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Comment briller dans vos dîners en ville en parlant des nouveaux ministres

Une fois après avoir dit comme tout le monde que ce nouveau gouvernement, c’était beaucoup de bruit pour rien, vous marquerez des points en ayant un commentaire politique précis pour chaque membre du nouveau casting de MM. Barnier et Macron… Les fiches de Céline Pina qui suivent vous permettront de faire forte impression.


Le gouvernement le plus à droite depuis les gouvernements Fillon ! Voilà comment une partie de la presse présente l’équipe de Michel Barnier. Le plus drôle c’est qu’il n’y a aucune réalité concrète derrière cet affichage outrancier visant à induire l’idée que la réaction est au pouvoir. D’abord parce que les personnalités en question sont loin d’être des boutefeux et des extrémistes, ensuite parce que les réalités mathématiques sont têtues : ce gouvernement n’a pas de majorité et sa longévité est tributaire du bon vouloir de son opposition, ce qui rend d’emblée caduque l’espoir de rivaliser avec Mathusalem.

Technique et politique

La liste des ministres du gouvernement Barnier contient très peu de noms connus des Français, y compris parmi ceux qui sont en haut de la liste protocolaire. Cela dit tout du déclin de la politique et de la fonction ministérielle. Avant, devenir ministre était soit un bâton de maréchal, soit la reconnaissance d’un parcours politique intéressant, d’une capacité à faire partager une vision, une ambition ou tout du moins une réforme. Aujourd’hui cela devient un premier poste, une sorte de phase de test ; on assiste à la prise de pouvoir de l’équipe réserve. D’où la domination des profils techniques : les noms d’école prestigieux mis en avant remplacent l’expérience et la connaissance des hommes. Ils permettent d’afficher une compétence sans jamais se poser la question de savoir si elle est utile et adaptée au rôle. Or Emmanuel Macron a montré à quel point les gouvernements techniciens ne sont pas meilleurs que les autres, voire accentuent le déclin faute de gouvernail avant tout mais aussi de finesse dans la connaissance des réalités humaines et territoriales. La gestion, même en bon père de famille, si elle n’est pas à négliger, n’est ni un projet, ni un avenir. Voilà pourquoi elle relève de l’administration et non de la politique.

A ce triste constat en train de devenir structurel, s’ajoute un élément conjoncturel fort. Personne ne pense qu’Emmanuel Macron a encore un destin et trop de monde doute qu’il ait même encore un avenir. Pour autant, il est là. Tout sauf discret, tout sauf capable de retenue et de discernement dans la conduite. Il veut tellement être au centre du jeu que gouverner avec ce président-là, c’est être réduit à servir sa communication, c’est accepter la mission au nom de la France pour terminer dans des affrontements stériles avec un étourdi et sa côterie… D’autre part, la petite musique du président empêché de finir son mandat est dans toute les têtes et si cette attente ne se réalise pas, tout le monde a compris que lier son sort au sien, c’était se retrouver disqualifié lorsque les cartes seront rebattues. Il y a donc peu d’espoir que l’engagement aboutisse à quelque chose et beaucoup de chances qu’il nuise aux ambitions ultérieures. Cela, les politiques le savent.

Mission impossible, si vous l’acceptez : le budget

Cette équipe mélange donc personnalités aux profils de techniciens et grands élus locaux. Ceux qui n’ont rien à perdre à acquérir un peu de notoriété, et savent qu’on ne leur fera pas grief s’ils échouent là où personne ne s’attendait à ce qu’ils réussissent. Sa composition sur la forme est donc des plus classiques. On y retrouve la nécessité de nourrir chacun des courants de la coalition et on y affiche l’importance de l’ancrage territorial, mais il y a fort à parier que ce gouvernement ne devrait rien changer à la situation de blocage du pays tant on voit mal de quels leviers il dispose. L’absence des grands leaders le dit, ils sont déjà sur le coup d’après et misent sur l’échec. L’appel à la responsabilité politique ne devrait permettre que l’accouchement d’un budget technique. En la circonstance, ce ne sera déjà pas si mal. En attendant, petite revue de détail de nos nouveaux ministres.

• Didier Migaud (divers gauche), garde des Sceaux, ministre de la Justice. L’ancien membre du PS nommé président de la Cour des comptes par Nicolas Sarkozy était jusqu’alors, à la direction de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique. Il est premier dans l’ordre protocolaire et cela porte un message : il faut faire oublier que les vieilles gloires de la gauche, à l’époque où elle était républicaine, ont toutes refusé de monter sur le Radeau de la Méduse. Ces derniers ont dû probablement manquer le fait que les marins et passagers qui avaient choisi le banc de sable au lieu du radeau ont eu un sort tout aussi funeste… En attendant, la participation de M. Migaud au gouvernement est brandie comme un trophée ; l’homme s’est fait surtout connaitre comme un technicien très compétent, faisant passer son devoir avant l’idéologie et refusant le sectarisme. Il a une expérience politique réelle : maire de Seyssins (38), président de la métropole de Grenoble, rapporteur général du budget à l’Assemblée nationale, président de la commission des Finances… Il a été positionné symboliquement en premier en signe de respect, pour donner également des gages à la « gauche » de la macronie ; la position prestigieuse ayant pour but de faire oublier que le compte n’y est pas et que cette équipe est orientée à droite. Le problème c’est que le rassemblement autour d’Emmanuel Macron est plus un fan club qu’un parti : il n’a ni doctrine ni ligne de force. A tel point que pour exister ce collectif crée des dangers imaginaires, tout en enfonçant la tête dans le sable face aux dangers réels. Gabriel Attal fait ainsi comme si la droite menaçait les droits LGBT, ceux des femmes ou la PMA, alors même que c’est l’alliance de la gauche avec les islamistes qui leur fait courir le plus grand risque. Résoudre des problèmes qui n’existent pas permet de triompher aisément. Voilà pourquoi Gabriel Attal fait toute cette communication et s’attaque à des moulins à vent en les faisant passer pour une armée de réactionnaires. Être protecteur de ce qui n’est pas attaqué permet de brandir un bon bilan de défenseur de place forte et de se construire une image de chevalier blanc sans prendre le moindre coup. Le risque : ne pas échapper au ridicule…

En attendant, le duo Migaud / Retailleau rappelle le tandem Darmanin / Dupond-Moretti où, afin de rassurer le microcosme bobo, l’affichage de l’autorité incarnée par Darmanin était contredit par l’image progressiste et laxiste de l’ancien avocat de la défense. Le retour de cette forme de politique à la Gribouille montre à quel point le président et son entourage n’ont toujours rien compris aux attentes des Français. Sans compter que c’est faire revêtir à Didier Migaud un rôle dont il pourrait modifier les contours. Il en a les capacités.

• Catherine Vautrin (divers droite), ministre du Partenariat avec les territoires et de la Décentralisation. L’ex-ministre du Travail, de la Santé et des Solidarités (de janvier à septembre), longtemps députée de la Marne, a rejoint Emmanuel Macron en 2022 mais vient à l’origine de la droite. Elle fut pressentie comme Premier ministre en remplacement de Jean Castex en 2022, mais son opposition à la loi « Mariage pour tous » lui a alors valu une bronca de l’aile gauche du parti macroniste. Elle est en deuxième position pour envoyer un message fort aux élus locaux et aux pouvoirs intermédiaires, ignorés ou instrumentalisés sans que cela ne débouche sur rien (rappelons-nous d’Emmanuel Macron se mettant en scène en majesté alors qu’il était censé écouter leur expertise après la crise des gilets jaunes).

• Bruno Retailleau (Les Républicains), ministre de l’Intérieur. Chef du groupe LR au Sénat, élu de Vendée. C’est un des rares, si ce n’est le seul, poids lourd du gouvernement. Il est positionné à un poste stratégique. Cet homme, encore peu connu, est un politique travailleur et courageux. Il a pris des positions très fermes sur l’islamisme. Il s’est opposé au Mariage pour Tous, ce qui a l’art de rendre fou les socialistes qui ont fait de cette réforme sociétale sans grand impact, une épopée épique et une référence majeure, sans se rendre compte qu’au fond elle était facilement rentrée dans les mœurs et que la combattre n’est une priorité pour personne. Il a également voté contre l’inscription de l’IVG dans la Constitution. Or ce vote ne signifie pas le rejet de l’IVG en soi. Un certain nombre de parlementaires ont refusé de se prêter à une mise en scène où le gouvernement prétendait sanctuariser un droit qui n’était pas attaqué en l’inscrivant dans une Constitution dont ce n’est pas l’objet puisque celle-ci est censée traiter de l’organisation des pouvoirs… M. Retailleau a pris des positions très claires sur l’immigration et est en phase avec les attentes des Français sur cette question comme sur le dossier préoccupant de l’islamisation. Ce sont surtout ces questions-là qui inquiètent en réalité une gauche très compromise avec les réseaux et une partie de l’idéologie islamiste dont elle reprend les éléments de langage. Mais comme il serait impopulaire de porter le fer sur ces questions-là, à moins d’être LFI et d’avoir totalement sombré dans l’islamogauchisme, l’aile gauche du parti macroniste préfère concentrer ses critiques sur des soupçons d’homophobie peu avérés.

• Anne Genetet (Renaissance), ministre de l’Education nationale. Elue des Français établis en Europe de l’Est, Asie et Océanie, ancienne vice-présidente du groupe Renaissance à l’Assemblée nationale. Surtout connue pour avoir travaillé sur les sujets de défense et de diplomatie, elle a obtenu le poste grâce à ses liens avec Gabriel Attal, lequel voulait montrer qu’il gardait un peu la main sur certains secteurs. Cela montre surtout qu’il est dégarni en ressources puisque dès la nomination de la ministre, les syndicats ont mis en avant une forme d’illégitimité liée à sa totale méconnaissance d’un secteur très compliqué. Chasser le mammouth ne s’improvise pas, l’apprivoiser non plus ! D’autant que la ministre ne fait pas preuve de retenue ni de discernement, s’en étant pris à Bruno Retailleau avec véhémence dans les médias alors que vendredi son nom tournait déjà comme probable ministre de l’Intérieur. Mais Madame Genetet ne fait que correspondre au nouveau profil politique-type, lequel ne s’affirme plus par ses actions et ses réalisations mais en faisant de son adversaire un repoussoir. Une posture qui promet, alors que l’Education nationale va de mal en pis, que le niveau ne cesse de chuter et que l’institution souffre de la démagogie persistante des syndicats dont les critiques se concentrent uniquement sur le manque de moyens, tandis que les parents d’élèves s’interrogent surtout sur l’absence d’exigence, de discipline et de résultats dans les établissements scolaires, et en ont marre de voir des enseignants recrutés à des niveaux de plus en plus bas.

• Jean-Noël Barrot (MoDem), ministre de l’Europe et des Affaires étrangères. Ancien ministre délégué chargé du Numérique (2022-2024), puis ministre délégué chargé de l’Europe (février-septembre). Le fils de Jacques Barrot est très peu connu du grand public. Il occupe une position délicate : la diplomatie est vue par Emmanuel Macron comme sa chasse gardée bien que cet art soit sans doute bien mieux maitrisé par son nouveau Premier ministre. Affaibli, le président n’en est que plus ingérable, et le secteur de la diplomatie risque de pâtir des tensions qui devraient rapidement se faire jour au sein de l’exécutif. Jean-Noël Barrot est inconnu du grand public et n’est crédité d’aucune réalisation marquante, mais il est jeune (41 ans) et pourrait surprendre.

• Rachida Dati (divers droite), ministre de la Culture et du Patrimoine. Tout récemment exclue des Républicains lorsqu’elle a choisi de rejoindre Emmanuel Macron (janvier), la ministre de la Culture retrouve tous ses petits camarades de droite qu’elle n’a jamais épargné. Ambiance. Mais, ceux-ci sont habitués à son caractère affirmé. Mme Dati garde le même ministère, gage d’efficacité dans les futures négociations budgétaires. Elle en aura besoin, les dossiers chauds ne manquent pas dans le secteur : crise du spectacle vivant, pluralisme politique dans l’audiovisuel public, difficultés à faire vivre la culture en zones rurales, polémique annoncée sur les vitraux de Notre-Dame…

• Sébastien Lecornu (Renaissance), ministre des Armées et des Anciens Combattants. Ministre des Armées depuis mai 2022. C’est un des rares ministres à avoir été maintenu. Comme Rachida Dati, il vient des LR et retrouve donc des visages connus dans le nouveau gouvernement. Accompagnant la hausse des crédits liés aux Armées, l’homme est apprécié des militaires. Le ministère est d’ailleurs très technique, l’aspect politique sur les questions militaires relevant du président. C’est donc un ministère plutôt tranquille, même si les tensions internationales s’exacerbent. Heureusement, la défense nationale n’est pas un sujet qui prête à polémiques politiciennes.

• Agnès Pannier-Runacher (Renaissance-Territoires de Progrès), ministre de la Transition écologique, de l’Energie, du Climat et de la Prévention des risques. Elle a été de tous les gouvernements depuis 2017. Sa nomination pourrait être l’occasion d’envoyer un message d’engagement à la filière nucléaire, son positionnement pro-nucléaire étant un des fils rouges de son engagement gouvernemental.

• Antoine Armand (Renaissance), ministre de l’Economie, des Finances et de l’Industrie. Député de Haute-Savoie et ancien président de la commission des Affaires économiques à l’Assemblée nationale. Comme tant de membres de l’entourage d’Emmanuel Macron, il a lui aussi un profil de technicien. L’homme est très jeune (33 ans), pèse peu et n’a pas d’histoire politique. La nomination de M. Armand marque une relative perte du poids politique de Bercy et de l’importance de son ministre, après le départ de Bruno Le Maire. Elle annonce une implication très forte du Premier ministre sur les questions budgétaires et économiques. Cette nomination peut être comprise comme une façon de dire en creux qu’il s’agit ici de mettre en place un budget de transition, en attendant que les choses sérieuses commencent. Certes, avec le niveau de notre dette, de notre balance commerciale et des coupes budgétaires à réaliser, la tergiversation n’est guère de mise, mais sans majorité il est difficile de faire des choix ambitieux. Un profil technique n’est donc pas un choix incohérent.

• Geneviève Darrieussecq (MoDem), ministre de la Santé et de l’Accès aux soins. Ancienne ministre déléguée chargée des Personnes handicapées (2022-2023), elle hérite d’un ministère en crise continue depuis des années. L’accès à un parcours de soins devient de plus en plus compliqué en secteur rural et périurbain. Inutile de dire que la fragilité de la « coalition » à laquelle appartient Mme Darrieussecq ne fait attendre guère d’avancées sur le secteur.

Une armée de petits profils techniques

• Paul Christophe (Horizons), ministre des Solidarités, de l’Autonomie et de l’Egalité entre les femmes et les hommes. Président de la commission des Affaires sociales, ce proche d’Edouard Philippe présente également un profil technique.

• Valérie Létard (UDI), ministre du Logement et de la Rénovation urbaine. Ancienne députée du Nord, ancienne vice-présidente du Sénat, secrétaire d’Etat sous la présidence de Nicolas Sarkozy. C’est une femme expérimentée, qui connait ses dossiers. Mais c’est la même chose que pour le poste précédent : son profil reste très technique.                                   

• Annie Genevard (Les Républicains), ministre de l’Agriculture, de la Souveraineté alimentaire et de la Forêt. La codirigeante par intérim du parti Les Républicains, ancienne prof de lettres classiques et députée du Doubs depuis 2012, décroche son premier ministère à 68 ans.

• Astrid Panosyan-Bouvet(Renaissance), ministre du Travail et de l’Emploi. Premier poste de ministre pour la députée de Paris qui se signale dans l’hémicycle par son travail sur le fond et son courage sur les sujets de laïcité, d’islamisme, d’égalité hommes/femmes.

• Gil Avérous (divers droite), ministre des Sports, de la Jeunesse et de la Vie associative. Ancien maire de Châteauroux (Indre), il a quitté LR en 2023

• Patrick Hetzel (Les Républicains), ministre de l’Enseignement supérieur et de la recherche. L’ex-directeur général de l’Enseignement supérieur de 60 ans, député du Bas-Rhin, a été conseiller éducation de François Fillon, à Matignon.

• Guillaume Kasbarian (Renaissance), ministre de la Fonction publique, de la Simplification et de la Transformation de l’action publique. Ancien ministre du Logement (février-septembre). Reconnu pour sa compétence sur son précédent secteur.

• François-Noël Buffet (Les Républicains), ministre auprès du Premier ministre, chargé des Outre-mer. Ancien sénateur du Rhône et président de la commission des Lois du Sénat.

• Laurent Saint-Martin (Renaissance), ministre auprès du Premier ministre, chargé du budget et des comptes publics. 

Philippine: martyre de l’impéritie judiciaire

«L’impunité des juges, jusqu’à quand?», s’agace la droite dure, après la mort de Philippine, jeune femme retrouvée dans le Bois de Boulogne. Son meurtrier présumé, un immigré marocain, avait déjà été condamné, n’avait pas effectué toute sa peine de prison, et demeurait sur le territoire français. Sur le dossier des OQTF, après cet énième et terrible fait divers, Bruno Retailleau et Didier Migaud sont attendus au tournant. «C’est à nous, responsables publics, de refuser la fatalité et de faire évoluer notre arsenal juridique, pour protéger les Français. S’il faut changer les règles, changeons-les», a déclaré le premier.


Combien faudra-t-il encore de Philippine, de martyres de la barbarie locale ou d’importation pour qu’on en vienne enfin à légiférer sur la responsabilité de l’institution judiciaire en général et de certains juges en particulier, notamment dans ces cas gravissimes de récidive ?

Scandale à tiroirs

Philippine était jeune, belle, brillante, pleine de vie, sociable, bienveillante. De surcroît blanche et catholique. La proie idéale pour ces monstres, probablement. En vérité, l’écœurement est à son comble, tant le scénario d’épouvante est connu, qui se reproduit ad nauseam.
L’auteur présumé de la monstruosité : un migrant clandestin marocain âgé de 22 ans. Palmarès, un viol peu après son arrivée sur le sol français en 2019. Une étudiante de 19 ans – déjà!- agressée sur un chemin de la forêt de Taverny. Jugement, verdict : sept ans de prison. Sept ans seulement, dirais-je, pour la vie gâchée de cette jeune personne. Voilà bien un premier scandale.
Scandale à tiroirs, puisque le type n’effectue qu’une partie de sa peine. Donc, il sort. Pour de nouvelles balades en forêt ? Allons savoir.
Le 18 juin dernier, cinq ans après les faits – oui, cinq ans – une Obligation de Quitter le Territoire Français (l’une de ces OQTF, arlésiennes procédurales qui pourraient faire rire si l’affaire n’était si grave) est prononcée à son encontre. Dans l’attente de son expulsion, il est placé en Centre de Rétention Administrative (CRA).
Autre élément de scandale, un juge des libertés et de la détention prend la généreuse décision de le libérer. Sans doute considérait-il que la privation de possibles promenades bucoliques était une sanction trop sévère et surtout trop injuste pour ce garçon.

En n’attendant pas Baudot

On voit bien, hélas, le fonds idéologique qui préside à ce genre de décision: le migrant violeur est lui aussi victime, victime de la misère sexuelle dans laquelle le relègue cette horrible société d’oppression blanche et bourgeoise, raciste et post-esclavagiste, qui se fait honteusement tirer l’oreille pour l’accueillir avec tambour et trompette, voire tapis rouge. La doxa idéologique est là : le coupable n’est coupable que parce qu’il est d’abord victime. Cette doctrine effarante était clairement exprimée dans ce qu’on appelle la Harangue de Baudot, écrite en 1974, adressée à une centaine de magistrats frais émoulus de l’école de la magistrature de Bordeaux. « Soyez partiaux, prescrit ce texte de référence. Examinez toujours où sont le fort et le faible, qui ne se confondent pas nécessairement avec le délinquant et sa victime (…) Ayez un préjugé favorable pour la femme contre le mari, pour l’enfant contre le père, pour le débiteur contre le créancier, pour l’ouvrier contre le patron, pour le voleur contre la police »… De là à compléter la litanie en y ajoutant « du violeur contre la martyre », il n’y a sans doute, pour certains magistrats, qu’un pas ou deux à franchir.
Libre à eux, sans doute. Mais libre à la société d’exiger qu’ils aient à rendre des comptes. À l’image de tout citoyen de ce pays. Rendre des comptes, comme tout un chacun, dans les mêmes conditions d’égalité et d’impartialité. Droits de la défense compris, cela va de soi, puisque cela fait partie intégrante de nos principes de saine et honnête justice. Principes qui nous honorent, soit dit en passant.

Mon clocher, ma bataille

Dans un beau livre illustré, l’historien Jean-Pierre Rioux nous raconte comment la défense de nos clochers est devenue, au fil du XXᵉ siècle, un enjeu majeur de la politique patrimoniale française. Vive nos clochers – Avec Barrès, Hugo, Proust et les autres (Editions Bleu Autour, 2024)


Il était là. Au milieu de la paroisse, du village, de la cité, tellement visible, tellement surplombant, tellement sonnant que plus personne ne faisait attention à sa présence séculaire.

Notre décor mental

Il faisait partie de notre décor mental, de notre biotope culturel, de nos racines culturelles, que l’on soit pratiquant ou pas, il était à la fois le témoin de notre histoire communale et la permanence d’une France ancrée dans le catholicisme. Et puis, par lassitude, par abandon, presque involontairement, face à l’explosion des coûts d’entretien et à une déchristianisation lente de nos campagnes, nous n’avons pas su le retenir, le choyer, lui dire combien il était cet ami fidèle, ce gardien de troupeau bienveillant. Ce phare qui éclairait nos plaines inertes plusieurs kilomètres à la ronde était plus qu’un échalas de pierre, il était tuteur et mémoire, recueillement et monument, mystère et rêverie. Un jour, notre église tomba en ruine et notre clocher disparut. Ce jour-là, nous avons perdu un peu de nous-mêmes et l’identité de notre communauté s’en est allée. Dans un monde ultra-connecté et déshumanisé, quelle trace restera-t-il de nos anciennes fraternités ? Ce clocher que nous avions fini par oublier, par délaisser était au cœur de notre vie quotidienne. Il était témoin et acteur de nos solidarités. Il nous rattachait à quelque chose de plus grand que nous. Cette histoire n’est pas une fiction, elle est le symbole du délitement de nos vieux liens qui couraient bien au-delà des remous de la loi de 1905.

Débats sans fin

Nos clochers ne sont pas éternels. Alors, aujourd’hui, le patrimoine ne relève plus du folklore de quelques âmes charitables comme la défense des animaux, mais bien d’un nouveau socle sur lequel de nombreux citoyens, croyants ou non, veulent se rattacher. Nos clochers ont une valeur de transcendance. Ils sont des repères existentiels et non le catafalque de nos turpitudes. On veut les protéger, les sauver, les maintenir en vie mais jusqu’à quel point ? Si les Français sont, de nouveau, sensibles au sort réservé à leurs clochers et à leurs calvaires, le quoi qu’il en coûte n’est plus au programme commun des budgets municipaux.

Jean-Pierre Rioux, spécialiste de l’histoire politique et culturelle de la France contemporaine dresse un panorama de nos clochers dans un ouvrage illustré paru chez « Bleu Autour », la belle maison d’édition située à Saint-Pourçain-sur-Sioule (03). Sous le titre enthousiaste Vive nos clochers, il raconte comment nos églises, épicentres des provinces, ont été à l’origine de féroces combats idéologiques et comment leur sauvegarde est encore une source de débats qui agitent les élus et les populations locales. Car, l’église n’est pas « un bâtiment municipal comme un autre ».

Les grands écrivains à la rescousse

L’intérêt de cette réflexion est qu’elle s’appuie sur les écrits de Barrès, Hugo, Proust et qu’elle débute même sur une chanson, La petite église, de Paul Delmet, interprétée par la voix chaude et perchée de Tino Rossi. Rioux avoue que c’est le refrain de cette incantation populaire dont les paroles commencent ainsi Je sais une église au fond d’un hameau… qui l’a poussé vers La Grande Pitié des églises de France de Maurice Barrès. Le député des Halles et académicien est l’homme par qui tout a commencé. Jean-Pierre Rioux écrit : « Il est donc prêt en 1910 à voler au secours des clochers. Avec une boussole : « Je défends les églises non parce que j’aime dans le catholicisme une gendarmerie spirituelle, mais au nom de la vie intérieure de chacun ». Barrès a le verbe haut et la fougue des convaincus. Par tribunes de presse, il part à l’assaut « pour un classement du bâti le plus ancien » sans se présenter en catholique mais pour mieux « préserver la civilisation et l’âme nationale ». Sa prose emporte et ses mots résonnent à cent ans d’intervalles, avec un mimétisme clairvoyant : « Le meilleur moyen de défendre nos églises, c’est de les faire aimer, d’intéresser le grand public à leur sort ».

Au XXème et en ce début de XXIème siècle, Rioux nous parle de nos rapports plus ou moins distanciés avec nos clochers ; de « la communion avec les poilus » jusqu’à l’émoi de Notre-Dame en flammes. Il va jusqu’évoquer le clocher de l’enfance si cher à Marcel ; dans les premières pages de Swann quand le train arrive à Illiers-Combray, Proust se souvient : « On reconnaissait de bien loin le clocher de la nôtre, inscrivant à l’horizon sa figure inoubliable ».

Vive nos clochers – Avec Barrès, Hugo, Proust et les autres – Bleu autour 184 pages

Vive nos clochers: Avec Barrès, Hugo, Proust et les autres

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Parenthèse (sécuritaire) enchantée

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Quel étrange virus toucha la capitale ?
Où l’insécurité avait-elle mis les voiles ?
Parisiens et touristes ensemble s’extasièrent,
De découvrir Paris nettoyé au karcher,
Procès d’intention ou délit de faciès,
Tout devint permis et passa pour hardiesse.
Initiative louée, d’autant que macronienne,
Si de droite venait-elle, on la dirait vilaine,
Ainsi de pauvres hères sur décision du prince,
Manu militari partirent voir la province,
Jamais gouvernement n’avait offert vacances,
À des indésirables dont on souhaitait l’absence.
Impossible n’est pas français ! Déclarait-il heureux,
Preuve surtout était faite que quand on veut, on peut.

A lire aussi, Elisabeth Lévy: Il faut savoir terminer une trêve

Ô Jeux Olympiques, parenthèse enchantée,
Enfin les Français s’autorisent à rêver,
Adoubent le roi Teddy, acclament le dieu Léon,
Le sport fédérateur, nouvelle religion !
Qu’importe la noyade de l’économie,
Pourvu que dans la Seine ait lieu son agonie,
Tandis que des champions sont vantés les biceps,
En guise de cérémonie est passée au forceps,
Cette idéologie que l’on nomme wokiste,
Et au nom de laquelle, on plagie jusqu’au Christ
Bienveillance et morale, tout cela dégouline,
Applaudissez Français que l’on vous endoctrine !

C’est ce drôle d’été, dans cette douce France,
Qu’Alain Delon choisit de tirer révérence.
Adieu l’artiste ! Titrent les magazines,
Et puisse Romy t’attendre au bord de la piscine !

Sitôt la flamme éteinte, sitôt reviennent les plaintes.
L’heure est venue braves gens de ranger le drapeau,
Sous peine, assurément, d’être traités de facho.
Dans l’enceinte des stades vous pouvez le chérir,
En dehors de ceux-ci, gardez de le brandir.

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Grand cirque politique, la même ritournelle,
Et c’est la guerre des gauches qui reprend de plus belle,
Érigeant Matignon en glorieux Rubicon,
Qui de Lucie Castets, qui de François Pignon.
Et pourquoi pas Borloo pour ce gouvernement ?
Le risque était trop grand qu’il effraie les enfants.

Jeux paralympiques, France paralysée,
De quel bord vient la mouche qui pique l’Élysée ?
Il oscille, il consulte, et ne fait qu’hésiter.
Que lui en a-t-il pris de dissoudre Assemblée ?
Prends garde monarque à ne point faire durer,
Cet étrange carême, ces quarante journées,
Où d’un gouvernement les Français sont privés
De son utilité le peuple pourrait douter.

Contre Michel Barnier, le pire de la politique…

Après l’annonce de la composition du gouvernement Barnier, les réactions immédiatement médisantes des uns et des autres nous ont offert ce que la politique française a de plus détestable.


Depuis que la composition du gouvernement de Michel Barnier a été annoncée, que de réactions attristantes, auxquelles le Premier ministre a répondu à sa manière le 20 septembre sur le journal de France 2 ! Il ne s’agit pas de supprimer la politique, selon le souhait bizarre exprimé il y a quelques jours par Éric Zemmour, comme si c’était possible et souhaitable, mais de tout faire pour lui donner une expression digne et équilibrée. Et ces derniers jours ont montré que notre démocratie est loin du compte !

Un gouvernement baroque, composé de ministres macronistes et de ministres de droite

Je ne prétends pas avoir éprouvé un enthousiasme sans mélange en prenant connaissance de la liste des ministres, des ministres délégués et des Secrétaires d’État. Même en mesurant les rapports de force parlementaires et l’influence persistante d’un président de la République pourtant directement responsable de la débâcle de ces derniers mois, je regrette pourtant la trop large place donnée aux macronistes de la première heure ou de fraîche date. Elle me fait craindre, dans la pratique, un amollissement de la droite et un chantage permanent du mou sur le nécessaire dans la conduite des affaires gouvernementales.

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Je continue à déplorer qu’un talent comme celui de Gérald Darmanin, qui a sauvé le régalien du naufrage, n’ait pas été mis à contribution dans un autre grand ministère, et que Philippe Juvin, sans doute trop libre et compétent, ait pâti de ces qualités alors qu’il aurait été remarquable à la Santé.

Ce gouvernement est quantitativement impressionnant, et je n’ai pas envie de me moquer de quelques dénominations originales qui renvoient au souci de libérer les missions générales des grands ministères de la charge de se pencher sur le quotidien préoccupant des Français. Par exemple, celle de la « Sécurité du quotidien ». Si elles sont concrétisées, elles constitueront des avancées. Il n’empêche que, cette déception relative formulée, je suis scandalisé par le mépris, la dérision, la condescendance dont ce gouvernement, avant même la moindre démonstration de ses capacités, a été l’objet. Ce n’est pas seulement la stigmatisation des nombreux inconnus qui a été choquante ; comme s’il fallait avoir échoué et être célèbre pour mériter les suffrages du peuple… Mais, plus globalement, la manière dont l’extrémisme de gauche comme de droite, une fraction mécontente d’Ensemble pour la République (EPR) et un certain nombre de médias, ont veillé d’emblée à faire perdre toute légitimité à cette nouvelle équipe. Partialité d’autant plus surprenante que, les yeux fixés sur les sondages, ils auraient dû être alertés et prendre conscience que les vertus dont on créditait le Premier ministre – constance, calme, modération, écoute et considération – étaient précisément celles dont manquait l’univers politique et qui avaient créé si rapidement cette embellie.

Retailleau concentre les critiques

Pour ne prendre qu’un exemple qui a suscité autant d’espérance que de critiques parfois ignominieuses, Bruno Retailleau – qui s’accordera, j’en suis sûr, avec le nouveau garde des Sceaux et dont même ses adversaires reconnaissent la fiabilité, la solidité et son heureuse aptitude à ne pas plier au gré du vent – est traité comme s’il avait été condamné pour racisme. Et je ne peux que déplorer que Manuel Bompard, si bien contredit par Sonia Mabrouk sur CNews, ait relayé cette absurdité. Comme si la joute politique autorisait n’importe quoi.

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L’opprobre anticipé projeté sur le gouvernement de Michel Barnier m’apparaît d’autant plus injuste que je perçois mal qui, ou quel groupe, pourrait avoir l’arrogance de se déclarer, face à lui, irréprochable, exemplaire ou préférable. Du côté du Nouveau Front populaire, avec Lucie Castets Premier ministre imaginaire et l’invocation lassante d’une première place après le second tour des élections législatives sans la moindre chance d’obtenir une majorité à l’Assemblée nationale, on a été confronté trop longtemps à cette méthode redoutable de l’extrême gauche dominant la gauche, consistant à confondre le martèlement de la même idée fausse avec la justesse de la cause. On ne peut pas passer sous silence, malgré les oppositions internes au Parti socialiste, l’insupportable dérive de celui-ci vers une idéologie faisant perdre tout bon sens, au détriment de ce qu’exigerait la responsabilité d’un parti qui se veut de gouvernement. Et de la retenue et décence républicaines qu’on attendrait de l’ancien président de la République François Hollande. Comment ose-t-il sans barguigner s’aligner sur le pire de la politique ? Il se met à l’unisson de pratiques extrêmes comme déposer une motion de censure par principe. Aurait-il été inconcevable que le social-démocrate et député Hollande pèse ses mots et ses actes avant de s’engouffrer dans la caricature d’un affrontement parlementaire ? Au-delà du Parti socialiste, convient-il même de faire un sort à Marine Tondelier qui est inébranlable dans des positions qui plaisent à ses soutiens mais font douter de l’écologie qu’elle propose, des leçons de morale qu’elle assène et d’une vision républicaine qui préfère ses préjugés à la scandaleuse nouvelle que serait la réussite du camp adverse ? Certes, l’écologie dispose maintenant du vibrion François Ruffin qui est devenu courageux – mais discuté dans ses charges – à proportion de son éloignement d’avec Jean-Luc Mélenchon, qui ne lui fait même pas l’honneur d’une riposte. Il me semble qu’il y a en lui du feu follet et que parfois on peut se dire que le cinéaste talentueux fait de l’ombre au député fluctuant ! Dans le collectif de LFI, hier, il était bridé et trop taiseux. Aujourd’hui, est-il suffisant à lui seul pour enthousiasmer et convaincre au-delà de son cercle d’amis ?

Attal égaré ?

Du côté du macronisme, Gabriel Attal devrait se souvenir qu’il a été un grand ministre – trop bref – de l’Éducation nationale et qu’il a acquis une densité, peut-être une profondeur, à la suite de son affrontement avec le président de la République. Il préside le groupe parlementaire EPR et aspire à prendre la tête du parti. On ne le laissera pas faire à sa guise. Je crains que saisi par des ambitions multiples, il se perde dans des jeux partisans et oublie les promesses de l’homme d’État au profit du trublion impérieux qu’il paraît vouloir être maintenant. Ses dernières exigences adressées au Premier ministre – PMA, LGBT, IVG – me semblent plus relever d’obsessions ciblées que du souci de défendre ce qu’il y aurait de prétendument menacé dans les orientations du nouveau gouvernement. Le partisan va l’altérer quand le gouvernemental le sublimait.

Le Premier ministre Michel Barnier au journal télévisé de France 2, dimanche 23 septembre 2024 © Jacques Witt/SIPA

Au regard de la tonalité des propos, des comportements et des critiques de ses adversaires, Michel Barnier doit-il se couvrir de cendres parce qu’il aurait contre lui et certains de ses ministres le pire de la politique ? Bien sûr que non. Dans aucun discours, dans aucune argumentation, je n’ai entendu une once de politesse républicaine, de sagesse démocratique. Pour la France, quoi qu’on pense de ce gouvernement, il faut souhaiter qu’il réussisse autant qu’on le peut dans ce monde dangereux, imprévisible et parfois illisible. Le président de la République a exprimé ce vœu en désirant qu’il soit partagé. Comme il croit pouvoir être le remède après avoir engendré le mal, je doute qu’il soit écouté. Mais est-ce trop demander à tous que de ne pas s’abandonner au pire de la politique ?

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La “feuille de route” de Morgan N. Lucas pour rééduquer les hommes: opportunisme ou bêtise?

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Affaire Pélicot. 200 hommes ont signé dans Libération la tribune du curieux thérapeute pour « en finir avec la domination masculine »


L’affaire des viols de Mazan est, à tous points de vue, exceptionnelle. Il ne fait aucun doute que Dominique Pelicot est un monstre pervers, un individu dangereux qui mérite une peine exemplaire. Il ne fait aucun doute que les dizaines de violeurs qui ont abusé de Gisèle Pelicot sont des êtres dépravés et minables qui devront être sévèrement punis. Il ne fait aucun doute que Gisèle Pelicot, la malheureuse victime de ces sadiques, mérite toute notre compassion.

Une tribune délirante… dont l’initiateur ne l’est pas moins

Le profil psychologique du principal accusé, révélé entre autres par le mode opératoire pour soumettre sa femme et pour recruter par internet les hommes « autorisés » à la violer, ainsi que la durée du calvaire vécu par Gisèle Pelicot font de cette affaire une affaire hors du commun. Pourtant, nombre de féministes et d’hommes qui se veulent leurs « alliés » indéfectibles considèrent que cette affaire relève de certains problèmes « systémiques » qui rongeraient notre société : « le patriarcat », la « masculinité » et la « culture du viol ». Les gros mots sont lâchés. Ils servent à accabler la totalité des hommes et, en même temps, à ignorer les phénomènes attestant de l’importation sur notre sol d’un nouveau patriarcat autrement plus redoutable que celui qui est la cible de nos néo-féministes. Mais chut ! en parler ferait le jeu de l’extrême droite.   

Dans le cadre de ce procès, une tribune, signée par un dénommé Morgan N. Lucas, est parue dans Libération. « Plus de 200 hommes signent une feuille de route contre la domination masculine », titre le quotidien. Avant d’entrer dans le détail de cette tribune délirante, attardons-nous sur l’auteur de celle-ci. 

Sur son site professionnel, Morgan N. Lucas se présente comme un thérapeute, un formateur et un consultant. Il se vante d’avoir été formé à la Gestalt-thérapie. Le diplôme de cette pratique thérapeutique n’est pas reconnu en France et ne donne lieu à aucun titre de psychothérapeute. De plus, la Miviludes (Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires) a, à plusieurs reprises, souligné les risques inhérents à certaines techniques psycho-thérapeutiques non validées scientifiquement, dont celles de la Gestalt-thérapie. Sur sa page d’accueil, M. Lucas dit offrir à ses « patient.es une thérapie “sur mesure”, emprunte (sic) de diverses approches thérapeutiques ». De plus, il forme sur les « questions de diversité de genre et de sexualités », est un « consultant diversité et inclusion pour des entreprises » et un « relecteur sensible pour des maisons d’édition ». Disons-le tout net, Morgan N. Lucas est le parfait exemple de l’écornifleur professionnel moderne tendance woke. Une dernière et accablante preuve ? Voilà comment ce petit malin définit ce qu’il appelle son « approche » thérapeutique : « Mon approche est résolument féministe, anti-raciste et anti-capitaliste. La thérapie ne peut être un espace neutre dépourvu de tout engagement politique puisque le simple fait de prendre soin de soi en est un. En d’autres termes, j’essaye de mettre en place une pratique appropriée et informée de l’environnement socio-culturel de mes patient·es pour ne pas reproduire les violences systémiques (sexisme, racisme, agisme (sic), validisme, grossophobie…) au sein de l’espace thérapeutique. »

A lire aussi, du même auteur: Le triton est une sirène comme une autre!

Ce prospectus coche toutes les cases idéologiques du moment. C’est un appeau pour attirer une clientèle moutonnière, woke, narcissique et idéologisée. M. Lucas, émule autoproclamé de Virginie Despentes et Monique Wittig, utilisait déjà ce genre de piège à gogos dans son livre sur le genre[1]. Décidé à ratisser le plus large possible, il y proclamait « écrire de chez les trans, les bisexuel.les, les racisé.es, les juif.ves, les dyspraxiques, les vegans ».

Vincent Lindon enfin sauvé !

La tribune publiée sur Libé et signée par la fine fleur des lettres, des arts et des médias – à savoir, entre autres, Gilles Lellouche, Gaël Faye, Guillaume Meurice, Pablo Pillaud-Vivien et Alexis Michalik – accompagnée d’une kyrielle d’illustres inconnus, fait suite à la demande de Vincent Lindon sur France Inter  – l’acteur le plus « révolté » de France y réclamait il y a peu une « feuille de route » pour « être guidé » et devenir un meilleur féministe. La feuille de route proposée par M. Lucas est un programme en dix points, une sorte de condensé des plus hautes pensées de Caroline de Haas, Sandrine Rousseau et Alice Coffin – le fond idéologique est identique et la forme y est malmenée avec la même lourdeur imbécile. Les platitudes les plus creuses, les lieux communs les plus médiocres, les fadaises les plus niaises sur le patriarcat, la domination masculine, la « charge mentale » des femmes et les « violences masculines perpétrées par tous les hommes » y abondent dans le plus grand désordre. Tout ça sent le réchauffé. Et permet d’oublier l’essentiel.

Les femmes agressées dans les transports en commun par des étrangers dans plus de 60 % des cas, les femmes violées par des migrants, celles qui, de plus en plus nombreuses en France, luttent pour ne plus subir la charia sous toutes ses formes – les injonctions vestimentaires, les mariages forcés, les excisions, les interdictions de toutes sortes, etc. – ne doivent rien attendre de ces féministes et de leurs « alliés ». Les drames qu’elles vivent ne sont que rarement évoqués dans les médias mainstream. Elles n’auront droit à aucune tribune. Cela nécessiterait de parler des mœurs rétrogrades qu’une religion d’amour et de tolérance tente d’installer un peu partout en France. Ce serait faire le jeu de l’extrême droite, celui des racistes et des islamophobes, vous comprenez.

A lire aussi: Ave, chérie !

Mais revenons à la tribune de M. Lucas. Quelles sont les raisons qui ont poussé ce dernier à l’écrire ? Deux options s’offrent à nous : 1) M. Lucas, qui a un livre et des séances de psycho-thérapie new-age à vendre, a écrit cette tribune dans le seul but d’attirer l’attention sur lui et sur son activité lucrative. C’est un opportuniste qui profite du malheur d’une femme pour exposer sur l’étal médiatique sa marchandise psycho-woke. 2) M. Lucas croit réellement ce qu’il écrit. Il fait partie de ces nouveaux croyants aveuglés par leur foi en le dogme destructeur du wokisme et par leur détestation de ce qu’ils appellent le « dominant », c’est-à-dire, essentiellement, l’homme occidental.

La première option, aussi immorale soit-elle, demande de posséder une certaine intelligence. Intelligence sournoise, intelligence cynique, mais intelligence quand même. Rien dans les écrits de M. Lucas ne nous laisse penser que celui-ci possède le quart de la moitié du dixième de ce genre d’intelligence, ni d’aucune autre d’ailleurs… La seconde option paraît être donc la seule qui convienne ! M. Lucas, c’est triste à dire, fait preuve d’une bêtise irrécupérable, emplie d’une foi imbécile dans cette religion simpliste et redoutable qu’on appelle le wokisme, cette bêtise qui prend ses aises partout, y compris dans des endroits réputés jadis pour avoir voulu l’étriller.

Cette tribune programmatique, qui ne sait manier que des slogans creux et des affirmations fantasmagoriques, est le parfait reflet de cette bêtise idéologico-religieuse. Libération s’est empressé de la publier : heureux les simples d’esprit wokes car le royaume médiatique leur appartient.


[1] Ceci n’est pas un livre sur le genre, Éditions Les Insolentes.     

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Gouvernement: la laïcité à la française perd une bataille de plus

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Le LR Othman Nasrou a un temps été pressenti pour prendre la tête d’un ministère de la Laïcité au sein du gouvernement Barnier. Islamophobe ! a immédiatement dénoncé la gauche. Finalement, Monsieur Nasrou dirigera un Secrétariat d’État à la Citoyenneté et à la lutte contre les discriminations. Le regard libre d’Elisabeth Lévy


On a failli avoir un ministère de la Laïcité. Pendant trois jours ! Dès que l’idée a fuité, on a eu droit aux grandes orgues. La laïcité, qui a longtemps été le combat de la gauche quand la droite défendait le pouvoir de l’Église, a accompagné, baigné, irrigué l’aventure de la République et singulièrement celle de l’école républicaine.

Jaurès disait que « la laïcité, c’est la fin des réprouvés », une définition admirable. Eh bien, pour une grande partie de la gauche, la laïcité est aujourd’hui une insanité, une insulte, une menace. Pire : une idée de droite ! Un concept raciste destiné à persécuter les musulmans… Elle est contestée et menacée à l’école, à l’hôpital, dans les entreprises, dans toute la vie sociale. Elle est vomie par les islamistes. D’ailleurs, le combat contre la laïcité était la raison sociale du CCIF, dissous pour séparatisme.

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À l’annonce de ce possible ministère de la Laïcité, la gauche insoumise et crypto-insoumise a fait des vocalises sur le thème de l’islamophobie, terme ânonné par tous les idiots utiles des Frères musulmans. Pablo Pillaud-Vivien, rédacteur en chef de la revue Regards, a ainsi dénoncé une « provocation qui va mettre le feu aux poudres. Ce sera un ministère de l’islamophobie. »

Toute la gauche n’est heureusement pas sur cette ligne. Mais, il faut croire que Jérôme Guedj et Bernard Cazeneuve pèsent moins que Jean-Luc Mélenchon et sa bande d’agitateurs communautaristes. Emmanuel Macron et Michel Barnier ont donc reculé. Exit la laïcité ; à la place : un Secrétariat d’Etat à la Citoyenneté et à la lutte contre les discriminations, confié au même Othman Nasrou. C’est une abdication. Comme si nous avions peur d’être nous-mêmes.

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Vous pensez que j’exagère ? Qu’après tout, ce n’est qu’un changement de nom ? Non ! Un ministère de la Laïcité n’aurait sans doute pas changé grand-chose. Mais, reculer même sur le mot, c’est proclamer et entériner qu’on abandonne la chose. Et on l’abandonne précisément pour s’attirer les bonnes grâces de la gauche et surtout pour ne pas froisser nos concitoyens musulmans – ou du moins une bonne partie d’entre eux hostiles à la laïcité et qu’on traite comme des enfants susceptibles. J’ai bien peur de lire en sous-texte du nouvel intitulé de ce ministère que le véritable obstacle à une citoyenneté pleine et entière, ce ne serait pas le séparatisme, mais les discriminations et les injustices. Vous êtes des victimes et la collectivité a une dette envers vous.

Pourtant, la laïcité, c’est le mode d’emploi du vivre-ensemble à la française. Il n’y a rien de raciste ou de désobligeant à demander aux derniers arrivés et à leurs descendants de le respecter. Inutile de mentir, de répéter comme Gabriel Attal que la laïcité n’est que bienveillante. Oui elle est bienveillante, mais contraignante. Elle demande une certaine discrétion religieuse dans l’espace public, d’accepter que les autres puissent se moquer de votre dieu. C’est souvent douloureux. Mais c’est aussi la promesse pour chacun, quelle que soit sa naissance, son origine, son clan, de pouvoir penser librement. Malheureusement, on dirait que ce n’est plus la promesse française.


Cette chronique a d’abord été diffusée sur Sud Radio

Retrouvez Elisabeth Lévy dans la matinale de Jean-Jacques Bourdin

Chargeons les charges!

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Le matraquage fiscal n’est pas une nouveauté. Ce qui l’est sûrement, c’est la paupérisation de certaines professions que l’on pensait jusqu’ici à l’abri du besoin. Un jeune avocat témoigne.  


Le « citoyen du monde » Arthur Young observait des choses bien curieuses, à l’occasion de ses fameux Voyages en France : çà et là en effet, de vastes étendues de terre, pourtant fertiles, demeuraient en jachères — et ainsi la population crevait de faim aux abords de ses propres champs. À qui la faute ? Au système oppressif d’impôts, de taxes, de charges et de corvées, en partie hérité du système féodal, en partie récupéré par l’État central (lire Un conte de deux villes, de Dickens). Le paysan matraqué de toutes parts se trouvait pareillement miséreux, qu’il exploitât sa terre ou qu’il ne l’exploitât point ; alors, il s’épargnait une peine inutile : il avait faim, mais au moins il était libre. C’était en 1788.

Aberrations françaises

Le témoignage de Young est fort intéressant ; d’ailleurs cet exercice, de visiter un pays étranger et d’en noter sans passion les succès et les défauts, n’a rien perdu de sa valeur : je rêve de lire le récit de voyage d’un globe-trotter d’outre-Manche, un peu niais, doté cependant d’un bon sens de l’observation, qui noterait ingénument les défaillances de notre État quant à la condition du travail. La France, évidemment, a bien changé depuis 1788 : elle s’est tertiarisée. Je gage pourtant que nombre d’aberrations lui sauteraient aux yeux, et notamment, d’une part, la faiblesse de la différence entre le montant des bas salaires et celui des prestations de toutes sortes accordées aux non travailleurs, d’autre part, la paupérisation des professions libérales.

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Un exemple (personnel) : la rétrocession d’honoraires minimale mensuelle accordée aux jeunes avocats, à Tours, est fixée à 2 000 euros brut ; comptez 40% de charges (impôts, CNBF, Ordre, URSSAF…), soit 1 200 euros net. L’INSEE fixe à 1 158 euros par mois le seuil de pauvreté en France : donc, à 42 euros près, le jeune avocat touche le seuil de pauvreté.

L’on me rétorquera que cette rétrocession n’équivaut pas à un travail à plein temps, mais est facturée par le collaborateur : libre à lui de développer sa clientèle personnelle. Mais l’irrespect des conditions du contrat de collaboration (notamment en ce qui concerne le temps libre disponible) est coutumier dans la profession ; puis, le surplus sera dévoré par la multiplication des frais qui s’ajoutent aux charges fixes : la voiture, le logiciel, la formation obligatoire ou le compte professionnel, et je ne parle pas de l’Ordre et des assurances, qui réclament chaque année la modique somme de 1 200 euros (!). À la fin, il ne reste rien : rien pour réunir du capital, obtenir un prêt, et même constituer un apport : les héritiers prendront l’argent de famille et les autres, contre mauvaise fortune bon cœur, feront tourner la machine à consommation.

De l’égalité républicaine à l’égalitarisme socialiste

Loin de moi l’idée de vouloir ici prôner une idéologie ultra-libérale : je comprends l’intérêt de cotiser pour la retraite, les accidents de la vie, et même les compatriotes en difficulté. Seulement, chacun devrait pouvoir mettre de côté à proportion de sa situation particulière ; puis j’ai constaté, comme beaucoup, les défaillances du système — les retraites, par quel scandale ? finissent constamment hors de proportion avec les cotisations, que ce soit dans un sens très favorable pour les statuts privilégiés, ou scandaleux pour les populations ouvrières.

L’économie française devient communiste. D’ailleurs, la Sécurité sociale, comme la CAF, excroissances de l’État social obèse — de Providence devenu Papa (remarque à étendre hors du champ de l’économie…) — sont nées des ordonnances du PCF ; certes, on n’a pas encore osé instaurer les kolkhozes, il n’empêche : presque la moitié des revenus du travail passe dans les caisses de l’État, avant d’être redistribuée : ce n’est plus l’égalité républicaine, c’est l’égalitarisme socialiste. Pour mémoire, l’argent est une propriété privée : si le Conseil Constitutionnel était plus sagement présidé, il rappellerait la législation française à l’ordre, sur le fondement de l’article 17 de notre grande Déclaration.

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Si encore nos charges rendaient notre nation riche ; mais les économies socialistes, trop administratives, trop centralisées, à la fois trop oppressives et trop dépensières, s’avèrent rarement efficaces. L’État est le plus mauvais des gestionnaires : donnez-lui votre argent, il le fait disparaître ; confiez-lui une entreprise, il la ruine : tout ce qui passe entre ses mains s’évapore, la gabegie est énorme ! Et de fait, que paient nos charges ? — les services publics défaillants, les aides, les prestations sociales (j’ai voulu les lister mais j’ai renoncé, il y en a trop !) et le remboursement de la dette…

Il est urgent de laisser respirer les travailleurs ; de ne plus leur voler le produit du labeur ; de valoriser le travail et de dévaloriser la paresse ; de ne remettre à l’État que le régalien, ainsi que les secteurs strictement stratégiques ; de mener une politique protectionniste, de modérer les dépenses publiques, de baisser les impôts et les taxes, de réduire les charges afin de permettre plus largement à chacun de se constituer sa propre rente : en deux mots, de nous laisser libres et responsables.

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Kamala Harris, une modérée?

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Élections américaines: êtes-vous certain que Kamala Harris soit aussi modérée qu’on le dit ? L’avocat franco-américain Randy Yaloz, président de « Republicans Overseas Action », détaille ici le parcours très (trop, à son goût) progressiste de la candidate démocrate…


Depuis l’investiture de Kamala Harris comme candidate officielle du Parti démocrate, nombre d’observateurs, de part et d’autre de l’Atlantique, la dépeignent comme une candidate « modérée » ou « centriste ». Pourtant, le bilan de son parcours politique en Californie et de son mandat de vice-présidente montre une tout autre réalité, celle d’une progressiste radicale.

Immigrationnisme

Commençons par son bilan en matière d’immigration. Quand elle fut procureure du district de San Francisco de 2004 à 2010, elle a soutenu une politique visant à protéger les délinquants étrangers âgés de moins de 18 ans des autorités fédérales en charge de l’immigration. Ainsi, des immigrés dangereux ont pu entrer sur le territoire américain en prétextant qu’ils étaient mineurs. Fait significatif, le très progressiste et immigrationiste centre de réflexion America’s Voice a loué sa politique migratoire. « En tant que procureur général de Californie de 2011 jusqu’à sa démission à la suite de sa victoire au Sénat des États-Unis en novembre 2016, Mme Harris a défendu avec vigueur les communautés d’immigrants dans son État et dans l’ensemble du pays », est-il notamment écrit dans une publication datant du mois de juillet.

A lire aussi: Le «Projet 2025»: les démocrates l’adorent, les républicains l’ignorent

En tant que vice-présidente, Kamala Harris est responsable du bilan de l’administration Biden. Huit millions de migrants ont traversé la frontière sud depuis 2021. Au-delà de ses résultats désastreux en termes de protection de la frontière américaine, elle compte également parmi les personnalités politiques qui ont soutenu le mouvement des émeutiers qui a suivi la mort de George Floyd en 2020. Dans un tweet publié en juin 2020, elle encourageait les Américains à participer à un fonds visant à aider les manifestants violents.

Pire encore, elle a donné l’impression de soutenir le mouvement « Defund the police ». Dans une émission radio « Ebro in the morning », toujours en 2020, elle a déclaré que « tout ce mouvement consiste à dire, à juste titre, que nous devons examiner ces budgets et déterminer s’ils reflètent les bonnes priorités ». Kamala Harris serait-elle une candidate anti-police ?

Une radicale, dès sa jeunesse

À l’occasion d’un meeting en Pennsylvanie au mois d’août, Donald Trump, commentant la proposition de son adversaire de vouloir bloquer les prix, affirmait que Kamala Harris était devenue « complètement communiste ». Mais on peut se demander si sa radicalité est aussi récente.

A lire aussi: États-Unis: une campagne entre cris et chuchotements

Dès son enfance, elle a baigné dans les idéologies de gauche et d’extrême-gauche. Retournons plusieurs décennies en arrière. Kamala Harris est née en 1964 à Oakland en Californie d’une mère biologiste indienne, Shyamala Gopalan et d’un père Jamaïcain, Donald J. Harris. Le parcours de ce dernier permet d’éclairer certaines prises de position de sa fille. Car il n’est autre qu’un célèbre professeur d’économie émérite de la prestigieuse université de Stanford qui a été qualifié par l’hebdomadaire britannique The Economist, d’« économiste marxiste combatif ». C’est sans doute en partie la raison pour laquelle le programme de candidate de sa fille flirte avec le marxisme. Au mois d’août, pour lutter contre l’inflation, elle a annoncé qu’en tant que présidente, elle mettrait en place « un plan fédéral de fixation des prix pour les produits alimentaires et d’épicerie » afin d’empêcher les « grandes entreprises de profiter des consommateurs ». Cette mesure très soviétique est purement électoraliste et n’est pas sans rappeler les propositions ubuesques des partis politiques de gauche du monde entier, à l’instar du Nouveau Front populaire qui propose l’instauration du Smic à 1 600 euros en France… Toutes ces politiques sont néfastes pour les entreprises, et conduiraient évidemment à plus de pauvreté.

Il y a aussi beaucoup à craindre pour le soutien historique et indéfectible des États-Unis à Israël si Kamala Harris l’emporte en novembre. Certes, elle a déclaré à plusieurs reprises qu’elle était du côté de l’État hébreu, mais certaines de ses prises de position disent l’inverse et la rapprochent en réalité des pires postures propalestiniennes. Elle n’est pas claire par exemple concernant sa position à venir sur l’arrêt ou non des livraisons d’armes à Israël en tant que présidente, évitant de répondre à des questions à ce sujet. Et elle subit une pression constante de la part du courant le plus gauchiste et anti-Israélien du parti démocrate, dont les membres du « Squad ». Elle aura peut-être besoin du vote musulman dans certains « swing States ». Saura-t-elle résister à cette pression ? Il est permis d’en douter.

Mignonne, allons voir…

Le romancier Franck Maubert a acheté une maison sur les bords du Loir, le pays de Ronsard. Aimanté par le génie des lieux, il mêle ses mots à ceux du poète et à la beauté du paysage. Avec Pierre de Ronsard, une démonstration de grand style.


Le moraliste Joubert écrit qu’il « ne faut qu’un sujet à un ouvrage ordinaire ; mais pour le bel ouvrage, il faut un germe qui se développe de lui-même comme une plante. » Le germe, chez Franck Maubert, est aussi la source, la cause originelle qui donne lieu au livre ; qui lui assure son développement. Et son unité. À l’instar de Ronsard, le romancier de L’eau qui passe (Gallimard, prix Jean-Freustié 2019) a le goût des Histoires naturelles. Celle qu’il nous conte aujourd’hui doit tout à l’amoureux de Cassandre. Le poète des Amours va donner une maison au narrateur mais, plus encore, « un paysage à qui parler ». Et un bel ouvrage, bref mais foisonnant, profond et luxuriant, érudit et sensible.

Plume généreuse

Avec Pierre de Ronsard est d’emblée une promenade sur les bords du Loir, là où « une lumière solitaire éclabousse la perspective même les jours où le bleu est indécis. Une journée entière peut s’écouler à se perdre dans les métamorphoses de la lumière, dans les rumeurs des vents. » Franck Maubert est un styliste de première envergure, de ceux qui font raisonner leur imagination dans « le halo des mythes », qui s’inventent une liberté : celle qui confine à une joie profuse. L’euphorie, qui est l’une des formes que prend son énergie, guide sa plume et, comme il est à l’évidence généreux, elle infuse.

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Tout part d’une petite annonce : « Pays de Ronsard. Cadre exceptionnel, bord du Loir, anciens communs de château restaurés, 220 m2 habitables, viager libre. Étude Herbinière à Tours. » Le narrateur est appelé, un dieu fait signe, il doit partir, faire route sur-le-champ, aller visiter cette maison : « Quelque chose me poussait, quelque chose de plus fort que ma volonté, que la raison même, m’attirait en ces lieux. Je l’ignorais, mais c’était Ronsard, ou plutôt cette nature, la sienne, celle qu’il a célébrée, ce paysage si français qu’il aimait tant. » À peine descendu de sa voiture, sans même poser les yeux sur la maison de l’annonce, sans donc l’avoir visitée, étourdi par la scène qu’offre ici la nature, il est pris d’une « fièvre buissonnante » et hurle : « J’achète ! » C’en est fait de lui : « Je sais que j’ai trouvé ma tanière et que je cesserai de me désirer ailleurs. » Ainsi commencent les plaisirs et les jours…

Ami retrouvé

Maubert est savant. Il interprète le poète, fouille sa vie comme son œuvre, interroge sa famille, sonde son cœur donc ses passions, veut pointer ses mystères : « Il y a chez Ronsard un mélange surprenant, ce puissant accord entre la richesse terrestre et la bénédiction céleste. » Tout se passe, là, comme si le décor plantait le poète : « Ici tous les sens débordent, ils s’activent au service d’un plaisir particulier où contemplation et pensée se rejoignent. » Maubert a Ronsard tous les jours sous les yeux. À preuve, les fantômes existent.

Ce qui captive le narrateur, c’est bien « ce quelque chose d’évanoui à travers l’illusion du murmure des mots ». Ronsard était comme un ami disparu de Maubert. Ils viennent de se retrouver.

Franck Maubert, Avec Pierre de Ronsard, Mercure de France, 2024.

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Comment briller dans vos dîners en ville en parlant des nouveaux ministres

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De gauche à droite, Alexandre Portier, Nicole Belloubet (de dos) et Anne Genetet, ministère de l'Éducation nationale, Paris, 23 septembre 2024 © J.E.E/SIPA

Une fois après avoir dit comme tout le monde que ce nouveau gouvernement, c’était beaucoup de bruit pour rien, vous marquerez des points en ayant un commentaire politique précis pour chaque membre du nouveau casting de MM. Barnier et Macron… Les fiches de Céline Pina qui suivent vous permettront de faire forte impression.


Le gouvernement le plus à droite depuis les gouvernements Fillon ! Voilà comment une partie de la presse présente l’équipe de Michel Barnier. Le plus drôle c’est qu’il n’y a aucune réalité concrète derrière cet affichage outrancier visant à induire l’idée que la réaction est au pouvoir. D’abord parce que les personnalités en question sont loin d’être des boutefeux et des extrémistes, ensuite parce que les réalités mathématiques sont têtues : ce gouvernement n’a pas de majorité et sa longévité est tributaire du bon vouloir de son opposition, ce qui rend d’emblée caduque l’espoir de rivaliser avec Mathusalem.

Technique et politique

La liste des ministres du gouvernement Barnier contient très peu de noms connus des Français, y compris parmi ceux qui sont en haut de la liste protocolaire. Cela dit tout du déclin de la politique et de la fonction ministérielle. Avant, devenir ministre était soit un bâton de maréchal, soit la reconnaissance d’un parcours politique intéressant, d’une capacité à faire partager une vision, une ambition ou tout du moins une réforme. Aujourd’hui cela devient un premier poste, une sorte de phase de test ; on assiste à la prise de pouvoir de l’équipe réserve. D’où la domination des profils techniques : les noms d’école prestigieux mis en avant remplacent l’expérience et la connaissance des hommes. Ils permettent d’afficher une compétence sans jamais se poser la question de savoir si elle est utile et adaptée au rôle. Or Emmanuel Macron a montré à quel point les gouvernements techniciens ne sont pas meilleurs que les autres, voire accentuent le déclin faute de gouvernail avant tout mais aussi de finesse dans la connaissance des réalités humaines et territoriales. La gestion, même en bon père de famille, si elle n’est pas à négliger, n’est ni un projet, ni un avenir. Voilà pourquoi elle relève de l’administration et non de la politique.

A ce triste constat en train de devenir structurel, s’ajoute un élément conjoncturel fort. Personne ne pense qu’Emmanuel Macron a encore un destin et trop de monde doute qu’il ait même encore un avenir. Pour autant, il est là. Tout sauf discret, tout sauf capable de retenue et de discernement dans la conduite. Il veut tellement être au centre du jeu que gouverner avec ce président-là, c’est être réduit à servir sa communication, c’est accepter la mission au nom de la France pour terminer dans des affrontements stériles avec un étourdi et sa côterie… D’autre part, la petite musique du président empêché de finir son mandat est dans toute les têtes et si cette attente ne se réalise pas, tout le monde a compris que lier son sort au sien, c’était se retrouver disqualifié lorsque les cartes seront rebattues. Il y a donc peu d’espoir que l’engagement aboutisse à quelque chose et beaucoup de chances qu’il nuise aux ambitions ultérieures. Cela, les politiques le savent.

Mission impossible, si vous l’acceptez : le budget

Cette équipe mélange donc personnalités aux profils de techniciens et grands élus locaux. Ceux qui n’ont rien à perdre à acquérir un peu de notoriété, et savent qu’on ne leur fera pas grief s’ils échouent là où personne ne s’attendait à ce qu’ils réussissent. Sa composition sur la forme est donc des plus classiques. On y retrouve la nécessité de nourrir chacun des courants de la coalition et on y affiche l’importance de l’ancrage territorial, mais il y a fort à parier que ce gouvernement ne devrait rien changer à la situation de blocage du pays tant on voit mal de quels leviers il dispose. L’absence des grands leaders le dit, ils sont déjà sur le coup d’après et misent sur l’échec. L’appel à la responsabilité politique ne devrait permettre que l’accouchement d’un budget technique. En la circonstance, ce ne sera déjà pas si mal. En attendant, petite revue de détail de nos nouveaux ministres.

• Didier Migaud (divers gauche), garde des Sceaux, ministre de la Justice. L’ancien membre du PS nommé président de la Cour des comptes par Nicolas Sarkozy était jusqu’alors, à la direction de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique. Il est premier dans l’ordre protocolaire et cela porte un message : il faut faire oublier que les vieilles gloires de la gauche, à l’époque où elle était républicaine, ont toutes refusé de monter sur le Radeau de la Méduse. Ces derniers ont dû probablement manquer le fait que les marins et passagers qui avaient choisi le banc de sable au lieu du radeau ont eu un sort tout aussi funeste… En attendant, la participation de M. Migaud au gouvernement est brandie comme un trophée ; l’homme s’est fait surtout connaitre comme un technicien très compétent, faisant passer son devoir avant l’idéologie et refusant le sectarisme. Il a une expérience politique réelle : maire de Seyssins (38), président de la métropole de Grenoble, rapporteur général du budget à l’Assemblée nationale, président de la commission des Finances… Il a été positionné symboliquement en premier en signe de respect, pour donner également des gages à la « gauche » de la macronie ; la position prestigieuse ayant pour but de faire oublier que le compte n’y est pas et que cette équipe est orientée à droite. Le problème c’est que le rassemblement autour d’Emmanuel Macron est plus un fan club qu’un parti : il n’a ni doctrine ni ligne de force. A tel point que pour exister ce collectif crée des dangers imaginaires, tout en enfonçant la tête dans le sable face aux dangers réels. Gabriel Attal fait ainsi comme si la droite menaçait les droits LGBT, ceux des femmes ou la PMA, alors même que c’est l’alliance de la gauche avec les islamistes qui leur fait courir le plus grand risque. Résoudre des problèmes qui n’existent pas permet de triompher aisément. Voilà pourquoi Gabriel Attal fait toute cette communication et s’attaque à des moulins à vent en les faisant passer pour une armée de réactionnaires. Être protecteur de ce qui n’est pas attaqué permet de brandir un bon bilan de défenseur de place forte et de se construire une image de chevalier blanc sans prendre le moindre coup. Le risque : ne pas échapper au ridicule…

En attendant, le duo Migaud / Retailleau rappelle le tandem Darmanin / Dupond-Moretti où, afin de rassurer le microcosme bobo, l’affichage de l’autorité incarnée par Darmanin était contredit par l’image progressiste et laxiste de l’ancien avocat de la défense. Le retour de cette forme de politique à la Gribouille montre à quel point le président et son entourage n’ont toujours rien compris aux attentes des Français. Sans compter que c’est faire revêtir à Didier Migaud un rôle dont il pourrait modifier les contours. Il en a les capacités.

• Catherine Vautrin (divers droite), ministre du Partenariat avec les territoires et de la Décentralisation. L’ex-ministre du Travail, de la Santé et des Solidarités (de janvier à septembre), longtemps députée de la Marne, a rejoint Emmanuel Macron en 2022 mais vient à l’origine de la droite. Elle fut pressentie comme Premier ministre en remplacement de Jean Castex en 2022, mais son opposition à la loi « Mariage pour tous » lui a alors valu une bronca de l’aile gauche du parti macroniste. Elle est en deuxième position pour envoyer un message fort aux élus locaux et aux pouvoirs intermédiaires, ignorés ou instrumentalisés sans que cela ne débouche sur rien (rappelons-nous d’Emmanuel Macron se mettant en scène en majesté alors qu’il était censé écouter leur expertise après la crise des gilets jaunes).

• Bruno Retailleau (Les Républicains), ministre de l’Intérieur. Chef du groupe LR au Sénat, élu de Vendée. C’est un des rares, si ce n’est le seul, poids lourd du gouvernement. Il est positionné à un poste stratégique. Cet homme, encore peu connu, est un politique travailleur et courageux. Il a pris des positions très fermes sur l’islamisme. Il s’est opposé au Mariage pour Tous, ce qui a l’art de rendre fou les socialistes qui ont fait de cette réforme sociétale sans grand impact, une épopée épique et une référence majeure, sans se rendre compte qu’au fond elle était facilement rentrée dans les mœurs et que la combattre n’est une priorité pour personne. Il a également voté contre l’inscription de l’IVG dans la Constitution. Or ce vote ne signifie pas le rejet de l’IVG en soi. Un certain nombre de parlementaires ont refusé de se prêter à une mise en scène où le gouvernement prétendait sanctuariser un droit qui n’était pas attaqué en l’inscrivant dans une Constitution dont ce n’est pas l’objet puisque celle-ci est censée traiter de l’organisation des pouvoirs… M. Retailleau a pris des positions très claires sur l’immigration et est en phase avec les attentes des Français sur cette question comme sur le dossier préoccupant de l’islamisation. Ce sont surtout ces questions-là qui inquiètent en réalité une gauche très compromise avec les réseaux et une partie de l’idéologie islamiste dont elle reprend les éléments de langage. Mais comme il serait impopulaire de porter le fer sur ces questions-là, à moins d’être LFI et d’avoir totalement sombré dans l’islamogauchisme, l’aile gauche du parti macroniste préfère concentrer ses critiques sur des soupçons d’homophobie peu avérés.

• Anne Genetet (Renaissance), ministre de l’Education nationale. Elue des Français établis en Europe de l’Est, Asie et Océanie, ancienne vice-présidente du groupe Renaissance à l’Assemblée nationale. Surtout connue pour avoir travaillé sur les sujets de défense et de diplomatie, elle a obtenu le poste grâce à ses liens avec Gabriel Attal, lequel voulait montrer qu’il gardait un peu la main sur certains secteurs. Cela montre surtout qu’il est dégarni en ressources puisque dès la nomination de la ministre, les syndicats ont mis en avant une forme d’illégitimité liée à sa totale méconnaissance d’un secteur très compliqué. Chasser le mammouth ne s’improvise pas, l’apprivoiser non plus ! D’autant que la ministre ne fait pas preuve de retenue ni de discernement, s’en étant pris à Bruno Retailleau avec véhémence dans les médias alors que vendredi son nom tournait déjà comme probable ministre de l’Intérieur. Mais Madame Genetet ne fait que correspondre au nouveau profil politique-type, lequel ne s’affirme plus par ses actions et ses réalisations mais en faisant de son adversaire un repoussoir. Une posture qui promet, alors que l’Education nationale va de mal en pis, que le niveau ne cesse de chuter et que l’institution souffre de la démagogie persistante des syndicats dont les critiques se concentrent uniquement sur le manque de moyens, tandis que les parents d’élèves s’interrogent surtout sur l’absence d’exigence, de discipline et de résultats dans les établissements scolaires, et en ont marre de voir des enseignants recrutés à des niveaux de plus en plus bas.

• Jean-Noël Barrot (MoDem), ministre de l’Europe et des Affaires étrangères. Ancien ministre délégué chargé du Numérique (2022-2024), puis ministre délégué chargé de l’Europe (février-septembre). Le fils de Jacques Barrot est très peu connu du grand public. Il occupe une position délicate : la diplomatie est vue par Emmanuel Macron comme sa chasse gardée bien que cet art soit sans doute bien mieux maitrisé par son nouveau Premier ministre. Affaibli, le président n’en est que plus ingérable, et le secteur de la diplomatie risque de pâtir des tensions qui devraient rapidement se faire jour au sein de l’exécutif. Jean-Noël Barrot est inconnu du grand public et n’est crédité d’aucune réalisation marquante, mais il est jeune (41 ans) et pourrait surprendre.

• Rachida Dati (divers droite), ministre de la Culture et du Patrimoine. Tout récemment exclue des Républicains lorsqu’elle a choisi de rejoindre Emmanuel Macron (janvier), la ministre de la Culture retrouve tous ses petits camarades de droite qu’elle n’a jamais épargné. Ambiance. Mais, ceux-ci sont habitués à son caractère affirmé. Mme Dati garde le même ministère, gage d’efficacité dans les futures négociations budgétaires. Elle en aura besoin, les dossiers chauds ne manquent pas dans le secteur : crise du spectacle vivant, pluralisme politique dans l’audiovisuel public, difficultés à faire vivre la culture en zones rurales, polémique annoncée sur les vitraux de Notre-Dame…

• Sébastien Lecornu (Renaissance), ministre des Armées et des Anciens Combattants. Ministre des Armées depuis mai 2022. C’est un des rares ministres à avoir été maintenu. Comme Rachida Dati, il vient des LR et retrouve donc des visages connus dans le nouveau gouvernement. Accompagnant la hausse des crédits liés aux Armées, l’homme est apprécié des militaires. Le ministère est d’ailleurs très technique, l’aspect politique sur les questions militaires relevant du président. C’est donc un ministère plutôt tranquille, même si les tensions internationales s’exacerbent. Heureusement, la défense nationale n’est pas un sujet qui prête à polémiques politiciennes.

• Agnès Pannier-Runacher (Renaissance-Territoires de Progrès), ministre de la Transition écologique, de l’Energie, du Climat et de la Prévention des risques. Elle a été de tous les gouvernements depuis 2017. Sa nomination pourrait être l’occasion d’envoyer un message d’engagement à la filière nucléaire, son positionnement pro-nucléaire étant un des fils rouges de son engagement gouvernemental.

• Antoine Armand (Renaissance), ministre de l’Economie, des Finances et de l’Industrie. Député de Haute-Savoie et ancien président de la commission des Affaires économiques à l’Assemblée nationale. Comme tant de membres de l’entourage d’Emmanuel Macron, il a lui aussi un profil de technicien. L’homme est très jeune (33 ans), pèse peu et n’a pas d’histoire politique. La nomination de M. Armand marque une relative perte du poids politique de Bercy et de l’importance de son ministre, après le départ de Bruno Le Maire. Elle annonce une implication très forte du Premier ministre sur les questions budgétaires et économiques. Cette nomination peut être comprise comme une façon de dire en creux qu’il s’agit ici de mettre en place un budget de transition, en attendant que les choses sérieuses commencent. Certes, avec le niveau de notre dette, de notre balance commerciale et des coupes budgétaires à réaliser, la tergiversation n’est guère de mise, mais sans majorité il est difficile de faire des choix ambitieux. Un profil technique n’est donc pas un choix incohérent.

• Geneviève Darrieussecq (MoDem), ministre de la Santé et de l’Accès aux soins. Ancienne ministre déléguée chargée des Personnes handicapées (2022-2023), elle hérite d’un ministère en crise continue depuis des années. L’accès à un parcours de soins devient de plus en plus compliqué en secteur rural et périurbain. Inutile de dire que la fragilité de la « coalition » à laquelle appartient Mme Darrieussecq ne fait attendre guère d’avancées sur le secteur.

Une armée de petits profils techniques

• Paul Christophe (Horizons), ministre des Solidarités, de l’Autonomie et de l’Egalité entre les femmes et les hommes. Président de la commission des Affaires sociales, ce proche d’Edouard Philippe présente également un profil technique.

• Valérie Létard (UDI), ministre du Logement et de la Rénovation urbaine. Ancienne députée du Nord, ancienne vice-présidente du Sénat, secrétaire d’Etat sous la présidence de Nicolas Sarkozy. C’est une femme expérimentée, qui connait ses dossiers. Mais c’est la même chose que pour le poste précédent : son profil reste très technique.                                   

• Annie Genevard (Les Républicains), ministre de l’Agriculture, de la Souveraineté alimentaire et de la Forêt. La codirigeante par intérim du parti Les Républicains, ancienne prof de lettres classiques et députée du Doubs depuis 2012, décroche son premier ministère à 68 ans.

• Astrid Panosyan-Bouvet(Renaissance), ministre du Travail et de l’Emploi. Premier poste de ministre pour la députée de Paris qui se signale dans l’hémicycle par son travail sur le fond et son courage sur les sujets de laïcité, d’islamisme, d’égalité hommes/femmes.

• Gil Avérous (divers droite), ministre des Sports, de la Jeunesse et de la Vie associative. Ancien maire de Châteauroux (Indre), il a quitté LR en 2023

• Patrick Hetzel (Les Républicains), ministre de l’Enseignement supérieur et de la recherche. L’ex-directeur général de l’Enseignement supérieur de 60 ans, député du Bas-Rhin, a été conseiller éducation de François Fillon, à Matignon.

• Guillaume Kasbarian (Renaissance), ministre de la Fonction publique, de la Simplification et de la Transformation de l’action publique. Ancien ministre du Logement (février-septembre). Reconnu pour sa compétence sur son précédent secteur.

• François-Noël Buffet (Les Républicains), ministre auprès du Premier ministre, chargé des Outre-mer. Ancien sénateur du Rhône et président de la commission des Lois du Sénat.

• Laurent Saint-Martin (Renaissance), ministre auprès du Premier ministre, chargé du budget et des comptes publics. 

Philippine: martyre de l’impéritie judiciaire

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Emoi après la mort de Philippine, 19 ans, qui étudiait à Dauphine © Houpline Renard/SIPA - Capture TF1

«L’impunité des juges, jusqu’à quand?», s’agace la droite dure, après la mort de Philippine, jeune femme retrouvée dans le Bois de Boulogne. Son meurtrier présumé, un immigré marocain, avait déjà été condamné, n’avait pas effectué toute sa peine de prison, et demeurait sur le territoire français. Sur le dossier des OQTF, après cet énième et terrible fait divers, Bruno Retailleau et Didier Migaud sont attendus au tournant. «C’est à nous, responsables publics, de refuser la fatalité et de faire évoluer notre arsenal juridique, pour protéger les Français. S’il faut changer les règles, changeons-les», a déclaré le premier.


Combien faudra-t-il encore de Philippine, de martyres de la barbarie locale ou d’importation pour qu’on en vienne enfin à légiférer sur la responsabilité de l’institution judiciaire en général et de certains juges en particulier, notamment dans ces cas gravissimes de récidive ?

Scandale à tiroirs

Philippine était jeune, belle, brillante, pleine de vie, sociable, bienveillante. De surcroît blanche et catholique. La proie idéale pour ces monstres, probablement. En vérité, l’écœurement est à son comble, tant le scénario d’épouvante est connu, qui se reproduit ad nauseam.
L’auteur présumé de la monstruosité : un migrant clandestin marocain âgé de 22 ans. Palmarès, un viol peu après son arrivée sur le sol français en 2019. Une étudiante de 19 ans – déjà!- agressée sur un chemin de la forêt de Taverny. Jugement, verdict : sept ans de prison. Sept ans seulement, dirais-je, pour la vie gâchée de cette jeune personne. Voilà bien un premier scandale.
Scandale à tiroirs, puisque le type n’effectue qu’une partie de sa peine. Donc, il sort. Pour de nouvelles balades en forêt ? Allons savoir.
Le 18 juin dernier, cinq ans après les faits – oui, cinq ans – une Obligation de Quitter le Territoire Français (l’une de ces OQTF, arlésiennes procédurales qui pourraient faire rire si l’affaire n’était si grave) est prononcée à son encontre. Dans l’attente de son expulsion, il est placé en Centre de Rétention Administrative (CRA).
Autre élément de scandale, un juge des libertés et de la détention prend la généreuse décision de le libérer. Sans doute considérait-il que la privation de possibles promenades bucoliques était une sanction trop sévère et surtout trop injuste pour ce garçon.

En n’attendant pas Baudot

On voit bien, hélas, le fonds idéologique qui préside à ce genre de décision: le migrant violeur est lui aussi victime, victime de la misère sexuelle dans laquelle le relègue cette horrible société d’oppression blanche et bourgeoise, raciste et post-esclavagiste, qui se fait honteusement tirer l’oreille pour l’accueillir avec tambour et trompette, voire tapis rouge. La doxa idéologique est là : le coupable n’est coupable que parce qu’il est d’abord victime. Cette doctrine effarante était clairement exprimée dans ce qu’on appelle la Harangue de Baudot, écrite en 1974, adressée à une centaine de magistrats frais émoulus de l’école de la magistrature de Bordeaux. « Soyez partiaux, prescrit ce texte de référence. Examinez toujours où sont le fort et le faible, qui ne se confondent pas nécessairement avec le délinquant et sa victime (…) Ayez un préjugé favorable pour la femme contre le mari, pour l’enfant contre le père, pour le débiteur contre le créancier, pour l’ouvrier contre le patron, pour le voleur contre la police »… De là à compléter la litanie en y ajoutant « du violeur contre la martyre », il n’y a sans doute, pour certains magistrats, qu’un pas ou deux à franchir.
Libre à eux, sans doute. Mais libre à la société d’exiger qu’ils aient à rendre des comptes. À l’image de tout citoyen de ce pays. Rendre des comptes, comme tout un chacun, dans les mêmes conditions d’égalité et d’impartialité. Droits de la défense compris, cela va de soi, puisque cela fait partie intégrante de nos principes de saine et honnête justice. Principes qui nous honorent, soit dit en passant.

Mon clocher, ma bataille

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L'Eglise et le monument aux morts de Plancher-Bas, commune de Haute-Saône. DR.

Dans un beau livre illustré, l’historien Jean-Pierre Rioux nous raconte comment la défense de nos clochers est devenue, au fil du XXᵉ siècle, un enjeu majeur de la politique patrimoniale française. Vive nos clochers – Avec Barrès, Hugo, Proust et les autres (Editions Bleu Autour, 2024)


Il était là. Au milieu de la paroisse, du village, de la cité, tellement visible, tellement surplombant, tellement sonnant que plus personne ne faisait attention à sa présence séculaire.

Notre décor mental

Il faisait partie de notre décor mental, de notre biotope culturel, de nos racines culturelles, que l’on soit pratiquant ou pas, il était à la fois le témoin de notre histoire communale et la permanence d’une France ancrée dans le catholicisme. Et puis, par lassitude, par abandon, presque involontairement, face à l’explosion des coûts d’entretien et à une déchristianisation lente de nos campagnes, nous n’avons pas su le retenir, le choyer, lui dire combien il était cet ami fidèle, ce gardien de troupeau bienveillant. Ce phare qui éclairait nos plaines inertes plusieurs kilomètres à la ronde était plus qu’un échalas de pierre, il était tuteur et mémoire, recueillement et monument, mystère et rêverie. Un jour, notre église tomba en ruine et notre clocher disparut. Ce jour-là, nous avons perdu un peu de nous-mêmes et l’identité de notre communauté s’en est allée. Dans un monde ultra-connecté et déshumanisé, quelle trace restera-t-il de nos anciennes fraternités ? Ce clocher que nous avions fini par oublier, par délaisser était au cœur de notre vie quotidienne. Il était témoin et acteur de nos solidarités. Il nous rattachait à quelque chose de plus grand que nous. Cette histoire n’est pas une fiction, elle est le symbole du délitement de nos vieux liens qui couraient bien au-delà des remous de la loi de 1905.

Débats sans fin

Nos clochers ne sont pas éternels. Alors, aujourd’hui, le patrimoine ne relève plus du folklore de quelques âmes charitables comme la défense des animaux, mais bien d’un nouveau socle sur lequel de nombreux citoyens, croyants ou non, veulent se rattacher. Nos clochers ont une valeur de transcendance. Ils sont des repères existentiels et non le catafalque de nos turpitudes. On veut les protéger, les sauver, les maintenir en vie mais jusqu’à quel point ? Si les Français sont, de nouveau, sensibles au sort réservé à leurs clochers et à leurs calvaires, le quoi qu’il en coûte n’est plus au programme commun des budgets municipaux.

Jean-Pierre Rioux, spécialiste de l’histoire politique et culturelle de la France contemporaine dresse un panorama de nos clochers dans un ouvrage illustré paru chez « Bleu Autour », la belle maison d’édition située à Saint-Pourçain-sur-Sioule (03). Sous le titre enthousiaste Vive nos clochers, il raconte comment nos églises, épicentres des provinces, ont été à l’origine de féroces combats idéologiques et comment leur sauvegarde est encore une source de débats qui agitent les élus et les populations locales. Car, l’église n’est pas « un bâtiment municipal comme un autre ».

Les grands écrivains à la rescousse

L’intérêt de cette réflexion est qu’elle s’appuie sur les écrits de Barrès, Hugo, Proust et qu’elle débute même sur une chanson, La petite église, de Paul Delmet, interprétée par la voix chaude et perchée de Tino Rossi. Rioux avoue que c’est le refrain de cette incantation populaire dont les paroles commencent ainsi Je sais une église au fond d’un hameau… qui l’a poussé vers La Grande Pitié des églises de France de Maurice Barrès. Le député des Halles et académicien est l’homme par qui tout a commencé. Jean-Pierre Rioux écrit : « Il est donc prêt en 1910 à voler au secours des clochers. Avec une boussole : « Je défends les églises non parce que j’aime dans le catholicisme une gendarmerie spirituelle, mais au nom de la vie intérieure de chacun ». Barrès a le verbe haut et la fougue des convaincus. Par tribunes de presse, il part à l’assaut « pour un classement du bâti le plus ancien » sans se présenter en catholique mais pour mieux « préserver la civilisation et l’âme nationale ». Sa prose emporte et ses mots résonnent à cent ans d’intervalles, avec un mimétisme clairvoyant : « Le meilleur moyen de défendre nos églises, c’est de les faire aimer, d’intéresser le grand public à leur sort ».

Au XXème et en ce début de XXIème siècle, Rioux nous parle de nos rapports plus ou moins distanciés avec nos clochers ; de « la communion avec les poilus » jusqu’à l’émoi de Notre-Dame en flammes. Il va jusqu’évoquer le clocher de l’enfance si cher à Marcel ; dans les premières pages de Swann quand le train arrive à Illiers-Combray, Proust se souvient : « On reconnaissait de bien loin le clocher de la nôtre, inscrivant à l’horizon sa figure inoubliable ».

Vive nos clochers – Avec Barrès, Hugo, Proust et les autres – Bleu autour 184 pages

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Parenthèse (sécuritaire) enchantée

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Paris, 17 juillet 2024 © Aurelien Morissard/AP/SIPA

Quel étrange virus toucha la capitale ?
Où l’insécurité avait-elle mis les voiles ?
Parisiens et touristes ensemble s’extasièrent,
De découvrir Paris nettoyé au karcher,
Procès d’intention ou délit de faciès,
Tout devint permis et passa pour hardiesse.
Initiative louée, d’autant que macronienne,
Si de droite venait-elle, on la dirait vilaine,
Ainsi de pauvres hères sur décision du prince,
Manu militari partirent voir la province,
Jamais gouvernement n’avait offert vacances,
À des indésirables dont on souhaitait l’absence.
Impossible n’est pas français ! Déclarait-il heureux,
Preuve surtout était faite que quand on veut, on peut.

A lire aussi, Elisabeth Lévy: Il faut savoir terminer une trêve

Ô Jeux Olympiques, parenthèse enchantée,
Enfin les Français s’autorisent à rêver,
Adoubent le roi Teddy, acclament le dieu Léon,
Le sport fédérateur, nouvelle religion !
Qu’importe la noyade de l’économie,
Pourvu que dans la Seine ait lieu son agonie,
Tandis que des champions sont vantés les biceps,
En guise de cérémonie est passée au forceps,
Cette idéologie que l’on nomme wokiste,
Et au nom de laquelle, on plagie jusqu’au Christ
Bienveillance et morale, tout cela dégouline,
Applaudissez Français que l’on vous endoctrine !

C’est ce drôle d’été, dans cette douce France,
Qu’Alain Delon choisit de tirer révérence.
Adieu l’artiste ! Titrent les magazines,
Et puisse Romy t’attendre au bord de la piscine !

Sitôt la flamme éteinte, sitôt reviennent les plaintes.
L’heure est venue braves gens de ranger le drapeau,
Sous peine, assurément, d’être traités de facho.
Dans l’enceinte des stades vous pouvez le chérir,
En dehors de ceux-ci, gardez de le brandir.

A lire aussi: Immigration et démographie urbaine: les cartes à peine croyables de France Stratégie

Grand cirque politique, la même ritournelle,
Et c’est la guerre des gauches qui reprend de plus belle,
Érigeant Matignon en glorieux Rubicon,
Qui de Lucie Castets, qui de François Pignon.
Et pourquoi pas Borloo pour ce gouvernement ?
Le risque était trop grand qu’il effraie les enfants.

Jeux paralympiques, France paralysée,
De quel bord vient la mouche qui pique l’Élysée ?
Il oscille, il consulte, et ne fait qu’hésiter.
Que lui en a-t-il pris de dissoudre Assemblée ?
Prends garde monarque à ne point faire durer,
Cet étrange carême, ces quarante journées,
Où d’un gouvernement les Français sont privés
De son utilité le peuple pourrait douter.

Contre Michel Barnier, le pire de la politique…

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Le nouveau gouvernement réuni autour de Michel Barnier à Matignon, 23 septembre 2024 © Eric TSCHAEN -Pool/SIPA

Après l’annonce de la composition du gouvernement Barnier, les réactions immédiatement médisantes des uns et des autres nous ont offert ce que la politique française a de plus détestable.


Depuis que la composition du gouvernement de Michel Barnier a été annoncée, que de réactions attristantes, auxquelles le Premier ministre a répondu à sa manière le 20 septembre sur le journal de France 2 ! Il ne s’agit pas de supprimer la politique, selon le souhait bizarre exprimé il y a quelques jours par Éric Zemmour, comme si c’était possible et souhaitable, mais de tout faire pour lui donner une expression digne et équilibrée. Et ces derniers jours ont montré que notre démocratie est loin du compte !

Un gouvernement baroque, composé de ministres macronistes et de ministres de droite

Je ne prétends pas avoir éprouvé un enthousiasme sans mélange en prenant connaissance de la liste des ministres, des ministres délégués et des Secrétaires d’État. Même en mesurant les rapports de force parlementaires et l’influence persistante d’un président de la République pourtant directement responsable de la débâcle de ces derniers mois, je regrette pourtant la trop large place donnée aux macronistes de la première heure ou de fraîche date. Elle me fait craindre, dans la pratique, un amollissement de la droite et un chantage permanent du mou sur le nécessaire dans la conduite des affaires gouvernementales.

A lire aussi, Elisabeth Lévy: Gouvernement: la laïcité à la française perd une bataille de plus

Je continue à déplorer qu’un talent comme celui de Gérald Darmanin, qui a sauvé le régalien du naufrage, n’ait pas été mis à contribution dans un autre grand ministère, et que Philippe Juvin, sans doute trop libre et compétent, ait pâti de ces qualités alors qu’il aurait été remarquable à la Santé.

Ce gouvernement est quantitativement impressionnant, et je n’ai pas envie de me moquer de quelques dénominations originales qui renvoient au souci de libérer les missions générales des grands ministères de la charge de se pencher sur le quotidien préoccupant des Français. Par exemple, celle de la « Sécurité du quotidien ». Si elles sont concrétisées, elles constitueront des avancées. Il n’empêche que, cette déception relative formulée, je suis scandalisé par le mépris, la dérision, la condescendance dont ce gouvernement, avant même la moindre démonstration de ses capacités, a été l’objet. Ce n’est pas seulement la stigmatisation des nombreux inconnus qui a été choquante ; comme s’il fallait avoir échoué et être célèbre pour mériter les suffrages du peuple… Mais, plus globalement, la manière dont l’extrémisme de gauche comme de droite, une fraction mécontente d’Ensemble pour la République (EPR) et un certain nombre de médias, ont veillé d’emblée à faire perdre toute légitimité à cette nouvelle équipe. Partialité d’autant plus surprenante que, les yeux fixés sur les sondages, ils auraient dû être alertés et prendre conscience que les vertus dont on créditait le Premier ministre – constance, calme, modération, écoute et considération – étaient précisément celles dont manquait l’univers politique et qui avaient créé si rapidement cette embellie.

Retailleau concentre les critiques

Pour ne prendre qu’un exemple qui a suscité autant d’espérance que de critiques parfois ignominieuses, Bruno Retailleau – qui s’accordera, j’en suis sûr, avec le nouveau garde des Sceaux et dont même ses adversaires reconnaissent la fiabilité, la solidité et son heureuse aptitude à ne pas plier au gré du vent – est traité comme s’il avait été condamné pour racisme. Et je ne peux que déplorer que Manuel Bompard, si bien contredit par Sonia Mabrouk sur CNews, ait relayé cette absurdité. Comme si la joute politique autorisait n’importe quoi.

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L’opprobre anticipé projeté sur le gouvernement de Michel Barnier m’apparaît d’autant plus injuste que je perçois mal qui, ou quel groupe, pourrait avoir l’arrogance de se déclarer, face à lui, irréprochable, exemplaire ou préférable. Du côté du Nouveau Front populaire, avec Lucie Castets Premier ministre imaginaire et l’invocation lassante d’une première place après le second tour des élections législatives sans la moindre chance d’obtenir une majorité à l’Assemblée nationale, on a été confronté trop longtemps à cette méthode redoutable de l’extrême gauche dominant la gauche, consistant à confondre le martèlement de la même idée fausse avec la justesse de la cause. On ne peut pas passer sous silence, malgré les oppositions internes au Parti socialiste, l’insupportable dérive de celui-ci vers une idéologie faisant perdre tout bon sens, au détriment de ce qu’exigerait la responsabilité d’un parti qui se veut de gouvernement. Et de la retenue et décence républicaines qu’on attendrait de l’ancien président de la République François Hollande. Comment ose-t-il sans barguigner s’aligner sur le pire de la politique ? Il se met à l’unisson de pratiques extrêmes comme déposer une motion de censure par principe. Aurait-il été inconcevable que le social-démocrate et député Hollande pèse ses mots et ses actes avant de s’engouffrer dans la caricature d’un affrontement parlementaire ? Au-delà du Parti socialiste, convient-il même de faire un sort à Marine Tondelier qui est inébranlable dans des positions qui plaisent à ses soutiens mais font douter de l’écologie qu’elle propose, des leçons de morale qu’elle assène et d’une vision républicaine qui préfère ses préjugés à la scandaleuse nouvelle que serait la réussite du camp adverse ? Certes, l’écologie dispose maintenant du vibrion François Ruffin qui est devenu courageux – mais discuté dans ses charges – à proportion de son éloignement d’avec Jean-Luc Mélenchon, qui ne lui fait même pas l’honneur d’une riposte. Il me semble qu’il y a en lui du feu follet et que parfois on peut se dire que le cinéaste talentueux fait de l’ombre au député fluctuant ! Dans le collectif de LFI, hier, il était bridé et trop taiseux. Aujourd’hui, est-il suffisant à lui seul pour enthousiasmer et convaincre au-delà de son cercle d’amis ?

Attal égaré ?

Du côté du macronisme, Gabriel Attal devrait se souvenir qu’il a été un grand ministre – trop bref – de l’Éducation nationale et qu’il a acquis une densité, peut-être une profondeur, à la suite de son affrontement avec le président de la République. Il préside le groupe parlementaire EPR et aspire à prendre la tête du parti. On ne le laissera pas faire à sa guise. Je crains que saisi par des ambitions multiples, il se perde dans des jeux partisans et oublie les promesses de l’homme d’État au profit du trublion impérieux qu’il paraît vouloir être maintenant. Ses dernières exigences adressées au Premier ministre – PMA, LGBT, IVG – me semblent plus relever d’obsessions ciblées que du souci de défendre ce qu’il y aurait de prétendument menacé dans les orientations du nouveau gouvernement. Le partisan va l’altérer quand le gouvernemental le sublimait.

Le Premier ministre Michel Barnier au journal télévisé de France 2, dimanche 23 septembre 2024 © Jacques Witt/SIPA

Au regard de la tonalité des propos, des comportements et des critiques de ses adversaires, Michel Barnier doit-il se couvrir de cendres parce qu’il aurait contre lui et certains de ses ministres le pire de la politique ? Bien sûr que non. Dans aucun discours, dans aucune argumentation, je n’ai entendu une once de politesse républicaine, de sagesse démocratique. Pour la France, quoi qu’on pense de ce gouvernement, il faut souhaiter qu’il réussisse autant qu’on le peut dans ce monde dangereux, imprévisible et parfois illisible. Le président de la République a exprimé ce vœu en désirant qu’il soit partagé. Comme il croit pouvoir être le remède après avoir engendré le mal, je doute qu’il soit écouté. Mais est-ce trop demander à tous que de ne pas s’abandonner au pire de la politique ?

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La “feuille de route” de Morgan N. Lucas pour rééduquer les hommes: opportunisme ou bêtise?

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Manifestation de soutien pour Gisèle Pélicot, Paris, 14 septembre 2024 © Pauline Gauer/SIPA

Affaire Pélicot. 200 hommes ont signé dans Libération la tribune du curieux thérapeute pour « en finir avec la domination masculine »


L’affaire des viols de Mazan est, à tous points de vue, exceptionnelle. Il ne fait aucun doute que Dominique Pelicot est un monstre pervers, un individu dangereux qui mérite une peine exemplaire. Il ne fait aucun doute que les dizaines de violeurs qui ont abusé de Gisèle Pelicot sont des êtres dépravés et minables qui devront être sévèrement punis. Il ne fait aucun doute que Gisèle Pelicot, la malheureuse victime de ces sadiques, mérite toute notre compassion.

Une tribune délirante… dont l’initiateur ne l’est pas moins

Le profil psychologique du principal accusé, révélé entre autres par le mode opératoire pour soumettre sa femme et pour recruter par internet les hommes « autorisés » à la violer, ainsi que la durée du calvaire vécu par Gisèle Pelicot font de cette affaire une affaire hors du commun. Pourtant, nombre de féministes et d’hommes qui se veulent leurs « alliés » indéfectibles considèrent que cette affaire relève de certains problèmes « systémiques » qui rongeraient notre société : « le patriarcat », la « masculinité » et la « culture du viol ». Les gros mots sont lâchés. Ils servent à accabler la totalité des hommes et, en même temps, à ignorer les phénomènes attestant de l’importation sur notre sol d’un nouveau patriarcat autrement plus redoutable que celui qui est la cible de nos néo-féministes. Mais chut ! en parler ferait le jeu de l’extrême droite.   

Dans le cadre de ce procès, une tribune, signée par un dénommé Morgan N. Lucas, est parue dans Libération. « Plus de 200 hommes signent une feuille de route contre la domination masculine », titre le quotidien. Avant d’entrer dans le détail de cette tribune délirante, attardons-nous sur l’auteur de celle-ci. 

Sur son site professionnel, Morgan N. Lucas se présente comme un thérapeute, un formateur et un consultant. Il se vante d’avoir été formé à la Gestalt-thérapie. Le diplôme de cette pratique thérapeutique n’est pas reconnu en France et ne donne lieu à aucun titre de psychothérapeute. De plus, la Miviludes (Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires) a, à plusieurs reprises, souligné les risques inhérents à certaines techniques psycho-thérapeutiques non validées scientifiquement, dont celles de la Gestalt-thérapie. Sur sa page d’accueil, M. Lucas dit offrir à ses « patient.es une thérapie “sur mesure”, emprunte (sic) de diverses approches thérapeutiques ». De plus, il forme sur les « questions de diversité de genre et de sexualités », est un « consultant diversité et inclusion pour des entreprises » et un « relecteur sensible pour des maisons d’édition ». Disons-le tout net, Morgan N. Lucas est le parfait exemple de l’écornifleur professionnel moderne tendance woke. Une dernière et accablante preuve ? Voilà comment ce petit malin définit ce qu’il appelle son « approche » thérapeutique : « Mon approche est résolument féministe, anti-raciste et anti-capitaliste. La thérapie ne peut être un espace neutre dépourvu de tout engagement politique puisque le simple fait de prendre soin de soi en est un. En d’autres termes, j’essaye de mettre en place une pratique appropriée et informée de l’environnement socio-culturel de mes patient·es pour ne pas reproduire les violences systémiques (sexisme, racisme, agisme (sic), validisme, grossophobie…) au sein de l’espace thérapeutique. »

A lire aussi, du même auteur: Le triton est une sirène comme une autre!

Ce prospectus coche toutes les cases idéologiques du moment. C’est un appeau pour attirer une clientèle moutonnière, woke, narcissique et idéologisée. M. Lucas, émule autoproclamé de Virginie Despentes et Monique Wittig, utilisait déjà ce genre de piège à gogos dans son livre sur le genre[1]. Décidé à ratisser le plus large possible, il y proclamait « écrire de chez les trans, les bisexuel.les, les racisé.es, les juif.ves, les dyspraxiques, les vegans ».

Vincent Lindon enfin sauvé !

La tribune publiée sur Libé et signée par la fine fleur des lettres, des arts et des médias – à savoir, entre autres, Gilles Lellouche, Gaël Faye, Guillaume Meurice, Pablo Pillaud-Vivien et Alexis Michalik – accompagnée d’une kyrielle d’illustres inconnus, fait suite à la demande de Vincent Lindon sur France Inter  – l’acteur le plus « révolté » de France y réclamait il y a peu une « feuille de route » pour « être guidé » et devenir un meilleur féministe. La feuille de route proposée par M. Lucas est un programme en dix points, une sorte de condensé des plus hautes pensées de Caroline de Haas, Sandrine Rousseau et Alice Coffin – le fond idéologique est identique et la forme y est malmenée avec la même lourdeur imbécile. Les platitudes les plus creuses, les lieux communs les plus médiocres, les fadaises les plus niaises sur le patriarcat, la domination masculine, la « charge mentale » des femmes et les « violences masculines perpétrées par tous les hommes » y abondent dans le plus grand désordre. Tout ça sent le réchauffé. Et permet d’oublier l’essentiel.

Les femmes agressées dans les transports en commun par des étrangers dans plus de 60 % des cas, les femmes violées par des migrants, celles qui, de plus en plus nombreuses en France, luttent pour ne plus subir la charia sous toutes ses formes – les injonctions vestimentaires, les mariages forcés, les excisions, les interdictions de toutes sortes, etc. – ne doivent rien attendre de ces féministes et de leurs « alliés ». Les drames qu’elles vivent ne sont que rarement évoqués dans les médias mainstream. Elles n’auront droit à aucune tribune. Cela nécessiterait de parler des mœurs rétrogrades qu’une religion d’amour et de tolérance tente d’installer un peu partout en France. Ce serait faire le jeu de l’extrême droite, celui des racistes et des islamophobes, vous comprenez.

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Mais revenons à la tribune de M. Lucas. Quelles sont les raisons qui ont poussé ce dernier à l’écrire ? Deux options s’offrent à nous : 1) M. Lucas, qui a un livre et des séances de psycho-thérapie new-age à vendre, a écrit cette tribune dans le seul but d’attirer l’attention sur lui et sur son activité lucrative. C’est un opportuniste qui profite du malheur d’une femme pour exposer sur l’étal médiatique sa marchandise psycho-woke. 2) M. Lucas croit réellement ce qu’il écrit. Il fait partie de ces nouveaux croyants aveuglés par leur foi en le dogme destructeur du wokisme et par leur détestation de ce qu’ils appellent le « dominant », c’est-à-dire, essentiellement, l’homme occidental.

La première option, aussi immorale soit-elle, demande de posséder une certaine intelligence. Intelligence sournoise, intelligence cynique, mais intelligence quand même. Rien dans les écrits de M. Lucas ne nous laisse penser que celui-ci possède le quart de la moitié du dixième de ce genre d’intelligence, ni d’aucune autre d’ailleurs… La seconde option paraît être donc la seule qui convienne ! M. Lucas, c’est triste à dire, fait preuve d’une bêtise irrécupérable, emplie d’une foi imbécile dans cette religion simpliste et redoutable qu’on appelle le wokisme, cette bêtise qui prend ses aises partout, y compris dans des endroits réputés jadis pour avoir voulu l’étriller.

Cette tribune programmatique, qui ne sait manier que des slogans creux et des affirmations fantasmagoriques, est le parfait reflet de cette bêtise idéologico-religieuse. Libération s’est empressé de la publier : heureux les simples d’esprit wokes car le royaume médiatique leur appartient.


[1] Ceci n’est pas un livre sur le genre, Éditions Les Insolentes.     

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Gouvernement: la laïcité à la française perd une bataille de plus

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Othman Nasrou Secrétaire d État chargé de la citoyennete et de la lutte contre les discriminations, hier à Matignon © ROMUALD MEIGNEUX/SIPA

Le LR Othman Nasrou a un temps été pressenti pour prendre la tête d’un ministère de la Laïcité au sein du gouvernement Barnier. Islamophobe ! a immédiatement dénoncé la gauche. Finalement, Monsieur Nasrou dirigera un Secrétariat d’État à la Citoyenneté et à la lutte contre les discriminations. Le regard libre d’Elisabeth Lévy


On a failli avoir un ministère de la Laïcité. Pendant trois jours ! Dès que l’idée a fuité, on a eu droit aux grandes orgues. La laïcité, qui a longtemps été le combat de la gauche quand la droite défendait le pouvoir de l’Église, a accompagné, baigné, irrigué l’aventure de la République et singulièrement celle de l’école républicaine.

Jaurès disait que « la laïcité, c’est la fin des réprouvés », une définition admirable. Eh bien, pour une grande partie de la gauche, la laïcité est aujourd’hui une insanité, une insulte, une menace. Pire : une idée de droite ! Un concept raciste destiné à persécuter les musulmans… Elle est contestée et menacée à l’école, à l’hôpital, dans les entreprises, dans toute la vie sociale. Elle est vomie par les islamistes. D’ailleurs, le combat contre la laïcité était la raison sociale du CCIF, dissous pour séparatisme.

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À l’annonce de ce possible ministère de la Laïcité, la gauche insoumise et crypto-insoumise a fait des vocalises sur le thème de l’islamophobie, terme ânonné par tous les idiots utiles des Frères musulmans. Pablo Pillaud-Vivien, rédacteur en chef de la revue Regards, a ainsi dénoncé une « provocation qui va mettre le feu aux poudres. Ce sera un ministère de l’islamophobie. »

Toute la gauche n’est heureusement pas sur cette ligne. Mais, il faut croire que Jérôme Guedj et Bernard Cazeneuve pèsent moins que Jean-Luc Mélenchon et sa bande d’agitateurs communautaristes. Emmanuel Macron et Michel Barnier ont donc reculé. Exit la laïcité ; à la place : un Secrétariat d’Etat à la Citoyenneté et à la lutte contre les discriminations, confié au même Othman Nasrou. C’est une abdication. Comme si nous avions peur d’être nous-mêmes.

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Vous pensez que j’exagère ? Qu’après tout, ce n’est qu’un changement de nom ? Non ! Un ministère de la Laïcité n’aurait sans doute pas changé grand-chose. Mais, reculer même sur le mot, c’est proclamer et entériner qu’on abandonne la chose. Et on l’abandonne précisément pour s’attirer les bonnes grâces de la gauche et surtout pour ne pas froisser nos concitoyens musulmans – ou du moins une bonne partie d’entre eux hostiles à la laïcité et qu’on traite comme des enfants susceptibles. J’ai bien peur de lire en sous-texte du nouvel intitulé de ce ministère que le véritable obstacle à une citoyenneté pleine et entière, ce ne serait pas le séparatisme, mais les discriminations et les injustices. Vous êtes des victimes et la collectivité a une dette envers vous.

Pourtant, la laïcité, c’est le mode d’emploi du vivre-ensemble à la française. Il n’y a rien de raciste ou de désobligeant à demander aux derniers arrivés et à leurs descendants de le respecter. Inutile de mentir, de répéter comme Gabriel Attal que la laïcité n’est que bienveillante. Oui elle est bienveillante, mais contraignante. Elle demande une certaine discrétion religieuse dans l’espace public, d’accepter que les autres puissent se moquer de votre dieu. C’est souvent douloureux. Mais c’est aussi la promesse pour chacun, quelle que soit sa naissance, son origine, son clan, de pouvoir penser librement. Malheureusement, on dirait que ce n’est plus la promesse française.


Cette chronique a d’abord été diffusée sur Sud Radio

Retrouvez Elisabeth Lévy dans la matinale de Jean-Jacques Bourdin

Chargeons les charges!

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Montreuil, 2012 © DURAND FLORENCE/SIPA

Le matraquage fiscal n’est pas une nouveauté. Ce qui l’est sûrement, c’est la paupérisation de certaines professions que l’on pensait jusqu’ici à l’abri du besoin. Un jeune avocat témoigne.  


Le « citoyen du monde » Arthur Young observait des choses bien curieuses, à l’occasion de ses fameux Voyages en France : çà et là en effet, de vastes étendues de terre, pourtant fertiles, demeuraient en jachères — et ainsi la population crevait de faim aux abords de ses propres champs. À qui la faute ? Au système oppressif d’impôts, de taxes, de charges et de corvées, en partie hérité du système féodal, en partie récupéré par l’État central (lire Un conte de deux villes, de Dickens). Le paysan matraqué de toutes parts se trouvait pareillement miséreux, qu’il exploitât sa terre ou qu’il ne l’exploitât point ; alors, il s’épargnait une peine inutile : il avait faim, mais au moins il était libre. C’était en 1788.

Aberrations françaises

Le témoignage de Young est fort intéressant ; d’ailleurs cet exercice, de visiter un pays étranger et d’en noter sans passion les succès et les défauts, n’a rien perdu de sa valeur : je rêve de lire le récit de voyage d’un globe-trotter d’outre-Manche, un peu niais, doté cependant d’un bon sens de l’observation, qui noterait ingénument les défaillances de notre État quant à la condition du travail. La France, évidemment, a bien changé depuis 1788 : elle s’est tertiarisée. Je gage pourtant que nombre d’aberrations lui sauteraient aux yeux, et notamment, d’une part, la faiblesse de la différence entre le montant des bas salaires et celui des prestations de toutes sortes accordées aux non travailleurs, d’autre part, la paupérisation des professions libérales.

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Un exemple (personnel) : la rétrocession d’honoraires minimale mensuelle accordée aux jeunes avocats, à Tours, est fixée à 2 000 euros brut ; comptez 40% de charges (impôts, CNBF, Ordre, URSSAF…), soit 1 200 euros net. L’INSEE fixe à 1 158 euros par mois le seuil de pauvreté en France : donc, à 42 euros près, le jeune avocat touche le seuil de pauvreté.

L’on me rétorquera que cette rétrocession n’équivaut pas à un travail à plein temps, mais est facturée par le collaborateur : libre à lui de développer sa clientèle personnelle. Mais l’irrespect des conditions du contrat de collaboration (notamment en ce qui concerne le temps libre disponible) est coutumier dans la profession ; puis, le surplus sera dévoré par la multiplication des frais qui s’ajoutent aux charges fixes : la voiture, le logiciel, la formation obligatoire ou le compte professionnel, et je ne parle pas de l’Ordre et des assurances, qui réclament chaque année la modique somme de 1 200 euros (!). À la fin, il ne reste rien : rien pour réunir du capital, obtenir un prêt, et même constituer un apport : les héritiers prendront l’argent de famille et les autres, contre mauvaise fortune bon cœur, feront tourner la machine à consommation.

De l’égalité républicaine à l’égalitarisme socialiste

Loin de moi l’idée de vouloir ici prôner une idéologie ultra-libérale : je comprends l’intérêt de cotiser pour la retraite, les accidents de la vie, et même les compatriotes en difficulté. Seulement, chacun devrait pouvoir mettre de côté à proportion de sa situation particulière ; puis j’ai constaté, comme beaucoup, les défaillances du système — les retraites, par quel scandale ? finissent constamment hors de proportion avec les cotisations, que ce soit dans un sens très favorable pour les statuts privilégiés, ou scandaleux pour les populations ouvrières.

L’économie française devient communiste. D’ailleurs, la Sécurité sociale, comme la CAF, excroissances de l’État social obèse — de Providence devenu Papa (remarque à étendre hors du champ de l’économie…) — sont nées des ordonnances du PCF ; certes, on n’a pas encore osé instaurer les kolkhozes, il n’empêche : presque la moitié des revenus du travail passe dans les caisses de l’État, avant d’être redistribuée : ce n’est plus l’égalité républicaine, c’est l’égalitarisme socialiste. Pour mémoire, l’argent est une propriété privée : si le Conseil Constitutionnel était plus sagement présidé, il rappellerait la législation française à l’ordre, sur le fondement de l’article 17 de notre grande Déclaration.

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Si encore nos charges rendaient notre nation riche ; mais les économies socialistes, trop administratives, trop centralisées, à la fois trop oppressives et trop dépensières, s’avèrent rarement efficaces. L’État est le plus mauvais des gestionnaires : donnez-lui votre argent, il le fait disparaître ; confiez-lui une entreprise, il la ruine : tout ce qui passe entre ses mains s’évapore, la gabegie est énorme ! Et de fait, que paient nos charges ? — les services publics défaillants, les aides, les prestations sociales (j’ai voulu les lister mais j’ai renoncé, il y en a trop !) et le remboursement de la dette…

Il est urgent de laisser respirer les travailleurs ; de ne plus leur voler le produit du labeur ; de valoriser le travail et de dévaloriser la paresse ; de ne remettre à l’État que le régalien, ainsi que les secteurs strictement stratégiques ; de mener une politique protectionniste, de modérer les dépenses publiques, de baisser les impôts et les taxes, de réduire les charges afin de permettre plus largement à chacun de se constituer sa propre rente : en deux mots, de nous laisser libres et responsables.

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Kamala Harris, une modérée?

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Kamala Harris en 2018 © Richard Gardner/Shutter/SIPA

Élections américaines: êtes-vous certain que Kamala Harris soit aussi modérée qu’on le dit ? L’avocat franco-américain Randy Yaloz, président de « Republicans Overseas Action », détaille ici le parcours très (trop, à son goût) progressiste de la candidate démocrate…


Depuis l’investiture de Kamala Harris comme candidate officielle du Parti démocrate, nombre d’observateurs, de part et d’autre de l’Atlantique, la dépeignent comme une candidate « modérée » ou « centriste ». Pourtant, le bilan de son parcours politique en Californie et de son mandat de vice-présidente montre une tout autre réalité, celle d’une progressiste radicale.

Immigrationnisme

Commençons par son bilan en matière d’immigration. Quand elle fut procureure du district de San Francisco de 2004 à 2010, elle a soutenu une politique visant à protéger les délinquants étrangers âgés de moins de 18 ans des autorités fédérales en charge de l’immigration. Ainsi, des immigrés dangereux ont pu entrer sur le territoire américain en prétextant qu’ils étaient mineurs. Fait significatif, le très progressiste et immigrationiste centre de réflexion America’s Voice a loué sa politique migratoire. « En tant que procureur général de Californie de 2011 jusqu’à sa démission à la suite de sa victoire au Sénat des États-Unis en novembre 2016, Mme Harris a défendu avec vigueur les communautés d’immigrants dans son État et dans l’ensemble du pays », est-il notamment écrit dans une publication datant du mois de juillet.

A lire aussi: Le «Projet 2025»: les démocrates l’adorent, les républicains l’ignorent

En tant que vice-présidente, Kamala Harris est responsable du bilan de l’administration Biden. Huit millions de migrants ont traversé la frontière sud depuis 2021. Au-delà de ses résultats désastreux en termes de protection de la frontière américaine, elle compte également parmi les personnalités politiques qui ont soutenu le mouvement des émeutiers qui a suivi la mort de George Floyd en 2020. Dans un tweet publié en juin 2020, elle encourageait les Américains à participer à un fonds visant à aider les manifestants violents.

Pire encore, elle a donné l’impression de soutenir le mouvement « Defund the police ». Dans une émission radio « Ebro in the morning », toujours en 2020, elle a déclaré que « tout ce mouvement consiste à dire, à juste titre, que nous devons examiner ces budgets et déterminer s’ils reflètent les bonnes priorités ». Kamala Harris serait-elle une candidate anti-police ?

Une radicale, dès sa jeunesse

À l’occasion d’un meeting en Pennsylvanie au mois d’août, Donald Trump, commentant la proposition de son adversaire de vouloir bloquer les prix, affirmait que Kamala Harris était devenue « complètement communiste ». Mais on peut se demander si sa radicalité est aussi récente.

A lire aussi: États-Unis: une campagne entre cris et chuchotements

Dès son enfance, elle a baigné dans les idéologies de gauche et d’extrême-gauche. Retournons plusieurs décennies en arrière. Kamala Harris est née en 1964 à Oakland en Californie d’une mère biologiste indienne, Shyamala Gopalan et d’un père Jamaïcain, Donald J. Harris. Le parcours de ce dernier permet d’éclairer certaines prises de position de sa fille. Car il n’est autre qu’un célèbre professeur d’économie émérite de la prestigieuse université de Stanford qui a été qualifié par l’hebdomadaire britannique The Economist, d’« économiste marxiste combatif ». C’est sans doute en partie la raison pour laquelle le programme de candidate de sa fille flirte avec le marxisme. Au mois d’août, pour lutter contre l’inflation, elle a annoncé qu’en tant que présidente, elle mettrait en place « un plan fédéral de fixation des prix pour les produits alimentaires et d’épicerie » afin d’empêcher les « grandes entreprises de profiter des consommateurs ». Cette mesure très soviétique est purement électoraliste et n’est pas sans rappeler les propositions ubuesques des partis politiques de gauche du monde entier, à l’instar du Nouveau Front populaire qui propose l’instauration du Smic à 1 600 euros en France… Toutes ces politiques sont néfastes pour les entreprises, et conduiraient évidemment à plus de pauvreté.

Il y a aussi beaucoup à craindre pour le soutien historique et indéfectible des États-Unis à Israël si Kamala Harris l’emporte en novembre. Certes, elle a déclaré à plusieurs reprises qu’elle était du côté de l’État hébreu, mais certaines de ses prises de position disent l’inverse et la rapprochent en réalité des pires postures propalestiniennes. Elle n’est pas claire par exemple concernant sa position à venir sur l’arrêt ou non des livraisons d’armes à Israël en tant que présidente, évitant de répondre à des questions à ce sujet. Et elle subit une pression constante de la part du courant le plus gauchiste et anti-Israélien du parti démocrate, dont les membres du « Squad ». Elle aura peut-être besoin du vote musulman dans certains « swing States ». Saura-t-elle résister à cette pression ? Il est permis d’en douter.

Mignonne, allons voir…

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Franck Maubert © Francesca Mantovani / Éditions Gallimard

Le romancier Franck Maubert a acheté une maison sur les bords du Loir, le pays de Ronsard. Aimanté par le génie des lieux, il mêle ses mots à ceux du poète et à la beauté du paysage. Avec Pierre de Ronsard, une démonstration de grand style.


Le moraliste Joubert écrit qu’il « ne faut qu’un sujet à un ouvrage ordinaire ; mais pour le bel ouvrage, il faut un germe qui se développe de lui-même comme une plante. » Le germe, chez Franck Maubert, est aussi la source, la cause originelle qui donne lieu au livre ; qui lui assure son développement. Et son unité. À l’instar de Ronsard, le romancier de L’eau qui passe (Gallimard, prix Jean-Freustié 2019) a le goût des Histoires naturelles. Celle qu’il nous conte aujourd’hui doit tout à l’amoureux de Cassandre. Le poète des Amours va donner une maison au narrateur mais, plus encore, « un paysage à qui parler ». Et un bel ouvrage, bref mais foisonnant, profond et luxuriant, érudit et sensible.

Plume généreuse

Avec Pierre de Ronsard est d’emblée une promenade sur les bords du Loir, là où « une lumière solitaire éclabousse la perspective même les jours où le bleu est indécis. Une journée entière peut s’écouler à se perdre dans les métamorphoses de la lumière, dans les rumeurs des vents. » Franck Maubert est un styliste de première envergure, de ceux qui font raisonner leur imagination dans « le halo des mythes », qui s’inventent une liberté : celle qui confine à une joie profuse. L’euphorie, qui est l’une des formes que prend son énergie, guide sa plume et, comme il est à l’évidence généreux, elle infuse.

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Tout part d’une petite annonce : « Pays de Ronsard. Cadre exceptionnel, bord du Loir, anciens communs de château restaurés, 220 m2 habitables, viager libre. Étude Herbinière à Tours. » Le narrateur est appelé, un dieu fait signe, il doit partir, faire route sur-le-champ, aller visiter cette maison : « Quelque chose me poussait, quelque chose de plus fort que ma volonté, que la raison même, m’attirait en ces lieux. Je l’ignorais, mais c’était Ronsard, ou plutôt cette nature, la sienne, celle qu’il a célébrée, ce paysage si français qu’il aimait tant. » À peine descendu de sa voiture, sans même poser les yeux sur la maison de l’annonce, sans donc l’avoir visitée, étourdi par la scène qu’offre ici la nature, il est pris d’une « fièvre buissonnante » et hurle : « J’achète ! » C’en est fait de lui : « Je sais que j’ai trouvé ma tanière et que je cesserai de me désirer ailleurs. » Ainsi commencent les plaisirs et les jours…

Ami retrouvé

Maubert est savant. Il interprète le poète, fouille sa vie comme son œuvre, interroge sa famille, sonde son cœur donc ses passions, veut pointer ses mystères : « Il y a chez Ronsard un mélange surprenant, ce puissant accord entre la richesse terrestre et la bénédiction céleste. » Tout se passe, là, comme si le décor plantait le poète : « Ici tous les sens débordent, ils s’activent au service d’un plaisir particulier où contemplation et pensée se rejoignent. » Maubert a Ronsard tous les jours sous les yeux. À preuve, les fantômes existent.

Ce qui captive le narrateur, c’est bien « ce quelque chose d’évanoui à travers l’illusion du murmure des mots ». Ronsard était comme un ami disparu de Maubert. Ils viennent de se retrouver.

Franck Maubert, Avec Pierre de Ronsard, Mercure de France, 2024.

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