour comprendre les causes profondes ». Et tout va continuer.

Quand bien même on changerait radicalement de politique migratoire, une majorité de ceux qui clament leur haine de la France sont français. Peut-on encore empêcher la libanisation que redoute Alain Finkielkraut ?

On le peut. Les principaux vecteurs de libanisation sont selon moi l’immigration de quantité, le socialisme qui la conditionne et le laxisme judiciaire. On peut arrêter l’immigration, l’appel des aides, réprimer et expulser les délinquants étrangers. On peut aussi déchoir de leur nationalité ceux qui démontrent chaque jour leur refus de notre civilisation, ou encore les éloigner par quantité de mesures, y compris incitatives. Simple question de volonté politique. Bien sûr, on nous martèle chaque jour que « ça n’est pas possible » – après des années de « ça n’existe pas » –, précisément pour nous résigner à subir une telle situation.

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Quand Louis Boyard accuse Yaël Braun-Pivet d’être un «agent de l’Élysée»

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© Chang Martin / Sipa

Enfin, l’été est là ! Mais l’Hémicycle bouillonne toujours autant. Retour sur un mois de juin pas si tranquille !


Réalité pénitentiaire

Parmi l’arsenal mis à la disposition des députés pour contrôler le gouvernement, il existe les « questions orales sans débat ». Ce mardi matin, j’avais choisi d’interroger le garde des Sceaux, Éric Dupond-Moretti, au sujet de la prison de Béziers. En effet, notre centre pénitentiaire est confronté à un fléau bien réel : les projections. De quoi s’agit-il ? Chaque jour ou presque, une échelle est collée sur le mur d’enceinte de la prison. Dès qu’on en retire une, une autre réapparaît le lendemain. Des lanceurs de colis y grimpent et parviennent ainsi à escalader le mur qui entoure la prison. Ils lancent ensuite leurs colis à l’intérieur de l’enceinte. Et malheureusement, le temps que les surveillants arrivent, les détenus parviennent à récupérer les paquets en moins de dix minutes avec une sorte de canne à pêche et – il faut bien le reconnaître – une certaine habileté ! Malheureusement pour moi, le ministre n’est pas là. Il est retenu au Sénat. On m’a donc envoyé à sa place une ministre chargée de me lire la note que les services de la chancellerie lui ont préparée… Mais comme elle ne connaît pas le sujet, elle bute sur les mots et, par deux fois, me parle de mur « anti-protection » au lieu de mur « anti-projection ». Elle me ferait presque de la peine si je n’étais aussi agacée. Parce que, vous l’avez compris, je n’ai pas eu de réponse. Encore une matinée de perdue…

Niche LIOT – retraites suite et fin ?

Les niches parlementaires ressemblent à un bal de Cendrillon : à minuit, tout s’arrête et le carrosse redevient citrouille… Ce jour-là, nous étions tous prêts à passer la journée à ferrailler encore une fois sur la réforme des retraites. Mais finalement, le fameux article 40 dégainé par la présidente de l’Assemblée, Yaël Braun-Pivet, a vite sifflé la fin de la partie. Et après les habituelles saillies – « la démocratie est en danger » et autre « dérive mafieuse de la Macronie » –, Cendrillon est rentrée chez elle toute penaude. La morale de l’histoire rappelle plutôt les Fables de La Fontaine : la grenouille LIOT qui voulait devenir plus grosse que le bœuf a fini par se dégonfler…

Harcèlement scolaire

Lors de la séance de questions d’actualité du 6 juin dernier, Élisabeth Borne explique qu’elle « va faire de la lutte contre le harcèlement la priorité absolue de la rentrée 2023 », et pour cela elle va « faire en sorte de pouvoir écarter d’une école un élève auteur de harcèlement ». Pour mémoire, le 1er décembre 2021, alors que nous discutions de ce même sujet, j’avais proposé un amendement prévoyant « la possibilité d’exclure l’élève harceleur de l’école afin d’accorder à l’élève harcelé un temps de répit. C’est [en effet] l’enfant harceleur qui devrait être mis hors d’état de poursuivre ses actes répréhensibles. » Réponse du rapporteur de l’époque : « C’est un très mauvais amendement ! » Il n’est jamais bon d’avoir raison avant l’heure…

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Jean-Baptiste Trogneux

À l’audience du tribunal qui devait juger les auteurs présumés de l’agression contre Jean-Baptiste Trogneux, Adrien F., l’un des suspects, se présente comme illettré et conteste avoir frappé le petit cousin de Brigitte Macron. Il explique par ailleurs avoir participé au rassemblement en tant que « journaliste indépendant » ! Comme quoi, on peut être journaliste et illettré… LOL

Retraites toujours

Le jour de la proposition de loi LIOT sur les retraites, le député LFI Louis Boyard crie à plusieurs reprises, alors que Yaël Braun-Pivet lui demande de se « taire » pour « écouter la Première ministre » : « Quand on aura le droit de voter, on se taira ! » Rappelé à l’ordre par la présidente de l’Assemblée, l’Insoumis poursuit : « Je n’ai pas de leçons à recevoir d’un agent de l’Élysée ! » Une insolence qui lui vaudra d’être privé d’un quart de son indemnité parlementaire. Pendant ce temps, la Nupes refuse de se lever et de saluer la présidente de l’Assemblée ou les ministres présents… On a les rebelles de pacotille qu’on peut…

Il est pas frais mon poisson ?

Alors que les députés débattent de l’aide médicale d’État (AME) dans l’Hémicycle, Mathilde Panot, présidente du groupe LFI, intervient. L’élu RN Jocelyn Dessigny l’a traitée de « poissonnière » !Ce n’est pas la première fois : en 2021 déjà, le député LREM Pierre Henriet avait, lui aussi, traité l’Insoumise de « poissonnière » : il avait alors été sanctionné par le bureau de l’Assemblée, perdant un quart de son indemnité parlementaire mensuelle. Mathilde Panot n’aime pas les poissonnières : elle qui prétend défendre les petites gens, elle trouve la comparaison injurieuse. Moi, si j’étais poissonnière, je serais vexée que l’on considère mon métier comme une insulte…

Femmes, je vous aime

Où l’on apprend le 14 juin, à l’occasion d’un texte sur l’égalité entre les femmes et les hommes dans la fonction publique, que le cabinet du chef de l’État est composé de 11 hommes et… deux femmes. Pendant ce temps, les écosexuels courent tout nus dans les jardins de Lyon.

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Ma vraie vie à l’Assemblée

Pour illustrer une discussion sur les déserts médicaux en France, une députée MoDem – dont je tairai le nom – s’exclame : « Vous vous rendez compte, ça fait dix ans que je n’ai pas vu de gynécologue ! » Les députés sont-ils obligés de raconter toute leur vie dans l’Hémicycle ?

Nahel

Catastrophe ! Le jeune Nahel, décrit par ses proches (ou ses moins proches d’ailleurs) comme un saint ou un ange, décède tragiquement, alors qu’il refuse d’obtempérer aux ordres de la police. Au moment où j’écris ces lignes, trois nuits d’émeutes s’en sont suivies aux cris de « Justice pour Nahel ! ». Ce dernier a bon dos puisqu’il justifie apparemment le pillage de magasins (Nike de préférence…) et la dévastation de bâtiments publics – pas moins de 500 dans la nuit de jeudi à vendredi 30 juin ! À l’Assemblée, la présidente Yaël Braun-Pivet décide d’une énième minute de silence, précisant quand même qu’une « enquête est en cours et que la justice devra se prononcer ». Heureusement, je suis retenue dans une réunion en dehors de l’Hémicycle et je n’ai pas à y participer : je croyais – naïvement à coup sûr – que nous attendrions les résultats de l’enquête avant de rendre hommage à l’adolescent décédé. Entre le droit et l’émotion, la Macronie a perdu la tête !

Nahel, figure identificatoire parfaite pour une jeunesse culturellement allogène?

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Nanterre, 29 juin 2023 © ISA HARSIN/SIPA

La doxa qui s’est finalement installée, comme cadre explicatif convenu des émeutes, est celle d’une poussée de violence de nature délinquante, dont les auteurs, essentiellement Français, seraient «des jeunes». Et si l’affaire était tout autre? Et, si, par exemple, pour ceux qui les commettent, leurs actes étaient légitimes, au sein de l’horizon dans lequel ils se situent, où le «devoir de vengeance» est une obligation centrale au sein du système de coordonnées culturelles en sécession par rapport à toute possibilité d’intégration?


Les émeutes de juin 2023 constituent un symptôme majeur des évolutions en cours dans la société française. Sur ce point, tout le monde est d’accord, sauf ceux qui gardent la tête dans le sable, même si, au delà, les interprétations sur ce qui s’est réellement passé divergent radicalement. Différentes approches sont possibles, politiques, à partir des opinions de chacun, idéologiques, sur la base de croyances et de conceptions du monde, communautaires, si on privilégie un groupe d’appartenance, sécuritaires ou économiques par exemple, si on part d’un point de vue technique. 

Désarroi à gauche

On notera aussi une approche marquée par le désarroi, l’incompréhension, perceptible notamment chez nombre d’électeurs de la gauche « non-Nupes », peu représentés dans le débat public mais finalement assez nombreux dans leur discrète errance politique. Cette incompréhension à chaud, dans le cœur de l’évènement, face à l’automatisme et à la radicalité des positions, est peut-être l’attitude la plus saine intellectuellement devant des événements finalement assez nouveaux, malgré les tentatives de comparaison avec ceux de 2005, qui survenaient dans un tout autre contexte. 

A lire ensuite, Céline Pina: Un dernier au revoir à Philippe Mathot

La doxa qui s’est finalement installée, comme cadre explicatif convenu, est celle d’une poussée de violence de nature délinquante, dont les auteurs, essentiellement Français, seraient « des jeunes ». Et si l’affaire était toute autre ? Et, si, par exemple, pour ceux qui les commettent, leurs actes étaient légitimes, au sein de l’horizon dans lequel ils se situent, où le « devoir de vengeance » est une obligation centrale ? Et si ces actes avaient un sens au sein du système de coordonnées culturelles qui constituent leur repère, qui s’avèrent du coup en sécession par rapport à toute possibilité d’intégration ? 

Des islamistes devant une voiture calcinée, 28 juin 2023, Nanterre © Lewis Joly/SIPA

Pour une approche anthropologique des émeutes

Pour avancer sur ce point, on tentera ici une approche d’anthropologie culturelle. L’anthropologie, on le sait, a pour objet à la fois l’universalité de l’espèce et à la fois la particularité des innombrables cultures qui se déploient dans son histoire. Déduire les comportements, et les évènements qui en découlent, de la culture à laquelle se rattachent ceux qui en sont les auteurs, est peut-être une clé précieuse pour analyser des faits comme par exemple les émeutes, la délinquance et la criminalité.

L’analyse culturelle (au sens de l’anthropologie) est un peu passée de mode, voire suspecte. Elle est recouverte par la croyance, teintée d’utopie universaliste, selon laquelle nos sociétés sont aujourd’hui faites d’individus, qui pensent ce qu’ils veulent et agissent en conséquence, sous-estimant ainsi le poids des normes culturelles. Qu’est-ce qu’une culture ? C’est un agrégat des trois grandes composantes : un système de croyances et de représentations du monde, un ensemble de mœurs (alimentaires, linguistiques, relationnelles, familiales, sexuelles, techniques), des normes sociales régulant la violence. La culture est aussi, ne l’oublions pas, ce qui sépare l’homme de l’animal.

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Croyances, mœurs, rapport à la violence. C’est dans ce triangle que nous nous situons tous et que nous nous déployons comme individu. La culture, c’est aussi une dynamique, certaines étant particulièrement conservatrices, d’autres particulièrement acharnées à changer en permanence leurs propres règles de vie.

L’immigration, problème démographique, problème culturel

La question d’autres cultures que la culture française (voir l’encadré en fin d’article) sur le territoire métropolitain (on n’évoque pas ici la situation spécifique des départements et territoires d’outre-mer) a commencé à se poser avec la politique de regroupement familial, permettant aux travailleurs étrangers de faire venir parfois des fratries entières. À ce noyau initial se sont agrégés par vagues successives, des immigrants maghrébins et africains, puis d’autres pays, comme ceux du Moyen Orient, l’Afghanistan, ou les pays balkaniques. A ces vagues successives s’est ajoutée l’arrivée massive de « mineurs isolés ». À l’immigration légale et souhaitée s’est donc superposée, avec l’ouverture des frontières intra-européennes, une immigration illégale, sans que cette illégalité constatée ne conduise à une véritable politique de retours à la frontière. Alors qu’elle ne l’était pas au départ, cette immigration a rapidement, au seuil des années 2000, constitué un double problème, démographique et culturel. Problème démographique, par le nombre impressionnant d’entrées sur le territoire, sans sortie correspondante, puis de naissances, avec des taux de natalité allogènes supérieurs à ceux des indigènes. Problème culturel, du fait qu’entrent des individus qui ne se défont pas, au passage des frontières, de leur culture d’origine. En fait, ce ne sont pas des individus ou des familles qui entrent en France, mais des personnes reliées entre elles par leur(s) culture(s) d’origine et qui, la plupart du temps cherchent à s’agréger géographiquement.

Les trois trajectoires possibles de l’allogène

Les allogènes, transformés en immigrants, peuvent suivre plusieurs trajectoires possibles. La première est le renoncement à leur culture d’origine et l’acculturation à celle des indigènes. La seconde est l’inclusion dans le territoire par le biais d’une communauté culturelle maintenue, avec des concessions plus ou moins importantes à la culture française (via les trois piliers de toute culture : croyances, mœurs, rapport à la violence). La troisième trajectoire est celle d’une présence sur le territoire avec un rejet de la culture française. Ce rejet peut prendre au moins deux formes, celui d’un retour, ou d’un maintien dans la culture d’origine, ou celui de l’acculturation à une culture mafieuse, liée au trafic de drogue ou d’êtres humains. Ce découpage théorique recouvre de multiples situations avec des passages d’une trajectoire à l’autre. On a vu des personnes acculturées revenir à la troisième trajectoire du fait par exemple de l’adhésion aux principes de l’islam radical. On notera également, c’est important pour la suite, que le positionnement culturel est assez indépendant de la nationalité au sens juridique (étranger, double nationalité ou Français).

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C’est à ce point du raisonnement que l’on rencontre la problématique des émeutes de juin 2023. Même si nous ne disposons d’aucune donnée chiffrée, il y a peu de doute sur le fait que l’essentiel des émeutiers sont « issus de l’immigration », qu’ils soient Français ou pas. Pas de doute sur leur âge, la majorité ont entre 16 et 25 ans. Pas de doute non plus sur les zones géographiques où ils habitent, des quartiers à forte densité de jeunes issus de l’immigration. Pas de doute non plus sur la nature des faits d’émeute : destruction de biens privés et publics, destruction de symboles de l’État, agression de policiers, pillages de commerce. La question est double : peut-on rattacher leur comportement à une culture donnée et peut-on les situer dans une des trois trajectoires décrites plus haut ?

Le recours à la justice vindicative comme marqueur culturel

Sur la première question, on ne niera pas l’existence d’une colère, qui trouve un point d’accroche fort avec le décès « d’un des nôtres », le jeune Nahel, figure identificatoire par excellence (petite délinquance bravache, sentiment d’impunité, absence du père, toute-puissance inopérante de la mère). Cette colère se nourrit par la représentation, encouragée par certains partis politiques de gauche, qu’ils sont « discriminés », et objet permanent d’un « racisme structurel » et que donc la responsabilité de leur destin et de leurs échecs est à reporter entièrement sur le pays qui les accueille. Leur comportement d’émeutier n’est donc pas principalement à leurs yeux un comportement délinquant (même s’il l’est au nom du droit pénal français), mais un comportement qui vise à rendre la justice. C’est là qu’une divergence culturelle majeure s’est installée, dans l’interprétation de ce que veut dire « rendre justice » La méthode pour faire justice (pour la mort de Nahel mais plus généralement pour le sort que le pays d’accueil leur infligerait) se décline, pour les émeutiers, sur le mode de la vengeance archaïque. « Nous sommes là pour venger Nahel » entend-on dans les groupes de jeunes.

Là où nous voyons des délinquants, eux se voient en justiciers. Là où nous faisons confiance à l’institution judiciaire, eux n’y voient qu’une farce hypocrite face à la vraie justice concrète que constitue la vengeance. Regardés à l’aune de l’anthropologie, les comportements d’émeute sont tous des gestes classiques de la justice vindicative traditionnelle et du code de l’honneur qui lui est associé. La vengeance est même, pour certains, un devoir auquel on ne saurait se soustraire. On se croirait dans une tragédie grecque, où les affrontements et la vendetta vindicative sont des prolégomènes à la guerre civile. Quand on ne peut pas tenir le responsable qu’il faut punir, on s’en prend à ses associés, à ses frères et à ses cousins, aux symboles et aux bâtiments auquel il se rattache. Tous les policiers sont complices de celui qui a tué leur frère. La vengeance peut donc s’exercer sur eux. L’État et tous ses représentants sont complices du sort qui leur est fait. L’association, l’amalgame et la globalisation sont les clés de la justice vindicative archaïque. Jusqu’au pillage, qui constitue toujours une compensation matérielle légitime du préjudice subi. Et puis, bénéfice secondaire, le policier incarnant la figure d’une autorité précisément absente, est un bon candidat pour être haï comme père de substitution.

D.R.

Une sécession avec la culture du pays d’accueil

Tous les émeutiers (combien sont-ils ? 100 000, 200 000 ?) qui ont causé tant de dégâts en juin 2023 n’ont pas forcément une conscience claire de mettre en œuvre ce processus archaïque de justice, même si la méthode leur paraît culturellement familière, mais il serait extrêmement réducteur, voir méprisant, de considérer chacun d’eux comme un simple délinquant ou un pur voyou, même s’il y a bien quelques actes d’opportunité. D’ailleurs les délinquants mafieux se sont sans doute tenus bien à l’écart d’un mouvement qui ruine leurs affaires, et, pour l’instant, ils n’ont pas prêté aux émeutiers les armes nombreuses dont ils disposent. Cette analyse, qui explique les émeutes par une geste vindicative archaïque, permet de répondre à la deuxième question, celle de la trajectoire d’intégration de leurs auteurs. Le choix massif, affirmé, risqué même, d’un rapport à la violence et à la justice spécifique aux cultures méditerranéennes et aux mœurs de certaines sociétés traditionnelles est bien un choix culturel qui leur paraît naturel tant leurs parents et grands-parents ont baigné dedans. Ces émeutiers s’installent clairement dans une troisième trajectoire, en sécession avec la culture du pays d’accueil. Bien loin de l’assimilation et en rupture générationnelle avec les communautés de concession (en l’absence du père, les mères ne ramènent-elles pas souvent à la culture d’origine ?), ils s’inscrivent parfaitement dans le cadre d’une présence sur le territoire avec un rejet de plus en plus affirmé de la culture française, dans laquelle ils ne se reconnaissent pas. Cette présence peut être qualifiée de sécessionniste.

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Cela implique la double tentation soit du retour à une culture d’origine dont le seul vecteur concret, à part le retour au pays, reste l’islamisme, arc-bouté lui aussi dans une culture de la vengeance, soit de l’entrée dans une culture mafieuse, dont les codes, les mœurs, le recours à la violence, elle aussi vindicative, sont en adéquation avec l’expérience intime, que chaque émeutier a pu faire à cette occasion, des destructions qu’il a commises, à vrai dire, en quasi toute impunité pour la plupart d’entre eux.


La construction de la culture française
L’oubli de la culture, comme outil d’analyse, est particulièrement dommageable dans le cas de la France mais de bien d’autres pays aussi. Notre pays est une entité constituée historiquement du rassemblement de différentes spécificités, de la Bretagne à l’Alsace, du pays d’Oc jusqu’aux Flandres. Si les langues régionales, qui étaient le vecteur actif des cultures constituées, ont pratiquement disparu, les particularités régionales, elles, sont toujours présentes, notamment dans un monde rural refuge de la sédentarité, face aux villes toujours plus cosmopolites et nomades.
La culture c’est aussi un ensemble de graines, qui comme les graines de végétaux restées en sommeil tout au long d’une période glaciaire, sont susceptibles de ressortir en cas de réchauffement social. La crise des « bonnets rouges », puis celle des « gilets jaunes », était aussi une résurgence de cultures enfouies, comme l’avaient été les jacqueries de l’Ancien régime.
Les cultures de la France de l’Ancien régime se sont en partie fondues dans une culture française, qui s’est identifiée à l’idée de République, dans la mesure où ce régime a été le creuset politique de l’intégration des moeurs des différentes régions qui composent le pays. Elle a également intégré une culture exogène, non territoriale, liée à la présence en France, depuis la colonisation romaine, de communautés juives, issues des différentes migrations du peuple hébreu depuis l’exode des années 70 après JC, du fait de l’occupation romaine de l’Israel d’alors.
L’acceptation par les communautés juives des lois de la République, des mœurs publiques et de la régulation de la violence par la justice d’Etat, le repli des mœurs religieuses et de certains traits culturels dans l’espace privé, a rendu cette intégration non problématique (sauf aux yeux des antisémites), au point qu’on parle souvent d’une France « judéo-chrétienne », ce qui est une exagération au vu du peu d’impact démographique et culturel des personnes d’origine juive en France.
Après la résistance du moyen âge aux invasions prédatrices du Sud (Sarrasins), du Nord (Vikings) et de l’Est (« Hongrois »), la France de l’Ancien régime, puis des quatre Républiques qui ont suivi la révolution, a été peu concernée par l’immigration et l’entrisme d’autres cultures. Les vagues polonaises, notamment dans les mines du Nord, et italiennes, dans l’Est et le Midi de la France, même si elles ont pu entrainer des difficultés locales (dues essentiellement à la concurrence sur le marché du travail) n’ont pas provoqué de choc culturel. Très chrétiens, les Polonais n’ont pas détonné dans le paysage culturel français. Quant aux Italiens, même s’ils venaient du sud de la péninsule, leur culture restait très proche de celle du Midi de la France. La même analyse peut être faite pour les immigrants espagnols et portugais.
Le retour massif des Français d’Algérie dans les années 60 a provoqué une confrontation culturelle avec une population dont les mœurs avaient commencé à diverger d’avec celles de la métropole, mais l’écart était trop faible pour provoquer un véritable choc. Les travailleurs maghrébins venus, célibataires, travailler en France, malgré leur nombre relativement important, n’ont pas non plus été à l’origine d’un choc culturel. Ils vivaient discrètement, plutôt en vase-clos, sans affirmation identitaire et sans plus se signaler que par une délinquance marginale, inévitable pour des communautés de célibataires en terre étrangère. La rupture s’est établie, à partir de 1976, avec la politique de regroupement familial, qui a permis l’entrée sur le territoire, de cultures exogènes • Philippe Breton

Tuez-moi, sinon vous êtes un assassin…

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Le romancier Laurent Seksik photographié en 2010 © BALTEL/SIPA

Après avoir évoqué Les derniers jours de Stefan Zweig, en 2010, Laurent Seksik revient sur une autre figure de l’Europe centrale, dans Franz Kafka ne veut pas mourir.


Là encore, l’auteur s’intéresse à la fin de vie de l’écrivain tchèque, décédé en 1924, mais aussi au destin, durant les deux décennies suivantes, de trois de ses proches : Robert Klopstock, l’ami médecin, Dora Diamant, compagne connue un an avant sa mort et Ottla Kafka, la sœur de l’écrivain. Un livre pas si neurasthénique, car, malgré la supplique finale faite à son ami Robert (« Tuez-moi, sinon vous êtes un assassin »), Kafka apparaît finalement un peu plus solaire qu’on l’imaginerait: « L’homme n’avait rien de sombre. On riait, on chantait, on dansait même parfois au son des airs de guitare du capitaine ».

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La vie, une gare immense et désolée

Il y a quand même, dans ce roman, quelques belles phrases désespérées et torturées. Au moment de la mort de l’écrivain : « L’âme de Kafka quittera bientôt ce corps. Ou bien il n’y nulle âme qui tienne, rien avant, rien après, la vie est une gare immense et désolée où se croisent des hommes mus par des espoirs insensés, qui ne font qu’attendre des trains qui ne viendront jamais ». Les amours compliquées sont ainsi évoquées : « Les lettres, tant à Felice qu’à Milena […] le rendaient maître du jeu amoureux et lui autorisaient l’esquive, le mensonge, la dissimulation, la manipulation, les faux serments. Si bouleversantes fussent-elles, ces lettres s’adressaient à des inconnues ou presque. Appelaient-elles une réponse ou pouvait-on les lire comme de simples et sublimes monologues intérieurs ? Les jeunes fiancées d’un temps eurent sans doute tort d’y voir la promesse d’une grande suite nuptiale quand c’était seulement l’obscure antichambre d’une conscience agissante. La rage forcenée avec laquelle était criée sa soif d’amour n’était peut-être rien d’autre qu’une manière d’étancher ses fringales d’écriture ». Il y a aussi l’épisode connu de la lettre au père. Selon la sœur Ottla, la lettre au père est ce qu’il a écrit de plus important et, finalement, « peut-être même que tous ces écrits antérieurs, l’ensemble de ses nouvelles, ses ébauches de roman n’étaient-ils que des brouillons, un simple préambule » avant cet acte. Un père autoritaire, rabat-joie, qui a une haute conscience du sort des juifs d’Europe centrale et qui ne voit dans toute période heureuse qu’un bref moment de répit avant de nouveaux drames. La nouvelle génération, au lendemain de la Grande Guerre, est, elle, d’un optimisme béat. « Pour [les juifs], comme pour le monde entier, le XXème siècle offrait un avenir radieux. Le soleil qui se levait sur les décombres de la guerre éclairerait bientôt toute l’humanité », pense alors Robert Klopstock.

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Interrogatoire… kafkaïen

Le récit se poursuit durant les vingt années qui suivent la mort de l’écrivain. Robert, Dora et Ottla naviguent au sein de la Mitteleuropa et traversent les frontières au fil des annexions successives du IIIème Reich. Il y a dans la deuxième partie du roman de grands moments kafkaïens. Quand Robert Klopstock passe au bureau de la société d’assurance qui a employé Kafka plusieurs années, le directeur adjoint de la société d’assurance fait un éloge et une lecture émue de l’un de ses articles (un texte dans le style le plus juridico-jargonnant qu’il soit possible d’imaginer), qui avait « atteint l’un des sommets de l’art de l’assureur ».


S’il a vécu son emploi comme un frein à sa volonté d’écrire, on comprend qu’il a su déjouer le farouche antisémitisme qui sévissait dans ce milieu pour gravir les échelons au sein de l’entreprise.

Et puis il y a l’interrogatoire musclé de Dora, exilée en URSS et vite revenue de son adhésion primesautière au régime marxiste. Bientôt entre les mains du NKVD, qui veut la convaincre de trotskysme, elle est amenée à raconter à l’enquêteur l’intrigue du Procès. Plus l’interrogatoire avance, plus l’agent reconnaît son quotidien et le régime politique qu’il sert. Dans un accès de compassion très bref, il lui laisse un tout petit instant pour s’échapper, retraverser une nouvelle fois toute l’Europe et atteindre l’île de Man. Et ce n’était pas là la fin de l’aventure.

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À un moment, il faut que ça tranche…

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Palais de l'Elysée, 19 juillet 2023 © Yoan Valat/AP/SIPA

Après une étrange et sadique garden-party, à l’Élysée, le 18 juillet, où tous les ministres étaient à la fois invités et en sursis, Emmanuel Macron n’aura pas de mal à faire passer le remaniement ministériel pour un ajustement technique sans importance – tant les Français trouvent ce jeu de chaises musicales sans intérêt. Chronique de notre vie politique nationale, et d’une France réduite aux aguets.


On peut tout dire de notre vie nationale depuis la réélection d’Emmanuel Macron et la majorité relative à l’Assemblée nationale sauf qu’elle est épique. Au contraire, terriblement ordinaire. Alain Peyrefitte avait théorisé « La Société de confiance » (publié en 1995 chez Odile Jacob). Il me semble qu’on n’en a jamais été plus loin. La déconnexion entre le peuple et le pouvoir, dont j’admets qu’elle relève, au fil des périodes, d’une sorte de banalité, est plus nette et dévastatrice que jamais, au cours des débuts de ce second mandat présidentiel. Comme la promesse de rassemblement faite en 2017 et renouvelée en 2022 a été totalement trahie.

Singularité délétère

Parce que probablement nous avions toujours échappé à une personnalité affichant de manière aussi ostentatoire son désintérêt de l’opinion même fortement majoritaire des Français sur des sujets et des choix dont elle considère qu’ils se rapportent à son domaine réservé. Emmanuel Macron ne fait même pas semblant d’être le président de tous. Il a trouvé le moyen d’inspirer une vive défiance aux forces régaliennes largement entendues qui bénéficiaient traditionnellement du soutien de ses prédécesseurs. Parce que leur souci était moins de se distinguer que de stabiliser et d’apaiser le pays. La police aura pu le vérifier avec son propos initial sur la mort de Nahel et sa réponse fausse – contrairement à ce qu’il a affirmé, il visait cette seule affaire et ne parlait pas en général – à Matthieu Valet lors du 14 juillet.


On a eu encore eu un exemple de cette singularité délétère avec le sadisme festif de la soirée du 18 juillet à l’Elysée : « Amer dîner pour ministres en sursis » après la confirmation minimaliste de la Première ministre : pour quelques ministres il était clair que ce buffet serait sans doute le dernier ! Comme le président du groupe Horizons à l’Assemblée nationale, Laurent Marcangeli, a raison de protester : « On peut finir par croire qu’Emmanuel Macron prend un malin plaisir à ces moments d’attente… À un moment il faut que ça tranche ». Imagine-t-on le général de Gaulle qui n’aspirait qu’à de l’épopée et que les Français décevaient parce qu’ils y étaient allergiques, « des veaux » selon lui, pratiquer ces mondanités à la fois ridicules et honteuses à la place de confirmations ou d’exclusions clairement signifiées, sans la moindre équivoque ? Loin de l’épopée, cette conception élyséenne tourne au vaudeville. Les mots servent de baume. Le réel est euphémisé. Pas de remaniement mais des ajustements ! Cela va mal mais ça va bien !

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Le pire est que par contagion l’ensemble des processus politiques semble atteint, gangrené et qu’en effet une France de méfiance, aux aguets, quasiment caricaturale dans ses dérives, ses ambitions cachées, ses haines et sa « cuisine », a pris la place de ce qu’on aurait pu espérer : un pays d’allure, de grands espaces et de haute vision. Emmanuel Macron concocte ses petits plats au lieu de nous préparer le grand dîner du futur. La lutte des personnes s’est substituée à la recherche d’un destin collectif.

De quoi rire. LFI s’est assignée pour mission de contrôler le RN en vérifiant si les propos de ses députés ne sont pas « trop trash » en commission : Thomas Portes qui a été un modèle d’élégance républicaine est notamment à la manœuvre !

Venons-en aux choses sérieuses…

Emmanuel Macron n’aime pas Elisabeth Borne mais la maintient. Edouard Philippe lui déplaît, trop libre, trop indépendant, Gérald Darmanin et Bruno Le Maire ont trop d’ambition – ils font comme s’il n’était déjà plus là ! -, heureusement il y a Jean Castex avec lequel il s’est toujours bien entendu et qui ne lui a jamais manqué. Pour 2027, il pourrait être le bon candidat… Edouard Philippe joue un jeu subtil, loyal mais juste ce qu’il faut, opposant mais doucement, avec la dent dure en aparté ; il n’a rien oublié et se réjouit – il est étranger au narcissisme – de la condescendance de ceux qui l’ont maltraité et ont abusé d’inélégance sur son apparence : je suis persuadé qu’il sera dans la course. Bruno Le Maire fera moins de propositions, en 2027, que lors de sa malheureuse primaire mais il répète tellement qu’il adore sa fonction ministérielle qu’on sait qu’il ne pense qu’à la suite… Gabriel Attal jouit de son talent et accepte de retarder un tantinet l’expression de son dessein suprême : président. Trop tôt. Mais il ne sera pas en retard.

Eric Ciotti s’obstine à vendre Laurent Wauquiez pour la future élection présidentielle mais ce dernier n’a pas l’air de comprendre qu’il doit tout de même participer à l’action et ne pas avoir le dos tourné à chaque fois que le parti a besoin de lui… Nicolas Sarkozy a trahi LR mais il n’est pas gêné : il donne des leçons comme s’il finissait par croire au personnage de sage qu’on s’acharne à fabriquer pour lui et qui ne lui va pas du tout. Jordan Bardella piaffe et sait qu’il est meilleur que Marine Le Pen mais il a le temps. Elle échouera en 2027 et il sera en lice en 2032. Marion Maréchal a pris conscience qu’elle s’était fourvoyée en quittant trop vite le RN mais elle aussi est confiante pour 2032 : Eric Zemmour a tout donné mais il restera comme la preuve éclatante qu’en démocratie on a le droit de tout penser mais qu’il ne faut surtout pas tout dire.

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Jean-Luc Mélenchon se persuade que ses foucades, ses orages et ses outrances n’entraveront pas le futur qu’il continue à se concéder, généreux avec lui-même, grâce à son verbe et à son aura (de plus en plus ébréchée, il est vrai). Mais il oublie que derrière la façade, il y a des appétits, des ambitions, des envies de profanation, des intuitions plus lumineuses que les siennes, qu’il y a notamment François Ruffin qui ne gagnera jamais une élection présidentielle mais pourra lui boucher l’accès pour 2027… Olivier Faure, doué pour le « paquito » certes restera Olivier Faure : par électoralisme il a accepté la Nupes mais tué le socialisme. Il n’a plus qu’un dessein : briser net l’élan apparemment poussif de Bernard Cazeneuve. Fabien Roussel est trop lucide pour ne pas deviner qu’il ne pourra compter que sur sa personnalité empathique et chaleureuse, mais pas sur le communisme, le présent n’ayant pas encore fait totalement oublier le passé.

J’ai à peine exagéré en schématisant ainsi la vie politique, en la simplifiant, tel un jeu de rôles. En la réduisant à une France aux aguets. Je vais finir par comprendre ceux qui, révolutionnaires, anarchistes, conservateurs, citoyens déçus ou exaspérés, ne veulent plus entendre parler de cette politique. Les uns la fuient et la dévoient, les autres ne votent plus. Pour ma part je résisterai toujours à la tentation de la violence, de la dérision ou de l’abstention. Être un citoyen (aussi imparfait qu’on soit) est une chance et un honneur.

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Montée de l’antisémitisme en Afrique du Sud

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En baisse dans les sondages, le parti sud-africain Economic Freedom Front (EFF) a récemment semé l’émoi parmi la communauté juive. Le mouvement du populiste Julius Malema a exigé que l’école juive United Herzlia Schools, située au Cap-Occidental, soit « radiée » de la liste des écoles agréées par le ministère de l’Éducation, accusant l’établissement scolaire de pousser ses élèves à émigrer vers la Terre promise et d’y rejoindre son armée. Un événement qui intervient dans un contexte de montée de l’antisémitisme dans cette partie de l’Afrique australe.


Aishah Cassiem siège comme députée au parlement de la province du Cap-Occidental. Ancienne journaliste d’investigation, elle a rejoint l’Economic Freedom Front (EFF) en 2013 après avoir interviewé Mogamad Nazier Paulsen, un des turbulents leaders de ce parti politique sud-africain. Elle a très rapidement gravi les échelons de ce mouvement fondé par le populiste Julius Malema, seconde force d’opposition du pays. Conseillère municipale du Cap, devenue trésorière du parti, elle a pu se fait élire au parlement fédéral en février 2023. Vêtue de rouge, la couleur arborée en toutes circonstances par l’EFF, Aishah Cassiem porte également un keffieh palestinien. Une cause à laquelle cette élue est sensible. Le 15 juin, elle a pointé du doigt l’école juive United Herzlia Schools dans une déclaration qui a été reprise par la presse israélienne. « Il est effarant de constater que le gouvernement provincial DA [Alliance démocratique] condamne la guerre en Ukraine, mais ne fait rien contre cette école qui a aligné ses programmes sut ceux de l’État d’Israël et encourage les élèves à participer à une politique d’apartheid » contre les Palestiniens. Elle a immédiatement réclamé que l’établissement scolaire soit « radié » de la liste des écoles agréées par le ministère de l’Éducation. D’autant que selon elle, l’école prône le retour vers la Terre promise à ses élèves et les incite à faire leur service militaire au sein de Tsahal, l’armée israélienne.

Idéologie malsaine

Des propos qui ont choqué la communauté juive d’Afrique du Sud. Bien qu’il ne nie pas le départ de certains juifs sud-africains vers Israël, le Centre Simon Wiesenthal s’est emparé de cette affaire et a accusé dans un communiqué la parlementaire de véhiculer une idéologie malsaine. « Nous dénonçons la déclaration d’une élue sud-africaine qui a demandé qu’une école communautaire juive du Cap, soit radiée après qu’il soit apparu que 22% des élèves de l’école se rendaient en Israël à la fin de leurs cursus afin de rejoindre Tsahal » a écrit cette organisation non-gouvernementale qui bénéficie d’un statut consultatif à l’ONU et à l’UNESCO.  Des chiffres confirmés par le directeur de l’éducation du lycée Herzlia, Geoff Cohen, et le directeur général de l’école, Andries van Renseen. « Le Cape SAJBD est profondément préoccupé par la dernière attaque publique de l’EFF contre les membres du conseil d’Herzlia, qui a même affiché des photos et des noms des élèves sur les réseaux sociaux » s’est inquiété Daniel Bloch, directeur général du Cape South African Jewish Board of Deputies.

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Jusqu’ici cantonnée à l’extrême-droite afrikaner, l’Afrique du Sud subit depuis des années une montée de l’antisémitisme au sein des couches populaires noires et musulmanes, exacerbée par l’EFF et l’African National Congress (ANC), le parti de Nelson Mandela qui dirige l’Afrique du Sud. « Le Cap SAJBD ne restera pas les bras croisés et ne permettra pas à cette démagogie politique de se poursuivre. C’est une attaque honteuse contre la plus grande et la plus prestigieuse école juive du Cap-Occidental. Nous continuerons à soutenir Herzlia et ses dirigeants et nous combattrons les tentatives répréhensibles de l’ANC, de l’EFF et de toutes les autres organisations de radier l’école. Ce n’est que la dernière tentative infructueuse des lobbyistes anti-israéliens pour intimider la communauté juive du Cap » a ajouté Daniel Bloch qui dénonce à son tour l’antisémitisme ambiant qui règne dans le pays. « Le gouvernement sud-africain – et tous les partis d’opposition – devraient concentrer leur attention non pas sur les conflits étrangers [Pretoria soutient ouvertement la Russie contre l’Ukraine-ndlr) mais sur les problèmes qui affectent les Sud-Africains, en particulier ceux liés à notre jeunesse. Il s’agit notamment de nos taux élevés d’abandon scolaire, des latrines à fosse, du manque de nourriture, d’eau et d’électricité dans nos écoles publiques, contre un taux de chômage des jeunes inexplicablement élevé » a déclaré de son côté Rowan Polovin, président national de la Fédération sioniste d’Afrique du Sud (SAZF).

Les islamistes ont pris Johannesburg

L’Afrique du Sud a établi des relations diplomatiques avec la Palestine en 1995, un an après la fin du régime de ségrégation raciale. Depuis lors, Pretoria est restée très critique à l’égard « des mauvais traitements continus, infligés aux Palestiniens par Israël ». Y compris contre sa politique de colonisation sur des terres arabes en Cisjordanie occupée. En juillet 2022, le ministre sud-africain des Affaires étrangères, Naledi Pandor, a demandé « qu’Israël soit classé comme un État d’apartheid et que l’Assemblée générale des Nations Unies établisse un comité international afin de vérifier si l’État Hébreu satisfaisait aux règles démocratiques » comme le rapporte Al Jazeera. Le parlement sud-africain a d’ailleurs voté une motion qui rétrograde le statut de son ambassade en Israël et qui le transforme en simple bureau de liaison, accusant le gouvernement du Premier ministre Benjamin Netanyahou de perpétrer « des abus sans fin contre les Palestiniens ». Dans la foulée, l’organisation sud-africaine de rugby a annoncé qu’elle n’autorisait plus son équipe à jouer contre leurs alter égos israéliens du Tel Aviv Heat lors de rencontres sportives. Enfin, dernière crispation en date entre les Pretoria et Jérusalem, l’expulsion du délégué israélien lors du sommet de l’Union africaine (UA) à la demande conjointe de l’Afrique du Sud et de l’Algérie.

Des tensions loin d’être retombées. Il y a plusieurs semaines, le chef du parti islamique sud-africain Al Jama-ah, qui prône la charia, a appelé les services de la police sud-africaine (SAPS) à « arrêter les corps sionistes présents au Cap », affirmant que le SAJBD et la SAZF « prônent le racisme et l’apartheid israélien ». Un mouvement mineur mais loin d’être négligeable, puisque dans le cadre d’une alliance avec l’ANC, les islamistes ont pu récemment obtenir la tête de la prestigieuse mairie de Johannesburg. Face à la polémique, le gouvernement israélien a préféré s’abstenir de toutes déclarations officielles sur le sujet.

Un dernier au revoir à Philippe Mathot

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D.R.

Ensauvagement. Dans la France orange mécanique des cités et des clans, des jeunes n’ont ni empathie ni sentiment de culpabilité. Philippe Mathot, ancien fleuriste de 72 ans, en a tragiquement fait l’expérience dans le Nord. Il a été battu à mort devant chez lui dans la nuit du 5 au 6 juillet.


Philippe Mathot a été enterré ce 19 juillet à Vieux-Condé (59). Il est très probable que ce nom ne vous dise rien. Philippe Mathot pourtant, même s’il n’était pas connu, n’était pas quelqu’un d’ordinaire. Là où il vivait, tout le monde le connaissait car il était un pilier de sa communauté. De ceux qui, tout en discrétion, rendent la vie meilleure autour d’eux.

Mort pour avoir réclamé que les voyous devant son domicile fassent moins de bruit

Sa mort n’aura pas été à l’image de sa vie. Il a été tabassé à mort par trois jeunes, à qui il avait simplement demandé de faire un peu moins de bruit. Le contraste est brutal entre la personnalité de la victime, dont chacun loue la gentillesse et la serviabilité, et la barbarie dont ont fait preuve ses agresseurs. S’acharnant sur un homme à terre, le rouant de coups de pieds dont beaucoup portés à la tête. C’est également la cause infime de ce qui a amené ce déchainement de violence qui choque. Ces jeunes donnent la mort pour un mauvais regard ou une demande de silence avec une désinvolture effrayante.

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Cette barbarie n’a rien de nouveau. L’hyperviolence de certains jeunes devient même un sujet de société. La sauvagerie dont ces jeunes font preuve est même parfaitement renseignée et connue. Maurice Berger, psychiatre qui s’est occupé d’enfants hyperviolents et qui constate l’augmentation de ce type d’agressions, explique que ce type de personnalité agressive ne fonctionne que dans l’impulsivité. L’autre n’existe pas à leurs yeux. Il n’est qu’un objet sur lequel on décharge sa tension et s’il s’avère être contrariant, il faut l’éliminer. Le psychiatre parle du nombre important de personnes qui, suite à un tabassage en règle, gardent des séquelles à vie, physiques ou cérébrales et dont les agresseurs n’écopent que de peines légères voire de sursis, comme si la vie ou la qualité de vie restante à leur victime, n’avait au fond que peu de valeur. Pas seulement à leurs propres yeux mais aussi aux yeux de la société.

Civilité et décivilisation

Maurice Berger a tracé le profil de ce type d’agresseur à partir de son expérience professionnelle et clinique dans le Centre d’Éducation Fermé où il travaille. Il se trouve que dans son centre, la grande majorité des mineurs est originaire du Maghreb, mais le pédopsychiatre précise que ce qui est déterminant dans le rapport à la violence n’est pas l’origine mais la structuration familiale : les garçons les plus violents viennent des familles qui ont un fonctionnement clanique. Dans certaines cultures, l’organisation familiale privilégie la forme nucléaire (père-mère-enfants), dans d’autres la famille c’est un assemblage plus vaste, un clan. La deuxième forme d’organisation a du mal à s’intégrer dans une communauté nationale, car elle essaie de mettre en avant les intérêts claniques sans se préoccuper des règles sociales et des lois. Dans des pays où la règle n’est pas intériorisée et où la loi n’est respectée que s’il y a une personne extérieure pour l’imposer et contraindre les individus, à l’absence d’intégration des normes répond une présence policière importante. Et une violence d’État endémique est acceptée, puisque la loi doit être imposée de l’extérieur. C’est le fameux discours que l’on entend souvent de la part de maghrébins choqués par ce que la France laisse faire à certains jeunes et qui disent : « En Algérie (au Maroc), cela ne se passerait pas comme cela, la police les materait et il y aurait moins de problèmes. » C’est peut-être vrai, mais cela ne correspond pas à notre forme de civilité qui passe par l’intériorisation de la norme et le recours en la force en dernier recours.

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Autre point, la famille clanique se construit contre la liberté individuelle et l’autonomie du sujet. Elle se pense comme un tout dont chaque membre est une partie. Si un des membres s’éloigne ou se met à penser différemment, il faut le faire revenir dans le rang. Alors que le but normal d’une famille est de donner assez de force et de confiance à un enfant pour qu’il puisse choisir sa vie, être indépendant et penser par lui-même. En revanche, dans la famille clanique, l’identité c’est avant tout l’appartenance au groupe. Les codes du groupe priment donc sur la loi extérieure. Pour ces jeunes il n’y a pas de relation à l’autre, mais de groupe à groupe. Si l’un deux est en difficulté dans une interaction, il rameute le groupe et attaque. Ces jeunes n’ont pas d’inhibition car ils n’ont pas de pensée. Ils sont dans l’action et la réaction. Celui qui n’appartient pas au groupe est déshumanisé. Il n’y a pas de rapport au bien ou au mal, mais à ce qui est bon ou mauvais pour le groupe. De ce fait, la vraie utilité de la sanction et de la prison c’est d’abord de soustraire l’individu à la logique du groupe, de lui faire prendre conscience de son individualité ; la deuxième fonction, c’est qu’en empêchant l’action et la pulsion, elle permet à certains jeunes de se mettre à penser.

Une jeunesse qui a perdu la tête

En attendant, ce qui est arrivé à Philippe Mathot a déjà été décrit par le psychiatre comme le mode d’action de cette jeunesse hyperviolente :  « des coups qui pleuvent sur la tête de la victime alors que la victime est déjà impuissante et au sol. Les agresseurs appellent cela ramollir une personne. Ils n’éprouvent ni empathie ni culpabilité, si bien que pour eux, frapper – voire tuer- ce n’est pas grave. » Ils sont restés à un stade embryonnaire de leur développement où seul le pulsionnel, le cerveau reptilien, les guide et celui-ci ne connait qu’une seule réponse à toutes les situations de frustration : la violence et l’élimination de la source de contrariété.

Si la presse a très peu repris l’histoire de la mort de Philippe Mathot, les réseaux, eux, ont fortement réagi. Beaucoup de personnes se sont indignées de ce que la mort d’un jeune défavorablement connu des services de police a suscité un hommage de l’Assemblée nationale et une prise de parole du président de la République, alors que le décès de ce vieil homme de 72 ans frappé par des jeunes ne suscite aucun hommage national.

Deux poids deux mesures

Cette émotion vient du contraste entre la bonne personne qu’il était et une mort aussi inattendue qu’imprévisible. Le jeune automobiliste, lui, était engagé dans un parcours de délinquance. Il ne méritait sans doute pas de mourir ainsi, mais il avait pris un chemin de vie dangereux qui l’exposait à cette éventualité entre conduite à grande vitesse de grosse cylindrée, culture de la rébellion face à la police et incursion dans le commerce de drogue. Les émeutes qui ont suivi cette mort ont été très mal vécues par beaucoup de Français et ceux-ci n’ont pas compris que les politiques leur imposent une émotion collective qu’ils ne ressentaient pas. Là, ils ressentent une grande proximité avec cette mort car pour eux c’est aujourd’hui le principal danger qui les guette ou qui parait guetter leurs enfants ou leurs parents au quotidien : faire une remarque anecdotique à certains jeunes et risquer le coup de couteau ou le tabassage à mort. Le risque de se faire tirer dessus par un policier n’est pas dans leur horizon, celui de se faire massacrer pour un regard mal placé, si. Et cela concerne tout le monde. Les habitants des quartiers ont également peur de ce genre de dérapage. Il n’en reste pas moins que, pendant que la plupart des Français s’identifiaient à Philippe Mathot, beaucoup de jeunes des quartiers, eux, se sont identifiés au jeune qui avait refusé d’obtempérer.

Autre point qui choque, la mobilisation communautariste et les émeutes suite à la mort du jeune homme de 17 ans ont été aussi des démonstrations de force. Même la représentation nationale et le président ont essayé de donner des gages aux émeutiers, quitte à piétiner toute décence. Mais, qui se lèvera et fera une minute de silence pour Philippe Mathot ? Ce deux poids deux mesures explique le sentiment d’abandon de trop de Français. Les émeutes leur ont montré qu’il y avait bien une ligne de fracture, une offensive séparatiste. Mais s’ils voient bien le Nous tribal, ethnique et religieux, le Nous de la Nation, en revanche, parait délétère, inexistant, désincarné. Finalement, avec les émeutes ils ont vu s’exprimer la logique de vengeance. Avec le décès de Philippe Mathot, ils se demandent si justice pourra être rendue.

Pays-Bas: la future Première ministre est une ex-réfugiée échouée sur une plage grecque!

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Dilan Yesilgöz avec le Roi, La Haye, 8 février 2022 © Shutterstock/SIPA

La prochaine Première ministre néerlandaise pourrait être une ex-réfugiée turque échouée sur une plage grecque ! Un sacré atout pour plaire à la gauche, dirait-on. Il n’en est rien. Portrait de Dilan Yesilgöz.


Si en novembre son parti libéral remporte les élections, la limitation de l’immigration extra-européenne sera prioritaire pour Dilan Yesilgöz, née en 1977 à Ankara dans une famille turco-kurde. Très à gauche dans sa jeunesse, elle passa à droite avec l’âge. Cela arrive aux meilleurs. Et, à droite, elle l’est bien plus que l’homme qu’elle compte remplacer à la tête du Parti pour la Liberté et la Démocratie (VVD), le Premier ministre démissionnaire Mark Rutte. Lequel avait été aux manettes du parti et de quatre gouvernements de coalition depuis 13 ans quand, à la stupéfaction générale, le 10 juillet, il annonça son retrait de la politique après une période de flottement. La coalition qu’il dirigeait avait explosée peu avant sur la question de l’immigration, dont les excès justifieraient, selon le magazine libéral EW, la proclamation de l’état d’urgence.

Au sein du VVD, Mme Yesilgõz est pour l’heure la seule candidate à la succession de Mark Rutte. Si d’autres sont suffisamment naïfs ou audacieux pour la défier, les membres seront appelés à trancher avant la mi-août. 

Flirts de jeunesse avec la gauche

Mme Yesilgõz était arrivée aux Pays-Bas en 1984 comme réfugiée avec sa mère et sa petite sœur. Son père, syndicaliste de gauche et militant kurde, les y attendait. Trois ans plus tôt, il avait obtenu l’asile politique après sa fuite de Turquie où les autorités auraient voulu l’arrêter. 

Si son épouse et ses filles passèrent la première partie de leur fuite sur le bateau de pêche branlant d’un passeur turc, qui les déposa sur l’île grecque de Kos, la suite fut bien plus confortable. Et gratuite, grâce aux bons soins de l’État néerlandais qui avait payé les billets d’avion de la compagnie KLM. Sur le bateau, les trois femmes n’avaient qu’un seul sac avec elles, il est vrai, un authentique Louis Vuitton, que plus tard Dilan Yesilgöz montrera volontiers pour illustrer leur périple. Lycéenne et étudiante dans sa nouvelle patrie, Dilan Yesilgöz se frotta à pas moins de trois partis de gauche, avec le sentiment désagréable d’être l’étrangère “de service”, confinée dans un rôle victimaire. Les bonnes âmes la supposèrent musulmane, alors que la religion “ne [lui] dit absolument rien”, devait-elle confesser plus tard. Libérale, laïque, elle est mariée à un homme néerlandais juif portant parfois la kippa, ce qui dans certains quartiers des grandes villes hollandaises comporte désormais des risques…

Après ses flirts avec la gauche, Dilan Yesilgöz adhére au VVD et siège entre 2014 et 2017 au conseil municipal de la capitale, où la gauche fait la loi. Elle s’y fait une réputation de combattante contre la criminalité et les incivilités dont les jeunes filles font les frais. Tout le monde sait que ce sont surtout des garçons issus de la diversité, en particulier marocaine, qui s’en rendent coupables. Vérité pas bonne à dire dans le climat woke de la capitale, sauf pour Dilan Yesilgöz et d’autres voix isolées. “Talons aiguilles et forte en gueule” la qualifiait alors le journal amstellodamois Het Parool.

Make The Netherlands great again !

Ses talents de tribun, et l’admiration qu’elle suscite alors parmi d’autres filles d’immigrés, lui valent un siège au parlement à La Haye. Après sa nomination comme ministre de la Justice, début 2022, elle a maille à partir avec d’autres députés appelés jadis “allochtones”. Mot tombé en désuétude car jugé stigmatisant. Ainsi, elle sort de ses gonds quand une députée accuse la police de racisme pour avoir empêché une manifestation contre Zwarte Piet, le valet noir de Saint-Nicolas honni par des activistes pour ses supposés liens avec l’esclavage. Un autre député refuse de l’appeler par son patronyme turc, utilisant toujours celui, juif, de son mari. À bon entendeur… Ce député, d’origine turque lui aussi, avait fait remarquer, après l’assassinat de Samuel Paty, que des dessins d’Allah ne tombent pas sous le coup de la liberté d’expression. 

Geert Wilders, dirigeant principal de la droite de la droite, ne sortit pas non plus grandi d’un duel avec elle. Il feignait de croire qu’une ministre d’origine turque mettrait fin à sa protection suite à la fatwa prononcée contre lui en 2004. 

En tant que Premier ministre, Mark Rutte ne tenait des paroles fermes sur l’immigration qu’en période électorale. Du genre: “Nous allons rendre ce merveilleux pays aux Néerlandais!” En réalité, la droite de conviction le voit comme quelqu’un qui ne cesse de s’excuser de ne pas être de gauche. Il incombera à Dilan Yesilgöz de rompre avec la tradition de bricolage de coalitions gouvernementales lambda, dont les mesurettes contre l’immigration exaspèrent le peuple et amusent les passeurs. Encore faut-il gagner les élections législatives anticipées de novembre, ce qui est loin d’être acquis. Déjà, ça fleure bon la campagne électorale où la gauche, qui ne lui a pas pardonné sa trahison, traite Mme Yesilgöz d’hypocrite opportuniste, quand ce n’est l’inverse. Car, bien sûr, n’avait-elle pas bénéficié elle-même du regroupement familial dont, quarante ans plus tard, elle compte priver d’autres ? Un “raisonnement minable” juge l’écrivaine turco-néerlandaise Lale Gül, menacée depuis qu’elle a abjuré l’islam et jeté son voile. Dans sa chronique à Het Parool, elle rappelle le “soutien quotidien” que lui témoigna « Dilan » dans ses heures sombres. Et fustige “les racistes de gauche qui pensent pouvoir dicter leur idéologie politique à une fille d’immigrés”.