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Causons ! Le podcast hebdomadaire de Causeur

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Un problème pour Trump dans un Etat-pivot ? Liban : stratégie israélienne et solution diplomatique. L’actualité politique vue par Causeur.fr. Avec Eliott Mamane, Gil Mihaely, Martin Pimentel et Jeremy Stubbs.


Les déclarations extrémistes du Républicain afro-américain, Mark Robinson, lieutenant-gouverneur de la Caroline du Nord et candidat à l’élection gouvernorale cette année, pourrait être un problème pour Donald Trump dans cet Etat-pivot ; explications avec le chroniqueur politique Eliott Mamane.

Y aura-t-il un cessez-le-feu entre Israël et le Hezbollah? Les frappes israéliennes ont réussi à affaiblir les capacités militaires de l’organisation. Pour arriver à une solution diplomatique de la situation, les vraies négociations ont lieu entre Washington et Téhéran. L’analyse de Gil Mihaely.

Affaire Pelicot: la tribune de 200 hommes « contre la domination masculine » publiée par Libération; les frasques à répétition de Sébastien Delogu; la saga des OQTF; des « Blouses blanches pour Gaza »?… L’actualité de la semaine vue par Causeur.fr avec Martin Pimentel.

Affaire Philippine: Comment le suspect Taha O. s’est-il retrouvé dans la nature?

Moins d’une OQTF sur 10 est exécutée en France. Philippine serait encore vivante avec une législation adaptée.


Philippine Le Noir de Carlan était une jeune fille souriante, studieuse et bien élevée. Elle aurait pu être votre sœur, votre fiancée, votre cousine, votre amie ou votre fille. Étudiante sans histoire à l’université Paris-Dauphine, elle a disparu vendredi 19 septembre aux alentours de 14 h après avoir été aperçue pour la dernière fois au restaurant universitaire. Son corps supplicié a été retrouvé enterré à la va-vite au cœur du Bois de Boulogne. Elle a été violée, volée et finalement assassinée par un homme dont elle n’aurait jamais dû croiser la route.

Le premier viol du suspect avait marqué les esprits des policiers

Si toutes les précautions avaient été prises, Taha O. ne se serait d’ailleurs pas retrouvé sur son chemin.

Interpellé le 24 septembre alors qu’il était en fuite à Genève, Taha O. est un ressortissant marocain de 22 ans né dans la ville d’Oujda, située à l’est du Maroc près de la frontière algérienne. Venu en France en juin 2019 muni d’un visa touristique pour une durée allant du 13 juin au 27 juillet, il n’est évidemment pas reparti chez lui. Première faille dans cette histoire symptomatique de tous nos errements en matière migratoire, Taha O. avait évidemment été pris en charge par l’aide sociale à l’enfance du Val-d’Oise… Quelques semaines plus tard, il violait une étudiante de 23 ans sur un chemin forestier en forêt de Taverny, à quelques encablures du foyer où l’État français le prenait en charge à l’aide de nos impôts. Il fut pour cela condamné à une peine de sept années de prison ferme en 2021. Il ne l’a bien sûr pas effectuée jusqu’au bout.

Le viol commis alors par Taha O. a durablement marqué les esprits des enquêteurs, comme le montre le poignant témoignage de Frédéric Lauze dans le journal Le Figaro. L’ancien chef de la police du Val-d’Oise se souvient d’un « prédateur sexuel très dangereux » malgré son jeune âge. Il raconte aussi que sa victime n’a eu la vie sauve qu’en dupant le psychopathe, lui faisant croire qu’elle avait l’intention de le revoir. Se disant « ému » mais aussi « en colère », Frédéric Lauze reproche dans ce même entretien l’inconscience du juge des libertés en charge du suivi de l’affaire. Il a pleinement raison, tant ce drame aurait pu et dû être évité dans un pays mieux organisé pour lutter contre une criminalité exogène particulièrement redoutable. Ces propos trouvent d’ailleurs un écho chez l’avocat Thibault de Montbrial, président du Centre de réflexion sur la sécurité intérieure, qui a lui estimé que la justice avait été dans ce cas « irresponsable ».

Erreur d’appréciation majeure

Comment donc Taha O. a-t-il pu se trouver dans les rues et commettre son atroce forfait ? Sorti de la prison de Joux-la-Ville (Yonne) le 20 juin 2024 grâce à un « aménagement classique des peines », le Marocain a été placé immédiatement en centre de rétention administrative après avoir été notifié d’une obligation de quitter le territoire français. C’est la loi dite « Immigration » du 26 janvier 2024 qui fait autorité en la matière. Elle est complétée par le décret n° 2024-813 de juillet 2024 prévoyant « les conditions d’assignation à résidence et de placement en rétention ». Sur le site service-public.fr, des explications et détails sont donnés quant aux différentes procédures. On y apprend ainsi que « la rétention administrative permet de maintenir dans un lieu fermé (centre de rétention administrative) un étranger qui fait l’objet d’une décision d’éloignement, dans l’attente de son renvoi forcé ». Décidée par l’administration, cette rétention est limitée à 90 jours, sauf en cas d’activités terroristes.

Concernant Taha O., nous étions dans un cas de décision de placement en rétention, après une période d’incarcération. La décision initiale a donc été ici prise par un préfet. L’éloignement de Monsieur O. n’ayant pas pu intervenir dans les 48 heures après son placement en rétention, les autorités marocaines ayant dû procéder à la vérification de l’identité du criminel, puisque ce dernier avait comme c’est toujours le cas « égaré » ou plus sûrement détruit ses papiers d’identité, le préfet a dû décider d’une première prolongation de la rétention de 28 jours francs. Ce n’est qu’à l’issue de ce délai que le juge des libertés et de la détention a été saisi. Il a eu 18 heures pour statuer et a prolongé de 30 jours francs pour plusieurs motifs en l’espèce (destruction des papiers d’identité, laissez-passer consulaire non délivré en conséquence, mais aussi menace réelle à l’ordre public).

Le drame s’est ensuite joué à l’expiration de ce second délai. De fait, une prolongation supplémentaire de la détention pouvait être demandée par le préfet et autorisée par le juge des libertés et détentions qui a pourtant choisi de placer Monsieur O. en « résidence surveillée » à l’hôtel, alors que le Maroc délivrait le laissez-passer consulaire permettant l’expulsion après avoir acquis la certitude qu’il s’agissait d’un de ses sujets le lendemain. Comme on pouvait l’imaginer, l’assassin présumé a profité du fait que la surveillance était relâchée pour s’échapper dans la nature. Il y a eu là une erreur d’appréciation majeure et une forme de démission des autorités. La dangerosité criminelle du profil aurait dû obliger à la persévérance. Des responsables doivent être désignés et sanctionnés. Le législateur et le préfet ne sont pas en reste dans cette liste. En effet, le préfet de l’Yonne a mal adressé la première demande de laissez-passer consulaire au royaume du Maroc. Une boite mail dédiée existe, ce que semble avoir ignoré la préfecture. Pis : des sources concordantes indiquent que le Maroc a averti ses homologues français que la première demande d’éloignement était mal rédigée dès le 24 juin ! Quant au législateur, sa rédaction de l’article 742-5 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (Ceseda) fait débat. La loi Immigration prévoit bien que la menace pour ordre public autorise une prolongation de la durée de rétention portée à 90 jours, mais le texte précise que ce trouble doit avoir été commis pendant la dernière période de prolongation… N’ayant commis aucun trouble durant les 15 derniers jours de sa rétention administrative, Taha O. a donc bénéficié de la clémence du juge qui a conclu que les conditions légales d’une nouvelle détention n’étaient pas réunies… tout en reconnaissant l’extrême dangerosité du personnage. La lettre plutôt que l’esprit de la loi.

Il faut néanmoins savoir que le contentieux des étrangers représente 50% de l’activité des tribunaux administratifs. Les juges des tribunaux administratifs doivent donc faire constamment du droit des étrangers en plus des autres dossiers qui leur sont attribuées en fonction de l’organisation locale. Le pourcentage des contentieux concernant le droit des étrangers tombe à 30% en appel et, tout de même, encore 20% devant le Conseil d’état en cassation. Colossal. C’est dire l’ampleur du problème.

Que faire ?

Il faut complétement rénover la législation en matière de rétention des immigrés en situation d’illégalité. D’abord, l’ « OQTF » n’est au fond qu’une invitation à partir. Il ne s’agit pas du tout d’une obligation de fait. Une expulsion à l’issue d’une peine de prison doit être préparée en amont de manière à ce que le criminel soit renvoyé immédiatement dans son pays d’origine. Il faut pour cela mieux coordonner l’action des différents services pénitentiaires, judiciaires et administratifs. Il faut aussi aligner le régime des criminels et délinquants de droit commun sur celui appliqué aux terroristes. Mieux encore : une personne ayant détruit ou égaré volontairement ses papiers et justificatifs d’identité étrangers devrait être placée en centre de rétention pour une durée indéterminée jusqu’à ce que son expulsion physique soit matériellement possible. Ce sont là des mesures de bon sens absolu que le gouvernement Barnier devrait tout faire pour mettre en place.

Didier Migaud et Bruno Retailleau peuvent-ils déjouer les mauvais augures?

Réagissant à l’affaire Philippine, le ministre de l’Intérieur a réclamé une évolution de « l’arsenal juridique ». De son côté, le garde des Sceaux a défendu la magistrature lors d’une visite à la prison de la Santé, affirmant que « le laxisme judiciaire n’existe pas », qu’ « il faut de la pédagogie » et que « le taux d’exécution des peines n’a jamais été aussi élevé ».


Avec quelle indécente volupté certains ont-ils pris connaissance des premiers couacs au sein du nouveau gouvernement ! C’était inévitable, tant la France partisane est plus préoccupée de faire perdre l’adversaire que de faire triompher sa propre cause… Il y a des controverses ridicules. Comme celle sur « l’arc républicain » et le Rassemblement national. Pourtant, le Premier ministre avait été clair et il était tout à fait moral et normal de prescrire que le temps du mépris à l’encontre des électeurs de ce parti était révolu et que l’opposition politique même la plus vigoureuse ne serait plus contradictoire avec une sorte de respect démocratique. Pourtant, le ministre Antoine Armand, qui aurait dû être, plus que tout autre à cause de sa proximité avec Michel Barnier, au fait de la résolution de ce dernier, a commis un impair sur France Inter. Il est tombé dans le panneau de cette absurde exclusion du RN de l’arc républicain qui est, comme l’avait très bien dit Gabriel Attal en son temps lucide et courageux, l’Assemblée nationale tout entière. Antoine Armand a été recadré, il a vite compris.

Petits couacs et vraies divergences de fond

Il y a des ministres macronistes qui ont des états d’âme et, pour certains, des frustrations de gauche. Par exemple, Agnès Pannier-Runacher a un « dilemme », craint « des frottements ». S’ils ont tant de mal à être à l’unisson du Premier ministre, personne ne les contraignait à demeurer ministres ! Ils étaient libres de ne pas venir troubler et affaiblir une équipe qui se doit de réussir pour la France et les Français. Ce sont des incidents secondaires qui ne pouvaient que résulter d’un mixte gouvernemental que la dissolution et ses résultats ont rendu obligatoire. Mais il y a un problème de fond, beaucoup plus sérieux, qui est apparu. Par rapport à notre histoire politique, il n’a rien d’original. Ce serait « l’éternel duel entre l’Intérieur et la Justice », écrivent Claire Conruyt et Paule Gonzalès dans Le Figaro daté de mercredi. Il serait difficile de contester cette évidence, qui s’est d’ailleurs souvent traduite par la domination d’un ministre – de l’Intérieur plutôt – sur l’autre. Mais, sans être naïf, cet affrontement n’est pas fatal.

À lire aussi, Dominique Labarrière: Philippine: martyre de l’impéritie judiciaire

D’abord parce qu’il s’agit de Bruno Retailleau et de Didier Migaud, qui ont conscience de l’impératif qui pèse sur eux, brutalement résumé par cette interdiction : ils ne peuvent se permettre d’échouer, non seulement dans leur pratique et leurs résultats ministériels mais dans la qualité de leurs relations professionnelles et la solidarité de leurs actions. Il n’y a aucune raison, en effet, pour qu’une sensibilité de droite, courageuse, libre et constante – celle de M. Retailleau – soit désaccordée d’avec la vision lucide et responsable d’un homme étiqueté de gauche : celle de M. Migaud (dont on perçoit que d’aucuns, à cause de cette orientation politique ancienne, voudraient le constituer comme un opposant de principe à Bruno Retailleau) ! À condition que l’Intérieur et la Justice ne soient pas vécus seulement comme des opportunités de défendre policiers ou magistrats sans que soient dénoncés les vices et les dysfonctionnements de chacun des systèmes dans lesquels ils exercent. Ce ne serait pas offenser les seconds que de cibler ce que leur institution accomplit mal ou ce que les citoyens attendent mais ne reçoivent pas, notamment efficacité et rapidité. Et la police, aussi respectable qu’elle soit, n’est pas un corps parfait en toutes circonstances ! Le clivage absolu qu’on prétend ériger entre ces deux ministères n’a aucun sens. L’actualité souvent la plus tragique, mêlant des processus administratifs à des enquêtes et informations criminelles – le meurtre de Philippine avec le parcours du suspect Taha O. en voie d’extradition le démontre pour le pire – met à bas cette distinction et n’est pas loin d’établir le caractère sinon interchangeable, du moins très largement complémentaire de Beauvau et de la place Vendôme.

Condamnés à s’entendre dans l’intérêt de la France

Comment aurait-il été concevable, pour Bruno Retailleau, sur TF1 ou dans son entretien du Figaro, de ne pas traiter de l’exécution des peines alors qu’il était questionné sur l’immigration clandestine, l’asile et les OQTF ? Son argumentation, s’il s’était abstenu, en aurait été singulièrement appauvrie. Didier Migaud s’est immédiatement contraint à la posture traditionnelle du garde des Sceaux montant au créneau pour atténuer le propos « sur le droit à l’inexécution des peines ». Je ne suis pas sûr qu’il ait eu raison dans le satisfecit qu’il a formulé mais peu importe : je ne doute pas qu’il saura intégrer, dans sa pratique à venir, une partie de la logique du ministre de l’Intérieur. Il permettrait ainsi, avec évidemment la réciproque de la part de Bruno Retailleau, une meilleure compréhension des rôles policier et judiciaire.

Aujourd’hui, c’est un antagonisme larvé ou affiché qui gouverne. Il faut mettre fin à cette hostilité dont une part de la magistrature est coupable, trop souvent condescendante, avec son apparente pureté, à l’encontre d’une police naturellement fautive aux mains sales (je renvoie à cette analyse précédente…). J’ai la faiblesse de penser que Bruno Retailleau et Didier Migaud ont pour principale ennemie la convention politique qui, au long des années et des pouvoirs de gauche comme de droite, les jugerait mous et incompétents s’ils ne s’abandonnaient pas à une lutte entre chiens et chats. S’ils résistent à cette pente, ils feront du bien ensemble à la France et aux citoyens qui espèrent, après tant d’orages, de désordres et d’affrontements, au moins une esquisse d’aurore.

«Mon jour de chance», c’est sans doute le vôtre aussi

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La nouvelle pièce de Patrick Haudecœur et Gérald Sibleyras est un bijou de comédie de situation.


Dans la précédente comédie écrite par les deux co-auteurs, Berlin Berlin, qui se joue toujours actuellement à Paris, la satire politique emprunte aux films de Lubitsch son ton mordant et absurde. Avec cette jubilation pétillante si propre à leur style, Gérald Sibleyras et Patrick Haudecoeur s’intéressent particulièrement aux plus minables des comportements humains dès lors que la situation devient périlleuse. Le burlesque naît alors de cette incapacité des personnages à dépasser des situations rendues impossibles par leur perversité.

Avec Mon jour de chance, le portrait de nos travers humains se veut plus optimiste.

Cette comédie de situation de haute voltige est au fond une sorte de conte à la Dickens, dont l’issue nous invite à réfléchir sur nos propres choix de vie. Comme le vieil avare du célèbre Conte de Noël, Sébastien, le personnage principal, s’est laissé grignoter par la jalousie, l’aigreur et la rancœur. Il se lamente sur sa situation et est persuadé que dans la vie, il y a ceux qui ont de la chance et ceux qui n’en ont pas. D’ailleurs, ses copains et lui jouaient toutes leurs décisions aux dés quand ils étaient plus jeunes, et il est persuadé que s’il avait eu une meilleure main, sa vie aurait été plus belle. Mais supposons un instant que les jeux ne soient pas faits… Et si, tel un fantôme de Noël, le destin lui donnait l’opportunité de rejouer ?

A lire aussi: Un Offenbach queer?

Parlons-en, d’ailleurs, de ce destin, qui est finalement ici l’un des personnages principaux. Celui-ci se demande non seulement si on peut lui échapper, mais aussi si on veut vraiment lui échapper… Changer le destin, d’accord, mais pour avoir quoi à la place ? N’y aura-t-il pas toujours quelque chose qui cloche ? Éternels insatisfaits, nous ne sommes même pas certains que si nous pouvions prendre les rênes de notre destin, le résultat en serait si extraordinaire…

Il faut dire que Sébastien n’est pas tant à plaindre que cela : sa femme est charmante et sensible, et ses amis sont d’une humilité touchante et sympathique. Une bien jolie bande de copains chez qui on passerait volontiers un week-end à la campagne. Ce qui nous change agréablement de certaines comédies françaises où l’on tombe tout de suite chez des gens qu’on ne voudrait jamais fréquenter et auxquels on a, par conséquent, beaucoup de mal à s’identifier…

La force de cette comédie réside non seulement dans l’amabilité — au sens premier du terme — de ses personnages, appuyée par un casting parfaitement harmonieux, mais aussi dans l’imprévisibilité des changements de situation. Les renversements, interprétés par les comédiens avec beaucoup de finesse, sont tous jubilatoires et nous embarquent dans un voyage étourdissant, allant de surprise en surprise, avec un rythme d’horlogerie à la Feydeau orchestré par le metteur en scène José Paul, et un entrain qui nous fait vite trépigner d’excitation, comme si nous étions sur des montagnes russes…

Attachez bien vos ceintures, parce que le destin ne fait pas de cadeau !

Durée: 1h30. Théâtre Fontaine.


Sahra Wagenknecht, radio Ostalgie

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En Allemagne, l’ « Alliance Sahra Wagenknecht, Pour la raison et la justice » (BSW) réalise un score tout à fait honorable aux dernières élections. Face aux succès de l’AfD (droite dure), l’égérie pète-sec de la gauche « réac », ex-Die Linke, devient une faiseuse de rois.


Il n’y a pas qu’en France où le paysage politique connait des mutations étonnantes. Aux récentes élections régionales en Saxe et en Thuringe (ex-Allemagne de l’Est), le parti d’extrême droite AfD a affiché un succès spectaculaire avec respectivement 30,6% et 32,8% des voix le 1er septembre, soit une confortable avance sur toutes les autres formations (à l’exception des conservateurs qui les devancent d’une courte tête en Saxe).

Mais si l’on y regarde de plus près, un autre fait attire l’attention : le parti BSW, inconnu au bataillon jusqu’à l’année dernière, réussit l’exploit de se hisser à la troisième place avec 11,8% et 15,8% des voix. Son leader n’est autre que Sahra Wagenknecht, égérie de l’extrême gauche et ancienne cadre du parti Die Linke (équivalent allemand de LFI). Or, Wagenknecht détonne dans le paysage actuel de la gauche européenne : originaire de RDA, cette native de Iéna n’hésite pas à défendre une ligne marxiste « vieille école », pro-russe et anti-migrants – elle a ainsi publiquement annoncé vouloir revenir à une politique d’immigration beaucoup plus ferme.

A lire aussi: Pérou : Fujimori, comme un De Gaulle andin?

Une concurrence pour le moins inattendue pour l’AfD, qui ne pensait pas devoir jouer des coudes avec l’extrême gauche sur ce sujet. Et ce n’est pas tout : Wagenknecht pourfend même l’idéologie sacro-sainte du wokisme qu’elle ne considère « pas de gauche », créant un malaise dans les sphères socialistes d’outre-Rhin. Son pari est incontestablement gagnant : elle se permet même de ridiculiser ses anciens amis de Die Linke en les devançant assez nettement, emmenant avec elle des foules de nostalgiques de la RDA et des communistes réactionnaires. Derrière les beaux tailleurs et le chignon impeccable se cache donc une cacique de la gauche dure, qui n’a visiblement pas l’intention d’en rester là.

Ironie du sort, les conservateurs de la CDU se voient donc obligés de négocier avec elle une coalition afin d’éviter des gouvernements locaux dirigés par l’AfD. Certaines couleuvres doivent être difficiles à avaler. Dimanche 22 septembre, lors des élections régionales, le BSW confirme sa percée en réussissant à obtenir 13,5% des voix dans le Brandebourg (soit la 3eme position). De quoi nourrir une guerre des gauches à la Mélenchon-Ruffin, version germanique ?

Voici pourquoi la France devrait plutôt dire merci à Israël

Comment expliquer les distances que prennent nos dirigeants politiques avec Israël? Trop souvent, ils donnent l’impression de vouloir ménager une «rue arabe», comme s’ils avaient entériné l’idée d’un «grand remplacement» en cours. Alors qu’Israël est en guerre à une frontière civilisationnelle séparant peuples d’Occident et peuples opprimés par l’islamisme, estime notre chroniqueur.


La France couchée n’aime pas voir Israël debout. Le petit État hébreu, qui veut en découdre avec son puissant ennemi islamiste, laisse voir en contraste ce qu’est devenue l’ancienne puissance européenne: une nation flageolante qui, à travers des élites émasculées et fascinées par l’adversaire, a renoncé à se faire respecter et à combattre. Boualem Sansal, écrivain algérien, met le couteau dans la plaie quand il explique (Le Figaro Magazine, 20 septembre) : « La France est un pays à la ramasse qui vit sur des gloires passées ». Cela fait cinquante ans que les gouvernements successifs reculent, et l’Union européenne avec eux, devant les constantes exigences des 57 États membres de l’organisation de la Coopération islamique (OCI). Ceux-ci n’ont de cesse depuis le premier choc pétrolier (1973), sous couvert de chantages pétroliers et sécuritaires, de réclamer et d’obtenir des protections et des promotions culturelles au profit de leurs populations immigrées. L’historienne Bat Ye’or a abondamment documenté ces abandons.

Le pessimisme de Boualem Sansal

Ce renoncement de la France à imposer ses valeurs a rendu marginale l’assimilation maghrébine et a fait du séparatisme la règle. Quand Sansal assure, mardi matin sur CNews (L’heure des pros) : « Dans 50 ans, l’islamisation aura, à ce point, gagné qu’elle pèsera sur les fondamentaux français. Il faudra repenser la république, le droit, etc. », il illustre ce que pourrait être le grand remplacement, conjonction d’une immigration musulmane massive et d’un effacement honteux du pays conquis. Ce destin est-il inexorable ? Si le somnambulisme d’État reste la règle, Sansal aura raison.

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Les distances que prend Emmanuel Macron avec Israël, qui vient d’engager une riposte d’envergure contre le Hezbollah au Liban après avoir brisé les reins du Hamas à Gaza, illustrent une fois de plus la peur qui paralyse la France face à l’islam conquérant, téléguidé par l’apocalyptique théocratie iranienne. Même l’élimination par Tsahal, le 21 septembre au Liban, d’Ibrahim Aqiil, responsable de l’attentat de 1983 contre le Drakkar à Beyrouth (58 parachutistes français tués) n’a pas été saluée par le chef de l’État. « La réplique israélienne est insupportable », a dit Laurent Fabius, président du Conseil constitutionnel, mercredi matin sur RTL en commentant la réponse au pogrom du 7 octobre. Alors qu’une communauté de destin lie Israël à la France, deux vieilles nations confrontées au même ennemi fanatisé, les dirigeants se déshonorent à vouloir rendre les armes devant cet islam dont Sansal rappelle qu’il est « un système profondément totalitaire ». Le gouvernement a même renoncé à créer un ministère de la Laïcité, de peur d’être accusé d’islamophobie par la gauche soumise. Celle-ci manifeste en revanche avec ceux qui appellent à « l’intifada dans Paris ».

Israël, une frontière civilisationnelle

Ces traitrises « humanistes » sont méprisables. D’autant que le courage qui habite le peuple israélien, pour l’instant solidaire de Benyamin Netanyahu dans sa guerre contre le « nazislamisme », porte en lui la possible libération des peuples opprimés par les obscurantistes.
C’est le Hezbollah qui a défiguré le Liban jadis idyllique. C’est l’Iran des ayatollahs qui oppresse ses citoyens, dont une partie applaudit Tsahal dans les humiliations qu’elle porte au régime dictatorial qui redoute de répliquer.
Dans ses guerres, Israël se bat aussi pour la France et les démocraties occidentales angéliques. C’est pourquoi elles devraient oser lui dire merci.

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Quelques réflexions sur la guerre du Liban

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Les critiques fusent contre Israël, accusé d’avoir déclenché la guerre au Liban. Mais, ce n’est pas Israël qui a déclenché cette guerre ! L’État hébreu réagit avec près d’un an de délai à une guerre que le Hezbollah a lancée contre lui le 8 octobre 2023.


Ce jour-là, au lendemain des massacres perpétrés par le Hamas, le Hezbollah  lance des roquettes et des missiles sur Israël. Depuis lors, il en a envoyé près de 10 000 – une trentaine en moyenne chaque jour. La plupart ont été interceptés, ce qui fait que certains les assimilent à d’inoffensifs pétards. C’est faux : ils sont destinés à tuer, et  ils ont  tué. Beaucoup ont déjà oublié Majdal Shams[1], ce village druse israélien dont 12 enfants âgés de 10 à 18 ans ont été tués le 27 juillet 2024. Et ils ne sont pas les seules victimes israéliennes.

Le Hezbollah n’a pas de circonstances atténuantes

Imagine-t-on qu’un pays voisin, disons la Belgique, envoie des missiles sur la France, que les populations du Nord, du Pas-de-Calais, des Ardennes et de la Meuse soient obligées de s’enfuir, que ces départements deviennent inhabités et que la France ne réplique pas ? C’est ce qui se passe depuis près d’un an avec les habitants du Nord de la Galilée. 80 000 citoyens israéliens ont abandonné leur lieu de vie. Pour rappel, ces territoires sont à l’intérieur de la ligne internationalement acceptée de 1949, et, contrairement aux Palestiniens, le Hezbollah ne peut arguer de la moindre brimade historique et de la moindre revendication territoriale ; cela ne l’empêche pas d’avoir un seul but: la destruction d’Israël. 

A lire aussi, Ivan Rioufol: Voici pourquoi la France devrait plutôt dire merci à Israël

Ceux qui prétendent qu’un cessez-le-feu est nécessaire et qu’une solution diplomatique est possible  veulent oublier qu’en 2008 la résolution 1701 a été votée par le Conseil de Sécurité. Elle enjoignait au Hezbollah de se retirer au nord du Litani, à 30 km de la frontière. Elle n’a jamais été respectée, le Hezbollah envoie des missiles quand il le veut et la force de l’ONU, la FINUL, joue au sud du Litani un rôle particulièrement inutile.

L’objectif du Hezbollah était de saigner Israël par une guerre d’attrition et de rendre inhabitable le nord du pays. Mais  il semble qu’il ait voulu aussi réitérer les exploits du Hamas et effectuer également massacres et prises d’otages. Il faudrait peut-être que les Israéliens s’excusent d’avoir empêché l’exécution de ce plan…

Cibles et dégâts collatéraux

On critique Israël à cause du nombre de morts civiles lors des bombardements mais tous les bombardements, aussi ciblés soient-ils, font des victimes civiles et quelle que soit la réalité des distinctions entre civils et militaires, quelles que soient les précautions des Israéliens, des civils paient effectivement un lourd tribut. La guerre, c’est terrible. 30000 civils normands peut-être ont été tués dans les bombardements alliés qui ont précédé le Débarquement. 

La situation est d’autant plus tragique que, comme le Hamas, le Hezbollah cache une partie de son arsenal chez des civils. L’alternative au bombardement – l’envoi de troupes terrestres – soulèverait les mêmes protestations. Lesquelles ont malheureusement aussi  un aspect partisan : l’opération sur les bipeurs et  talkies-walkies a entrainé aussi des accusations contre Israël. Pourtant, les victimes civiles collatérales ont été rares, et il n’y a probablement pas eu dans l’histoire de la guerre d’opération plus précise, puisque celui qui était ciblé portait le bipeur qui prouvait son appartenance au Hezbollah.

A lire aussi, Hervé Ghannad: Attentat du Drakkar: l’oubli honteux…

Certains disent que cette guerre est la guerre de Benjamin Netanyahu, et qu’il la mène pour des motifs personnels.L’engagement au Liban était réclamé par une grande part de la hiérarchie militaire, et on reprochait plutôt au Premier Ministre ses atermoiements à ce sujet. Répéter qu’il mène cette guerre pour de sombres raisons personnelles, c’est affaiblir  la légitimité d’Israël qui lutte pour son existence. Cela n’a rien à voir avec le fait d’être ou non un partisan de Benjamin Netanyahu ; une commission d’enquête est une obligation historique et morale, mais après la guerre, et cette commission devra être impartiale.

Macron: «Il ne peut pas et il ne doit pas y avoir de guerre au Liban»

Je ne suis pas un critique systématique du président Macron, mais je suis abasourdi. Alors que la France vient de soutenir un des textes les plus antiisraéliens de l’histoire de l’ONU, alors que les bombardements n’ont pas encore commencé et qu’on est sous le choc de l’épisode des bipeurs, qui a essentiellement frappé le Hezbollah et pas le peuple libanais dans son ensemble, voici cette déclaration dont la solennité frise à la posture théâtrale. 

Le Liban dont parle le président, un modèle du vivre ensemble dont la France serait le protecteur, ce Liban n’existe plus et  Israël n’est pas  responsable de sa disparition. Les  conflits intercommunautaires, les calculs personnels des chefs et la détermination de l’Iran ont abouti à ce qu’est le Liban aujourd’hui, un pays failli, sous la mainmise de la mafia terroriste du Hezbollah, que le président Macron n’a même pas cité dans son discours. A-t-il eu une pensée pour ces 58 parachutistes français qui en 1983 ont péri dans l’explosion de l’immeuble du Drakkar fomentée par le Hezbollah? Savait-il que Ibrahim Aqil, le chef militaire qu’Israël venait d’éliminer, avait été un des organisateurs de cet attentat ? S’est-il demandé quelles options s’offraient à Israël, devant un ennemi qui veut sa disparition et a commencé une guerre où il prend le Liban en otage ? Il y a quatre ans, le président Macron avait de façon spectaculaire et inefficace assuré le Liban du soutien de la France après l’explosion du port de Beyrouth. Le Liban n’a pas osé incriminer le Hezbollah, responsable de cette explosion et la France n’a pas osé s’exprimer sur ce déni de justice évident. La France s’active aujourd’hui pour un cessez-le-feu transitoire en indiquant que le Liban ne se relèverait pas d’une guerre. Le Liban, chacun le sait, mais personne ne veut le dire, ne redeviendra un vrai pays que si le Hezbollah est démantelé, mais il est plus populaire aux Nations Unies de  bloquer contre Israël le balancier du en même temps et de prononcer solennellement des appels à la paix dont le Hezbollah fait semblant d’être le plus fervent partisan…


[1] https://www.causeur.fr/israel-liban-qui-sont-ces-enfants-massacres-a-majdal-shams-288801

Attentat du Drakkar: l’oubli honteux…

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En 1983, le Hezbollah tuait 58 militaires français à Beyrouth. Pourtant, l’élimination ciblée, par Tsahal, des responsables de cet attentat, n’a pas été saluée par le président Macron


Hélas…
Pas une ligne…
Pas un mot…

Rappelez-vous ! C’était en 1983, au Liban, ce cher Liban, pays du Cèdre qui sent le sapin !

Le Hezbollah frappait la France en tuant 58 militaires venus stabiliser la région. L’auteur, un certain Fouad Chokr, terroriste de renom, de sale renom si je puis m’exprimer ainsi, fait partie de la bande de personnes tuées le 20 septembre 2024, une frappe ciblée durant laquelle 16 hauts dirigeants de l’unité d’élite Force Redwan ont été décimés, ceux-là mêmes qui préparaient un deuxième 7-Octobre.

Naïvement, avec mon petit cerveau de fils d’immigré, je pensais que la France allait se réjouir de la frappe israélienne, voire manifester sa joie en l’honneur de nos militaires disparus. J’espérais une déclaration de soutien envers Israël, à la limite d’un petit remerciement, même du bout des lèvres.

Hélas !
Pas une ligne
Pas un mot !

Même pas un signe, une main tendue, un sourire, un clignement d’œil, un battement de cils !

Rien !
Nada !
Presque comme du mépris !

Ce silence honteux s’apparente au fond à un oubli qui renvoie la mort de ces soldats innocents aux oubliettes de l’histoire, comme un évènement tragique que l’on veut voir disparaître, comme une honte, une mauvaise maladie, une MST chopée durant une nuit de débauche avec des personnes peu fréquentables, le tout dans la quête de la France à vouloir conserver son influence au pays du Levant !

Influence et bonne image, voici les deux mamelles du rêve français en Orient!

Erreur fatale !

Les Accords Sykes-Picot qui en 1916 partagent les restes arabes de l’Empire ottoman, entre la France et l’Empire britannique, permettent de récupérer la Syrie et le Liban. Soit ! Mais tout cela, c’est du passé, comme la perte d’influence française en Afrique !

J’ai envie de paraphraser Serge Lama dans sa chanson « Souvenirs, attention Dangers! » Souvenirs et dangers, car l’image de la France semble figée dans un passé glorieux alors que le chaos géopolitique est désormais présent, avec un Iran fort, possédant la volonté non seulement de détruire l’État hébreu mais aussi et surtout de reconstituer un empire d’influence, grâce au religieux – l’arc chiite – ou bien le régalien, d’État à État comme au Liban ou au Venezuela.

Le chemin de Damas passe donc par Téhéran, au grand dam des Occidentaux qui se cachent les yeux, mais qui accusent Israël de « trop de se défendre » ! A ce propos, je pose une question de Candide : « Mais quelle serait la réaction de la France si ce pays recevait, chaque jour, des dizaines de roquettes sur la tête ?! » La cécité française ne mène pas vers la Lumière mais vers le déshonneur, le noir de l’humiliation pendant que des otages français croupissent dans des tunnels sordides, sans eau, sans électricité, avec une absence totale d’hygiène.

Au fond, des otages tentent de survivre tandis que la France tente de s’accrocher à son souvenir d’une France dominante. Ce rêve honteux et cette fuite en avant vont se payer cher… très cher ! Souvenirs d’Octobre… Attention… Dangers terroristes !

Comprendre la géopolitique du Proche-Orient

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Festival d’Automne: l’hiver de la création

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Le Festival d’Automne, naguère si brillant, est devenu la vitrine de la supercherie contemporaine. La création de Il Cimento dell’Armonia e dell’Inventione, signée par Anne Teresa De Keersmaeker et Radouan Mriziga, est aussi affligeante que le public venu l’applaudir.


Là, on a vraiment touché le fond. Et même plus bas encore. Signée par Anne Teresa De Keersmaeker et Radouan Mriziga, Il Cimento dell’Armonia e dell’Inventione est une production « chorégraphique » si misérable qu’on ne saurait la qualifier sans mots assassins.

Que cette chose ait été programmée à la fois par le Théâtre de la Ville et le Festival d’Automne rend l’événement encore plus accablant.

Pour mesurer l’inanité de cette composition, tout comme celle de son exécution, il faudrait imaginer s’être rendu à un concert et n’y découvrir que des musiciens débutants ; être allé au théâtre et y entendre ânonner un texte infantile lu par des illettrés ; ou avoir ouvert un livre écrit par un analphabète. Durant ce sidérant pensum de 90 minutes, il n’y a réellement pas un geste, pas un seul, qui donnerait le sentiment d’avoir été posé là autrement que par des amateurs sans imagination aucune. Comme persillée au cours de longues plages de silence, seule est séduisante l’interprétation très fragmentée des Quatre Saisons de Vivaldi qu’en donne l’ensemble Gli Incogniti. 

Quel géniteur pour cet insondable néant ?

Certes, la redoutable De Keersmaeker, si abusivement encensée, a pu maintes fois afficher des spectacles indigents à côté d’autres pourtant remarquables. Certes, elle manie généralement un vocabulaire limité, répétitif et prévisible. Mais on peine à croire tout de même qu’elle ait pu être véritablement l’auteur d’un travail à ce point infantile. Alors on en vient évidemment à soupçonner, sans du tout pouvoir l’affirmer, que le coupable est ce Radouane Mriziga jusque-là inconnu au bataillon, mais s’annonçant avec superbe comme un « chorégraphe et danseur bruxellois originaire de Marrakech qui aborde la danse par le prisme de l’architecture et brosse le portrait de l’être humain comme un exercice d’équilibre entre l’intellect, le corps et l’esprit ». Un Mriziga qui fut élève de l’école fondée par De Keersmaeker dans la capitale belge, et à qui l’impérieuse Flamande aurait cédé le pas sous le coup d’une bouffée d’humilité proprement miraculeuse.

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Pourtant, on a du mal à imaginer que cette femme à qui la rumeur prête depuis toujours un caractère irascible et dont l’attitude au travail a fait le sujet d’une plainte collective pour « violence psychologique, harcèlement, comportement autoritaire et imprévisible » de la part d’une vingtaine de personnes, on a du mal à imaginer qu’elle ait pu si aimablement céder la place à un Marocain quasiment débutant, quoi qu’en disent les propos ronflants qu’il affiche à son sujet. À moins qu’elle n’ait éventuellement songé à se racheter une conduite. Ou qu’elle ne soit sous l’emprise de cette complaisance qu’affecte depuis longtemps le politiquement correct en faveur des artistes « issus de l’immigration », quel que soit leur talent. Ou leur absence de talent.

La danseuse et chorégraphe belge flamande Anne Teresa De Keersmaeker © Yonhap News/NEWSCOM/SIPA

Pour servir Il Cimento…, quatre individus : deux blocs massifs aux noms balkaniques et deux hommes plus frêles qui exécutent médiocrement les choses les plus insignifiantes, mais dont on devine toutefois, à la faveur d’attitudes furtives, qu’ils pourraient offrir tout autre chose que ce à quoi on les a l’un et l’autre abandonnés. 

Inflation verbale

Ce qui est plus grave, infiniment plus grave dans cette regrettable aventure, comme dans bien d’autres d’ailleurs, c’est que deux institutions aussi considérables que le Festival d’Automne et le Théâtre de la Ville cautionnent, en la programmant, une telle production.

Jadis conçu par Michel Guy, puis porté par Alain Crombecque, le Festival d’Automne, dans son époque la plus brillante, s’était tout d’abord donné pour tâche de faire connaître en France l’élite de l’avant-garde américaine, avant de servir celle de la création française et européenne. Le Théâtre de la Ville, lui, pour avoir affiché les plus grands noms de la danse contemporaine de la seconde moitié du XXe siècle, qui étaient souvent les mêmes que ceux du Festival d’Automne, s’est hissé en son temps au rang des scènes européennes les plus novatrices.

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Lourds de leur réputation d’excellence, aujourd’hui quelque peu usurpée, ils font croire implicitement à un public qui déjà n’a plus connu les géants de naguère et n’a plus guère de références artistiques, que ce qu’ils programment est du même niveau que ce qui fit leur réputation dans le passé. Ils trompent de ce fait tout un public de consommateurs paraissant dépourvus de culture artistique, de repères solides, et, plus fâcheux encore, qui semblent dénués de libre arbitre, de tout jugement personnel. Les superlatifs employés dans les programmes qui présentent les ouvrages, cette inflation verbale souvent reprise dans la presse qui a abdiqué son travail critique ou n’ose plus rendre compte des réalités décevantes de la scène contemporaine, tout contribue à égarer des gens à qui on annonce ou laisse penser que ce qu’ils découvrent est exceptionnel. Exceptionnel, évidemment, puisque affiché dans un théâtre et par un festival de grande renommée.

Immense chorégraphe !!!!

En province, où cette calamiteuse production se donnera dans la foulée, on ne fait pas plus sobre. Dans telle ville du Sud-ouest, le programme qui annonce Il Cimento… ose en toute impudeur voir en De Keersmaeker une « immense chorégraphe », faute sans doute de trouver un adjectif encore plus monumental. Beau bourrage de crâne initié naguère par les nationalistes flamands en pleine expansion, trop heureux de pouvoir exhiber un produit de leur terroir qui n’en avait alors guère à offrir dans les années 1980.

Et pour quel résultat ? Un produit de consommation aussi désolant qu’Il Cimento… a été acclamé chaque soir au Théâtre de la Ville par toute une fraction du public paraissant décidée à aimer à tout prix ce qu’on lui a désigné. Une fraction, mais la plus bruyante, la plus expansive, qui s’extasie béatement devant des riens et qui se lève ostensiblement à la fin des opérations avec un enthousiasme exhibitionniste pour manifester son adhésion inconditionnelle, sans soupçonner le moins du monde combien elle est ridicule et naïve.

Si cette même adhésion aveugle, irréfléchie, en venait à s’appliquer au premier tribun populiste venu, on voit vite vers quoi on risquerait de sombrer.

1h30. Théâtre de la Ville – Sarah Bernhardt


Festival d’Automne, du 8 septembre 2024 au 26 janvier 2025. https://www.festival-automne.com/fr

Cau & Co

Deux jeunes gens, Ludovic Marino et Louis Michaud, dans une manière très originale de biographie-essai, Jean Cau, l’indocile, préfacé par Franz-Olivier Giesbert, lèvent enfin la sentence d’oubli qui frappait Jean Cau (1925-1993), cette figure majeure de résistance au conformisme.


Leur intention n’était pas de réhabiliter un Jean Cau « de droite », mais plutôt de signaler à leurs contemporains qu’ils ont à leur disposition l’œuvre d’un homme qui choisit un beau jour de « réaliser l’actif » de son expérience, soit la somme de ses connaissances, augmentées de ses contradictions intimes : enfance pauvre et provinciale, perspective d’avenir courte, intelligence vive, ambition vaste et balzacienne, entrée réussie dans la vie parisienne sous le haut patronage de Sartre, agacement « de classe » au spectacle de la mondanité « de gauche », fin de l’apprentissage, volte-face politique, ironie mordante du transfuge, lucidité impitoyable.

Il quitta Sartre, dont il fut le secrétaire, sans jamais le renier, et dressa la table pour un festin de polémiste.

Trahison à Saint-Germain-des-Prés

Le retournement de situation comportait des risques. Après sa métamorphose, Jean Cau incarna le reniement, la part d’ombre ; il devint le traître à Saint-Germain-des-Prés, à la gauche installée, aux pétitionnaires de terrasse, au camp du bien, du beau, du vrai.

Qui donc était cet antimoderne éclairé, certifié fasciste par les crétins d’hier, autour desquels s’agglutineront volontiers ceux d’aujourd’hui ? Si l’écrivain se confronta durement à la gauche, ce fut essentiellement par réaction épidermique et raisonnée à l’empire absolu qu’elle exerçait sur l’ensemble des intellectuels. Le moindre désaccord avec la ligne officielle, communiste puis socialiste, entraînait sur-le-champ le déshonneur, le diagnostic accablant et l’accusation publique réitérée : complaisance avec les heures les plus sombres, fascistoïdite en phase aiguë, calomnies et nazi-soit-il ! Les choses sont-elles si différentes de nos jours ?

« Ces tartuffes de l’information toujours se drapent d’une toge morale pour sermonner la terre entière[1]. »

Dans les arènes de Lutèce, il n’affrontait pas les taureaux de Victorino Martín[2], mais les vaches sacrées d’une partie de la classe dominante française, dont leur quotidien préféré Le Monde. Avec Lettres ouvertes à tout Le Monde, l’attaque fut frontale, rude : « Qui êtes-vous, gens du Monde ? Mais voyons, d’incurables bourgeois du xixe ! Vos traits le disent, votre voix, votre ton, vos noms, vos haleines tièdes encore de la vieille charité que vous insufflèrent vos familles. Et cette narine si experte à flairer le péché et le diable, comme je reconnais ses frémissements avides lorsque vous la promenez sur le monde comme il va pour y flairer, ici ou là, l’odeur de soufre de la droite, de la réaction, de l’ordre, de tout ce qui ne répand pas, en somme, les édéniques parfums de la gauche selon votre vaillante troupe de fanatiques boy-scouts oublieux des strophes de “Maréchal, nous voilà !” et la gorge pleine de cantiques écrits par quelque Neruda ou abbé Aragon. »

C’était hier, mais aujourd’hui ?

Maréchal, te voilà !

Sonia Devillers, à France Inter, a provoqué l’hilarité générale des Français en accusant Marion Maréchal de vouloir réhabiliter l’idéologie d’un funeste… maréchal (l’homonymie lui avait soufflé cet audacieux parallèle). Mme Maréchal eut la réplique cinglante, qui mit les rieurs (du plus large éventail électoral) de son côté et désorienta l’infortunée boussole du peuple (de gauche ?). Au reste, Mme Devillers est-elle de gauche ? En tout cas, elle fut maladroite.

Jean Cau est désormais à la disposition de tous ceux qui refusent les récentes (les futures) tyrannies : frondeurs aimables, insoumis vrais, factieux plaisants, bref la joyeuse cohorte des empêcheurs de woker en rond.

Ils suivront ses aventures, car il avait le pessimisme batailleur : la plume-banderille à la main, dos à la palissade, il affrontait la forme hostile toujours recommencée du conformisme. Il contra l’opinion majoritaire, impatiente d’embrocher l’outrecuidant toréador qui la tourmentait et se dérobait toujours à ses assauts.

De qui se woke-t-on ?

Peut-on imaginer ses commentaires, après le spectacle « son et lumière » qui a lancé la quinzaine olympique, son sourire d’ironie devant ce défilé d’images (souvent belles, d’ailleurs), devant ce « woke in progress », conçu par un talentueux metteur en scène, assisté d’un historien officiel d’État (ou municipal) ? Libre à eux de vomir l’Église, mais pourquoi nier l’intention anticatholique dans la représentation caricaturale de la Cène, l’étalage de chairs capricieuses, encombrantes, en lieu et place du Christ et de ses disciples à la table de leur dernier repas ? Voulurent-ils chanter les louanges de la République en montrant une reine qui paraissait consentir à son martyre par l’offrande enjouée de sa décapitation ?

Daphné Bürki, chargée des costumes, déclara que la chanson de John Lennon, Imagine, était « antimilitariste, anticapitaliste, engagée ». Bernard Arnault, patron de LVMH, l’un des principaux financiers de la fête, Coca-Cola, les militaires, les policiers mobilisés jour et nuit ont beaucoup ri de cette « rebelle attitude »…

Déclin du christianisme ? Perte des repères ? Panurgisme ? Jean Cau annonçait tout cela dans L’Agonie de la vieille (La Table ronde, 1970) : « Le judéo-christianisme est à bout de souffle et de course qui, depuis 2 000 ans, a fondé l’ordre, n’importe lequel et fût-ce sous d’étranges avatars. (Le messianisme marxiste fut l’un d’eux.) Mais cette annonce est si grave que nul n’ose la formuler catégoriquement. »

Faut-il préciser que la vieille femme agonisante, veillée par Jean Cau, c’était notre démocratie ?

Ludovic Marino et Louis Michaud, Jean Cau, l’indocile, Gallimard, 2024.

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[1] Jean Cau, Lettres ouvertes à tout Le Monde, Albin Michel, 1976.

[2] Éleveur fameux de taureaux de combat établi à Gerena, dans la province de Séville. Jean Cau fut un aficionado passionné.

Causons ! Le podcast hebdomadaire de Causeur

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Les deux candidats à l'élection gouvernorale en Caroline du Nord, Josh Stein (D) et Mark Robinson (R). 25/9/2024 Ethan Hyman/TNS via ZUMA Press W/SIPA

Un problème pour Trump dans un Etat-pivot ? Liban : stratégie israélienne et solution diplomatique. L’actualité politique vue par Causeur.fr. Avec Eliott Mamane, Gil Mihaely, Martin Pimentel et Jeremy Stubbs.


Les déclarations extrémistes du Républicain afro-américain, Mark Robinson, lieutenant-gouverneur de la Caroline du Nord et candidat à l’élection gouvernorale cette année, pourrait être un problème pour Donald Trump dans cet Etat-pivot ; explications avec le chroniqueur politique Eliott Mamane.

Y aura-t-il un cessez-le-feu entre Israël et le Hezbollah? Les frappes israéliennes ont réussi à affaiblir les capacités militaires de l’organisation. Pour arriver à une solution diplomatique de la situation, les vraies négociations ont lieu entre Washington et Téhéran. L’analyse de Gil Mihaely.

Affaire Pelicot: la tribune de 200 hommes « contre la domination masculine » publiée par Libération; les frasques à répétition de Sébastien Delogu; la saga des OQTF; des « Blouses blanches pour Gaza »?… L’actualité de la semaine vue par Causeur.fr avec Martin Pimentel.

Affaire Philippine: Comment le suspect Taha O. s’est-il retrouvé dans la nature?

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DR.

Moins d’une OQTF sur 10 est exécutée en France. Philippine serait encore vivante avec une législation adaptée.


Philippine Le Noir de Carlan était une jeune fille souriante, studieuse et bien élevée. Elle aurait pu être votre sœur, votre fiancée, votre cousine, votre amie ou votre fille. Étudiante sans histoire à l’université Paris-Dauphine, elle a disparu vendredi 19 septembre aux alentours de 14 h après avoir été aperçue pour la dernière fois au restaurant universitaire. Son corps supplicié a été retrouvé enterré à la va-vite au cœur du Bois de Boulogne. Elle a été violée, volée et finalement assassinée par un homme dont elle n’aurait jamais dû croiser la route.

Le premier viol du suspect avait marqué les esprits des policiers

Si toutes les précautions avaient été prises, Taha O. ne se serait d’ailleurs pas retrouvé sur son chemin.

Interpellé le 24 septembre alors qu’il était en fuite à Genève, Taha O. est un ressortissant marocain de 22 ans né dans la ville d’Oujda, située à l’est du Maroc près de la frontière algérienne. Venu en France en juin 2019 muni d’un visa touristique pour une durée allant du 13 juin au 27 juillet, il n’est évidemment pas reparti chez lui. Première faille dans cette histoire symptomatique de tous nos errements en matière migratoire, Taha O. avait évidemment été pris en charge par l’aide sociale à l’enfance du Val-d’Oise… Quelques semaines plus tard, il violait une étudiante de 23 ans sur un chemin forestier en forêt de Taverny, à quelques encablures du foyer où l’État français le prenait en charge à l’aide de nos impôts. Il fut pour cela condamné à une peine de sept années de prison ferme en 2021. Il ne l’a bien sûr pas effectuée jusqu’au bout.

Le viol commis alors par Taha O. a durablement marqué les esprits des enquêteurs, comme le montre le poignant témoignage de Frédéric Lauze dans le journal Le Figaro. L’ancien chef de la police du Val-d’Oise se souvient d’un « prédateur sexuel très dangereux » malgré son jeune âge. Il raconte aussi que sa victime n’a eu la vie sauve qu’en dupant le psychopathe, lui faisant croire qu’elle avait l’intention de le revoir. Se disant « ému » mais aussi « en colère », Frédéric Lauze reproche dans ce même entretien l’inconscience du juge des libertés en charge du suivi de l’affaire. Il a pleinement raison, tant ce drame aurait pu et dû être évité dans un pays mieux organisé pour lutter contre une criminalité exogène particulièrement redoutable. Ces propos trouvent d’ailleurs un écho chez l’avocat Thibault de Montbrial, président du Centre de réflexion sur la sécurité intérieure, qui a lui estimé que la justice avait été dans ce cas « irresponsable ».

Erreur d’appréciation majeure

Comment donc Taha O. a-t-il pu se trouver dans les rues et commettre son atroce forfait ? Sorti de la prison de Joux-la-Ville (Yonne) le 20 juin 2024 grâce à un « aménagement classique des peines », le Marocain a été placé immédiatement en centre de rétention administrative après avoir été notifié d’une obligation de quitter le territoire français. C’est la loi dite « Immigration » du 26 janvier 2024 qui fait autorité en la matière. Elle est complétée par le décret n° 2024-813 de juillet 2024 prévoyant « les conditions d’assignation à résidence et de placement en rétention ». Sur le site service-public.fr, des explications et détails sont donnés quant aux différentes procédures. On y apprend ainsi que « la rétention administrative permet de maintenir dans un lieu fermé (centre de rétention administrative) un étranger qui fait l’objet d’une décision d’éloignement, dans l’attente de son renvoi forcé ». Décidée par l’administration, cette rétention est limitée à 90 jours, sauf en cas d’activités terroristes.

Concernant Taha O., nous étions dans un cas de décision de placement en rétention, après une période d’incarcération. La décision initiale a donc été ici prise par un préfet. L’éloignement de Monsieur O. n’ayant pas pu intervenir dans les 48 heures après son placement en rétention, les autorités marocaines ayant dû procéder à la vérification de l’identité du criminel, puisque ce dernier avait comme c’est toujours le cas « égaré » ou plus sûrement détruit ses papiers d’identité, le préfet a dû décider d’une première prolongation de la rétention de 28 jours francs. Ce n’est qu’à l’issue de ce délai que le juge des libertés et de la détention a été saisi. Il a eu 18 heures pour statuer et a prolongé de 30 jours francs pour plusieurs motifs en l’espèce (destruction des papiers d’identité, laissez-passer consulaire non délivré en conséquence, mais aussi menace réelle à l’ordre public).

Le drame s’est ensuite joué à l’expiration de ce second délai. De fait, une prolongation supplémentaire de la détention pouvait être demandée par le préfet et autorisée par le juge des libertés et détentions qui a pourtant choisi de placer Monsieur O. en « résidence surveillée » à l’hôtel, alors que le Maroc délivrait le laissez-passer consulaire permettant l’expulsion après avoir acquis la certitude qu’il s’agissait d’un de ses sujets le lendemain. Comme on pouvait l’imaginer, l’assassin présumé a profité du fait que la surveillance était relâchée pour s’échapper dans la nature. Il y a eu là une erreur d’appréciation majeure et une forme de démission des autorités. La dangerosité criminelle du profil aurait dû obliger à la persévérance. Des responsables doivent être désignés et sanctionnés. Le législateur et le préfet ne sont pas en reste dans cette liste. En effet, le préfet de l’Yonne a mal adressé la première demande de laissez-passer consulaire au royaume du Maroc. Une boite mail dédiée existe, ce que semble avoir ignoré la préfecture. Pis : des sources concordantes indiquent que le Maroc a averti ses homologues français que la première demande d’éloignement était mal rédigée dès le 24 juin ! Quant au législateur, sa rédaction de l’article 742-5 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (Ceseda) fait débat. La loi Immigration prévoit bien que la menace pour ordre public autorise une prolongation de la durée de rétention portée à 90 jours, mais le texte précise que ce trouble doit avoir été commis pendant la dernière période de prolongation… N’ayant commis aucun trouble durant les 15 derniers jours de sa rétention administrative, Taha O. a donc bénéficié de la clémence du juge qui a conclu que les conditions légales d’une nouvelle détention n’étaient pas réunies… tout en reconnaissant l’extrême dangerosité du personnage. La lettre plutôt que l’esprit de la loi.

Il faut néanmoins savoir que le contentieux des étrangers représente 50% de l’activité des tribunaux administratifs. Les juges des tribunaux administratifs doivent donc faire constamment du droit des étrangers en plus des autres dossiers qui leur sont attribuées en fonction de l’organisation locale. Le pourcentage des contentieux concernant le droit des étrangers tombe à 30% en appel et, tout de même, encore 20% devant le Conseil d’état en cassation. Colossal. C’est dire l’ampleur du problème.

Que faire ?

Il faut complétement rénover la législation en matière de rétention des immigrés en situation d’illégalité. D’abord, l’ « OQTF » n’est au fond qu’une invitation à partir. Il ne s’agit pas du tout d’une obligation de fait. Une expulsion à l’issue d’une peine de prison doit être préparée en amont de manière à ce que le criminel soit renvoyé immédiatement dans son pays d’origine. Il faut pour cela mieux coordonner l’action des différents services pénitentiaires, judiciaires et administratifs. Il faut aussi aligner le régime des criminels et délinquants de droit commun sur celui appliqué aux terroristes. Mieux encore : une personne ayant détruit ou égaré volontairement ses papiers et justificatifs d’identité étrangers devrait être placée en centre de rétention pour une durée indéterminée jusqu’à ce que son expulsion physique soit matériellement possible. Ce sont là des mesures de bon sens absolu que le gouvernement Barnier devrait tout faire pour mettre en place.

Didier Migaud et Bruno Retailleau peuvent-ils déjouer les mauvais augures?

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De gauche à droite, le ministre de la Justice Didier Migaud, le président Macron et le ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau, Palais de l'Elysée, Paris, 23 septembre 2024 © Christophe Ena/AP/SIPA

Réagissant à l’affaire Philippine, le ministre de l’Intérieur a réclamé une évolution de « l’arsenal juridique ». De son côté, le garde des Sceaux a défendu la magistrature lors d’une visite à la prison de la Santé, affirmant que « le laxisme judiciaire n’existe pas », qu’ « il faut de la pédagogie » et que « le taux d’exécution des peines n’a jamais été aussi élevé ».


Avec quelle indécente volupté certains ont-ils pris connaissance des premiers couacs au sein du nouveau gouvernement ! C’était inévitable, tant la France partisane est plus préoccupée de faire perdre l’adversaire que de faire triompher sa propre cause… Il y a des controverses ridicules. Comme celle sur « l’arc républicain » et le Rassemblement national. Pourtant, le Premier ministre avait été clair et il était tout à fait moral et normal de prescrire que le temps du mépris à l’encontre des électeurs de ce parti était révolu et que l’opposition politique même la plus vigoureuse ne serait plus contradictoire avec une sorte de respect démocratique. Pourtant, le ministre Antoine Armand, qui aurait dû être, plus que tout autre à cause de sa proximité avec Michel Barnier, au fait de la résolution de ce dernier, a commis un impair sur France Inter. Il est tombé dans le panneau de cette absurde exclusion du RN de l’arc républicain qui est, comme l’avait très bien dit Gabriel Attal en son temps lucide et courageux, l’Assemblée nationale tout entière. Antoine Armand a été recadré, il a vite compris.

Petits couacs et vraies divergences de fond

Il y a des ministres macronistes qui ont des états d’âme et, pour certains, des frustrations de gauche. Par exemple, Agnès Pannier-Runacher a un « dilemme », craint « des frottements ». S’ils ont tant de mal à être à l’unisson du Premier ministre, personne ne les contraignait à demeurer ministres ! Ils étaient libres de ne pas venir troubler et affaiblir une équipe qui se doit de réussir pour la France et les Français. Ce sont des incidents secondaires qui ne pouvaient que résulter d’un mixte gouvernemental que la dissolution et ses résultats ont rendu obligatoire. Mais il y a un problème de fond, beaucoup plus sérieux, qui est apparu. Par rapport à notre histoire politique, il n’a rien d’original. Ce serait « l’éternel duel entre l’Intérieur et la Justice », écrivent Claire Conruyt et Paule Gonzalès dans Le Figaro daté de mercredi. Il serait difficile de contester cette évidence, qui s’est d’ailleurs souvent traduite par la domination d’un ministre – de l’Intérieur plutôt – sur l’autre. Mais, sans être naïf, cet affrontement n’est pas fatal.

À lire aussi, Dominique Labarrière: Philippine: martyre de l’impéritie judiciaire

D’abord parce qu’il s’agit de Bruno Retailleau et de Didier Migaud, qui ont conscience de l’impératif qui pèse sur eux, brutalement résumé par cette interdiction : ils ne peuvent se permettre d’échouer, non seulement dans leur pratique et leurs résultats ministériels mais dans la qualité de leurs relations professionnelles et la solidarité de leurs actions. Il n’y a aucune raison, en effet, pour qu’une sensibilité de droite, courageuse, libre et constante – celle de M. Retailleau – soit désaccordée d’avec la vision lucide et responsable d’un homme étiqueté de gauche : celle de M. Migaud (dont on perçoit que d’aucuns, à cause de cette orientation politique ancienne, voudraient le constituer comme un opposant de principe à Bruno Retailleau) ! À condition que l’Intérieur et la Justice ne soient pas vécus seulement comme des opportunités de défendre policiers ou magistrats sans que soient dénoncés les vices et les dysfonctionnements de chacun des systèmes dans lesquels ils exercent. Ce ne serait pas offenser les seconds que de cibler ce que leur institution accomplit mal ou ce que les citoyens attendent mais ne reçoivent pas, notamment efficacité et rapidité. Et la police, aussi respectable qu’elle soit, n’est pas un corps parfait en toutes circonstances ! Le clivage absolu qu’on prétend ériger entre ces deux ministères n’a aucun sens. L’actualité souvent la plus tragique, mêlant des processus administratifs à des enquêtes et informations criminelles – le meurtre de Philippine avec le parcours du suspect Taha O. en voie d’extradition le démontre pour le pire – met à bas cette distinction et n’est pas loin d’établir le caractère sinon interchangeable, du moins très largement complémentaire de Beauvau et de la place Vendôme.

Condamnés à s’entendre dans l’intérêt de la France

Comment aurait-il été concevable, pour Bruno Retailleau, sur TF1 ou dans son entretien du Figaro, de ne pas traiter de l’exécution des peines alors qu’il était questionné sur l’immigration clandestine, l’asile et les OQTF ? Son argumentation, s’il s’était abstenu, en aurait été singulièrement appauvrie. Didier Migaud s’est immédiatement contraint à la posture traditionnelle du garde des Sceaux montant au créneau pour atténuer le propos « sur le droit à l’inexécution des peines ». Je ne suis pas sûr qu’il ait eu raison dans le satisfecit qu’il a formulé mais peu importe : je ne doute pas qu’il saura intégrer, dans sa pratique à venir, une partie de la logique du ministre de l’Intérieur. Il permettrait ainsi, avec évidemment la réciproque de la part de Bruno Retailleau, une meilleure compréhension des rôles policier et judiciaire.

Aujourd’hui, c’est un antagonisme larvé ou affiché qui gouverne. Il faut mettre fin à cette hostilité dont une part de la magistrature est coupable, trop souvent condescendante, avec son apparente pureté, à l’encontre d’une police naturellement fautive aux mains sales (je renvoie à cette analyse précédente…). J’ai la faiblesse de penser que Bruno Retailleau et Didier Migaud ont pour principale ennemie la convention politique qui, au long des années et des pouvoirs de gauche comme de droite, les jugerait mous et incompétents s’ils ne s’abandonnaient pas à une lutte entre chiens et chats. S’ils résistent à cette pente, ils feront du bien ensemble à la France et aux citoyens qui espèrent, après tant d’orages, de désordres et d’affrontements, au moins une esquisse d’aurore.

«Mon jour de chance», c’est sans doute le vôtre aussi

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Guillaume de Tonquedec et, Lysiane Meis, "Mon jour de chance" au Théâtre Fontaine © Bernard Richebé

La nouvelle pièce de Patrick Haudecœur et Gérald Sibleyras est un bijou de comédie de situation.


Dans la précédente comédie écrite par les deux co-auteurs, Berlin Berlin, qui se joue toujours actuellement à Paris, la satire politique emprunte aux films de Lubitsch son ton mordant et absurde. Avec cette jubilation pétillante si propre à leur style, Gérald Sibleyras et Patrick Haudecoeur s’intéressent particulièrement aux plus minables des comportements humains dès lors que la situation devient périlleuse. Le burlesque naît alors de cette incapacité des personnages à dépasser des situations rendues impossibles par leur perversité.

Avec Mon jour de chance, le portrait de nos travers humains se veut plus optimiste.

Cette comédie de situation de haute voltige est au fond une sorte de conte à la Dickens, dont l’issue nous invite à réfléchir sur nos propres choix de vie. Comme le vieil avare du célèbre Conte de Noël, Sébastien, le personnage principal, s’est laissé grignoter par la jalousie, l’aigreur et la rancœur. Il se lamente sur sa situation et est persuadé que dans la vie, il y a ceux qui ont de la chance et ceux qui n’en ont pas. D’ailleurs, ses copains et lui jouaient toutes leurs décisions aux dés quand ils étaient plus jeunes, et il est persuadé que s’il avait eu une meilleure main, sa vie aurait été plus belle. Mais supposons un instant que les jeux ne soient pas faits… Et si, tel un fantôme de Noël, le destin lui donnait l’opportunité de rejouer ?

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Parlons-en, d’ailleurs, de ce destin, qui est finalement ici l’un des personnages principaux. Celui-ci se demande non seulement si on peut lui échapper, mais aussi si on veut vraiment lui échapper… Changer le destin, d’accord, mais pour avoir quoi à la place ? N’y aura-t-il pas toujours quelque chose qui cloche ? Éternels insatisfaits, nous ne sommes même pas certains que si nous pouvions prendre les rênes de notre destin, le résultat en serait si extraordinaire…

Il faut dire que Sébastien n’est pas tant à plaindre que cela : sa femme est charmante et sensible, et ses amis sont d’une humilité touchante et sympathique. Une bien jolie bande de copains chez qui on passerait volontiers un week-end à la campagne. Ce qui nous change agréablement de certaines comédies françaises où l’on tombe tout de suite chez des gens qu’on ne voudrait jamais fréquenter et auxquels on a, par conséquent, beaucoup de mal à s’identifier…

La force de cette comédie réside non seulement dans l’amabilité — au sens premier du terme — de ses personnages, appuyée par un casting parfaitement harmonieux, mais aussi dans l’imprévisibilité des changements de situation. Les renversements, interprétés par les comédiens avec beaucoup de finesse, sont tous jubilatoires et nous embarquent dans un voyage étourdissant, allant de surprise en surprise, avec un rythme d’horlogerie à la Feydeau orchestré par le metteur en scène José Paul, et un entrain qui nous fait vite trépigner d’excitation, comme si nous étions sur des montagnes russes…

Attachez bien vos ceintures, parce que le destin ne fait pas de cadeau !

Durée: 1h30. Théâtre Fontaine.


Sahra Wagenknecht, radio Ostalgie

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Sahra Wagenknecht, Berlin, 12 avril 2024 © dts News Agency Germany/Shutters/SIPA

En Allemagne, l’ « Alliance Sahra Wagenknecht, Pour la raison et la justice » (BSW) réalise un score tout à fait honorable aux dernières élections. Face aux succès de l’AfD (droite dure), l’égérie pète-sec de la gauche « réac », ex-Die Linke, devient une faiseuse de rois.


Il n’y a pas qu’en France où le paysage politique connait des mutations étonnantes. Aux récentes élections régionales en Saxe et en Thuringe (ex-Allemagne de l’Est), le parti d’extrême droite AfD a affiché un succès spectaculaire avec respectivement 30,6% et 32,8% des voix le 1er septembre, soit une confortable avance sur toutes les autres formations (à l’exception des conservateurs qui les devancent d’une courte tête en Saxe).

Mais si l’on y regarde de plus près, un autre fait attire l’attention : le parti BSW, inconnu au bataillon jusqu’à l’année dernière, réussit l’exploit de se hisser à la troisième place avec 11,8% et 15,8% des voix. Son leader n’est autre que Sahra Wagenknecht, égérie de l’extrême gauche et ancienne cadre du parti Die Linke (équivalent allemand de LFI). Or, Wagenknecht détonne dans le paysage actuel de la gauche européenne : originaire de RDA, cette native de Iéna n’hésite pas à défendre une ligne marxiste « vieille école », pro-russe et anti-migrants – elle a ainsi publiquement annoncé vouloir revenir à une politique d’immigration beaucoup plus ferme.

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Une concurrence pour le moins inattendue pour l’AfD, qui ne pensait pas devoir jouer des coudes avec l’extrême gauche sur ce sujet. Et ce n’est pas tout : Wagenknecht pourfend même l’idéologie sacro-sainte du wokisme qu’elle ne considère « pas de gauche », créant un malaise dans les sphères socialistes d’outre-Rhin. Son pari est incontestablement gagnant : elle se permet même de ridiculiser ses anciens amis de Die Linke en les devançant assez nettement, emmenant avec elle des foules de nostalgiques de la RDA et des communistes réactionnaires. Derrière les beaux tailleurs et le chignon impeccable se cache donc une cacique de la gauche dure, qui n’a visiblement pas l’intention d’en rester là.

Ironie du sort, les conservateurs de la CDU se voient donc obligés de négocier avec elle une coalition afin d’éviter des gouvernements locaux dirigés par l’AfD. Certaines couleuvres doivent être difficiles à avaler. Dimanche 22 septembre, lors des élections régionales, le BSW confirme sa percée en réussissant à obtenir 13,5% des voix dans le Brandebourg (soit la 3eme position). De quoi nourrir une guerre des gauches à la Mélenchon-Ruffin, version germanique ?

Voici pourquoi la France devrait plutôt dire merci à Israël

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Il y a 22 ans déjà, des signes qui ne trompaient pas... Le 7 avril 2002, à Marseille, une manifestation contre l'antisémitisme et le terrorisme sous haute tension en raison d'une contre-manifestation (photo) © TSCHAEN/SIPA

Comment expliquer les distances que prennent nos dirigeants politiques avec Israël? Trop souvent, ils donnent l’impression de vouloir ménager une «rue arabe», comme s’ils avaient entériné l’idée d’un «grand remplacement» en cours. Alors qu’Israël est en guerre à une frontière civilisationnelle séparant peuples d’Occident et peuples opprimés par l’islamisme, estime notre chroniqueur.


La France couchée n’aime pas voir Israël debout. Le petit État hébreu, qui veut en découdre avec son puissant ennemi islamiste, laisse voir en contraste ce qu’est devenue l’ancienne puissance européenne: une nation flageolante qui, à travers des élites émasculées et fascinées par l’adversaire, a renoncé à se faire respecter et à combattre. Boualem Sansal, écrivain algérien, met le couteau dans la plaie quand il explique (Le Figaro Magazine, 20 septembre) : « La France est un pays à la ramasse qui vit sur des gloires passées ». Cela fait cinquante ans que les gouvernements successifs reculent, et l’Union européenne avec eux, devant les constantes exigences des 57 États membres de l’organisation de la Coopération islamique (OCI). Ceux-ci n’ont de cesse depuis le premier choc pétrolier (1973), sous couvert de chantages pétroliers et sécuritaires, de réclamer et d’obtenir des protections et des promotions culturelles au profit de leurs populations immigrées. L’historienne Bat Ye’or a abondamment documenté ces abandons.

Le pessimisme de Boualem Sansal

Ce renoncement de la France à imposer ses valeurs a rendu marginale l’assimilation maghrébine et a fait du séparatisme la règle. Quand Sansal assure, mardi matin sur CNews (L’heure des pros) : « Dans 50 ans, l’islamisation aura, à ce point, gagné qu’elle pèsera sur les fondamentaux français. Il faudra repenser la république, le droit, etc. », il illustre ce que pourrait être le grand remplacement, conjonction d’une immigration musulmane massive et d’un effacement honteux du pays conquis. Ce destin est-il inexorable ? Si le somnambulisme d’État reste la règle, Sansal aura raison.

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Les distances que prend Emmanuel Macron avec Israël, qui vient d’engager une riposte d’envergure contre le Hezbollah au Liban après avoir brisé les reins du Hamas à Gaza, illustrent une fois de plus la peur qui paralyse la France face à l’islam conquérant, téléguidé par l’apocalyptique théocratie iranienne. Même l’élimination par Tsahal, le 21 septembre au Liban, d’Ibrahim Aqiil, responsable de l’attentat de 1983 contre le Drakkar à Beyrouth (58 parachutistes français tués) n’a pas été saluée par le chef de l’État. « La réplique israélienne est insupportable », a dit Laurent Fabius, président du Conseil constitutionnel, mercredi matin sur RTL en commentant la réponse au pogrom du 7 octobre. Alors qu’une communauté de destin lie Israël à la France, deux vieilles nations confrontées au même ennemi fanatisé, les dirigeants se déshonorent à vouloir rendre les armes devant cet islam dont Sansal rappelle qu’il est « un système profondément totalitaire ». Le gouvernement a même renoncé à créer un ministère de la Laïcité, de peur d’être accusé d’islamophobie par la gauche soumise. Celle-ci manifeste en revanche avec ceux qui appellent à « l’intifada dans Paris ».

Israël, une frontière civilisationnelle

Ces traitrises « humanistes » sont méprisables. D’autant que le courage qui habite le peuple israélien, pour l’instant solidaire de Benyamin Netanyahu dans sa guerre contre le « nazislamisme », porte en lui la possible libération des peuples opprimés par les obscurantistes.
C’est le Hezbollah qui a défiguré le Liban jadis idyllique. C’est l’Iran des ayatollahs qui oppresse ses citoyens, dont une partie applaudit Tsahal dans les humiliations qu’elle porte au régime dictatorial qui redoute de répliquer.
Dans ses guerres, Israël se bat aussi pour la France et les démocraties occidentales angéliques. C’est pourquoi elles devraient oser lui dire merci.

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Quelques réflexions sur la guerre du Liban

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Nations Unis, hier © John Angelillo/UPI/Shutterstock/SIPA

Les critiques fusent contre Israël, accusé d’avoir déclenché la guerre au Liban. Mais, ce n’est pas Israël qui a déclenché cette guerre ! L’État hébreu réagit avec près d’un an de délai à une guerre que le Hezbollah a lancée contre lui le 8 octobre 2023.


Ce jour-là, au lendemain des massacres perpétrés par le Hamas, le Hezbollah  lance des roquettes et des missiles sur Israël. Depuis lors, il en a envoyé près de 10 000 – une trentaine en moyenne chaque jour. La plupart ont été interceptés, ce qui fait que certains les assimilent à d’inoffensifs pétards. C’est faux : ils sont destinés à tuer, et  ils ont  tué. Beaucoup ont déjà oublié Majdal Shams[1], ce village druse israélien dont 12 enfants âgés de 10 à 18 ans ont été tués le 27 juillet 2024. Et ils ne sont pas les seules victimes israéliennes.

Le Hezbollah n’a pas de circonstances atténuantes

Imagine-t-on qu’un pays voisin, disons la Belgique, envoie des missiles sur la France, que les populations du Nord, du Pas-de-Calais, des Ardennes et de la Meuse soient obligées de s’enfuir, que ces départements deviennent inhabités et que la France ne réplique pas ? C’est ce qui se passe depuis près d’un an avec les habitants du Nord de la Galilée. 80 000 citoyens israéliens ont abandonné leur lieu de vie. Pour rappel, ces territoires sont à l’intérieur de la ligne internationalement acceptée de 1949, et, contrairement aux Palestiniens, le Hezbollah ne peut arguer de la moindre brimade historique et de la moindre revendication territoriale ; cela ne l’empêche pas d’avoir un seul but: la destruction d’Israël. 

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Ceux qui prétendent qu’un cessez-le-feu est nécessaire et qu’une solution diplomatique est possible  veulent oublier qu’en 2008 la résolution 1701 a été votée par le Conseil de Sécurité. Elle enjoignait au Hezbollah de se retirer au nord du Litani, à 30 km de la frontière. Elle n’a jamais été respectée, le Hezbollah envoie des missiles quand il le veut et la force de l’ONU, la FINUL, joue au sud du Litani un rôle particulièrement inutile.

L’objectif du Hezbollah était de saigner Israël par une guerre d’attrition et de rendre inhabitable le nord du pays. Mais  il semble qu’il ait voulu aussi réitérer les exploits du Hamas et effectuer également massacres et prises d’otages. Il faudrait peut-être que les Israéliens s’excusent d’avoir empêché l’exécution de ce plan…

Cibles et dégâts collatéraux

On critique Israël à cause du nombre de morts civiles lors des bombardements mais tous les bombardements, aussi ciblés soient-ils, font des victimes civiles et quelle que soit la réalité des distinctions entre civils et militaires, quelles que soient les précautions des Israéliens, des civils paient effectivement un lourd tribut. La guerre, c’est terrible. 30000 civils normands peut-être ont été tués dans les bombardements alliés qui ont précédé le Débarquement. 

La situation est d’autant plus tragique que, comme le Hamas, le Hezbollah cache une partie de son arsenal chez des civils. L’alternative au bombardement – l’envoi de troupes terrestres – soulèverait les mêmes protestations. Lesquelles ont malheureusement aussi  un aspect partisan : l’opération sur les bipeurs et  talkies-walkies a entrainé aussi des accusations contre Israël. Pourtant, les victimes civiles collatérales ont été rares, et il n’y a probablement pas eu dans l’histoire de la guerre d’opération plus précise, puisque celui qui était ciblé portait le bipeur qui prouvait son appartenance au Hezbollah.

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Certains disent que cette guerre est la guerre de Benjamin Netanyahu, et qu’il la mène pour des motifs personnels.L’engagement au Liban était réclamé par une grande part de la hiérarchie militaire, et on reprochait plutôt au Premier Ministre ses atermoiements à ce sujet. Répéter qu’il mène cette guerre pour de sombres raisons personnelles, c’est affaiblir  la légitimité d’Israël qui lutte pour son existence. Cela n’a rien à voir avec le fait d’être ou non un partisan de Benjamin Netanyahu ; une commission d’enquête est une obligation historique et morale, mais après la guerre, et cette commission devra être impartiale.

Macron: «Il ne peut pas et il ne doit pas y avoir de guerre au Liban»

Je ne suis pas un critique systématique du président Macron, mais je suis abasourdi. Alors que la France vient de soutenir un des textes les plus antiisraéliens de l’histoire de l’ONU, alors que les bombardements n’ont pas encore commencé et qu’on est sous le choc de l’épisode des bipeurs, qui a essentiellement frappé le Hezbollah et pas le peuple libanais dans son ensemble, voici cette déclaration dont la solennité frise à la posture théâtrale. 

Le Liban dont parle le président, un modèle du vivre ensemble dont la France serait le protecteur, ce Liban n’existe plus et  Israël n’est pas  responsable de sa disparition. Les  conflits intercommunautaires, les calculs personnels des chefs et la détermination de l’Iran ont abouti à ce qu’est le Liban aujourd’hui, un pays failli, sous la mainmise de la mafia terroriste du Hezbollah, que le président Macron n’a même pas cité dans son discours. A-t-il eu une pensée pour ces 58 parachutistes français qui en 1983 ont péri dans l’explosion de l’immeuble du Drakkar fomentée par le Hezbollah? Savait-il que Ibrahim Aqil, le chef militaire qu’Israël venait d’éliminer, avait été un des organisateurs de cet attentat ? S’est-il demandé quelles options s’offraient à Israël, devant un ennemi qui veut sa disparition et a commencé une guerre où il prend le Liban en otage ? Il y a quatre ans, le président Macron avait de façon spectaculaire et inefficace assuré le Liban du soutien de la France après l’explosion du port de Beyrouth. Le Liban n’a pas osé incriminer le Hezbollah, responsable de cette explosion et la France n’a pas osé s’exprimer sur ce déni de justice évident. La France s’active aujourd’hui pour un cessez-le-feu transitoire en indiquant que le Liban ne se relèverait pas d’une guerre. Le Liban, chacun le sait, mais personne ne veut le dire, ne redeviendra un vrai pays que si le Hezbollah est démantelé, mais il est plus populaire aux Nations Unies de  bloquer contre Israël le balancier du en même temps et de prononcer solennellement des appels à la paix dont le Hezbollah fait semblant d’être le plus fervent partisan…


[1] https://www.causeur.fr/israel-liban-qui-sont-ces-enfants-massacres-a-majdal-shams-288801

Attentat du Drakkar: l’oubli honteux…

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Le matin du 23 octobre 1983 deux camions piégés ont percuté le "Drakkar" hébergeant les parachutistes français de la force multinationale de sécurité de l'ONU, deux minutes après l'attentat touchant un contingent américain base à l'aéroport de Beyrouth. 58 parachutistes français ont été tués et 15 blessés dans l'action revendiquée par le Hezbollah. Beyrouth, Liban, 23/10/1983 © MORVAN/SIPA

En 1983, le Hezbollah tuait 58 militaires français à Beyrouth. Pourtant, l’élimination ciblée, par Tsahal, des responsables de cet attentat, n’a pas été saluée par le président Macron


Hélas…
Pas une ligne…
Pas un mot…

Rappelez-vous ! C’était en 1983, au Liban, ce cher Liban, pays du Cèdre qui sent le sapin !

Le Hezbollah frappait la France en tuant 58 militaires venus stabiliser la région. L’auteur, un certain Fouad Chokr, terroriste de renom, de sale renom si je puis m’exprimer ainsi, fait partie de la bande de personnes tuées le 20 septembre 2024, une frappe ciblée durant laquelle 16 hauts dirigeants de l’unité d’élite Force Redwan ont été décimés, ceux-là mêmes qui préparaient un deuxième 7-Octobre.

Naïvement, avec mon petit cerveau de fils d’immigré, je pensais que la France allait se réjouir de la frappe israélienne, voire manifester sa joie en l’honneur de nos militaires disparus. J’espérais une déclaration de soutien envers Israël, à la limite d’un petit remerciement, même du bout des lèvres.

Hélas !
Pas une ligne
Pas un mot !

Même pas un signe, une main tendue, un sourire, un clignement d’œil, un battement de cils !

Rien !
Nada !
Presque comme du mépris !

Ce silence honteux s’apparente au fond à un oubli qui renvoie la mort de ces soldats innocents aux oubliettes de l’histoire, comme un évènement tragique que l’on veut voir disparaître, comme une honte, une mauvaise maladie, une MST chopée durant une nuit de débauche avec des personnes peu fréquentables, le tout dans la quête de la France à vouloir conserver son influence au pays du Levant !

Influence et bonne image, voici les deux mamelles du rêve français en Orient!

Erreur fatale !

Les Accords Sykes-Picot qui en 1916 partagent les restes arabes de l’Empire ottoman, entre la France et l’Empire britannique, permettent de récupérer la Syrie et le Liban. Soit ! Mais tout cela, c’est du passé, comme la perte d’influence française en Afrique !

J’ai envie de paraphraser Serge Lama dans sa chanson « Souvenirs, attention Dangers! » Souvenirs et dangers, car l’image de la France semble figée dans un passé glorieux alors que le chaos géopolitique est désormais présent, avec un Iran fort, possédant la volonté non seulement de détruire l’État hébreu mais aussi et surtout de reconstituer un empire d’influence, grâce au religieux – l’arc chiite – ou bien le régalien, d’État à État comme au Liban ou au Venezuela.

Le chemin de Damas passe donc par Téhéran, au grand dam des Occidentaux qui se cachent les yeux, mais qui accusent Israël de « trop de se défendre » ! A ce propos, je pose une question de Candide : « Mais quelle serait la réaction de la France si ce pays recevait, chaque jour, des dizaines de roquettes sur la tête ?! » La cécité française ne mène pas vers la Lumière mais vers le déshonneur, le noir de l’humiliation pendant que des otages français croupissent dans des tunnels sordides, sans eau, sans électricité, avec une absence totale d’hygiène.

Au fond, des otages tentent de survivre tandis que la France tente de s’accrocher à son souvenir d’une France dominante. Ce rêve honteux et cette fuite en avant vont se payer cher… très cher ! Souvenirs d’Octobre… Attention… Dangers terroristes !

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Festival d’Automne: l’hiver de la création

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© Anne Van Aerschot

Le Festival d’Automne, naguère si brillant, est devenu la vitrine de la supercherie contemporaine. La création de Il Cimento dell’Armonia e dell’Inventione, signée par Anne Teresa De Keersmaeker et Radouan Mriziga, est aussi affligeante que le public venu l’applaudir.


Là, on a vraiment touché le fond. Et même plus bas encore. Signée par Anne Teresa De Keersmaeker et Radouan Mriziga, Il Cimento dell’Armonia e dell’Inventione est une production « chorégraphique » si misérable qu’on ne saurait la qualifier sans mots assassins.

Que cette chose ait été programmée à la fois par le Théâtre de la Ville et le Festival d’Automne rend l’événement encore plus accablant.

Pour mesurer l’inanité de cette composition, tout comme celle de son exécution, il faudrait imaginer s’être rendu à un concert et n’y découvrir que des musiciens débutants ; être allé au théâtre et y entendre ânonner un texte infantile lu par des illettrés ; ou avoir ouvert un livre écrit par un analphabète. Durant ce sidérant pensum de 90 minutes, il n’y a réellement pas un geste, pas un seul, qui donnerait le sentiment d’avoir été posé là autrement que par des amateurs sans imagination aucune. Comme persillée au cours de longues plages de silence, seule est séduisante l’interprétation très fragmentée des Quatre Saisons de Vivaldi qu’en donne l’ensemble Gli Incogniti. 

Quel géniteur pour cet insondable néant ?

Certes, la redoutable De Keersmaeker, si abusivement encensée, a pu maintes fois afficher des spectacles indigents à côté d’autres pourtant remarquables. Certes, elle manie généralement un vocabulaire limité, répétitif et prévisible. Mais on peine à croire tout de même qu’elle ait pu être véritablement l’auteur d’un travail à ce point infantile. Alors on en vient évidemment à soupçonner, sans du tout pouvoir l’affirmer, que le coupable est ce Radouane Mriziga jusque-là inconnu au bataillon, mais s’annonçant avec superbe comme un « chorégraphe et danseur bruxellois originaire de Marrakech qui aborde la danse par le prisme de l’architecture et brosse le portrait de l’être humain comme un exercice d’équilibre entre l’intellect, le corps et l’esprit ». Un Mriziga qui fut élève de l’école fondée par De Keersmaeker dans la capitale belge, et à qui l’impérieuse Flamande aurait cédé le pas sous le coup d’une bouffée d’humilité proprement miraculeuse.

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Pourtant, on a du mal à imaginer que cette femme à qui la rumeur prête depuis toujours un caractère irascible et dont l’attitude au travail a fait le sujet d’une plainte collective pour « violence psychologique, harcèlement, comportement autoritaire et imprévisible » de la part d’une vingtaine de personnes, on a du mal à imaginer qu’elle ait pu si aimablement céder la place à un Marocain quasiment débutant, quoi qu’en disent les propos ronflants qu’il affiche à son sujet. À moins qu’elle n’ait éventuellement songé à se racheter une conduite. Ou qu’elle ne soit sous l’emprise de cette complaisance qu’affecte depuis longtemps le politiquement correct en faveur des artistes « issus de l’immigration », quel que soit leur talent. Ou leur absence de talent.

La danseuse et chorégraphe belge flamande Anne Teresa De Keersmaeker © Yonhap News/NEWSCOM/SIPA

Pour servir Il Cimento…, quatre individus : deux blocs massifs aux noms balkaniques et deux hommes plus frêles qui exécutent médiocrement les choses les plus insignifiantes, mais dont on devine toutefois, à la faveur d’attitudes furtives, qu’ils pourraient offrir tout autre chose que ce à quoi on les a l’un et l’autre abandonnés. 

Inflation verbale

Ce qui est plus grave, infiniment plus grave dans cette regrettable aventure, comme dans bien d’autres d’ailleurs, c’est que deux institutions aussi considérables que le Festival d’Automne et le Théâtre de la Ville cautionnent, en la programmant, une telle production.

Jadis conçu par Michel Guy, puis porté par Alain Crombecque, le Festival d’Automne, dans son époque la plus brillante, s’était tout d’abord donné pour tâche de faire connaître en France l’élite de l’avant-garde américaine, avant de servir celle de la création française et européenne. Le Théâtre de la Ville, lui, pour avoir affiché les plus grands noms de la danse contemporaine de la seconde moitié du XXe siècle, qui étaient souvent les mêmes que ceux du Festival d’Automne, s’est hissé en son temps au rang des scènes européennes les plus novatrices.

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Lourds de leur réputation d’excellence, aujourd’hui quelque peu usurpée, ils font croire implicitement à un public qui déjà n’a plus connu les géants de naguère et n’a plus guère de références artistiques, que ce qu’ils programment est du même niveau que ce qui fit leur réputation dans le passé. Ils trompent de ce fait tout un public de consommateurs paraissant dépourvus de culture artistique, de repères solides, et, plus fâcheux encore, qui semblent dénués de libre arbitre, de tout jugement personnel. Les superlatifs employés dans les programmes qui présentent les ouvrages, cette inflation verbale souvent reprise dans la presse qui a abdiqué son travail critique ou n’ose plus rendre compte des réalités décevantes de la scène contemporaine, tout contribue à égarer des gens à qui on annonce ou laisse penser que ce qu’ils découvrent est exceptionnel. Exceptionnel, évidemment, puisque affiché dans un théâtre et par un festival de grande renommée.

Immense chorégraphe !!!!

En province, où cette calamiteuse production se donnera dans la foulée, on ne fait pas plus sobre. Dans telle ville du Sud-ouest, le programme qui annonce Il Cimento… ose en toute impudeur voir en De Keersmaeker une « immense chorégraphe », faute sans doute de trouver un adjectif encore plus monumental. Beau bourrage de crâne initié naguère par les nationalistes flamands en pleine expansion, trop heureux de pouvoir exhiber un produit de leur terroir qui n’en avait alors guère à offrir dans les années 1980.

Et pour quel résultat ? Un produit de consommation aussi désolant qu’Il Cimento… a été acclamé chaque soir au Théâtre de la Ville par toute une fraction du public paraissant décidée à aimer à tout prix ce qu’on lui a désigné. Une fraction, mais la plus bruyante, la plus expansive, qui s’extasie béatement devant des riens et qui se lève ostensiblement à la fin des opérations avec un enthousiasme exhibitionniste pour manifester son adhésion inconditionnelle, sans soupçonner le moins du monde combien elle est ridicule et naïve.

Si cette même adhésion aveugle, irréfléchie, en venait à s’appliquer au premier tribun populiste venu, on voit vite vers quoi on risquerait de sombrer.

1h30. Théâtre de la Ville – Sarah Bernhardt


Festival d’Automne, du 8 septembre 2024 au 26 janvier 2025. https://www.festival-automne.com/fr

Cau & Co

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Jean Cau © Louis Monier/Bridgeman Images

Deux jeunes gens, Ludovic Marino et Louis Michaud, dans une manière très originale de biographie-essai, Jean Cau, l’indocile, préfacé par Franz-Olivier Giesbert, lèvent enfin la sentence d’oubli qui frappait Jean Cau (1925-1993), cette figure majeure de résistance au conformisme.


Leur intention n’était pas de réhabiliter un Jean Cau « de droite », mais plutôt de signaler à leurs contemporains qu’ils ont à leur disposition l’œuvre d’un homme qui choisit un beau jour de « réaliser l’actif » de son expérience, soit la somme de ses connaissances, augmentées de ses contradictions intimes : enfance pauvre et provinciale, perspective d’avenir courte, intelligence vive, ambition vaste et balzacienne, entrée réussie dans la vie parisienne sous le haut patronage de Sartre, agacement « de classe » au spectacle de la mondanité « de gauche », fin de l’apprentissage, volte-face politique, ironie mordante du transfuge, lucidité impitoyable.

Il quitta Sartre, dont il fut le secrétaire, sans jamais le renier, et dressa la table pour un festin de polémiste.

Trahison à Saint-Germain-des-Prés

Le retournement de situation comportait des risques. Après sa métamorphose, Jean Cau incarna le reniement, la part d’ombre ; il devint le traître à Saint-Germain-des-Prés, à la gauche installée, aux pétitionnaires de terrasse, au camp du bien, du beau, du vrai.

Qui donc était cet antimoderne éclairé, certifié fasciste par les crétins d’hier, autour desquels s’agglutineront volontiers ceux d’aujourd’hui ? Si l’écrivain se confronta durement à la gauche, ce fut essentiellement par réaction épidermique et raisonnée à l’empire absolu qu’elle exerçait sur l’ensemble des intellectuels. Le moindre désaccord avec la ligne officielle, communiste puis socialiste, entraînait sur-le-champ le déshonneur, le diagnostic accablant et l’accusation publique réitérée : complaisance avec les heures les plus sombres, fascistoïdite en phase aiguë, calomnies et nazi-soit-il ! Les choses sont-elles si différentes de nos jours ?

« Ces tartuffes de l’information toujours se drapent d’une toge morale pour sermonner la terre entière[1]. »

Dans les arènes de Lutèce, il n’affrontait pas les taureaux de Victorino Martín[2], mais les vaches sacrées d’une partie de la classe dominante française, dont leur quotidien préféré Le Monde. Avec Lettres ouvertes à tout Le Monde, l’attaque fut frontale, rude : « Qui êtes-vous, gens du Monde ? Mais voyons, d’incurables bourgeois du xixe ! Vos traits le disent, votre voix, votre ton, vos noms, vos haleines tièdes encore de la vieille charité que vous insufflèrent vos familles. Et cette narine si experte à flairer le péché et le diable, comme je reconnais ses frémissements avides lorsque vous la promenez sur le monde comme il va pour y flairer, ici ou là, l’odeur de soufre de la droite, de la réaction, de l’ordre, de tout ce qui ne répand pas, en somme, les édéniques parfums de la gauche selon votre vaillante troupe de fanatiques boy-scouts oublieux des strophes de “Maréchal, nous voilà !” et la gorge pleine de cantiques écrits par quelque Neruda ou abbé Aragon. »

C’était hier, mais aujourd’hui ?

Maréchal, te voilà !

Sonia Devillers, à France Inter, a provoqué l’hilarité générale des Français en accusant Marion Maréchal de vouloir réhabiliter l’idéologie d’un funeste… maréchal (l’homonymie lui avait soufflé cet audacieux parallèle). Mme Maréchal eut la réplique cinglante, qui mit les rieurs (du plus large éventail électoral) de son côté et désorienta l’infortunée boussole du peuple (de gauche ?). Au reste, Mme Devillers est-elle de gauche ? En tout cas, elle fut maladroite.

Jean Cau est désormais à la disposition de tous ceux qui refusent les récentes (les futures) tyrannies : frondeurs aimables, insoumis vrais, factieux plaisants, bref la joyeuse cohorte des empêcheurs de woker en rond.

Ils suivront ses aventures, car il avait le pessimisme batailleur : la plume-banderille à la main, dos à la palissade, il affrontait la forme hostile toujours recommencée du conformisme. Il contra l’opinion majoritaire, impatiente d’embrocher l’outrecuidant toréador qui la tourmentait et se dérobait toujours à ses assauts.

De qui se woke-t-on ?

Peut-on imaginer ses commentaires, après le spectacle « son et lumière » qui a lancé la quinzaine olympique, son sourire d’ironie devant ce défilé d’images (souvent belles, d’ailleurs), devant ce « woke in progress », conçu par un talentueux metteur en scène, assisté d’un historien officiel d’État (ou municipal) ? Libre à eux de vomir l’Église, mais pourquoi nier l’intention anticatholique dans la représentation caricaturale de la Cène, l’étalage de chairs capricieuses, encombrantes, en lieu et place du Christ et de ses disciples à la table de leur dernier repas ? Voulurent-ils chanter les louanges de la République en montrant une reine qui paraissait consentir à son martyre par l’offrande enjouée de sa décapitation ?

Daphné Bürki, chargée des costumes, déclara que la chanson de John Lennon, Imagine, était « antimilitariste, anticapitaliste, engagée ». Bernard Arnault, patron de LVMH, l’un des principaux financiers de la fête, Coca-Cola, les militaires, les policiers mobilisés jour et nuit ont beaucoup ri de cette « rebelle attitude »…

Déclin du christianisme ? Perte des repères ? Panurgisme ? Jean Cau annonçait tout cela dans L’Agonie de la vieille (La Table ronde, 1970) : « Le judéo-christianisme est à bout de souffle et de course qui, depuis 2 000 ans, a fondé l’ordre, n’importe lequel et fût-ce sous d’étranges avatars. (Le messianisme marxiste fut l’un d’eux.) Mais cette annonce est si grave que nul n’ose la formuler catégoriquement. »

Faut-il préciser que la vieille femme agonisante, veillée par Jean Cau, c’était notre démocratie ?

Ludovic Marino et Louis Michaud, Jean Cau, l’indocile, Gallimard, 2024.

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[1] Jean Cau, Lettres ouvertes à tout Le Monde, Albin Michel, 1976.

[2] Éleveur fameux de taureaux de combat établi à Gerena, dans la province de Séville. Jean Cau fut un aficionado passionné.