Au moment où les Français, et les Parisiens tout particulièrement, vont affronter une semaine de grèves gênantes, il faut s’attendre à voir les représentants de la droite assaillir les citoyens de sentences définitives sur la France qui « s’enfonce dans la grève ». Mais tout semble indiquer qu’aujourd’hui la grève est devenue un service public.
La France, l’un des pays les moins grévistes du monde
À cette occasion, il est bon de rappeler quelques chiffres : examinons la moyenne annuelle des journées de grève en France depuis la guerre (statistiques ministère de l’Emploi) :
Au cours des années 1950, la moyenne est de 3 700 000 journées de grève par an. Pendant la décennie suivante, elle passe à 2 800 000 jours par an – sans tenir compte des 150 millions de journées chômées pendant la grève générale de mai 1968. Pendant les seventies, on observe une légère remontée avec 3 400 000 journées par an. La décennie suivante est marquée par une chute avec une moyenne de 1 200 000 journées par an. Enfin, de 1990 à 2003, la décrue se poursuit : le nombre de jours de grève se monte à peine à 600 000 par an en moyenne.
La pression de la grève est donc six fois moins importante aujourd’hui, soit une baisse régulière et continue de 4,5 % par an !…
Certains idéologues diront que ce n’est pas assez et que la France reste le pays champion de la grève… Comparons donc sa situation avec d’autres pays (statistiques OCDE, nombre de jours de grève par an pour mille salariés du public et du privé, moyenne annuelle entre 1990 et 2000) : Espagne : 492, Italie : 240, Canada : 231, Suède : 57, USA : 43, Grande Bretagne : 37, France : 30, Allemagne : 23, Japon : 3, Suisse : 1.
En France, on fait dix fois moins la grève qu’en Italie et en Espagne et autant qu’au Canada. Les salariés américains ont un taux de grève de 50 % supérieur à celui des Français !… Nous ne sommes cependant encore loin du taux de grève des Suisses ! La France est donc l’un des pays les moins grévistes de l’OCDE.
La grève déléguée aux fonctionnaires
Reste à savoir d’où nous vient notre mauvaise réputation. Tout d’abord, la droite française adore battre sa coulpe sur la poitrine des salariés et des fonctionnaires et qui distille une idéologie qui tient la grève pour une imposture à la limite de l’illégalité. Dans des pays où le contrat social est plus développé et les syndicats plus forts, le recours à la grève, en particulier dans le privé, n’est jamais considéré comme un scandale.
Mais l’originalité de la situation française tient surtout au quasi monopole des fonctionnaires en matière de grève. Précarité oblige, il n’existe pratiquement plus d’entreprises privées en France dont les salariés osent faire grève.
Celle qui s’annonce est emblématique : ce sont les fonctionnaires qui vont faire grève pour protester contre la réforme des retraites des salariés du privé. Ces derniers sont d’ailleurs d’accord comme le montrent de nombreux sondages indiquant le support des Français prêts à supporter les inconvénients.
Ce paradoxe pourrait, là encore, apparaître scandaleux et ne manquera pas de déchaîner la haine anti-fonctionnaires de la droite française. Mais, au fond, les Français se satisfont de cette situation. Les choses se passent comme si les salariés du privé avaient délégué aux fonctionnaires leur droit à faire la grève et à manifester leur mécontentement. En vertu d’un accord tacite et bien compris, c’est donc aux salariés protégés qu’échoit la mission de contrecarrer les projets gouvernementaux par un blocage de certains services publics. La grève est, en quelque sorte, devenue une mission de service public.
Charles-Maurice de Talleyrand-Périgord, qui en matière de gestion de carrière politique, aurait pu donner quelques leçons aux plus inoxydables de nos gouvernants, avait en son temps édicté un principe fondamental qui fait depuis office de référence dans le discours public : « En politique, ce qui est cru devient plus important que ce qui est vrai ».
Ainsi en va-t-il de cette l’affirmation, dument répétée tel un mantra bouddhiste par l’ensemble de notre classe politique, selon laquelle la France se désindustrialise. De Nicolas Sarkozy, qui déclarait encore l’autre jour[1. Au salon de l’automobile, le 1er octobre 2010] que jamais il n’accepterait la désindustrialisation, à l’état-major du PS en passant par Marine Le Pen, Jean-Luc Mélenchon, François Bayrou ou Dominique de Villepin, c’est toute notre classe politique qui tire son mouchoir et la sonnette d’alarme face à la disparition de notre industrie, de nos usines et de nos ouvriers.
Les coupables de cet odieux forfait sont bien sûr connus et désignés de toute part : la mondialisation, le libre-échangisme, les capitalistes … brefs les « autres », ces êtres tout aussi maléfiques, qu’ils sont inconnus et invisibles et qui nous veulent du mal[2. Toute ressemblance avec une série télévisée américaine dont l’action se situe sur une île mystérieuse serait purement fortuite]. Heureusement pour nous, le bon peuple, nos élus ont des solutions – et pas que deux ou trois – pour réindustrialiser la France : des subventions aux nationalisations en passant par le protectionnisme, c’est toute la gamme des politiques interventionnistes qu’on nous déballe comme au marché. Faites vot’ choix m’sieurs dames… Elles sont bonnes mes salades !
En dix ans, la production industrielle a augmenté de 25%
Si la France se désindustrialise comme nous l’affirment nos politiciens professionnels, nous devrions pouvoir observer le phénomène dans les chiffres publiées par l’Insee qui mesurent depuis 1949 la production de chaque secteur d’activité de notre économie. Et là, ô surprise, ajustée de l’inflation, notre production industrielle de 2009[3. 844.7 milliards d’euros selon l’INSEE, soit environ 27% de notre production totale en valeur] était 26% plus élevée qu’en 1990, 50% plus élevée qu’en 1980, 106% plus élevée qu’en 1970 et – excusez du peu – 570% plus élevée qu’en 1949. Pas l’ombre de la queue du début d’un commencement de désindustrialisation.
Ce qui est vrai, c’est que nous avons perdu l’essentiel de notre industrie textile (-45% depuis 1970) et une part substantielle de notre production de combustibles et autres carburants (-33%). Mais ce qui est aussi vrai, c’est que la production de nos industries navales, aéronautiques et ferroviaires a augmenté de 449.5%, que celle de nos industries pharmaceutiques et cosmétiques est aujourd’hui 490.2% plus importante qu’en 1970 et que notre production d’équipements électriques et électroniques a été multipliée par six dans le même laps de temps.
Ce qui est surtout vrai, donc, c’est que notre industrie a changé. Encore dominée il y a quelques décennies par des chaines de production sur lesquelles on alignait des ouvriers peu qualifiés et misérablement payés, elle est devenue une industrie de pointe qui embauche essentiellement des ingénieurs, des ouvriers qualifiés et des cadres, investit massivement dans la recherche et offre des rémunérations sans aucune commune mesure avec ce que peuvent espérer les ouvriers chinois[4. Le salarié moyen de l’industrie manufacturière française coûte un peu plus de 49 000 euros par an à son employeur… soit – au bas mot – 15 fois plus que son homologue chinois].
Le merveilleux monde d’avant était aussi celui des salaires misérables
Le discours politique – et médiatique – est resté enfermé dans un monde de grandes usines, pourvoyeuses d’emplois à vie et en masse, où des milliers de salariés constitués en « classe ouvrière » produisent à la chaîne des taille-crayons ou des paires de chaussures. On nous rebat les oreilles d’un monde merveilleux, un monde d’avant, où les grandes luttes ouvrières faisaient les heures de gloire de la gauche marxiste et les patrons paternalistes aux mines sévères celle d’une droite conservatrice. Mais ce que le discours politique oublie, c’est que ce monde était aussi celui des salaires misérables, des mineurs qui risquaient leur peau au moindre coup de grisou, des ouvrières du textile qui usaient leur jeunesse et leurs doigts dans les usines et des ouvriers qui étouffaient dans l’atmosphère surchauffée des hauts-fourneaux.
Alors oui, ça fait moins de monde dans les usines (et aux manifestations de la CGT) mais non, la France ne se désindustrialise pas. Elle va même plutôt bien notre industrie entre l’Oréal dont les ventes explosent dans les pays émergents (+13% en 6 mois), Legrand qui réalise l’essentiel de sa croissance en dehors de l’Europe ou notre Cognac qui exporte plus de 96% de sa production. L’avenir de nos enfants n’est plus derrière un métier à tisser ni au fond d’une mine, il est derrière une planche à dessin, dans des laboratoires de recherche ou aux commandes d’une chaine de production automatisée. Et pour tout vous dire, moi je préfère ça.
Le prix Nobel d’Economie a été attribué ce matin à Peter Diamond, 70 ans, Dale Mortensen, 71 ans, et Christopher Pissaridès, 62 ans pour leurs travaux sur l’influence de l’ajustement entre l’offre et la demande sur certains marchés, en particulier celui du travail. L’un des trois lauréats, l’Américain Peter Diamond, du MIT, spécialiste des questions de politique économique et sociale, a consacré ses dernières recherches aux problèmes de la retraite.
Dans un livre récent cosigné avec Nicholas Barr, professeur d’économie à la London School of Economics, Diamond n’hésite pas à formuler le constat suivant : l’un des piliers nécessaires à une réforme raisonnable du système est le recul de l’âge du départ à la retraite qui devrait, selon ces deux auteurs, suivre l’allongement de la durée de la vie. A ceux d’entre vous qui espèrent utiliser demain les transports en commun, nous recommandons la lecture de Reforming Pensions, Principles and Policy Choices.
Kala au sabre tiré, détail d'une miniature indienne, 1816.
En un mot comme en cent, je suis islamophobe. Je n’aime pas beaucoup cette étiquette, mais c’est le terme qui s’impose aujourd’hui pour désigner ceux qui critiquent l’islam ou se méfient de lui : alors, je l’accepte. Même si je trouve étrange que la clairvoyance et la vigilance passent pour des maladies mentales, je préfère passer pour dingue et paranoïaque que pour aveugle et sourd, et muet en plus. Ma crainte de l’islam n’est pas une peur panique mais une méfiance raisonnée et je ne crois pas souffrir de phobies. Ce n’est pas moi qui ai une trouille bleue de la critique ou du blasphème, du porc ou de l’alcool, des homosexuels, d’un verre d’eau au mois d’août, de la liberté, des femmes ou du bon Dieu.
Si je me méfie raisonnablement de l’islam comme de la peste, je vais tâcher de donner mes raisons.[access capability= »lire_inedits »]
L’islam n’est pas seulement, comme l’écrit Houellebecq, « la religion la plus con du monde », c’est aussi un système social et politique qui a toujours entraîné dans la régression et la barbarie les sociétés où il s’est imposé. Si on peut discuter des bienfaits de la colonisation qui restent à démontrer, on ne discute pas des bienfaits de l’islam, on les cherche car ils restent à être montrés. Je ne dresserai pas l’inventaire, jamais exhaustif, des coutumes arriérées, des crimes barbares et des lois stupides qui caractérisent le monde musulman. La liste interminable des dogmes et des faits plus idiots et plus monstrueux les uns que les autres nous plongerait dans un ennui et un dégoût proches de ceux que peuvent ressentir les jeunes filles nées en Syrie ou les hommes d’esprit vivant au Caire.
« Il ne faut pas confondre les crimes commis au nom de l’islam avec l’islam lui-même ! » : voilà la berceuse très entendue censée endormir les plus inquiets. On nous a longtemps fait le coup avec le communisme, et puis même les dictateurs les plus gâteux et les intellectuels les plus longs à la détente ont fini par jeter le bébé avec l’eau du bain quand ils se sont aperçus qu’il était mort-né dans un bain de sang. La terreur n’est pas une dérive ou une mauvaise traduction du coran ou du marxisme-léninisme, elle est inscrite dans les gènes de ces deux totalitarismes. Dictature du prolétariat ou suprématie de l’oumma, ces deux messianismes écrasent tous ceux qui leur résistent. Là ou l’islam est le plus fort, les autres religions, les autres cultures se soumettent ou s’enfuient. Les chrétiens et les juifs d’Orient en savent quelque chose.
La France sera bientôt sommée de s’intégrer à l’« oumma » ou de disparaître. Ce qui revient au même
Mais laissons l’histoire et la géographie pour nous pencher sur l’ici et maintenant.
L’islam ne fait envie nulle part dans le monde et dans l’histoire, mais nous devrions accueillir avec confiance et bienveillance celui qui se répand en Europe. Plus absurde encore, les musulmans s’affirment en Europe et à l’abri des droits de l’homme en abusant de notre hospitalité et, au nom du respect dû à la différence, imposent des pratiques contraires aux valeurs de notre civilisation. Dans toutes les zones où ils font masse, leurs lois deviennent la norme, des tribunaux islamiques anglais à nos « cités du mâle ». Et notre pays serait épargné par cette forme de colonisation ? Après quelques décennies d’offensive contre les cultures d’accueil européennes, les Anglais limitent leur très britannique liberté d’expression, les Hollandais reviennent sur leur légendaire tolérance, les Allemands voient leur culture de la pensée submergée par la bêtise et les Suédois enterrent leur système social. Et notre confiance devrait rester inébranlable ? Certains croient encore qu’un islam de France, Arlésienne qui sait se faire désirer, montrera la voie et nous protégera des séditions, sécessions, ségrégations et colonisations en marche partout ailleurs.
Cela me semble bien présomptueux : je crains que notre génie français et notre fameux système d’intégration ne fassent pas le poids et que la démographie en n’inverse bientôt le rapport de forces. Quand il y aura une majorité de musulmans en France, qui intègrera qui ? À moins de renoncer à la démocratie qui laisse la nation historique, la civilisation et les minorités à la merci de la majorité du jour, si les choses se passent comme toujours et comme partout, l’islam sommera bientôt la France de s’intégrer à l’oumma ou de disparaître, ce qui, à mon avis, est la même chose.
Les Français musulmans ne deviennent pas de plus en plus français mais de plus en plus musulmans : le succès croissant du ramadan en est un signe. À la question « Qu’est-ce qu’être français ? », beaucoup donnent une réponse lapidaire : « Posséder une carte d’identité et des droits. » Pour le reste, chacun sa culture et les moutons seront bien égorgés, tournés vers la Mecque. L’enfer est pavé de bonnes intentions et, en tolérant le multiculturalisme, on finit par accepter que battre sa femme, séquestrer sa sœur et marier sa fille avec son cousin puissent devenir des coutumes françaises quand le blasphème, lui, ne serait plus français. Pourrait-on dire « J’encule le Prophète » comme on le dit du président, du pape, du dalaï-lama, d’Ariel Sharon ou de qui on veut sans déchaîner des flots de violence ? J’en doute. En refusant d’admettre que notre culture libérale et égalitaire vaut mieux pour nous qu’un texte qui interdit toute critique et donc tout progrès, nous ouvrons un boulevard à la régression et à la disparition de ce que nous sommes après cinq mille ans d’évolution. Si on ne peut discuter une loi divine, il faut la rejeter fermement comme nous l’avons fait avec les nôtres. On ne s’est pas débarrassés de nos religions pour se faire envahir par la plus attardée de toutes.
Si les musulmans ne peuvent pas manger halal à la table d’un amateur d’andouillette, qu’ils changent de cantine ! Or, aujourd’hui, c’est la cantine qu’on change. Si les musulmans ne peuvent vivre dans la foi et dans la France telle qu’elle est, faut-il changer la France et la voir régresser ? Notre pays est-il condamné à devenir un jour une terre d’islam pour avoir accueilli des musulmans ?
J’ai une autre idée et une autre envie pour sauver la nation. Acceptons les individus mais pas les exigences de leur religion : les plus dévots iront prier ailleurs, les plus envahissants convoiteront d’autres terres et nous garderons les mieux intentionnés. Une laïcité intransigeante qui prenne au besoin des allures de persécution religieuse, je ne vois plus que ça pour préserver ce qui nous a faits et ce que nous aimons.
Avant de regretter Charles Martel, rappelons Jules Ferry tant qu’il en est temps. Au pays de Théo Van Gogh, le parti de Geert Wilders a obtenu l’interdiction de la burqa et envisage de bannir le Coran. Il faudrait vraiment qu’on les ait énervés, ces Bataves qui ont accueilli Spinoza, pour qu’ils en arrivent à interdire un livre. Ce renoncement amer à notre liberté d’expression est peut-être le prix à payer pour protéger notre monde.
Quel prix l’islam est-il prêt à payer pour devenir occidental sans soumettre les Occidentaux et dénaturer l’Occident ? La question se pose mais je ne donne pas cher de la réponse.
En attendant, qu’on me permette d’être islamo-méfiant, islamo-résistant, et même islamophobe.[/access]
« La réponse des autorités ainsi que la complexité et l’ampleur des questions supplémentaires auxquelles il faudrait répondre pour éventuellement obtenir une autorisation de mise sur le marché pour le flibanserin ont amené la compagnie à décider de se concentrer sur d’autres produits en développement ». C’est par ce communiqué plein de poésie que le groupe pharmaceutique allemand Boehringer Ingelheim a annoncé ce week-end qu’il abandonnait le développement du Girosa, plus connu sous son surnom de « Viagra féminin ».
De fait, il semble que l’avis négatif émis en juin dernier par l’Agence américaine des médicaments ait été fatal au produit miracle censé doper la libido féminine. On ose espérer qu’il ne s’agit pas là de mesures protectionnistes déguisées, visant à décourager la pénétration du marché américain.
Et puis en vrai, le flibanserin on s’en fout: il nous reste les huitres et le champagne !
Tomber à gauche ou pantoufler à droite ? Tel est le dilemme auquel est aujourd’hui confronté notre flamboyant ministre des Affaires étrangères. Il vient d’apporter sa contribution à la pièce de théâtre microcosmique mise en scène par un Nicolas Sarkozy qui a fixé, avec une prématurité diaboliquement calculée, l’horizon du prochain remaniement gouvernemental.
Comment partir la tête haute, et éventuellement rebondir, pour ceux qui n’ont aucune illusion sur le sort qui leur est réservé dans quelques semaines ? La méthode Kouchner relève de la comédie légère : il laisse traîner négligemment une lettre de démission manuscrite sur son bureau en recevant un journaliste d’un hebdo où il compte beaucoup d’amis. Quelques bribes de la missive se retrouvent illico sur le site internet du Nouvel Obs, car c’est de lui qu’il s’agit, et le microcosme médiatique et politique se met à vibrionner. À l’Elysée, on feint la surprise : lettre de démission ? Quelle lettre de démission ? Jamais reçue ! N’empêche, le message est passé, et son contenu est limpide : moi, Bernard Kouchner, détenteur d’un capital de popularité inoxydable dans l’opinion publique ne saurais être licencié comme un vieux serviteur devenu inutile. Je peux encore mordre, et je le prouve en mettant en cause des conseillers du président qui m’auraient « humilié ». Mais, si on me réserve, à ma sortie du Quai d’Orsay, une fonction et un palais de la République à la hauteur de mes mérites éminents, on pourra revoir la question de mon attitude lors de l’élection présidentielle de 2012.
Une addiction médiatique que l’âge n’a pas affaiblie
Défenseur des droits ? Pourquoi pas ? Bien logé, convenablement rémunéré, utilisable pour rendre service à des amis, ce poste de médiateur de la République vient d’être renforcé par l’intégration du « Défenseur des enfants », au grand dam de son actuelle titulaire, Dominique Versini. Et surtout, mieux que Jean-Paul Delevoye, Bernard Kouchner saura utiliser cette fonction pour se porter régulièrement aux avant-postes médiatiques, une addiction que l’âge n’a pas affaiblie, bien au contraire.
La gauche n’épargne pas ses quolibets à celui qui fut, naguère, sa tête d’affiche morale avant de se laisser séduire par les sirènes du sarkozysme. Principale incarnation de la politique d’ouverture du Sarkozy de 2007, il a eu la faiblesse, ou la vanité, de croire qu’il allait vraiment exercer la fonction de ministre des Affaires étrangères. Pour cela, Nicolas Sarkozy avait déjà tout ce qu’il lui fallait à la maison, notamment le redoutable Jean-David Lévitte, dont la proverbiale discrétion se double d’une connaissance approfondie des rouages de la politique mondiale. L’usage de Bernard Kouchner dans le dispositif sarkozyste était purement récréatif : il fallait au président un compagnon qui le distraie lors de ses multiples et souvent assommants déplacements à l’étranger. Il est incontestable que l’ami Bernard excelle en la matière : on ne s’ennuie jamais avec lui, il a de l’humour, de la répartie et un convenable stock d’histoires drôles pour détendre l’atmosphère lors des arides sommets européens, ou réunions des G8, 20 ou plus si affinités.
Mais pour ce qui était des choses sérieuses, la hard policy, celle où le réalisme l’emporte toujours sur les bons et grands sentiments, on lui fit gentiment, puis plus fermement, savoir qu’il devait se tenir à sa place, et laisser faire les professionnels, officiels et officieux, dont le président avait pris grand soin de s’entourer. À Guaino le grand projet (aujourd’hui en quenouille) d’Union de la Méditerranée, à Lévitte la délicate relation avec Washington et les grandes négociations internationales, à Guéant les palabres avec la Syrie pendant que Kouchner croit pouvoir jouer sa carte personnelle au Liban. Quand les choses se gâtent en Afrique, c’est à un avocat libanais, Robert Bourgi, que l’on confie la mission d’arranger les bidons avec Laurent Gbagbo ou Ali Bongo. Quand le torchon brûle avec Pékin à cause des manifestations parisiennes contre le passage de la flamme olympique, Jean-Pierre Raffarin est dépêché dans l’Empire du milieu pour arrondir les angles.
Une bonne manière : Ockrent à France 24
Comme on n’est pas des brutes, tout de même, à l’Elysée on concède au ministre en titre le pouvoir de placer quelques un(e)s de ses ami(e)s à des postes diplomatiques aussi agréables à vivre que bien rémunérés. C’est bien le moins, et Nicolas Sarkozy, de surcroît, vole au secours de Kouchner lorsqu’il est mis en cause par Pierre Péan pour des « affaires africaines » qui ne relèvent pas seulement de l’altruisme mondialiste du french doctor. La nomination de sa compagne Christine Ockrent, en tandem avec Alain de Pouzilhac à la tête de l’audiovisuel extérieur français (RFI et France 24) était encore une bonne manière faite à Bernard, en dépit du fait que cette nomination altérait notablement la crédibilité de ces médias dans des pays où on se méfie de la connivence de la presse et du pouvoir[1. La reine Christine, bien connue pour semer la zizanie dans toutes les rédactions qu’on a la mauvaise idée de lui confier, a fini par tellement exaspérer Alain de Pouzilhac que ce dernier est venu récemment demander sa tête à Nicolas Sarkozy. Sans succès, pour le moment]
Tout cela, Bernard Kouchner fait mine de le découvrir alors qu’il semble plus près de la sortie que de l’augmentation. Foin de fausse modestie : dès juillet 2008, je constatais, pour le déplorer, le statut de potiche de luxe (au moins du Sèvres, il n’y a que ça au Quai) que l’on faisait jouer à Bernard Kouchner. Cela me valut un coup de téléphone furibard de son directeur de cabinet, à l’époque Philippe Etienne, qui me gratifia d’un certain nombre de noms d’oiseaux rarement utilisés par les diplomates de carrière.
Pour être un grand ministre des Affaires étrangères, ou plus modestement un bon ministre, il faut être une franche crapule comme Talleyrand ou Roland Dumas ou un technicien retors comme Hubert Védrine. Et surtout servir un président doté d’une intelligence du monde et des hommes lui permettant d’utiliser au mieux les quelques atouts dont notre pays dispose encore pour faire valoir ses intérêts sur cette planète. Bernard Kouchner ne relevant d’aucune des catégories précitées, le souvenir de son passage au Quai d’Orsay relèvera davantage de l’histoire de la vie mondaine à Paris au début du XXIème siècle que de celle de la diplomatie planétaire pendant la même période.
On sait bien que le langage d’une époque est un révélateur décisif de ce qu’elle a dans le crâne. Parfois, il suffit de picorer les termes utilisés par une société donnée pour avoir une bonne idée de son état mental. C’est le cas pour le milieu littéraire contemporain. Dans les salons littéraires qui essaiment un peu partout en France (suivant ainsi l’exemple des instituts d’études politiques), il n’est par exemple question que d’ « auteurs », de « livres » et de « lecture ». Termes que l’on retrouvera à peu près partout dans la presse aux pages ou aux émissions culturelles et qui ont remplacé respectivement « écrivains », « romans » et « littérature ».
Dézinguer tous les masques idéologiques
Là où il y a un « auteur », il ne peut plus y avoir d’écrivain. L’auteur est un être interchangeable, qui peut d’ailleurs écrire autre chose que des romans. C’est une catégorie juridique : quelqu’un à qui on paie des droits, d’ « auteur », donc. Et s’il y a une chose que l’époque vénère, ce sont les catégories juridiques, surtout quand elles permettent d’effacer la réalité. On imagine d’ailleurs très bien plusieurs auteurs travaillant sur une œuvre. Alors que plusieurs écrivains écrivant un même roman, ce serait contre-nature (je compte pour rien Boileau et Narcejac, les Tic et Tac du polar de train à couchettes).
Ce remplacement de l’écrivain par l’auteur est, en littérature, une très bonne nouvelle pour les maisons d’édition. Une maison d’édition a une vision institutionnelle des choses : elle veut, inconsciemment peut-être, contrôler le produit et, par là, contrôler le sous-traitant. En l’espèce, le sous-traitant, c’est l’écrivain. L’écrivain : ce type qui écrit des romans pour dézinguer tous les masques idéologiques qui permettent à ses contemporains de croire qu’ils sont des gens bien. Qui est donc parfaitement incontrôlable. Dont les réactions sont erratiques. Qui rendra, s’il est en plus un bon écrivain, un produit fini non seulement inattendu, mais forcément scandaleux, puisqu’il sera vrai.
Bien entendu, il y a encore, dans certaines de ces maisons d’édition, des individus (un individu : voilà un être rare) qui recherchent encore des voix elles-mêmes individuelles, c’est-à-dire des écrivains. Ça existe, mais ces francs-tireurs sont forcément dans une situation instable face aux exigences de leur bureaucratie. De même qu’il y a encore des salons du livre décents, organisés par des libraires (donc des gens qui n’ont pas forcément quitté la réalité). Mais, le plus souvent, ce sont des spécialistes de l’événementiel, c’est-à-dire des entreprises de communication dirigées par des aliénés, qui sont aux commandes. Ces salons sont faciles à reconnaître. Ils organisent des concours de slam et usent d’une prose pseudo-humaniste acidulée qui vous prend à la gorge dès la première page du site internet. D’autant que les premiers responsables de cette situation, ce sont probablement les écrivains eux-mêmes. Il faut voir avec quel enthousiasme ils se sont débarrassés de ce fardeau : « écrivain ». Un peu comme si on disait à un type sur le front russe que la relève vient d’arriver. C’est bien de cela qu’il s’agit. Un écrivain, parfois, ça finit un petit matin frais au fort de Montrouge. Imagine-t-on demain un changement brutal de régime s’accompagnant d’une épuration d’ « auteurs » ? Pas de risque : aucun ne pense mal.
Une bêtise contente d’elle-même
« Auteur » ! Ils sont tous « auteurs », ils écrivent des « livres » et promeuvent bien volontiers la « lecture » (pourquoi pas dans les écoles ?). « Auteur », voilà qui n’engage à rien. « Ecrivain », même en étant inculte, cela évoque quelques grands noms du passé, qui vous dissuadent d’écrire vous-mêmes vraiment n’importe quoi. Pas un en tout cas qui écrirait à son éditeur comme le faisait Georges Darien en son temps (ce n’est qu’un exemple parmi tant d’autres, la littérature a commencé à décliner lorsque les écrivains ont arrêté d’insulter leur éditeurs, ou peut-être lorsque ces derniers sont devenus susceptibles). L’évolution, sur le strict plan technique, a déjà commencé aux Etats-Unis (qui nous ont pourtant, et encore récemment, gratifié d’incomparables chefs d’œuvre, ne serait-ce qu’American Psycho) : de nombreux auteurs composent un plan scénarisé archi-détaillé pour ensuite rédiger les textes qui rempliront les petites cases blanches. Même une dissertation d’hypokhâgne offre plus de place à l’imagination. On voit bien l’intérêt des petits bureaucrates des maisons d’édition : on peut avoir un rapport d’étape, suivre l’édification de l’œuvre pas à pas, y mettre son nez si ça ne correspond pas à la « ligne éditoriale » (en matière de viande bovine, cela s’appelle la « traçabilité »), éventuellement substituer un auteur à un autre au beau milieu: « Billy-Bob est doué pour le scenario mais écrit vraiment comme un pied. Je vais le remplacer par Jacky-Joe, c’est prévu au contrat de toute façon, ils auront 50/50. » C’est dommage, pourtant, car rarement une époque n’aura offert le spectacle d’une bêtise aussi contente d’elle-même, et cela dans à peu près tous les domaines de la vie. Ce qui devrait en principe donner naissance à de bons romans. Mais il semble que les écrivains ne tiennent plus la route : après un grand roman, ils se taisent à jamais ou écrivent des choses désincarnées et prudentes.
Kirk Douglas incarne Charles Tatum, un journaliste au fond du gouffre.
La médiatisation de l’épisode de Copiapo, au Chili, où 33 mineurs sont bloqués depuis le 5 août par 700 mètres de fond et devraient le rester plusieurs semaines encore, avait en quelque sorte été anticipée par Billy Wilder dans Le Gouffre des chimères, un film sorti en 1951.
Kirk Douglas, journaliste abonné aux chiens écrasés, s’emparait d’un fait divers dont il devenait à la fois l’acteur et le témoin : découvrant un homme emprisonné dans un gouffre rocheux, il organisait les opérations de secours dont il assurait en même temps la couverture médiatique. Il mettait tout en œuvre pour retarder la délivrance de la victime et maintenir ainsi l’intérêt journalistique. Avec sa noirceur habituelle, le cinéaste dénonçait le sensationnalisme et ses conséquences dévastatrices.[access capability= »lire_inedits »]
Dans la mine de San José, la fiction est largement dépassée.
L’axiome selon lequel un drame est d’autant plus vendeur qu’il est judicieusement scénarisé y est parfaitement mis en pratique. Il est vrai que tout le monde y gagne : le pays, qui retrouve une fierté grâce à ses mineurs, l’héroïsme de quelques-uns rejaillissant sur tous, le Président Pinera, qui a inauguré son mandat avec un tremblement de terre et un tsunami et souhaite laisser une autre image, la reconstruction patinant un peu, les propriétaires de la mine qui espèrent que l’engouement pour le feuilleton fera oublier les vraies questions sur la sécurité, sans oublier les familles qui trompent leur attente et la presse qui tient son public en haleine. Une aubaine, vous dis-je.
Victor Segovia, l’écrivain de la mine
Du point de vue du storytelling, la palme revient à Victor Segovia, l’un des sinistrés, bombardé, grâce à son journal intime « écrivain de la mine », un titre qui fleure la fausse admiration et le vrai mépris, par exemple quand on parle de son écriture ronde et enfantine. Voilà ce qu’on appelle désormais « informer » : révéler la supposée personnalité profonde des êtres qui se déploie grâce à l’épreuve, broder sur le moment crucial où l’éboulement de la galerie principale va transformer la chrysalide noire de charbon en un papillon céleste dont les mots s’envolent vers l’air libre.
Mais, pour que le conte enchante, il faut qu’il soit vrai. La ressemblance avec des personnages existants ne saurait être fortuite. Aussi les médias passent-ils au crible la vie de cet homme nanti de neuf frères et sœurs, père de cinq filles, séparé de son épouse et connu jusque-là pour jouer de la musique, pas pour aligner des phrases. Pas une parcelle de sa vie privée ne doit échapper aux projecteurs. Nous devons tout savoir de Victor avec la complicité, inconsciente ou volontaire, de ses parents qui, à la surface, se livrent une lutte impitoyable pour la captation du geyser de gloire venu d’en bas. D’un côté, les fidèles, la fille aînée, la mère, ceux qui l’ont toujours supporté malgré son caractère autoritaire et son goût prononcé pour l’alcool (mais à Copiapo, quel mineur ne boit pas ?), et les opportunistes, à commencer par Soledad, son épouse qui, telle la Pomponnette de Pagnol, revient attendre celui qu’elle a quitté il y a cinq ans − attendre les millions ou le voyage en Grèce promis par le Président Pinera, susurrent les mauvaises langues. C’est qu’au-delà du quart d’heure de célébrité parti pour durer quelques semaines, il y a les dons, les cadeaux. Et je gage qu’il ne faudra pas longtemps pour qu’un éditeur lui propose de publier un livre-témoignage intitulé Solitude d’un mineur de fond.
Dans le film de Wilder, la femme de la victime déclare au journaliste, dont elle est devenue la maîtresse : « Vous bénissez autant que moi ces rochers qui nous écrasent. » Verra-t-on bientôt Soledad faire une déclaration similaire devant les caméras ?
J’allais oublier le défilé quasi quotidien de ministres qui n’ont, semble-t-il, pas de travail plus urgent, les 33 maillots dédicacés par l’équipe nationale de football et les 33 chapelets bénis par le pape.
Sans vouloir jouer les oiseaux de malheur, je rappelle que le fait divers réel qui avait inspiré Billy Wilder, la chute d’une fillette de trois ans dans un puits abandonné, s’est mal terminé. L’émoi national, les milliers de badauds accourus sur les lieux et les moyens colossaux mis en œuvre n’avaient pas changé le cours des choses : la fillette avait été découverte morte et la foule s’était dispersée comme elle était apparue. De même que l’émotion suscitée par le séisme du 27 février 2010 s’est dissoute dans la mine, il est à craindre que les mineurs, une fois à l’air libre, retombent dans un anonymat aussi brutal et destructeur que leur subite célébrité.
Au fait, le titre original du Gouffre des chimères était Big Carnaval. On ne saurait mieux dire.[/access]
Si pour vous un bon clown est un clown mort, alors vous apprécierez grandement Stand up, la dernière pièce de Gérald Sibleyras, jouée au Théâtre Tristan Bernard. Celle-ci repose sur trois très beaux personnages, magistralement incarnés par les comédiens. Le premier (Philippe Uchan) est un psychopathe désinhibé fan de stand up, un ancien tueur à gages, d’une enfantine bestialité. Il possède les deux qualités indispensables pour devenir ce que nos contemporains nomment « un comique » : une méchanceté viscérale et primitive et une absence radicale de tout sens de l’humour.
Le deuxième personnage (Gilles Gaston-Dreyfus) est un marchand de rire fatigué, organisateur et animateur du Festival du Rire de Morlaix. La tirade par laquelle il ouvre le Festival du Rire est un grand morceau de bravoure. Il s’agit d’un interminable éloge du rire, déclamé avec une énergie et une bonne humeur aussi stupéfiantes que factices. L’animateur nous annonce que nous allons rire sans relâche et accumule jusqu’à l’épuisement tous les clichés actuels sur le rire. Sa bonne volonté, son désir et son angoisse de bien faire sont en même temps d’une très touchante humanité. Mais il dévoile malgré lui ce qui se cache dans les coulisses du rire contemporain. Le rire devenu une injonction permanente, exténuante, du surmoi postmoderne (si l’on me pardonne l’oxymore).
La revanche de l’humour sur le rire
Pourtant, ce qui rend cette tirade encore plus hilarante, c’est la présence, aux côtés de l’animateur, du troisième personnage (Grégoire Bonnet). Celui-ci est un célèbre comique devenu radicalement dépressif. À mesure que progresse le discours de l’animateur, son corps et son visage expriment un désespoir, une prostration, un accablement qui ne cessent de s’aggraver. Par malheur, ce comique est l’invité d’honneur du festival. Le discours qu’il prononce lorsque vient son tour constitue le second sommet hilarant de la pièce. Suscitant l’horreur stupéfaite de l’animateur, il se lance dans des considérations désespérées et sans fin sur la mort et la maladie. Pourtant, il ne s’agit là que de l’un des tout premiers désastres qui s’abattront sur le Festival du Rire de Morlaix.
Par temps de terreur hyperfestive, rien n’est plus beau et drôle que des clowns en déroute et des boute-en-train qui déraillent. Grâce à Stand up de Gérald Sibleyras, l’humour prend enfin une éclatante revanche sur le rire.
On apprend que la municipalité de Toulouse vient de recruter en grande pompe six « chuteurs ». Qu’est-ce qu’un « chuteur » allez-vous demander ? Un cascadeur ? Que nenni ! Vous allez tomber de haut: en langage moderniste, un « chuteur » est un « médiateur » chargé de lutter contre le tapage nocturne, armé de cette arme fatale qu’est le « Chut! ». Le but de la municipalité –d’après l’AFP- est de préserver la bonne réputation d’une ville rose festive égayée en continu par les agapes, bacchanales, orgies et autres réjouissances bruyantes de plus de 100.000 étudiants, à qui il convient parfois de calmer les ardeurs.
Le maire socialiste de Toulouse Pierre Cohen déclare fièrement, dans la plus pure tradition nostalgique des emplois-jeunes aubrystes de sinistre mémoire : « Toulouse est une ville où on fait la fête et on a la volonté qu’elle soit à la fois festive et tranquille (…) Aujourd’hui, il y a de nouveaux métiers à inventer pour construire la tranquillité publique, on a lancé l’idée des médiateurs-chuteurs ». Ces six employés municipaux seront rattachés à l’Office de la tranquillité, qui est en place depuis un an et permet déjà de recueillir les plaintes des habitants. Les chuteurs-mercenaires pourront désormais intervenir à la vitesse de l’éclair sur les lieux du crime, tels des commandos modernes de la bienséance, afin de sauver la fête par leurs «Chut!» fermes et bienveillants, et leur art citoyen de la médiation anti-bruit.
La chute de l’histoire n’est pas encore écrite, mais il est fort probable que les Toulousains tombent de haut devant les actions de cette nouvelle « police de la fête »… dont les « chut » de proximité n’interrompront peut-être pas le boucan des festifs, mais viendront le rejoindre pour qu’il puisse se poursuivre !
Au moment où les Français, et les Parisiens tout particulièrement, vont affronter une semaine de grèves gênantes, il faut s’attendre à voir les représentants de la droite assaillir les citoyens de sentences définitives sur la France qui « s’enfonce dans la grève ». Mais tout semble indiquer qu’aujourd’hui la grève est devenue un service public.
La France, l’un des pays les moins grévistes du monde
À cette occasion, il est bon de rappeler quelques chiffres : examinons la moyenne annuelle des journées de grève en France depuis la guerre (statistiques ministère de l’Emploi) :
Au cours des années 1950, la moyenne est de 3 700 000 journées de grève par an. Pendant la décennie suivante, elle passe à 2 800 000 jours par an – sans tenir compte des 150 millions de journées chômées pendant la grève générale de mai 1968. Pendant les seventies, on observe une légère remontée avec 3 400 000 journées par an. La décennie suivante est marquée par une chute avec une moyenne de 1 200 000 journées par an. Enfin, de 1990 à 2003, la décrue se poursuit : le nombre de jours de grève se monte à peine à 600 000 par an en moyenne.
La pression de la grève est donc six fois moins importante aujourd’hui, soit une baisse régulière et continue de 4,5 % par an !…
Certains idéologues diront que ce n’est pas assez et que la France reste le pays champion de la grève… Comparons donc sa situation avec d’autres pays (statistiques OCDE, nombre de jours de grève par an pour mille salariés du public et du privé, moyenne annuelle entre 1990 et 2000) : Espagne : 492, Italie : 240, Canada : 231, Suède : 57, USA : 43, Grande Bretagne : 37, France : 30, Allemagne : 23, Japon : 3, Suisse : 1.
En France, on fait dix fois moins la grève qu’en Italie et en Espagne et autant qu’au Canada. Les salariés américains ont un taux de grève de 50 % supérieur à celui des Français !… Nous ne sommes cependant encore loin du taux de grève des Suisses ! La France est donc l’un des pays les moins grévistes de l’OCDE.
La grève déléguée aux fonctionnaires
Reste à savoir d’où nous vient notre mauvaise réputation. Tout d’abord, la droite française adore battre sa coulpe sur la poitrine des salariés et des fonctionnaires et qui distille une idéologie qui tient la grève pour une imposture à la limite de l’illégalité. Dans des pays où le contrat social est plus développé et les syndicats plus forts, le recours à la grève, en particulier dans le privé, n’est jamais considéré comme un scandale.
Mais l’originalité de la situation française tient surtout au quasi monopole des fonctionnaires en matière de grève. Précarité oblige, il n’existe pratiquement plus d’entreprises privées en France dont les salariés osent faire grève.
Celle qui s’annonce est emblématique : ce sont les fonctionnaires qui vont faire grève pour protester contre la réforme des retraites des salariés du privé. Ces derniers sont d’ailleurs d’accord comme le montrent de nombreux sondages indiquant le support des Français prêts à supporter les inconvénients.
Ce paradoxe pourrait, là encore, apparaître scandaleux et ne manquera pas de déchaîner la haine anti-fonctionnaires de la droite française. Mais, au fond, les Français se satisfont de cette situation. Les choses se passent comme si les salariés du privé avaient délégué aux fonctionnaires leur droit à faire la grève et à manifester leur mécontentement. En vertu d’un accord tacite et bien compris, c’est donc aux salariés protégés qu’échoit la mission de contrecarrer les projets gouvernementaux par un blocage de certains services publics. La grève est, en quelque sorte, devenue une mission de service public.
Charles-Maurice de Talleyrand-Périgord, qui en matière de gestion de carrière politique, aurait pu donner quelques leçons aux plus inoxydables de nos gouvernants, avait en son temps édicté un principe fondamental qui fait depuis office de référence dans le discours public : « En politique, ce qui est cru devient plus important que ce qui est vrai ».
Ainsi en va-t-il de cette l’affirmation, dument répétée tel un mantra bouddhiste par l’ensemble de notre classe politique, selon laquelle la France se désindustrialise. De Nicolas Sarkozy, qui déclarait encore l’autre jour[1. Au salon de l’automobile, le 1er octobre 2010] que jamais il n’accepterait la désindustrialisation, à l’état-major du PS en passant par Marine Le Pen, Jean-Luc Mélenchon, François Bayrou ou Dominique de Villepin, c’est toute notre classe politique qui tire son mouchoir et la sonnette d’alarme face à la disparition de notre industrie, de nos usines et de nos ouvriers.
Les coupables de cet odieux forfait sont bien sûr connus et désignés de toute part : la mondialisation, le libre-échangisme, les capitalistes … brefs les « autres », ces êtres tout aussi maléfiques, qu’ils sont inconnus et invisibles et qui nous veulent du mal[2. Toute ressemblance avec une série télévisée américaine dont l’action se situe sur une île mystérieuse serait purement fortuite]. Heureusement pour nous, le bon peuple, nos élus ont des solutions – et pas que deux ou trois – pour réindustrialiser la France : des subventions aux nationalisations en passant par le protectionnisme, c’est toute la gamme des politiques interventionnistes qu’on nous déballe comme au marché. Faites vot’ choix m’sieurs dames… Elles sont bonnes mes salades !
En dix ans, la production industrielle a augmenté de 25%
Si la France se désindustrialise comme nous l’affirment nos politiciens professionnels, nous devrions pouvoir observer le phénomène dans les chiffres publiées par l’Insee qui mesurent depuis 1949 la production de chaque secteur d’activité de notre économie. Et là, ô surprise, ajustée de l’inflation, notre production industrielle de 2009[3. 844.7 milliards d’euros selon l’INSEE, soit environ 27% de notre production totale en valeur] était 26% plus élevée qu’en 1990, 50% plus élevée qu’en 1980, 106% plus élevée qu’en 1970 et – excusez du peu – 570% plus élevée qu’en 1949. Pas l’ombre de la queue du début d’un commencement de désindustrialisation.
Ce qui est vrai, c’est que nous avons perdu l’essentiel de notre industrie textile (-45% depuis 1970) et une part substantielle de notre production de combustibles et autres carburants (-33%). Mais ce qui est aussi vrai, c’est que la production de nos industries navales, aéronautiques et ferroviaires a augmenté de 449.5%, que celle de nos industries pharmaceutiques et cosmétiques est aujourd’hui 490.2% plus importante qu’en 1970 et que notre production d’équipements électriques et électroniques a été multipliée par six dans le même laps de temps.
Ce qui est surtout vrai, donc, c’est que notre industrie a changé. Encore dominée il y a quelques décennies par des chaines de production sur lesquelles on alignait des ouvriers peu qualifiés et misérablement payés, elle est devenue une industrie de pointe qui embauche essentiellement des ingénieurs, des ouvriers qualifiés et des cadres, investit massivement dans la recherche et offre des rémunérations sans aucune commune mesure avec ce que peuvent espérer les ouvriers chinois[4. Le salarié moyen de l’industrie manufacturière française coûte un peu plus de 49 000 euros par an à son employeur… soit – au bas mot – 15 fois plus que son homologue chinois].
Le merveilleux monde d’avant était aussi celui des salaires misérables
Le discours politique – et médiatique – est resté enfermé dans un monde de grandes usines, pourvoyeuses d’emplois à vie et en masse, où des milliers de salariés constitués en « classe ouvrière » produisent à la chaîne des taille-crayons ou des paires de chaussures. On nous rebat les oreilles d’un monde merveilleux, un monde d’avant, où les grandes luttes ouvrières faisaient les heures de gloire de la gauche marxiste et les patrons paternalistes aux mines sévères celle d’une droite conservatrice. Mais ce que le discours politique oublie, c’est que ce monde était aussi celui des salaires misérables, des mineurs qui risquaient leur peau au moindre coup de grisou, des ouvrières du textile qui usaient leur jeunesse et leurs doigts dans les usines et des ouvriers qui étouffaient dans l’atmosphère surchauffée des hauts-fourneaux.
Alors oui, ça fait moins de monde dans les usines (et aux manifestations de la CGT) mais non, la France ne se désindustrialise pas. Elle va même plutôt bien notre industrie entre l’Oréal dont les ventes explosent dans les pays émergents (+13% en 6 mois), Legrand qui réalise l’essentiel de sa croissance en dehors de l’Europe ou notre Cognac qui exporte plus de 96% de sa production. L’avenir de nos enfants n’est plus derrière un métier à tisser ni au fond d’une mine, il est derrière une planche à dessin, dans des laboratoires de recherche ou aux commandes d’une chaine de production automatisée. Et pour tout vous dire, moi je préfère ça.
Le prix Nobel d’Economie a été attribué ce matin à Peter Diamond, 70 ans, Dale Mortensen, 71 ans, et Christopher Pissaridès, 62 ans pour leurs travaux sur l’influence de l’ajustement entre l’offre et la demande sur certains marchés, en particulier celui du travail. L’un des trois lauréats, l’Américain Peter Diamond, du MIT, spécialiste des questions de politique économique et sociale, a consacré ses dernières recherches aux problèmes de la retraite.
Dans un livre récent cosigné avec Nicholas Barr, professeur d’économie à la London School of Economics, Diamond n’hésite pas à formuler le constat suivant : l’un des piliers nécessaires à une réforme raisonnable du système est le recul de l’âge du départ à la retraite qui devrait, selon ces deux auteurs, suivre l’allongement de la durée de la vie. A ceux d’entre vous qui espèrent utiliser demain les transports en commun, nous recommandons la lecture de Reforming Pensions, Principles and Policy Choices.
Kala au sabre tiré, détail d'une miniature indienne, 1816.
Kala au sabre tiré, détail d'une miniature indienne, 1816.
En un mot comme en cent, je suis islamophobe. Je n’aime pas beaucoup cette étiquette, mais c’est le terme qui s’impose aujourd’hui pour désigner ceux qui critiquent l’islam ou se méfient de lui : alors, je l’accepte. Même si je trouve étrange que la clairvoyance et la vigilance passent pour des maladies mentales, je préfère passer pour dingue et paranoïaque que pour aveugle et sourd, et muet en plus. Ma crainte de l’islam n’est pas une peur panique mais une méfiance raisonnée et je ne crois pas souffrir de phobies. Ce n’est pas moi qui ai une trouille bleue de la critique ou du blasphème, du porc ou de l’alcool, des homosexuels, d’un verre d’eau au mois d’août, de la liberté, des femmes ou du bon Dieu.
Si je me méfie raisonnablement de l’islam comme de la peste, je vais tâcher de donner mes raisons.[access capability= »lire_inedits »]
L’islam n’est pas seulement, comme l’écrit Houellebecq, « la religion la plus con du monde », c’est aussi un système social et politique qui a toujours entraîné dans la régression et la barbarie les sociétés où il s’est imposé. Si on peut discuter des bienfaits de la colonisation qui restent à démontrer, on ne discute pas des bienfaits de l’islam, on les cherche car ils restent à être montrés. Je ne dresserai pas l’inventaire, jamais exhaustif, des coutumes arriérées, des crimes barbares et des lois stupides qui caractérisent le monde musulman. La liste interminable des dogmes et des faits plus idiots et plus monstrueux les uns que les autres nous plongerait dans un ennui et un dégoût proches de ceux que peuvent ressentir les jeunes filles nées en Syrie ou les hommes d’esprit vivant au Caire.
« Il ne faut pas confondre les crimes commis au nom de l’islam avec l’islam lui-même ! » : voilà la berceuse très entendue censée endormir les plus inquiets. On nous a longtemps fait le coup avec le communisme, et puis même les dictateurs les plus gâteux et les intellectuels les plus longs à la détente ont fini par jeter le bébé avec l’eau du bain quand ils se sont aperçus qu’il était mort-né dans un bain de sang. La terreur n’est pas une dérive ou une mauvaise traduction du coran ou du marxisme-léninisme, elle est inscrite dans les gènes de ces deux totalitarismes. Dictature du prolétariat ou suprématie de l’oumma, ces deux messianismes écrasent tous ceux qui leur résistent. Là ou l’islam est le plus fort, les autres religions, les autres cultures se soumettent ou s’enfuient. Les chrétiens et les juifs d’Orient en savent quelque chose.
La France sera bientôt sommée de s’intégrer à l’« oumma » ou de disparaître. Ce qui revient au même
Mais laissons l’histoire et la géographie pour nous pencher sur l’ici et maintenant.
L’islam ne fait envie nulle part dans le monde et dans l’histoire, mais nous devrions accueillir avec confiance et bienveillance celui qui se répand en Europe. Plus absurde encore, les musulmans s’affirment en Europe et à l’abri des droits de l’homme en abusant de notre hospitalité et, au nom du respect dû à la différence, imposent des pratiques contraires aux valeurs de notre civilisation. Dans toutes les zones où ils font masse, leurs lois deviennent la norme, des tribunaux islamiques anglais à nos « cités du mâle ». Et notre pays serait épargné par cette forme de colonisation ? Après quelques décennies d’offensive contre les cultures d’accueil européennes, les Anglais limitent leur très britannique liberté d’expression, les Hollandais reviennent sur leur légendaire tolérance, les Allemands voient leur culture de la pensée submergée par la bêtise et les Suédois enterrent leur système social. Et notre confiance devrait rester inébranlable ? Certains croient encore qu’un islam de France, Arlésienne qui sait se faire désirer, montrera la voie et nous protégera des séditions, sécessions, ségrégations et colonisations en marche partout ailleurs.
Cela me semble bien présomptueux : je crains que notre génie français et notre fameux système d’intégration ne fassent pas le poids et que la démographie en n’inverse bientôt le rapport de forces. Quand il y aura une majorité de musulmans en France, qui intègrera qui ? À moins de renoncer à la démocratie qui laisse la nation historique, la civilisation et les minorités à la merci de la majorité du jour, si les choses se passent comme toujours et comme partout, l’islam sommera bientôt la France de s’intégrer à l’oumma ou de disparaître, ce qui, à mon avis, est la même chose.
Les Français musulmans ne deviennent pas de plus en plus français mais de plus en plus musulmans : le succès croissant du ramadan en est un signe. À la question « Qu’est-ce qu’être français ? », beaucoup donnent une réponse lapidaire : « Posséder une carte d’identité et des droits. » Pour le reste, chacun sa culture et les moutons seront bien égorgés, tournés vers la Mecque. L’enfer est pavé de bonnes intentions et, en tolérant le multiculturalisme, on finit par accepter que battre sa femme, séquestrer sa sœur et marier sa fille avec son cousin puissent devenir des coutumes françaises quand le blasphème, lui, ne serait plus français. Pourrait-on dire « J’encule le Prophète » comme on le dit du président, du pape, du dalaï-lama, d’Ariel Sharon ou de qui on veut sans déchaîner des flots de violence ? J’en doute. En refusant d’admettre que notre culture libérale et égalitaire vaut mieux pour nous qu’un texte qui interdit toute critique et donc tout progrès, nous ouvrons un boulevard à la régression et à la disparition de ce que nous sommes après cinq mille ans d’évolution. Si on ne peut discuter une loi divine, il faut la rejeter fermement comme nous l’avons fait avec les nôtres. On ne s’est pas débarrassés de nos religions pour se faire envahir par la plus attardée de toutes.
Si les musulmans ne peuvent pas manger halal à la table d’un amateur d’andouillette, qu’ils changent de cantine ! Or, aujourd’hui, c’est la cantine qu’on change. Si les musulmans ne peuvent vivre dans la foi et dans la France telle qu’elle est, faut-il changer la France et la voir régresser ? Notre pays est-il condamné à devenir un jour une terre d’islam pour avoir accueilli des musulmans ?
J’ai une autre idée et une autre envie pour sauver la nation. Acceptons les individus mais pas les exigences de leur religion : les plus dévots iront prier ailleurs, les plus envahissants convoiteront d’autres terres et nous garderons les mieux intentionnés. Une laïcité intransigeante qui prenne au besoin des allures de persécution religieuse, je ne vois plus que ça pour préserver ce qui nous a faits et ce que nous aimons.
Avant de regretter Charles Martel, rappelons Jules Ferry tant qu’il en est temps. Au pays de Théo Van Gogh, le parti de Geert Wilders a obtenu l’interdiction de la burqa et envisage de bannir le Coran. Il faudrait vraiment qu’on les ait énervés, ces Bataves qui ont accueilli Spinoza, pour qu’ils en arrivent à interdire un livre. Ce renoncement amer à notre liberté d’expression est peut-être le prix à payer pour protéger notre monde.
Quel prix l’islam est-il prêt à payer pour devenir occidental sans soumettre les Occidentaux et dénaturer l’Occident ? La question se pose mais je ne donne pas cher de la réponse.
En attendant, qu’on me permette d’être islamo-méfiant, islamo-résistant, et même islamophobe.[/access]
« La réponse des autorités ainsi que la complexité et l’ampleur des questions supplémentaires auxquelles il faudrait répondre pour éventuellement obtenir une autorisation de mise sur le marché pour le flibanserin ont amené la compagnie à décider de se concentrer sur d’autres produits en développement ». C’est par ce communiqué plein de poésie que le groupe pharmaceutique allemand Boehringer Ingelheim a annoncé ce week-end qu’il abandonnait le développement du Girosa, plus connu sous son surnom de « Viagra féminin ».
De fait, il semble que l’avis négatif émis en juin dernier par l’Agence américaine des médicaments ait été fatal au produit miracle censé doper la libido féminine. On ose espérer qu’il ne s’agit pas là de mesures protectionnistes déguisées, visant à décourager la pénétration du marché américain.
Et puis en vrai, le flibanserin on s’en fout: il nous reste les huitres et le champagne !
Tomber à gauche ou pantoufler à droite ? Tel est le dilemme auquel est aujourd’hui confronté notre flamboyant ministre des Affaires étrangères. Il vient d’apporter sa contribution à la pièce de théâtre microcosmique mise en scène par un Nicolas Sarkozy qui a fixé, avec une prématurité diaboliquement calculée, l’horizon du prochain remaniement gouvernemental.
Comment partir la tête haute, et éventuellement rebondir, pour ceux qui n’ont aucune illusion sur le sort qui leur est réservé dans quelques semaines ? La méthode Kouchner relève de la comédie légère : il laisse traîner négligemment une lettre de démission manuscrite sur son bureau en recevant un journaliste d’un hebdo où il compte beaucoup d’amis. Quelques bribes de la missive se retrouvent illico sur le site internet du Nouvel Obs, car c’est de lui qu’il s’agit, et le microcosme médiatique et politique se met à vibrionner. À l’Elysée, on feint la surprise : lettre de démission ? Quelle lettre de démission ? Jamais reçue ! N’empêche, le message est passé, et son contenu est limpide : moi, Bernard Kouchner, détenteur d’un capital de popularité inoxydable dans l’opinion publique ne saurais être licencié comme un vieux serviteur devenu inutile. Je peux encore mordre, et je le prouve en mettant en cause des conseillers du président qui m’auraient « humilié ». Mais, si on me réserve, à ma sortie du Quai d’Orsay, une fonction et un palais de la République à la hauteur de mes mérites éminents, on pourra revoir la question de mon attitude lors de l’élection présidentielle de 2012.
Une addiction médiatique que l’âge n’a pas affaiblie
Défenseur des droits ? Pourquoi pas ? Bien logé, convenablement rémunéré, utilisable pour rendre service à des amis, ce poste de médiateur de la République vient d’être renforcé par l’intégration du « Défenseur des enfants », au grand dam de son actuelle titulaire, Dominique Versini. Et surtout, mieux que Jean-Paul Delevoye, Bernard Kouchner saura utiliser cette fonction pour se porter régulièrement aux avant-postes médiatiques, une addiction que l’âge n’a pas affaiblie, bien au contraire.
La gauche n’épargne pas ses quolibets à celui qui fut, naguère, sa tête d’affiche morale avant de se laisser séduire par les sirènes du sarkozysme. Principale incarnation de la politique d’ouverture du Sarkozy de 2007, il a eu la faiblesse, ou la vanité, de croire qu’il allait vraiment exercer la fonction de ministre des Affaires étrangères. Pour cela, Nicolas Sarkozy avait déjà tout ce qu’il lui fallait à la maison, notamment le redoutable Jean-David Lévitte, dont la proverbiale discrétion se double d’une connaissance approfondie des rouages de la politique mondiale. L’usage de Bernard Kouchner dans le dispositif sarkozyste était purement récréatif : il fallait au président un compagnon qui le distraie lors de ses multiples et souvent assommants déplacements à l’étranger. Il est incontestable que l’ami Bernard excelle en la matière : on ne s’ennuie jamais avec lui, il a de l’humour, de la répartie et un convenable stock d’histoires drôles pour détendre l’atmosphère lors des arides sommets européens, ou réunions des G8, 20 ou plus si affinités.
Mais pour ce qui était des choses sérieuses, la hard policy, celle où le réalisme l’emporte toujours sur les bons et grands sentiments, on lui fit gentiment, puis plus fermement, savoir qu’il devait se tenir à sa place, et laisser faire les professionnels, officiels et officieux, dont le président avait pris grand soin de s’entourer. À Guaino le grand projet (aujourd’hui en quenouille) d’Union de la Méditerranée, à Lévitte la délicate relation avec Washington et les grandes négociations internationales, à Guéant les palabres avec la Syrie pendant que Kouchner croit pouvoir jouer sa carte personnelle au Liban. Quand les choses se gâtent en Afrique, c’est à un avocat libanais, Robert Bourgi, que l’on confie la mission d’arranger les bidons avec Laurent Gbagbo ou Ali Bongo. Quand le torchon brûle avec Pékin à cause des manifestations parisiennes contre le passage de la flamme olympique, Jean-Pierre Raffarin est dépêché dans l’Empire du milieu pour arrondir les angles.
Une bonne manière : Ockrent à France 24
Comme on n’est pas des brutes, tout de même, à l’Elysée on concède au ministre en titre le pouvoir de placer quelques un(e)s de ses ami(e)s à des postes diplomatiques aussi agréables à vivre que bien rémunérés. C’est bien le moins, et Nicolas Sarkozy, de surcroît, vole au secours de Kouchner lorsqu’il est mis en cause par Pierre Péan pour des « affaires africaines » qui ne relèvent pas seulement de l’altruisme mondialiste du french doctor. La nomination de sa compagne Christine Ockrent, en tandem avec Alain de Pouzilhac à la tête de l’audiovisuel extérieur français (RFI et France 24) était encore une bonne manière faite à Bernard, en dépit du fait que cette nomination altérait notablement la crédibilité de ces médias dans des pays où on se méfie de la connivence de la presse et du pouvoir[1. La reine Christine, bien connue pour semer la zizanie dans toutes les rédactions qu’on a la mauvaise idée de lui confier, a fini par tellement exaspérer Alain de Pouzilhac que ce dernier est venu récemment demander sa tête à Nicolas Sarkozy. Sans succès, pour le moment]
Tout cela, Bernard Kouchner fait mine de le découvrir alors qu’il semble plus près de la sortie que de l’augmentation. Foin de fausse modestie : dès juillet 2008, je constatais, pour le déplorer, le statut de potiche de luxe (au moins du Sèvres, il n’y a que ça au Quai) que l’on faisait jouer à Bernard Kouchner. Cela me valut un coup de téléphone furibard de son directeur de cabinet, à l’époque Philippe Etienne, qui me gratifia d’un certain nombre de noms d’oiseaux rarement utilisés par les diplomates de carrière.
Pour être un grand ministre des Affaires étrangères, ou plus modestement un bon ministre, il faut être une franche crapule comme Talleyrand ou Roland Dumas ou un technicien retors comme Hubert Védrine. Et surtout servir un président doté d’une intelligence du monde et des hommes lui permettant d’utiliser au mieux les quelques atouts dont notre pays dispose encore pour faire valoir ses intérêts sur cette planète. Bernard Kouchner ne relevant d’aucune des catégories précitées, le souvenir de son passage au Quai d’Orsay relèvera davantage de l’histoire de la vie mondaine à Paris au début du XXIème siècle que de celle de la diplomatie planétaire pendant la même période.
On sait bien que le langage d’une époque est un révélateur décisif de ce qu’elle a dans le crâne. Parfois, il suffit de picorer les termes utilisés par une société donnée pour avoir une bonne idée de son état mental. C’est le cas pour le milieu littéraire contemporain. Dans les salons littéraires qui essaiment un peu partout en France (suivant ainsi l’exemple des instituts d’études politiques), il n’est par exemple question que d’ « auteurs », de « livres » et de « lecture ». Termes que l’on retrouvera à peu près partout dans la presse aux pages ou aux émissions culturelles et qui ont remplacé respectivement « écrivains », « romans » et « littérature ».
Dézinguer tous les masques idéologiques
Là où il y a un « auteur », il ne peut plus y avoir d’écrivain. L’auteur est un être interchangeable, qui peut d’ailleurs écrire autre chose que des romans. C’est une catégorie juridique : quelqu’un à qui on paie des droits, d’ « auteur », donc. Et s’il y a une chose que l’époque vénère, ce sont les catégories juridiques, surtout quand elles permettent d’effacer la réalité. On imagine d’ailleurs très bien plusieurs auteurs travaillant sur une œuvre. Alors que plusieurs écrivains écrivant un même roman, ce serait contre-nature (je compte pour rien Boileau et Narcejac, les Tic et Tac du polar de train à couchettes).
Ce remplacement de l’écrivain par l’auteur est, en littérature, une très bonne nouvelle pour les maisons d’édition. Une maison d’édition a une vision institutionnelle des choses : elle veut, inconsciemment peut-être, contrôler le produit et, par là, contrôler le sous-traitant. En l’espèce, le sous-traitant, c’est l’écrivain. L’écrivain : ce type qui écrit des romans pour dézinguer tous les masques idéologiques qui permettent à ses contemporains de croire qu’ils sont des gens bien. Qui est donc parfaitement incontrôlable. Dont les réactions sont erratiques. Qui rendra, s’il est en plus un bon écrivain, un produit fini non seulement inattendu, mais forcément scandaleux, puisqu’il sera vrai.
Bien entendu, il y a encore, dans certaines de ces maisons d’édition, des individus (un individu : voilà un être rare) qui recherchent encore des voix elles-mêmes individuelles, c’est-à-dire des écrivains. Ça existe, mais ces francs-tireurs sont forcément dans une situation instable face aux exigences de leur bureaucratie. De même qu’il y a encore des salons du livre décents, organisés par des libraires (donc des gens qui n’ont pas forcément quitté la réalité). Mais, le plus souvent, ce sont des spécialistes de l’événementiel, c’est-à-dire des entreprises de communication dirigées par des aliénés, qui sont aux commandes. Ces salons sont faciles à reconnaître. Ils organisent des concours de slam et usent d’une prose pseudo-humaniste acidulée qui vous prend à la gorge dès la première page du site internet. D’autant que les premiers responsables de cette situation, ce sont probablement les écrivains eux-mêmes. Il faut voir avec quel enthousiasme ils se sont débarrassés de ce fardeau : « écrivain ». Un peu comme si on disait à un type sur le front russe que la relève vient d’arriver. C’est bien de cela qu’il s’agit. Un écrivain, parfois, ça finit un petit matin frais au fort de Montrouge. Imagine-t-on demain un changement brutal de régime s’accompagnant d’une épuration d’ « auteurs » ? Pas de risque : aucun ne pense mal.
Une bêtise contente d’elle-même
« Auteur » ! Ils sont tous « auteurs », ils écrivent des « livres » et promeuvent bien volontiers la « lecture » (pourquoi pas dans les écoles ?). « Auteur », voilà qui n’engage à rien. « Ecrivain », même en étant inculte, cela évoque quelques grands noms du passé, qui vous dissuadent d’écrire vous-mêmes vraiment n’importe quoi. Pas un en tout cas qui écrirait à son éditeur comme le faisait Georges Darien en son temps (ce n’est qu’un exemple parmi tant d’autres, la littérature a commencé à décliner lorsque les écrivains ont arrêté d’insulter leur éditeurs, ou peut-être lorsque ces derniers sont devenus susceptibles). L’évolution, sur le strict plan technique, a déjà commencé aux Etats-Unis (qui nous ont pourtant, et encore récemment, gratifié d’incomparables chefs d’œuvre, ne serait-ce qu’American Psycho) : de nombreux auteurs composent un plan scénarisé archi-détaillé pour ensuite rédiger les textes qui rempliront les petites cases blanches. Même une dissertation d’hypokhâgne offre plus de place à l’imagination. On voit bien l’intérêt des petits bureaucrates des maisons d’édition : on peut avoir un rapport d’étape, suivre l’édification de l’œuvre pas à pas, y mettre son nez si ça ne correspond pas à la « ligne éditoriale » (en matière de viande bovine, cela s’appelle la « traçabilité »), éventuellement substituer un auteur à un autre au beau milieu: « Billy-Bob est doué pour le scenario mais écrit vraiment comme un pied. Je vais le remplacer par Jacky-Joe, c’est prévu au contrat de toute façon, ils auront 50/50. » C’est dommage, pourtant, car rarement une époque n’aura offert le spectacle d’une bêtise aussi contente d’elle-même, et cela dans à peu près tous les domaines de la vie. Ce qui devrait en principe donner naissance à de bons romans. Mais il semble que les écrivains ne tiennent plus la route : après un grand roman, ils se taisent à jamais ou écrivent des choses désincarnées et prudentes.
Kirk Douglas incarne Charles Tatum, un journaliste au fond du gouffre.
Kirk Douglas incarne Charles Tatum, un journaliste au fond du gouffre.
La médiatisation de l’épisode de Copiapo, au Chili, où 33 mineurs sont bloqués depuis le 5 août par 700 mètres de fond et devraient le rester plusieurs semaines encore, avait en quelque sorte été anticipée par Billy Wilder dans Le Gouffre des chimères, un film sorti en 1951.
Kirk Douglas, journaliste abonné aux chiens écrasés, s’emparait d’un fait divers dont il devenait à la fois l’acteur et le témoin : découvrant un homme emprisonné dans un gouffre rocheux, il organisait les opérations de secours dont il assurait en même temps la couverture médiatique. Il mettait tout en œuvre pour retarder la délivrance de la victime et maintenir ainsi l’intérêt journalistique. Avec sa noirceur habituelle, le cinéaste dénonçait le sensationnalisme et ses conséquences dévastatrices.[access capability= »lire_inedits »]
Dans la mine de San José, la fiction est largement dépassée.
L’axiome selon lequel un drame est d’autant plus vendeur qu’il est judicieusement scénarisé y est parfaitement mis en pratique. Il est vrai que tout le monde y gagne : le pays, qui retrouve une fierté grâce à ses mineurs, l’héroïsme de quelques-uns rejaillissant sur tous, le Président Pinera, qui a inauguré son mandat avec un tremblement de terre et un tsunami et souhaite laisser une autre image, la reconstruction patinant un peu, les propriétaires de la mine qui espèrent que l’engouement pour le feuilleton fera oublier les vraies questions sur la sécurité, sans oublier les familles qui trompent leur attente et la presse qui tient son public en haleine. Une aubaine, vous dis-je.
Victor Segovia, l’écrivain de la mine
Du point de vue du storytelling, la palme revient à Victor Segovia, l’un des sinistrés, bombardé, grâce à son journal intime « écrivain de la mine », un titre qui fleure la fausse admiration et le vrai mépris, par exemple quand on parle de son écriture ronde et enfantine. Voilà ce qu’on appelle désormais « informer » : révéler la supposée personnalité profonde des êtres qui se déploie grâce à l’épreuve, broder sur le moment crucial où l’éboulement de la galerie principale va transformer la chrysalide noire de charbon en un papillon céleste dont les mots s’envolent vers l’air libre.
Mais, pour que le conte enchante, il faut qu’il soit vrai. La ressemblance avec des personnages existants ne saurait être fortuite. Aussi les médias passent-ils au crible la vie de cet homme nanti de neuf frères et sœurs, père de cinq filles, séparé de son épouse et connu jusque-là pour jouer de la musique, pas pour aligner des phrases. Pas une parcelle de sa vie privée ne doit échapper aux projecteurs. Nous devons tout savoir de Victor avec la complicité, inconsciente ou volontaire, de ses parents qui, à la surface, se livrent une lutte impitoyable pour la captation du geyser de gloire venu d’en bas. D’un côté, les fidèles, la fille aînée, la mère, ceux qui l’ont toujours supporté malgré son caractère autoritaire et son goût prononcé pour l’alcool (mais à Copiapo, quel mineur ne boit pas ?), et les opportunistes, à commencer par Soledad, son épouse qui, telle la Pomponnette de Pagnol, revient attendre celui qu’elle a quitté il y a cinq ans − attendre les millions ou le voyage en Grèce promis par le Président Pinera, susurrent les mauvaises langues. C’est qu’au-delà du quart d’heure de célébrité parti pour durer quelques semaines, il y a les dons, les cadeaux. Et je gage qu’il ne faudra pas longtemps pour qu’un éditeur lui propose de publier un livre-témoignage intitulé Solitude d’un mineur de fond.
Dans le film de Wilder, la femme de la victime déclare au journaliste, dont elle est devenue la maîtresse : « Vous bénissez autant que moi ces rochers qui nous écrasent. » Verra-t-on bientôt Soledad faire une déclaration similaire devant les caméras ?
J’allais oublier le défilé quasi quotidien de ministres qui n’ont, semble-t-il, pas de travail plus urgent, les 33 maillots dédicacés par l’équipe nationale de football et les 33 chapelets bénis par le pape.
Sans vouloir jouer les oiseaux de malheur, je rappelle que le fait divers réel qui avait inspiré Billy Wilder, la chute d’une fillette de trois ans dans un puits abandonné, s’est mal terminé. L’émoi national, les milliers de badauds accourus sur les lieux et les moyens colossaux mis en œuvre n’avaient pas changé le cours des choses : la fillette avait été découverte morte et la foule s’était dispersée comme elle était apparue. De même que l’émotion suscitée par le séisme du 27 février 2010 s’est dissoute dans la mine, il est à craindre que les mineurs, une fois à l’air libre, retombent dans un anonymat aussi brutal et destructeur que leur subite célébrité.
Au fait, le titre original du Gouffre des chimères était Big Carnaval. On ne saurait mieux dire.[/access]
Si pour vous un bon clown est un clown mort, alors vous apprécierez grandement Stand up, la dernière pièce de Gérald Sibleyras, jouée au Théâtre Tristan Bernard. Celle-ci repose sur trois très beaux personnages, magistralement incarnés par les comédiens. Le premier (Philippe Uchan) est un psychopathe désinhibé fan de stand up, un ancien tueur à gages, d’une enfantine bestialité. Il possède les deux qualités indispensables pour devenir ce que nos contemporains nomment « un comique » : une méchanceté viscérale et primitive et une absence radicale de tout sens de l’humour.
Le deuxième personnage (Gilles Gaston-Dreyfus) est un marchand de rire fatigué, organisateur et animateur du Festival du Rire de Morlaix. La tirade par laquelle il ouvre le Festival du Rire est un grand morceau de bravoure. Il s’agit d’un interminable éloge du rire, déclamé avec une énergie et une bonne humeur aussi stupéfiantes que factices. L’animateur nous annonce que nous allons rire sans relâche et accumule jusqu’à l’épuisement tous les clichés actuels sur le rire. Sa bonne volonté, son désir et son angoisse de bien faire sont en même temps d’une très touchante humanité. Mais il dévoile malgré lui ce qui se cache dans les coulisses du rire contemporain. Le rire devenu une injonction permanente, exténuante, du surmoi postmoderne (si l’on me pardonne l’oxymore).
La revanche de l’humour sur le rire
Pourtant, ce qui rend cette tirade encore plus hilarante, c’est la présence, aux côtés de l’animateur, du troisième personnage (Grégoire Bonnet). Celui-ci est un célèbre comique devenu radicalement dépressif. À mesure que progresse le discours de l’animateur, son corps et son visage expriment un désespoir, une prostration, un accablement qui ne cessent de s’aggraver. Par malheur, ce comique est l’invité d’honneur du festival. Le discours qu’il prononce lorsque vient son tour constitue le second sommet hilarant de la pièce. Suscitant l’horreur stupéfaite de l’animateur, il se lance dans des considérations désespérées et sans fin sur la mort et la maladie. Pourtant, il ne s’agit là que de l’un des tout premiers désastres qui s’abattront sur le Festival du Rire de Morlaix.
Par temps de terreur hyperfestive, rien n’est plus beau et drôle que des clowns en déroute et des boute-en-train qui déraillent. Grâce à Stand up de Gérald Sibleyras, l’humour prend enfin une éclatante revanche sur le rire.
On apprend que la municipalité de Toulouse vient de recruter en grande pompe six « chuteurs ». Qu’est-ce qu’un « chuteur » allez-vous demander ? Un cascadeur ? Que nenni ! Vous allez tomber de haut: en langage moderniste, un « chuteur » est un « médiateur » chargé de lutter contre le tapage nocturne, armé de cette arme fatale qu’est le « Chut! ». Le but de la municipalité –d’après l’AFP- est de préserver la bonne réputation d’une ville rose festive égayée en continu par les agapes, bacchanales, orgies et autres réjouissances bruyantes de plus de 100.000 étudiants, à qui il convient parfois de calmer les ardeurs.
Le maire socialiste de Toulouse Pierre Cohen déclare fièrement, dans la plus pure tradition nostalgique des emplois-jeunes aubrystes de sinistre mémoire : « Toulouse est une ville où on fait la fête et on a la volonté qu’elle soit à la fois festive et tranquille (…) Aujourd’hui, il y a de nouveaux métiers à inventer pour construire la tranquillité publique, on a lancé l’idée des médiateurs-chuteurs ». Ces six employés municipaux seront rattachés à l’Office de la tranquillité, qui est en place depuis un an et permet déjà de recueillir les plaintes des habitants. Les chuteurs-mercenaires pourront désormais intervenir à la vitesse de l’éclair sur les lieux du crime, tels des commandos modernes de la bienséance, afin de sauver la fête par leurs «Chut!» fermes et bienveillants, et leur art citoyen de la médiation anti-bruit.
La chute de l’histoire n’est pas encore écrite, mais il est fort probable que les Toulousains tombent de haut devant les actions de cette nouvelle « police de la fête »… dont les « chut » de proximité n’interrompront peut-être pas le boucan des festifs, mais viendront le rejoindre pour qu’il puisse se poursuivre !