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Un spectre hante le monde… le Juif

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L’essayiste Philippe Sola s’attaque à la métaphysique de l’antisémitisme…


Après qu’il a commis l’infâme Sur la question juive en 1844 [1], je ne vais pas solliciter d’autorisation pour pasticher Marx. Surtout par les temps qui courent. On aurait pu penser que l’anti-juivisme irait en s’estompant, soit en conséquence d’un certain effort de désintoxication entrepris depuis 1945, soit tout bonnement par l’érosion naturelle des plus grandes passions, même les plus mauvaises, et la dissolution progressive de la haine originelle. Du moins en Occident. Un Occident qui par ailleurs s’accomoda facilement de sa reviviscence dans le monde musulman où Mein Kampf et les Protocoles des Sages de Sion sont toujours en tête du hit-parade éditorial, comme si cet Orient, cher à Edward Saïd, avait eu vocation à devenir sa poubelle. Une poubelle bien entretenue d’ailleurs grâce à une flopée de nazis experts en déchets humains, exfiltrés par les bons offices conjugués du Vatican et de la Croix Rouge vers le monde arabe qui les rebaptisa aussitôt avec des pseudos du crû…

Et forcément avec le temps, la poubelle avait débordé et ses immondices s’étaient répandus hors de ce monde musulman en proportion d’une inversion démographique et d’un wokisme qui iront en s’accentuant, puisque devenus des réalités non combattues, voire même des éléments fondamentaux des politiques de ces Etats ‘’occidentaux’’ en voie de dhimmisation, c’est-à-dire de servitude, cette fois volontaire. En effet, ce monde qui se disait toujours ‘’libre’’ et qui à ce titre avait combattu le communisme avec la dernière énergie et des budgets colossaux, était en train de faire du wokisme, son idéologie officielle, la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques à Paris en ayant été en quelque sorte le sacre, additionnant négation de la culture, exhibitionnisme et mauvais goût du trash et du gore… Et ce avec la signature éminente d’un président de la République, himself, noyé dans une Cène narcissico-nauséabonde.

En cet Occident en voie de décomposition et donc prodigue en gaz antijuifs à effet de serre, rendant désormais inutile le zyklon B, il suffisait d’une étincelle pour qu’il s’embrase et communie dans la même haine du Juif, lequel depuis la nuit des temps incarne la fonction du bouc-émissaire. Et alors qu’on eut pu imaginer que l’horreur du massacre du 7 Octobre, le sadisme et la perversité des troupes du Hamas, civiles et militaires, donnerait à l’humanité l’occasion de retrouver le chemin de l’humanisme, l’on assista et l’on assiste toujours, au contraire, au plus grand déferlement d’antijuivisme de tous les temps.

En prétendant pouvoir agréger pourfendeurs et fous de dieu, homophobes et homosexuels, exploiteurs de l’inversion des genres et mutilés à vie, Blancs à condition qu’ils se renient et Noirs mêmes s’ils ont des chefs corrompus, l’intersectionnalité wokiste menacée d’exploser à très court terme, trouvait là sa bouée de sauvetage : Antijuifs de tous les pays, unissez-vous ! C’est la lutte finale !

Certes, certes, certes ! Certes la chrétienté et plus tard l’islam eurent pour s’affirmer besoin de s’en prendre aux Juifs et à leur invention. Certes les féodalités anglaises, françaises et espagnoles, en mal d’unité nationale, chassèrent les Juifs et brulèrent ceux qui se convertirent. Certes cette Europe ne put s’unifier à Bruxelles qu’en devenant préalablement le tombeau des Juifs [2]. Certes les Juifs ont permis aux palestiniens de se forger par opposition une identité, un nationalisme-contre, et au monde arabe et musulman de surmonter ses innombrables divisions [3], qui sans les Juifs virent à la guerre civile comme on l’a vu en Algérie (200 000 morts dans les années 90, selon le président Bouteflika), et en Syrie (600 000 morts depuis 2011, selon l’Observatoire syrien des droits de l’homme)…

En un mot, les Juifs ne démentaient pas, bien au contraire, la thèse de René Girard [4]. Leur sacrifice rendait possible la cohésion de la communauté.

L’acharnement dont ils ont été les victimes au travers des siècles et quasiment sur tous les continents auraient dû depuis longtemps mener à leur disparition. Mais depuis au moins Pascal [5], combien de grands penseurs ne s’étaient-ils pas étonnés de la longévité du peuple hébreu, lequel depuis la fin du 19ème siècle était dans une dynamique de retour vers la terre dont il avait été chassé il y a plus de 2000 ans ?

L’hébreu, le Juif, aurait-il un secret ? Un secret par exemple que le nazi se serait entêté à percer ? Revenu, marqué à jamais lui aussi, d’un voyage à Auschwitz, telle va être la préoccupation de Philippe Sola, ce jeune philosophe qui nous déplace de l’histoire vers la métaphysique, dans un petit livre d’une centaine de pages, ’’Le Juif et le nazi’’, un petit bijou d’énonciation et de réflexion qui tente d’aller hors des explications habituelles de l’antisémitisme, comme par exemple s’y étaient essayés, il y a quelques décennies, du point de vue du narcissisme, les psychanalystes Béla Grunberger et Pierre Dessuant [6].

‘’Il ne peut y avoir une telle haine si elle n’est pas le reflet d’une forme particulière d’admiration… ‘’, commence par s’étonner Sola. Mais de quoi le nazi croit le Juif doté dont il lui faudrait à tout prix s’emparer, quitte à exécuter le projet le plus dément jamais imaginé : mettre la main sur les Juifs quels que soient les endroits de la terre où ils se trouvent, pour les faire disparaitre ? Quelle est cette inextinguible angoisse qui avait dévoré de l’intérieur le nazi le poussant à tuer le Juif une première fois au gaz, une seconde par le feu, et une troisième par l’éparpillement des cendres ? Dans la perspective de Sola, il ne s’agit pas seulement de l’effacement des traces, mais de quelle chose de plus. De plus profond. De plus indicible.

‘’L’antisémitisme, c’est toujours imaginer que le Juif a quelque chose de plus que l’autre n’a pas et vouloir ramener cette chose dans le giron de celui qui ne l’a pas.’’ Pour le petit peuple ce fut des biens matériels, mais pour ceux qui comme Hitler étaient habité de métaphysique, il s’agissait de bien autre chose.

Notons au passage la distinction, surprenante mais bien vue, que l’auteur nous propose, entre ces deux délires que sont le racisme et l’antisémitisme. Pour le premier on peut se passer de l’autre, l’ignorer, et pour le second, c’est le contraire, on ne peut s’en déprendre.

Venons-en donc à la thèse de l’auteur. ‘’Le nazi pense que le Juif détient le secret de l’être, qu’il manipule l’être à sa guise… Cela est faux. Le Juif galère avec l’être autant que quiconque. Mais le Juif garde en lui une trace de l’être…’’.

L’être ne s’épuise pas dans telle ou telle de ses manifestations. Appelé ‘’Dieu’’ par certains, mais pas par les Juifs, Sola l’identifie à ce qu’il appelle ‘’l’infini des possibles’’. Si l’un des possibles peut mener à la mort, il y en a bien d’autres qui peuvent nous permettre d’y échapper. ‘’Hébreu’’ ne se dit-il pas ‘’ivri’’, ‘’passeur’’, en hébreu ? Un passeur n’est-il pas celui qui arrive à vous faire passer même lorsque cela semble impossible, même par le chas d’une aiguille ? Et puis, ne dit-on pas ‘’L’espoir fait vivre’’ ? L’hymne national d’Israël n’est-il pas l’ Hatikva (Espoir) ?

« S’adonner au désespoir reviendrait à adopter une position fallacieuse, suggérant que la vie aurait prononcé son verdict ultime à notre encontre… Or la vie ne profère jamais une telle sentence. ». D’où l’humour juif ? D’où Kafka ?

Mais pourtant, si les Juifs n’échappent en rien à la commune condition humaine, de quel crime les accuse-t-on qui les vouerait à une vindicte éternelle et planétaire ? Ce qui revient à en dire un peu plus de l’être (qui chez Sola ne porte jamais de majuscules) : « l’être est ce qui parait en toute chose mais qui n’apparait pas lui-même, l’être est ce qui fait être l’étant, sans s’y résumer… En éliminant les Juifs physiquement, en éliminant les étants, peut-on enfin accéder à l’être et l’acquérir ?… Cette hypothèse du désir d’appropriation de l’être par les nazis est l’impensé du nazisme et de son histoirel’extermination juive signe le désir d’en finir avec l’étant pour garder pour soi, pour les nazis, l’être. ».

Ceux qui ont frayé avec les concepts du psychanalyste-philosophe Daniel Sibony [7], et notamment celui d’Etre-Temps [8] ne seront pas là dépaysés, de même lorsque ce dernier signale que ‘’l’invention’’ des concepts de l’Etre et de l’Etant du philosophe Heidegger, qui ne reniera jamais son nazisme, provenait d’un emprunt au texte fondateur du judaïsme… la Tora [9] (dite aussi Pentateuque par les chrétiens). La captation de son étudiante juive, Hannah Arendt, par le philosophe en devenir nazi, ne releva-t-il pas de cette même expérience d’échec de captation de la métaphysique juive remplacée par une tentative de captation physique des Juifs ?

Mais le christianisme, en fait plus un saintpaulisme qu’un yehoshuisme [10], et sept siècles plus tard, l’islam, n’avaient-ils pas été tentés par la même expérience ? Une expérience, faut-il le rappeler, sanglante, qui consista à s’emparer du message après avoir exterminé les messagers, du moins d’avoir essayé, à tel point que jusqu’à aujourd’hui se scande dans le monde musulman, le fameux refrain : ‘’Khaybar [11], Khaybar, Ô Juifs, l’armée de Mohamed va revenir’’….

Et ceux qui sont familiers de l’œuvre de l’un des meilleurs connaisseurs du monde juif et de sa philosophie, Shmuel Trigano [12], préfacier de ce livre, notamment de sa séduisante théorie du ‘’retrait divin’’, devenu le jour du Shabbat, autorisant la liberté de l’homme en lui accordant un vide créateur, ne manqueront pas d’être intéressés par le concept du ‘’vide’’ que Sola identifie ‘’au possible de l’être’’ et dont tout le livre pourrait n’être que variations autour de ce thème.

« Lorsque la pièce est occupée de toute part, faire le vide (permet) de retrouver de l’espace, pour bouger, pour respirer », nous dit l’auteur, avec cet art de nous faire ressentir la métaphysique par le biais de notre quotidien. La célèbre définition du vide par le physicien-philosophe-humoriste allemand du 18e siècle Georg Christoph Lichtenberg [13] « Un couteau sans lame, auquel ne manque que le manche » ne pourrait-elle aider à comprendre la démarche de Sola, qui lui se contente de nous dire, vite, en passant : ‘’vide’’ comme anagramme de Dieu

Et comme le livre de Sola s’est imposé à lui au retour d’un voyage à Auschwitz, il ne pouvait pas ne pas se reposer une fois encore cette même question : « Pourquoi Hitler s’est tant senti menacé par les Juifs ? », à laquelle pourraient aujourd’hui s’ajouter bien d’autres questions, similaires, en d’autres scènes du monde, et avec d’autres noms de leaders politiques…

Laissons le lecteur découvrir les réponses de l’auteur. Elles ne sont pas si nombreuses que cela. Retenons, pour notre part, cette interrogation tellement angoissante qui aurait pu être celle d’Hitler et de ses épigones éparpillés de par le monde : « Et si l’être juif, l’être tout simplement, était présent en chacun des membres des Nations ? ».

Un Juif en chacun de nous ? Supposition ô combien dévastatrice dont on eut bien souhaité que Sola nous en dessine un peu plus la phénoménologie prodiguée à foison par ces deux extraordinaires romans, Le nazi et le Barbier d’Edgar Hilsentrath, lorsqu’un nazi se met dans la peau du Juif assassiné, ou La Danse de Gengis Cohn de Romain Gary, lorsqu’inversement l’esprit du Juif, son dibouk prend possession d’un ex-nazi…

Le Juif et le nazi: Métaphysique de l'antisémitisme

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[1] Voire à ce sujet d’André Sénik, Marx, les Juifs et les droits de l’homme, à l’origine de la catastrophe communiste. Ed Denoël. 2011..

[2] Thèse de Jean-Claude Milner : Les penchants criminels de l’Europe démocratique’’. 2003. Ed Verdier.

[3] Dans ses Mémoires (‘’Un demi-siècle d’utopie’’, page 207), Ed Téraèdre), Karim Mroué, ancien dirigeant du parti communiste libanais, mais aussi de la gauche, mais aussi de différents ‘’Fronts nationaux’’ dit de ‘’Salut’’ constate, dépité, après le départ de Beyrouth, en 1983, des troupes israéliennes : « la rupture des alliances qui venaient de se former : le Hezbollah et Amal se coaliseront contre le PC, Amal fera la guerre aux Palestiniens, les Palestiniens s’entretueront, les Syriens essaieront de faire disparaitre le Hezbollah… Des alliances plus anciennes (datant de la guerre civile, celles-là) ne résisteront pas non plus à la nouvelle situation, et le pire est que ces guéguerres fratricides éclatèrent avant même qu’Israël se soit retiré de l’ensemble du territoire libanais…».

[4] La Violence et le Sacré, 1972, Ed Grasset.

[5]  « Car alors que les Peuples de Grèce et d’Italie, de Sparte, d’Athènes et de Rome et d’autres venus bien plus tard, ont disparu depuis si longtemps, celui-là existe encore, malgré les efforts de nombreux rois si puissants, qui ont essayé des centaines de fois de les effacer, comme leurs historiens en attestent, et comme on peut facilement en juger par l’ordre naturel des choses sur de si longues périodes… »  (publié en 1670, après la mort de Pascal).

[6]’Narcissisme, Christianisme, Antisémitisme’’. Actes Sud. 1997.             

[7]   De l’identité à l’existence, l’apport du peuple juif. Daniel Sibony. 2012. Ed Odile Jacob.

[8] Dieu sommé par Moïse, porte-parole du peuple, de se nommer, avant de recevoir la Tora, répondra ‘’Je serai qui je serai’’.

[9] Question d’Etre, entre Bible et Heidegger. Daniel Sibony. 2015. Odile Jacob.

[10] Après sa mort, Yéhoshua dont la racine hébreue signifie sauver, fut ressuscité en ‘’Jésus’’…

[11] Massacre des Juifs de l’oasis de Khaybar (située à 150 kilomètres de Yathrib, actuelle Médine) par l’armée du ‘’prophète’’, pour avoir refusé de se convertir.

[12] Notamment cette somme qui regroupe l’essentiel de l’apport au judaïsme, de Trigano :’’ Le judaïsme et l’esprit du Monde’’. 2011. Ed Grasset.

[13] https://www.espace-sciences.org/sciences-ouest/377/carte-blanche/faire-le-vide

La marche triomphale des villes franches

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Les grands médias, localisés dans les grandes villes et surtout à Paris, s’inquiètent d’une France qui selon eux vote très mal et ferait sécession. Mais il est bon aussi d’inverser la perspective.


Le résultat des dernières élections atteste, s’il était encore nécessaire de le faire, du profond fossé qui sépare désormais les citoyens des villes des citoyens des champs. Ce que Christophe Guilly anticipait dans Fractures françaises puis dans la France périphérique, est dorénavant un fait confirmé par les derniers scrutins.

Les bourgeois et les habitants des faubourgs, qui votent massivement LFI, et à de rares endroits encore, Renaissance, n’ont plus rien en commun avec les “paysans” – nous y reviendrons – qui votent massivement RN. Si je choisis volontairement de ne pas parler ici de citadins ou de ruraux, mots sans âme, c’est justement parce que bourgeois et paysans, qui nous renvoient au Moyen Âge, sont paradoxalement les seuls à même de décrire aujourd’hui précisément la situation nouvelle qui s’impose à nous. À la chute de l’empire romain (Ve siècle), les paysans (de pagani), désignaient littéralement “les gens du pays”, opposés aux alienus, autrement dit les étrangers. Il s’agissait le plus souvent de soldats ou d’anciens soldats romains, donc, de facto, des conquérants, qui prenaient racine à la fin de leur engagement dans les villes que Rome avait fondées partout dans l’Empire. Que reprochent bientôt les alienus des villes aux pagani des champs ? De refuser la vraie religion, à l’époque le christianisme, qu’ils diffusent massivement. Les pagani fideles (sic) désignent alors ceux qui sont “restés fidèles à leur pays, à leurs traditions, et à leurs racines” nous rappelle Thibault Isabel dans son Manuel de sagesse païenne paru en 2020. Et à leurs religions, qui deviennent… paganistes, évidemment. Toute ressemblance avec ce que nous vivons en Occident, au XXIe siècle, n’est aucunement fortuite. Que prétendent en effet les leaders de l’attelage improbable du Nouveau Front populaire, si ce n’est qu’ils détiennent la vérité érigée en religion, déterminés à l’imposer par la force aux autres ? Ils bénéficient du large soutien des nouveaux prêtres, “sachants” universitaires et relais médiatiques qui leur sont très largement inféodés. Que ce soit le vivre ensemble, la transition énergétique à marche forcée, les “acquis sociaux et sociétaux” qui s’invitent jusque dans l’alcôve, tout est prêche, catéchisme et nihilisme total de tout ce qui préexistait. Tout est vieillot, désuet, old school, et très vite conservateur, réactionnaire, et bien sûr, fasciste, d’extrême-droâte ! François Ruffin, en rupture avec Jean-Luc Mélenchon, n’a-t-il pas ainsi été accueilli à la fête de l’Huma par des centaines de militants scandant « Siamo tutti antifascisti » ? !

France des villes contre France des champs

En raison du mode de scrutin majoritaire à deux tours, et du jeu des désistements, 90% du territoire français et ceux qui y vivent, vont se voir imposer des décisions structurantes, déterminantes, appelées “choix de société”, travesties des habits chatoyants du modernisme et du progrès, par deux minorités numériques et géographiques parfaitement complices – et coupables – dans leur velléité de bâillonner la troisième, afin de présider aux destinées du pays.

J’en arrive aux villes franches du titre de cet article, villes franches aussi appelées communes, les deux termes recouvrant des réalités différentes, mais connexes.

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Replongeons un instant dans un livre d’histoire : cinq siècles ont passé depuis la chute de l’Empire Romain, et partout en Europe – et donc, pas seulement en France -, les bourgeois, habitants des bourgs, exigent des rois ou de leurs vassaux d’avoir les coudées franches dans leurs villes. Ils veulent pouvoir lever l’impôt pour aménager routes et ports, mais aussi ériger des fortifications, et ils veulent aussi pouvoir rendre la Justice, avec des lois qui leur sont propres !  Et même, battre monnaie. Bref, diriger. Les villes franches, puissantes, s’affranchissent largement du pouvoir central, quand elles n’entrent pas en lutte ouverte avec lui, voire, tentent de le renverser. Vous me suivez ? Il devient inéluctable que les bourgeois (en réalité des communards, vu le succès remporté par LFI à Paris et dans bien des grandes villes et faubourgs français, à l’exception de toute autre implantation !) revendiquent aujourd’hui des droits spécifiques qui bousculent l’ordre établi et heurtent les convictions des pagani fideles. Faute d’autonomie – même si les maires de Bordeaux, Nantes, Grenoble ou Paris et tant d’autres se comportent bel et bien comme des bourgmestres, s’affranchissant bien souvent avec audace des règles du droit commun, et de l’autorité des préfets qui les surveillent – ils tentent d’imposer leur religion à tous les autres. Anne Hidalgo ne s’apprête-t-elle pas à faire passer le périphérique à 50 km/h, contre la loi, puisque la vitesse sur cet axe est fixée par un décret du ministre de l’Intérieur ? La piétonisation en douce du pont d’Iéna n’est-elle pas du même acabit ? Tous les jours, nous avons la preuve, sous nos yeux, qu’une majorité (ou une grosse minorité mais très active) d’habitants des grandes villes et les élus qu’ils se sont choisis imposent leurs règles, sans se soucier nullement de l’Etat de droit. Nombreux sont ceux qui s’érigent en hérauts de la lutte contre le séparatisme. Mais il est pourtant inéluctable que la République n’est plus une et indivisible, et que ce sont ces communards et les bourgeois complices qui la font monter sur l’échafaud ! Avant qu’il ne soit trop tard, et l’on sait ce que trop tard dans l’histoire veut dire, ne faudrait-il pas alors envisager d’en finir avec l’Etat jacobin une bonne fois pour toutes, en enclenchant une nouvelle étape ambitieuse de la décentralisation du pays ? En donnant aux villes devenues franches une large autonomie juridique et financière, ne pourrions-nous pas sortir de cette situation absurde dans laquelle des minorités, mais concentrées dans les villes, imposent leur vision du monde et de la société à la majorité qui occupe 90% du reste du territoire ?

Organisation du séparatisme

Franches, les villes, et leurs faubourgs unis à elles au sein des communautés de communes, seraient libres de réprimer ou au contraire de libéraliser le trafic et la consommation de drogue, et de lever des taxes au passage. Libres de transformer leurs parcs et jardins, leurs écoles et leurs gymnases, leurs HLM, en centres d’hébergement d’urgence, plutôt que d’envoyer des migrants par dizaines de milliers “au vert’, chez les pagani fideles qui n’en veulent pas et n’ont rien demandé. Libres d’interdire voitures à moteurs thermiques ou même toutes les voitures dès demain, pendant que les pagani fideles pourront continuer à rouler au diesel ou à l’essence chez eux, en dehors des ZFE. Libres de taxer les passoires thermiques ou d’en interdire la location, quand on laissera enfin tranquilles les habitants des longères et corps de ferme qui seront encore debout dans deux cents ans – et que bien des urbains sont d’ailleurs ravis de louer pour le week-end… Libres d’installer des panneaux solaires partout sur les toits, ce que la plupart des PLU urbains interdisent, pour cesser enfin d’installer à marche forcée (souvent, au mépris de la loi !) des éoliennes ou des fermes solaires sur des terres agricoles pour alimenter en électricité, les villes.

A lire aussi, Ivan Rioufol: Le réveil des peuples maltraités affole les mondialistes

Mais bien sûr, il y a une contrepartie à cette liberté. L’électricité en est un bon exemple. N’est-il pas paradoxal que le vote des habitants des villes, dont on sait à qui va leur préférence, affecte autant le quotidien des habitants de la campagne ? Alors même que la totalité des infrastructures de production d’électricité y sont installées ? Aujourd’hui, tous les abonnés à EDF et à ses concurrents acquittent des taxes d’acheminement de l’électricité identiques. Il serait en réalité parfaitement juste de faire contribuer d’avantage les habitants des villes qui sont loin des moyens de production et de leurs nuisances, et moins, voire pas du tout, ceux qui en sont voisins et trop souvent, les subissent ! Autre exemple concret de rééquilibrage : aujourd’hui, un plombier ou un chauffagiste installé en lointaine banlieue vit un véritable calvaire pour pouvoir intervenir chez ses clients parisiens, en particulier dans l’hyper-centre, ce qui est vrai aussi dans bien d’autres grandes villes françaises. Ne serait-il pas juste que son client, qui a voté pour une ville sans voitures, sans utilitaires, s’acquitte d’une surprime significative sur sa facture d’intervention, permettant au professionnel de compenser le droit de stationnement à tarif prohibitif, le temps perdu pour arriver jusqu’à lui, et demain, un éventuel péage urbain ?
En réalité, il faut en finir avec la situation ubuesque actuelle, où les pagani fideles doivent céder du terrain tous les jours, supporter l’insupportable diktat des communards qui imposent leur Loi.

Tout cela peut paraître utopique, mais c’est en réalité parfaitement banal dans bien des pays occidentaux, que ce soit en Allemagne, en Espagne, en Suisse, en Italie et bien sûr, aux Etats-Unis, ou des florilèges de règles et de lois locales, parfois édictées au niveau du comté, du landkreis, régissent la vie des citoyens, lesquels sont associés à leur mise en place par des référendums locaux. Et quand on n’est pas d’accord… « Go west », proclame le tube de Bronski Beat ! Il n’y a que chez nous, à cause du jacobinisme, que nous pensons que les mêmes règles, lois et impôts doivent s’appliquent à tous, alors même que nous ne sommes factuellement pas tous égaux devant ces règles, lois et impôts ! Simplement en raison… de l’endroit où nous avons choisi de faire notre vie.

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McKinsey et la tare de consanguinité

Le magazine « Cash Investigation » d’Elise Lucet est venu une nouvelle fois reprocher à la macronie d’avoir fait appel trop souvent au prestigieux cabinet de conseil américain.


Il se trouve que Philippe de Villiers n’a pas attendu l’ayatollah Lucet et son Cash Investigation pour dénoncer la collusion entre le cabinet privé Mc Kinsey et Emmanuel Macron. Bien avant tout le monde, le créateur du Puy du Fou révélait que, dès le début de la première campagne présidentielle du transfuge de la banque Rothschild, les mercenaires de chez Mc Kinsey étaient à la manœuvre. Bénévolement, ne manquait-on pas de faire valoir. Sauf, que, par la suite, le retour sur investissement aura été des plus profitables pour cette officine américaine de conseils en stratégie tous azimuts : politique, marketing, communication, etc. C’est tout juste si l’Élysée, les gouvernements successifs du quinquennat, n’ont pas fait appel à la lumière (coûteuse) de ces hautes intelligences pour déterminer la couleur des moquettes ministérielles et choisir le fournisseur des tailles crayon.

Humilité intellectuelle

On pardonnera au quidam lambda que je suis de trouver bizarre que des gens aussi instruits, aussi bien formés aux choses de la politique, aussi sûrs d’eux-mêmes et de leurs supposés talents, des gens aussi bien entourés au sein de leurs cabinets ne puissent pas trouver en eux-mêmes et autour d’eux les pistes, les solutions, les voies à emprunter pour faire marcher le pays ? On est effectivement fondé à se poser la question. Cela dit, s’enquérir de conseils extérieurs n’est certainement pas en soi une mauvaise idée. Ni une pratique condamnable a priori. On pourrait même déceler dans cette démarche quelque chose comme une manifestation d’humilité intellectuelle. À ceci près que la modestie ne paraît pas être la vertu dominante de ce petit monde-là.

À lire aussi, du même auteur: L’or puant des couches-culottes

Un autre aspect ne cesse d’intriguer lorsqu’on y prête attention. Je veux parler ici de l’étrange et criante consanguinité existant entre les uns et les autres, les conseilleurs et les conseillés. Tous sortent peu ou prou du même moule : même cursus, passage par les mêmes écoles de pouvoir, même modus vivendi, mêmes références socio-culturelles. Et, pour faire bonne mesure, mêmes souliers pointus et costards ajustés au plus près. Ce point-là aussi peut paraître bizarre à quiconque observe cela de loin. Pourquoi cultiver cette consanguinité ? Pourquoi ne pas aller chercher ailleurs avis et conseils ? Pourquoi se condamner à l’infertilité de l’entre-soi ? Pourquoi refuser d’emblée toute surprise, toute secousse que provoqueraient des suggestions venues d’ailleurs, différentes, voire divergentes ? Pourquoi ne pas chercher appui du côté des vrais gens, des acteurs de la vraie vie, de ceux qui font fonctionner le pays au quotidien et qui, de ce fait, n’ont pas forcément face aux problèmes qui se posent l’approche copie-conforme à ses propres vues que le pouvoir obtient inévitablement par effet miroir en s’en tenant au recours à ses consanguins, à ses clones ?

Question embarrassante

Qu’aurait-il donc à craindre en se tournant vers le « pays réel » ? De quoi les gouvernants ont-ils peur ? Car il s’agit bien de cela. La peur. La défiance que leur inspire le peuple. C’est ce qu’on a bien vu lors du second tour des législatives avec la fameuse et fumeuse théorie du barrage. Ils ont eu beau jeu de présenter leur stratégie de « barrage » comme une exigence « morale », le refus de pactiser et de se compromettre avec une force politique artificiellement présentée comme sulfureuse. Eux-mêmes croient-ils une seule seconde à la pertinence de l’argument ? La vérité toute simple ne serait-elle pas que ce barrage était en fait un barrage contre le peuple ? Contre l’organisation politique qui en est aujourd’hui, de loin, – les tout récents sondages le confirment clairement – la plus proche ?

La crise de la démocratie, prélude au grand effondrement?

En France, on attend toujours la composition du gouvernement de Michel Barnier. À Bruxelles, notre pays perd un commissaire européen avec Thierry Breton – il est rapidement remplacé par Stéphane Séjourné.


La crise de la démocratie n’affecte pas seulement la France, qui n’a plus de gouvernement depuis plus de cent jours. Elle s’incruste au cœur de l’Europe coupée des peuples. Le limogeage de Thierry Breton par Ursula von der Leyen rappelle la dérive soviétoïde de l’UE. Le commissaire européen, qui voulait mettre sous surveillance des réseaux sociaux dont celui d’Elon Musk (X), s’est fait débarquer lundi alors qu’Emmanuel Macron l’avait renouvelé à son poste en juillet. Le proscrit a été remplacé par le ministre des Affaires étrangères Stéphane Séjourné, un proche du chef de l’État français, qui s’est vu confier le ronflant secteur de « la Prospérité et de la Stratégie industrielle ».

Cuisine bruxelloise

Or ces purges au sommet s’opèrent, sous la férule de la présidente de la Commission, dans l’opacité de l’entre-soi. En cela, ces pratiques oligarchiques de cooptations et d’allégeances se rapprochent de celles qui avaient cours dans l’ex-Union soviétique. Ces tambouilles confirment l’analogie que le dissident soviétique Vladimir Boukovsky avait dressée en 2005 entre l’URSS et l’UE[1]. Il constatait que si « ces deux ennemis irréductibles » (l’Union soviétique et son système soviétique) avaient disparu, il voyait « renaître le Léviathan » derrière l’Union européenne « employant les mêmes vieux trucs » pour « s’attirer le soutien populaire et paralyser ses adversaires ». Ainsi, écrivait-il, l’UE « se pare des atours de la paix et du progrès, de l’avenir forcément radieux et de l’abondance toujours promise », comme l’URSS promettait le bonheur à l’humanité.

A lire aussi, Céline Pina: Un charisme bruxellois

De fait, rien ne ressemble plus au Politburo d’hier que la Commission européenne d’aujourd’hui. D’un côté, comme le rappelait Boukovsky parlant de la structure communiste, « une quinzaine de personnes non élues qui se cooptaient selon des règles incompréhensibles au commun des mortels mais selon des critères de fidélité à la direction et au « cher Parti communiste » ». De l’autre, avec la Commission, 27 personnes également non élues, désignées selon des critères flous pour des missions peu claires issues de travaux largement confidentiels. Lisons une nouvelle fois Boukovsky (cité par Ludovic Greiling dans Le monde qu’ils veulent) : « La Commission seule dispose de la prérogative de proposer des textes législatifs que l’on appelle directives. Ces dernières, élaborées par les technocrates européens, sont entérinées avec autant d’efficacité que l’étaient au Soviet suprême celles concoctées par les technocrates du Comité central du Parti ».

Michel Barnier, le sauveur ?

L’UE despotique connaîtra-t-elle le sort de l’URSS dictatoriale ? À l’évidence, le réveil des peuples oubliés oblige les élites, européennes et françaises, à s’ouvrir au monde ordinaire. La colère qui s’y répand est portée par une demande pressante de liberté; celle-là même qui a fait s’effondrer l’Union soviétique. Le procès en destitution de Macron, que vient d’ouvrir LFI, n’a certes aucune chance d’aller à son terme. Cependant, l’ouverture de la procédure illustre la débâcle démocratique en cours. Michel Barnier, issu d’un parti minoritaire et qui peine à constituer un gouvernement, en est également le produit. « La situation budgétaire est très grave », a-t-il annoncé de surcroit ce mercredi matin. Tout annonce l’effondrement d’un système à bout de souffle, qui n’a plus prise sur le réel.


[1] L’Union européenne, une nouvelle URSS ? Editions du Rocher

Insécurité: que peut-faire Barnier?

Obliger police et Justice à s’apprécier ? Les regrouper sous une autorité commune ? C’est l’idée du grand ministère de la Sécurité nationale. Et si Michel Barnier avait raison, et reprenait son idée de 2021 ?


Un grand pôle « sécurité, justice, immigration » est prévu à Matignon et, comme il se doit, les syndicats judiciaires dénoncent d’une voix unie l’absence d’un conseiller « justice » autonome. Cette protestation ne doit pas émouvoir le Premier ministre dès lors que ce regroupement correspond à une logique forte et que par ailleurs Michel Barnier, quand il était candidat à l’investiture LR lors de la primaire en 2021, avait formulé à mon sens une excellente proposition : celle d’un grand ministère de la Sécurité nationale réunissant Justice et Intérieur. Il ne semble pas que la seule argumentation sur l’absence préjudiciable d’un conseiller « justice » spécifique soit déterminante. Ce corporatisme organique ne serait décisif que si le triptyque envisagé par Matignon n’était pas cohérent et ne formait pas une unité naturellement solidaire, tant par la proximité des éléments qui la composent que par leur efficacité pratique dans le combat mené par les forces régaliennes pour répondre aux menaces actuelles. Qui pourrait nier en effet la complémentarité opératoire sur le plan pénal et le déséquilibre entre sécurité, immigration et justice ? Mais l’originalité de la provocation formulée par Michel Barnier en 2021 est ailleurs : elle réside dans le fait de la création d’un unique ministère qui serait structuré de telle manière qu’il aurait la main et la maîtrise à la fois sur la part judiciaire et sur la part sécuritaire.

En totale immodestie je suis d’autant plus sensible à cette suggestion que depuis des années, dans des notes et des analyses, j’avais soumis cette idée aussi bien à Raymond Barre qu’au CDS de Jacques Barrot et Pierre Méhaignerie. En vain, bien évidemment.

A lire aussi: Le réveil des peuples maltraités affole les mondialistes

Parce que pour être accordé à l’importance d’un tel thème, il faut être au fait d’une réalité pénale qui oppose trop souvent les magistrats aux fonctionnaires de police, la Chancellerie à la place Beauvau et, plus généralement, la Justice et sa condescendance à l’Intérieur avec sa détestation de certains juges. Cet antagonisme, avec la faillite de l’exécution des peines, est le problème le plus préoccupant aujourd’hui. Il ne pourrait être théoriquement résolu que si, par miracle dans une même structure, étaient techniquement et politiquement soudés deux univers que l’organisation contraindrait à travailler ensemble et donc, à force, à s’apprécier.

Il est navrant de constater le caractère utopique d’une telle révolution alors que pourtant rien, entre police et magistrature, n’interdirait, en parfaite conscience de leur utilité républicaine commune, une complicité de bon aloi au service du peuple et un respect mutuel. Non plus une police présumée coupable et aux mains sales contre des juges à l’esprit propre et trop ignorants d’une quotidienneté dangereuse et des risques courus par les policiers. Mais des alliés pour favoriser le meilleur et prévenir ensemble le pire.

Je ne voudrais pas qu’à nouveau, trop rapidement, le syndicalisme judiciaire protestât avant de réfléchir.

Pérou : Fujimori, comme un De Gaulle andin?

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Alberto Fujimori, président du Pérou de 1990 à 2000, est décédé le 11 septembre. Il avait été poursuivi par la justice, enfermé 18 ans en prison, et ses méthodes ont été controversées. Mais son pays a finalement décidé de lui accorder un deuil national de trois jours. Au pouvoir, il avait mis fin à l’insurrection armée conduite par le « Sentier lumineux » et rétabli l’économie


Pour les quelques rares hommes d’État qui ont eu la trempe d’affronter les pires tourments d’une époque et de les avoir vaincus alors que cela semblait impossible, mais ingratement voués aux pires gémonies par leurs acrimonieux opposants, leur mort a une vertu, cruelle certes parce que posthume : elle ouvre la voie à leur réhabilitation.

Ce fut notamment le cas de de Gaulle que Mitterrand qualifia, de dictateur ; de Churchill, l’homme des « larmes et du sang » que les électeurs britanniques congédièrent comme un malpropre au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale alors qu’il leur épargna une occupation nazie…

Et c’est déjà le cas d’Alberto Fujimori, le président du Pérou de 1990 à 2000, condamné à 25 ans de prison pour soi-disant « crime contre l’humanité », mort le 11 septembre à l’âge de 86 ans des suites d’un cancer, neuf mois seulement après avoir bénéficié d’une grâce à titre humanitaire et avoir effectué 18 ans de sa peine. Sa réhabilitation n’a pas tardé. De manière surprenante, elle a commencé le jour même de son décès. Malgré « l’infamie » de sa condamnation, à l’étonnement général, il a eu droit à des obsèques nationales.

La présidente de gauche (et non de droite comme l’a dit Le Monde), Dina Boluarte, a sur le champ décrété un deuil national de trois jours auquel s’est aussi associé le maire de Lima, la capitale, lui aussi de gauche. Durant ceux-ci, des milliers de Péruviens ont formé une queue ininterrompue de plusieurs kilomètres, pour lui rendre un dernier hommage, en s’inclinant devant sa dépouille qui était exposée au Musée de la Nation… Dimanche, un raz de marée humain, comme la capitale du Pérou n’en avait jamais connu, l’a accompagné en son ultime demeure. Avant, son cercueil avait été conduit au palais présidentiel pour que la Garde présidentielle lui rende les derniers honneurs. 

Une réputation d’autocrate et de génocidaire

Comment expliquer que « le peuple l’ait absous », selon le titre du quotidien La Razón (La Raison) de lundi, aussi massivement et promptement ? C’est que, à bien des égards, Fujimori peut être considéré comme un de Gaulle andin. Pour les classes populaires, pour les paysans de l’Altiplano, Fujimori fait figure de sauveur de la nation, à l’instar du Général en 1958. Quand il accède au pouvoir en 1990, le pays est en ruine, banni du système financier international, l’inflation atteint les 7500%, la devise nationale, le Sol, n’est qu’un bout de papier pour toilette. Au désastre économique s’ajoute l’existence de la guérilla du Sentier Lumineux, se réclamant des Khmers rouges, qui mène une politique de terreur et, surtout, semble sur le point de l’emporter… Pour le président fraîchement élu, ce fut en quelque sorte sa guerre d’Algérie.

Deux ans plus tard, suite à « un choc » qualifié d’ultra-libéral, Fujimori avait cassé les reins à l’inflation, un impôt indirect que seuls les pauvres paient, et le Sentier Lumineux était vaincu après l’arrestation de son chef Abimaël Guzman grâce à une politique de renseignement et non d’affrontement direct qui jusqu’alors avait échoué et fait quelque 30 000 tués très majoritairement imputable à l’organisation terroriste.

Troublante coïncidence de l’histoire, Fujimori et Guzman sont morts le même jour de l’année, un 11 septembre, au même âge, 86 ans, avec cependant un décalage de trois ans entre leurs décès. C’est ce que les surréalistes auraient qualifié de « hasard objectif ». On est dans du Garcia Marquez et son Cent ans de solitude

L’heure est venue donc plus tôt que prévue de casser, entre autres, trois fausses vérités colportées à satiété par une certaine presse (ces jours-ci par les deux principaux quotidiens nationaux de référence, Le Monde et Le Figaro) qui ont valu à Fujimori, surnommé le « Chino » en raison de son ascendance japonaise, sa réputation d’autocrate et de génocidaire.

En vérité, il n’a jamais été condamné pour crimes contre l’humanité, aucune politique de stérilisation forcée n’a été menée, et le prétendu « auto-golpe » (auto-coup d’Etat) du 5 avril 1992 qui lui a valu d’être qualifié de dictateur n’a pas été un putsch mais un contre-putsch, fondateur du Pérou d’aujourd’hui. Le Parlement se préparait à le destituer. Il prit donc ses devants. La constitution d’alors ne permettait pas dissolution. Alors il envoya l’armée le fermer, dans la foulée fit élire une constituante. Un an après, il faisait adopter par référendum la nouvelle constitution toujours en vigueur, dont la philosophie s’inspire beaucoup des principes de celle de notre Vème république.

En réalité, il a été condamné pour « responsabilité indirecte » (autoria mediata en espagnol) dans deux massacres, dits de la Cantuta et de Barrios altos, une université et un quartier populaire de Lima, perpétrés par un escadron de la mort constitué de policiers, le groupe Colina, qui s’était formé dans les années 80, sous la présidence de son prédécesseur, le social-démocrate Alan Garcia, en réaction à la pusillanimité des magistrats envers les terroristes par crainte pour eux et leurs familles de représailles.

Ces deux massacres n’ont jamais été qualifiés dans l’acte d’accusation de crimes contre l’humanité. Au moment des faits, ce chef d’accusation n’existait pas au Pérou. Il a été seulement dit dans les attendus de la condamnation que ceux-ci « auraient pu y être assimilés ».

Le concept de « responsabilité indirecte » a été élaboré lors du procès de Nuremberg pour condamner les responsables nazis qui n’avaient pas été les exécuteurs de leurs crimes mais les concepteurs et donneurs d’ordre.

Durant tout le procès de Fujimori qui a duré 13 mois à raison de trois sessions par semaine du 4 janvier 2008 au 7 mars 2009 (que l’auteur de ces lignes a suivi de bout en bout), pas le moindre indice d’un début de preuve n’a été apporté accréditant que l’accusé avait pensé et donné l’ordre de ces exécutions sommaires[1]. En fait, comme le souligne dans sa chronique de samedi le très influent éditorialiste de El Commercio (l’équivalent du Figaro), Jaime de Althaus, il a été condamné parce qu’en sa qualité de chef de l’État, selon les juges, il ne pouvait qu’être responsable mécaniquement des méfaits que tout fonctionnaire était susceptible de perpétrer. Donc coupable, non de ses actes, mais de par son statut.

Mythes et réalité  

Le quotidien Perú 21, le pendant, lui, en quelque sorte, du Monde, estime dans son édition du 13 septembre que cette condamnation relève d’un abus du droit. Tout au plus, souligne l’éditorial, Fujimori aurait dû être poursuivi pour complicité pour n’avoir pas sanctionné les auteurs de ces deux tueries. Le problème était qu’il ne pouvait pas sanctionner tant que leur culpabilité n’avait pas été établie.

Pire, le très respecté journaliste d’investigation, Ricardo Uceda, et le propre fils du Nobel Mario Vargas LLosa, Alvaro, journaliste lui aussi, ont dans leurs livres respectifs[2] affirmé que ce procès fut une parodie de justice. D’après eux, la condamnation de Fujimori avait été concoctée en catimini entre le président du Tribunal suprême, César San Martín, et trois avocats espagnols spécialistes de la « responsabilité indirecte » bien avant l’ouverture du procès. Un élément tend à fortement corroborer cette allégation. Les attendus de la condamnation rendue après un délibéré de seulement une semaine font plus de 500 pages… Écrire 500 pages de considérations juridiques en huit jours tout en délibérant relève du Guinness Book. Dès lors, l’accusé avait été condamné avant même d’avoir été entendu et jugé.

Enfin, concernant l’autre infamante accusation, celles de plus 270 000 stérilisations forcées que les ONG droit-l’hommistes n’ont cessé de mettre en exergue pour accréditer l’inhumanité de Fujimori, la justice a fini par leur tordre le cou. Le 10 août dernier, elle s’est finalement résignée au bout d’un quart de siècle d’une soi-disant investigation, à prononcer un non-lieu, estimant qu’il n’y avait eu aucune politique délibérée. Ces stérilisations se réduisent, a-t-elle conclu, « à quelques cas isolés et en nombre très réduit mais d’aucune manière elles relèvent d’une intention criminelle. Elles ont été avant tout conséquence de la négligence de quelques membres du corps médical. »

Quant aux accusations de corruption visant personnellement Fujimori, toutes sont tombées les unes après les autres.

Le funeste sort de ce dernier est un cas d’école sur la manière de comment un système médiatique peut falsifier la réalité en tordant les apparences. Tout journaliste devrait relire en permanence le Mythe de la caverne : les ombres ne sont pas le réel même si elles en sont l’émanation.


[1] Pour plus amples détails sur ce procès, voir le texte de l’auteur de l’article, « La Vengeance des autruches » qu’on trouve en espagnol sur internet « La venganza de las avestruces » (buenatareas.com ou es.slideshare.net)

[2] Respectivement Muerte en Pentagonito (page 322-24) – Mort au petit Pentagone, le petit Pentagone est le siège de l’état-major des forces armées péruviennes -, El reino del espanto (page 44) – Le règne de la peur. Aucun des deux n’a été traduit.

L’or puant des couches-culottes

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Le journaliste Victor Castanet vient d’entamer une nouvelle grande tournée des médias pour promouvoir une enquête qui dénonce des dérives dans le secteur des crèches.


Après les EPHAD, les crèches. Après les anciens, les bambins. Après Les Fossoyeurs, ouvrage d’enquête qui mettait en lumière les pratiques souvent odieuses de certains EPHAD du secteur privé, voilà que paraît un nouveau réquisitoire, les Ogres, exposant cette fois les dérives, les aberrations de fonctionnement d’établissements, là encore du secteur privé et concurrentiel, voués à l’accueil de la petite enfance. L’investigateur-auteur de ces enquêtes aux révélations proprement révoltantes, Victor Castanet. Cette fois, il est allé fouiller du côté des couches-culottes et le moins qu’on puisse dire est que ça ne sent pas très bon.

Dans les deux cas, les dysfonctionnements, souvent effarants, trouvent leur principale explication dans la doctrine du système général : faire du fric. Toujours plus de fric. Tous les moyens – ou presque – sont bons. Une concurrence impitoyable règne à côté de laquelle celle qu’affrontaient les héros de Dallas ne serait que bluette. On casse les prix à l’appel d’offre pour l’emporter et après on se débrouille pour rogner sur tout afin de dégager le sacro-saint profit qui est aux actionnaires ce qu’est le petit pot vitaminé aux tout petits, ce après quoi ils braillent à tue-tête quand ils sont en manque. Une parmi une kyrielle de pratiques louches, le bidouillage des feuilles de présence des enfants afin d’empocher le maximum d’argent des caisses d’allocations familiales. On allonge la durée de leur supposée présence à la crèche et on les inscrits même quand ils ne sont pas là. Tout est pour le mieux. Au bout de l’entourloupe, le contribuable paiera.

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Même la crèche de Matignon est entrée dans la danse, sélectionnant sur appel d’offre un affriolant « moins disant ». À croire que dans les services du Premier ministre personne n’est assez compétent pour réaliser que lorsqu’on propose à trois mille euros un service dont le coût réel est de douze mille, il y a nécessairement un loup. Comme dans les fables à faire peur aux petits, un gros loup aux dents bien acérées. Drôle non ?

Hier donc, les anciens. À présent, les bambins. L’explication, la seule, la vraie : le cynisme écœurant du système. Le système qui n’a de considération pour l’être humain qu’autant qu’il se cantonne dans le rôle qui lui est assigné de brave et docile producteur-consommateur. Or, au début de l’existence, à l’âge des couches-culottes, comme à la toute fin (où hélas on ne peut exclure le retour du même équipement) l’individu n’est de facto ni véritablement un consommateur, ni un producteur. Pour autant, la loi du système ne saurait tolérer que cela suffise à le dispenser de participer à la grande course aux profits. La solution imposée est d’une simplicité confondante : faisons en sorte que l’ancien et le marmot deviennent eux-mêmes le produit. Le produit, tel le paquet de lessive, autour duquel s’organisent un marché, une concurrence, une mécanique génératrice d’argent. Ainsi, dans ce monde impitoyable, il est impératif que, de son premier souffle à son dernier, l’être humain soit «  rentable », bankable. Cela en dit long sur le niveau d’indignité qu’atteint notre société, notre civilisation. Chez bien des peuples dits primitifs le petit d’homme et l’aïeul sont sacrés. Chez nous, seul le tiroir-caisse l’est.

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Sébastien Delogu, le triomphe de l’échec…

Quand il ne multiplie pas les sorties douteuses ou ne se donne pas en spectacle avec un drapeau palestinien à l’Assemblée, le député LFI de Marseille Sébastien Delogu présente des difficultés en lecture et fait preuve d’une grande inculture historique. Mais, LFI se dit fière de la diversité de ses profils. « La politique n’est pas réservée à une élite ! » avance Manon Aubry. Ah bon ?


Au sein d’une effervescence politique, sociale et médiatique où les repères s’effacent et les boussoles se dérèglent, se dégagent quelques constantes révélatrices d’un changement profond. En France on a toujours connu, à l’exception de la période gaulliste où la compétence et le sens de l’État étaient des critères dominants, cet insupportable paradoxe où les échecs n’étaient jamais sanctionnés. Au contraire, ils étaient validés par des promotions que le commun des citoyens ne comprenait pas et qui offraient le grand avantage de laisser tranquille les élites réelles ou prétendues face à leurs erreurs ou, pire, leurs scandales. Depuis quelque temps est survenue une forme de perversion qu’on pourrait qualifier, dans beaucoup de domaines, de triomphe de l’échec. D’apothéose de la déconfiture. D’arrogance de la médiocrité.

À tout seigneur tout honneur, si j’ose dire. Quand on constate que le président de la République ose s’afficher comme garant du bon fonctionnement de nos institutions face au Premier ministre Michel Barnier, alors qu’il les a subverties et qu’à cause de lui la France se trouve dans un état de discrédit, il y a de l’abus. L’épisode choquant du remplacement de Thierry Breton, imposé par Ursula von der Leyen et sans réaction de la part du président, vient encore de le démontrer.

Il y a des épisodes mineurs qui enseignent sur ce plan également. Entendre une Manon Aubry soutenir qu’elle est fière de l’élection d’un député comme Sébastien Delogu, comme elle l’était hier de celle de Rachel Kéké, dépasse l’entendement. Comme si, par son élection, un député devenait forcément respectable et remarquable alors que, d’origine modeste ou non, il ne le devient que par la qualité de ses propos, de ses actions.

Pour ma part je ne supporte plus cette démagogie qui consiste à louer par principe ceux qui n’ont pas bénéficié de toutes les chances de la vie. C’est en fait du mépris, comme si on les estimait incapables de démontrer ce qu’ils valent vraiment. On les traite tels des êtres inférieurs auxquels il serait malséant d’appliquer les règles, les principes, les exigences nécessaires pour tous. Le triomphe de l’échec a mille facettes. Il est la conséquence d’une sorte de lassitude face à l’effort que l’excellence implique. Comme on n’en peut plus de cette tension quotidienne et épuisante pour atteindre le meilleur, on a décrété que le pire ne doit plus être un motif de discrimination, ni susciter un risque d’exclusion. Il s’agit d’un ajustement, d’une adaptation. Comme au fond on a abandonné la partie, on a décidé que la perdre était une aubaine, une solution. L’apothéose de la déconfiture, un peu partout, sur une multitude de registres, est l’éclat facile d’une France dérivant doucement, d’un monde qui s’abandonne.

Le pouvoir d’achat, ce paresseux mantra

Les Français travaillent moins et moins bien que leurs voisins mais demeurent de grands consommateurs. La classe politique répète que leur fameux pouvoir d’achat est en berne alors qu’il ne cesse d’augmenter, au prix d’un endettement irresponsable. Ce système redistributif dessert l’intérêt général, sans parler des générations futures.


L’unanimité autour du sacro-saint pouvoir d’achat concentre toutes les lâchetés démagogiques des électeurs français et de leurs élites politiques. Les voir chouiner comme des enfants réclamant des bonbecs, en dépit d’un bulletin scolaire lamentable, peut déclencher des réactions compréhensibles – claquage de beignet, voire stigmatisation du cancre (sans cellule de soutien psychologique).

Pendant que RN et NFP nous bercent d’illusions, notre productivité décroche

Résumons la position des deux principales forces politiques du pays – le RN et le NFP : primo, le pouvoir d’achat est en berne voire en baisse constante ; deuxio, pour renforcer ledit pouvoir, il suffirait d’augmenter les salaires du privé – en rognant sur les dividendes des patrons actionnaires –, ainsi que les rémunérations de la fonction publique – en continuant à emprunter ou en augmentant les impôts des « riches ». Le tout donne la formule gagnante du bonheur, béatitude intimement indexée sur la consommation.

Le hic, c’est que tout est faux dans ce discours dangereux. Le pouvoir d’achat des Français a régulièrement augmenté depuis dix ans, y compris en 2020 pendant les confinements successifs (!), à l’exception certes de 2022, année de guerre et du choc inflationniste ukrainien. Il a même crû plus qu’ailleurs au prix d’un endettement irresponsable.

A lire aussi, Jean-François Achilli: Le charme discret de la gauche désunie

Bercer d’illusions les Français ne peut que mal finir. Ne pas leur dire que nous sommes sur le point de recueillir le dernier soupir d’un système redistributif à bout de souffle dessert l’intérêt général. Mais qui se soucie encore du bien commun ? Le droit individuel à consommer mobilise plus facilement la classe politique que le droit collectif de défendre les générations futures, sa culture ou ses frontières. Les Français réclament aussi du pognon à leurs Maîtres, car ils ont compris qu’en matière de régalien, ils pouvaient toujours se brosser.

Quoi qu’il en soit, l’OCDE nous indique que nous avons travaillé 664 heures par habitant en 2023 contre 770 dans la zone euro. Une zone sociale-démocrate où l’on chouine moins tout en bossant 16 % de plus sans déambuler de Bastille à Nation. Sur la durée d’une vie, le boulot nous accapare moins que les autres, notamment en raison du faible taux d’emploi des seniors et d’un âge de départ à la retraite très anticipé. La remarquable productivité des travailleurs français permettait jadis de compenser ce handicap. Ce n’est plus le cas. Depuis 2019, dans ce secteur également, la France décroche et l’Allemagne ou les États-Unis ont connu une croissance supérieure de 30 à 50 % de cet indicateur clé de la compétitivité. Bref, le scandale n’est pas la faiblesse du pouvoir d’achat des Français. Ce qui est incroyable, c’est que la consommation reste aussi élevée dans un pays où l’on travaille moins et désormais moins bien que ses concurrents. En somme, nous endettons les générations futures pour acheter des vêtements surnuméraires chez Zara. Pas pour rivaliser avec les Gafam. Paradoxe, Marine Tondelier ou Mélenchon nous promettent de sauver la planète en prônant des mesures de « sobriété ». Cette prédilection pour une décroissance mal assumée – car électoralement risquée – s’accompagne de discours misérabilistes sur un pouvoir d’achat qu’il serait urgent de doper. LFI remet même au goût du jour la relance par la consommation, sans doute pour occuper les esclaves ouïghours de ses amis chinois. Le NFP nous promet de gagner plus, mais pour faire quoi de cet argent ? Le donner au Venezuela ? Non, pour acheter des produits importés chez Lidl et s’abonner à Netflix !

Alors soit, ne sauvons pas la planète et augmentons les salaires ou plus exactement le salaire net. Pour qu’un salarié touche ici 80 euros, un employeur doit en débourser plus de 150, cas unique au monde ! Ces 70 euros préemptés financent une protection sociale ultra généreuse, plus coûteuse qu’ailleurs et désormais, on le sait depuis le Covid, moins performante.

Taxer les riches

Illustration parmi d’autres des aberrations dispendieuses, il existe en France 42 caisses de retraite. Chaque officine dispose bien sûr de sa propre brigade de ronds de cuir. Selon les standards européens, notre pays ne devrait en compter que cinq à dix, soit environ 35 armées mexicaines de parafonctionnaires aisément dispensables. Ces surcoûts, dont la Cour des comptes, dans une courtoise indifférence générale, compile l’existence depuis des décennies, existent au sein de milliers de structures publiques. Y mettre bon ordre constituerait l’alpha et l’oméga d’une hausse saine des revenus nets[1]. Sans grever la compétitivité de nos entreprises ; sans alourdir les impôts des 10 % des « plus aisés » qui n’en peuvent mais. Cette frange de contribuables, abusivement qualifiés de riches pour 9/10e  d’entre eux, contribue déjà à hauteur de 70 % aux impôts directs. Aucun de nos voisins européens ne pressure autant ce décile indispensable à la richesse d’une nation. Ce sont pourtant eux que le NFP vise lorsqu’il annonce que 90 % des ménages ne seraient pas impactés par les hausses d’impôts dont ils rêvent. Dans un pays pétri de jalousie, le candidat Hollande avait fixé le seuil de richesse à 4 000 euros par mois – des revenus qui ne permettent guère de fréquenter les palaces ou d’entretenir un yacht. Proposons une autre définition de la richesse : est riche celui qui vit sans travailler. Qu’il tire un revenu de ses rentes ou de ses allocs, de sa retraite ou de l’un des nombreux jobs « zombies », notamment les 500 000 postes de fonctionnaires territoriaux créés par pur électoralisme. Il y a donc, selon ce critère, beaucoup plus de riches qu’on ne le croit dans ce pays. Enfin, une bonne nouvelle.

A lire aussi, Elisabeth Lévy: Flemme olympique: Métro, conso, dodo

Si l’on voulait sincèrement augmenter le pouvoir d’achat, il faudrait inciter les Français à se retrousser les manches et accepter de questionner l’efficacité de la dépense publique. Ce dossier central n’intéresse, hélas !, personne, à l’exception de la frange « ultralibérale » des LR (Lisnard et consorts). La gabegie semble en effet faire partie du pacte républicain. S’interroger sur l’utilisation des milliers de milliards prélevés par l’ogre bureaucratique revient à officialiser son ralliement à la « droite extrême ». Seule demeure envisageable l’augmentation éternelle des budgets, financée par la dette et les hausses exponentielles d’impôts. La France se comporte tel un bricoleur myope qui raterait systématiquement le clou et proposerait d’augmenter la taille du marteau plutôt que d’apprendre à viser. Qu’on lui donne des lunettes ! Sinon, la mise sous curatelle par le FMI ou la BCE nous guette. Une autre bonne nouvelle ?


[1] Admettons que les charges sociales ne soient plus de 70 euros, mais de 60. Partageons ce gain de dix euros en deux, cinq euros pour l’employeur, cinq euros pour le salarié. Ce dernier verrait son revenu brut augmenter de 5/80 = 6 %. Pas mal non ?

L’Église honteuse

L’Église anglicane serait-elle en train d’opérer un « rebranding » qui ne dit pas son nom ?


L’Église d’Angleterre, dont le roi Charles III est le gouverneur suprême, mais l’archevêque de Cantorbéry, Justin Welby, le chef spirituel, envisage-t-elle d’éliminer le mot « église » de son langage pour mieux attirer le chaland ? Selon une étude publiée par un centre de réflexion ecclésiastique, ce pas a été franchi spontanément au niveau local. L’étude, intitulée « Nouvelles Choses » (New Things) pour souligner la variété des termes qui se sont substitués à « église », a enquêté sur 11 des 42 diocèses anglais et a trouvé que, depuis dix ans, aucun des quelque 900 projets de création de nouveaux lieux de culte n’utilisait le mot. Les termes préférés étaient surtout « communauté » ou « assemblée », bien qu’« ecclésia » signifie justement « assemblée » en grec ancien. Il semblerait donc que l’Église anglicane, dont la mission centrale devrait être de préserver et de transmettre l’intégrité de l’enseignement du Christ et des apôtres, soit tombée dans le piège de l’adaptation au monde moderne. L’étude en question a noté que, quand la théologie traditionnelle perd de son influence, on cherche l’inspiration dans d’autres sources, « à savoir l’entreprise et le management ». Pourtant, il est peu probable qu’un rebranding de l’anglicanisme puisse ralentir le déclin du culte. Pour certains membres du clergé et leurs paroissiens, le mot « église » rappelle trop des notions de hiérarchie et tradition, et évoque un passé qu’il s’agit surtout de nier. L’année dernière, le synode général a décidé que chaque paroisse devait mettre en place un plan d’action pour combattre l’injustice raciale, tandis que la commission qui gère les actifs immobiliers de l’Église veut absolument que cette dernière lève 1,2 milliard d’euros pour expier le péché de ses investissements dans la traite atlantique au début du XVIIIe siècle. Tout en oubliant son rôle central dans la campagne pour abolir la traite et l’esclavage. Au passage, on notera que l’expiation ne requiert plus une âme contrite, mais du fric. Voici revenu le temps des indulgences.

Un spectre hante le monde… le Juif

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Un policier devant la synagogue de Francfort, Allemagne, 8 novembre 2023 © Michael Probst/AP/SIPA

L’essayiste Philippe Sola s’attaque à la métaphysique de l’antisémitisme…


Après qu’il a commis l’infâme Sur la question juive en 1844 [1], je ne vais pas solliciter d’autorisation pour pasticher Marx. Surtout par les temps qui courent. On aurait pu penser que l’anti-juivisme irait en s’estompant, soit en conséquence d’un certain effort de désintoxication entrepris depuis 1945, soit tout bonnement par l’érosion naturelle des plus grandes passions, même les plus mauvaises, et la dissolution progressive de la haine originelle. Du moins en Occident. Un Occident qui par ailleurs s’accomoda facilement de sa reviviscence dans le monde musulman où Mein Kampf et les Protocoles des Sages de Sion sont toujours en tête du hit-parade éditorial, comme si cet Orient, cher à Edward Saïd, avait eu vocation à devenir sa poubelle. Une poubelle bien entretenue d’ailleurs grâce à une flopée de nazis experts en déchets humains, exfiltrés par les bons offices conjugués du Vatican et de la Croix Rouge vers le monde arabe qui les rebaptisa aussitôt avec des pseudos du crû…

Et forcément avec le temps, la poubelle avait débordé et ses immondices s’étaient répandus hors de ce monde musulman en proportion d’une inversion démographique et d’un wokisme qui iront en s’accentuant, puisque devenus des réalités non combattues, voire même des éléments fondamentaux des politiques de ces Etats ‘’occidentaux’’ en voie de dhimmisation, c’est-à-dire de servitude, cette fois volontaire. En effet, ce monde qui se disait toujours ‘’libre’’ et qui à ce titre avait combattu le communisme avec la dernière énergie et des budgets colossaux, était en train de faire du wokisme, son idéologie officielle, la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques à Paris en ayant été en quelque sorte le sacre, additionnant négation de la culture, exhibitionnisme et mauvais goût du trash et du gore… Et ce avec la signature éminente d’un président de la République, himself, noyé dans une Cène narcissico-nauséabonde.

En cet Occident en voie de décomposition et donc prodigue en gaz antijuifs à effet de serre, rendant désormais inutile le zyklon B, il suffisait d’une étincelle pour qu’il s’embrase et communie dans la même haine du Juif, lequel depuis la nuit des temps incarne la fonction du bouc-émissaire. Et alors qu’on eut pu imaginer que l’horreur du massacre du 7 Octobre, le sadisme et la perversité des troupes du Hamas, civiles et militaires, donnerait à l’humanité l’occasion de retrouver le chemin de l’humanisme, l’on assista et l’on assiste toujours, au contraire, au plus grand déferlement d’antijuivisme de tous les temps.

En prétendant pouvoir agréger pourfendeurs et fous de dieu, homophobes et homosexuels, exploiteurs de l’inversion des genres et mutilés à vie, Blancs à condition qu’ils se renient et Noirs mêmes s’ils ont des chefs corrompus, l’intersectionnalité wokiste menacée d’exploser à très court terme, trouvait là sa bouée de sauvetage : Antijuifs de tous les pays, unissez-vous ! C’est la lutte finale !

Certes, certes, certes ! Certes la chrétienté et plus tard l’islam eurent pour s’affirmer besoin de s’en prendre aux Juifs et à leur invention. Certes les féodalités anglaises, françaises et espagnoles, en mal d’unité nationale, chassèrent les Juifs et brulèrent ceux qui se convertirent. Certes cette Europe ne put s’unifier à Bruxelles qu’en devenant préalablement le tombeau des Juifs [2]. Certes les Juifs ont permis aux palestiniens de se forger par opposition une identité, un nationalisme-contre, et au monde arabe et musulman de surmonter ses innombrables divisions [3], qui sans les Juifs virent à la guerre civile comme on l’a vu en Algérie (200 000 morts dans les années 90, selon le président Bouteflika), et en Syrie (600 000 morts depuis 2011, selon l’Observatoire syrien des droits de l’homme)…

En un mot, les Juifs ne démentaient pas, bien au contraire, la thèse de René Girard [4]. Leur sacrifice rendait possible la cohésion de la communauté.

L’acharnement dont ils ont été les victimes au travers des siècles et quasiment sur tous les continents auraient dû depuis longtemps mener à leur disparition. Mais depuis au moins Pascal [5], combien de grands penseurs ne s’étaient-ils pas étonnés de la longévité du peuple hébreu, lequel depuis la fin du 19ème siècle était dans une dynamique de retour vers la terre dont il avait été chassé il y a plus de 2000 ans ?

L’hébreu, le Juif, aurait-il un secret ? Un secret par exemple que le nazi se serait entêté à percer ? Revenu, marqué à jamais lui aussi, d’un voyage à Auschwitz, telle va être la préoccupation de Philippe Sola, ce jeune philosophe qui nous déplace de l’histoire vers la métaphysique, dans un petit livre d’une centaine de pages, ’’Le Juif et le nazi’’, un petit bijou d’énonciation et de réflexion qui tente d’aller hors des explications habituelles de l’antisémitisme, comme par exemple s’y étaient essayés, il y a quelques décennies, du point de vue du narcissisme, les psychanalystes Béla Grunberger et Pierre Dessuant [6].

‘’Il ne peut y avoir une telle haine si elle n’est pas le reflet d’une forme particulière d’admiration… ‘’, commence par s’étonner Sola. Mais de quoi le nazi croit le Juif doté dont il lui faudrait à tout prix s’emparer, quitte à exécuter le projet le plus dément jamais imaginé : mettre la main sur les Juifs quels que soient les endroits de la terre où ils se trouvent, pour les faire disparaitre ? Quelle est cette inextinguible angoisse qui avait dévoré de l’intérieur le nazi le poussant à tuer le Juif une première fois au gaz, une seconde par le feu, et une troisième par l’éparpillement des cendres ? Dans la perspective de Sola, il ne s’agit pas seulement de l’effacement des traces, mais de quelle chose de plus. De plus profond. De plus indicible.

‘’L’antisémitisme, c’est toujours imaginer que le Juif a quelque chose de plus que l’autre n’a pas et vouloir ramener cette chose dans le giron de celui qui ne l’a pas.’’ Pour le petit peuple ce fut des biens matériels, mais pour ceux qui comme Hitler étaient habité de métaphysique, il s’agissait de bien autre chose.

Notons au passage la distinction, surprenante mais bien vue, que l’auteur nous propose, entre ces deux délires que sont le racisme et l’antisémitisme. Pour le premier on peut se passer de l’autre, l’ignorer, et pour le second, c’est le contraire, on ne peut s’en déprendre.

Venons-en donc à la thèse de l’auteur. ‘’Le nazi pense que le Juif détient le secret de l’être, qu’il manipule l’être à sa guise… Cela est faux. Le Juif galère avec l’être autant que quiconque. Mais le Juif garde en lui une trace de l’être…’’.

L’être ne s’épuise pas dans telle ou telle de ses manifestations. Appelé ‘’Dieu’’ par certains, mais pas par les Juifs, Sola l’identifie à ce qu’il appelle ‘’l’infini des possibles’’. Si l’un des possibles peut mener à la mort, il y en a bien d’autres qui peuvent nous permettre d’y échapper. ‘’Hébreu’’ ne se dit-il pas ‘’ivri’’, ‘’passeur’’, en hébreu ? Un passeur n’est-il pas celui qui arrive à vous faire passer même lorsque cela semble impossible, même par le chas d’une aiguille ? Et puis, ne dit-on pas ‘’L’espoir fait vivre’’ ? L’hymne national d’Israël n’est-il pas l’ Hatikva (Espoir) ?

« S’adonner au désespoir reviendrait à adopter une position fallacieuse, suggérant que la vie aurait prononcé son verdict ultime à notre encontre… Or la vie ne profère jamais une telle sentence. ». D’où l’humour juif ? D’où Kafka ?

Mais pourtant, si les Juifs n’échappent en rien à la commune condition humaine, de quel crime les accuse-t-on qui les vouerait à une vindicte éternelle et planétaire ? Ce qui revient à en dire un peu plus de l’être (qui chez Sola ne porte jamais de majuscules) : « l’être est ce qui parait en toute chose mais qui n’apparait pas lui-même, l’être est ce qui fait être l’étant, sans s’y résumer… En éliminant les Juifs physiquement, en éliminant les étants, peut-on enfin accéder à l’être et l’acquérir ?… Cette hypothèse du désir d’appropriation de l’être par les nazis est l’impensé du nazisme et de son histoirel’extermination juive signe le désir d’en finir avec l’étant pour garder pour soi, pour les nazis, l’être. ».

Ceux qui ont frayé avec les concepts du psychanalyste-philosophe Daniel Sibony [7], et notamment celui d’Etre-Temps [8] ne seront pas là dépaysés, de même lorsque ce dernier signale que ‘’l’invention’’ des concepts de l’Etre et de l’Etant du philosophe Heidegger, qui ne reniera jamais son nazisme, provenait d’un emprunt au texte fondateur du judaïsme… la Tora [9] (dite aussi Pentateuque par les chrétiens). La captation de son étudiante juive, Hannah Arendt, par le philosophe en devenir nazi, ne releva-t-il pas de cette même expérience d’échec de captation de la métaphysique juive remplacée par une tentative de captation physique des Juifs ?

Mais le christianisme, en fait plus un saintpaulisme qu’un yehoshuisme [10], et sept siècles plus tard, l’islam, n’avaient-ils pas été tentés par la même expérience ? Une expérience, faut-il le rappeler, sanglante, qui consista à s’emparer du message après avoir exterminé les messagers, du moins d’avoir essayé, à tel point que jusqu’à aujourd’hui se scande dans le monde musulman, le fameux refrain : ‘’Khaybar [11], Khaybar, Ô Juifs, l’armée de Mohamed va revenir’’….

Et ceux qui sont familiers de l’œuvre de l’un des meilleurs connaisseurs du monde juif et de sa philosophie, Shmuel Trigano [12], préfacier de ce livre, notamment de sa séduisante théorie du ‘’retrait divin’’, devenu le jour du Shabbat, autorisant la liberté de l’homme en lui accordant un vide créateur, ne manqueront pas d’être intéressés par le concept du ‘’vide’’ que Sola identifie ‘’au possible de l’être’’ et dont tout le livre pourrait n’être que variations autour de ce thème.

« Lorsque la pièce est occupée de toute part, faire le vide (permet) de retrouver de l’espace, pour bouger, pour respirer », nous dit l’auteur, avec cet art de nous faire ressentir la métaphysique par le biais de notre quotidien. La célèbre définition du vide par le physicien-philosophe-humoriste allemand du 18e siècle Georg Christoph Lichtenberg [13] « Un couteau sans lame, auquel ne manque que le manche » ne pourrait-elle aider à comprendre la démarche de Sola, qui lui se contente de nous dire, vite, en passant : ‘’vide’’ comme anagramme de Dieu

Et comme le livre de Sola s’est imposé à lui au retour d’un voyage à Auschwitz, il ne pouvait pas ne pas se reposer une fois encore cette même question : « Pourquoi Hitler s’est tant senti menacé par les Juifs ? », à laquelle pourraient aujourd’hui s’ajouter bien d’autres questions, similaires, en d’autres scènes du monde, et avec d’autres noms de leaders politiques…

Laissons le lecteur découvrir les réponses de l’auteur. Elles ne sont pas si nombreuses que cela. Retenons, pour notre part, cette interrogation tellement angoissante qui aurait pu être celle d’Hitler et de ses épigones éparpillés de par le monde : « Et si l’être juif, l’être tout simplement, était présent en chacun des membres des Nations ? ».

Un Juif en chacun de nous ? Supposition ô combien dévastatrice dont on eut bien souhaité que Sola nous en dessine un peu plus la phénoménologie prodiguée à foison par ces deux extraordinaires romans, Le nazi et le Barbier d’Edgar Hilsentrath, lorsqu’un nazi se met dans la peau du Juif assassiné, ou La Danse de Gengis Cohn de Romain Gary, lorsqu’inversement l’esprit du Juif, son dibouk prend possession d’un ex-nazi…

Le Juif et le nazi: Métaphysique de l'antisémitisme

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[1] Voire à ce sujet d’André Sénik, Marx, les Juifs et les droits de l’homme, à l’origine de la catastrophe communiste. Ed Denoël. 2011..

[2] Thèse de Jean-Claude Milner : Les penchants criminels de l’Europe démocratique’’. 2003. Ed Verdier.

[3] Dans ses Mémoires (‘’Un demi-siècle d’utopie’’, page 207), Ed Téraèdre), Karim Mroué, ancien dirigeant du parti communiste libanais, mais aussi de la gauche, mais aussi de différents ‘’Fronts nationaux’’ dit de ‘’Salut’’ constate, dépité, après le départ de Beyrouth, en 1983, des troupes israéliennes : « la rupture des alliances qui venaient de se former : le Hezbollah et Amal se coaliseront contre le PC, Amal fera la guerre aux Palestiniens, les Palestiniens s’entretueront, les Syriens essaieront de faire disparaitre le Hezbollah… Des alliances plus anciennes (datant de la guerre civile, celles-là) ne résisteront pas non plus à la nouvelle situation, et le pire est que ces guéguerres fratricides éclatèrent avant même qu’Israël se soit retiré de l’ensemble du territoire libanais…».

[4] La Violence et le Sacré, 1972, Ed Grasset.

[5]  « Car alors que les Peuples de Grèce et d’Italie, de Sparte, d’Athènes et de Rome et d’autres venus bien plus tard, ont disparu depuis si longtemps, celui-là existe encore, malgré les efforts de nombreux rois si puissants, qui ont essayé des centaines de fois de les effacer, comme leurs historiens en attestent, et comme on peut facilement en juger par l’ordre naturel des choses sur de si longues périodes… »  (publié en 1670, après la mort de Pascal).

[6]’Narcissisme, Christianisme, Antisémitisme’’. Actes Sud. 1997.             

[7]   De l’identité à l’existence, l’apport du peuple juif. Daniel Sibony. 2012. Ed Odile Jacob.

[8] Dieu sommé par Moïse, porte-parole du peuple, de se nommer, avant de recevoir la Tora, répondra ‘’Je serai qui je serai’’.

[9] Question d’Etre, entre Bible et Heidegger. Daniel Sibony. 2015. Odile Jacob.

[10] Après sa mort, Yéhoshua dont la racine hébreue signifie sauver, fut ressuscité en ‘’Jésus’’…

[11] Massacre des Juifs de l’oasis de Khaybar (située à 150 kilomètres de Yathrib, actuelle Médine) par l’armée du ‘’prophète’’, pour avoir refusé de se convertir.

[12] Notamment cette somme qui regroupe l’essentiel de l’apport au judaïsme, de Trigano :’’ Le judaïsme et l’esprit du Monde’’. 2011. Ed Grasset.

[13] https://www.espace-sciences.org/sciences-ouest/377/carte-blanche/faire-le-vide

La marche triomphale des villes franches

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Manifestation sauvage des gilets jaunes, Trocadéro, 23 février 2023 © Oivier Coret/SIPA

Les grands médias, localisés dans les grandes villes et surtout à Paris, s’inquiètent d’une France qui selon eux vote très mal et ferait sécession. Mais il est bon aussi d’inverser la perspective.


Le résultat des dernières élections atteste, s’il était encore nécessaire de le faire, du profond fossé qui sépare désormais les citoyens des villes des citoyens des champs. Ce que Christophe Guilly anticipait dans Fractures françaises puis dans la France périphérique, est dorénavant un fait confirmé par les derniers scrutins.

Les bourgeois et les habitants des faubourgs, qui votent massivement LFI, et à de rares endroits encore, Renaissance, n’ont plus rien en commun avec les “paysans” – nous y reviendrons – qui votent massivement RN. Si je choisis volontairement de ne pas parler ici de citadins ou de ruraux, mots sans âme, c’est justement parce que bourgeois et paysans, qui nous renvoient au Moyen Âge, sont paradoxalement les seuls à même de décrire aujourd’hui précisément la situation nouvelle qui s’impose à nous. À la chute de l’empire romain (Ve siècle), les paysans (de pagani), désignaient littéralement “les gens du pays”, opposés aux alienus, autrement dit les étrangers. Il s’agissait le plus souvent de soldats ou d’anciens soldats romains, donc, de facto, des conquérants, qui prenaient racine à la fin de leur engagement dans les villes que Rome avait fondées partout dans l’Empire. Que reprochent bientôt les alienus des villes aux pagani des champs ? De refuser la vraie religion, à l’époque le christianisme, qu’ils diffusent massivement. Les pagani fideles (sic) désignent alors ceux qui sont “restés fidèles à leur pays, à leurs traditions, et à leurs racines” nous rappelle Thibault Isabel dans son Manuel de sagesse païenne paru en 2020. Et à leurs religions, qui deviennent… paganistes, évidemment. Toute ressemblance avec ce que nous vivons en Occident, au XXIe siècle, n’est aucunement fortuite. Que prétendent en effet les leaders de l’attelage improbable du Nouveau Front populaire, si ce n’est qu’ils détiennent la vérité érigée en religion, déterminés à l’imposer par la force aux autres ? Ils bénéficient du large soutien des nouveaux prêtres, “sachants” universitaires et relais médiatiques qui leur sont très largement inféodés. Que ce soit le vivre ensemble, la transition énergétique à marche forcée, les “acquis sociaux et sociétaux” qui s’invitent jusque dans l’alcôve, tout est prêche, catéchisme et nihilisme total de tout ce qui préexistait. Tout est vieillot, désuet, old school, et très vite conservateur, réactionnaire, et bien sûr, fasciste, d’extrême-droâte ! François Ruffin, en rupture avec Jean-Luc Mélenchon, n’a-t-il pas ainsi été accueilli à la fête de l’Huma par des centaines de militants scandant « Siamo tutti antifascisti » ? !

France des villes contre France des champs

En raison du mode de scrutin majoritaire à deux tours, et du jeu des désistements, 90% du territoire français et ceux qui y vivent, vont se voir imposer des décisions structurantes, déterminantes, appelées “choix de société”, travesties des habits chatoyants du modernisme et du progrès, par deux minorités numériques et géographiques parfaitement complices – et coupables – dans leur velléité de bâillonner la troisième, afin de présider aux destinées du pays.

J’en arrive aux villes franches du titre de cet article, villes franches aussi appelées communes, les deux termes recouvrant des réalités différentes, mais connexes.

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Replongeons un instant dans un livre d’histoire : cinq siècles ont passé depuis la chute de l’Empire Romain, et partout en Europe – et donc, pas seulement en France -, les bourgeois, habitants des bourgs, exigent des rois ou de leurs vassaux d’avoir les coudées franches dans leurs villes. Ils veulent pouvoir lever l’impôt pour aménager routes et ports, mais aussi ériger des fortifications, et ils veulent aussi pouvoir rendre la Justice, avec des lois qui leur sont propres !  Et même, battre monnaie. Bref, diriger. Les villes franches, puissantes, s’affranchissent largement du pouvoir central, quand elles n’entrent pas en lutte ouverte avec lui, voire, tentent de le renverser. Vous me suivez ? Il devient inéluctable que les bourgeois (en réalité des communards, vu le succès remporté par LFI à Paris et dans bien des grandes villes et faubourgs français, à l’exception de toute autre implantation !) revendiquent aujourd’hui des droits spécifiques qui bousculent l’ordre établi et heurtent les convictions des pagani fideles. Faute d’autonomie – même si les maires de Bordeaux, Nantes, Grenoble ou Paris et tant d’autres se comportent bel et bien comme des bourgmestres, s’affranchissant bien souvent avec audace des règles du droit commun, et de l’autorité des préfets qui les surveillent – ils tentent d’imposer leur religion à tous les autres. Anne Hidalgo ne s’apprête-t-elle pas à faire passer le périphérique à 50 km/h, contre la loi, puisque la vitesse sur cet axe est fixée par un décret du ministre de l’Intérieur ? La piétonisation en douce du pont d’Iéna n’est-elle pas du même acabit ? Tous les jours, nous avons la preuve, sous nos yeux, qu’une majorité (ou une grosse minorité mais très active) d’habitants des grandes villes et les élus qu’ils se sont choisis imposent leurs règles, sans se soucier nullement de l’Etat de droit. Nombreux sont ceux qui s’érigent en hérauts de la lutte contre le séparatisme. Mais il est pourtant inéluctable que la République n’est plus une et indivisible, et que ce sont ces communards et les bourgeois complices qui la font monter sur l’échafaud ! Avant qu’il ne soit trop tard, et l’on sait ce que trop tard dans l’histoire veut dire, ne faudrait-il pas alors envisager d’en finir avec l’Etat jacobin une bonne fois pour toutes, en enclenchant une nouvelle étape ambitieuse de la décentralisation du pays ? En donnant aux villes devenues franches une large autonomie juridique et financière, ne pourrions-nous pas sortir de cette situation absurde dans laquelle des minorités, mais concentrées dans les villes, imposent leur vision du monde et de la société à la majorité qui occupe 90% du reste du territoire ?

Organisation du séparatisme

Franches, les villes, et leurs faubourgs unis à elles au sein des communautés de communes, seraient libres de réprimer ou au contraire de libéraliser le trafic et la consommation de drogue, et de lever des taxes au passage. Libres de transformer leurs parcs et jardins, leurs écoles et leurs gymnases, leurs HLM, en centres d’hébergement d’urgence, plutôt que d’envoyer des migrants par dizaines de milliers “au vert’, chez les pagani fideles qui n’en veulent pas et n’ont rien demandé. Libres d’interdire voitures à moteurs thermiques ou même toutes les voitures dès demain, pendant que les pagani fideles pourront continuer à rouler au diesel ou à l’essence chez eux, en dehors des ZFE. Libres de taxer les passoires thermiques ou d’en interdire la location, quand on laissera enfin tranquilles les habitants des longères et corps de ferme qui seront encore debout dans deux cents ans – et que bien des urbains sont d’ailleurs ravis de louer pour le week-end… Libres d’installer des panneaux solaires partout sur les toits, ce que la plupart des PLU urbains interdisent, pour cesser enfin d’installer à marche forcée (souvent, au mépris de la loi !) des éoliennes ou des fermes solaires sur des terres agricoles pour alimenter en électricité, les villes.

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Mais bien sûr, il y a une contrepartie à cette liberté. L’électricité en est un bon exemple. N’est-il pas paradoxal que le vote des habitants des villes, dont on sait à qui va leur préférence, affecte autant le quotidien des habitants de la campagne ? Alors même que la totalité des infrastructures de production d’électricité y sont installées ? Aujourd’hui, tous les abonnés à EDF et à ses concurrents acquittent des taxes d’acheminement de l’électricité identiques. Il serait en réalité parfaitement juste de faire contribuer d’avantage les habitants des villes qui sont loin des moyens de production et de leurs nuisances, et moins, voire pas du tout, ceux qui en sont voisins et trop souvent, les subissent ! Autre exemple concret de rééquilibrage : aujourd’hui, un plombier ou un chauffagiste installé en lointaine banlieue vit un véritable calvaire pour pouvoir intervenir chez ses clients parisiens, en particulier dans l’hyper-centre, ce qui est vrai aussi dans bien d’autres grandes villes françaises. Ne serait-il pas juste que son client, qui a voté pour une ville sans voitures, sans utilitaires, s’acquitte d’une surprime significative sur sa facture d’intervention, permettant au professionnel de compenser le droit de stationnement à tarif prohibitif, le temps perdu pour arriver jusqu’à lui, et demain, un éventuel péage urbain ?
En réalité, il faut en finir avec la situation ubuesque actuelle, où les pagani fideles doivent céder du terrain tous les jours, supporter l’insupportable diktat des communards qui imposent leur Loi.

Tout cela peut paraître utopique, mais c’est en réalité parfaitement banal dans bien des pays occidentaux, que ce soit en Allemagne, en Espagne, en Suisse, en Italie et bien sûr, aux Etats-Unis, ou des florilèges de règles et de lois locales, parfois édictées au niveau du comté, du landkreis, régissent la vie des citoyens, lesquels sont associés à leur mise en place par des référendums locaux. Et quand on n’est pas d’accord… « Go west », proclame le tube de Bronski Beat ! Il n’y a que chez nous, à cause du jacobinisme, que nous pensons que les mêmes règles, lois et impôts doivent s’appliquent à tous, alors même que nous ne sommes factuellement pas tous égaux devant ces règles, lois et impôts ! Simplement en raison… de l’endroit où nous avons choisi de faire notre vie.

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McKinsey et la tare de consanguinité

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Capture France 2

Le magazine « Cash Investigation » d’Elise Lucet est venu une nouvelle fois reprocher à la macronie d’avoir fait appel trop souvent au prestigieux cabinet de conseil américain.


Il se trouve que Philippe de Villiers n’a pas attendu l’ayatollah Lucet et son Cash Investigation pour dénoncer la collusion entre le cabinet privé Mc Kinsey et Emmanuel Macron. Bien avant tout le monde, le créateur du Puy du Fou révélait que, dès le début de la première campagne présidentielle du transfuge de la banque Rothschild, les mercenaires de chez Mc Kinsey étaient à la manœuvre. Bénévolement, ne manquait-on pas de faire valoir. Sauf, que, par la suite, le retour sur investissement aura été des plus profitables pour cette officine américaine de conseils en stratégie tous azimuts : politique, marketing, communication, etc. C’est tout juste si l’Élysée, les gouvernements successifs du quinquennat, n’ont pas fait appel à la lumière (coûteuse) de ces hautes intelligences pour déterminer la couleur des moquettes ministérielles et choisir le fournisseur des tailles crayon.

Humilité intellectuelle

On pardonnera au quidam lambda que je suis de trouver bizarre que des gens aussi instruits, aussi bien formés aux choses de la politique, aussi sûrs d’eux-mêmes et de leurs supposés talents, des gens aussi bien entourés au sein de leurs cabinets ne puissent pas trouver en eux-mêmes et autour d’eux les pistes, les solutions, les voies à emprunter pour faire marcher le pays ? On est effectivement fondé à se poser la question. Cela dit, s’enquérir de conseils extérieurs n’est certainement pas en soi une mauvaise idée. Ni une pratique condamnable a priori. On pourrait même déceler dans cette démarche quelque chose comme une manifestation d’humilité intellectuelle. À ceci près que la modestie ne paraît pas être la vertu dominante de ce petit monde-là.

À lire aussi, du même auteur: L’or puant des couches-culottes

Un autre aspect ne cesse d’intriguer lorsqu’on y prête attention. Je veux parler ici de l’étrange et criante consanguinité existant entre les uns et les autres, les conseilleurs et les conseillés. Tous sortent peu ou prou du même moule : même cursus, passage par les mêmes écoles de pouvoir, même modus vivendi, mêmes références socio-culturelles. Et, pour faire bonne mesure, mêmes souliers pointus et costards ajustés au plus près. Ce point-là aussi peut paraître bizarre à quiconque observe cela de loin. Pourquoi cultiver cette consanguinité ? Pourquoi ne pas aller chercher ailleurs avis et conseils ? Pourquoi se condamner à l’infertilité de l’entre-soi ? Pourquoi refuser d’emblée toute surprise, toute secousse que provoqueraient des suggestions venues d’ailleurs, différentes, voire divergentes ? Pourquoi ne pas chercher appui du côté des vrais gens, des acteurs de la vraie vie, de ceux qui font fonctionner le pays au quotidien et qui, de ce fait, n’ont pas forcément face aux problèmes qui se posent l’approche copie-conforme à ses propres vues que le pouvoir obtient inévitablement par effet miroir en s’en tenant au recours à ses consanguins, à ses clones ?

Question embarrassante

Qu’aurait-il donc à craindre en se tournant vers le « pays réel » ? De quoi les gouvernants ont-ils peur ? Car il s’agit bien de cela. La peur. La défiance que leur inspire le peuple. C’est ce qu’on a bien vu lors du second tour des législatives avec la fameuse et fumeuse théorie du barrage. Ils ont eu beau jeu de présenter leur stratégie de « barrage » comme une exigence « morale », le refus de pactiser et de se compromettre avec une force politique artificiellement présentée comme sulfureuse. Eux-mêmes croient-ils une seule seconde à la pertinence de l’argument ? La vérité toute simple ne serait-elle pas que ce barrage était en fait un barrage contre le peuple ? Contre l’organisation politique qui en est aujourd’hui, de loin, – les tout récents sondages le confirment clairement – la plus proche ?

La crise de la démocratie, prélude au grand effondrement?

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Ursula Von der Leyen et Emmanuel Macron, Bruxelles, 27 juin 2024 © Olivier Hoslet/AP/SIPA

En France, on attend toujours la composition du gouvernement de Michel Barnier. À Bruxelles, notre pays perd un commissaire européen avec Thierry Breton – il est rapidement remplacé par Stéphane Séjourné.


La crise de la démocratie n’affecte pas seulement la France, qui n’a plus de gouvernement depuis plus de cent jours. Elle s’incruste au cœur de l’Europe coupée des peuples. Le limogeage de Thierry Breton par Ursula von der Leyen rappelle la dérive soviétoïde de l’UE. Le commissaire européen, qui voulait mettre sous surveillance des réseaux sociaux dont celui d’Elon Musk (X), s’est fait débarquer lundi alors qu’Emmanuel Macron l’avait renouvelé à son poste en juillet. Le proscrit a été remplacé par le ministre des Affaires étrangères Stéphane Séjourné, un proche du chef de l’État français, qui s’est vu confier le ronflant secteur de « la Prospérité et de la Stratégie industrielle ».

Cuisine bruxelloise

Or ces purges au sommet s’opèrent, sous la férule de la présidente de la Commission, dans l’opacité de l’entre-soi. En cela, ces pratiques oligarchiques de cooptations et d’allégeances se rapprochent de celles qui avaient cours dans l’ex-Union soviétique. Ces tambouilles confirment l’analogie que le dissident soviétique Vladimir Boukovsky avait dressée en 2005 entre l’URSS et l’UE[1]. Il constatait que si « ces deux ennemis irréductibles » (l’Union soviétique et son système soviétique) avaient disparu, il voyait « renaître le Léviathan » derrière l’Union européenne « employant les mêmes vieux trucs » pour « s’attirer le soutien populaire et paralyser ses adversaires ». Ainsi, écrivait-il, l’UE « se pare des atours de la paix et du progrès, de l’avenir forcément radieux et de l’abondance toujours promise », comme l’URSS promettait le bonheur à l’humanité.

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De fait, rien ne ressemble plus au Politburo d’hier que la Commission européenne d’aujourd’hui. D’un côté, comme le rappelait Boukovsky parlant de la structure communiste, « une quinzaine de personnes non élues qui se cooptaient selon des règles incompréhensibles au commun des mortels mais selon des critères de fidélité à la direction et au « cher Parti communiste » ». De l’autre, avec la Commission, 27 personnes également non élues, désignées selon des critères flous pour des missions peu claires issues de travaux largement confidentiels. Lisons une nouvelle fois Boukovsky (cité par Ludovic Greiling dans Le monde qu’ils veulent) : « La Commission seule dispose de la prérogative de proposer des textes législatifs que l’on appelle directives. Ces dernières, élaborées par les technocrates européens, sont entérinées avec autant d’efficacité que l’étaient au Soviet suprême celles concoctées par les technocrates du Comité central du Parti ».

Michel Barnier, le sauveur ?

L’UE despotique connaîtra-t-elle le sort de l’URSS dictatoriale ? À l’évidence, le réveil des peuples oubliés oblige les élites, européennes et françaises, à s’ouvrir au monde ordinaire. La colère qui s’y répand est portée par une demande pressante de liberté; celle-là même qui a fait s’effondrer l’Union soviétique. Le procès en destitution de Macron, que vient d’ouvrir LFI, n’a certes aucune chance d’aller à son terme. Cependant, l’ouverture de la procédure illustre la débâcle démocratique en cours. Michel Barnier, issu d’un parti minoritaire et qui peine à constituer un gouvernement, en est également le produit. « La situation budgétaire est très grave », a-t-il annoncé de surcroit ce mercredi matin. Tout annonce l’effondrement d’un système à bout de souffle, qui n’a plus prise sur le réel.


[1] L’Union européenne, une nouvelle URSS ? Editions du Rocher

Insécurité: que peut-faire Barnier?

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© JEFF PACHOUD-POOL/SIPA

Obliger police et Justice à s’apprécier ? Les regrouper sous une autorité commune ? C’est l’idée du grand ministère de la Sécurité nationale. Et si Michel Barnier avait raison, et reprenait son idée de 2021 ?


Un grand pôle « sécurité, justice, immigration » est prévu à Matignon et, comme il se doit, les syndicats judiciaires dénoncent d’une voix unie l’absence d’un conseiller « justice » autonome. Cette protestation ne doit pas émouvoir le Premier ministre dès lors que ce regroupement correspond à une logique forte et que par ailleurs Michel Barnier, quand il était candidat à l’investiture LR lors de la primaire en 2021, avait formulé à mon sens une excellente proposition : celle d’un grand ministère de la Sécurité nationale réunissant Justice et Intérieur. Il ne semble pas que la seule argumentation sur l’absence préjudiciable d’un conseiller « justice » spécifique soit déterminante. Ce corporatisme organique ne serait décisif que si le triptyque envisagé par Matignon n’était pas cohérent et ne formait pas une unité naturellement solidaire, tant par la proximité des éléments qui la composent que par leur efficacité pratique dans le combat mené par les forces régaliennes pour répondre aux menaces actuelles. Qui pourrait nier en effet la complémentarité opératoire sur le plan pénal et le déséquilibre entre sécurité, immigration et justice ? Mais l’originalité de la provocation formulée par Michel Barnier en 2021 est ailleurs : elle réside dans le fait de la création d’un unique ministère qui serait structuré de telle manière qu’il aurait la main et la maîtrise à la fois sur la part judiciaire et sur la part sécuritaire.

En totale immodestie je suis d’autant plus sensible à cette suggestion que depuis des années, dans des notes et des analyses, j’avais soumis cette idée aussi bien à Raymond Barre qu’au CDS de Jacques Barrot et Pierre Méhaignerie. En vain, bien évidemment.

A lire aussi: Le réveil des peuples maltraités affole les mondialistes

Parce que pour être accordé à l’importance d’un tel thème, il faut être au fait d’une réalité pénale qui oppose trop souvent les magistrats aux fonctionnaires de police, la Chancellerie à la place Beauvau et, plus généralement, la Justice et sa condescendance à l’Intérieur avec sa détestation de certains juges. Cet antagonisme, avec la faillite de l’exécution des peines, est le problème le plus préoccupant aujourd’hui. Il ne pourrait être théoriquement résolu que si, par miracle dans une même structure, étaient techniquement et politiquement soudés deux univers que l’organisation contraindrait à travailler ensemble et donc, à force, à s’apprécier.

Il est navrant de constater le caractère utopique d’une telle révolution alors que pourtant rien, entre police et magistrature, n’interdirait, en parfaite conscience de leur utilité républicaine commune, une complicité de bon aloi au service du peuple et un respect mutuel. Non plus une police présumée coupable et aux mains sales contre des juges à l’esprit propre et trop ignorants d’une quotidienneté dangereuse et des risques courus par les policiers. Mais des alliés pour favoriser le meilleur et prévenir ensemble le pire.

Je ne voudrais pas qu’à nouveau, trop rapidement, le syndicalisme judiciaire protestât avant de réfléchir.

Pérou : Fujimori, comme un De Gaulle andin?

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Alberto Fujimori entouré de la presse et de ses supporters après avoir voté à Lima, élection présidentielle de 1990, 10 juin 1990 © Matias Recart/AP/SIPA

Alberto Fujimori, président du Pérou de 1990 à 2000, est décédé le 11 septembre. Il avait été poursuivi par la justice, enfermé 18 ans en prison, et ses méthodes ont été controversées. Mais son pays a finalement décidé de lui accorder un deuil national de trois jours. Au pouvoir, il avait mis fin à l’insurrection armée conduite par le « Sentier lumineux » et rétabli l’économie


Pour les quelques rares hommes d’État qui ont eu la trempe d’affronter les pires tourments d’une époque et de les avoir vaincus alors que cela semblait impossible, mais ingratement voués aux pires gémonies par leurs acrimonieux opposants, leur mort a une vertu, cruelle certes parce que posthume : elle ouvre la voie à leur réhabilitation.

Ce fut notamment le cas de de Gaulle que Mitterrand qualifia, de dictateur ; de Churchill, l’homme des « larmes et du sang » que les électeurs britanniques congédièrent comme un malpropre au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale alors qu’il leur épargna une occupation nazie…

Et c’est déjà le cas d’Alberto Fujimori, le président du Pérou de 1990 à 2000, condamné à 25 ans de prison pour soi-disant « crime contre l’humanité », mort le 11 septembre à l’âge de 86 ans des suites d’un cancer, neuf mois seulement après avoir bénéficié d’une grâce à titre humanitaire et avoir effectué 18 ans de sa peine. Sa réhabilitation n’a pas tardé. De manière surprenante, elle a commencé le jour même de son décès. Malgré « l’infamie » de sa condamnation, à l’étonnement général, il a eu droit à des obsèques nationales.

La présidente de gauche (et non de droite comme l’a dit Le Monde), Dina Boluarte, a sur le champ décrété un deuil national de trois jours auquel s’est aussi associé le maire de Lima, la capitale, lui aussi de gauche. Durant ceux-ci, des milliers de Péruviens ont formé une queue ininterrompue de plusieurs kilomètres, pour lui rendre un dernier hommage, en s’inclinant devant sa dépouille qui était exposée au Musée de la Nation… Dimanche, un raz de marée humain, comme la capitale du Pérou n’en avait jamais connu, l’a accompagné en son ultime demeure. Avant, son cercueil avait été conduit au palais présidentiel pour que la Garde présidentielle lui rende les derniers honneurs. 

Une réputation d’autocrate et de génocidaire

Comment expliquer que « le peuple l’ait absous », selon le titre du quotidien La Razón (La Raison) de lundi, aussi massivement et promptement ? C’est que, à bien des égards, Fujimori peut être considéré comme un de Gaulle andin. Pour les classes populaires, pour les paysans de l’Altiplano, Fujimori fait figure de sauveur de la nation, à l’instar du Général en 1958. Quand il accède au pouvoir en 1990, le pays est en ruine, banni du système financier international, l’inflation atteint les 7500%, la devise nationale, le Sol, n’est qu’un bout de papier pour toilette. Au désastre économique s’ajoute l’existence de la guérilla du Sentier Lumineux, se réclamant des Khmers rouges, qui mène une politique de terreur et, surtout, semble sur le point de l’emporter… Pour le président fraîchement élu, ce fut en quelque sorte sa guerre d’Algérie.

Deux ans plus tard, suite à « un choc » qualifié d’ultra-libéral, Fujimori avait cassé les reins à l’inflation, un impôt indirect que seuls les pauvres paient, et le Sentier Lumineux était vaincu après l’arrestation de son chef Abimaël Guzman grâce à une politique de renseignement et non d’affrontement direct qui jusqu’alors avait échoué et fait quelque 30 000 tués très majoritairement imputable à l’organisation terroriste.

Troublante coïncidence de l’histoire, Fujimori et Guzman sont morts le même jour de l’année, un 11 septembre, au même âge, 86 ans, avec cependant un décalage de trois ans entre leurs décès. C’est ce que les surréalistes auraient qualifié de « hasard objectif ». On est dans du Garcia Marquez et son Cent ans de solitude

L’heure est venue donc plus tôt que prévue de casser, entre autres, trois fausses vérités colportées à satiété par une certaine presse (ces jours-ci par les deux principaux quotidiens nationaux de référence, Le Monde et Le Figaro) qui ont valu à Fujimori, surnommé le « Chino » en raison de son ascendance japonaise, sa réputation d’autocrate et de génocidaire.

En vérité, il n’a jamais été condamné pour crimes contre l’humanité, aucune politique de stérilisation forcée n’a été menée, et le prétendu « auto-golpe » (auto-coup d’Etat) du 5 avril 1992 qui lui a valu d’être qualifié de dictateur n’a pas été un putsch mais un contre-putsch, fondateur du Pérou d’aujourd’hui. Le Parlement se préparait à le destituer. Il prit donc ses devants. La constitution d’alors ne permettait pas dissolution. Alors il envoya l’armée le fermer, dans la foulée fit élire une constituante. Un an après, il faisait adopter par référendum la nouvelle constitution toujours en vigueur, dont la philosophie s’inspire beaucoup des principes de celle de notre Vème république.

En réalité, il a été condamné pour « responsabilité indirecte » (autoria mediata en espagnol) dans deux massacres, dits de la Cantuta et de Barrios altos, une université et un quartier populaire de Lima, perpétrés par un escadron de la mort constitué de policiers, le groupe Colina, qui s’était formé dans les années 80, sous la présidence de son prédécesseur, le social-démocrate Alan Garcia, en réaction à la pusillanimité des magistrats envers les terroristes par crainte pour eux et leurs familles de représailles.

Ces deux massacres n’ont jamais été qualifiés dans l’acte d’accusation de crimes contre l’humanité. Au moment des faits, ce chef d’accusation n’existait pas au Pérou. Il a été seulement dit dans les attendus de la condamnation que ceux-ci « auraient pu y être assimilés ».

Le concept de « responsabilité indirecte » a été élaboré lors du procès de Nuremberg pour condamner les responsables nazis qui n’avaient pas été les exécuteurs de leurs crimes mais les concepteurs et donneurs d’ordre.

Durant tout le procès de Fujimori qui a duré 13 mois à raison de trois sessions par semaine du 4 janvier 2008 au 7 mars 2009 (que l’auteur de ces lignes a suivi de bout en bout), pas le moindre indice d’un début de preuve n’a été apporté accréditant que l’accusé avait pensé et donné l’ordre de ces exécutions sommaires[1]. En fait, comme le souligne dans sa chronique de samedi le très influent éditorialiste de El Commercio (l’équivalent du Figaro), Jaime de Althaus, il a été condamné parce qu’en sa qualité de chef de l’État, selon les juges, il ne pouvait qu’être responsable mécaniquement des méfaits que tout fonctionnaire était susceptible de perpétrer. Donc coupable, non de ses actes, mais de par son statut.

Mythes et réalité  

Le quotidien Perú 21, le pendant, lui, en quelque sorte, du Monde, estime dans son édition du 13 septembre que cette condamnation relève d’un abus du droit. Tout au plus, souligne l’éditorial, Fujimori aurait dû être poursuivi pour complicité pour n’avoir pas sanctionné les auteurs de ces deux tueries. Le problème était qu’il ne pouvait pas sanctionner tant que leur culpabilité n’avait pas été établie.

Pire, le très respecté journaliste d’investigation, Ricardo Uceda, et le propre fils du Nobel Mario Vargas LLosa, Alvaro, journaliste lui aussi, ont dans leurs livres respectifs[2] affirmé que ce procès fut une parodie de justice. D’après eux, la condamnation de Fujimori avait été concoctée en catimini entre le président du Tribunal suprême, César San Martín, et trois avocats espagnols spécialistes de la « responsabilité indirecte » bien avant l’ouverture du procès. Un élément tend à fortement corroborer cette allégation. Les attendus de la condamnation rendue après un délibéré de seulement une semaine font plus de 500 pages… Écrire 500 pages de considérations juridiques en huit jours tout en délibérant relève du Guinness Book. Dès lors, l’accusé avait été condamné avant même d’avoir été entendu et jugé.

Enfin, concernant l’autre infamante accusation, celles de plus 270 000 stérilisations forcées que les ONG droit-l’hommistes n’ont cessé de mettre en exergue pour accréditer l’inhumanité de Fujimori, la justice a fini par leur tordre le cou. Le 10 août dernier, elle s’est finalement résignée au bout d’un quart de siècle d’une soi-disant investigation, à prononcer un non-lieu, estimant qu’il n’y avait eu aucune politique délibérée. Ces stérilisations se réduisent, a-t-elle conclu, « à quelques cas isolés et en nombre très réduit mais d’aucune manière elles relèvent d’une intention criminelle. Elles ont été avant tout conséquence de la négligence de quelques membres du corps médical. »

Quant aux accusations de corruption visant personnellement Fujimori, toutes sont tombées les unes après les autres.

Le funeste sort de ce dernier est un cas d’école sur la manière de comment un système médiatique peut falsifier la réalité en tordant les apparences. Tout journaliste devrait relire en permanence le Mythe de la caverne : les ombres ne sont pas le réel même si elles en sont l’émanation.


[1] Pour plus amples détails sur ce procès, voir le texte de l’auteur de l’article, « La Vengeance des autruches » qu’on trouve en espagnol sur internet « La venganza de las avestruces » (buenatareas.com ou es.slideshare.net)

[2] Respectivement Muerte en Pentagonito (page 322-24) – Mort au petit Pentagone, le petit Pentagone est le siège de l’état-major des forces armées péruviennes -, El reino del espanto (page 44) – Le règne de la peur. Aucun des deux n’a été traduit.

L’or puant des couches-culottes

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DR.

Le journaliste Victor Castanet vient d’entamer une nouvelle grande tournée des médias pour promouvoir une enquête qui dénonce des dérives dans le secteur des crèches.


Après les EPHAD, les crèches. Après les anciens, les bambins. Après Les Fossoyeurs, ouvrage d’enquête qui mettait en lumière les pratiques souvent odieuses de certains EPHAD du secteur privé, voilà que paraît un nouveau réquisitoire, les Ogres, exposant cette fois les dérives, les aberrations de fonctionnement d’établissements, là encore du secteur privé et concurrentiel, voués à l’accueil de la petite enfance. L’investigateur-auteur de ces enquêtes aux révélations proprement révoltantes, Victor Castanet. Cette fois, il est allé fouiller du côté des couches-culottes et le moins qu’on puisse dire est que ça ne sent pas très bon.

Dans les deux cas, les dysfonctionnements, souvent effarants, trouvent leur principale explication dans la doctrine du système général : faire du fric. Toujours plus de fric. Tous les moyens – ou presque – sont bons. Une concurrence impitoyable règne à côté de laquelle celle qu’affrontaient les héros de Dallas ne serait que bluette. On casse les prix à l’appel d’offre pour l’emporter et après on se débrouille pour rogner sur tout afin de dégager le sacro-saint profit qui est aux actionnaires ce qu’est le petit pot vitaminé aux tout petits, ce après quoi ils braillent à tue-tête quand ils sont en manque. Une parmi une kyrielle de pratiques louches, le bidouillage des feuilles de présence des enfants afin d’empocher le maximum d’argent des caisses d’allocations familiales. On allonge la durée de leur supposée présence à la crèche et on les inscrits même quand ils ne sont pas là. Tout est pour le mieux. Au bout de l’entourloupe, le contribuable paiera.

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Même la crèche de Matignon est entrée dans la danse, sélectionnant sur appel d’offre un affriolant « moins disant ». À croire que dans les services du Premier ministre personne n’est assez compétent pour réaliser que lorsqu’on propose à trois mille euros un service dont le coût réel est de douze mille, il y a nécessairement un loup. Comme dans les fables à faire peur aux petits, un gros loup aux dents bien acérées. Drôle non ?

Hier donc, les anciens. À présent, les bambins. L’explication, la seule, la vraie : le cynisme écœurant du système. Le système qui n’a de considération pour l’être humain qu’autant qu’il se cantonne dans le rôle qui lui est assigné de brave et docile producteur-consommateur. Or, au début de l’existence, à l’âge des couches-culottes, comme à la toute fin (où hélas on ne peut exclure le retour du même équipement) l’individu n’est de facto ni véritablement un consommateur, ni un producteur. Pour autant, la loi du système ne saurait tolérer que cela suffise à le dispenser de participer à la grande course aux profits. La solution imposée est d’une simplicité confondante : faisons en sorte que l’ancien et le marmot deviennent eux-mêmes le produit. Le produit, tel le paquet de lessive, autour duquel s’organisent un marché, une concurrence, une mécanique génératrice d’argent. Ainsi, dans ce monde impitoyable, il est impératif que, de son premier souffle à son dernier, l’être humain soit «  rentable », bankable. Cela en dit long sur le niveau d’indignité qu’atteint notre société, notre civilisation. Chez bien des peuples dits primitifs le petit d’homme et l’aïeul sont sacrés. Chez nous, seul le tiroir-caisse l’est.

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Sébastien Delogu, le triomphe de l’échec…

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Le député LFI Sébastien Delogu sur Sud radio, 12 septembre 2024. DR.

Quand il ne multiplie pas les sorties douteuses ou ne se donne pas en spectacle avec un drapeau palestinien à l’Assemblée, le député LFI de Marseille Sébastien Delogu présente des difficultés en lecture et fait preuve d’une grande inculture historique. Mais, LFI se dit fière de la diversité de ses profils. « La politique n’est pas réservée à une élite ! » avance Manon Aubry. Ah bon ?


Au sein d’une effervescence politique, sociale et médiatique où les repères s’effacent et les boussoles se dérèglent, se dégagent quelques constantes révélatrices d’un changement profond. En France on a toujours connu, à l’exception de la période gaulliste où la compétence et le sens de l’État étaient des critères dominants, cet insupportable paradoxe où les échecs n’étaient jamais sanctionnés. Au contraire, ils étaient validés par des promotions que le commun des citoyens ne comprenait pas et qui offraient le grand avantage de laisser tranquille les élites réelles ou prétendues face à leurs erreurs ou, pire, leurs scandales. Depuis quelque temps est survenue une forme de perversion qu’on pourrait qualifier, dans beaucoup de domaines, de triomphe de l’échec. D’apothéose de la déconfiture. D’arrogance de la médiocrité.

À tout seigneur tout honneur, si j’ose dire. Quand on constate que le président de la République ose s’afficher comme garant du bon fonctionnement de nos institutions face au Premier ministre Michel Barnier, alors qu’il les a subverties et qu’à cause de lui la France se trouve dans un état de discrédit, il y a de l’abus. L’épisode choquant du remplacement de Thierry Breton, imposé par Ursula von der Leyen et sans réaction de la part du président, vient encore de le démontrer.

Il y a des épisodes mineurs qui enseignent sur ce plan également. Entendre une Manon Aubry soutenir qu’elle est fière de l’élection d’un député comme Sébastien Delogu, comme elle l’était hier de celle de Rachel Kéké, dépasse l’entendement. Comme si, par son élection, un député devenait forcément respectable et remarquable alors que, d’origine modeste ou non, il ne le devient que par la qualité de ses propos, de ses actions.

Pour ma part je ne supporte plus cette démagogie qui consiste à louer par principe ceux qui n’ont pas bénéficié de toutes les chances de la vie. C’est en fait du mépris, comme si on les estimait incapables de démontrer ce qu’ils valent vraiment. On les traite tels des êtres inférieurs auxquels il serait malséant d’appliquer les règles, les principes, les exigences nécessaires pour tous. Le triomphe de l’échec a mille facettes. Il est la conséquence d’une sorte de lassitude face à l’effort que l’excellence implique. Comme on n’en peut plus de cette tension quotidienne et épuisante pour atteindre le meilleur, on a décrété que le pire ne doit plus être un motif de discrimination, ni susciter un risque d’exclusion. Il s’agit d’un ajustement, d’une adaptation. Comme au fond on a abandonné la partie, on a décidé que la perdre était une aubaine, une solution. L’apothéose de la déconfiture, un peu partout, sur une multitude de registres, est l’éclat facile d’une France dérivant doucement, d’un monde qui s’abandonne.

Le pouvoir d’achat, ce paresseux mantra

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Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon. « Bercer d’illusions les Français ne peut que mal finir… » © lain ROBERT/SIPA – FRANCOIS GREUEZ/SIPA

Les Français travaillent moins et moins bien que leurs voisins mais demeurent de grands consommateurs. La classe politique répète que leur fameux pouvoir d’achat est en berne alors qu’il ne cesse d’augmenter, au prix d’un endettement irresponsable. Ce système redistributif dessert l’intérêt général, sans parler des générations futures.


L’unanimité autour du sacro-saint pouvoir d’achat concentre toutes les lâchetés démagogiques des électeurs français et de leurs élites politiques. Les voir chouiner comme des enfants réclamant des bonbecs, en dépit d’un bulletin scolaire lamentable, peut déclencher des réactions compréhensibles – claquage de beignet, voire stigmatisation du cancre (sans cellule de soutien psychologique).

Pendant que RN et NFP nous bercent d’illusions, notre productivité décroche

Résumons la position des deux principales forces politiques du pays – le RN et le NFP : primo, le pouvoir d’achat est en berne voire en baisse constante ; deuxio, pour renforcer ledit pouvoir, il suffirait d’augmenter les salaires du privé – en rognant sur les dividendes des patrons actionnaires –, ainsi que les rémunérations de la fonction publique – en continuant à emprunter ou en augmentant les impôts des « riches ». Le tout donne la formule gagnante du bonheur, béatitude intimement indexée sur la consommation.

Le hic, c’est que tout est faux dans ce discours dangereux. Le pouvoir d’achat des Français a régulièrement augmenté depuis dix ans, y compris en 2020 pendant les confinements successifs (!), à l’exception certes de 2022, année de guerre et du choc inflationniste ukrainien. Il a même crû plus qu’ailleurs au prix d’un endettement irresponsable.

A lire aussi, Jean-François Achilli: Le charme discret de la gauche désunie

Bercer d’illusions les Français ne peut que mal finir. Ne pas leur dire que nous sommes sur le point de recueillir le dernier soupir d’un système redistributif à bout de souffle dessert l’intérêt général. Mais qui se soucie encore du bien commun ? Le droit individuel à consommer mobilise plus facilement la classe politique que le droit collectif de défendre les générations futures, sa culture ou ses frontières. Les Français réclament aussi du pognon à leurs Maîtres, car ils ont compris qu’en matière de régalien, ils pouvaient toujours se brosser.

Quoi qu’il en soit, l’OCDE nous indique que nous avons travaillé 664 heures par habitant en 2023 contre 770 dans la zone euro. Une zone sociale-démocrate où l’on chouine moins tout en bossant 16 % de plus sans déambuler de Bastille à Nation. Sur la durée d’une vie, le boulot nous accapare moins que les autres, notamment en raison du faible taux d’emploi des seniors et d’un âge de départ à la retraite très anticipé. La remarquable productivité des travailleurs français permettait jadis de compenser ce handicap. Ce n’est plus le cas. Depuis 2019, dans ce secteur également, la France décroche et l’Allemagne ou les États-Unis ont connu une croissance supérieure de 30 à 50 % de cet indicateur clé de la compétitivité. Bref, le scandale n’est pas la faiblesse du pouvoir d’achat des Français. Ce qui est incroyable, c’est que la consommation reste aussi élevée dans un pays où l’on travaille moins et désormais moins bien que ses concurrents. En somme, nous endettons les générations futures pour acheter des vêtements surnuméraires chez Zara. Pas pour rivaliser avec les Gafam. Paradoxe, Marine Tondelier ou Mélenchon nous promettent de sauver la planète en prônant des mesures de « sobriété ». Cette prédilection pour une décroissance mal assumée – car électoralement risquée – s’accompagne de discours misérabilistes sur un pouvoir d’achat qu’il serait urgent de doper. LFI remet même au goût du jour la relance par la consommation, sans doute pour occuper les esclaves ouïghours de ses amis chinois. Le NFP nous promet de gagner plus, mais pour faire quoi de cet argent ? Le donner au Venezuela ? Non, pour acheter des produits importés chez Lidl et s’abonner à Netflix !

Alors soit, ne sauvons pas la planète et augmentons les salaires ou plus exactement le salaire net. Pour qu’un salarié touche ici 80 euros, un employeur doit en débourser plus de 150, cas unique au monde ! Ces 70 euros préemptés financent une protection sociale ultra généreuse, plus coûteuse qu’ailleurs et désormais, on le sait depuis le Covid, moins performante.

Taxer les riches

Illustration parmi d’autres des aberrations dispendieuses, il existe en France 42 caisses de retraite. Chaque officine dispose bien sûr de sa propre brigade de ronds de cuir. Selon les standards européens, notre pays ne devrait en compter que cinq à dix, soit environ 35 armées mexicaines de parafonctionnaires aisément dispensables. Ces surcoûts, dont la Cour des comptes, dans une courtoise indifférence générale, compile l’existence depuis des décennies, existent au sein de milliers de structures publiques. Y mettre bon ordre constituerait l’alpha et l’oméga d’une hausse saine des revenus nets[1]. Sans grever la compétitivité de nos entreprises ; sans alourdir les impôts des 10 % des « plus aisés » qui n’en peuvent mais. Cette frange de contribuables, abusivement qualifiés de riches pour 9/10e  d’entre eux, contribue déjà à hauteur de 70 % aux impôts directs. Aucun de nos voisins européens ne pressure autant ce décile indispensable à la richesse d’une nation. Ce sont pourtant eux que le NFP vise lorsqu’il annonce que 90 % des ménages ne seraient pas impactés par les hausses d’impôts dont ils rêvent. Dans un pays pétri de jalousie, le candidat Hollande avait fixé le seuil de richesse à 4 000 euros par mois – des revenus qui ne permettent guère de fréquenter les palaces ou d’entretenir un yacht. Proposons une autre définition de la richesse : est riche celui qui vit sans travailler. Qu’il tire un revenu de ses rentes ou de ses allocs, de sa retraite ou de l’un des nombreux jobs « zombies », notamment les 500 000 postes de fonctionnaires territoriaux créés par pur électoralisme. Il y a donc, selon ce critère, beaucoup plus de riches qu’on ne le croit dans ce pays. Enfin, une bonne nouvelle.

A lire aussi, Elisabeth Lévy: Flemme olympique: Métro, conso, dodo

Si l’on voulait sincèrement augmenter le pouvoir d’achat, il faudrait inciter les Français à se retrousser les manches et accepter de questionner l’efficacité de la dépense publique. Ce dossier central n’intéresse, hélas !, personne, à l’exception de la frange « ultralibérale » des LR (Lisnard et consorts). La gabegie semble en effet faire partie du pacte républicain. S’interroger sur l’utilisation des milliers de milliards prélevés par l’ogre bureaucratique revient à officialiser son ralliement à la « droite extrême ». Seule demeure envisageable l’augmentation éternelle des budgets, financée par la dette et les hausses exponentielles d’impôts. La France se comporte tel un bricoleur myope qui raterait systématiquement le clou et proposerait d’augmenter la taille du marteau plutôt que d’apprendre à viser. Qu’on lui donne des lunettes ! Sinon, la mise sous curatelle par le FMI ou la BCE nous guette. Une autre bonne nouvelle ?


[1] Admettons que les charges sociales ne soient plus de 70 euros, mais de 60. Partageons ce gain de dix euros en deux, cinq euros pour l’employeur, cinq euros pour le salarié. Ce dernier verrait son revenu brut augmenter de 5/80 = 6 %. Pas mal non ?

L’Église honteuse

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L’Église anglicane serait-elle en train d’opérer un « rebranding » qui ne dit pas son nom ?


L’Église d’Angleterre, dont le roi Charles III est le gouverneur suprême, mais l’archevêque de Cantorbéry, Justin Welby, le chef spirituel, envisage-t-elle d’éliminer le mot « église » de son langage pour mieux attirer le chaland ? Selon une étude publiée par un centre de réflexion ecclésiastique, ce pas a été franchi spontanément au niveau local. L’étude, intitulée « Nouvelles Choses » (New Things) pour souligner la variété des termes qui se sont substitués à « église », a enquêté sur 11 des 42 diocèses anglais et a trouvé que, depuis dix ans, aucun des quelque 900 projets de création de nouveaux lieux de culte n’utilisait le mot. Les termes préférés étaient surtout « communauté » ou « assemblée », bien qu’« ecclésia » signifie justement « assemblée » en grec ancien. Il semblerait donc que l’Église anglicane, dont la mission centrale devrait être de préserver et de transmettre l’intégrité de l’enseignement du Christ et des apôtres, soit tombée dans le piège de l’adaptation au monde moderne. L’étude en question a noté que, quand la théologie traditionnelle perd de son influence, on cherche l’inspiration dans d’autres sources, « à savoir l’entreprise et le management ». Pourtant, il est peu probable qu’un rebranding de l’anglicanisme puisse ralentir le déclin du culte. Pour certains membres du clergé et leurs paroissiens, le mot « église » rappelle trop des notions de hiérarchie et tradition, et évoque un passé qu’il s’agit surtout de nier. L’année dernière, le synode général a décidé que chaque paroisse devait mettre en place un plan d’action pour combattre l’injustice raciale, tandis que la commission qui gère les actifs immobiliers de l’Église veut absolument que cette dernière lève 1,2 milliard d’euros pour expier le péché de ses investissements dans la traite atlantique au début du XVIIIe siècle. Tout en oubliant son rôle central dans la campagne pour abolir la traite et l’esclavage. Au passage, on notera que l’expiation ne requiert plus une âme contrite, mais du fric. Voici revenu le temps des indulgences.