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Les vrais chiffres de la présidentielle


C’est marrant, ce matin on croule sous les chiffres, mais j’ai beau zapper comme un épileptique, je ne retrouve nulle part les pourcentages les plus significatifs, enfin ceux qui me paraissent tels : n’étant ni candidat, ni sondeur, je n’ai pas vocation à avoir toujours raison.

Le premier chiffre qui attire mon attention, c’est 55 % : le score obtenu conjointement par MM. Hollande et Sarkozy. C’est-à-dire un peu moins que la moitié des inscrits[1. je dis bien les inscrits et non pas les votants] à eux deux. Aucun chiffre ne peut mieux exprimer l’existence de deux France pour le prix d’une. Une France qui grosso modo est satisfaite de son sort et une qui, pour reprendre l’excellente expression de Jean-Luc Mélenchon, veut renverser la table. Depuis des mois, je répète que les politiques que suivront les deux désormais finalistes ne divergent qu’à la marge. Il semble que ce constat, quoique punk en apparence, soit partagé par près d’un électeur sur deux, et validé par les plus grandes marques d’abstentionnistes.

La suite logique de ce premier chiffre, c’est un constat un rien inquiétant : les options stratégiques (économie, social, Europe) de MM. Hollande et Sarkozy sont si radicalement contraires à celles des deux candidats arrivés troisième et quatrième, qu’on peut d’ores et déjà dire, sans avoir besoin des avis éclairés des instituts IPNOS ou OPIF[2. Copyrights Basile de Koch et Romain Pigenel] que le futur président de tous les Français ne représentera, en vrai, qu’un gros quart du corps électoral : pas de quoi grimper au rideau, fût-il tricolore ou bleu étoilé.

Les chiffres suivants sont plus anecdotiques, puisqu’ils concernent les scores de chaque candidat. On a eu tort de faire la fête rue de Solferino : le résultat de Hollande ne dépasse que de 2 points celui de Ségolène Royal : tout ça pour ça ? On a eu tort de faire la tête à la Mutualité : le différentiel – 522 000 voix seulement !- de premier tour n’a rien de catastrophique et passer en tête hier soir ne signifiait pas grand chose, en vrai. Mais là, Sarkozy n’a qu’à s’en prendre qu’à lui-même : c’est lui et lui seul qui a seriné à ses électeurs qu’il était décisif de « virer en tête » au premier tour. Au vu des résultats, les godillots de l’UMP ont donc remplacé dans leur bréviaire une métaphore sportive crétine par une métaphore sportive débile, l’essentiel, n’est-ce pas « c’est d’être qualifié pour la finale.» Hihihi…

Toujours au rayon balançoires, Marine Le Pen trimballe ses électeurs quand elle leur dit que les invisibles se sont désormais invités à la table des puissants (décidément, que de métaphores tablistiques ces jours-ci, sans doute à mettre en relation avec les audimats record des émissions de cuisine). Idem pour Mélenchon quand il prétend que ses 11% d’insatisfaits détiennent la clef du scrutin de dans quinze jours. Le peuple, celui de Marine comme celui de Jean-Luc, rentrera à la niche après ce premier tour, réduit à jouer la chair à canon pour deux candidats dont tout le sépare.

Il est certes plaisant de voir nos deux présidentiables draguer deux électorats qu’ils ont durant des mois, ignorés, méprisés, voire insultés. Des électeurs que je tiens, d’ores et déjà à rassurer : on n’aura pas la démondialisation si Hollande est élu, et on aura le mariage gay si Sarkozy est réélu.

D’ici là, les amis, amusez-vous bien. Pour ma part, j’irai voter, mais sans trop d’illusions : dans l’isoloir, le 6 mai prochain je garderai en tête la vision d’horreur du plateau de BFM hier soir, je vais avoir du mal à m’enthousiasmer pour le candidat d’Anne Sinclair ou celui de Jacques Séguéla.



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