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Le pouvoir d’achat, ce paresseux mantra

Le pouvoir d'achat a augmenté en France plus qu'ailleurs au prix d’un endettement irresponsable


Le pouvoir d’achat, ce paresseux mantra
Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon. « Bercer d’illusions les Français ne peut que mal finir… » © lain ROBERT/SIPA – FRANCOIS GREUEZ/SIPA

Les Français travaillent moins et moins bien que leurs voisins mais demeurent de grands consommateurs. La classe politique répète que leur fameux pouvoir d’achat est en berne alors qu’il ne cesse d’augmenter, au prix d’un endettement irresponsable. Ce système redistributif dessert l’intérêt général, sans parler des générations futures.


L’unanimité autour du sacro-saint pouvoir d’achat concentre toutes les lâchetés démagogiques des électeurs français et de leurs élites politiques. Les voir chouiner comme des enfants réclamant des bonbecs, en dépit d’un bulletin scolaire lamentable, peut déclencher des réactions compréhensibles – claquage de beignet, voire stigmatisation du cancre (sans cellule de soutien psychologique).

Pendant que RN et NFP nous bercent d’illusions, notre productivité décroche

Résumons la position des deux principales forces politiques du pays – le RN et le NFP : primo, le pouvoir d’achat est en berne voire en baisse constante ; deuxio, pour renforcer ledit pouvoir, il suffirait d’augmenter les salaires du privé – en rognant sur les dividendes des patrons actionnaires –, ainsi que les rémunérations de la fonction publique – en continuant à emprunter ou en augmentant les impôts des « riches ». Le tout donne la formule gagnante du bonheur, béatitude intimement indexée sur la consommation.

Le hic, c’est que tout est faux dans ce discours dangereux. Le pouvoir d’achat des Français a régulièrement augmenté depuis dix ans, y compris en 2020 pendant les confinements successifs (!), à l’exception certes de 2022, année de guerre et du choc inflationniste ukrainien. Il a même crû plus qu’ailleurs au prix d’un endettement irresponsable.

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Bercer d’illusions les Français ne peut que mal finir. Ne pas leur dire que nous sommes sur le point de recueillir le dernier soupir d’un système redistributif à bout de souffle dessert l’intérêt général. Mais qui se soucie encore du bien commun ? Le droit individuel à consommer mobilise plus facilement la classe politique que le droit collectif de défendre les générations futures, sa culture ou ses frontières. Les Français réclament aussi du pognon à leurs Maîtres, car ils ont compris qu’en matière de régalien, ils pouvaient toujours se brosser.

Quoi qu’il en soit, l’OCDE nous indique que nous avons travaillé 664 heures par habitant en 2023 contre 770 dans la zone euro. Une zone sociale-démocrate où l’on chouine moins tout en bossant 16 % de plus sans déambuler de Bastille à Nation. Sur la durée d’une vie, le boulot nous accapare moins que les autres, notamment en raison du faible taux d’emploi des seniors et d’un âge de départ à la retraite très anticipé. La remarquable productivité des travailleurs français permettait jadis de compenser ce handicap. Ce n’est plus le cas. Depuis 2019, dans ce secteur également, la France décroche et l’Allemagne ou les États-Unis ont connu une croissance supérieure de 30 à 50 % de cet indicateur clé de la compétitivité. Bref, le scandale n’est pas la faiblesse du pouvoir d’achat des Français. Ce qui est incroyable, c’est que la consommation reste aussi élevée dans un pays où l’on travaille moins et désormais moins bien que ses concurrents. En somme, nous endettons les générations futures pour acheter des vêtements surnuméraires chez Zara. Pas pour rivaliser avec les Gafam. Paradoxe, Marine Tondelier ou Mélenchon nous promettent de sauver la planète en prônant des mesures de « sobriété ». Cette prédilection pour une décroissance mal assumée – car électoralement risquée – s’accompagne de discours misérabilistes sur un pouvoir d’achat qu’il serait urgent de doper. LFI remet même au goût du jour la relance par la consommation, sans doute pour occuper les esclaves ouïghours de ses amis chinois. Le NFP nous promet de gagner plus, mais pour faire quoi de cet argent ? Le donner au Venezuela ? Non, pour acheter des produits importés chez Lidl et s’abonner à Netflix !

Alors soit, ne sauvons pas la planète et augmentons les salaires ou plus exactement le salaire net. Pour qu’un salarié touche ici 80 euros, un employeur doit en débourser plus de 150, cas unique au monde ! Ces 70 euros préemptés financent une protection sociale ultra généreuse, plus coûteuse qu’ailleurs et désormais, on le sait depuis le Covid, moins performante.

Taxer les riches

Illustration parmi d’autres des aberrations dispendieuses, il existe en France 42 caisses de retraite. Chaque officine dispose bien sûr de sa propre brigade de ronds de cuir. Selon les standards européens, notre pays ne devrait en compter que cinq à dix, soit environ 35 armées mexicaines de parafonctionnaires aisément dispensables. Ces surcoûts, dont la Cour des comptes, dans une courtoise indifférence générale, compile l’existence depuis des décennies, existent au sein de milliers de structures publiques. Y mettre bon ordre constituerait l’alpha et l’oméga d’une hausse saine des revenus nets[1]. Sans grever la compétitivité de nos entreprises ; sans alourdir les impôts des 10 % des « plus aisés » qui n’en peuvent mais. Cette frange de contribuables, abusivement qualifiés de riches pour 9/10e  d’entre eux, contribue déjà à hauteur de 70 % aux impôts directs. Aucun de nos voisins européens ne pressure autant ce décile indispensable à la richesse d’une nation. Ce sont pourtant eux que le NFP vise lorsqu’il annonce que 90 % des ménages ne seraient pas impactés par les hausses d’impôts dont ils rêvent. Dans un pays pétri de jalousie, le candidat Hollande avait fixé le seuil de richesse à 4 000 euros par mois – des revenus qui ne permettent guère de fréquenter les palaces ou d’entretenir un yacht. Proposons une autre définition de la richesse : est riche celui qui vit sans travailler. Qu’il tire un revenu de ses rentes ou de ses allocs, de sa retraite ou de l’un des nombreux jobs « zombies », notamment les 500 000 postes de fonctionnaires territoriaux créés par pur électoralisme. Il y a donc, selon ce critère, beaucoup plus de riches qu’on ne le croit dans ce pays. Enfin, une bonne nouvelle.

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Si l’on voulait sincèrement augmenter le pouvoir d’achat, il faudrait inciter les Français à se retrousser les manches et accepter de questionner l’efficacité de la dépense publique. Ce dossier central n’intéresse, hélas !, personne, à l’exception de la frange « ultralibérale » des LR (Lisnard et consorts). La gabegie semble en effet faire partie du pacte républicain. S’interroger sur l’utilisation des milliers de milliards prélevés par l’ogre bureaucratique revient à officialiser son ralliement à la « droite extrême ». Seule demeure envisageable l’augmentation éternelle des budgets, financée par la dette et les hausses exponentielles d’impôts. La France se comporte tel un bricoleur myope qui raterait systématiquement le clou et proposerait d’augmenter la taille du marteau plutôt que d’apprendre à viser. Qu’on lui donne des lunettes ! Sinon, la mise sous curatelle par le FMI ou la BCE nous guette. Une autre bonne nouvelle ?


[1] Admettons que les charges sociales ne soient plus de 70 euros, mais de 60. Partageons ce gain de dix euros en deux, cinq euros pour l’employeur, cinq euros pour le salarié. Ce dernier verrait son revenu brut augmenter de 5/80 = 6 %. Pas mal non ?

Septembre 2024 - Causeur #126

Article extrait du Magazine Causeur




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Diplômé d'HEC, il a travaillé de nombreuses années dans la presse ("Le Figaro", "Le Nouvel Obs", "Libération", "Le Point", etc.). Affectionnant les anarchistes de droite tels Jean Yanne ou Pierre Desproges, il est devenu l'un des meilleurs spécialistes de Michel Audiard. On lui doit deux livres de référence sur le sujet : <em>Le Dico flingueur des Tontons</em> et <em>L'Encyclopédie d'Audiard</em> (Hugo & Cie).

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