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Trois débats ? Mais pour quoi faire ?

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Premier débat

Il faut sauver le modèle social que le monde nous envie (™) et en particulier notre système de retraites. François « Flamby » Hollande, fossoyeur des comptes publics de Corrèze, propose un système de retraire géré par l’État, obligatoire et par répartition avec un âge de départ à la retraite à 60 ans tandis que S.A.I. Nicolas Ier, empereur de Neuilly-sur-Seine, propose un système de retraite géré par l’État, obligatoire et par répartition avec un âge de départ à la retraite à 62 ans. On imagine déjà la violence des échanges…

Deuxième round.

Tout ça, c’est à cause de la vilaine spéculation financière, de la mondialisation ultralibérale (copyright MLP/JLM), des traders, des paradis fiscaux et des banquiers (liste non-exhaustive et provisoire). Il faut donc instaurer un taxe sur les transactions financières pour leur montrer qui est le chef; non mais ! François Hollande, capitaine de pédalo, propose de taxer les transactions financières pour mettre fin à la spéculation tandis que Nicolas Sarkozy, Bonaparte de faible envergure, pense taxer les transactions financières pour obliger les marchés à réparer leurs bêtises. Il va y avoir du sang sur les murs.

Troisième débat

C’est le sujet le plus important de la décennie – que dis-je de la décennie, de l’Histoire de France ! – et c’est là qu’on va voir les lignes de fractures les plus profondes entre ces deux projets de société totalement antagonistes : doit-on accepter, oui ou non, que de la viande halal soit vendue sur le territoire de la République et, si oui, faut-il prévoir un étiquetage spécifique ? François Hollande, ex de Ségolène Royal et accessoirement candidat au second tour de la présidentielle, pense que non, que ça reviendrait à stigmatiser les musulmans tandis que Nicolas Sarkozy, ex de Madame Ciganer-Albéniz et par ailleurs président sortant, pense que c’est un sujet très grave et que l’État doit intervenir pour faire quelque chose.

Bon, on ne pourrait pas avoir trois bons films à la place ?

À la Mutu avec Sarkozy

La garde meurt, mais ne se rend pas. Dimanche à la Mutualité, entre les intellos de la montagne Sainte Geneviève et les excités de la paroisse Saint-Nicolas-du-Chardonnet, c’était ambiance « on luttera jusqu’au bout ».
Les militants UMP, emmenés par plusieurs groupes de jeunes qui avaient visiblement l’intention de motiver les troupes, sont remontés comme des pendules, avec l’envie d’en découdre scandée toutes les dix minutes par des chants collectifs (« on va gagner ! on va gagner ! », « Nicolas ! Nicolas ! » etc).

Les résultats apparaissent sur les écrans. Sarkozy n’est pas en tête. L’élection est écrite. Certains se hasardent à des calculs, additionnent les scores de Marine Le Pen et Bayrou à celui du chef, ce qui fait environ 52/53% des suffrages, largement ce qu’il faut ; Christine Boutin me dit : « La France est à droite, on va gagner, j’y crois », Guéant passe tout sourire et sans applaudissements, Fillon me serre la pince, il est mieux en vrai qu’à la télé, contrairement à Copé qui a la mâchoire de ses ambitions. Les deux sont très applaudis, et on attend, on attend, on attend des heures, des écrans géants retransmettent les escarmouches entre chapeaux à plumes sur les deux premières chaînes, les socialistes sont hués, les Le Pen sont écoutés. Les gens se serrent chaque minute un peu plus vers l’avant de la salle, il y a quelque chose de gênant à être parqués comme ça derrière des cordes, sans se voir offrir quoi que ce soit tandis que les caciques sont de l’autre côté, avec un buffet qui les attend au cinquième étage. Dans la fosse des militants s’infiltrent des journalistes goguenards qui nous posent des questions glissantes, auxquelles ils obtiennent des réponses stéréotypées, comme si tout le monde avait appris par cœur les fameux éléments de langage. Jeanette Bougrab passe, personne ne la reconnaît. Roselyne Bachelot s’est métamorphosée.

Guillaume Peltier est tout excité. De jeunes organisateurs nerveux scrutent la salle, on nous distribue des drapeaux. A la télé, Juppé s’engueule avec Aubry, il est acclamé une première fois, puis une seconde à son arrivée dans la salle. Passent la bande habituelle des Barbelivien & co, mines compassées, et l’avocat Thierry Herzog, un boxeur, qui avait défendu Sarkozy dans l’affaire Clearstream, et son fils Jean dans l’affaire du scooter. Jean est là aussi, moins flamboyant que lors de l’investiture paternelle en 2007 ; tout à coup Carla, qui court presque, il arrive.
Entre le messie, sans prévenir, directement par les coulisses de la scène, ouvrant les bras en faisant « merci » de la tête, après trois heures d’attente ; il est normal, très calme face à une salle est encore plus hystérique que ce que je craignais, quelqu’un fait un malaise. L’angle est clair : tous ceux qui aiment la patrie, avec moi !

Si la politique n’avait pas remplacé la guerre civile, ou plus simplement si Nicolas Sarkozy nous en avait donné l’ordre, à la Concorde une semaine auparavant comme dimanche à la Mutualité, nous aurions marché sur Vincennes, marché sur Solférino, pour un combat d’hommes à hommes. Le peuple de droite n’en peut plus. Le peuple de droite ne supporte plus de voir, contre son champion, tant de forces alliées. Il a résisté, le peuple de droite, parce qu’il est légitimiste et fidèle, à toutes les calomnies, à toutes les boules puantes, à l’acharnement des amuseurs, à la mauvaise foi du Grand Journal, à l’ignominie des Guignols, aux mensonges de Benoît Hamon, aux railleries civiques de Stéphane Hessel, à la bouleversante bêtise de Xavier Beauvois qui, comme l’a justement relevé Finkielkraut, est tellement aveuglé par l’idéologie dominante qu’il « ne voit pas ce qu’il filme ».

De tout ça la droite est harassée, exsangue, comme après cinq ans de siège, et c’est ce qui ressort à la Mutualité : nous sommes les derniers mais nous lutterons à mort. Nicolas Sarkozy a bel et bien joué à 9 contre un, personne ne peut prétendre le contraire. Mais à ces neuf, il faudrait ajouter l’ensemble des médias à l’exception du Figaro, puisque TF1 était soumis aux règles du CSA. Il faudrait ajouter l’ensemble des intellectuels, à l’exception du cher Jean d’O, qui de toute façon écrit… dans Le Figaro. Un exemple : dans un discours à Vaulx-en-Velin, le candidat socialiste a dit : « Les banlieues n’attendent pas de plan Marshall. D’ailleurs, elles ne savent même pas qui était M. Marshall. » Réaction de la presse ? Aucune, à l’exception du dernier numéro de Causeur. Imaginez une seconde que le président de la République ait affirmé une chose pareille : n’aurait-on pas entendu partout des cris d’indignation ? Jean Daniel ne se serait-il pas fendu d’un gros édito matraque ? Libération n’aurait-il pas fait une de ces unes militantes et stupides, pour ensuite démontrer par A+B, au moyen des statistiques fumeuses de Nonna Mayer ou autre propagandiste, que précisément dans les banlieues, on sait encore mieux qu’ailleurs qui est M. Marshall ? Fadela La Traîtresse n’en aurait-elle pas profité pour dire : voilà pourquoi je rejoins Hollande ? Mais c’est Hollande l’auteur de cette saillie méprisante, et tout le monde se tait.

Le mépris du camp socialiste, notamment incarné par cette manière exaspérante de désigner systématiquement Nicolas Sarkozy comme le « candidat sortant », va peut-être lui revenir au visage comme un boomerang. C’est du reste un vieux péché de la gauche, dont elle semble incapable de se départir : se croire toujours plus vertueuse, plus intelligente, plus cultivée, plus clairvoyante, plus bonne, plus du coté du Bien, que le reste du monde. Ce faisant elle attire contre elle une haine, une volonté, une force, une envie, une énergie. Nadine Morano dimanche soir a été ovationnée.

Sarkozy : sans garantie

On connaît les produits ménagers à obsolescence intégrée, délibérément conçus pour être dépassés au bout de quelques mois, de sorte que le consommateur a fini par intégrer l’idée que l’ordinateur, l’appareil-photo ou le robot-mixeur multitâches qu’il venait d’acheter devrait être inexorablement envoyé à la décharge avant même qu’il ait fini d’en maîtriser toutes les fonctionnalités. Nicolas Sarkozy a inventé la promesse électorale à obsolescence intégrée immédiate, la promesse biodégradable avant même d’avoir été utilisée, totalement écologique quoique pas durable du tout et moyennement citoyenne. La promesse qui, dans son énoncé même, vous assure – évidemment en petits caractères, indéchiffrables par l’électeur pressé – qu’elle ne sera pas tenue, parce qu’elle ne peut pas l’être. La promesse « deux en un », qui contient l’excuse qui sera avancée pour ne pas la tenir. Ce qui, avouons-le, est plutôt rassurant.[access capability= »lire_inedits »]

Prenons, par exemple, ce qui fut un temps présenté comme la carte maîtresse de la campagne sarkozyenne, la botte secrète qui allait réduire à néant les critiques sur le thème « Pourquoi ferait-il demain ce qu’il n’a pas fait hier ? » : le recours au référendum (je sais, ça paraît loin déjà, mais le problème de la politique sarkozyenne, avec sa manie de dégainer une idée par jour, c’est qu’une botte secrète chasse l’autre avant même que la première ait eu le temps d’imprimer le cortex de l’électeur). Le 15 février, lors de sa déclaration de candidature sur TF1, Sarkozy nous annonce donc qu’il a trouvé le remède-miracle à l’immobilisme et à l’obstruction des élites et des « corps intermédiaires » qui auraient empêché la rupture annoncée en 2007 de devenir réalité : l’appel au peuple par voie référendaire. Le candidat-président précise qu’on y aura recours « chaque fois qu’il y aura blocage ». Mais dans le même temps, il se vante qu’il n’y ait pas eu un seul blocage durant son quinquennat : « Jamais il n’y a eu de blocage, de violence, de réforme retirée par la rue », se réjouit-il le 6 mars sur le plateau de Des paroles et des actes.

Et de fait, le gouvernement a-t-il dû reculer face à une opposition monstre, comme en 1995, quand la France fut paralysée durant des semaines par le rejet de la réforme des régimes spéciaux de retraite ? L’Université a-t-elle été paralysée, comme elle l’avait été en 1986 par la révolte contre la loi Devaquet visant à y introduire la sélection ? Certes non. Mais s’il n’y a pas eu de « réforme retirée par la rue », n’est-ce pas parce qu’il n’y avait pas de réforme à retirer – du moins pas de réforme suffisamment ambitieuse pour choquer, bousculer, secouer, ébranler les « avantages acquis » et autres « conservatismes de tout poil ? » Si « jamais il n’y a eu de blocage », n’est-ce pas parce qu’il n’y a pas eu de loi que l’opposition aurait pu combattre en la qualifiant de « scélérate » ? En réalité, les blocages n’ont pas manqué, mais en amont : à chaque fois, ils ont été fomentés par les « élites » de l’Élysée, qui ont édulcoré et raboté, élimé et émasculé tous les projets, de manière à n’accoucher que de réformettes indolores et de quarts de rupture peu susceptibles de choquer qui que ce soit…

Autre exemple de promesse faite pour ne pas être tenue : à Villepinte, Sarkozy menace de suspendre la participation de la France aux accords de Schengen si, dans les douze mois qui viennent, « aucun progrès sérieux » n’est enregistré dans la gestion des flux migratoires. Étant entendu qu’il sera le seul juge des progrès et de leur sérieux. S’il observe la politique migratoire européenne avec les mêmes lunettes que celle de son propre gouvernement, les accords de Schengen peuvent dormir sur leurs deux oreilles…

Il faut aussi évoquer les promesses de campagne 2007, ressorties telles quelles, mot pour mot, en 2012, sans une parole d’explication sur le fait qu’elles se soient évaporées pendant cinq ans : il en va ainsi de l’interdiction des « parachutes dorés », qui devait être votée « dès l’été 2007 » ; de l’idée de faire travailler davantage les profs en les payant plus ; ou encore de l’instillation d’une dose de proportionnelle dans le mode de scrutin. Dans ce dernier cas, sont-ce les élites et les corps intermédiaires qui s’y sont opposés ? En tout cas, pas la commission Balladur installée par Nicolas Sarkozy pour réfléchir au toilettage des institutions : dans son rapport du 29 octobre 2007, elle préconisait justement l’introduction d’une dose de proportionnelle pour l’élection des députés. Enterrée sur décision personnelle du président Sarkozy, la réforme fait aujourd’hui partie des propositions du candidat Nicolas…

Autant dire que, s’ils s’y laissent prendre encore, les votants de 2007 pourront recycler intactes, comme d’autres leurs promesses, leurs jérémiades d’électeurs trompés. On frémit à l’idée de devoir supporter cela pendant cinq ans de plus. De quoi donner des envies d’exil, sinon fiscal, du moins auditif et électoral.[/access]

Arthaud vs Poutou : en avoir… ou pas

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En politique, une gauchiste peut en cacher un autre. C’est ce que la plupart des observateurs étrangers se disaient en s’offusquant de la présence de trois candidats d’extrême gauche aux élections présidentielles de 2002 et 2007. 2012 échappe à la règle dans la mesure où s’il a su faire main basse sur les voix de la gauche de la gauche, Mélenchon restera pour l’histoire le discret ministre à l’Enseignement professionnel du gouvernement le plus libéral de la Ve République puis la voiture-balai de Hollande en vue du second tour.

Cette année, les frères ennemis de Lutte Ouvrière et du Nouveau Parti Anticapitaliste (anciennement Ligue Communiste Révolutionnaire) se sont de nouveau distingués. Primo, par leur score, Philippe Poutou (1.15%) ayant amassé deux fois plus de suffrages que Nathalie Arthaud (0.56%). A l’heure de la tyrannie télévisuelle, la bonne bouille du premier – qui évoquait les séquestrations de patrons en rigolant – a probablement desservi la cote électorale de sa rivale – laquelle invectivait le grand capital un rictus de colère aux lèvres.

Secundo, après l’annonce des résultats du premier tour, Poutou a immédiatement appelé à voter « contre Sarkozy » tandis qu’Arthaud campait sur ses positions. « Ni Hollande ni Sarkozy » reste son credo, la candidate de LO déclarant même qu’elle voterait blanc pour ne pas se salir les mains avec un bulletin capitaliste. Douce surprise ? Loin du suivisme des Mélenchon et Poutou, Arthaud reproduit en fait les consignes de son mentor Arlette Laguiller qui, même en plein milieu de l’hystérie antifasciste de 2002, avait refusé de soutenir Jacques Chirac contre l’ogre Le Pen.

Comme quoi, le vieil adage machiste d’Hemingway donnerait presque raison à Osez le Féminisme : En avoir ou pas est peut-être le principal trait distinctif entre LO et le NPA.

Un seul espoir, la défaite

« Les choses du monde les plus déraisonnables deviennent les plus raisonnables à cause du dérèglement des hommes », notait Pascal dans ses Pensées. C’est pourquoi le premier tour de la présidentielle porte l’observateur impartial à conclure que, pour la droite, le seul espoir serait celui de la défaite.

Au soir du 22 avril, sur TF1, quelques minutes seulement après l’annonce des résultats, le patron de l’UMP, Jean-François Copé, l’air plus matois, plus rusé, plus Raminagrobis que jamais, déclarait comme une évidence que la droite avait recueilli 48 % des suffrages, soit environ 28 % pour le candidat Sarkozy, et 20 % pour Mme Le Pen… La droite ? Les choses on le sait, sont un peu plus complexes, et le Front National, tout comme son électorat, ne s’accommode qu’imparfaitement de la grille d’analyse classique et de la dichotomie droite/ gauche. Mais bon, admettons : une droite à 48 %. Une droite qui, si l’on y ajoute une partie des électeurs de François Bayrou et ceux de Dupont-Aignan, apparaît largement majoritaire : une droite qui, au regard du principe démocratique fondamental, un homme égale une voix, devrait donc l’emporter sur une gauche qui, tout compris, atteint péniblement les 40 %.

Le problème, c’est que cette droite, bien que majoritaire, continue d’être paralysée par la malédiction politico-morale pesant sur la prétendue « extrême droite ». Le fait que le programme de cette dernière ressemble comme deux gouttes d’eau à celui du RPR des années 80, que ses valeurs et ses références soient empruntées pour l’essentiel au général De Gaulle, que son leader, née 24 ans après la Libération, soit peu suspecte d’avoir collaboré avec les nazis, le fait enfin que bon nombre de ses cadres soient issus de la mouvance chevènementiste, n’y change rien. On ne dîne pas avec le diable, même avec une grande cuillère, et même quand ce n’est pas le diable : ce qui fait qu’en définitive, on ne mange pas très souvent. Le coup de génie de Mitterrand, plus machiavélique que jamais, qui permit au Front National de prendre son essor tout en prononçant un anathème perpétuel contre toute tentative d’alliance avec lui, a fragilisé la position de la droite depuis un quart de siècle- et ouvert régulièrement les portes du pouvoir à une gauche minoritaire. Mitterrand, qui croyait aux forces de l’esprit, en rigole encore. Le piège a fonctionné bien au-delà de ses espérances – avec la complicité résignée d’une droite dite républicaine qui n’a pas voulu prendre le risque de l’alliance et n’a en outre jamais osé retourner l’argument moral contre la gauche socialiste. En n’ayant pas eu l’audace de dénoncer l’alliance du PS avec le parti qui déclarait jadis que « Staline est l’homme que nous aimons le plus », la droite perdait automatiquement le droit de juger les autres.

En montant le piège où la droite modérée, Jacques Chirac en tête, s’empressa de tomber la tête la première, Mitterrand, fin connaisseur de l’histoire de France, dût songer à l’inimitié mortelle qui, au début des années 1870, opposa entre eux légitimistes et orléanistes, les deux groupes qui formaient alors la majorité monarchiste à l’Assemblée nationale. Une inimitié sans véritable justification politique, mais qui, à l’époque, permit à une minorité républicaine unie d’empêcher toute restauration de la monarchie, et de faire adopter la république par une majorité de royalistes qui en avaient horreur.
Cependant, avec un candidat frontiste qui, dépassant les 18 %, représente objectivement près de la moitié de la « droite », une telle situation n’est plus tenable. Elle ne l’est plus, sauf à se résigner à une attitude suicidaire, celle des royalistes de 1870. Du point de vue de la droite, il paraît donc urgent de faire « bouger les lignes », comme Jean-François Copé semble du reste l’avoir admis en parlant de cette droite comme d’un ensemble homogène- et en précisant qu’il n’y incluait pas les électeurs du Modem, ce qui suppose que ces derniers seraient au fond plus éloignés de l’UMP que ne le sont les électeurs frontistes… Si la droite constitue désormais un ensemble, et que, comme l’a fait le président Sarkozy dès le soir du premier tour, on peut piocher dans le programme frontiste sans avoir à s’en excuser, qu’est-ce qui empêche de faire sauter les verrous, et de considérer que le Front National est un mouvement comme un autre, avec lequel on peut débattre, négocier et même s’allier sans perdre son âme ?

Ce qui l’empêche ? Un quart de siècle d’habitudes, de réflexes, de pudeurs et de soumission à ce que ses adversaires ont défini comme politiquement correct. Et comment déraciner tout cela ? Sans doute en éprouvant soi-même, très concrètement, les conséquences inévitables d’une telle attitude : bref, en perdant des élections que, numériquement, on aurait dû remporter. La potion est amère, et c’est sans gaieté de cœur que la droite devrait se résigner à la prendre : un électrochoc n’est jamais plaisant. Mais y a-t-il un autre moyen, pour elle, de s’extirper enfin du piège inventé par François Mitterrand ? Et y aura-t-il d’autres occasions ? C’est après leurs cuisantes défaites électorales de 1876 et 1879 que les royalistes de la IIIe République renoncèrent enfin à leurs dissensions, et acceptèrent de constituer un grand mouvement conservateur. Malheureusement, il était trop tard, l’heure était passée…

Marine Le Pen : la stratégie de la tortue

Ah ! ça ira, ça ira, ça ira, les fascistes à la lanterne, chantait en substance Jean-Luc Mélenchon avant le premier tour, avec la confusion idéologique qui le caractérise. Car le quatrième homme de la présidentielle, renvoyé dans les cordes avec un modeste score à deux chiffres, se fourvoie copieusement lorsqu’il perçoit en Marine Le Pen l’héritière de la droite (contre)-révolutionnaire. Pour comprendre les ressorts du vote FN dernier cru, les bateleurs du Front de gauche gagneraient davantage à (re)lire les études socio-démographiques de Christophe Guilluy que les œuvres complètes de Thierry Maulnier et Dominique Venner. On pourrait en dire autant du grand gagnant du jour : François Hollande se borne à dire que « Sarkozy a fait le jeu du Front National ». Un peu court, jeune homme.

Cette parenthèse refermée, une chose est sûre : quelle que soit l’étiquette qu’on lui colle, la présidente du Front National récolte les fruits de sa stratégie de dédiabolisation, si décriée en cette fin de campagne. Finalement, comme me le soufflait l’inspiré David Desgouilles avant même l’annonce officielle des résultats, une partie non négligeable des intentions de vote en faveur du Front de Gauche dissimulait sans doute une frange de gaucho-lepénistes honteux. Mélenchon favorisé par l’élite sondagière : un comble pour un populiste ! Idem pour François Bayrou, tout aussi surévalué. Il sera toujours temps de revenir sur la tyrannie des sondages, que l’auteur de ces lignes a trop souvent considéré comme des prophéties autoréalisatrices (mea culpa…). Après tout, comme le disait Bourdieu, « l’opinion publique n’existe pas » : les sondages mesurent bien quelque chose. Le seul hic, c’est qu’on ne sait jamais vraiment ce qu’ils représentent : une photographie de l’opinion ou le biais des sondeurs, ballotés entre panurgisme et franc pifomètre.

Il n’empêche. A défaut d’être une faiseuse de roi, Marine Le Pen compte bien faire fructifier son excellent score – réalisé avec seulement 19.5% d’abstention, signe que le vote FN est désormais plus qu’un cri de protestation- pour détricoter la droite parlementaire. Elle a évidemment tout intérêt à ne pas prendre position pour le second tour, sauf à estimer publiquement que « Sarkozy, c’est Hollande en pire »[1. Pour reprendre une vieille pique de son père à l’égard de Chirac]. Ses seconds couteaux, de Nicolas Bay à Louis Aliot, distillent d’ailleurs des éléments de langage bien rodés : ne pas choisir entre bonnet blanc et blanc bonnet « mondialistes », rejeter « l’UMPS » en bloc. Peu leur chaut que 52% des électeurs frontistes optent pour Sarkozy au second tour et seulement 27% en faveur de Hollande. Pour parler franc, le FN mariniste attend et espère la défaite du camp présidentiel, l’explosion de l’UMP qui s’ensuivra et la recomposition du paysage politique également annoncée et rêvée par François Bayrou.

Imaginez une défaite cuisante du président sortant : la Droite Populaire appellerait aussi sec à un « droit d’inventaire » du sarkozysme et se poserait de douloureuses questions tactiques en vue des législatives. Que le Gard ait accordé la plus grosse part des suffrages à Marine Le Pen ne doit pas laisser indifférent les députés droite-pop du sud, ces « pizzaïolos » qui, par un prompt renfort, pourraient garnir le panier d’un FN élargi. Voilà le fantasme des Paul-Marie Coûteaux et consorts, qui se rêvent en entremetteurs depuis plusieurs mois. Dans l’hypothèse d’une lune de miel FN-droite pop, l’aile « humaniste » et « centriste » de l’UMP pourrait alors décamper au profit du modeste François Bayrou (seulement 9% ce soir) ou même d’un bébé Chirac refusant toute compromission avec la Bête Immonde.
« Rien ne sera plus jamais comme avant » nous prédit Marine Le Pen. Cassandre lui répliquerait que François Bayrou ânonnait les mêmes mots après son feu follet de 2007. Moins narquois, nous scruterons de près les résultats des prochaines législatives, dans lesquelles Mélenchon place lui aussi tous ses espoirs, espérant y trouver quelque compensation à son piteux ralliement à Hollande « sans aucune contrepartie » programmatique.

En 2007, plus encore que la déconvenue présidentielle, le FN avait financièrement pâti de sa débandade législative avant de ronger son frein pendant cinq ans. En réalisant des scores à deux chiffres dans les zones rurales et péri-urbaines, les candidats du futur bloc mariniste devraient garantir la pérennité de ce qui pourrait bien constituer la principale force d’opposition droitière au hollandisme. En 2017, face à une gauche qui se sera contenté de « donner du sens à la rigueur », moyennant quelques hochets sociétaux lâchés aux dociles alliés verts et communistes, Marine Le Pen matérialisera son ancien rêve de candidate : affronter la parfaite incarnation des élites « socialistes » mondialisées. Mais cette fois-ci, Dominique s’appellera François.

Hollande n’a pas peur du débat, mais il a peur des trois débats

Pas question de déroger à la règle et de mettre à mal la tradition du sacrosaint débat entre les deux tours. Non, il n’y aura qu’un seul et unique débat et puis basta, telle est la position de François Hollande qui refuse de croiser le fer trois fois de suite comme l’y appelle Nicolas Sarkozy.

Cette désertion devant l’affrontement des idées, vaut bien un petit néologisme dans l’esprit ségolennien. C’est la « lâchitude » hollandiste. Le favori ne veut surtout pas se risquer à ferrailler avec son adversaire comme s’il avait peur d’être poussé dans ses retranchements et d’exposer les faiblesses de son programme aux yeux des Français. Comme un joueur de tennis qui mène de très peu et qui est a deux doigts de remporter le match, il se ménage et ne fait pas le malin avec la balle. Ce qui compte ce sont les points qu’il a capitalisés.

Mais, au-delà de la crainte de découvrir que la rhétorique hollandiste se révèle in fine moins bien huilée que prévue, les socialistes font preuve d’un beau mépris à la fois en piétinant la conscience politique des citoyens électeurs mais également en sous-estimant la gravité des enjeux du moment.

En effet, se dérober aux débats ne revient-il pas à priver les citoyens français d’exercer leur capacité de juger, à aliéner leur liberté de se forger une opinion un peu plus réfléchie car plus nourrie par le choc des arguments ? Il est donc tordant de voir que ceux qui se présentent comme des progressistes sont en réalité des conservateurs dogmatiques. Leur arrogance imbuvable les conduisent peut-être à penser que les jeux sont déjà faits, que le deuxième tour est une simple formalité et que trois débats ne changeront rien.

François Hollande a mécaniquement répété comme tous les autres candidats « La France vit un tournant de son histoire » sans être vraiment convaincu par ce qu’il disait. Parce que si ses paroles l’avaient engagé, il aurait été d’accord avec son challenger et aurait convenu que des sujets aussi graves que la crise de la zone euro, la relance de la croissance, le rôle de la France dans le conflit syrien, ou encore la nouvelle configuration des relations avec Etats-Unis si Obama n’est pas réélu, méritaient autant d’heures de débat que la primaire socialiste.

Les jeunes préfèrent la blonde

Salauds de jeunes ! On les flatte, on les plaint, on les caresse dans le sens du poil, on leur promet monts et merveilles, on se désole de leurs journées d’école trop longues, on s’inquiète pour leur retraite, on leur demande pardon de leur laisser un monde aussi horrible. Et tout ça pour quoi ? Pour qu’ils votent Le Pen ! Ces ingrats ne respectent rien.

Il faut dire qu’après avoir interrogé tous les candidats dans toutes les configurations sur tous les sujets, les journalistes commencent à tourner en rond – et les électeurs avec eux. Certes, les principaux candidats ayant tous adopté la méthode Sarkozy de 2007, leurs équipes fournissent gracieusement les vidéos de meeting montrant que les salles sont archicombles et l’ambiance fraternelle. Plus de bisbilles entre ministres, de regards édifiants ou de siestes improvisées volées par des caméras fureteuses : nos télévisions diffusent (gratuitement) des films publicitaires vantant les mérites des marques « Hollande », « Sarkozy », « Le Pen » ou autres. Mais même agrémentés de drapeaux tricolores et de Marseillaise s’élevant de milliers de poitrines, ces spectacles calibrés finissent par lasser.[access capability= »lire_inedits »]

Heureusement, grâce aux sondages, il se passe toujours quelque chose. « Numéro 2 remonte et… eh oui !! Il passe en première position, tandis qu’à quelques encablures derrière lui, 3,4 et 5 se disputent la troisième place, quel suspense !!! » Les sondages ne sont pas le reflet de l’événement, ils sont l’événement. Ainsi, le croisement des courbes d’intentions de vote respectives en faveur de François Hollande et de Nicolas Sarkozy a-t-il été salué par les confrères comme de début d’une nouvelle phase de la campagne. On comprend qu’en plein week-end de Pâques, l’enquête CSA créditant Marine Le Pen de 26 % des voix parmi les 18/24 ans ait suscité une certaine gourmandise – évidemment teintée de réprobation.

Il est vrai que ce n’est pas tous les jours qu’on peut les engueuler, ces jeunes, depuis qu’il a été décrété qu’ils étaient situés au sommet de la hiérarchie des victimes. Dans l’imaginaire des élites, il existe deux genres de jeunes : le « racaille » de banlieue, souvent (mais pas toujours) issu de l’immigration, et l’étudiant Erasmus, généralement de gauche et toujours anti-FN. Quand le premier fait des bêtises, c’est parce qu’il est victime de l’exclusion, quand le second paresse en fac, c’est, au choix, parce qu’il a dû prendre un petit boulot pour payer ses études, parce que de toute façon il sera chômeur ou encore parce que le règne de l’argent le dégoûte – sans compter que ses parents refusent de lui acheter le dernier iPhone alors que le sien a déjà six mois. D’accord, j’exagère un chouia : pour les enfants des classes moyennes et populaires, l’entrée dans la vie professionnelle, donc adulte, est un parcours du combattant jalonné de stages non payés et d’emplois précaires. Ils seraient de surcroît en droit de demander des comptes à leurs aînés qui ont renoncé à leur transmettre l’héritage exigeant que constituent la langue et la littérature françaises, échoué à leur prouver que l’effort pouvait être un réconfort, oublié de leur expliquer que l’humain, même jeune, n’était pas seulement un être nanti de « droits acquis » – par d’autres que lui.

En tout cas, ces jeunes lepénistes n’étaient pas prévus au programme. En réalité, cela fait des années que le FN réalise, chez les jeunes comme chez les ouvriers, des scores plus élevés que sa moyenne nationale. Concernant les ouvriers, on pouvait encore s’en sortir en expliquant que ces pauvres ne comprenaient rien aux joies de l’ouverture à l’autre – ce n’est pas de leur faute : ils sont pauvres. Mais de la part des jeunes, c’est une trahison. Dans Le Monde (qui a publié en « une » cette affolante information), la sociologue de service explique pourquoi, en quelques mois, Marine Le Pen est passée de 13 à 26 % des intentions de vote tandis que François Hollande chutait de 39 à 13 % : « Au début de sa campagne, M. Hollande a mis, comme jamais aucun candidat à la présidentielle avant lui, la jeunesse au cœur de son projet. Depuis, on l’entend moins sur ce thème, d’où le décrochage. » En somme, ils s’énervent parce qu’on ne parle pas assez d’eux. Voilà qui est rassurant : certes, ils votent mal, mais mettons ce péché sur le compte de leur jeunesse. Quand ils seront grands, ils seront des ayants droit comme les autres.[/access]

Cannabis : Rachida Dati est bien plus cool que Nicolas Sarkozy

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On le sait, Nicolas Sarkozy a exigé et obtenu que Rachida Dati soit extrêmement visible dans cette dernière étape de la campagne, quitte à faire de la peine à son concurrent du VIIème arrondissement, François Fillon, dont l’appel au vote d’hier soir en faveur du candidat de l’effort, des sacrifices et de l’austérité n’était pas vraiment en ligne avec les « éléments de langage » fixés par le patron, ceci expliquant peut-être cela.

Toujours est-il que pour sa sortie du purgatoire, Rachida a fait très fort : invitée de Maïtena Biraben en tant que représentante du président sortant à la matinale de Canal, elle s’est pointée dans le studio avec une tenue qui ne pouvait passer inaperçue. Sauf que cette fois, ce ne sont ni ses Loubout’, ni son sac, ni sa jupe fendue qui attiraient l’attention, mais son gilet, orné d’un gigantesque motif que connaissent par cœur tous les ados et les gendarmes du pays :

Apparemment, Maïtena connaissait elle aussi la signification de ce logo ce qui donna lieu à cet épatant dialogue de dupes :

Rachida Dati : Ce n’est pas une feuille de cannabis. Vous inquiétez pas, j’ai fait attention.

Maïtena Biraben : C’est donc une feuille de ?

RD : Ca n’est pas une feuille de cannabis

MB : Du chanvre ?

RD : Ca n’est pas du chanvre non plus

MB : C’est de l’eucalyptus ?

RD : Voilà, et l’eucalyptus ça calme

Pour ceux qui seraient tentés de croire ce dernier portnawak botanique , voilà à quoi ressemble une feuille d’eucalyptus.

Mais peut-être que Rachida ne savait pas que toute promo en faveur de la marijuana est punie par la loi ? Pour son prochain anniversaire, faudrait voir à lui offrir un joli Code de la santé publique de chez Dalloz, assorti à la la semelle de ses souliers. Rappelons que l’ article L3421-4 du dit code stipule que « La provocation à l’usage ou au trafic de stupéfiants, par la publicité ou l’incitation ou la présentation sous un jour favorable des produits classés stupéfiants, (quel que soit le support choisi : vêtements, bijoux, livres, etc.) est punie de cinq ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende, même si l’incitation est restée sans effet.»

Les vrais chiffres de la présidentielle

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C’est marrant, ce matin on croule sous les chiffres, mais j’ai beau zapper comme un épileptique, je ne retrouve nulle part les pourcentages les plus significatifs, enfin ceux qui me paraissent tels : n’étant ni candidat, ni sondeur, je n’ai pas vocation à avoir toujours raison.

Le premier chiffre qui attire mon attention, c’est 55 % : le score obtenu conjointement par MM. Hollande et Sarkozy. C’est-à-dire un peu moins que la moitié des inscrits[1. je dis bien les inscrits et non pas les votants] à eux deux. Aucun chiffre ne peut mieux exprimer l’existence de deux France pour le prix d’une. Une France qui grosso modo est satisfaite de son sort et une qui, pour reprendre l’excellente expression de Jean-Luc Mélenchon, veut renverser la table. Depuis des mois, je répète que les politiques que suivront les deux désormais finalistes ne divergent qu’à la marge. Il semble que ce constat, quoique punk en apparence, soit partagé par près d’un électeur sur deux, et validé par les plus grandes marques d’abstentionnistes.

La suite logique de ce premier chiffre, c’est un constat un rien inquiétant : les options stratégiques (économie, social, Europe) de MM. Hollande et Sarkozy sont si radicalement contraires à celles des deux candidats arrivés troisième et quatrième, qu’on peut d’ores et déjà dire, sans avoir besoin des avis éclairés des instituts IPNOS ou OPIF[2. Copyrights Basile de Koch et Romain Pigenel] que le futur président de tous les Français ne représentera, en vrai, qu’un gros quart du corps électoral : pas de quoi grimper au rideau, fût-il tricolore ou bleu étoilé.

Les chiffres suivants sont plus anecdotiques, puisqu’ils concernent les scores de chaque candidat. On a eu tort de faire la fête rue de Solferino : le résultat de Hollande ne dépasse que de 2 points celui de Ségolène Royal : tout ça pour ça ? On a eu tort de faire la tête à la Mutualité : le différentiel – 522 000 voix seulement !- de premier tour n’a rien de catastrophique et passer en tête hier soir ne signifiait pas grand chose, en vrai. Mais là, Sarkozy n’a qu’à s’en prendre qu’à lui-même : c’est lui et lui seul qui a seriné à ses électeurs qu’il était décisif de « virer en tête » au premier tour. Au vu des résultats, les godillots de l’UMP ont donc remplacé dans leur bréviaire une métaphore sportive crétine par une métaphore sportive débile, l’essentiel, n’est-ce pas « c’est d’être qualifié pour la finale.» Hihihi…

Toujours au rayon balançoires, Marine Le Pen trimballe ses électeurs quand elle leur dit que les invisibles se sont désormais invités à la table des puissants (décidément, que de métaphores tablistiques ces jours-ci, sans doute à mettre en relation avec les audimats record des émissions de cuisine). Idem pour Mélenchon quand il prétend que ses 11% d’insatisfaits détiennent la clef du scrutin de dans quinze jours. Le peuple, celui de Marine comme celui de Jean-Luc, rentrera à la niche après ce premier tour, réduit à jouer la chair à canon pour deux candidats dont tout le sépare.

Il est certes plaisant de voir nos deux présidentiables draguer deux électorats qu’ils ont durant des mois, ignorés, méprisés, voire insultés. Des électeurs que je tiens, d’ores et déjà à rassurer : on n’aura pas la démondialisation si Hollande est élu, et on aura le mariage gay si Sarkozy est réélu.

D’ici là, les amis, amusez-vous bien. Pour ma part, j’irai voter, mais sans trop d’illusions : dans l’isoloir, le 6 mai prochain je garderai en tête la vision d’horreur du plateau de BFM hier soir, je vais avoir du mal à m’enthousiasmer pour le candidat d’Anne Sinclair ou celui de Jacques Séguéla.

Trois débats ? Mais pour quoi faire ?

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Premier débat

Il faut sauver le modèle social que le monde nous envie (™) et en particulier notre système de retraites. François « Flamby » Hollande, fossoyeur des comptes publics de Corrèze, propose un système de retraire géré par l’État, obligatoire et par répartition avec un âge de départ à la retraite à 60 ans tandis que S.A.I. Nicolas Ier, empereur de Neuilly-sur-Seine, propose un système de retraite géré par l’État, obligatoire et par répartition avec un âge de départ à la retraite à 62 ans. On imagine déjà la violence des échanges…

Deuxième round.

Tout ça, c’est à cause de la vilaine spéculation financière, de la mondialisation ultralibérale (copyright MLP/JLM), des traders, des paradis fiscaux et des banquiers (liste non-exhaustive et provisoire). Il faut donc instaurer un taxe sur les transactions financières pour leur montrer qui est le chef; non mais ! François Hollande, capitaine de pédalo, propose de taxer les transactions financières pour mettre fin à la spéculation tandis que Nicolas Sarkozy, Bonaparte de faible envergure, pense taxer les transactions financières pour obliger les marchés à réparer leurs bêtises. Il va y avoir du sang sur les murs.

Troisième débat

C’est le sujet le plus important de la décennie – que dis-je de la décennie, de l’Histoire de France ! – et c’est là qu’on va voir les lignes de fractures les plus profondes entre ces deux projets de société totalement antagonistes : doit-on accepter, oui ou non, que de la viande halal soit vendue sur le territoire de la République et, si oui, faut-il prévoir un étiquetage spécifique ? François Hollande, ex de Ségolène Royal et accessoirement candidat au second tour de la présidentielle, pense que non, que ça reviendrait à stigmatiser les musulmans tandis que Nicolas Sarkozy, ex de Madame Ciganer-Albéniz et par ailleurs président sortant, pense que c’est un sujet très grave et que l’État doit intervenir pour faire quelque chose.

Bon, on ne pourrait pas avoir trois bons films à la place ?

À la Mutu avec Sarkozy

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La garde meurt, mais ne se rend pas. Dimanche à la Mutualité, entre les intellos de la montagne Sainte Geneviève et les excités de la paroisse Saint-Nicolas-du-Chardonnet, c’était ambiance « on luttera jusqu’au bout ».
Les militants UMP, emmenés par plusieurs groupes de jeunes qui avaient visiblement l’intention de motiver les troupes, sont remontés comme des pendules, avec l’envie d’en découdre scandée toutes les dix minutes par des chants collectifs (« on va gagner ! on va gagner ! », « Nicolas ! Nicolas ! » etc).

Les résultats apparaissent sur les écrans. Sarkozy n’est pas en tête. L’élection est écrite. Certains se hasardent à des calculs, additionnent les scores de Marine Le Pen et Bayrou à celui du chef, ce qui fait environ 52/53% des suffrages, largement ce qu’il faut ; Christine Boutin me dit : « La France est à droite, on va gagner, j’y crois », Guéant passe tout sourire et sans applaudissements, Fillon me serre la pince, il est mieux en vrai qu’à la télé, contrairement à Copé qui a la mâchoire de ses ambitions. Les deux sont très applaudis, et on attend, on attend, on attend des heures, des écrans géants retransmettent les escarmouches entre chapeaux à plumes sur les deux premières chaînes, les socialistes sont hués, les Le Pen sont écoutés. Les gens se serrent chaque minute un peu plus vers l’avant de la salle, il y a quelque chose de gênant à être parqués comme ça derrière des cordes, sans se voir offrir quoi que ce soit tandis que les caciques sont de l’autre côté, avec un buffet qui les attend au cinquième étage. Dans la fosse des militants s’infiltrent des journalistes goguenards qui nous posent des questions glissantes, auxquelles ils obtiennent des réponses stéréotypées, comme si tout le monde avait appris par cœur les fameux éléments de langage. Jeanette Bougrab passe, personne ne la reconnaît. Roselyne Bachelot s’est métamorphosée.

Guillaume Peltier est tout excité. De jeunes organisateurs nerveux scrutent la salle, on nous distribue des drapeaux. A la télé, Juppé s’engueule avec Aubry, il est acclamé une première fois, puis une seconde à son arrivée dans la salle. Passent la bande habituelle des Barbelivien & co, mines compassées, et l’avocat Thierry Herzog, un boxeur, qui avait défendu Sarkozy dans l’affaire Clearstream, et son fils Jean dans l’affaire du scooter. Jean est là aussi, moins flamboyant que lors de l’investiture paternelle en 2007 ; tout à coup Carla, qui court presque, il arrive.
Entre le messie, sans prévenir, directement par les coulisses de la scène, ouvrant les bras en faisant « merci » de la tête, après trois heures d’attente ; il est normal, très calme face à une salle est encore plus hystérique que ce que je craignais, quelqu’un fait un malaise. L’angle est clair : tous ceux qui aiment la patrie, avec moi !

Si la politique n’avait pas remplacé la guerre civile, ou plus simplement si Nicolas Sarkozy nous en avait donné l’ordre, à la Concorde une semaine auparavant comme dimanche à la Mutualité, nous aurions marché sur Vincennes, marché sur Solférino, pour un combat d’hommes à hommes. Le peuple de droite n’en peut plus. Le peuple de droite ne supporte plus de voir, contre son champion, tant de forces alliées. Il a résisté, le peuple de droite, parce qu’il est légitimiste et fidèle, à toutes les calomnies, à toutes les boules puantes, à l’acharnement des amuseurs, à la mauvaise foi du Grand Journal, à l’ignominie des Guignols, aux mensonges de Benoît Hamon, aux railleries civiques de Stéphane Hessel, à la bouleversante bêtise de Xavier Beauvois qui, comme l’a justement relevé Finkielkraut, est tellement aveuglé par l’idéologie dominante qu’il « ne voit pas ce qu’il filme ».

De tout ça la droite est harassée, exsangue, comme après cinq ans de siège, et c’est ce qui ressort à la Mutualité : nous sommes les derniers mais nous lutterons à mort. Nicolas Sarkozy a bel et bien joué à 9 contre un, personne ne peut prétendre le contraire. Mais à ces neuf, il faudrait ajouter l’ensemble des médias à l’exception du Figaro, puisque TF1 était soumis aux règles du CSA. Il faudrait ajouter l’ensemble des intellectuels, à l’exception du cher Jean d’O, qui de toute façon écrit… dans Le Figaro. Un exemple : dans un discours à Vaulx-en-Velin, le candidat socialiste a dit : « Les banlieues n’attendent pas de plan Marshall. D’ailleurs, elles ne savent même pas qui était M. Marshall. » Réaction de la presse ? Aucune, à l’exception du dernier numéro de Causeur. Imaginez une seconde que le président de la République ait affirmé une chose pareille : n’aurait-on pas entendu partout des cris d’indignation ? Jean Daniel ne se serait-il pas fendu d’un gros édito matraque ? Libération n’aurait-il pas fait une de ces unes militantes et stupides, pour ensuite démontrer par A+B, au moyen des statistiques fumeuses de Nonna Mayer ou autre propagandiste, que précisément dans les banlieues, on sait encore mieux qu’ailleurs qui est M. Marshall ? Fadela La Traîtresse n’en aurait-elle pas profité pour dire : voilà pourquoi je rejoins Hollande ? Mais c’est Hollande l’auteur de cette saillie méprisante, et tout le monde se tait.

Le mépris du camp socialiste, notamment incarné par cette manière exaspérante de désigner systématiquement Nicolas Sarkozy comme le « candidat sortant », va peut-être lui revenir au visage comme un boomerang. C’est du reste un vieux péché de la gauche, dont elle semble incapable de se départir : se croire toujours plus vertueuse, plus intelligente, plus cultivée, plus clairvoyante, plus bonne, plus du coté du Bien, que le reste du monde. Ce faisant elle attire contre elle une haine, une volonté, une force, une envie, une énergie. Nadine Morano dimanche soir a été ovationnée.

Sarkozy : sans garantie

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On connaît les produits ménagers à obsolescence intégrée, délibérément conçus pour être dépassés au bout de quelques mois, de sorte que le consommateur a fini par intégrer l’idée que l’ordinateur, l’appareil-photo ou le robot-mixeur multitâches qu’il venait d’acheter devrait être inexorablement envoyé à la décharge avant même qu’il ait fini d’en maîtriser toutes les fonctionnalités. Nicolas Sarkozy a inventé la promesse électorale à obsolescence intégrée immédiate, la promesse biodégradable avant même d’avoir été utilisée, totalement écologique quoique pas durable du tout et moyennement citoyenne. La promesse qui, dans son énoncé même, vous assure – évidemment en petits caractères, indéchiffrables par l’électeur pressé – qu’elle ne sera pas tenue, parce qu’elle ne peut pas l’être. La promesse « deux en un », qui contient l’excuse qui sera avancée pour ne pas la tenir. Ce qui, avouons-le, est plutôt rassurant.[access capability= »lire_inedits »]

Prenons, par exemple, ce qui fut un temps présenté comme la carte maîtresse de la campagne sarkozyenne, la botte secrète qui allait réduire à néant les critiques sur le thème « Pourquoi ferait-il demain ce qu’il n’a pas fait hier ? » : le recours au référendum (je sais, ça paraît loin déjà, mais le problème de la politique sarkozyenne, avec sa manie de dégainer une idée par jour, c’est qu’une botte secrète chasse l’autre avant même que la première ait eu le temps d’imprimer le cortex de l’électeur). Le 15 février, lors de sa déclaration de candidature sur TF1, Sarkozy nous annonce donc qu’il a trouvé le remède-miracle à l’immobilisme et à l’obstruction des élites et des « corps intermédiaires » qui auraient empêché la rupture annoncée en 2007 de devenir réalité : l’appel au peuple par voie référendaire. Le candidat-président précise qu’on y aura recours « chaque fois qu’il y aura blocage ». Mais dans le même temps, il se vante qu’il n’y ait pas eu un seul blocage durant son quinquennat : « Jamais il n’y a eu de blocage, de violence, de réforme retirée par la rue », se réjouit-il le 6 mars sur le plateau de Des paroles et des actes.

Et de fait, le gouvernement a-t-il dû reculer face à une opposition monstre, comme en 1995, quand la France fut paralysée durant des semaines par le rejet de la réforme des régimes spéciaux de retraite ? L’Université a-t-elle été paralysée, comme elle l’avait été en 1986 par la révolte contre la loi Devaquet visant à y introduire la sélection ? Certes non. Mais s’il n’y a pas eu de « réforme retirée par la rue », n’est-ce pas parce qu’il n’y avait pas de réforme à retirer – du moins pas de réforme suffisamment ambitieuse pour choquer, bousculer, secouer, ébranler les « avantages acquis » et autres « conservatismes de tout poil ? » Si « jamais il n’y a eu de blocage », n’est-ce pas parce qu’il n’y a pas eu de loi que l’opposition aurait pu combattre en la qualifiant de « scélérate » ? En réalité, les blocages n’ont pas manqué, mais en amont : à chaque fois, ils ont été fomentés par les « élites » de l’Élysée, qui ont édulcoré et raboté, élimé et émasculé tous les projets, de manière à n’accoucher que de réformettes indolores et de quarts de rupture peu susceptibles de choquer qui que ce soit…

Autre exemple de promesse faite pour ne pas être tenue : à Villepinte, Sarkozy menace de suspendre la participation de la France aux accords de Schengen si, dans les douze mois qui viennent, « aucun progrès sérieux » n’est enregistré dans la gestion des flux migratoires. Étant entendu qu’il sera le seul juge des progrès et de leur sérieux. S’il observe la politique migratoire européenne avec les mêmes lunettes que celle de son propre gouvernement, les accords de Schengen peuvent dormir sur leurs deux oreilles…

Il faut aussi évoquer les promesses de campagne 2007, ressorties telles quelles, mot pour mot, en 2012, sans une parole d’explication sur le fait qu’elles se soient évaporées pendant cinq ans : il en va ainsi de l’interdiction des « parachutes dorés », qui devait être votée « dès l’été 2007 » ; de l’idée de faire travailler davantage les profs en les payant plus ; ou encore de l’instillation d’une dose de proportionnelle dans le mode de scrutin. Dans ce dernier cas, sont-ce les élites et les corps intermédiaires qui s’y sont opposés ? En tout cas, pas la commission Balladur installée par Nicolas Sarkozy pour réfléchir au toilettage des institutions : dans son rapport du 29 octobre 2007, elle préconisait justement l’introduction d’une dose de proportionnelle pour l’élection des députés. Enterrée sur décision personnelle du président Sarkozy, la réforme fait aujourd’hui partie des propositions du candidat Nicolas…

Autant dire que, s’ils s’y laissent prendre encore, les votants de 2007 pourront recycler intactes, comme d’autres leurs promesses, leurs jérémiades d’électeurs trompés. On frémit à l’idée de devoir supporter cela pendant cinq ans de plus. De quoi donner des envies d’exil, sinon fiscal, du moins auditif et électoral.[/access]

Arthaud vs Poutou : en avoir… ou pas

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En politique, une gauchiste peut en cacher un autre. C’est ce que la plupart des observateurs étrangers se disaient en s’offusquant de la présence de trois candidats d’extrême gauche aux élections présidentielles de 2002 et 2007. 2012 échappe à la règle dans la mesure où s’il a su faire main basse sur les voix de la gauche de la gauche, Mélenchon restera pour l’histoire le discret ministre à l’Enseignement professionnel du gouvernement le plus libéral de la Ve République puis la voiture-balai de Hollande en vue du second tour.

Cette année, les frères ennemis de Lutte Ouvrière et du Nouveau Parti Anticapitaliste (anciennement Ligue Communiste Révolutionnaire) se sont de nouveau distingués. Primo, par leur score, Philippe Poutou (1.15%) ayant amassé deux fois plus de suffrages que Nathalie Arthaud (0.56%). A l’heure de la tyrannie télévisuelle, la bonne bouille du premier – qui évoquait les séquestrations de patrons en rigolant – a probablement desservi la cote électorale de sa rivale – laquelle invectivait le grand capital un rictus de colère aux lèvres.

Secundo, après l’annonce des résultats du premier tour, Poutou a immédiatement appelé à voter « contre Sarkozy » tandis qu’Arthaud campait sur ses positions. « Ni Hollande ni Sarkozy » reste son credo, la candidate de LO déclarant même qu’elle voterait blanc pour ne pas se salir les mains avec un bulletin capitaliste. Douce surprise ? Loin du suivisme des Mélenchon et Poutou, Arthaud reproduit en fait les consignes de son mentor Arlette Laguiller qui, même en plein milieu de l’hystérie antifasciste de 2002, avait refusé de soutenir Jacques Chirac contre l’ogre Le Pen.

Comme quoi, le vieil adage machiste d’Hemingway donnerait presque raison à Osez le Féminisme : En avoir ou pas est peut-être le principal trait distinctif entre LO et le NPA.

Un seul espoir, la défaite

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« Les choses du monde les plus déraisonnables deviennent les plus raisonnables à cause du dérèglement des hommes », notait Pascal dans ses Pensées. C’est pourquoi le premier tour de la présidentielle porte l’observateur impartial à conclure que, pour la droite, le seul espoir serait celui de la défaite.

Au soir du 22 avril, sur TF1, quelques minutes seulement après l’annonce des résultats, le patron de l’UMP, Jean-François Copé, l’air plus matois, plus rusé, plus Raminagrobis que jamais, déclarait comme une évidence que la droite avait recueilli 48 % des suffrages, soit environ 28 % pour le candidat Sarkozy, et 20 % pour Mme Le Pen… La droite ? Les choses on le sait, sont un peu plus complexes, et le Front National, tout comme son électorat, ne s’accommode qu’imparfaitement de la grille d’analyse classique et de la dichotomie droite/ gauche. Mais bon, admettons : une droite à 48 %. Une droite qui, si l’on y ajoute une partie des électeurs de François Bayrou et ceux de Dupont-Aignan, apparaît largement majoritaire : une droite qui, au regard du principe démocratique fondamental, un homme égale une voix, devrait donc l’emporter sur une gauche qui, tout compris, atteint péniblement les 40 %.

Le problème, c’est que cette droite, bien que majoritaire, continue d’être paralysée par la malédiction politico-morale pesant sur la prétendue « extrême droite ». Le fait que le programme de cette dernière ressemble comme deux gouttes d’eau à celui du RPR des années 80, que ses valeurs et ses références soient empruntées pour l’essentiel au général De Gaulle, que son leader, née 24 ans après la Libération, soit peu suspecte d’avoir collaboré avec les nazis, le fait enfin que bon nombre de ses cadres soient issus de la mouvance chevènementiste, n’y change rien. On ne dîne pas avec le diable, même avec une grande cuillère, et même quand ce n’est pas le diable : ce qui fait qu’en définitive, on ne mange pas très souvent. Le coup de génie de Mitterrand, plus machiavélique que jamais, qui permit au Front National de prendre son essor tout en prononçant un anathème perpétuel contre toute tentative d’alliance avec lui, a fragilisé la position de la droite depuis un quart de siècle- et ouvert régulièrement les portes du pouvoir à une gauche minoritaire. Mitterrand, qui croyait aux forces de l’esprit, en rigole encore. Le piège a fonctionné bien au-delà de ses espérances – avec la complicité résignée d’une droite dite républicaine qui n’a pas voulu prendre le risque de l’alliance et n’a en outre jamais osé retourner l’argument moral contre la gauche socialiste. En n’ayant pas eu l’audace de dénoncer l’alliance du PS avec le parti qui déclarait jadis que « Staline est l’homme que nous aimons le plus », la droite perdait automatiquement le droit de juger les autres.

En montant le piège où la droite modérée, Jacques Chirac en tête, s’empressa de tomber la tête la première, Mitterrand, fin connaisseur de l’histoire de France, dût songer à l’inimitié mortelle qui, au début des années 1870, opposa entre eux légitimistes et orléanistes, les deux groupes qui formaient alors la majorité monarchiste à l’Assemblée nationale. Une inimitié sans véritable justification politique, mais qui, à l’époque, permit à une minorité républicaine unie d’empêcher toute restauration de la monarchie, et de faire adopter la république par une majorité de royalistes qui en avaient horreur.
Cependant, avec un candidat frontiste qui, dépassant les 18 %, représente objectivement près de la moitié de la « droite », une telle situation n’est plus tenable. Elle ne l’est plus, sauf à se résigner à une attitude suicidaire, celle des royalistes de 1870. Du point de vue de la droite, il paraît donc urgent de faire « bouger les lignes », comme Jean-François Copé semble du reste l’avoir admis en parlant de cette droite comme d’un ensemble homogène- et en précisant qu’il n’y incluait pas les électeurs du Modem, ce qui suppose que ces derniers seraient au fond plus éloignés de l’UMP que ne le sont les électeurs frontistes… Si la droite constitue désormais un ensemble, et que, comme l’a fait le président Sarkozy dès le soir du premier tour, on peut piocher dans le programme frontiste sans avoir à s’en excuser, qu’est-ce qui empêche de faire sauter les verrous, et de considérer que le Front National est un mouvement comme un autre, avec lequel on peut débattre, négocier et même s’allier sans perdre son âme ?

Ce qui l’empêche ? Un quart de siècle d’habitudes, de réflexes, de pudeurs et de soumission à ce que ses adversaires ont défini comme politiquement correct. Et comment déraciner tout cela ? Sans doute en éprouvant soi-même, très concrètement, les conséquences inévitables d’une telle attitude : bref, en perdant des élections que, numériquement, on aurait dû remporter. La potion est amère, et c’est sans gaieté de cœur que la droite devrait se résigner à la prendre : un électrochoc n’est jamais plaisant. Mais y a-t-il un autre moyen, pour elle, de s’extirper enfin du piège inventé par François Mitterrand ? Et y aura-t-il d’autres occasions ? C’est après leurs cuisantes défaites électorales de 1876 et 1879 que les royalistes de la IIIe République renoncèrent enfin à leurs dissensions, et acceptèrent de constituer un grand mouvement conservateur. Malheureusement, il était trop tard, l’heure était passée…

Marine Le Pen : la stratégie de la tortue

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Ah ! ça ira, ça ira, ça ira, les fascistes à la lanterne, chantait en substance Jean-Luc Mélenchon avant le premier tour, avec la confusion idéologique qui le caractérise. Car le quatrième homme de la présidentielle, renvoyé dans les cordes avec un modeste score à deux chiffres, se fourvoie copieusement lorsqu’il perçoit en Marine Le Pen l’héritière de la droite (contre)-révolutionnaire. Pour comprendre les ressorts du vote FN dernier cru, les bateleurs du Front de gauche gagneraient davantage à (re)lire les études socio-démographiques de Christophe Guilluy que les œuvres complètes de Thierry Maulnier et Dominique Venner. On pourrait en dire autant du grand gagnant du jour : François Hollande se borne à dire que « Sarkozy a fait le jeu du Front National ». Un peu court, jeune homme.

Cette parenthèse refermée, une chose est sûre : quelle que soit l’étiquette qu’on lui colle, la présidente du Front National récolte les fruits de sa stratégie de dédiabolisation, si décriée en cette fin de campagne. Finalement, comme me le soufflait l’inspiré David Desgouilles avant même l’annonce officielle des résultats, une partie non négligeable des intentions de vote en faveur du Front de Gauche dissimulait sans doute une frange de gaucho-lepénistes honteux. Mélenchon favorisé par l’élite sondagière : un comble pour un populiste ! Idem pour François Bayrou, tout aussi surévalué. Il sera toujours temps de revenir sur la tyrannie des sondages, que l’auteur de ces lignes a trop souvent considéré comme des prophéties autoréalisatrices (mea culpa…). Après tout, comme le disait Bourdieu, « l’opinion publique n’existe pas » : les sondages mesurent bien quelque chose. Le seul hic, c’est qu’on ne sait jamais vraiment ce qu’ils représentent : une photographie de l’opinion ou le biais des sondeurs, ballotés entre panurgisme et franc pifomètre.

Il n’empêche. A défaut d’être une faiseuse de roi, Marine Le Pen compte bien faire fructifier son excellent score – réalisé avec seulement 19.5% d’abstention, signe que le vote FN est désormais plus qu’un cri de protestation- pour détricoter la droite parlementaire. Elle a évidemment tout intérêt à ne pas prendre position pour le second tour, sauf à estimer publiquement que « Sarkozy, c’est Hollande en pire »[1. Pour reprendre une vieille pique de son père à l’égard de Chirac]. Ses seconds couteaux, de Nicolas Bay à Louis Aliot, distillent d’ailleurs des éléments de langage bien rodés : ne pas choisir entre bonnet blanc et blanc bonnet « mondialistes », rejeter « l’UMPS » en bloc. Peu leur chaut que 52% des électeurs frontistes optent pour Sarkozy au second tour et seulement 27% en faveur de Hollande. Pour parler franc, le FN mariniste attend et espère la défaite du camp présidentiel, l’explosion de l’UMP qui s’ensuivra et la recomposition du paysage politique également annoncée et rêvée par François Bayrou.

Imaginez une défaite cuisante du président sortant : la Droite Populaire appellerait aussi sec à un « droit d’inventaire » du sarkozysme et se poserait de douloureuses questions tactiques en vue des législatives. Que le Gard ait accordé la plus grosse part des suffrages à Marine Le Pen ne doit pas laisser indifférent les députés droite-pop du sud, ces « pizzaïolos » qui, par un prompt renfort, pourraient garnir le panier d’un FN élargi. Voilà le fantasme des Paul-Marie Coûteaux et consorts, qui se rêvent en entremetteurs depuis plusieurs mois. Dans l’hypothèse d’une lune de miel FN-droite pop, l’aile « humaniste » et « centriste » de l’UMP pourrait alors décamper au profit du modeste François Bayrou (seulement 9% ce soir) ou même d’un bébé Chirac refusant toute compromission avec la Bête Immonde.
« Rien ne sera plus jamais comme avant » nous prédit Marine Le Pen. Cassandre lui répliquerait que François Bayrou ânonnait les mêmes mots après son feu follet de 2007. Moins narquois, nous scruterons de près les résultats des prochaines législatives, dans lesquelles Mélenchon place lui aussi tous ses espoirs, espérant y trouver quelque compensation à son piteux ralliement à Hollande « sans aucune contrepartie » programmatique.

En 2007, plus encore que la déconvenue présidentielle, le FN avait financièrement pâti de sa débandade législative avant de ronger son frein pendant cinq ans. En réalisant des scores à deux chiffres dans les zones rurales et péri-urbaines, les candidats du futur bloc mariniste devraient garantir la pérennité de ce qui pourrait bien constituer la principale force d’opposition droitière au hollandisme. En 2017, face à une gauche qui se sera contenté de « donner du sens à la rigueur », moyennant quelques hochets sociétaux lâchés aux dociles alliés verts et communistes, Marine Le Pen matérialisera son ancien rêve de candidate : affronter la parfaite incarnation des élites « socialistes » mondialisées. Mais cette fois-ci, Dominique s’appellera François.

Hollande n’a pas peur du débat, mais il a peur des trois débats

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Pas question de déroger à la règle et de mettre à mal la tradition du sacrosaint débat entre les deux tours. Non, il n’y aura qu’un seul et unique débat et puis basta, telle est la position de François Hollande qui refuse de croiser le fer trois fois de suite comme l’y appelle Nicolas Sarkozy.

Cette désertion devant l’affrontement des idées, vaut bien un petit néologisme dans l’esprit ségolennien. C’est la « lâchitude » hollandiste. Le favori ne veut surtout pas se risquer à ferrailler avec son adversaire comme s’il avait peur d’être poussé dans ses retranchements et d’exposer les faiblesses de son programme aux yeux des Français. Comme un joueur de tennis qui mène de très peu et qui est a deux doigts de remporter le match, il se ménage et ne fait pas le malin avec la balle. Ce qui compte ce sont les points qu’il a capitalisés.

Mais, au-delà de la crainte de découvrir que la rhétorique hollandiste se révèle in fine moins bien huilée que prévue, les socialistes font preuve d’un beau mépris à la fois en piétinant la conscience politique des citoyens électeurs mais également en sous-estimant la gravité des enjeux du moment.

En effet, se dérober aux débats ne revient-il pas à priver les citoyens français d’exercer leur capacité de juger, à aliéner leur liberté de se forger une opinion un peu plus réfléchie car plus nourrie par le choc des arguments ? Il est donc tordant de voir que ceux qui se présentent comme des progressistes sont en réalité des conservateurs dogmatiques. Leur arrogance imbuvable les conduisent peut-être à penser que les jeux sont déjà faits, que le deuxième tour est une simple formalité et que trois débats ne changeront rien.

François Hollande a mécaniquement répété comme tous les autres candidats « La France vit un tournant de son histoire » sans être vraiment convaincu par ce qu’il disait. Parce que si ses paroles l’avaient engagé, il aurait été d’accord avec son challenger et aurait convenu que des sujets aussi graves que la crise de la zone euro, la relance de la croissance, le rôle de la France dans le conflit syrien, ou encore la nouvelle configuration des relations avec Etats-Unis si Obama n’est pas réélu, méritaient autant d’heures de débat que la primaire socialiste.

Les jeunes préfèrent la blonde

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Salauds de jeunes ! On les flatte, on les plaint, on les caresse dans le sens du poil, on leur promet monts et merveilles, on se désole de leurs journées d’école trop longues, on s’inquiète pour leur retraite, on leur demande pardon de leur laisser un monde aussi horrible. Et tout ça pour quoi ? Pour qu’ils votent Le Pen ! Ces ingrats ne respectent rien.

Il faut dire qu’après avoir interrogé tous les candidats dans toutes les configurations sur tous les sujets, les journalistes commencent à tourner en rond – et les électeurs avec eux. Certes, les principaux candidats ayant tous adopté la méthode Sarkozy de 2007, leurs équipes fournissent gracieusement les vidéos de meeting montrant que les salles sont archicombles et l’ambiance fraternelle. Plus de bisbilles entre ministres, de regards édifiants ou de siestes improvisées volées par des caméras fureteuses : nos télévisions diffusent (gratuitement) des films publicitaires vantant les mérites des marques « Hollande », « Sarkozy », « Le Pen » ou autres. Mais même agrémentés de drapeaux tricolores et de Marseillaise s’élevant de milliers de poitrines, ces spectacles calibrés finissent par lasser.[access capability= »lire_inedits »]

Heureusement, grâce aux sondages, il se passe toujours quelque chose. « Numéro 2 remonte et… eh oui !! Il passe en première position, tandis qu’à quelques encablures derrière lui, 3,4 et 5 se disputent la troisième place, quel suspense !!! » Les sondages ne sont pas le reflet de l’événement, ils sont l’événement. Ainsi, le croisement des courbes d’intentions de vote respectives en faveur de François Hollande et de Nicolas Sarkozy a-t-il été salué par les confrères comme de début d’une nouvelle phase de la campagne. On comprend qu’en plein week-end de Pâques, l’enquête CSA créditant Marine Le Pen de 26 % des voix parmi les 18/24 ans ait suscité une certaine gourmandise – évidemment teintée de réprobation.

Il est vrai que ce n’est pas tous les jours qu’on peut les engueuler, ces jeunes, depuis qu’il a été décrété qu’ils étaient situés au sommet de la hiérarchie des victimes. Dans l’imaginaire des élites, il existe deux genres de jeunes : le « racaille » de banlieue, souvent (mais pas toujours) issu de l’immigration, et l’étudiant Erasmus, généralement de gauche et toujours anti-FN. Quand le premier fait des bêtises, c’est parce qu’il est victime de l’exclusion, quand le second paresse en fac, c’est, au choix, parce qu’il a dû prendre un petit boulot pour payer ses études, parce que de toute façon il sera chômeur ou encore parce que le règne de l’argent le dégoûte – sans compter que ses parents refusent de lui acheter le dernier iPhone alors que le sien a déjà six mois. D’accord, j’exagère un chouia : pour les enfants des classes moyennes et populaires, l’entrée dans la vie professionnelle, donc adulte, est un parcours du combattant jalonné de stages non payés et d’emplois précaires. Ils seraient de surcroît en droit de demander des comptes à leurs aînés qui ont renoncé à leur transmettre l’héritage exigeant que constituent la langue et la littérature françaises, échoué à leur prouver que l’effort pouvait être un réconfort, oublié de leur expliquer que l’humain, même jeune, n’était pas seulement un être nanti de « droits acquis » – par d’autres que lui.

En tout cas, ces jeunes lepénistes n’étaient pas prévus au programme. En réalité, cela fait des années que le FN réalise, chez les jeunes comme chez les ouvriers, des scores plus élevés que sa moyenne nationale. Concernant les ouvriers, on pouvait encore s’en sortir en expliquant que ces pauvres ne comprenaient rien aux joies de l’ouverture à l’autre – ce n’est pas de leur faute : ils sont pauvres. Mais de la part des jeunes, c’est une trahison. Dans Le Monde (qui a publié en « une » cette affolante information), la sociologue de service explique pourquoi, en quelques mois, Marine Le Pen est passée de 13 à 26 % des intentions de vote tandis que François Hollande chutait de 39 à 13 % : « Au début de sa campagne, M. Hollande a mis, comme jamais aucun candidat à la présidentielle avant lui, la jeunesse au cœur de son projet. Depuis, on l’entend moins sur ce thème, d’où le décrochage. » En somme, ils s’énervent parce qu’on ne parle pas assez d’eux. Voilà qui est rassurant : certes, ils votent mal, mais mettons ce péché sur le compte de leur jeunesse. Quand ils seront grands, ils seront des ayants droit comme les autres.[/access]

Cannabis : Rachida Dati est bien plus cool que Nicolas Sarkozy

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On le sait, Nicolas Sarkozy a exigé et obtenu que Rachida Dati soit extrêmement visible dans cette dernière étape de la campagne, quitte à faire de la peine à son concurrent du VIIème arrondissement, François Fillon, dont l’appel au vote d’hier soir en faveur du candidat de l’effort, des sacrifices et de l’austérité n’était pas vraiment en ligne avec les « éléments de langage » fixés par le patron, ceci expliquant peut-être cela.

Toujours est-il que pour sa sortie du purgatoire, Rachida a fait très fort : invitée de Maïtena Biraben en tant que représentante du président sortant à la matinale de Canal, elle s’est pointée dans le studio avec une tenue qui ne pouvait passer inaperçue. Sauf que cette fois, ce ne sont ni ses Loubout’, ni son sac, ni sa jupe fendue qui attiraient l’attention, mais son gilet, orné d’un gigantesque motif que connaissent par cœur tous les ados et les gendarmes du pays :

Apparemment, Maïtena connaissait elle aussi la signification de ce logo ce qui donna lieu à cet épatant dialogue de dupes :

Rachida Dati : Ce n’est pas une feuille de cannabis. Vous inquiétez pas, j’ai fait attention.

Maïtena Biraben : C’est donc une feuille de ?

RD : Ca n’est pas une feuille de cannabis

MB : Du chanvre ?

RD : Ca n’est pas du chanvre non plus

MB : C’est de l’eucalyptus ?

RD : Voilà, et l’eucalyptus ça calme

Pour ceux qui seraient tentés de croire ce dernier portnawak botanique , voilà à quoi ressemble une feuille d’eucalyptus.

Mais peut-être que Rachida ne savait pas que toute promo en faveur de la marijuana est punie par la loi ? Pour son prochain anniversaire, faudrait voir à lui offrir un joli Code de la santé publique de chez Dalloz, assorti à la la semelle de ses souliers. Rappelons que l’ article L3421-4 du dit code stipule que « La provocation à l’usage ou au trafic de stupéfiants, par la publicité ou l’incitation ou la présentation sous un jour favorable des produits classés stupéfiants, (quel que soit le support choisi : vêtements, bijoux, livres, etc.) est punie de cinq ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende, même si l’incitation est restée sans effet.»

Les vrais chiffres de la présidentielle

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C’est marrant, ce matin on croule sous les chiffres, mais j’ai beau zapper comme un épileptique, je ne retrouve nulle part les pourcentages les plus significatifs, enfin ceux qui me paraissent tels : n’étant ni candidat, ni sondeur, je n’ai pas vocation à avoir toujours raison.

Le premier chiffre qui attire mon attention, c’est 55 % : le score obtenu conjointement par MM. Hollande et Sarkozy. C’est-à-dire un peu moins que la moitié des inscrits[1. je dis bien les inscrits et non pas les votants] à eux deux. Aucun chiffre ne peut mieux exprimer l’existence de deux France pour le prix d’une. Une France qui grosso modo est satisfaite de son sort et une qui, pour reprendre l’excellente expression de Jean-Luc Mélenchon, veut renverser la table. Depuis des mois, je répète que les politiques que suivront les deux désormais finalistes ne divergent qu’à la marge. Il semble que ce constat, quoique punk en apparence, soit partagé par près d’un électeur sur deux, et validé par les plus grandes marques d’abstentionnistes.

La suite logique de ce premier chiffre, c’est un constat un rien inquiétant : les options stratégiques (économie, social, Europe) de MM. Hollande et Sarkozy sont si radicalement contraires à celles des deux candidats arrivés troisième et quatrième, qu’on peut d’ores et déjà dire, sans avoir besoin des avis éclairés des instituts IPNOS ou OPIF[2. Copyrights Basile de Koch et Romain Pigenel] que le futur président de tous les Français ne représentera, en vrai, qu’un gros quart du corps électoral : pas de quoi grimper au rideau, fût-il tricolore ou bleu étoilé.

Les chiffres suivants sont plus anecdotiques, puisqu’ils concernent les scores de chaque candidat. On a eu tort de faire la fête rue de Solferino : le résultat de Hollande ne dépasse que de 2 points celui de Ségolène Royal : tout ça pour ça ? On a eu tort de faire la tête à la Mutualité : le différentiel – 522 000 voix seulement !- de premier tour n’a rien de catastrophique et passer en tête hier soir ne signifiait pas grand chose, en vrai. Mais là, Sarkozy n’a qu’à s’en prendre qu’à lui-même : c’est lui et lui seul qui a seriné à ses électeurs qu’il était décisif de « virer en tête » au premier tour. Au vu des résultats, les godillots de l’UMP ont donc remplacé dans leur bréviaire une métaphore sportive crétine par une métaphore sportive débile, l’essentiel, n’est-ce pas « c’est d’être qualifié pour la finale.» Hihihi…

Toujours au rayon balançoires, Marine Le Pen trimballe ses électeurs quand elle leur dit que les invisibles se sont désormais invités à la table des puissants (décidément, que de métaphores tablistiques ces jours-ci, sans doute à mettre en relation avec les audimats record des émissions de cuisine). Idem pour Mélenchon quand il prétend que ses 11% d’insatisfaits détiennent la clef du scrutin de dans quinze jours. Le peuple, celui de Marine comme celui de Jean-Luc, rentrera à la niche après ce premier tour, réduit à jouer la chair à canon pour deux candidats dont tout le sépare.

Il est certes plaisant de voir nos deux présidentiables draguer deux électorats qu’ils ont durant des mois, ignorés, méprisés, voire insultés. Des électeurs que je tiens, d’ores et déjà à rassurer : on n’aura pas la démondialisation si Hollande est élu, et on aura le mariage gay si Sarkozy est réélu.

D’ici là, les amis, amusez-vous bien. Pour ma part, j’irai voter, mais sans trop d’illusions : dans l’isoloir, le 6 mai prochain je garderai en tête la vision d’horreur du plateau de BFM hier soir, je vais avoir du mal à m’enthousiasmer pour le candidat d’Anne Sinclair ou celui de Jacques Séguéla.