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Vœux / Dissolution: Macron entre lucidité et défausse

Le président Macron a présenté pour 2025 des vœux sans souffle ni âme. S’il est mauvais, c’est parce que les Français sont divisés, a-t-il tenté de nous expliquer. Avant de se consoler en se comparant au voisin allemand…


Exercice obligé de chaque 31 décembre, les vœux présidentiels sont une figure de style qui peut être périlleuse quand le tenant du titre est totalement démonétisé. Visiblement, pour la première fois de son existence cathodique, Emmanuel Macron l’a compris et a joué l’humilité. A tel point qu’il s’effaçait même du tableau. La séquence s’est en effet ouverte sur un montage vidéo de quelques minutes qui mettait en avant la réussite collective. Pas de « moi je », mais un « nous » qui n’est pas de majesté mais met en scène l’engagement d’une nation, le dépassement et l’accomplissement commun. Peut-être un peu trop d’ailleurs. Au moment où la conscience de notre déclin devient impossible à nier, où le niveau scolaire s’effondre, où l’échec de la réindustrialisation est patent et où notre modèle social devient insoutenable sans que les pouvoirs publics réagissent pour sauver l’hôpital, l’Assurance maladie, voire contribuent à aggraver la situation de notre système de retraites, c’était à un cocorico en mode « impossible n’est pas français » qu’Emmanuel Macron nous a convié mardi soir.

Une tentative de prendre de la hauteur pas encore aboutie

Le problème c’est qu’en même temps que le montage vidéo se déroulait, on n’entendait que le sous-texte fort peu subtil des communicants : « faut la jouer collectif, coco ». Fini le temps de l’ego et de l’autojustification en mode passif-agressif qui gâche la plupart des prises de parole du locataire de l’Élysée, vraiment ? Mardi, la posture était claire : il s’agira désormais de se positionner au-dessus de la mêlée, rassembleur, présidentiel en quelque sorte… Un exercice tellement compliqué pour ce président que cela ne pouvait aboutir qu’à cet effacement en début de séquence : la célébration d’une forme de génie français aurait été parasitée par sa présence à l’écran et aurait agacé s’il avait dû la faire face caméra.

Les Français ne lui reconnaissent pas cette capacité d’incarnation. Emmanuel Macron n’a jamais réussi à se dépasser lui-même ; il ne représente la France que sur le papier et toute tentative d’en incarner l’esprit est vue de sa part comme une imposture et une manipulation. Le choix d’une vidéo qui mettait surtout en avant le travail et l’engagement des Français à travers la célébration des JO et de la reconstruction de Notre-Dame était donc une bonne idée puisqu’elle évitait un abcès de fixation : la plupart des Français ont envie de célébrer la fierté d’avoir relevé de ses cendres Notre-Dame mais rechignent à mettre cet exploit au crédit de leur président, alors qu’il n’est pas pour rien dans cet accomplissement. Le choix de cette séquence introductive était donc intelligent mais révèle en creux à quel point la personne du président insupporte puisqu’alors même que la prise de parole était courte, sa présence a dû encore être limitée. Cela affecte directement la deuxième séquence. Celle où il va appeler au « ressaisissement collectif » alors qu’il est le moins en situation de l’inspirer.

Un mea culpa a minima

Mais avant, il fallait en passer par un chemin qu’Emmanuel Macron n’aime guère emprunter :  le mea-culpa. Mais là encore, impossible de trouver un itinéraire bis : il a fallu passer à Canossa et reconnaître que « la dissolution a produit plus d’instabilité que de sérénité ». Qu’en termes galants ces choses-là sont dites… Il faut surtout dire que ses tentatives récurrentes de se présenter en martyr incompris de l’irresponsabilité du monde politique dans son ensemble et de l’inconséquence des électeurs en particulier a exaspéré tout le monde. Amende honorable fut donc faite, certes a minima, mais après tout nul n’aime s’appesantir sur ses fautes, surtout lorsqu’elles résultent d’une incapacité à gérer ses humeurs et ses caprices.

On atteignait là le cœur du discours présidentiel, et ce mea culpa attestait le fait que ce trop immature président a toujours besoin de se poser en Tartarin de Tarascon même quand il rentre la culotte déchirée et la besace vide. Passons sur la rodomontade d’une France qui « continue d’être attractive » alors que les Français ne savent pas où il mène le pays, ne voient pas quel est le projet commun qui les unit et ne se sentent pas défendus alors qu’ils se savent attaqués, mais sur ce point le président n’avait rien à dire au pays. En revanche il avait bien un message à transmettre. A son opposition.

Le rejet permanent de la responsabilité

En effet sa sortie sur la légitimité du parlement « qui représente le pays dans sa diversité et donc aussi dans ses divisions » est une façon à nouveau de rejeter ses responsabilités : il n’est pour rien dans les divisions des Français et ils sont donc responsables de l’impossibilité à gouverner ce pays. Derrière la fausse reconnaissance des erreurs, la défausse continue.

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Mais ce passage visait surtout à mettre en valeur la seule véritable annonce concrète de la soirée, le fait de demander aux Français de « trancher des sujets déterminants ». Pour le grand public, c’est l’annonce de référendums et donc une forme de reprise en main sur la décision publique. Certes cela satisfait les attentes du pays qui n’est pas si divisé sur un certain nombre de sujets essentiels : immigration, sécurité, protection sociale… Mais, il est naïf de croire que cette annonce aura d’autres effets que de permettre au président de tenter de reprendre symboliquement la main. Son but essentiel est de faire passer un message : « je ne démissionnerai pas et si le parlement me contrarie, je passerai par-dessus sa tête pour tenter de retrouver l’onction populaire. » Derrière des vœux « rassembleurs », le rapport de force d’un homme qui ne sait composer avec personne. Et peut-être pas même avec ce peuple qu’il ne voit que comme un outil pour déstabiliser ses adversaires politiques. Aucune vision d’avenir ne se dessine donc au terme de cette séquence.

La reconnaissance de l’échec actuel de l’Europe

Finalement le plus intéressant de ces vœux vient de la reconnaissance de l’échec et de la naïveté de l’Europe. Mais le vœu pieu qui en ressort montre à quel point la prise de conscience ne débouche sur aucune perspective d’action. Cela a d’ailleurs donné lieu à un moment cocasse, celui où le président essaie encore de se dédouaner de son échec personnel en montrant du doigt son homologue allemand. Lui aussi en pleine tourmente politique. Là encore on entend bien la musique de l’irresponsabilité : « je ne suis pas responsable du chaos, regardez l’Allemagne n’est pas en meilleure posture que nous. » Il se trouve que les dirigeants allemands souffrent sans doute de tares identiques aux siennes et ont accumulé les erreurs évitables, comme lui et ses prédécesseurs. Aucun des deux pays n’est une pure victime des circonstances et vouloir nous le faire croire c’est nous désarmer encore et renoncer à nous défendre comme à nous relever. Pour que l’action politique soit crédible encore faut-il qu’elle soit vue comme capable d’avoir une prise sur la réalité. Derrière l’apparence de reconnaissance de la souveraineté populaire, on trouve surtout la démagogie utilisée comme tactique pour gagner du temps. 2025 n’a pas vraiment commencé mais le temps parait déjà long…

Il parait d’autant plus long qu’il a finalement manqué quelque chose d’essentiel à cette cérémonie de vœux : de l’humanité. Ce président à bout de souffle n’a pas eu un mot pour ceux des nôtres victimes de cette idéologie totalitaire qui menace le monde et l’Europe, l’islamisme. Pas un mot sur nos compatriotes otages aux mains du Hamas depuis le 7-Octobre. Pas un mot sur la violence antisémite qui s’abat sur le pays. Pas un mot sur l’embastillement de Boualem Sansal en Algérie. Là où certaines nations mettent un point d’honneur à être toujours là pour leurs citoyens, le président français a lui donné l’impression de s’en laver les mains. En revanche, l’Élysée n’a pas manqué de mettre en avant des causes qui ne nécessitent aucun courage politique. La tentative d’annexion de l’affaire Pelicot dans l’introduction vidéo des vœux était à ce titre dérangeante. Celle qui a fait preuve de courage, c’est Gisèle Pelicot. Mais cette force lui appartient. En revanche, exhiber sa vertu en s’indignant sur cette affaire n’est pas une preuve présidentielle de courage mais d’opportunisme. La condamnation étant unanime, les politiques ne prennent aucun risque à se positionner sur ce dossier… En revanche, ignorer la souffrance des Juifs de France et abandonner un écrivain à son sort pour ne pas engager le rapport de force avec un pays malade et corrompu, choisir d’ignorer que le Hamas a esclavagisé deux de nos compatriotes, c’est choisir de ne pas se tenir aux côtés des citoyens quand ils sont sous la mitraille. C’est choisir aussi de ne pas regarder en face le fait que nous avons sur notre territoire des représentants de ces idéologies violentes et corrompues et que certains siègent jusqu’au parlement – et pas à l’extrême-droite de l’hémicycle. C’est oublier enfin que ces idéologies entendent constituer une armée de réserve et agissent patiemment politiquement sur notre territoire pour y arriver. Le choix du déni plutôt que le soutien apporté à ceux des nôtres otages de conflits qui les dépassent n’est pas étonnant venant de ce président, mais ne présage rien de bon pour 2025.

Russie: les soldats nord-coréens et la veuve poignet

Des sources concordantes affirment que les soldats nord-coréens pas encore mobilisés sur le front ukrainien profiteraient de leur présence en Russie pour rattraper leur retard en visionnage de porno.


Selon des rapports de l’OTAN et du Pentagone, près de 10 000 soldats nord-coréens auraient été déployés en Russie pour appuyer les forces armées russes en Ukraine. Le quotidien The Guardian, qui a consacré plusieurs articles sur le sujet, a précisé que la plupart des soldats concernés ne sont que des adolescents ou de jeunes adultes, formés dans des régions montagneuses du « pays du secret ». Leur inexpérience des champs de bataille ouverts et plats en Ukraine n’inciterait pas encore Moscou à utiliser ces renforts inattendus plus que de raison. 

Conséquence de leur inactivité, habituellement privés de toute connexion mondiale, ces jeunes recrues Nord-Coréennes se seraient précipitées sur le net afin de consommer massivement de la pornographie. Du moins, c’est ce qu’affirme The Byte dans un article publié le 5 novembre 2024. Gideon Rachman, a confirmé cette information sur X (anciennement Twitter), citant une source « généralement fiable »« Les soldats nord-coréens déployés en Russie n’ont jamais eu un tel accès à Internet auparavant. En conséquence, ils se gavent de pornographie », a écrit ce principal commentateur des affaires étrangères au Financial Times. 

Si ces bombes hormonales ont fait des dégâts manuels parmi les soldats du président Kim Jong-Un, que cette information peut prêter à sourire, ce phénomène met aussi en lumière la situation extrêmement restrictive sur le numérique en Corée du Nord. Depuis l’arrivée au pouvoir du « Grand soleil du XXIe siècle » en 2011, le régime a renforcé la censure sur internet et le contrôle des communications pour isoler la population du monde extérieur. 

La détention, la création, la diffusion et l’importation de contenu pornographique sont strictement réprimées par les autorités nord-coréennes. Ce qui n’empêche pas les téléchargements illégaux et la contrebande de films X, provenant essentiellement de Chine et de Corée du Sud, d’avoir de beaux jours devant elle dans le pays de Kim Jong-Un, avec une demande de plus en plus forte selon diverses études sur le sujet, y compris chez les diplomates en poste à l’étranger.

Interrogé sur ces informations, le Pentagone a préféré rester prudent. Le porte-parole du ministère américain de la Défense, le major Charlie Dietz, a déclaré que ses services n’avaient pas décelé ni ne pouvait confirmer « aucune connexion Internet nord-coréenne inhabituelle » se déroulant en Russie. Il a néanmoins rappelé que son organisation se concentrait uniquement sur des enjeux militaires sérieux, comme le soutien à l’Ukraine et la surveillance des relations stratégiques entre Moscou et Pyongyang, et non sur des questions concernant l’engouement des Nord-coréens pour la veuve-poignet.

Le métro bruxellois, symbole du déclin de la capitale belge

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Le métro bruxellois s’est peu à peu reconverti en escape game urbain, déplore notre chroniqueur


Jusqu’à il y a un lustre environ, le métro bruxellois était une des dernières choses qui, dans la capitale belge, fonctionnait à peu près correctement. Depuis, la triste réalité qui se joue au grand air est descendue d’un étage : trafic de drogue, insécurité, matériel défaillant, chantier aux coûts faramineux… La mélodie en sous-sol, dictée par le passage des engins mécaniques, le signal sonore annonçant la fermeture des portes et le martèlement des pas pressés, s’est transformée en cacophonie mêlant les plaintes des navetteurs mécontents, les importuns venus pourrir la vie des voyageurs et les disputes politiques.

La vidéo a récemment fait le tour des réseaux sociaux : on y voit un homme traîner sa victime sur les voies de la station Ribaucourt, située sur le territoire d’une commune sensible de Bruxelles1. La scène s’ajoute à d’autres clichés ayant circulé ces dernières semaines et montrant, entre autres, des individus vendre de la drogue en pleine rame2. Tout ceci n’est que la partie immergée d’une réalité obscure touchant chaque jour les navetteurs.

Tandis que les stations du métro parisien sont marquées par un aménagement relativement uniforme (édicules Guimard, carrelage blanc…), leurs homologues bruxelloises se singularisent par leur diversité, entre hommages, à Hergé (au terminus de Stockel avec ses représentations des personnages de Tintin), Eddy Merckx (et le vélo du record de l’heure exposé dans la station portant le nom du champion cycliste) ou aux victimes de l’attentat du 22 mars 2016 (Maelbeek), peintures (Roger Somville à Hankar, fresque géante représentant la vallée de la Woluwe dans la station Vandervelde) ou photographies de mode (Gare de l’Ouest). 

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Une autre partie se joue désormais. Certaines stations sont désormais des hauts lieux du trafic de drogue où les dealeurs ne doivent plus se cacher ; dans d’autres, le sol est jonché de détritus quand il ne s’agit pas carrément de trainées d’urine s’écoulant sur vos souliers – vous me direz que ceci doit être universel – ; à peu près partout le voyageur est importuné par les interpellations agressives quand il n’est pas victime de vols à la tire ; on en viendrait presque à oublier les petites incivilités, les stickers anti-israéliens, les publicités vantant la diversité à laquelle plus personne ne croit ou le fait que plus personne ou presque ne cède encore sa place à une personne âgée ; à l’aurore, il s’est trouvé à plusieurs reprises des individus coincés dans les volets mécaniques…

Dans une région qui part à vau-l’eau, il n’est pas rare que le voyageur soit confronté, au cours du même trajet, à la panne de l’escalator qui le mène à la station, au retard de son métro (pour des motifs aussi divers que des problèmes techniques, l’intrusion sur les voies…) et au non-fonctionnement des portiques de sécurité. Et quand ces derniers sont en état de marche, il est fréquent que des « colleurs » se frottent à lui pour resquiller (on imagine que cela peut être encore plus perturbant pour les femmes : allô les féministes ?). Mais pas de problème, selon la Société des Transports Intercommunaux de Bruxelles (STIB), « vous avez la possibilité, si cela vous dérange, d’emprunter le sas réservé aux personnes handicapées »3. Peu semble s’émouvoir du coût de la fraude : on croise d’ailleurs rarement un contrôleur dans le métro bruxellois et encore moins dans les stations « chaudes ». Enfin, la saga de l’extension du métro, dont l’inauguration est sans cesse reportée, ne manque pas d’ajouter du discrédit sur les décideurs bruxellois, entre pressions politiques des écologistes pour faire avancer le dossier, impréparation du chantier et méconnaissance de la composition du sous-sol bruxellois. Surtout, le budget faramineux n’en finit pas d’exploser et est aujourd’hui estimé à plus de cinq milliards d’euros. Avouez que, sans réaction des protagonistes, ce sera cher payé la salle de shoot.


  1. https://www.7sur7.be/faits-divers/un-individu-traine-sur-les-voies-lors-dune-bagarre-a-la-station-ribaucourt-a-molenbeek-cela-aurait-pu-tres-mal-se-terminer~ae48fb964/ ↩︎
  2. https://x.com/dimitristrobbe/status/1850980432046694591 ↩︎
  3. Réponse qui me fut un jour donnée par un employé de la STIB alors que j’exprimais mon mécontentement ! ↩︎

Les vœux du commentateur

Lors de ses vœux, entre un mea culpa rapide et des promesses de référendum sans jamais dire le mot, le président Macron a prouvé qu’en politique il faut parfois savoir danser le moonwalk: avancer en reculant.


On attendait la prestation. On se disait : « Que trouver encore à dire quand on n’a plus guère la main sur rien ? » Certes, on connaissait le goût du président pour l’oralité. Nous avons eu des heures et des heures de discours au fil des sept années de sa présence à l’Élysée. Mais chaque fois, nous pouvions nous dire que les mots que nous entendions avaient une chance de s’inscrire dans le réel, dans la vie politique, sociale du pays. Mais là ? Là, dans ce moment crépusculaire de fin de règne, qu’inventer, quelle formule saillante fourbir pour, non pas soulever l’enthousiasme, mais seulement espérer susciter l’intérêt ?

Le président a choisi une stratégie. Il s’est fait commentateur. À la manière de ceux que nous avons à la télévision et qui, d’une voix off, nous racontent ce que l’image nous montre. C’est ainsi que le président nous a proposé une sorte de film des grands moments de l’année, les commémorations du quatre-vingtième anniversaire du Débarquement, en juin, puis la grande parenthèse enchantée des Jeux Olympiques de cet été, et enfin la réouverture fastueuse, splendide, émouvante de Notre-Dame. C’était beau, vraiment. « Impossible n’est pas français », commenta le locuteur. On ne le voyait pas à l’écran, preuve s’il en est que l’heure était bien, comme l’Élysée en avait fait courir le bruit dans la journée, à l’humilité. Suivit de près une exhortation, de celles qu’on entend traditionnellement dans la bouche de chef au réveil du camp scout : « Restez unis, déterminés, solidaires. » Là, probablement, étions-nous quelques-uns à attendre une marque de solidarité, justement, avec nos otages encore détenus par le Hamas et notre écrivain Boualem Sansal, arbitrairement emprisonné dans les geôles algériennes, agressions qui constituent, qu’on le veuille ou non, une grave humiliation pour notre pays. Mais l’humilité et la lucidité en ce soir de vœux présidentiels n’allaient pas jusque-là, de toute évidence.

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Commentateur, le chef de l’État se le fait encore – mais bien visiblement cette fois – pour aborder la dissolution de l’Assemblée nationale et ses très regrettables conséquences. Cela n’a pas donné le résultat escompté, constate-t-il dans une esquisse de mea culpa. Sous-entendu « J’ai redonné la parole aux Français, et voilà ce qu’ils en ont fait. » (Là, on se dit qu’on ne le changera jamais tout à fait…) À ceci près que, la parole, les Français venaient de l’avoir aux européennes et on ne voit pas très bien comment ni pourquoi ils se seraient exprimés dans un autre sens. Cependant, cette parole précisément, il n’exclut pas de nous la redonner afin que « chacun d’entre nous étant utile », puisse « trancher telles ou telles questions ». Referendum ou convention nationale, c’est-à-dire parlotte grand format et à peu près inutile ? Cela reste flou.

Redonner la parole au peuple pour un référendum n’est évidemment pas sans risques, vu le niveau de cote dont l’intéressé dispose désormais dans l’électorat. Mais peut-être bien, que, amateur de théâtre – et de théâtralité – comme il l’est, il se verrait bien un destin à la De Gaulle afin de sortir malgré tout du jeu avec une once de panache. Poser une consultation, la perdre et replier ses gaules pour se retirer sous sa tente au Touquet ? Cela aurait certes meilleure allure qu’une destitution ou un limogeage quasi constitutionnel. Est-ce à un scénario de ce type qu’il songeait en évoquant la nécessité de mettre de l’audace dans les décisions en 2025 ? On ne peut savoir. Les choses restent peu claires aujourd’hui comme hier. Les vœux, il est vrai, étaient courts, plus courts que les fois précédentes. Et l’année qui vient sera longue. Bien longue. Au Vive la République, Vive la France de la fin, on se prenait à se demander si, de nous ou du président, ce n’était pas ce dernier qui était en plus grand besoin de bons vœux pour ces douze mois.

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La France, pays des droits de l’homme ou pays des Français ?

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Quand on qualifie la France de « pays des droits de l’homme », c’est souvent pour abolir implicitement la distinction entre citoyens et non-citoyens afin de priver les premiers de leurs droits. Aurélien Marq raconte son plus grand succès sur les réseaux sociaux, succès qui devrait susciter une prise de conscience générale.


« La France n’est pas le pays des droits de l’homme, mais le pays des Français. La France est une nation, pas une ONG. »

Ce qui m’apparaissait comme une affirmation de simple bon sens s’avère l’un de mes plus grands succès sur X/twitter. Ce post, écrit en commentaire d’une déclaration d’un élu LFI qui plaidait pour l’accueil inconditionnel et toujours plus généreux de toujours plus de migrants, atteint à ce jour plus de 5000 « likes », ce qui est considérable pour un compte comme le mien. Je n’en parle pas ici pour me vanter (même si ce succès est agréable) mais parce que l’engouement suscité par ce tweet m’interroge, et m’inspire autant d’espoir que d’inquiétude.

https://twitter.com/AurelienMarq/status/1871481073353502954

Pourquoi tant de gens ont-ils réagi à ce qui est – ou devrait-être – une banalité ? Justement parce que ce n’en est plus une. Ce qui est inquiétant, d’autant plus qu’à la réflexion je vois bien que le principe que j’ai rappelé n’est hélas plus qu’un vœu pieux, et que rien ne garantit qu’il redeviendra un jour une réalité. Mais aussi parce que beaucoup d’internautes ne sont manifestement pas dupes. Ce qui est réjouissant.

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Bien sûr, la France pays des Français peut être aussi le pays des droits de l’Homme, comme elle est le pays des châteaux de la Loire, le pays de Jeanne d’Arc, le pays de Ronsard, le pays de Cyrano, le pays des fromages et des bons vins. Mais ce n’est pas ainsi qu’on l’entend de nos jours. Appeler aujourd’hui la France « pays des droits de l’Homme », c’est d’abord oublier « et du Citoyen », alors que ce point est essentiel puisqu’il fonde aussi bien la Nation que la démocratie et la république. Mais il dérange : reconnaître des droits au Citoyen, c’est-à-dire aux citoyens, c’est en exclure les non-citoyens. Ces droits-là, ceux qui ne sont pas citoyens français doivent en demander des comptes à leurs pays respectifs, pas à la France. Distinction que rêvent d’abolir ceux qui voudraient détruire l’identité, qui est le fondement de la décence commune et donc la protection des plus fragiles. Cette identité, qui est ce dont parlait Marc Bloch disant de la France : « J’ai bu aux sources de sa culture, j’ai fait mien son passé », ajoutant qu’il fut « nourri de son héritage spirituel et de son histoire », pour conclure : « je meurs, comme j’ai vécu, en bon Français. » 

Effacer la distinction entre citoyens et non-citoyens, c’est supprimer la citoyenneté, c’est réduire la France à un territoire à administrer, temporairement occupé par des locataires de hasard, un hub d’aéroport à gérer, une zone d’activité. C’est donc déposséder le Peuple pour offrir le pays à des intérêts économiques. Ou bien, c’est accaparer le pays au profit d’un idéal militant, d’un fantasme d’ingénierie sociale, en faire le local d’une ONG dont les Français seraient les contributeurs captifs, mis de gré ou de force au service de la cause choisie par cette ONG – mais certainement pas par les citoyens – et au profit, bien sûr, des idéologues, des gardiens du dogme, des militants, des relais et des clientèles de l’ONG en question. Ah, les milliards d’euros pris aux contribuables et versés aux associations, à la politique de la ville, à l’audiovisuel public partisan…

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Comme d’autres peuples, le Peuple Français prend douloureusement conscience qu’il a été petit à petit privé du droit de disposer de lui-même. Tenter de justifier cette dépossession par les droits de l’Homme est absurde. Parce qu’il a pris conscience d’une vérité universelle, et qu’il l’a proclamée pour que le reste du monde puisse la faire sienne, la Peuple français n’aurait plus droit à une patrie ? Son passé l’oblige, certes, mais ne l’oblige certainement pas à se nier, se dissoudre, s’abolir ! Le « cercle de la Raison » tente de disqualifier ce constat en parlant de « populisme », et affirme sans rire que la vraie démocratie, la démocratie républicaine, c’est quand peu importe la volonté du peuple, à la fin c’est toujours Laurent Fabius qui décide. 

Mais le déni ne tient plus face à la pression, hélas souvent tragique, du réel. Car le bilan du « cercle de la Raison », au pouvoir depuis plus de 40 ans, c’est qu’il nous faut désormais mettre des plots en béton à l’entrée des marchés de Noël, placer des gardes armés devant les églises pour la messe de minuit, bunkeriser les synagogues, et mobiliser 100.000 policiers et gendarmes pour le Nouvel An. Sans oublier le surendettement de l’état (en réalité, la vente du pays à la découpe), l’effondrement du niveau scolaire, le délitement de l’hôpital public, une fiscalité devenue folle, et le projet de faire réaliser de nouveaux vitraux pour Notre-Dame par une artiste qui glorifiait Assa Traoré. Étrange «raison», en vérité. Et tout le monde le sait, même si tout le monde n’ose pas se l’avouer… pour le moment.

Il n’est pas trop tard pour éveiller les consciences assoupies, raviver le courage de voir ce que l’on voir, et déculpabiliser la lucidité.

A paraître en janvier 2025.

« Bird », film social anglais frelaté

Bailey, une jeune fille de 12 ans qui se rapproche de la puberté, découvre sa propre métamorphose alors qu’elle devient amie avec un mystérieux homme-oiseau venu se nicher près de son squat du Kent… Le film France inter raté de la semaine.


Il était revenu bredouille du dernier Festival de Cannes. Pourtant, Bird, le nouveau film de la cinéaste britannique Andrea Arnold, cochait toutes les bonnes cases féministes et sociales en vogue sur la Croisette. En digne émule du survolté Ken Loach, la réalisatrice y dépeint, non sans une certaine complaisance, la vie quotidienne forcément sinistre d’un adolescent qui vit dans un squat du Kent. Le film pourrait alors se contenter de dérouler un protocole compassionnel déjà vu et éprouvé un peu partout. Mais, consciente sans doute des limites et redondances d’un genre éculé, Arnold y adjoint une touche de fantastique, à l’aide d’un personnage fantomatique surnommé « Bird ». La survenue de l’irrationnel suffit-elle à préserver le film de ses gros défauts originels ? Non, hélas, d’autant plus que cet apport se révèle bien peu iconoclaste et fort consensuel. À la compassion se mêle alors l’attendrissement. Au cinéma aussi, l’excès de sucre est mauvais pour la santé.

1h58


Retailleau / Darmanin, couple fatal

Des semaines passées à former un gouvernement de bras cassés, deux zigotos soucieux de donner une bonne image d’eux-mêmes et qui ne savent rien du peuple qu’ils administrent, une France en état d’insurrection larvaire… Le diagnostic de notre chroniqueur n’est pas tendre !


L’un était ministre de l’Intérieur, il passe à la Justice — sans que l’on se demande s’il a une quelconque compétence dans l’un ou l’autre de ces domaines. L’autre est nommé à l’Intérieur, sans autre qualification que son assiduité à la messe. L’Intérieur, c’est le ministère où se sont illustrés Joseph Fouché ou Clemenceau. On mesure l’écart.

Premières mesures : porter à 72 heures le délai de garde à vue des présumés violeurs, et incarcérer les 100 plus gros narco-trafiquants (tiens, ils sont donc en liberté…). Vu qu’ils ont largement les moyens de s’offrir les services des plus grands avocats (Dupont-Moretti est disponible), sûr qu’ils tremblent déjà. Le peuple s’en fiche. Le peuple n’a plus aucune confiance ni en la police, impuissante à nettoyer les nids de frelons, ni en la Justice, qui renvoie dans la rue les agresseurs, condamne les délinquants récidivistes à des stages-poney et veille à ce que les OQTF ne soient pas exécutées. 72 heures ! Qui peut penser que c’est de la sévérité ? 72 heures avec présence d’un avocat dès les premières minutes. Trois repas par jour. Et des excuses pour finir.

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Connaissez-vous le Daiyō kangoku ? C’est le système japonais de garde à vue — écoutez bien :

— Aux 72 heures initiales s’ajoutent 10 jours renouvelables — soit 23 jours sans accès à un avocat, trois boules de riz par jour, et des interrogatoires sévères tous les jours à grands coups de tonfa. Jusqu’à ce que l’on obtienne des aveux : l’aveu est le seul moyen de sortir du système judiciaire japonais. Avis aux touristes. Pourquoi croyez-vous que Carlos Ghosn a choisi de s’enfuir ?

— Cette détention se passe dans des prisons de substitution gérées exclusivement par la police. Amnesty International (oui, la même organisation qui condamne Israël et ignore le Hamas) a protesté, devant les abus physiques, les privations de sommeil, d’eau et de nourriture (et même d’hygiène intime) de ces centres. Mais les aveux, on les obtient — d’autant que la détention peut encore être prolongée.

— Les mineurs sont jugés avec efficacité : en dix ans, la délinquance des mineurs au Japon a baissé de 80%, pendant que la nôtre explosait.— Le résultat ? Une délinquance ordinaire réduite à rien du tout. Il n’y a rien de plus sûr qu’une rue japonaise. Vous pouvez laisser votre vélo sans cadenas, et vous ne risquez pas de vous faire agresser à coups de couteau dans le métro de Tokyo.

Nous ne nous donnons pas les moyens de réprimer les crimes. Un délinquant force un barrage ? On le laisse filer, de peur qu’une Traoré quelconque s’indigne — et on l’interviewe au lieu de la mettre illico en détention pour trouble à l’ordre public. Essayez de faire ça aux Etats-Unis. Deux salopards sous OQTF agressent une pharmacienne : le Parquet classe l’affaire sans suite. Une vieille dame, à Marseille, est agressée alors qu’elle promenait ses deux chiens, elle est rouée de coups, sexuellement molestée, et on lui tue ses deux bêtes. Et dans cette ville pleine de caméras, on n’arrête personne…

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J’entends d’ici les colombes bêlantes des organisations humanitaires subventionnées par l’État (quand cesseront ces dons à des organismes qui n’ont d’autre objectif que de défendre des voyous ?). Un vrai ministre de l’Intérieur n’hésiterait pas à prendre des mesures coercitives sérieuses, pour endiguer la suspicion, le mépris et la dérision dont la population dans son ensemble accable les forces de l’Ordre et de la Justice. « Tolérance zéro » est un objectif immédiat. Une racaille qui n’obtempère pas doit comprendre immédiatement qu’elle a eu tort. Après tout, Clemenceau, homme de gauche qui avait défendu l’amnistie des Communards et vrai républicain, n’a pas hésité, en 1905-1906, à faire tirer sur des grévistes dont l’action menaçait la stabilité de la France. Vous imaginez Retailleau prenant ce genre de mesures face aux black blocs ?

Ce gouvernement n’a pas plus d’avenir que le précédent, parce qu’il refuse de prendre les mesures que réclame le peuple, en sortant pour un temps de l’État de droit. Alors oui, la Ve République est mourante, parce que ce n’est plus une République, mais un conglomérat de politiciens mollassons, plus soucieux de leurs maroquins, de leurs futures retraites de cumulards et de leur jeu de chaises musicales que du bien-être de ce cher vieux pays.

Sur ce, bonne fin d’année !

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Causeur: Dix ans après, qui est encore Charlie? N’ayons plus peur!

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Découvrez le sommaire de notre numéro de janvier.


En 2015, la France criait « Je suis Charlie ». Dix ans plus tard, de peur d’être taxé d’extrême droite par le camp du Bien ou poignardé par un djihadiste, nul n’ose voir et encore moins dire que la version frériste de l’islam s’impose plus ou moins à bas bruit. Soumise aux Insoumis, la gauche ne combat pas la censure, elle l’encourage. Comme le dit Elisabeth Lévy dans son introduction à notre dossier spécial, « les islamistes ont gagné » sur le plan de la liberté d’expression. Dans un grand entretien avec Elisabeth Lévy et Jean-Baptiste Roques, Philippe Val affirme qu’« avec l’islam politique, la peur est partout ». Dix ans après avoir perdu certains de ses amis les plus chers dans l’attaque de Charlie Hebdo, l’ancien directeur du journal ne cède ni à l’apitoiement ni à la résignation. Alors que les injonctions à la censure ne viennent plus seulement des djihadistes, mais d’un certain monde intellectuel et d’une gauche inféodée aux Insoumis, l’esprit de soumission doit être plus que jamais combattu. 

Si le courage n’est pas le maître mot en France, nos voisins s’en sortent-ils mieux ? Au royaume du Danemark, où le drame de Charlie Hebdo trouve son origine, il ne fait pas bon bafouer les interdits islamiques sur la représentation de Mahomet. L’éminent avocat danois, Georg Lett, brosse le portrait d’un pays où la terreur a remporté la partie. Côté britannique, après les larmes et fadaises de circonstance, des intellectuels ont vite accusé Charlie Hebdo d’avoir créé « un environnement toxique pour les musulmans », des médias ont censuré les caricatures et des étudiants ont proclamé : « Je ne suis pas Charlie ». Selon Brendan O’Neill, ancien rédacteur en chef du média en ligne libertaire Spiked, dont il reste le principal commentateur politique, l’intelligentsia du Royaume Uni a justifié le terrorisme.

Le numéro 130 est disponible sur le kiosque numérique, et jeudi 2 janvier chez votre marchand de journaux !

Peggy Sastre appartient à cette catégorie des enfants des Lumières qui ont perdu de leur naïveté depuis les massacres de Charlie. Son dernier livre, Ce que je veux sauver, défend un idéal de liberté alliant ouverture et fermeté. Dans une interview avec Elisabeth Lévy, elle désigne ses ennemis : l’individualisme capricieux, l’identitarisme morbide, l’universalisme dévoyé. Sonia Mabrouk n’a pas d’états d’âme quand il s’agit de lutter contre l’islam politique et ses méfaits. Mais comme elle le révèle dans des propos recueillis par Elisabeth Lévy et Céline Pina, la journaliste n’en demeure pas moins attachée à l’islam de son enfance, un islam de femmes nourri de contes plus que de Coran.

Dans son éditorial du mois, notre Directrice de la rédaction affirme qu’elle a peur de la Justice de son pays. Certes, en France la justice est indépendante, mais certains magistrats semblent vouloir le prouver en jugeant les politiques de manière ultra-sévère voire inique. A la différence des délinquants qui sont traités avec indulgence. Au lieu de pacifier la société, les juges se mêlent de la moraliser. Conclusion : « ça ne s’appelle pas l’État de droit, mais le gouvernement des juges. Et ça fait peur »

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Marine Le Pen sera-t-elle déclarée inéligible le 31 mars, comme le demande le parquet de Paris ? Jean-Baptiste Roques a interrogé son avocat, Rodolphe Bosselut, qui est aussi celui de Causeur. Il a de solides arguments pour s’opposer à cette réquisition aux conséquences politiques majeures. Après avoir dirigé trois petits partis, occupé tous les postes de la République ou presque et brigué trois fois la magistrature suprême, François Bayrou voit ses efforts enfin récompensés. Joseph Macé-Scaron explique que si au cours de sa carrière le Béarnais a accepté de ronger son frein et d’avaler tant de couleuvres, c’est qu’il est doté d’une confiance en soi à faire pâlir Jupiter. Le nouveau Premier ministre devra gérer un déficit public dépassant 6% du PIB. Autrement dit, la France est au bord de l’abîme budgétaire. Selon Pierre-Jean Doriel, il est improbable que le pays connaisse le sort de la Grèce, mais il est utile de voir comment celle-ci est sortie du gouffre de la dette : au prix d’une dizaine d’années de douloureux efforts. 

Côté international, Gil Mihaely explique l’effondrement si rapide du régime syrien par la stratégie gagnante menée par Israël depuis le 7-Octobre qui visait à écraser le Hamas à Gaza et le Hezbollah au Liban. Les cartes politiques étant désormais rebattues, reste à l’opposition armée syrienne de reconstruire un État. Le 7-Octobre a tourné la page du pacifisme israélien. Ceux qui défendaient par conviction la cause palestinienne défendent aujourd’hui par devoir les frontières d’Israël. Le reportage d’Inès Rubat du Mérac souligne combien la peur, la défiance et l’accoutumance à la guerre dictent le quotidien des kibboutz situés en première ligne, au nord comme au sud. En Afrique subsaharienne, le départ des soldats français déployés au Mali a permis à la Russie de s’implanter au cœur du pouvoir. En soutien à la junte militaire, les mercenaires de Wagner ont instauré un régime de terreur en systématisant massacres, viols et pillages dans certaines régions. Notre envoyé spécial, Loup Viallet, géopolitologue et directeur de contre-poison.fr, a rencontré des survivants de cette épuration ethnique. 

A lire aussin Elisabeth Lévy: J’ai peur de la Justice de mon pays

Quelles que soient les difficultés financières du pays, la culture française ne baisse pas les bras. Les écrivains Patrice Jean et Bruno Lafourcade ont commencé à se lire sans se connaître. Puis ils se sont écrit. Les Mauvais fils compile cet échange épistolaire entre deux écrivains qui ont, chacun à sa manière, déclaré la guerre à leur époque. Leur plume et leur humour prouvent que la correspondance littéraire n’est pas morte ! Leurs propos ont été recueillis par Isabelle Larmat. Yannis Ezziadi rend hommage à Niels Arestrup, mort le 1erdécembre. Durant toute sa carrière, ce dernier a brulé les planches et crevé l’écran. Ce passionné était de la race des Raimu et Marlon Brando qu’on venait voir, admirer et craindre à la fois. Vincent Roy a interrogé Olivier de Kersauson qui est non seulement un grand navigateur mais aussi un écrivain profond. Avant que la mémoire s’efface, paru en novembre, est le récit du voyage intérieur d’un loup de mer qui porte sur le monde un regard grave et désabusé. 

Le Pierrot, ou Gilles, de Watteau, a regagné les cimaises du Louvre après restauration, et Georgia Ray lui a rendu visite. Les couleurs, en retrouvant leur éclat, redonnent corps à ce portrait mystérieux et rassurant. Dans le vacarme du monde, cet homme immobile nous regarde fixement, et, surtout, garde le silence. Si Pierrot revit, Paris semble en ruines, du moins dans l’album que viennent de publier les photographes Yves Marchand et Romain Meffre. Ces derniers immortalisent partout dans le monde les édifices abandonnés et les quartiers fantômes. Dans Les Ruines de Paris, aidés par l’IA, ils fixent l’avenir d’une capitale désertée en proie à la nature sauvage. Julien San Frax y trouve une poésie singulière soulignée par la plume de Nathan Devers. L’auteur, journaliste et musicien Stan Cuesta puise là où bon lui semble : ses souvenirs, ses lectures, la musique, les rencontres… et surtout, son imagination. La musique a gâché ma vie est un recueil de récits pétillants où, nous dit Philippe Lacoche, le rock’n’roll danse avec Dame nostalgie et jongle avec les quilles du temps passé. Jean Chauvet trouve que la rentrée cinéma se fait à bas bruit. Heureusement, un distributeur a eu la bonne idée de ressortir en salles cinq merveilles réalisées par l’inoxydable Gilles Grangier. Du patrimonial comme on aime. 

Cette bonne nouvelle détonne par rapport à la morosité ambiante, et Ivan Rioufol nous rappelle que tous les choix du chef de l’État se sont soldés par des impasses. Emmanuel Macron ne peut survivre jusqu’en 2027 qu’au prix de l’immobilité et compte sur son sixième Premier ministre pour dynamiser l’inertie. C’est pourquoi une démission serait l’issue la plus souhaitable. Enfin, Gilles-William Goldnadel salue la récente enquête d’Eugénie Bastié dans Le Figaro consacrée au Monde, enquête qui révèle au grand jour l’anti-israélisme pathologique du fameux quotidien du soir. Le président d’Avocats Sans Frontières ose voir dans cette publication la fin de la domination de l’extrême gauche médiatique. Que son vœu – qui est celui de Causeur – se réalise !

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J’ai peur de la Justice de mon pays

En France, la justice est certes indépendante, mais certains magistrats semblent vouloir le prouver en jugeant les politiques de manière ultra-sévère voire inique. A la différence des délinquants qui sont traités avec indulgence. Nous ne vivons plus sous l’Etat de droit mais sous le gouvernement moralisateur des juges.


Pour les Chinois, 2024 était l’année du dragon. Pour la France, elle a été l’année des juges. Je préfère les dragons. Ils crachent du feu, mais ne maquillent pas leur puissance en vertu.

J’ai appris mes leçons. Je sais qu’une justice indépendante est un pilier de la démocratie. Je sais aussi que De Gaulle et Michel Debré se méfiaient des juges, raison pour laquelle la Justice a été réduite à la portion congrue d’autorité pendant que l’exécutif et le législatif se pavanent en pouvoirs. Quant à François Mitterrand, il disait à leur sujet : « Ils ont tué la monarchie, ils tueront la République. »

Les juges, des juges pour être précis, prennent leur revanche. Il ne leur suffit pas de se battre à armes égales et légales, ils entendent édicter des règles morales sorties de nulle part, sinon de leur brillant cerveau, mais qui s’imposent à tous. Puisqu’ils sont la bouche de la loi, la loi dit ce qu’ils veulent. Et comme ils entendent faire étalage de leur vertu démocratique, le puissant – terme applicable à quiconque passe à la télé – est désormais jugé bien plus durement que le misérable. Ils jouent sur du velours, on n’est jamais déçu quand on flatte les affects robespierristes.

Ces derniers mois, les tricoteuses, qui se délectent à chaque fois qu’une tête connue est placée sur le billot de la Justice, n’ont pas chômé. En guise de zakouski, elles ont assisté en octobre à la chute de Nicolas Bedos, condamné à six mois sous bracelet (donc à la mort sociale) pour un baiser dans le cou et un attouchement non prouvé (sur un pantalon). Mine de rien, un tribunal décide qui peut faire des films et qui ne peut pas. En plus des élégances morales, nos juges sont donc invités à arbitrer les élégances artistiques. Il paraît qu’ils ont appliqué la loi. Dans mon souvenir, le doute profite au prévenu, mais je chipote. Ce qui me chiffonne encore plus, c’est que la Justice accepte de se prononcer sur des microconflits qui, dans un monde normal, se résoudraient par une embrassade ou une paire de claques. À en croire une enquête certainement très sérieuse du Syndicat de la magistrature, la moitié (féminine on suppose) des magistrats aurait été victime de violences sexistes-et-sexuelles (la liaison est importante). Il faut bien que ces dames guérissent leur traumatisme.

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Quelques semaines plus tard, les juges du parquet s’invitent dans l’élection présidentielle à l’occasion du procès des assistants parlementaires du FN. Non seulement ils exigent dans leur réquisitoire que la patronne du premier parti de France soit déclarée inéligible, ce qui est déjà contestable au regard d’une loi contestable (voir l’article de Jean-Baptiste Roques pages 14-16) mais, fait inédit pour un élu de la nation, ils demandent l’exécution provisoire, ce qui reviendrait, si les juges suivent le parquet fin mars, à priver Marine Le Pen de son droit de recours – et, ce qui est encore plus grave, à priver les électeurs du droit de choisir leurs gouvernants (sachant que ce qui est reproché à Marine Le Pen est assez véniel). C’est merveilleux, la loi est la même pour tout le monde, ronronnent les chroniqueurs. Manque de bol, un des procureurs mange le morceau et avoue que cela lui ferait trop mal de relaxer un prévenu contre lequel il n’a pourtant retenu aucune charge. Il paraît que ce proc a pris de longues vacances. En attendant, s’il s’agit de ménager l’estomac délicat de nos magistrats, je m’incline.

Un cinéaste talentueux et une prétendante sérieuse à l’Élysée, ce n’est pas rien. Mais un ancien président, c’est le trophée que tout adhérent du Syndicat de la magistrature rêve d’accrocher à son tableau de chasse. Surtout quand il s’agit de Nicolas Sarkozy, coupable de crime de lèse-petits pois. Le 18 décembre, la Cour de cassation confirme sa condamnation à trois ans de prison, dont un an ferme sous bracelet électronique, et à trois ans d’inéligibilité, pour corruption active et trafic d’influence. Or, toute l’affaire repose sur une conversation avec son avocat, écoutée de manière scandaleuse pour aller à la pêche du fameux argent libyen ­- dont il n’y a toujours aucune trace. Non seulement les juges bafouent l’un des premiers droits de la défense (la confidentialité), mais en plus ils espionnent un ancien président sans savoir ce qu’ils cherchent. Écoutons, on trouvera bien quelque chose. Bizarrement, les vestales de l’État de droit ne s’insurgent pas contre cette pratique digne d’une dictature. Si on écoutait les conversations entre un journaliste et un lanceur d’alerte, ce serait l’émeute.

Surtout, ce qui est reproché à Sarko, c’est d’avoir envisagé de pistonner un magistrat contre des infos. Sauf que le magistrat n’a pas donné d’information et qu’il n’a pas eu de piston, d’ailleurs, il n’a même pas brigué le poste. Autrement dit, il n’y a pas eu l’ombre d’un commencement d’exécution du prétendu pacte de corruption. Nicolas Sarkozy est condamné pour une intention supposée, exprimée dans une discussion privée. Et pourquoi pas pour une pensée ? Si je déclare sur CNews qu’avec mes copains de Causeur, on s’apprête à cambrioler la Banque de France, serai-je condamnée ?

Tous les jours, des délinquants qui agressent, volent, menacent, insultent leurs contemporains sortent libres de nos tribunaux. Le jeune homme qui avait menacé publiquement le proviseur du lycée Ravel a été condamné à une amende qui ne sera pas inscrite à son casier pour ne pas pénaliser sa carrière. Et un ancien président de la République se voit privé de sa liberté de circuler ? Quand la Justice, incapable de pacifier la société, ce qui est pourtant sa mission, se mêle de la moraliser, voire de la purifier, ça ne s’appelle pas l’État de droit, mais le gouvernement des juges. Et ça fait peur. Il paraît que la Justice est rendue au nom du peuple français. Je refuse d’être comptable de décisions iniques. Not in my name !

Valls à l’envers

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Lors de son discours de passation, le nouveau ministre des Outre-mer, Manuel Valls, a mis en avant son patriotisme. Pourtant, lors de son passage sur France Inter juste avant Noël, certains auditeurs invités à lui poser une question par téléphone ont clairement – et vertement – indiqué qu’ils n’étaient pas du tout impressionnés par la cohérence de ses engagements.


Il semblerait qu’à la Matinale de France Inter, pour certains hôtes, le réveil puisse parfois s’avérer glacial. Manuel Valls tout frais Ministre d’État à l’Outre-mer l’aura appris à ses dépens le matin du 24 décembre. Vingt-quatre heures avant le jour J pour la distribution des cadeaux de Noël, la station radiophonique de service public lui faisait celui de le recevoir en direct. Cadeau plutôt empoisonné finalement, dirait-on.

En fait, à l’autre bout du fil, en lieu et place du Père Noël, deux Pères Fouettard. En premier, un certain Jean-Noël (sic) qui, ayant apparemment réussi à déjouer le filtrage de pré-antenne et prenant donc l’invité à l’envers, par surprise, y est allé de sa diatribe. « Je voudrais dire à Manuel Valls qu’il a participé sous Hollande à la destruction de la gauche, qu’il a trahi le PS et son candidat Benoît Hamon, qu’il s’est exilé en Espagne et s’est fait jeter, qu’il cherche à rallier Macron et qu’il n’a pas été élu. Vous devriez avoir honte, vous êtes le pire des traîtres, M. Valls. Toute la France a honte de votre comportement. Vous êtes pire qu’un étron. » L’auteur de ces amabilités ayant été évacué, un autre ne tarde guère à prendre le relais : « On vous présente comme l’aile gauche du gouvernement. En Espagne, le parti qui avait présenté votre candidature avait fait alliance avec l’extrême droite. En cas de nouvelle censure, pourriez-vous rejoindre un gouvernement Bardella dont vous représenteriez l’aile gauche ? » 

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Ce à quoi l’interpellé tente de répliquer en dénonçant le climat général de violence et « d’hostilité à l’égard des responsables politiques » que connaîtrait le pays. Un peu court. Un peu faible. Assez pitoyable au fond. M. Valls aurait dû se douter qu’en acceptant la pleine lumière ministérielle, les ombres de son parcours plutôt tortueux et déroutant le rattraperaient bien vite. Un proverbe italien dit à peu près ceci «Qui veut monter au cocotier doit avoir le derrière propre.» Sans doute M. Valls – qui, du moins à ce jour, n’a pas encore cherché à mener de carrière politique en Italie – a-t-il l’excuse d’ignorer ce dicton. Dans l’ébriété du succès, sans doute aussi n’aura-t-il pas bien mesuré le risque qu’il prenait en se présentant lui-même comme un parangon de patriotisme, ce qu’il a bel bien osé lors de son discours de passation : « Dans ma vie, chaque fois que je me suis assis à un conseil municipal, dans l’hémicycle, au conseil des ministres, je n’ai jamais été blasé. J’ai toujours considéré cela comme un immense honneur. C’est cela être patriote. » Patriote espagnol, catalan, français ? À préciser.

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Beaucoup de girouettes de nos toits sont de petits drapeaux. Celui de M. Valls serait-il de ce genre-là ? Quelques mots plus tard, un lapsus lui a fait dire « territoires ultra malins » à la place d’ultra marins. Je n’ai pu m’empêcher de sourire. Il me semblait qu’il n’était vraiment pas « ultra malin » que cette bouche-là se permît ce beau mot de patriote. Ce qui pourrait bien l’être, en revanche, ultra-malin, serait l’espèce de traquenard dans lequel M. le ministre d’État serait allé se fourrer de lui-même en acceptant l’invitation de la station en ce premier matin de gloire. On peut en effet s’étonner que les deux Pères Fouettard que nous avons évoqués soient parvenus, en fin de compte, à lâcher de bout en bout leurs invectives, et, pour le premier, ses insultes. Je n’ai pas pu m’empêcher de penser que, à cette heure de petit déjeuner, plus d’un à France Inter devait boire du petit lait. En effet, enfariner radiophoniquement un ex-premier ministre socialiste viré macroniste tendance Bayrou, quelle aubaine pour ceux-là !

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Vœux / Dissolution: Macron entre lucidité et défausse

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La journaliste Céline Pina © Bernard Martinez

Le président Macron a présenté pour 2025 des vœux sans souffle ni âme. S’il est mauvais, c’est parce que les Français sont divisés, a-t-il tenté de nous expliquer. Avant de se consoler en se comparant au voisin allemand…


Exercice obligé de chaque 31 décembre, les vœux présidentiels sont une figure de style qui peut être périlleuse quand le tenant du titre est totalement démonétisé. Visiblement, pour la première fois de son existence cathodique, Emmanuel Macron l’a compris et a joué l’humilité. A tel point qu’il s’effaçait même du tableau. La séquence s’est en effet ouverte sur un montage vidéo de quelques minutes qui mettait en avant la réussite collective. Pas de « moi je », mais un « nous » qui n’est pas de majesté mais met en scène l’engagement d’une nation, le dépassement et l’accomplissement commun. Peut-être un peu trop d’ailleurs. Au moment où la conscience de notre déclin devient impossible à nier, où le niveau scolaire s’effondre, où l’échec de la réindustrialisation est patent et où notre modèle social devient insoutenable sans que les pouvoirs publics réagissent pour sauver l’hôpital, l’Assurance maladie, voire contribuent à aggraver la situation de notre système de retraites, c’était à un cocorico en mode « impossible n’est pas français » qu’Emmanuel Macron nous a convié mardi soir.

Une tentative de prendre de la hauteur pas encore aboutie

Le problème c’est qu’en même temps que le montage vidéo se déroulait, on n’entendait que le sous-texte fort peu subtil des communicants : « faut la jouer collectif, coco ». Fini le temps de l’ego et de l’autojustification en mode passif-agressif qui gâche la plupart des prises de parole du locataire de l’Élysée, vraiment ? Mardi, la posture était claire : il s’agira désormais de se positionner au-dessus de la mêlée, rassembleur, présidentiel en quelque sorte… Un exercice tellement compliqué pour ce président que cela ne pouvait aboutir qu’à cet effacement en début de séquence : la célébration d’une forme de génie français aurait été parasitée par sa présence à l’écran et aurait agacé s’il avait dû la faire face caméra.

Les Français ne lui reconnaissent pas cette capacité d’incarnation. Emmanuel Macron n’a jamais réussi à se dépasser lui-même ; il ne représente la France que sur le papier et toute tentative d’en incarner l’esprit est vue de sa part comme une imposture et une manipulation. Le choix d’une vidéo qui mettait surtout en avant le travail et l’engagement des Français à travers la célébration des JO et de la reconstruction de Notre-Dame était donc une bonne idée puisqu’elle évitait un abcès de fixation : la plupart des Français ont envie de célébrer la fierté d’avoir relevé de ses cendres Notre-Dame mais rechignent à mettre cet exploit au crédit de leur président, alors qu’il n’est pas pour rien dans cet accomplissement. Le choix de cette séquence introductive était donc intelligent mais révèle en creux à quel point la personne du président insupporte puisqu’alors même que la prise de parole était courte, sa présence a dû encore être limitée. Cela affecte directement la deuxième séquence. Celle où il va appeler au « ressaisissement collectif » alors qu’il est le moins en situation de l’inspirer.

Un mea culpa a minima

Mais avant, il fallait en passer par un chemin qu’Emmanuel Macron n’aime guère emprunter :  le mea-culpa. Mais là encore, impossible de trouver un itinéraire bis : il a fallu passer à Canossa et reconnaître que « la dissolution a produit plus d’instabilité que de sérénité ». Qu’en termes galants ces choses-là sont dites… Il faut surtout dire que ses tentatives récurrentes de se présenter en martyr incompris de l’irresponsabilité du monde politique dans son ensemble et de l’inconséquence des électeurs en particulier a exaspéré tout le monde. Amende honorable fut donc faite, certes a minima, mais après tout nul n’aime s’appesantir sur ses fautes, surtout lorsqu’elles résultent d’une incapacité à gérer ses humeurs et ses caprices.

On atteignait là le cœur du discours présidentiel, et ce mea culpa attestait le fait que ce trop immature président a toujours besoin de se poser en Tartarin de Tarascon même quand il rentre la culotte déchirée et la besace vide. Passons sur la rodomontade d’une France qui « continue d’être attractive » alors que les Français ne savent pas où il mène le pays, ne voient pas quel est le projet commun qui les unit et ne se sentent pas défendus alors qu’ils se savent attaqués, mais sur ce point le président n’avait rien à dire au pays. En revanche il avait bien un message à transmettre. A son opposition.

Le rejet permanent de la responsabilité

En effet sa sortie sur la légitimité du parlement « qui représente le pays dans sa diversité et donc aussi dans ses divisions » est une façon à nouveau de rejeter ses responsabilités : il n’est pour rien dans les divisions des Français et ils sont donc responsables de l’impossibilité à gouverner ce pays. Derrière la fausse reconnaissance des erreurs, la défausse continue.

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Mais ce passage visait surtout à mettre en valeur la seule véritable annonce concrète de la soirée, le fait de demander aux Français de « trancher des sujets déterminants ». Pour le grand public, c’est l’annonce de référendums et donc une forme de reprise en main sur la décision publique. Certes cela satisfait les attentes du pays qui n’est pas si divisé sur un certain nombre de sujets essentiels : immigration, sécurité, protection sociale… Mais, il est naïf de croire que cette annonce aura d’autres effets que de permettre au président de tenter de reprendre symboliquement la main. Son but essentiel est de faire passer un message : « je ne démissionnerai pas et si le parlement me contrarie, je passerai par-dessus sa tête pour tenter de retrouver l’onction populaire. » Derrière des vœux « rassembleurs », le rapport de force d’un homme qui ne sait composer avec personne. Et peut-être pas même avec ce peuple qu’il ne voit que comme un outil pour déstabiliser ses adversaires politiques. Aucune vision d’avenir ne se dessine donc au terme de cette séquence.

La reconnaissance de l’échec actuel de l’Europe

Finalement le plus intéressant de ces vœux vient de la reconnaissance de l’échec et de la naïveté de l’Europe. Mais le vœu pieu qui en ressort montre à quel point la prise de conscience ne débouche sur aucune perspective d’action. Cela a d’ailleurs donné lieu à un moment cocasse, celui où le président essaie encore de se dédouaner de son échec personnel en montrant du doigt son homologue allemand. Lui aussi en pleine tourmente politique. Là encore on entend bien la musique de l’irresponsabilité : « je ne suis pas responsable du chaos, regardez l’Allemagne n’est pas en meilleure posture que nous. » Il se trouve que les dirigeants allemands souffrent sans doute de tares identiques aux siennes et ont accumulé les erreurs évitables, comme lui et ses prédécesseurs. Aucun des deux pays n’est une pure victime des circonstances et vouloir nous le faire croire c’est nous désarmer encore et renoncer à nous défendre comme à nous relever. Pour que l’action politique soit crédible encore faut-il qu’elle soit vue comme capable d’avoir une prise sur la réalité. Derrière l’apparence de reconnaissance de la souveraineté populaire, on trouve surtout la démagogie utilisée comme tactique pour gagner du temps. 2025 n’a pas vraiment commencé mais le temps parait déjà long…

Il parait d’autant plus long qu’il a finalement manqué quelque chose d’essentiel à cette cérémonie de vœux : de l’humanité. Ce président à bout de souffle n’a pas eu un mot pour ceux des nôtres victimes de cette idéologie totalitaire qui menace le monde et l’Europe, l’islamisme. Pas un mot sur nos compatriotes otages aux mains du Hamas depuis le 7-Octobre. Pas un mot sur la violence antisémite qui s’abat sur le pays. Pas un mot sur l’embastillement de Boualem Sansal en Algérie. Là où certaines nations mettent un point d’honneur à être toujours là pour leurs citoyens, le président français a lui donné l’impression de s’en laver les mains. En revanche, l’Élysée n’a pas manqué de mettre en avant des causes qui ne nécessitent aucun courage politique. La tentative d’annexion de l’affaire Pelicot dans l’introduction vidéo des vœux était à ce titre dérangeante. Celle qui a fait preuve de courage, c’est Gisèle Pelicot. Mais cette force lui appartient. En revanche, exhiber sa vertu en s’indignant sur cette affaire n’est pas une preuve présidentielle de courage mais d’opportunisme. La condamnation étant unanime, les politiques ne prennent aucun risque à se positionner sur ce dossier… En revanche, ignorer la souffrance des Juifs de France et abandonner un écrivain à son sort pour ne pas engager le rapport de force avec un pays malade et corrompu, choisir d’ignorer que le Hamas a esclavagisé deux de nos compatriotes, c’est choisir de ne pas se tenir aux côtés des citoyens quand ils sont sous la mitraille. C’est choisir aussi de ne pas regarder en face le fait que nous avons sur notre territoire des représentants de ces idéologies violentes et corrompues et que certains siègent jusqu’au parlement – et pas à l’extrême-droite de l’hémicycle. C’est oublier enfin que ces idéologies entendent constituer une armée de réserve et agissent patiemment politiquement sur notre territoire pour y arriver. Le choix du déni plutôt que le soutien apporté à ceux des nôtres otages de conflits qui les dépassent n’est pas étonnant venant de ce président, mais ne présage rien de bon pour 2025.

Russie: les soldats nord-coréens et la veuve poignet

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© Artyom Geodakyan/TASS/Sipa USA/SIPA

Des sources concordantes affirment que les soldats nord-coréens pas encore mobilisés sur le front ukrainien profiteraient de leur présence en Russie pour rattraper leur retard en visionnage de porno.


Selon des rapports de l’OTAN et du Pentagone, près de 10 000 soldats nord-coréens auraient été déployés en Russie pour appuyer les forces armées russes en Ukraine. Le quotidien The Guardian, qui a consacré plusieurs articles sur le sujet, a précisé que la plupart des soldats concernés ne sont que des adolescents ou de jeunes adultes, formés dans des régions montagneuses du « pays du secret ». Leur inexpérience des champs de bataille ouverts et plats en Ukraine n’inciterait pas encore Moscou à utiliser ces renforts inattendus plus que de raison. 

Conséquence de leur inactivité, habituellement privés de toute connexion mondiale, ces jeunes recrues Nord-Coréennes se seraient précipitées sur le net afin de consommer massivement de la pornographie. Du moins, c’est ce qu’affirme The Byte dans un article publié le 5 novembre 2024. Gideon Rachman, a confirmé cette information sur X (anciennement Twitter), citant une source « généralement fiable »« Les soldats nord-coréens déployés en Russie n’ont jamais eu un tel accès à Internet auparavant. En conséquence, ils se gavent de pornographie », a écrit ce principal commentateur des affaires étrangères au Financial Times. 

Si ces bombes hormonales ont fait des dégâts manuels parmi les soldats du président Kim Jong-Un, que cette information peut prêter à sourire, ce phénomène met aussi en lumière la situation extrêmement restrictive sur le numérique en Corée du Nord. Depuis l’arrivée au pouvoir du « Grand soleil du XXIe siècle » en 2011, le régime a renforcé la censure sur internet et le contrôle des communications pour isoler la population du monde extérieur. 

La détention, la création, la diffusion et l’importation de contenu pornographique sont strictement réprimées par les autorités nord-coréennes. Ce qui n’empêche pas les téléchargements illégaux et la contrebande de films X, provenant essentiellement de Chine et de Corée du Sud, d’avoir de beaux jours devant elle dans le pays de Kim Jong-Un, avec une demande de plus en plus forte selon diverses études sur le sujet, y compris chez les diplomates en poste à l’étranger.

Interrogé sur ces informations, le Pentagone a préféré rester prudent. Le porte-parole du ministère américain de la Défense, le major Charlie Dietz, a déclaré que ses services n’avaient pas décelé ni ne pouvait confirmer « aucune connexion Internet nord-coréenne inhabituelle » se déroulant en Russie. Il a néanmoins rappelé que son organisation se concentrait uniquement sur des enjeux militaires sérieux, comme le soutien à l’Ukraine et la surveillance des relations stratégiques entre Moscou et Pyongyang, et non sur des questions concernant l’engouement des Nord-coréens pour la veuve-poignet.

Le métro bruxellois, symbole du déclin de la capitale belge

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© Shutterstock/SIPA

Le métro bruxellois s’est peu à peu reconverti en escape game urbain, déplore notre chroniqueur


Jusqu’à il y a un lustre environ, le métro bruxellois était une des dernières choses qui, dans la capitale belge, fonctionnait à peu près correctement. Depuis, la triste réalité qui se joue au grand air est descendue d’un étage : trafic de drogue, insécurité, matériel défaillant, chantier aux coûts faramineux… La mélodie en sous-sol, dictée par le passage des engins mécaniques, le signal sonore annonçant la fermeture des portes et le martèlement des pas pressés, s’est transformée en cacophonie mêlant les plaintes des navetteurs mécontents, les importuns venus pourrir la vie des voyageurs et les disputes politiques.

La vidéo a récemment fait le tour des réseaux sociaux : on y voit un homme traîner sa victime sur les voies de la station Ribaucourt, située sur le territoire d’une commune sensible de Bruxelles1. La scène s’ajoute à d’autres clichés ayant circulé ces dernières semaines et montrant, entre autres, des individus vendre de la drogue en pleine rame2. Tout ceci n’est que la partie immergée d’une réalité obscure touchant chaque jour les navetteurs.

Tandis que les stations du métro parisien sont marquées par un aménagement relativement uniforme (édicules Guimard, carrelage blanc…), leurs homologues bruxelloises se singularisent par leur diversité, entre hommages, à Hergé (au terminus de Stockel avec ses représentations des personnages de Tintin), Eddy Merckx (et le vélo du record de l’heure exposé dans la station portant le nom du champion cycliste) ou aux victimes de l’attentat du 22 mars 2016 (Maelbeek), peintures (Roger Somville à Hankar, fresque géante représentant la vallée de la Woluwe dans la station Vandervelde) ou photographies de mode (Gare de l’Ouest). 

A lire aussi, du même auteur: Molenbeek, capitale européenne de la culture en 2030?

Une autre partie se joue désormais. Certaines stations sont désormais des hauts lieux du trafic de drogue où les dealeurs ne doivent plus se cacher ; dans d’autres, le sol est jonché de détritus quand il ne s’agit pas carrément de trainées d’urine s’écoulant sur vos souliers – vous me direz que ceci doit être universel – ; à peu près partout le voyageur est importuné par les interpellations agressives quand il n’est pas victime de vols à la tire ; on en viendrait presque à oublier les petites incivilités, les stickers anti-israéliens, les publicités vantant la diversité à laquelle plus personne ne croit ou le fait que plus personne ou presque ne cède encore sa place à une personne âgée ; à l’aurore, il s’est trouvé à plusieurs reprises des individus coincés dans les volets mécaniques…

Dans une région qui part à vau-l’eau, il n’est pas rare que le voyageur soit confronté, au cours du même trajet, à la panne de l’escalator qui le mène à la station, au retard de son métro (pour des motifs aussi divers que des problèmes techniques, l’intrusion sur les voies…) et au non-fonctionnement des portiques de sécurité. Et quand ces derniers sont en état de marche, il est fréquent que des « colleurs » se frottent à lui pour resquiller (on imagine que cela peut être encore plus perturbant pour les femmes : allô les féministes ?). Mais pas de problème, selon la Société des Transports Intercommunaux de Bruxelles (STIB), « vous avez la possibilité, si cela vous dérange, d’emprunter le sas réservé aux personnes handicapées »3. Peu semble s’émouvoir du coût de la fraude : on croise d’ailleurs rarement un contrôleur dans le métro bruxellois et encore moins dans les stations « chaudes ». Enfin, la saga de l’extension du métro, dont l’inauguration est sans cesse reportée, ne manque pas d’ajouter du discrédit sur les décideurs bruxellois, entre pressions politiques des écologistes pour faire avancer le dossier, impréparation du chantier et méconnaissance de la composition du sous-sol bruxellois. Surtout, le budget faramineux n’en finit pas d’exploser et est aujourd’hui estimé à plus de cinq milliards d’euros. Avouez que, sans réaction des protagonistes, ce sera cher payé la salle de shoot.


  1. https://www.7sur7.be/faits-divers/un-individu-traine-sur-les-voies-lors-dune-bagarre-a-la-station-ribaucourt-a-molenbeek-cela-aurait-pu-tres-mal-se-terminer~ae48fb964/ ↩︎
  2. https://x.com/dimitristrobbe/status/1850980432046694591 ↩︎
  3. Réponse qui me fut un jour donnée par un employé de la STIB alors que j’exprimais mon mécontentement ! ↩︎

Les vœux du commentateur

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Voeux à la télévision du président de la République, 31 décembre 2024 © Jacques Witt/SIPA

Lors de ses vœux, entre un mea culpa rapide et des promesses de référendum sans jamais dire le mot, le président Macron a prouvé qu’en politique il faut parfois savoir danser le moonwalk: avancer en reculant.


On attendait la prestation. On se disait : « Que trouver encore à dire quand on n’a plus guère la main sur rien ? » Certes, on connaissait le goût du président pour l’oralité. Nous avons eu des heures et des heures de discours au fil des sept années de sa présence à l’Élysée. Mais chaque fois, nous pouvions nous dire que les mots que nous entendions avaient une chance de s’inscrire dans le réel, dans la vie politique, sociale du pays. Mais là ? Là, dans ce moment crépusculaire de fin de règne, qu’inventer, quelle formule saillante fourbir pour, non pas soulever l’enthousiasme, mais seulement espérer susciter l’intérêt ?

Le président a choisi une stratégie. Il s’est fait commentateur. À la manière de ceux que nous avons à la télévision et qui, d’une voix off, nous racontent ce que l’image nous montre. C’est ainsi que le président nous a proposé une sorte de film des grands moments de l’année, les commémorations du quatre-vingtième anniversaire du Débarquement, en juin, puis la grande parenthèse enchantée des Jeux Olympiques de cet été, et enfin la réouverture fastueuse, splendide, émouvante de Notre-Dame. C’était beau, vraiment. « Impossible n’est pas français », commenta le locuteur. On ne le voyait pas à l’écran, preuve s’il en est que l’heure était bien, comme l’Élysée en avait fait courir le bruit dans la journée, à l’humilité. Suivit de près une exhortation, de celles qu’on entend traditionnellement dans la bouche de chef au réveil du camp scout : « Restez unis, déterminés, solidaires. » Là, probablement, étions-nous quelques-uns à attendre une marque de solidarité, justement, avec nos otages encore détenus par le Hamas et notre écrivain Boualem Sansal, arbitrairement emprisonné dans les geôles algériennes, agressions qui constituent, qu’on le veuille ou non, une grave humiliation pour notre pays. Mais l’humilité et la lucidité en ce soir de vœux présidentiels n’allaient pas jusque-là, de toute évidence.

A lire aussi, Jean-Paul Brighelli: Retailleau / Darmanin, couple fatal

Commentateur, le chef de l’État se le fait encore – mais bien visiblement cette fois – pour aborder la dissolution de l’Assemblée nationale et ses très regrettables conséquences. Cela n’a pas donné le résultat escompté, constate-t-il dans une esquisse de mea culpa. Sous-entendu « J’ai redonné la parole aux Français, et voilà ce qu’ils en ont fait. » (Là, on se dit qu’on ne le changera jamais tout à fait…) À ceci près que, la parole, les Français venaient de l’avoir aux européennes et on ne voit pas très bien comment ni pourquoi ils se seraient exprimés dans un autre sens. Cependant, cette parole précisément, il n’exclut pas de nous la redonner afin que « chacun d’entre nous étant utile », puisse « trancher telles ou telles questions ». Referendum ou convention nationale, c’est-à-dire parlotte grand format et à peu près inutile ? Cela reste flou.

Redonner la parole au peuple pour un référendum n’est évidemment pas sans risques, vu le niveau de cote dont l’intéressé dispose désormais dans l’électorat. Mais peut-être bien, que, amateur de théâtre – et de théâtralité – comme il l’est, il se verrait bien un destin à la De Gaulle afin de sortir malgré tout du jeu avec une once de panache. Poser une consultation, la perdre et replier ses gaules pour se retirer sous sa tente au Touquet ? Cela aurait certes meilleure allure qu’une destitution ou un limogeage quasi constitutionnel. Est-ce à un scénario de ce type qu’il songeait en évoquant la nécessité de mettre de l’audace dans les décisions en 2025 ? On ne peut savoir. Les choses restent peu claires aujourd’hui comme hier. Les vœux, il est vrai, étaient courts, plus courts que les fois précédentes. Et l’année qui vient sera longue. Bien longue. Au Vive la République, Vive la France de la fin, on se prenait à se demander si, de nous ou du président, ce n’était pas ce dernier qui était en plus grand besoin de bons vœux pour ces douze mois.

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La France, pays des droits de l’homme ou pays des Français ?

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Manifestation lors de la Journée internationale des migrants, Paris, le 4/12/2024. SIPA

Quand on qualifie la France de « pays des droits de l’homme », c’est souvent pour abolir implicitement la distinction entre citoyens et non-citoyens afin de priver les premiers de leurs droits. Aurélien Marq raconte son plus grand succès sur les réseaux sociaux, succès qui devrait susciter une prise de conscience générale.


« La France n’est pas le pays des droits de l’homme, mais le pays des Français. La France est une nation, pas une ONG. »

Ce qui m’apparaissait comme une affirmation de simple bon sens s’avère l’un de mes plus grands succès sur X/twitter. Ce post, écrit en commentaire d’une déclaration d’un élu LFI qui plaidait pour l’accueil inconditionnel et toujours plus généreux de toujours plus de migrants, atteint à ce jour plus de 5000 « likes », ce qui est considérable pour un compte comme le mien. Je n’en parle pas ici pour me vanter (même si ce succès est agréable) mais parce que l’engouement suscité par ce tweet m’interroge, et m’inspire autant d’espoir que d’inquiétude.

https://twitter.com/AurelienMarq/status/1871481073353502954

Pourquoi tant de gens ont-ils réagi à ce qui est – ou devrait-être – une banalité ? Justement parce que ce n’en est plus une. Ce qui est inquiétant, d’autant plus qu’à la réflexion je vois bien que le principe que j’ai rappelé n’est hélas plus qu’un vœu pieux, et que rien ne garantit qu’il redeviendra un jour une réalité. Mais aussi parce que beaucoup d’internautes ne sont manifestement pas dupes. Ce qui est réjouissant.

A lire aussi: Le procès Paty : Justice a-t-elle été rendue ?

Bien sûr, la France pays des Français peut être aussi le pays des droits de l’Homme, comme elle est le pays des châteaux de la Loire, le pays de Jeanne d’Arc, le pays de Ronsard, le pays de Cyrano, le pays des fromages et des bons vins. Mais ce n’est pas ainsi qu’on l’entend de nos jours. Appeler aujourd’hui la France « pays des droits de l’Homme », c’est d’abord oublier « et du Citoyen », alors que ce point est essentiel puisqu’il fonde aussi bien la Nation que la démocratie et la république. Mais il dérange : reconnaître des droits au Citoyen, c’est-à-dire aux citoyens, c’est en exclure les non-citoyens. Ces droits-là, ceux qui ne sont pas citoyens français doivent en demander des comptes à leurs pays respectifs, pas à la France. Distinction que rêvent d’abolir ceux qui voudraient détruire l’identité, qui est le fondement de la décence commune et donc la protection des plus fragiles. Cette identité, qui est ce dont parlait Marc Bloch disant de la France : « J’ai bu aux sources de sa culture, j’ai fait mien son passé », ajoutant qu’il fut « nourri de son héritage spirituel et de son histoire », pour conclure : « je meurs, comme j’ai vécu, en bon Français. » 

Effacer la distinction entre citoyens et non-citoyens, c’est supprimer la citoyenneté, c’est réduire la France à un territoire à administrer, temporairement occupé par des locataires de hasard, un hub d’aéroport à gérer, une zone d’activité. C’est donc déposséder le Peuple pour offrir le pays à des intérêts économiques. Ou bien, c’est accaparer le pays au profit d’un idéal militant, d’un fantasme d’ingénierie sociale, en faire le local d’une ONG dont les Français seraient les contributeurs captifs, mis de gré ou de force au service de la cause choisie par cette ONG – mais certainement pas par les citoyens – et au profit, bien sûr, des idéologues, des gardiens du dogme, des militants, des relais et des clientèles de l’ONG en question. Ah, les milliards d’euros pris aux contribuables et versés aux associations, à la politique de la ville, à l’audiovisuel public partisan…

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Comme d’autres peuples, le Peuple Français prend douloureusement conscience qu’il a été petit à petit privé du droit de disposer de lui-même. Tenter de justifier cette dépossession par les droits de l’Homme est absurde. Parce qu’il a pris conscience d’une vérité universelle, et qu’il l’a proclamée pour que le reste du monde puisse la faire sienne, la Peuple français n’aurait plus droit à une patrie ? Son passé l’oblige, certes, mais ne l’oblige certainement pas à se nier, se dissoudre, s’abolir ! Le « cercle de la Raison » tente de disqualifier ce constat en parlant de « populisme », et affirme sans rire que la vraie démocratie, la démocratie républicaine, c’est quand peu importe la volonté du peuple, à la fin c’est toujours Laurent Fabius qui décide. 

Mais le déni ne tient plus face à la pression, hélas souvent tragique, du réel. Car le bilan du « cercle de la Raison », au pouvoir depuis plus de 40 ans, c’est qu’il nous faut désormais mettre des plots en béton à l’entrée des marchés de Noël, placer des gardes armés devant les églises pour la messe de minuit, bunkeriser les synagogues, et mobiliser 100.000 policiers et gendarmes pour le Nouvel An. Sans oublier le surendettement de l’état (en réalité, la vente du pays à la découpe), l’effondrement du niveau scolaire, le délitement de l’hôpital public, une fiscalité devenue folle, et le projet de faire réaliser de nouveaux vitraux pour Notre-Dame par une artiste qui glorifiait Assa Traoré. Étrange «raison», en vérité. Et tout le monde le sait, même si tout le monde n’ose pas se l’avouer… pour le moment.

Il n’est pas trop tard pour éveiller les consciences assoupies, raviver le courage de voir ce que l’on voir, et déculpabiliser la lucidité.

A paraître en janvier 2025.

« Bird », film social anglais frelaté

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© Atsushi Nishijima

Bailey, une jeune fille de 12 ans qui se rapproche de la puberté, découvre sa propre métamorphose alors qu’elle devient amie avec un mystérieux homme-oiseau venu se nicher près de son squat du Kent… Le film France inter raté de la semaine.


Il était revenu bredouille du dernier Festival de Cannes. Pourtant, Bird, le nouveau film de la cinéaste britannique Andrea Arnold, cochait toutes les bonnes cases féministes et sociales en vogue sur la Croisette. En digne émule du survolté Ken Loach, la réalisatrice y dépeint, non sans une certaine complaisance, la vie quotidienne forcément sinistre d’un adolescent qui vit dans un squat du Kent. Le film pourrait alors se contenter de dérouler un protocole compassionnel déjà vu et éprouvé un peu partout. Mais, consciente sans doute des limites et redondances d’un genre éculé, Arnold y adjoint une touche de fantastique, à l’aide d’un personnage fantomatique surnommé « Bird ». La survenue de l’irrationnel suffit-elle à préserver le film de ses gros défauts originels ? Non, hélas, d’autant plus que cet apport se révèle bien peu iconoclaste et fort consensuel. À la compassion se mêle alors l’attendrissement. Au cinéma aussi, l’excès de sucre est mauvais pour la santé.

1h58


Retailleau / Darmanin, couple fatal

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L'enseignant et essayiste Jean-Paul Brighelli © BALTEL/SIPA

Des semaines passées à former un gouvernement de bras cassés, deux zigotos soucieux de donner une bonne image d’eux-mêmes et qui ne savent rien du peuple qu’ils administrent, une France en état d’insurrection larvaire… Le diagnostic de notre chroniqueur n’est pas tendre !


L’un était ministre de l’Intérieur, il passe à la Justice — sans que l’on se demande s’il a une quelconque compétence dans l’un ou l’autre de ces domaines. L’autre est nommé à l’Intérieur, sans autre qualification que son assiduité à la messe. L’Intérieur, c’est le ministère où se sont illustrés Joseph Fouché ou Clemenceau. On mesure l’écart.

Premières mesures : porter à 72 heures le délai de garde à vue des présumés violeurs, et incarcérer les 100 plus gros narco-trafiquants (tiens, ils sont donc en liberté…). Vu qu’ils ont largement les moyens de s’offrir les services des plus grands avocats (Dupont-Moretti est disponible), sûr qu’ils tremblent déjà. Le peuple s’en fiche. Le peuple n’a plus aucune confiance ni en la police, impuissante à nettoyer les nids de frelons, ni en la Justice, qui renvoie dans la rue les agresseurs, condamne les délinquants récidivistes à des stages-poney et veille à ce que les OQTF ne soient pas exécutées. 72 heures ! Qui peut penser que c’est de la sévérité ? 72 heures avec présence d’un avocat dès les premières minutes. Trois repas par jour. Et des excuses pour finir.

A lire aussi: J’ai peur de la Justice de mon pays

Connaissez-vous le Daiyō kangoku ? C’est le système japonais de garde à vue — écoutez bien :

— Aux 72 heures initiales s’ajoutent 10 jours renouvelables — soit 23 jours sans accès à un avocat, trois boules de riz par jour, et des interrogatoires sévères tous les jours à grands coups de tonfa. Jusqu’à ce que l’on obtienne des aveux : l’aveu est le seul moyen de sortir du système judiciaire japonais. Avis aux touristes. Pourquoi croyez-vous que Carlos Ghosn a choisi de s’enfuir ?

— Cette détention se passe dans des prisons de substitution gérées exclusivement par la police. Amnesty International (oui, la même organisation qui condamne Israël et ignore le Hamas) a protesté, devant les abus physiques, les privations de sommeil, d’eau et de nourriture (et même d’hygiène intime) de ces centres. Mais les aveux, on les obtient — d’autant que la détention peut encore être prolongée.

— Les mineurs sont jugés avec efficacité : en dix ans, la délinquance des mineurs au Japon a baissé de 80%, pendant que la nôtre explosait.— Le résultat ? Une délinquance ordinaire réduite à rien du tout. Il n’y a rien de plus sûr qu’une rue japonaise. Vous pouvez laisser votre vélo sans cadenas, et vous ne risquez pas de vous faire agresser à coups de couteau dans le métro de Tokyo.

Nous ne nous donnons pas les moyens de réprimer les crimes. Un délinquant force un barrage ? On le laisse filer, de peur qu’une Traoré quelconque s’indigne — et on l’interviewe au lieu de la mettre illico en détention pour trouble à l’ordre public. Essayez de faire ça aux Etats-Unis. Deux salopards sous OQTF agressent une pharmacienne : le Parquet classe l’affaire sans suite. Une vieille dame, à Marseille, est agressée alors qu’elle promenait ses deux chiens, elle est rouée de coups, sexuellement molestée, et on lui tue ses deux bêtes. Et dans cette ville pleine de caméras, on n’arrête personne…

A lire aussi: Noël : Darmanin au charbon

J’entends d’ici les colombes bêlantes des organisations humanitaires subventionnées par l’État (quand cesseront ces dons à des organismes qui n’ont d’autre objectif que de défendre des voyous ?). Un vrai ministre de l’Intérieur n’hésiterait pas à prendre des mesures coercitives sérieuses, pour endiguer la suspicion, le mépris et la dérision dont la population dans son ensemble accable les forces de l’Ordre et de la Justice. « Tolérance zéro » est un objectif immédiat. Une racaille qui n’obtempère pas doit comprendre immédiatement qu’elle a eu tort. Après tout, Clemenceau, homme de gauche qui avait défendu l’amnistie des Communards et vrai républicain, n’a pas hésité, en 1905-1906, à faire tirer sur des grévistes dont l’action menaçait la stabilité de la France. Vous imaginez Retailleau prenant ce genre de mesures face aux black blocs ?

Ce gouvernement n’a pas plus d’avenir que le précédent, parce qu’il refuse de prendre les mesures que réclame le peuple, en sortant pour un temps de l’État de droit. Alors oui, la Ve République est mourante, parce que ce n’est plus une République, mais un conglomérat de politiciens mollassons, plus soucieux de leurs maroquins, de leurs futures retraites de cumulards et de leur jeu de chaises musicales que du bien-être de ce cher vieux pays.

Sur ce, bonne fin d’année !

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Causeur: Dix ans après, qui est encore Charlie? N’ayons plus peur!

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© Causeur

Découvrez le sommaire de notre numéro de janvier.


En 2015, la France criait « Je suis Charlie ». Dix ans plus tard, de peur d’être taxé d’extrême droite par le camp du Bien ou poignardé par un djihadiste, nul n’ose voir et encore moins dire que la version frériste de l’islam s’impose plus ou moins à bas bruit. Soumise aux Insoumis, la gauche ne combat pas la censure, elle l’encourage. Comme le dit Elisabeth Lévy dans son introduction à notre dossier spécial, « les islamistes ont gagné » sur le plan de la liberté d’expression. Dans un grand entretien avec Elisabeth Lévy et Jean-Baptiste Roques, Philippe Val affirme qu’« avec l’islam politique, la peur est partout ». Dix ans après avoir perdu certains de ses amis les plus chers dans l’attaque de Charlie Hebdo, l’ancien directeur du journal ne cède ni à l’apitoiement ni à la résignation. Alors que les injonctions à la censure ne viennent plus seulement des djihadistes, mais d’un certain monde intellectuel et d’une gauche inféodée aux Insoumis, l’esprit de soumission doit être plus que jamais combattu. 

Si le courage n’est pas le maître mot en France, nos voisins s’en sortent-ils mieux ? Au royaume du Danemark, où le drame de Charlie Hebdo trouve son origine, il ne fait pas bon bafouer les interdits islamiques sur la représentation de Mahomet. L’éminent avocat danois, Georg Lett, brosse le portrait d’un pays où la terreur a remporté la partie. Côté britannique, après les larmes et fadaises de circonstance, des intellectuels ont vite accusé Charlie Hebdo d’avoir créé « un environnement toxique pour les musulmans », des médias ont censuré les caricatures et des étudiants ont proclamé : « Je ne suis pas Charlie ». Selon Brendan O’Neill, ancien rédacteur en chef du média en ligne libertaire Spiked, dont il reste le principal commentateur politique, l’intelligentsia du Royaume Uni a justifié le terrorisme.

Le numéro 130 est disponible sur le kiosque numérique, et jeudi 2 janvier chez votre marchand de journaux !

Peggy Sastre appartient à cette catégorie des enfants des Lumières qui ont perdu de leur naïveté depuis les massacres de Charlie. Son dernier livre, Ce que je veux sauver, défend un idéal de liberté alliant ouverture et fermeté. Dans une interview avec Elisabeth Lévy, elle désigne ses ennemis : l’individualisme capricieux, l’identitarisme morbide, l’universalisme dévoyé. Sonia Mabrouk n’a pas d’états d’âme quand il s’agit de lutter contre l’islam politique et ses méfaits. Mais comme elle le révèle dans des propos recueillis par Elisabeth Lévy et Céline Pina, la journaliste n’en demeure pas moins attachée à l’islam de son enfance, un islam de femmes nourri de contes plus que de Coran.

Dans son éditorial du mois, notre Directrice de la rédaction affirme qu’elle a peur de la Justice de son pays. Certes, en France la justice est indépendante, mais certains magistrats semblent vouloir le prouver en jugeant les politiques de manière ultra-sévère voire inique. A la différence des délinquants qui sont traités avec indulgence. Au lieu de pacifier la société, les juges se mêlent de la moraliser. Conclusion : « ça ne s’appelle pas l’État de droit, mais le gouvernement des juges. Et ça fait peur »

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Marine Le Pen sera-t-elle déclarée inéligible le 31 mars, comme le demande le parquet de Paris ? Jean-Baptiste Roques a interrogé son avocat, Rodolphe Bosselut, qui est aussi celui de Causeur. Il a de solides arguments pour s’opposer à cette réquisition aux conséquences politiques majeures. Après avoir dirigé trois petits partis, occupé tous les postes de la République ou presque et brigué trois fois la magistrature suprême, François Bayrou voit ses efforts enfin récompensés. Joseph Macé-Scaron explique que si au cours de sa carrière le Béarnais a accepté de ronger son frein et d’avaler tant de couleuvres, c’est qu’il est doté d’une confiance en soi à faire pâlir Jupiter. Le nouveau Premier ministre devra gérer un déficit public dépassant 6% du PIB. Autrement dit, la France est au bord de l’abîme budgétaire. Selon Pierre-Jean Doriel, il est improbable que le pays connaisse le sort de la Grèce, mais il est utile de voir comment celle-ci est sortie du gouffre de la dette : au prix d’une dizaine d’années de douloureux efforts. 

Côté international, Gil Mihaely explique l’effondrement si rapide du régime syrien par la stratégie gagnante menée par Israël depuis le 7-Octobre qui visait à écraser le Hamas à Gaza et le Hezbollah au Liban. Les cartes politiques étant désormais rebattues, reste à l’opposition armée syrienne de reconstruire un État. Le 7-Octobre a tourné la page du pacifisme israélien. Ceux qui défendaient par conviction la cause palestinienne défendent aujourd’hui par devoir les frontières d’Israël. Le reportage d’Inès Rubat du Mérac souligne combien la peur, la défiance et l’accoutumance à la guerre dictent le quotidien des kibboutz situés en première ligne, au nord comme au sud. En Afrique subsaharienne, le départ des soldats français déployés au Mali a permis à la Russie de s’implanter au cœur du pouvoir. En soutien à la junte militaire, les mercenaires de Wagner ont instauré un régime de terreur en systématisant massacres, viols et pillages dans certaines régions. Notre envoyé spécial, Loup Viallet, géopolitologue et directeur de contre-poison.fr, a rencontré des survivants de cette épuration ethnique. 

A lire aussin Elisabeth Lévy: J’ai peur de la Justice de mon pays

Quelles que soient les difficultés financières du pays, la culture française ne baisse pas les bras. Les écrivains Patrice Jean et Bruno Lafourcade ont commencé à se lire sans se connaître. Puis ils se sont écrit. Les Mauvais fils compile cet échange épistolaire entre deux écrivains qui ont, chacun à sa manière, déclaré la guerre à leur époque. Leur plume et leur humour prouvent que la correspondance littéraire n’est pas morte ! Leurs propos ont été recueillis par Isabelle Larmat. Yannis Ezziadi rend hommage à Niels Arestrup, mort le 1erdécembre. Durant toute sa carrière, ce dernier a brulé les planches et crevé l’écran. Ce passionné était de la race des Raimu et Marlon Brando qu’on venait voir, admirer et craindre à la fois. Vincent Roy a interrogé Olivier de Kersauson qui est non seulement un grand navigateur mais aussi un écrivain profond. Avant que la mémoire s’efface, paru en novembre, est le récit du voyage intérieur d’un loup de mer qui porte sur le monde un regard grave et désabusé. 

Le Pierrot, ou Gilles, de Watteau, a regagné les cimaises du Louvre après restauration, et Georgia Ray lui a rendu visite. Les couleurs, en retrouvant leur éclat, redonnent corps à ce portrait mystérieux et rassurant. Dans le vacarme du monde, cet homme immobile nous regarde fixement, et, surtout, garde le silence. Si Pierrot revit, Paris semble en ruines, du moins dans l’album que viennent de publier les photographes Yves Marchand et Romain Meffre. Ces derniers immortalisent partout dans le monde les édifices abandonnés et les quartiers fantômes. Dans Les Ruines de Paris, aidés par l’IA, ils fixent l’avenir d’une capitale désertée en proie à la nature sauvage. Julien San Frax y trouve une poésie singulière soulignée par la plume de Nathan Devers. L’auteur, journaliste et musicien Stan Cuesta puise là où bon lui semble : ses souvenirs, ses lectures, la musique, les rencontres… et surtout, son imagination. La musique a gâché ma vie est un recueil de récits pétillants où, nous dit Philippe Lacoche, le rock’n’roll danse avec Dame nostalgie et jongle avec les quilles du temps passé. Jean Chauvet trouve que la rentrée cinéma se fait à bas bruit. Heureusement, un distributeur a eu la bonne idée de ressortir en salles cinq merveilles réalisées par l’inoxydable Gilles Grangier. Du patrimonial comme on aime. 

Cette bonne nouvelle détonne par rapport à la morosité ambiante, et Ivan Rioufol nous rappelle que tous les choix du chef de l’État se sont soldés par des impasses. Emmanuel Macron ne peut survivre jusqu’en 2027 qu’au prix de l’immobilité et compte sur son sixième Premier ministre pour dynamiser l’inertie. C’est pourquoi une démission serait l’issue la plus souhaitable. Enfin, Gilles-William Goldnadel salue la récente enquête d’Eugénie Bastié dans Le Figaro consacrée au Monde, enquête qui révèle au grand jour l’anti-israélisme pathologique du fameux quotidien du soir. Le président d’Avocats Sans Frontières ose voir dans cette publication la fin de la domination de l’extrême gauche médiatique. Que son vœu – qui est celui de Causeur – se réalise !

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J’ai peur de la Justice de mon pays

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La journaliste Elisabeth Lévy © Pierre Olivier

En France, la justice est certes indépendante, mais certains magistrats semblent vouloir le prouver en jugeant les politiques de manière ultra-sévère voire inique. A la différence des délinquants qui sont traités avec indulgence. Nous ne vivons plus sous l’Etat de droit mais sous le gouvernement moralisateur des juges.


Pour les Chinois, 2024 était l’année du dragon. Pour la France, elle a été l’année des juges. Je préfère les dragons. Ils crachent du feu, mais ne maquillent pas leur puissance en vertu.

J’ai appris mes leçons. Je sais qu’une justice indépendante est un pilier de la démocratie. Je sais aussi que De Gaulle et Michel Debré se méfiaient des juges, raison pour laquelle la Justice a été réduite à la portion congrue d’autorité pendant que l’exécutif et le législatif se pavanent en pouvoirs. Quant à François Mitterrand, il disait à leur sujet : « Ils ont tué la monarchie, ils tueront la République. »

Les juges, des juges pour être précis, prennent leur revanche. Il ne leur suffit pas de se battre à armes égales et légales, ils entendent édicter des règles morales sorties de nulle part, sinon de leur brillant cerveau, mais qui s’imposent à tous. Puisqu’ils sont la bouche de la loi, la loi dit ce qu’ils veulent. Et comme ils entendent faire étalage de leur vertu démocratique, le puissant – terme applicable à quiconque passe à la télé – est désormais jugé bien plus durement que le misérable. Ils jouent sur du velours, on n’est jamais déçu quand on flatte les affects robespierristes.

Ces derniers mois, les tricoteuses, qui se délectent à chaque fois qu’une tête connue est placée sur le billot de la Justice, n’ont pas chômé. En guise de zakouski, elles ont assisté en octobre à la chute de Nicolas Bedos, condamné à six mois sous bracelet (donc à la mort sociale) pour un baiser dans le cou et un attouchement non prouvé (sur un pantalon). Mine de rien, un tribunal décide qui peut faire des films et qui ne peut pas. En plus des élégances morales, nos juges sont donc invités à arbitrer les élégances artistiques. Il paraît qu’ils ont appliqué la loi. Dans mon souvenir, le doute profite au prévenu, mais je chipote. Ce qui me chiffonne encore plus, c’est que la Justice accepte de se prononcer sur des microconflits qui, dans un monde normal, se résoudraient par une embrassade ou une paire de claques. À en croire une enquête certainement très sérieuse du Syndicat de la magistrature, la moitié (féminine on suppose) des magistrats aurait été victime de violences sexistes-et-sexuelles (la liaison est importante). Il faut bien que ces dames guérissent leur traumatisme.

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Quelques semaines plus tard, les juges du parquet s’invitent dans l’élection présidentielle à l’occasion du procès des assistants parlementaires du FN. Non seulement ils exigent dans leur réquisitoire que la patronne du premier parti de France soit déclarée inéligible, ce qui est déjà contestable au regard d’une loi contestable (voir l’article de Jean-Baptiste Roques pages 14-16) mais, fait inédit pour un élu de la nation, ils demandent l’exécution provisoire, ce qui reviendrait, si les juges suivent le parquet fin mars, à priver Marine Le Pen de son droit de recours – et, ce qui est encore plus grave, à priver les électeurs du droit de choisir leurs gouvernants (sachant que ce qui est reproché à Marine Le Pen est assez véniel). C’est merveilleux, la loi est la même pour tout le monde, ronronnent les chroniqueurs. Manque de bol, un des procureurs mange le morceau et avoue que cela lui ferait trop mal de relaxer un prévenu contre lequel il n’a pourtant retenu aucune charge. Il paraît que ce proc a pris de longues vacances. En attendant, s’il s’agit de ménager l’estomac délicat de nos magistrats, je m’incline.

Un cinéaste talentueux et une prétendante sérieuse à l’Élysée, ce n’est pas rien. Mais un ancien président, c’est le trophée que tout adhérent du Syndicat de la magistrature rêve d’accrocher à son tableau de chasse. Surtout quand il s’agit de Nicolas Sarkozy, coupable de crime de lèse-petits pois. Le 18 décembre, la Cour de cassation confirme sa condamnation à trois ans de prison, dont un an ferme sous bracelet électronique, et à trois ans d’inéligibilité, pour corruption active et trafic d’influence. Or, toute l’affaire repose sur une conversation avec son avocat, écoutée de manière scandaleuse pour aller à la pêche du fameux argent libyen ­- dont il n’y a toujours aucune trace. Non seulement les juges bafouent l’un des premiers droits de la défense (la confidentialité), mais en plus ils espionnent un ancien président sans savoir ce qu’ils cherchent. Écoutons, on trouvera bien quelque chose. Bizarrement, les vestales de l’État de droit ne s’insurgent pas contre cette pratique digne d’une dictature. Si on écoutait les conversations entre un journaliste et un lanceur d’alerte, ce serait l’émeute.

Surtout, ce qui est reproché à Sarko, c’est d’avoir envisagé de pistonner un magistrat contre des infos. Sauf que le magistrat n’a pas donné d’information et qu’il n’a pas eu de piston, d’ailleurs, il n’a même pas brigué le poste. Autrement dit, il n’y a pas eu l’ombre d’un commencement d’exécution du prétendu pacte de corruption. Nicolas Sarkozy est condamné pour une intention supposée, exprimée dans une discussion privée. Et pourquoi pas pour une pensée ? Si je déclare sur CNews qu’avec mes copains de Causeur, on s’apprête à cambrioler la Banque de France, serai-je condamnée ?

Tous les jours, des délinquants qui agressent, volent, menacent, insultent leurs contemporains sortent libres de nos tribunaux. Le jeune homme qui avait menacé publiquement le proviseur du lycée Ravel a été condamné à une amende qui ne sera pas inscrite à son casier pour ne pas pénaliser sa carrière. Et un ancien président de la République se voit privé de sa liberté de circuler ? Quand la Justice, incapable de pacifier la société, ce qui est pourtant sa mission, se mêle de la moraliser, voire de la purifier, ça ne s’appelle pas l’État de droit, mais le gouvernement des juges. Et ça fait peur. Il paraît que la Justice est rendue au nom du peuple français. Je refuse d’être comptable de décisions iniques. Not in my name !

Valls à l’envers

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Manuel Valls, ministre des Outre-Mer, lors de la Cérémonie de passation de pouvoir entre Francois-Noel Buffet et Manuel Valls, le 24 décembre, dans la cour de l'Hotel de Montmorins, au Ministere des Outre-Mer, Paris. Chang Martin/Sipa Press

Lors de son discours de passation, le nouveau ministre des Outre-mer, Manuel Valls, a mis en avant son patriotisme. Pourtant, lors de son passage sur France Inter juste avant Noël, certains auditeurs invités à lui poser une question par téléphone ont clairement – et vertement – indiqué qu’ils n’étaient pas du tout impressionnés par la cohérence de ses engagements.


Il semblerait qu’à la Matinale de France Inter, pour certains hôtes, le réveil puisse parfois s’avérer glacial. Manuel Valls tout frais Ministre d’État à l’Outre-mer l’aura appris à ses dépens le matin du 24 décembre. Vingt-quatre heures avant le jour J pour la distribution des cadeaux de Noël, la station radiophonique de service public lui faisait celui de le recevoir en direct. Cadeau plutôt empoisonné finalement, dirait-on.

En fait, à l’autre bout du fil, en lieu et place du Père Noël, deux Pères Fouettard. En premier, un certain Jean-Noël (sic) qui, ayant apparemment réussi à déjouer le filtrage de pré-antenne et prenant donc l’invité à l’envers, par surprise, y est allé de sa diatribe. « Je voudrais dire à Manuel Valls qu’il a participé sous Hollande à la destruction de la gauche, qu’il a trahi le PS et son candidat Benoît Hamon, qu’il s’est exilé en Espagne et s’est fait jeter, qu’il cherche à rallier Macron et qu’il n’a pas été élu. Vous devriez avoir honte, vous êtes le pire des traîtres, M. Valls. Toute la France a honte de votre comportement. Vous êtes pire qu’un étron. » L’auteur de ces amabilités ayant été évacué, un autre ne tarde guère à prendre le relais : « On vous présente comme l’aile gauche du gouvernement. En Espagne, le parti qui avait présenté votre candidature avait fait alliance avec l’extrême droite. En cas de nouvelle censure, pourriez-vous rejoindre un gouvernement Bardella dont vous représenteriez l’aile gauche ? » 

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Ce à quoi l’interpellé tente de répliquer en dénonçant le climat général de violence et « d’hostilité à l’égard des responsables politiques » que connaîtrait le pays. Un peu court. Un peu faible. Assez pitoyable au fond. M. Valls aurait dû se douter qu’en acceptant la pleine lumière ministérielle, les ombres de son parcours plutôt tortueux et déroutant le rattraperaient bien vite. Un proverbe italien dit à peu près ceci «Qui veut monter au cocotier doit avoir le derrière propre.» Sans doute M. Valls – qui, du moins à ce jour, n’a pas encore cherché à mener de carrière politique en Italie – a-t-il l’excuse d’ignorer ce dicton. Dans l’ébriété du succès, sans doute aussi n’aura-t-il pas bien mesuré le risque qu’il prenait en se présentant lui-même comme un parangon de patriotisme, ce qu’il a bel bien osé lors de son discours de passation : « Dans ma vie, chaque fois que je me suis assis à un conseil municipal, dans l’hémicycle, au conseil des ministres, je n’ai jamais été blasé. J’ai toujours considéré cela comme un immense honneur. C’est cela être patriote. » Patriote espagnol, catalan, français ? À préciser.

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Beaucoup de girouettes de nos toits sont de petits drapeaux. Celui de M. Valls serait-il de ce genre-là ? Quelques mots plus tard, un lapsus lui a fait dire « territoires ultra malins » à la place d’ultra marins. Je n’ai pu m’empêcher de sourire. Il me semblait qu’il n’était vraiment pas « ultra malin » que cette bouche-là se permît ce beau mot de patriote. Ce qui pourrait bien l’être, en revanche, ultra-malin, serait l’espèce de traquenard dans lequel M. le ministre d’État serait allé se fourrer de lui-même en acceptant l’invitation de la station en ce premier matin de gloire. On peut en effet s’étonner que les deux Pères Fouettard que nous avons évoqués soient parvenus, en fin de compte, à lâcher de bout en bout leurs invectives, et, pour le premier, ses insultes. Je n’ai pas pu m’empêcher de penser que, à cette heure de petit déjeuner, plus d’un à France Inter devait boire du petit lait. En effet, enfariner radiophoniquement un ex-premier ministre socialiste viré macroniste tendance Bayrou, quelle aubaine pour ceux-là !

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