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Congrès de Lyon : Marine Le Pen parodie Zemmour

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« Il passe devant Gollnisch, l’honneur est sauf », constate, un brin perfide, Gilbert Collard à propos de Florian Philippot. Ce frontiste sans l’être, membre du Rassemblement Bleu Marine, saluait, samedi, à sa manière, la quatrième place du vice-président du Front national à l’élection renouvelant le comité central du parti, dont les résultats officiels ont été annoncés dimanche matin mais qui avaient « fuité » la veille. L’un des enjeux du 15e congrès de la formation nationaliste, le plus médiatique en tout cas, résidait dans la compétition opposant Marion Maréchal-Le Pen, la « demoiselle du Vaucluse » et nièce de Marine Le Pen, au parlementaire européen, qui passe pour être le « protégé » de la présidente. Nulle incertitude en revanche ne planait sur le nom du futur chef, en l’occurrence de la future chef, Marine Le Pen, logiquement seule candidate à sa succession. Elle a fait le plein des suffrages, 100%.

« Marion » est avec 80% des votes internes la grande gagnante du « vrai » scrutin dont est sortie la nouvelle composition du « parlement » du parti. La « famille » arrive en tête du dépouillement, Louis Aliot, compagnon dans la vie de Marine Le Pen, accédant au deuxième rang. Crédité de 76% des suffrages, il devance le populaire Steeve Briois (70%), maire d’Hénin-Beaumont dans le Pas-de-Calais, et, donc, l’« énarque » Florian Philippot (69%), candidat malheureux aux dernières municipales à Forbach, en Moselle.

Un léger flou entourait hier la participation au vote, divers pourcentages circulant d’un étage à l’autre du Centre des congrès de Lyon, où le FN tenait son meeting. Le député européen Jean-François Jalkh annonçait un taux de 53%, soit 22 000 votants pour 42 000 adhérents à jour de cotisations. Un militant, élu municipal FN, sans doute moins bien informé, l’estimait à un peu en dessous de 40%, soit 30 000 votants sur les quelque 80 000 adhérents du parti. Dans les deux cas de figure, il est très inférieur à celui du congrès de Tours en 2011, haut de 76%, dont l’enjeu était tout autre, puisqu’il s’agissait de choisir entre Marine Le Pen et Bruno Gollnisch pour succéder au « vieux ».

Environ 400 candidats briguaient un siège au comité central, pour 100 disponibles, auxquels s’ajoutent 20 autres sièges, la présidente ayant toute latitude pour en désigner les occupants. Pour la première fois dans l’histoire des congrès du FN, les résultats individuels des élus au « CC » ont été rendus publics, relève un candidat arrivé au-delà des 100 et qui, de ce fait et à son grand regret, ne connaîtra pas son classement. Seul celui des « vainqueurs » est établi.

La candidate représentant le courant dit « conservateur-libéral », Marion Maréchal-Le Pen, l’a ainsi emporté sur son concurrent « national-républicain », Florian Philippot. De quoi on peut déduire que les opposants au mariage homosexuel et au droit d’adoption afférent sont majoritaires au FN. On lui donnerait la couronne sans tenir compte de l’ordre de succession, à Marion Maréchal-Le-Pen. Non que sa tante ait un côté prince Charles d’Angleterre, elle trône et règne bel et bien d’une main ferme, mais la nièce est une sorte de perfection politique et plastique, toute en distinction décontractée, comme si elle venait de descendre en canoë-kayak les gorges du Verdon pour une œuvre de bienfaisance. Mais tout n’est pas qu’affaire de charme frais et de jolis minois, les idées jouent pour beaucoup. L’ADN Front national se retrouve plus en Marion Maréchal-Le Pen, censée incarner la base et petite-fille à son grand-père qui revit en elle, qu’en Florian Philippot, l’agent de la « dédiabolisation » du parti, l’étape qui doit mener à la victoire en 2017. Sa quatrième place dans le « top 10 » du nouveau comité central n’est pas en rapport avec sa surface médiatique, quasi-omni-présente.

« Il paie son pèlerinage sur la tombe du général de Gaulle, le 9 novembre à Colombey-les-Deux-Eglises », analyse un élu local FN de l’Ouest de la France. « Dans ma section, il est détesté, précise-t-il. J’avais coché son nom dans la liste des membres du futur comité central, mais j’ai regretté de l’avoir fait. » Si, dans le parti de Jean-Marie Le Pen, certains veulent bien se dire gaulliens, et encore, c’est pour faire un effort, d’autres, parfois les mêmes, se mettent deux doigts dans la bouche en entendant le mot « gaulliste ». Dans la doxa frontiste, De Gaulle est le fossoyeur de l’Algérie française, celui qui croyait endiguer la vague arabo-musulmane en « donnant » l’indépendance aux Algériens et qui a provoqué le contraire, un « tsunami », selon le superlatif maritimo-terrestre employé samedi par Jean-Marie Le Pen pour désigner l’« immigration maghrébine » en France.

Philippot sera certainement pardonné, cette histoire de gaullisme n’étant manifestement pas essentielle. Au fond, quatrième, ce n’est pas si mal. Cela indique en tout cas que les électeurs frontistes sont légitimistes : ce que leur présidente incontestée veut, ils le lui donnent, même si elle aurait probablement préféré que Philippot devance la députée du Vaucluse. La victoire de cette dernière à l’élection du comité central n’est toutefois pas totale puisque Marine Le Pen a refusé l’entrée de sa nièce au « bureau exécutif », le gouvernement restreint du parti, situé tout en haut de l’appareil et qui chapeaute le « bureau politique », le gouvernement élargi du FN, renouvelé hier, toutes les sensibilités y trouvant apparemment place. Le bureau exécutif doit encore être désigné.

Contrairement à il y a trois ans à Tours, on n’a pas vu cette année à Lyon de jeunes gens au look « inquiétant ». L’extrême droite organisée n’a visiblement et officiellement plus sa place au FN, du moins pas à son congrès. A Tours, les spartiates vêtus de noir de l’Œuvre française, un mouvement ultranationaliste dirigé par Yvan Benedetti et proche de Bruno Gollnisch, avaient pris part à l’élection du comité central et de la présidence. Cela n’est plus possible au FN, l’appartenance à une autre organisation étant en principe interdite.

Marine Le Pen a fait le ménage dans le parti. Le nouveau comité central est largement à sa main. Quand, au congrès tourangeaux, David Rachline, l’actuel maire de Fréjus, un « mariniste », était élu à la cinquantième place sous les huées du clan Gollnisch, il accède aujourd’hui au sixième rang sous les vivats. La vieille garde lepéniste passe le témoin sous la contrainte démocratique interne. Un réseau de cadres locaux acquis à la présidente, et notamment les élus municipaux, chassent les « fidèles » dans les profondeurs du classement. Il est bien là, le fait marquant de ce 15e congrès, et non dans les divergences entre la ligne « Marion Maréchal-Le Pen » et la ligne « Florian Philippot », dont le mérite tactique est d’introduire de la « pluralité » dans le parti et de ratisser large.

Tout cela nous ferait presque oublier le discours de clôture prononcé par Marine Le Pen dans l’amphithéâtre du Centre des congrès, aux 3000 places prises d’assaut. Il fallait galvaniser les troupes, ce fut fait. Tout démarre par un clip en traveling-avant dans des paysages de France, sur une musique tonitruante de péplum celtique. De belles images, mais sans âmes qui vivent, minérales, austères et vibrantes. C’est plus inquiétant que rassurant. On s’attend à voir surgir une armée, une armée de patriotes, bien sûr.

Il faut peut-être cela pour relever la France dont Marine Le Pen dresse le portrait effondré sur lui-même. On a parfois l’impression de lire

Zemmour dans le texte : le pays n’est plus que communautarisme musulman et vaste Disneyland, fustige-t-elle à la suite de l’essayiste. A l’applaudimètre, les attaques contre l’islam remportent la première place. Une ferveur monte alors dans les gradins, qui ressemblent à un grondement et comme à une fureur, à l’égal, peut-être, de l’impuissance des individus face à des phénomènes sur lesquels ils s’imaginent n’avoir aucune prise et qu’ils rangent dans un même sac : l’insécurité, la précarité, la construction de mosquées. « On est chez nous ! », scandent-ils en agitant des drapeaux tricolores. Si le Front national n’est plus un parti d’extrême droite, de ce passé censément révolu il a des fulgurances encore.

*Photo :  Pascal Fayolle/SIPA. 00699003_000046. 

Sarkozy, futur rempart à la droitisation?

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Alors comme ça, Bruno Le Maire a gagné ? L’écoute des chaînes d’information, le regard sur la une des quotidiens, un petit tour sur les réseaux ne peuvent laisser aucun doute. « Quelle claque ! Nicolas Sarkozy affaibli. Le retour raté. L’homme fort c’est Bruno Le Maire. C’est lui le vrai vainqueur. » Un petit coup d’œil sur les résultats chiffrés et là, surprise. Bruno Le Maire recueille 30 % malgré l’apport évident des voix des amis de Juppé et Fillon, effectivement un triomphe…. Nicolas Sarkozy récupère sans coup férir le premier parti d’opposition. L’appareil, les moyens matériels, les élus, les contacts, les fichiers et le pouvoir de nommer et d’investir. Jolie défaite en effet. J’avais dit dans ces colonnes mon incompréhension devant la haine suscitée par l’ancien Président de la République. Mais, manifestement depuis quelque temps le mainstream a basculé dans la pensée magique. La mise en place de l’inéluctable scénario qui verra le retour de Sarkozy aux affaires en mai 2017 provoque une telle panique que l’on entend plus que des incantations conjuratoires. En vain, il n’y a pas d’autres scénarios plausibles.

Petit retour en arrière. En 1993, le Parti socialiste subissait une défaite majeure ne renvoyant que 52 députés à l’Assemblée nationale. L’élection présidentielle de 1995 apparaissait comme perdue. Les candidats socialistes ne se bousculaient pas pour aller au massacre. Lionel Jospin réussit à faire mieux qu’une candidature de témoignage, même si sa défaite au second tour fut assez nette, le Parti socialiste avait de nouveau un leader. Qui gagnera les législatives de 1997. Le rapport de force gauche/droite après les 14 ans de présidence Mitterrand était équilibrée. La défaite de 2002 fruit d’une série d’erreurs tactiques ne se joua en fait qu’à peu de choses. Le PS en fut traumatisé, mais resta puissant disposant d’un outil politique maillant l’ensemble du territoire. La première erreur des éléphants fut de maintenir à la tête du parti le concierge que Lionel Jospin y avait installé pour garder la maison pendant qu’il était Premier ministre avant de devenir Président de la République. Les candidats à la succession de Jospin préférant se préparer pour 2007. François Hollande mis la machine au point mort, ce qu’il est probablement capable de faire le mieux. Arriva le séisme politique du non au référendum sur le TCE. Le PS fut divisé, c’était sa chance. Il ne sut pas la saisir. Ne comprenant pas le message, il fit taire tous ces militants, sympathisants, électeurs qui avaient voté non. Erreur politique majeure, qui a introduit dans ses veines le virus mortel qui est en train de le tuer. La présidentielle de 2007 qui aurait dû être imperdable s’est terminée comme l’on sait. Un parti soigneusement dépolitisé par François Hollande, les poids-lourds tout occupés à organiser leurs écuries présidentielles, les militants panurgiques choisissant massivement (60 % au premier tour !) celle que des sondages habiles leur avaient présentée comme devant l’emporter. Nouvelle catastrophe politique que cette candidature désastreuse qui ouvrait un boulevard à Nicolas Sarkozy. Son élection de 2007 fut d’abord la défaite de Ségolène Royal.

Quelles étaient les conditions politiques de l’arrivée de Nicolas Sarkozy à la Présidence ? Celle d’un rapport de force encore équilibré entre les deux blocs. Le surprenant redressement de la gauche entre les deux tours des législatives était un signal fort. Les élections municipales de 2008 aboutirent encore à un renforcement de son implantation dans les institutions de la France décentralisée. Le nouveau Président, plutôt que de s’occuper de l’électorat de droite qui l’avait soutenu, tenta de porter des coups à la gauche avec son ouverture et une démarche sociétaliste. Avec le résultat que l’on sait. Cela ne lui a pas rapporté une voix et exaspéré son électorat. En 2012 dans une France culturellement à droite, un candidat socialiste improbable devint l’instrument du rejet de Nicolas Sarkozy.

Avec un écart finalement assez faible, une petite majorité de Français a porté à la magistrature suprême cet inconnu, dont ceux qui le connaissaient, surtout chez ses camarades, savaient qu’il ne valait pas grand-chose. Mais, l’attrait des salons de la République et la haine de Sarkozy ont suffisamment aveuglé pour ne pas voir le piège qui attendait la gauche. L’arrivée au pouvoir de cette équipe dans ces conditions ne pouvait aboutir qu’à la catastrophe. Je confesse que bien que la prévoyant, je ne l’imaginais pas de cette ampleur. Pour la gauche, un Sarkozy élu de justesse avec une opposition puissante et tenue par son discours d’opposition, aurait peut-être été préférable. Il aurait été plus facile de mener des luttes, d’apporter la contradiction, d’éviter l’ampleur de l’aplatissement atlantiste, la destruction pour longtemps de la gauche politique, et l’ouverture d’un boulevard populaire au Front National.

Mais ce qui est fait est fait. L’hégémonie territoriale de la gauche vient de disparaître. La perspective de son candidat au deuxième tour en 2017 c’est : « même pas en rêve ». Ce sera Marine Le Pen contre le candidat de la droite. La gauche rêvait de Juppé et l’avait intronisé sans aucune vergogne. À la réflexion, l’âge, la personnalité, le passé et le passif plombent quand même le candidat des Inrockuptibles. S’enthousiasmer pour la copie conforme, toute de gaieté et de souplesse, du majordome Nestor de Moulinsart, cela risque d’être laborieux.

Depuis l’élection à la présidence de l’UMP, c’est le gendre idéal Bruno Le Maire, si propre, si lisse qui devient le candidat de la gauche. Et c’est justement ce qui va constituer un très gros handicap. Car l’élection de 2017 va se jouer à droite, très à droite. À chaque élection présidentielle, on nous a vendu des baudruches centristes adoubées par les médias. Autant de catastrophes.

Nicolas Sarkozy va récupérer un outil politique puissant. S’appuyer sur un tissu d’élus locaux qui vient de s’étoffer de plus de 90 000 nouveaux membres. Avoir la haute main sur l’élaboration du programme, le choix des collaborateurs, la maîtrise des investitures …

J’entendais Nicolas Domenach exiger péremptoirement « des primaires ouvertes à l’UMP, parce que c’est démocratique ! » Je pense qu’il lui sera répondu, d’abord de se mêler de ses affaires, et ensuite de cesser de prendre les gens pour des imbéciles. Les primaires « ouvertes » seraient en la circonstance destinées à mobiliser massivement le PS et l’UDI pour imposer son candidat à l’UMP. Et, il serait prudent de ne pas prendre Nicolas Sarkozy pour un imbécile. Si primaires ouvertes il y a, les conditions de participation seront justement fixées pour éviter la manipulation. Et Nicolas Sarkozy sera donc le candidat de l’UMP. Il lui suffira de faire autour de 20 % des voix au premier tour de la présidentielle pour être contre Marine Le Pen au second. Où il a toutes les chances d’être élu.

Rien n’est jamais complètement écrit. Personne n’avait prévu (encore que…) Nafissatou Diallo. Mais une chose semble claire, l’instrumentalisation de la justice est arrivée au bout. Ce ne sont pas les juges qui choisiront le prochain Président de la République.

Quelle sera sa situation politique alors ? Un PS qui aura du mal à récupérer 50 députés. Qui traversera une crise majeure dont la convalescence sera très longue. Une gauche de gauche groupusculaire. Une droite complètement hégémonique dans les collectivités locales. Et un Front national autour de 40 % à l’élection la plus importante. Résultat direct et malheureusement prévisible du vote Hollande du 6 mai 2012. Bravo !

Dites, mes camarades cela risque d’être un peu chaud non ? Avec un peuple de droite avide de revanche. Exaspéré par le comportement des élites roses et qui demandera des têtes. Un Front national qui tapera la porte. Il ne reste plus qu’à espérer que Nicolas Sarkozy joue les amortisseurs.

*Photo : CHINE NOUVELLE/SIPA. 00698977_000005.

C’est la faute à Rubens

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Longtemps, je l’avoue, j’ai éprouvé une difficulté avec Rubens. Ses cascades de grosses dondons boursouflées, sa peinture au kilomètre, ses compositions surchargées, tout chez lui me semblait détestable. Et puis, j’ai lentement évolué. Il y a d’abord eu ce livre étonnant de Philippe Muray, La Gloire de Rubens. C’est là que j’ai commencé à regarder les œuvres du maître flamand avec attention. Avec l’exposition « Sensation et sensualité. Rubens et son héritage », le Bozar de Bruxelles lui consacre un accrochage passionnant.

Sur les cimaises, les représentations d’enlèvements de beautés nues par des guerriers ou des satyres alternent avec des bacchanales en petite tenue. Après L’Enlèvement de Proserpine, on enchaîne avec L’Enlèvement des filles de Leucippe. La Licence des Andriens (habitants d’une île légendaire où coule le vin) succède au Jardin de l’amour, etc. Rubens n’y représente pas l’acte sexuel proprement dit, mais on y est presque. A minima, des femmes en troupeau font pigeonner leur poitrine, mais, la plupart du temps, elles exhibent sans chichis tous leurs appas. On boit, on danse, on pisse, on plonge la main dans le décolleté des dames, on se pelote, on s’enlève. Il s’agit, paraît-il, de scènes mythologiques, mais l’ambiance de la partouze pure et simple affleure de partout. Difficile de trouver dans l’histoire de l’art, même au XXe siècle, un artiste aussi direct. [access capability= »lire_inedits »]

De son vivant déjà, Rubens est un choc pour les artistes, tout particulièrement en France. La présence à Paris, au milieu du XVIIe siècle, du Grand Jugement dernier sème le trouble. Les contemporains du peintre sont stupéfaits par cet ahurissant Niagara de corps dégoulinant sur plus de six mètres de haut. Un spectacle terrifiant et fascinant pour les uns, l’apothéose du mauvais goût et de la vulgarité pour les autres. Les peintres français se fracturent en deux camps : rubénistes contre poussinistes – la liberté, l’imagination et le jeu sensuel des matières contre la primauté du dessin et de la morale. Toute l’histoire de la peinture est traversée par cette opposition qui n’en finit pas.

La façon dont Rubens pratique la peinture a également quelque chose de sensuel et d’instinctif. Il jette sur son support des coups de pinceau tournoyants et des jus bruns. Il s’attaque à toutes les parties de la toile en même temps et les fait évoluer ensemble. Puis il pose des couleurs et des lumières pour rehausser la composition et détacher les volumes. On passe insensiblement de l’esquisse à la peinture. L’œuvre s’achève en laissant voir en beaucoup d’endroits les dessous bruns qui unifient les divers composants, telle la sauce liant le ragoût. Cette manière de peindre contraste avec une pratique courante consistant à finaliser un fragment, puis l’autre, par exemple la manche, puis le visage. De plus, en amont de leurs réalisations, nombre d’artistes ont recours à des processus complexes d’appropriation du réel, combinant instruments d’optique et sens aigu de l’observation. Le réalisme est à ce prix. Rubens incarne, au contraire, une forme de peinture plus libre et faisant la part belle à l’improvisation à jet continu.

Ce n’est pas un hasard si le jeune Delacroix (1798-1863) se forme pour une bonne part en copiant des Rubens. Ses débuts ont en effet lieu à une période où le néoclassicisme et le culte de la raison réfrigèrent la spontanéité des artistes. Cependant, à force d’imiter ce maître, Delacroix adopte un mode de composition original dans son contexte. Dans une sorte de transe, il jette sur sa toile des taches et fait naître des flux tourbillonnants. Ensuite, les choses se précisent graduellement, mais sans perdre leur dynamique initiale. Une bonne part de la peinture du xixe siècle en résulte.

Le parcours Rubens du Bozar de Bruxelles est prolongé par de nombreuses œuvres de sa postérité supposée. Delacroix y a évidemment toute sa place, mais aussi nombre d’autres artistes européens tels Reynolds, Böcklin, Makart, etc. J’ai été tout de même un peu contrarié de ne trouver là aucune peinture contemporaine. Cette veine dionysiaque qui a refleuri au fil des siècles sous des formes si variées s’est-elle tarie ? Je me suis demandé à quoi pourrait ressembler un rubensien d’aujourd’hui qui aurait une vision plus actuelle du corps humain.

Un début de réponse à cette question m’a été donné par l’exposition Terry Rodgers « Radical  continuity », à la galerie Aeroplastics de Bruxelles. Il s’agit d’un peintre américain né en 1947, connu pour ses grandes compositions de parties dévêtues rehaussées de textiles porno chic. Sa peinture a quelque chose de baroque par sa profusion et ses enchevêtrements. Sa fascination pour les corps de jeunes privilégiés en bonne santé peut toutefois paraître aguicheuse. Cependant, elle exprime assez bien (peut-être involontairement) la futilité inhérente à un certain idéal de vie moderne. Ses protagonistes ont un destin de simples figurants. Ils font penser à des bancs d’ablettes, chacune virevoltant à côté de sa voisine, frétillante, argentée, mais dénuée de toute possibilité de communication interpersonnelle. Les œuvres de cet artiste sont impressionnantes. Elles laissent néanmoins un sentiment étrange, à la fois excitant et refroidissant.

Pour se confronter au souvenir de Rubens, il aurait été bien, également, de tomber sur des œuvres d’Eric Fischl, cet autre peintre américain passionnant (né en 1948). Malheureusement, il y a longtemps que je n’ai pu apprécier de visu l’une de ses productions. Il est cependant facile de le suivre sur Internet (www.ericfischl.com). Fischl pratique une peinture naturaliste et expressionniste très brillante. Il jette un regard étonnamment lucide sur nos contemporains. Il peint les humains avec l’évidence d’un artiste animalier. Ses nus sont réalistes jusqu’à l’extravagance. Il fait sentir à quel point notre destin est de devenir de plus en plus laids physiquement mais aussi moralement. Le sentiment de la chute se lit dans la trivialité de ses corps. Son inoubliable série Scenes of Late Paradise exprime la perdition dans le monde actuel avec autant de vérité que les damnés de Rubens dans le contexte de la Contre-Réforme.[/access]

 

Rubens, Bozar, Bruxelles, jusqu’au 4 janvier 2015.

Terry Rodgers, galerie Aeroplastics, Bruxelles (sur rendez-vous).

Dan Fante, poète du roman noir

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À quoi reconnaît-on un bon écrivain ? Par exemple à sa manière de jouer avec les codes, les règles, les genres, de les subvertir mais, évidemment, pas de les supprimer, ce que font les avant-gardes paresseuses qui donnent ainsi une factice impression de nouveauté au lecteur éberlué. A ce titre, Dan Fante est incontestablement un bon écrivain et son roman noir Point Dume (Seuil/Policier) est un exemple de  ce qu’affirme c la sagesse populaire : c’est dans les vieux pots qu’on fait les meilleures soupes.

On retrouve chez Dan Fante, d’emblée, quelques archétypes du roman noir qu’on pourrait croire usés jusqu’à la corde, l’ex-détective privé qui passe sa vie aux Alcooliques Anonymes, la femme fatale, le tueur sadique, le flic ripoux vendeur d’armes. On a presque l’impression de reconnaître de vieux amis dans de vieux décors, ici Los Angeles et Malibu. Mais voilà, Dan Fante est le fils du grand John Fante, celui du Rêve de Bunker Hill, et il a hérité de son père non seulement une forte propension à l’ivrognerie mais aussi une manière de style à la fois brutal, évident, efficace qui refuse le chantournement mais qui n’empêche pas une sourde mélancolie et une attention aux mouvements les plus imperceptibles des âmes en détresse.

Le narrateur de Point Dume, JD Fiorella est de fait un véritable double de Dan Fante. Comme son créateur, Fiorella est un ivrogne repenti, il a un père écrasant qui fut un grand écrivain méconnu et un scénariste alimentaire pour Hollywood et il a même publié un recueil de poèmes comme l’a fait Dan Fante dont nous recommandons au passage les excellents Bon baisers de la grosse Barmaid et De l’alcool dur et du génie où la poésie ressemble elle aussi à un roman noir, partagé entre violence, désespoir et instants de lyrisme lumineux :

Je suis redevenu ce gamin ivre de printemps
qui fonçait à vélo dans les petites rues de New York
devant les bornes d’incendie ouvertes
-trempé jusqu’aux os
lançant ma vie vers un ciel
où Dieu sautait à la corde. »

Fiorella, lui, est poursuivi par des cauchemars qui lui viennent de son époque new-yorkaise quand il fut impliqué dans une tuerie du temps où il était privé. Sur la côte Ouest, il vit comme un vieux garçon avec sa mère, la veuve du grand écrivain, dans une grande maison qui tombe en ruine progressivement près de la plage de Point Dume. Il essaie de bosser dans les voitures d’occasion entre deux réunions aux AA où il croise pas mal d’ex–vedettes de la télé ou du cinéma et il ne faut pas rater ces scènes qui nous donnent une certaine idée du monde du travail aux USA qui ferait saliver d’envie notre Gattaz national.

Et puis tout déraille, évidemment, assez vite. Fiorella va d’abord s’embrouiller avec la conductrice d’une Porsche jaune qu’il avait d’abord prise pour un homme et son seul pote des AA est retrouvé mort, le pénis tranché. Fiorella, sans qu’il sache pourquoi s’empare de l’appendice avant l’arrivée de la police et va l’inhumer dans son jardin. Il fait aussi ajouter l’incendie de la voiture maternelle, une vieille Honda rouge, qui était son seul moyen de transport dans une ville où les piétons ont une espérance de vie très limitée, et son licenciement de la concession d’occasions suite à une vente où les clients ont donné un chèque en bois.

Dans ce chaos, Fiorella retrouve de vieux réflexes et essaie de comprendre ce qui se passe et si par hasard ce ne serait pas cette engueulade à propos d’une queue de poisson avec la fille en Porsche qui serait à l’origine de tout ça. Evidemment, tout sera beaucoup plus compliqué  car si Dan Fante est non seulement un écrivain qui sait jouer sur tout le clavier, c’est aussi un vrai raconteur d’histoires avec une intrigue aux détours formidablement vicieux.

Point Dume de Dan Fante (Seuil/Policier).

*Photo : Cory Doctorow.

Sade à Orsay : une exposition, pour quoi faire?

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sade annie le brun

Il serait malvenu de contester à un commissaire d’exposition le droit de se faire plaisir, surtout lorsqu’il est question de Sade. Dans ce même contexte, il paraîtrait aussi surprenant de remettre en question le divin plaisir de déplaire aux autres, voire de les martyriser. Mais, pour parler plus sérieusement, l’exposition qui se tient au musée d’Orsay autour de la figure de l’auteur de Justine pose de vraies questions quant au rôle d’une exposition et, plus généralement, celui d’un grand musée. On commémore un bicentenaire qui concerne un écrivain sacré par l’histoire littéraire et la communauté intellectuelle. Certes, sans cet œuvre considérable et respecté, la figure du marquis ne serait que celle d’un pervers de haut vol dont la renommée, pour peu qu’il en eût durablement une, se serait arrêtée aux chroniques judiciaires et aux amphithéâtres de psychiatrie. Car, osons le dire, au risque de déplaire, et cette fois sans sadisme, le personnage est plutôt un sale type. Non que nous ayons tendance à manier le jugement moral et l’esprit victorien. Mais il n’est pas inintéressant de souligner que l’on célèbre Sade, grand libérateur de la femme et de l’enfant sans doute (viols, sévices non consentis, canifs et fouets à l’appui), au moment où la question sensible de la condition féminine couvre un large spectre qui va du touchant projet d’interdire la prostitution jusqu’à la « punition » d’un parlementaire pour avoir refusé de féminiser le titre d’un président de séance à l’Assemblée nationale.

On le voit, tout est relatif, mais, surtout, le génie littéraire fait la différence. Soit : c’est donc bien de littérature qu’il est question et non d’une prétendue figure « révolutionnaire » et libératrice, car la misère morale, l’obsession sexuelle et la transgression sociale, n’en déplaise aux nostalgiques de Mai 68, ne suffisent pas à faire une œuvre, et parce que passer une grande partie de sa vie en prison ou dans un asile ne fait pas de vous quelqu’un de génial en soi, que vous soyez écrivain, sculpteur ou pianiste. Le problème est donc que le visiteur qui s’apprête à entrer dans les salles de l’exposition d’Orsay s’attend à apprendre quelque chose sur Sade, son œuvre, sa langue, sa place dans l’histoire littéraire ou artistique.[access capability= »lire_inedits »] Nous ne serons pas dupes du fait que l’on compte bien entendu, quand même, sur quelques frissons racoleurs quant à l’évocation d’un tel auteur et d’une telle vie. Le petit film qui sert de bande-annonce, réalisé pour Orsay, et dans lequel il n’est d’ailleurs question ni d’art, ni de littérature, mais seulement d’une partouze, filmée comme Yann Arthus-Bertrand photographie le drame de la planète polluée, c’est-à-dire sur papier glacé, laisse entendre que l’interdit et l’érotisme seront de la partie, mais très correctement. Passons sur les exigences de la communication qui ont abouti à ce « clip » finalement assez édulcoré, sinon niais, et qui pourrait servir de publicité à Jean Paul Gaultier ou au déodorant Axe. Le visiteur, donc, n’apprendra pas grand-chose sur Sade, sinon par une chronologie assez longue et très neutre que l’on pourrait trouver dans tout ouvrage sérieux sur le sujet, et par des citations habilement choisies. Mais qu’en est-il du reste ?

Consacrer une exposition à une figure littéraire ou musicale est toujours un casse-tête : l’amateur érudit a beau adorer les manuscrits, livres et vieux papiers, un public plus large n’est guère sensible à cet aspect qu’il perçoit comme « documentaire ». Les relations entre les arts, l’illustration d’un thème, les répercussions d’une œuvre dans d’autres disciplines sont évidemment une solution, même si l’on a vite franchi la porte grande ouverte de généralités abusives qui dissolvent le propos. Et, certes, la trame revendiquée de l’exposition est la manière dont l’œuvre de Sade aurait révolutionné la représentation, remis en cause « de manière radicale » les questions de « limite, proportion, débordement, beauté, laideur », débarrassé le regard de tous ses « présupposés religieux, idéologiques, moraux, sociaux, etc. » Cela fait toutefois beaucoup pour un seul homme, surtout mis en perspective avec toute l’histoire de l’art européen, sans jamais la documenter, et sachant que les textes de Sade ont été finalement peu accessibles pendant deux siècles. On invoque donc l’action « souterraine » et « occulte » (concepts chers aux surréalistes) de Sade sur la pensée des artistes, Degas, Moreau, Cézanne… et tous les autres : un peu facile.

Mais, encore une fois, un postulat est toujours honorable, et il vaut mieux une exposition avec une thèse qu’une exposition sans propos. Encore faut-il que la thèse soit défendable, et défendue. Or, le Sade d’Orsay, qui regroupe en vrac et sur le même plan plusieurs centaines de numéros, peintures, dessins, sculptures, photographies, documents, et couvrant une longue période, du xvie siècle (avant Sade donc, faisant de lui un prophète rétrospectif !) jusqu’au xxe, n’est ni une présentation rigoureuse d’œuvres directement inspirées par Sade, ou du moins susceptibles d’en être rapprochées par un contexte historiquement défini, ni même une « illustration », de thèmes liés au sadisme, tant il englobe l’ensemble de la production artistique pourvu qu’on y aperçoive un soupçon de violence (ou pas !). L’exposition « Sade » ne relève donc ni de l’histoire de l’art ni de l’histoire littéraire ; on peut également difficilement dire qu’il s’agit d’histoire culturelle ou transversale, termes eux-mêmes passe-partout et souvent utilisés abusivement. Car, pour qu’il y ait histoire, il faut qu’il y ait méthode, rigueur, logique, outils valides et pertinents, respect des œuvres et de leur signification, sans instrumentalisation aucune. Or, Annie Le Brun, commissaire de l’exposition, n’est évidemment pas dans cette logique. On pense plutôt à une « exposition d’auteur » et, de fait, plus que de l’histoire de l’art, « Sade. Attaquer le soleil » relève davantage du musée imaginaire personnel, intime et solitaire, conçu pour se faire plaisir par un esprit de haute culture, habité par des convictions, passionné de lettres et d’images, dans la logique d’un André Breton. On peut même dire que les salles d’Orsay sont comme « le mur » du pape du surréalisme, mais sur cinq cents mètres carrés.

Bien sûr, il ne viendrait à personne l’idée de s’immiscer dans l’imaginaire personnel d’Annie Le Brun, auteur de nombreux ouvrages magistraux, figure du surréalisme et personnalité éminemment sympathique ; mais une exposition n’est pas un livre (le catalogue de l’exposition est tout autre chose et mérite sans aucun doute une approche différente), et l’on est en droit de se demander en quoi cet imaginaire très personnel constitue un apport à la connaissance de Sade ou de l’art ? On est heureux de voir et de revoir (car il y a peu de découvertes) de belles œuvres ; il n’en reste pas moins que Sade n’a pas rédigé LIliade, LOdyssée et l’Ancien Testament, que c’est Jacques de Voragine qui a écrit la Légende dorée et les Bollandistes les Acta Sanctorum, que l’on peut représenter les travaux d’Hercule ou le martyre de saint Sébastien, faire la guerre et l’amour, et les peindre, sans être sadique, que l’on peut même assassiner sa voisine, la couper en morceaux et la mettre dans une valise (comme le montre, sous un voile noir, une photographie judiciaire exposée) sans avoir été « sadique » à proprement parler.

Devant l’accumulation d’œuvres et d’images déconnectées de leur identité propre, et converties, de force, comme il se doit, au sadisme, on est placé devant ce dilemme : tout est sadique ou rien ne l’est, et aucune définition du sadisme n’est finalement offerte au visiteur. L’historicité et la singularité du phénomène Sade et sa vraie fortune postérieure sont ainsi évacuées au profit d’une sorte de totalité idéologique qui s’auto-légitime à travers un prisme universel auquel, infailliblement, rien n’échappe, comme avec le marxisme et la psychanalyse. On sait ce que le grand Roger Caillois, revenu du surréalisme après avoir dénoncé la niaiserie de l’affaire des pois sauteurs, pensait de ces idéologies érigées en dogmes. De la préhistoire à nos jours, la violence est donc sadique. C’est un peu court. Ainsi, le public averti ne sera pas dupe, jouera avec les références, et sera intéressé par le reflet que l’exposition donne du monde intérieur et du choix très respectable, mais luxueux, d’Annie Le Brun ; les visiteurs amateurs d’art prendront leur plaisir, non sadique, là où ils le trouveront, sans tenir compte d’un propos qui déraille et ignore le phénomène artistique lui-même en ramenant, par surcroît, tout à l’iconographie ; le grand public, s’il est rebelle, avouera n’avoir rien compris, et s’il est docile, sortira des fumées de la gare d’Orsay convaincu d’être sadique lui-même, puisque tout est sadisme. « L’ange du bizarre » et « Masculin/Masculin » avaient déjà illustré le goût du musée d’Orsay depuis quelques années pour de grands sujets qui, finalement, n’en sont pas vraiment lorsqu’on les traite avec désinvolture ; la question est désormais de savoir si les musées, qui sont des établissement publics consacrés à l’art, ont pour mission de conserver, enrichir, étudier et illustrer le patrimoine ainsi que de se consacrer à l’histoire de cet art par des apports et des publications scientifiques durables, ou de mettre les œuvres au service d’événements à la mode, de visions réservées et de parti pris idéologiques qui, sous des dehors « populaires » (alors qu’ils sont plutôt élitistes) et avec l’alibi de questionnements littéraires ou sociaux, ravalent l’acte créateur au niveau d’une illustration qui nie le fait esthétique et sa logique intrinsèque. Sade, oui, mais pour quoi faire ?[/access]

Marine Le Pen et l’emprunt russe

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Les journalistes couvrant le congrès du FN à Lyon, samedi 28 novembre ont pu déguster un honorable buffet composé de charcuteries fines, de fromages AOC affinés à point, arrosé de champagne de qualité ou de côte-du-rhône de bonne cuvée. Pas encore de caviar et de vodka pour les invités au cocktail de presse, mais cela devrait bientôt s’arranger avec l’octroi d’un prêt de 9 millions d’euros accordé au FN par la First Czech Russian Bank (FCRB), révélé cette semaine par Mediapart.

Le recours à l’or de Moscou ne trouble aucunement Marine Le Pen, qui a beau jeu de rétorquer qu’aucune banque française sollicitée n’a consenti à prêter ne serait-ce qu’un kopeck au FN, en dépit des recettes prévisibles liées aux futurs succès électoraux prédits au parti par les oracles sondagiers.

On murmure cependant, dans les couloirs du congrès, que la direction du FN a d’autant moins d’angoisse concernant le charge de remboursement de cet emprunt qu’elle a mis au point un montage financier pour le rendre indolore : les créanciers, dont les liens avec le Kremlin sont un secret de Polichinelle, verraient leurs échéances honorées avec des titres des emprunts émis par l’Empire tsariste entre 1880 et 1913, répudiés unilatéralement par les bolchéviques en 1917, et dont des liasses  énormes dorment depuis plus d’un siècle dans les greniers  des vieilles familles françaises. Voilà qui apprendra à Poutine combien il en coûte de se réapproprier le drapeau et les armoiries de l’empire des Romanov….

McQueen dans le viseur

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steve mc queen bullitt

Les éditeurs de « beaux livres » se déchaînent dès le mois de novembre. Ils envoient à toutes les rédactions leur « joli » catalogue, brillant, lustré, sucré, calibré comme les rêves des gagnants du Loto. Tout l’hiver dernier, ils ont mitraillé en rafale des macarons, des châteaux de la Loire, des porte-jarretelles et des plages lointaines. Gare à l’overdose de photos glacées en cette fin d’année ! Trop de quadrichromie nuit à la bonne santé. Parmi ces innombrables livres à date de péremption explosive, certaines maisons trouvent encore des trésors.

Ce McQueen inédit en noir et blanc qui vient de paraître aux Editions Premium en est un. Il exhume des clichés jamais vus et jamais imprimés (!!) du photographe américain Barry Feinstein. On croyait tout connaître du Kid de Cincinnati, ses belles bagnoles, ses escapades dans le désert du Mojave, sa gueule d’ange préparant un mauvais coup et cette cool attitude inimitable. McQueen comme Marilyn ou le Che fait tout vendre depuis sa mort. Son image sert les intérêts de l’horlogerie de luxe, de la construction automobile ou bien encore des lunettiers. C’est la « Grande Evasion » publicitaire. Barry Feinstein (1931-2011) n’était pas un de ces fous de la gâchette. Sa photographie naturelle sans recadrage et sans trucage restitue Steve dans sa vérité originelle. La légende y gagne en sincérité. L’amitié entre l’acteur et le photographe est née autour de passions communes : les motos et un certain goût du risque. Feinstein possédait une Indian Scout rouge de 1929 et une Triumph Bonneville 650 TT préparée par Bud Ekins, le célèbre cascadeur.

Avec de tels arguments pétaradants, la discussion prend forcément des tours. Feinstein était une pointure dans son domaine, formé à l’école de Life Magazine, passé par les studios d’Hollywood, ses travaux ont été publiés dans les pages de Time, Look, Esquire, Newsweek, Rolling Stones, etc… Il a même réalisé des centaines de pochettes d’albums. Judy Garland, Clark Gable, Bob Dylan, Janis Joplin, Barbara Streisand, JFK ou Nixon ont été dans son viseur. Son style tout en retenue et sobriété se résume dans l’une de ses maximes préférées: « savoir quand ne pas appuyer ». Cette phrase aurait plu à McQueen, savoir lever le pied à l’entrée d’une courbe pour en ressortir plus vite, c’est le b.a.-ba des pilotes de course. Les archives de Feinstein raviront les fans de l’acteur et ils sont nombreux en France. Hommes et femmes confondus. On y retrouve McQueen sur le tournage de Bullitt en 1968 mais également sur différents circuits où le comédien ne faisait pas de la figuration. « La course, c’est la vie ! Tout ce qui se passe avant ou après, c’est juste de l’attente » disait-il.

Chez nous, mai 68 est vénéré par quelques étudiants attardés comme la Statut de toutes les libertés. Pendant qu’on jetait des pavés rue Gay-Lussac, histoire de se défouler, la vraie révolution se déroulait à San Francisco. Elle était incarnée par le lieutenant Franck Bullitt. Son apparition sur les écrans a déboulonné le vieux monde. Col roulé en cachemire sous une veste à chevrons, pantalon cigarette, bottines en daim, McQueen conduisait une Mustang Fastback vert anglais dans les rues escarpées de la ville. Mao pouvait aller se rhabiller. Ce film, par son amertume et sa tension, vaut tous les manuels d’éducation politique. Et puis, il y a la présence de Jacqueline Bisset dont la beauté irréelle serrait notre cœur d’adolescent. Feinstein était là, dans la coulisse, il a tout vu et a immortalisé ce moment d’anthologie.

McQueen inédit, Barry Feinstein – Editions Premium

 

 

Les Athéniens malades de la peste

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legende ebola grece

« Le mal, dit-on, fit son apparition en Éthiopie, au-dessus de l’Égypte : de là il descendit en Égypte et en Libye. » Au IVe siècle avant J.-C., dans l’Histoire de la guerre du Péloponnèse,  Thucydide observe l’extension de la peste, partie des rivages africains pour atteindre ceux de la Grèce. Aujourd’hui, un nouveau spectre hante l’Occident : il a pour nom « Ebola ». On le sent rôder à nos frontières. Cette fièvre hémorragique, jusque-là cantonnée à l’Afrique où elle se livrait à de brefs carnages avant de disparaître, a pris une dimension nouvelle non seulement par le nombre de victimes qu’elle a provoqué en Afrique de l’Ouest mais aussi par les cas qui apparaissent désormais de manière sporadique au cœur de nos villes. Cette peur de l’épidémie est à la fois très archaïque et très moderne. La vision des médecins en combinaison intégrale renvoie à un certain nombre de films catastrophe eux-mêmes inspirés de romans d’anticipation comme Je suis une légende, de Richard Matheson, où des mutants traquent les derniers hommes indemnes. Le point commun entre Je suis une légende et Ebola, point qui est presque un invariant dans la grande peur des épidémies, c’est le sang, principal vecteur du virus, mais aussi de la peur. On apprenait ainsi, récemment, qu’Air Canada avait refusé de transporter un échantillon prélevé sur un malade ![access capability= »lire_inedits »]

L’une des premières descriptions des ravages sanitaires et psychologiques d’une épidémie – la peste à Athènes – se trouve donc dans l’Histoire de la guerre du Péloponnèse. On y retrouve cette présence du sang : « L’intérieur, le pharynx et la langue devenaient sanguinolents », de la fièvre, et de la mort presque certaine des malades. Thucydide précise que cette peste est venue d’Afrique, sans que l’on puisse cependant expliquer son apparition à Athènes, pas plus que l’on n’explique aujourd’hui l’arrivée d’Ebola chez nous. D’où psychose et rumeur : « Le mal se déclara subitement à Athènes et (…) on colporta le bruit que les Péloponnésiens avaient empoisonné les puits. » Mais ce qui nous semble encore plus proche, c’est le courage des soignants victimes de leur dévouement : « Ceux qui approchaient les malades périssaient également (…) : mus par le sentiment de l’honneur, ils négligeaient toute précaution, allaient soigner leurs amis ; car, à la fin, les gens de la maison eux-mêmes se lassaient, vaincus par l’excès du mal, d’entendre les gémissements des moribonds. » On laissera donc la parole à Camus qui, dans La Peste, trouve une raison d’espérer au cœur de la catastrophe, qui forge de nouvelles solidarités : « Il y a chez les hommes plus de choses à admirer qu’à mépriser. » Les soignants tombés sur le front d’Ebola prouvent peut-être qu’il avait raison.[/access]

Valérie à tous les râteliers

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valerie trierweiler hollande

Voici quelques semaines que les dents de Valérie occupent une part de l’actualité politique française. Même si beaucoup de mensonges, affaires, émissions, démissions  et compromissions sont passés sous les ponts depuis la parution de son livre…

Valérie a la dent dure.

On lui avait trouvé la dent dure pour sa révélation des blagues douteuses de son Président de copain concernant les « sans-dents ». Pour avoir également invité le peuple français dans sa chambre à coucher pour y assister à des consternantes scènes de ménage, de jalousie, de pamoison ou autres détails intimes scabreux. Pour avoir confondu son métier de journaliste et son état de copine de Président. Pour avoir approché encore un peu plus du caniveau la fonction déjà affaiblie d’un homme public au bord du gouffre.

Valérie a les dents longues.

Non contente du phénoménal succès de librairie qui souligne l’appétit Français pour le ragot –bonne nouvelle, les français lisent !-, non contente des sommes faramineuses gagnées à couler ce qu’il restait de dignité au Président, Valérie, la femme blessée a retrouvé le sens des affaires en même temps que ses esprits et s’exporte -en plus de dix langues, excusez du peu-. C’est probablement ce qu’on appelle l’excellence française, que vantait un grotesque Montebourg, du temps de sa splendeur, dans sa marinière bleue et blanche Armor-Lux.

Comme notre ex-première dame a un sens du commerce –extérieur- à faire pâlir d’envie tous les économistes penchés au chevet de la France malade, en plus de ses interviews en exclusivité pour les journaux des pays dans lesquels son « livre d’amour » sort ces jours-ci, notre manageuse promet du scoop… A quoi sert d’avoir une exclu si l’on n’a pas de scoop ?

Et elle en apporte un au quotidien La Repubblica. Où l’histoire se répète : alors que parait ce week-end dans la presse people une photo de François Hollande et sa future-ex-nouvelle compagne Julie Gayet dans les jardins de l’Elysée, Valérie livre à la presse étrangère une petite conversation des plus croustillantes au regard des indiscrétions du sniper-photographe qui hante les murs du Palais : « Il voulait me dire qu’il ne m’en voulait pas pour le livre. Et il voulait m’assurer que Julie Gayet ne vient jamais à l’Élysée. A l’évidence, le mensonge nous a accompagnés jusqu’à la fin ».

C’est l’arroseuse arrosée. On se souvient avec quelle classe l’amant avait éconduit la belle. Elle affirme qu’il la bombarde, depuis, de textos, de mails et de bouquets de fleurs pour la supplier de revenir. Pour rien au monde elle ne se priverait de le faire savoir. On s’était demandé, à le voir si imperméable aux émotions et au désamour des français, si François Hollande n’était pas immensément fier. On en doute à présent !

Et bientôt des dents en or…

« Il m’a dit : je saurai toujours te trouver », ajoute-t-elle. Donnant délibérément un double sens à cette citation, puisqu’elle explique également au Times Magazine qu’elle se sent espionnée par l’Elysée.

Aujourd’hui Valérie montre les dents, plutôt guérie que blessée, elle ne lâchera jamais.

Et si le président Hollande a promis de la retrouver où qu’elle soit, cela l’empêchera-t-elle d’aller  cacher ses millions en Belgique ou ailleurs, où elle pourra enfin sourire de toutes ses dents… en or ?

 *Photo : VILLEMAIN CYRIL/SIPA. 00698687_000012.

Congrès de Lyon : Marine Le Pen parodie Zemmour

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marine lepen fn

marine lepen fn

« Il passe devant Gollnisch, l’honneur est sauf », constate, un brin perfide, Gilbert Collard à propos de Florian Philippot. Ce frontiste sans l’être, membre du Rassemblement Bleu Marine, saluait, samedi, à sa manière, la quatrième place du vice-président du Front national à l’élection renouvelant le comité central du parti, dont les résultats officiels ont été annoncés dimanche matin mais qui avaient « fuité » la veille. L’un des enjeux du 15e congrès de la formation nationaliste, le plus médiatique en tout cas, résidait dans la compétition opposant Marion Maréchal-Le Pen, la « demoiselle du Vaucluse » et nièce de Marine Le Pen, au parlementaire européen, qui passe pour être le « protégé » de la présidente. Nulle incertitude en revanche ne planait sur le nom du futur chef, en l’occurrence de la future chef, Marine Le Pen, logiquement seule candidate à sa succession. Elle a fait le plein des suffrages, 100%.

« Marion » est avec 80% des votes internes la grande gagnante du « vrai » scrutin dont est sortie la nouvelle composition du « parlement » du parti. La « famille » arrive en tête du dépouillement, Louis Aliot, compagnon dans la vie de Marine Le Pen, accédant au deuxième rang. Crédité de 76% des suffrages, il devance le populaire Steeve Briois (70%), maire d’Hénin-Beaumont dans le Pas-de-Calais, et, donc, l’« énarque » Florian Philippot (69%), candidat malheureux aux dernières municipales à Forbach, en Moselle.

Un léger flou entourait hier la participation au vote, divers pourcentages circulant d’un étage à l’autre du Centre des congrès de Lyon, où le FN tenait son meeting. Le député européen Jean-François Jalkh annonçait un taux de 53%, soit 22 000 votants pour 42 000 adhérents à jour de cotisations. Un militant, élu municipal FN, sans doute moins bien informé, l’estimait à un peu en dessous de 40%, soit 30 000 votants sur les quelque 80 000 adhérents du parti. Dans les deux cas de figure, il est très inférieur à celui du congrès de Tours en 2011, haut de 76%, dont l’enjeu était tout autre, puisqu’il s’agissait de choisir entre Marine Le Pen et Bruno Gollnisch pour succéder au « vieux ».

Environ 400 candidats briguaient un siège au comité central, pour 100 disponibles, auxquels s’ajoutent 20 autres sièges, la présidente ayant toute latitude pour en désigner les occupants. Pour la première fois dans l’histoire des congrès du FN, les résultats individuels des élus au « CC » ont été rendus publics, relève un candidat arrivé au-delà des 100 et qui, de ce fait et à son grand regret, ne connaîtra pas son classement. Seul celui des « vainqueurs » est établi.

La candidate représentant le courant dit « conservateur-libéral », Marion Maréchal-Le Pen, l’a ainsi emporté sur son concurrent « national-républicain », Florian Philippot. De quoi on peut déduire que les opposants au mariage homosexuel et au droit d’adoption afférent sont majoritaires au FN. On lui donnerait la couronne sans tenir compte de l’ordre de succession, à Marion Maréchal-Le-Pen. Non que sa tante ait un côté prince Charles d’Angleterre, elle trône et règne bel et bien d’une main ferme, mais la nièce est une sorte de perfection politique et plastique, toute en distinction décontractée, comme si elle venait de descendre en canoë-kayak les gorges du Verdon pour une œuvre de bienfaisance. Mais tout n’est pas qu’affaire de charme frais et de jolis minois, les idées jouent pour beaucoup. L’ADN Front national se retrouve plus en Marion Maréchal-Le Pen, censée incarner la base et petite-fille à son grand-père qui revit en elle, qu’en Florian Philippot, l’agent de la « dédiabolisation » du parti, l’étape qui doit mener à la victoire en 2017. Sa quatrième place dans le « top 10 » du nouveau comité central n’est pas en rapport avec sa surface médiatique, quasi-omni-présente.

« Il paie son pèlerinage sur la tombe du général de Gaulle, le 9 novembre à Colombey-les-Deux-Eglises », analyse un élu local FN de l’Ouest de la France. « Dans ma section, il est détesté, précise-t-il. J’avais coché son nom dans la liste des membres du futur comité central, mais j’ai regretté de l’avoir fait. » Si, dans le parti de Jean-Marie Le Pen, certains veulent bien se dire gaulliens, et encore, c’est pour faire un effort, d’autres, parfois les mêmes, se mettent deux doigts dans la bouche en entendant le mot « gaulliste ». Dans la doxa frontiste, De Gaulle est le fossoyeur de l’Algérie française, celui qui croyait endiguer la vague arabo-musulmane en « donnant » l’indépendance aux Algériens et qui a provoqué le contraire, un « tsunami », selon le superlatif maritimo-terrestre employé samedi par Jean-Marie Le Pen pour désigner l’« immigration maghrébine » en France.

Philippot sera certainement pardonné, cette histoire de gaullisme n’étant manifestement pas essentielle. Au fond, quatrième, ce n’est pas si mal. Cela indique en tout cas que les électeurs frontistes sont légitimistes : ce que leur présidente incontestée veut, ils le lui donnent, même si elle aurait probablement préféré que Philippot devance la députée du Vaucluse. La victoire de cette dernière à l’élection du comité central n’est toutefois pas totale puisque Marine Le Pen a refusé l’entrée de sa nièce au « bureau exécutif », le gouvernement restreint du parti, situé tout en haut de l’appareil et qui chapeaute le « bureau politique », le gouvernement élargi du FN, renouvelé hier, toutes les sensibilités y trouvant apparemment place. Le bureau exécutif doit encore être désigné.

Contrairement à il y a trois ans à Tours, on n’a pas vu cette année à Lyon de jeunes gens au look « inquiétant ». L’extrême droite organisée n’a visiblement et officiellement plus sa place au FN, du moins pas à son congrès. A Tours, les spartiates vêtus de noir de l’Œuvre française, un mouvement ultranationaliste dirigé par Yvan Benedetti et proche de Bruno Gollnisch, avaient pris part à l’élection du comité central et de la présidence. Cela n’est plus possible au FN, l’appartenance à une autre organisation étant en principe interdite.

Marine Le Pen a fait le ménage dans le parti. Le nouveau comité central est largement à sa main. Quand, au congrès tourangeaux, David Rachline, l’actuel maire de Fréjus, un « mariniste », était élu à la cinquantième place sous les huées du clan Gollnisch, il accède aujourd’hui au sixième rang sous les vivats. La vieille garde lepéniste passe le témoin sous la contrainte démocratique interne. Un réseau de cadres locaux acquis à la présidente, et notamment les élus municipaux, chassent les « fidèles » dans les profondeurs du classement. Il est bien là, le fait marquant de ce 15e congrès, et non dans les divergences entre la ligne « Marion Maréchal-Le Pen » et la ligne « Florian Philippot », dont le mérite tactique est d’introduire de la « pluralité » dans le parti et de ratisser large.

Tout cela nous ferait presque oublier le discours de clôture prononcé par Marine Le Pen dans l’amphithéâtre du Centre des congrès, aux 3000 places prises d’assaut. Il fallait galvaniser les troupes, ce fut fait. Tout démarre par un clip en traveling-avant dans des paysages de France, sur une musique tonitruante de péplum celtique. De belles images, mais sans âmes qui vivent, minérales, austères et vibrantes. C’est plus inquiétant que rassurant. On s’attend à voir surgir une armée, une armée de patriotes, bien sûr.

Il faut peut-être cela pour relever la France dont Marine Le Pen dresse le portrait effondré sur lui-même. On a parfois l’impression de lire

Zemmour dans le texte : le pays n’est plus que communautarisme musulman et vaste Disneyland, fustige-t-elle à la suite de l’essayiste. A l’applaudimètre, les attaques contre l’islam remportent la première place. Une ferveur monte alors dans les gradins, qui ressemblent à un grondement et comme à une fureur, à l’égal, peut-être, de l’impuissance des individus face à des phénomènes sur lesquels ils s’imaginent n’avoir aucune prise et qu’ils rangent dans un même sac : l’insécurité, la précarité, la construction de mosquées. « On est chez nous ! », scandent-ils en agitant des drapeaux tricolores. Si le Front national n’est plus un parti d’extrême droite, de ce passé censément révolu il a des fulgurances encore.

*Photo :  Pascal Fayolle/SIPA. 00699003_000046. 

Sarkozy, futur rempart à la droitisation?

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Alors comme ça, Bruno Le Maire a gagné ? L’écoute des chaînes d’information, le regard sur la une des quotidiens, un petit tour sur les réseaux ne peuvent laisser aucun doute. « Quelle claque ! Nicolas Sarkozy affaibli. Le retour raté. L’homme fort c’est Bruno Le Maire. C’est lui le vrai vainqueur. » Un petit coup d’œil sur les résultats chiffrés et là, surprise. Bruno Le Maire recueille 30 % malgré l’apport évident des voix des amis de Juppé et Fillon, effectivement un triomphe…. Nicolas Sarkozy récupère sans coup férir le premier parti d’opposition. L’appareil, les moyens matériels, les élus, les contacts, les fichiers et le pouvoir de nommer et d’investir. Jolie défaite en effet. J’avais dit dans ces colonnes mon incompréhension devant la haine suscitée par l’ancien Président de la République. Mais, manifestement depuis quelque temps le mainstream a basculé dans la pensée magique. La mise en place de l’inéluctable scénario qui verra le retour de Sarkozy aux affaires en mai 2017 provoque une telle panique que l’on entend plus que des incantations conjuratoires. En vain, il n’y a pas d’autres scénarios plausibles.

Petit retour en arrière. En 1993, le Parti socialiste subissait une défaite majeure ne renvoyant que 52 députés à l’Assemblée nationale. L’élection présidentielle de 1995 apparaissait comme perdue. Les candidats socialistes ne se bousculaient pas pour aller au massacre. Lionel Jospin réussit à faire mieux qu’une candidature de témoignage, même si sa défaite au second tour fut assez nette, le Parti socialiste avait de nouveau un leader. Qui gagnera les législatives de 1997. Le rapport de force gauche/droite après les 14 ans de présidence Mitterrand était équilibrée. La défaite de 2002 fruit d’une série d’erreurs tactiques ne se joua en fait qu’à peu de choses. Le PS en fut traumatisé, mais resta puissant disposant d’un outil politique maillant l’ensemble du territoire. La première erreur des éléphants fut de maintenir à la tête du parti le concierge que Lionel Jospin y avait installé pour garder la maison pendant qu’il était Premier ministre avant de devenir Président de la République. Les candidats à la succession de Jospin préférant se préparer pour 2007. François Hollande mis la machine au point mort, ce qu’il est probablement capable de faire le mieux. Arriva le séisme politique du non au référendum sur le TCE. Le PS fut divisé, c’était sa chance. Il ne sut pas la saisir. Ne comprenant pas le message, il fit taire tous ces militants, sympathisants, électeurs qui avaient voté non. Erreur politique majeure, qui a introduit dans ses veines le virus mortel qui est en train de le tuer. La présidentielle de 2007 qui aurait dû être imperdable s’est terminée comme l’on sait. Un parti soigneusement dépolitisé par François Hollande, les poids-lourds tout occupés à organiser leurs écuries présidentielles, les militants panurgiques choisissant massivement (60 % au premier tour !) celle que des sondages habiles leur avaient présentée comme devant l’emporter. Nouvelle catastrophe politique que cette candidature désastreuse qui ouvrait un boulevard à Nicolas Sarkozy. Son élection de 2007 fut d’abord la défaite de Ségolène Royal.

Quelles étaient les conditions politiques de l’arrivée de Nicolas Sarkozy à la Présidence ? Celle d’un rapport de force encore équilibré entre les deux blocs. Le surprenant redressement de la gauche entre les deux tours des législatives était un signal fort. Les élections municipales de 2008 aboutirent encore à un renforcement de son implantation dans les institutions de la France décentralisée. Le nouveau Président, plutôt que de s’occuper de l’électorat de droite qui l’avait soutenu, tenta de porter des coups à la gauche avec son ouverture et une démarche sociétaliste. Avec le résultat que l’on sait. Cela ne lui a pas rapporté une voix et exaspéré son électorat. En 2012 dans une France culturellement à droite, un candidat socialiste improbable devint l’instrument du rejet de Nicolas Sarkozy.

Avec un écart finalement assez faible, une petite majorité de Français a porté à la magistrature suprême cet inconnu, dont ceux qui le connaissaient, surtout chez ses camarades, savaient qu’il ne valait pas grand-chose. Mais, l’attrait des salons de la République et la haine de Sarkozy ont suffisamment aveuglé pour ne pas voir le piège qui attendait la gauche. L’arrivée au pouvoir de cette équipe dans ces conditions ne pouvait aboutir qu’à la catastrophe. Je confesse que bien que la prévoyant, je ne l’imaginais pas de cette ampleur. Pour la gauche, un Sarkozy élu de justesse avec une opposition puissante et tenue par son discours d’opposition, aurait peut-être été préférable. Il aurait été plus facile de mener des luttes, d’apporter la contradiction, d’éviter l’ampleur de l’aplatissement atlantiste, la destruction pour longtemps de la gauche politique, et l’ouverture d’un boulevard populaire au Front National.

Mais ce qui est fait est fait. L’hégémonie territoriale de la gauche vient de disparaître. La perspective de son candidat au deuxième tour en 2017 c’est : « même pas en rêve ». Ce sera Marine Le Pen contre le candidat de la droite. La gauche rêvait de Juppé et l’avait intronisé sans aucune vergogne. À la réflexion, l’âge, la personnalité, le passé et le passif plombent quand même le candidat des Inrockuptibles. S’enthousiasmer pour la copie conforme, toute de gaieté et de souplesse, du majordome Nestor de Moulinsart, cela risque d’être laborieux.

Depuis l’élection à la présidence de l’UMP, c’est le gendre idéal Bruno Le Maire, si propre, si lisse qui devient le candidat de la gauche. Et c’est justement ce qui va constituer un très gros handicap. Car l’élection de 2017 va se jouer à droite, très à droite. À chaque élection présidentielle, on nous a vendu des baudruches centristes adoubées par les médias. Autant de catastrophes.

Nicolas Sarkozy va récupérer un outil politique puissant. S’appuyer sur un tissu d’élus locaux qui vient de s’étoffer de plus de 90 000 nouveaux membres. Avoir la haute main sur l’élaboration du programme, le choix des collaborateurs, la maîtrise des investitures …

J’entendais Nicolas Domenach exiger péremptoirement « des primaires ouvertes à l’UMP, parce que c’est démocratique ! » Je pense qu’il lui sera répondu, d’abord de se mêler de ses affaires, et ensuite de cesser de prendre les gens pour des imbéciles. Les primaires « ouvertes » seraient en la circonstance destinées à mobiliser massivement le PS et l’UDI pour imposer son candidat à l’UMP. Et, il serait prudent de ne pas prendre Nicolas Sarkozy pour un imbécile. Si primaires ouvertes il y a, les conditions de participation seront justement fixées pour éviter la manipulation. Et Nicolas Sarkozy sera donc le candidat de l’UMP. Il lui suffira de faire autour de 20 % des voix au premier tour de la présidentielle pour être contre Marine Le Pen au second. Où il a toutes les chances d’être élu.

Rien n’est jamais complètement écrit. Personne n’avait prévu (encore que…) Nafissatou Diallo. Mais une chose semble claire, l’instrumentalisation de la justice est arrivée au bout. Ce ne sont pas les juges qui choisiront le prochain Président de la République.

Quelle sera sa situation politique alors ? Un PS qui aura du mal à récupérer 50 députés. Qui traversera une crise majeure dont la convalescence sera très longue. Une gauche de gauche groupusculaire. Une droite complètement hégémonique dans les collectivités locales. Et un Front national autour de 40 % à l’élection la plus importante. Résultat direct et malheureusement prévisible du vote Hollande du 6 mai 2012. Bravo !

Dites, mes camarades cela risque d’être un peu chaud non ? Avec un peuple de droite avide de revanche. Exaspéré par le comportement des élites roses et qui demandera des têtes. Un Front national qui tapera la porte. Il ne reste plus qu’à espérer que Nicolas Sarkozy joue les amortisseurs.

*Photo : CHINE NOUVELLE/SIPA. 00698977_000005.

C’est la faute à Rubens

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rubens bruxelles pierre

rubens bruxelles pierre

Longtemps, je l’avoue, j’ai éprouvé une difficulté avec Rubens. Ses cascades de grosses dondons boursouflées, sa peinture au kilomètre, ses compositions surchargées, tout chez lui me semblait détestable. Et puis, j’ai lentement évolué. Il y a d’abord eu ce livre étonnant de Philippe Muray, La Gloire de Rubens. C’est là que j’ai commencé à regarder les œuvres du maître flamand avec attention. Avec l’exposition « Sensation et sensualité. Rubens et son héritage », le Bozar de Bruxelles lui consacre un accrochage passionnant.

Sur les cimaises, les représentations d’enlèvements de beautés nues par des guerriers ou des satyres alternent avec des bacchanales en petite tenue. Après L’Enlèvement de Proserpine, on enchaîne avec L’Enlèvement des filles de Leucippe. La Licence des Andriens (habitants d’une île légendaire où coule le vin) succède au Jardin de l’amour, etc. Rubens n’y représente pas l’acte sexuel proprement dit, mais on y est presque. A minima, des femmes en troupeau font pigeonner leur poitrine, mais, la plupart du temps, elles exhibent sans chichis tous leurs appas. On boit, on danse, on pisse, on plonge la main dans le décolleté des dames, on se pelote, on s’enlève. Il s’agit, paraît-il, de scènes mythologiques, mais l’ambiance de la partouze pure et simple affleure de partout. Difficile de trouver dans l’histoire de l’art, même au XXe siècle, un artiste aussi direct. [access capability= »lire_inedits »]

De son vivant déjà, Rubens est un choc pour les artistes, tout particulièrement en France. La présence à Paris, au milieu du XVIIe siècle, du Grand Jugement dernier sème le trouble. Les contemporains du peintre sont stupéfaits par cet ahurissant Niagara de corps dégoulinant sur plus de six mètres de haut. Un spectacle terrifiant et fascinant pour les uns, l’apothéose du mauvais goût et de la vulgarité pour les autres. Les peintres français se fracturent en deux camps : rubénistes contre poussinistes – la liberté, l’imagination et le jeu sensuel des matières contre la primauté du dessin et de la morale. Toute l’histoire de la peinture est traversée par cette opposition qui n’en finit pas.

La façon dont Rubens pratique la peinture a également quelque chose de sensuel et d’instinctif. Il jette sur son support des coups de pinceau tournoyants et des jus bruns. Il s’attaque à toutes les parties de la toile en même temps et les fait évoluer ensemble. Puis il pose des couleurs et des lumières pour rehausser la composition et détacher les volumes. On passe insensiblement de l’esquisse à la peinture. L’œuvre s’achève en laissant voir en beaucoup d’endroits les dessous bruns qui unifient les divers composants, telle la sauce liant le ragoût. Cette manière de peindre contraste avec une pratique courante consistant à finaliser un fragment, puis l’autre, par exemple la manche, puis le visage. De plus, en amont de leurs réalisations, nombre d’artistes ont recours à des processus complexes d’appropriation du réel, combinant instruments d’optique et sens aigu de l’observation. Le réalisme est à ce prix. Rubens incarne, au contraire, une forme de peinture plus libre et faisant la part belle à l’improvisation à jet continu.

Ce n’est pas un hasard si le jeune Delacroix (1798-1863) se forme pour une bonne part en copiant des Rubens. Ses débuts ont en effet lieu à une période où le néoclassicisme et le culte de la raison réfrigèrent la spontanéité des artistes. Cependant, à force d’imiter ce maître, Delacroix adopte un mode de composition original dans son contexte. Dans une sorte de transe, il jette sur sa toile des taches et fait naître des flux tourbillonnants. Ensuite, les choses se précisent graduellement, mais sans perdre leur dynamique initiale. Une bonne part de la peinture du xixe siècle en résulte.

Le parcours Rubens du Bozar de Bruxelles est prolongé par de nombreuses œuvres de sa postérité supposée. Delacroix y a évidemment toute sa place, mais aussi nombre d’autres artistes européens tels Reynolds, Böcklin, Makart, etc. J’ai été tout de même un peu contrarié de ne trouver là aucune peinture contemporaine. Cette veine dionysiaque qui a refleuri au fil des siècles sous des formes si variées s’est-elle tarie ? Je me suis demandé à quoi pourrait ressembler un rubensien d’aujourd’hui qui aurait une vision plus actuelle du corps humain.

Un début de réponse à cette question m’a été donné par l’exposition Terry Rodgers « Radical  continuity », à la galerie Aeroplastics de Bruxelles. Il s’agit d’un peintre américain né en 1947, connu pour ses grandes compositions de parties dévêtues rehaussées de textiles porno chic. Sa peinture a quelque chose de baroque par sa profusion et ses enchevêtrements. Sa fascination pour les corps de jeunes privilégiés en bonne santé peut toutefois paraître aguicheuse. Cependant, elle exprime assez bien (peut-être involontairement) la futilité inhérente à un certain idéal de vie moderne. Ses protagonistes ont un destin de simples figurants. Ils font penser à des bancs d’ablettes, chacune virevoltant à côté de sa voisine, frétillante, argentée, mais dénuée de toute possibilité de communication interpersonnelle. Les œuvres de cet artiste sont impressionnantes. Elles laissent néanmoins un sentiment étrange, à la fois excitant et refroidissant.

Pour se confronter au souvenir de Rubens, il aurait été bien, également, de tomber sur des œuvres d’Eric Fischl, cet autre peintre américain passionnant (né en 1948). Malheureusement, il y a longtemps que je n’ai pu apprécier de visu l’une de ses productions. Il est cependant facile de le suivre sur Internet (www.ericfischl.com). Fischl pratique une peinture naturaliste et expressionniste très brillante. Il jette un regard étonnamment lucide sur nos contemporains. Il peint les humains avec l’évidence d’un artiste animalier. Ses nus sont réalistes jusqu’à l’extravagance. Il fait sentir à quel point notre destin est de devenir de plus en plus laids physiquement mais aussi moralement. Le sentiment de la chute se lit dans la trivialité de ses corps. Son inoubliable série Scenes of Late Paradise exprime la perdition dans le monde actuel avec autant de vérité que les damnés de Rubens dans le contexte de la Contre-Réforme.[/access]

 

Rubens, Bozar, Bruxelles, jusqu’au 4 janvier 2015.

Terry Rodgers, galerie Aeroplastics, Bruxelles (sur rendez-vous).

Dan Fante, poète du roman noir

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dan fante dume

dan fante dume

À quoi reconnaît-on un bon écrivain ? Par exemple à sa manière de jouer avec les codes, les règles, les genres, de les subvertir mais, évidemment, pas de les supprimer, ce que font les avant-gardes paresseuses qui donnent ainsi une factice impression de nouveauté au lecteur éberlué. A ce titre, Dan Fante est incontestablement un bon écrivain et son roman noir Point Dume (Seuil/Policier) est un exemple de  ce qu’affirme c la sagesse populaire : c’est dans les vieux pots qu’on fait les meilleures soupes.

On retrouve chez Dan Fante, d’emblée, quelques archétypes du roman noir qu’on pourrait croire usés jusqu’à la corde, l’ex-détective privé qui passe sa vie aux Alcooliques Anonymes, la femme fatale, le tueur sadique, le flic ripoux vendeur d’armes. On a presque l’impression de reconnaître de vieux amis dans de vieux décors, ici Los Angeles et Malibu. Mais voilà, Dan Fante est le fils du grand John Fante, celui du Rêve de Bunker Hill, et il a hérité de son père non seulement une forte propension à l’ivrognerie mais aussi une manière de style à la fois brutal, évident, efficace qui refuse le chantournement mais qui n’empêche pas une sourde mélancolie et une attention aux mouvements les plus imperceptibles des âmes en détresse.

Le narrateur de Point Dume, JD Fiorella est de fait un véritable double de Dan Fante. Comme son créateur, Fiorella est un ivrogne repenti, il a un père écrasant qui fut un grand écrivain méconnu et un scénariste alimentaire pour Hollywood et il a même publié un recueil de poèmes comme l’a fait Dan Fante dont nous recommandons au passage les excellents Bon baisers de la grosse Barmaid et De l’alcool dur et du génie où la poésie ressemble elle aussi à un roman noir, partagé entre violence, désespoir et instants de lyrisme lumineux :

Je suis redevenu ce gamin ivre de printemps
qui fonçait à vélo dans les petites rues de New York
devant les bornes d’incendie ouvertes
-trempé jusqu’aux os
lançant ma vie vers un ciel
où Dieu sautait à la corde. »

Fiorella, lui, est poursuivi par des cauchemars qui lui viennent de son époque new-yorkaise quand il fut impliqué dans une tuerie du temps où il était privé. Sur la côte Ouest, il vit comme un vieux garçon avec sa mère, la veuve du grand écrivain, dans une grande maison qui tombe en ruine progressivement près de la plage de Point Dume. Il essaie de bosser dans les voitures d’occasion entre deux réunions aux AA où il croise pas mal d’ex–vedettes de la télé ou du cinéma et il ne faut pas rater ces scènes qui nous donnent une certaine idée du monde du travail aux USA qui ferait saliver d’envie notre Gattaz national.

Et puis tout déraille, évidemment, assez vite. Fiorella va d’abord s’embrouiller avec la conductrice d’une Porsche jaune qu’il avait d’abord prise pour un homme et son seul pote des AA est retrouvé mort, le pénis tranché. Fiorella, sans qu’il sache pourquoi s’empare de l’appendice avant l’arrivée de la police et va l’inhumer dans son jardin. Il fait aussi ajouter l’incendie de la voiture maternelle, une vieille Honda rouge, qui était son seul moyen de transport dans une ville où les piétons ont une espérance de vie très limitée, et son licenciement de la concession d’occasions suite à une vente où les clients ont donné un chèque en bois.

Dans ce chaos, Fiorella retrouve de vieux réflexes et essaie de comprendre ce qui se passe et si par hasard ce ne serait pas cette engueulade à propos d’une queue de poisson avec la fille en Porsche qui serait à l’origine de tout ça. Evidemment, tout sera beaucoup plus compliqué  car si Dan Fante est non seulement un écrivain qui sait jouer sur tout le clavier, c’est aussi un vrai raconteur d’histoires avec une intrigue aux détours formidablement vicieux.

Point Dume de Dan Fante (Seuil/Policier).

*Photo : Cory Doctorow.

Sade à Orsay : une exposition, pour quoi faire?

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sade annie le brun

sade annie le brun

Il serait malvenu de contester à un commissaire d’exposition le droit de se faire plaisir, surtout lorsqu’il est question de Sade. Dans ce même contexte, il paraîtrait aussi surprenant de remettre en question le divin plaisir de déplaire aux autres, voire de les martyriser. Mais, pour parler plus sérieusement, l’exposition qui se tient au musée d’Orsay autour de la figure de l’auteur de Justine pose de vraies questions quant au rôle d’une exposition et, plus généralement, celui d’un grand musée. On commémore un bicentenaire qui concerne un écrivain sacré par l’histoire littéraire et la communauté intellectuelle. Certes, sans cet œuvre considérable et respecté, la figure du marquis ne serait que celle d’un pervers de haut vol dont la renommée, pour peu qu’il en eût durablement une, se serait arrêtée aux chroniques judiciaires et aux amphithéâtres de psychiatrie. Car, osons le dire, au risque de déplaire, et cette fois sans sadisme, le personnage est plutôt un sale type. Non que nous ayons tendance à manier le jugement moral et l’esprit victorien. Mais il n’est pas inintéressant de souligner que l’on célèbre Sade, grand libérateur de la femme et de l’enfant sans doute (viols, sévices non consentis, canifs et fouets à l’appui), au moment où la question sensible de la condition féminine couvre un large spectre qui va du touchant projet d’interdire la prostitution jusqu’à la « punition » d’un parlementaire pour avoir refusé de féminiser le titre d’un président de séance à l’Assemblée nationale.

On le voit, tout est relatif, mais, surtout, le génie littéraire fait la différence. Soit : c’est donc bien de littérature qu’il est question et non d’une prétendue figure « révolutionnaire » et libératrice, car la misère morale, l’obsession sexuelle et la transgression sociale, n’en déplaise aux nostalgiques de Mai 68, ne suffisent pas à faire une œuvre, et parce que passer une grande partie de sa vie en prison ou dans un asile ne fait pas de vous quelqu’un de génial en soi, que vous soyez écrivain, sculpteur ou pianiste. Le problème est donc que le visiteur qui s’apprête à entrer dans les salles de l’exposition d’Orsay s’attend à apprendre quelque chose sur Sade, son œuvre, sa langue, sa place dans l’histoire littéraire ou artistique.[access capability= »lire_inedits »] Nous ne serons pas dupes du fait que l’on compte bien entendu, quand même, sur quelques frissons racoleurs quant à l’évocation d’un tel auteur et d’une telle vie. Le petit film qui sert de bande-annonce, réalisé pour Orsay, et dans lequel il n’est d’ailleurs question ni d’art, ni de littérature, mais seulement d’une partouze, filmée comme Yann Arthus-Bertrand photographie le drame de la planète polluée, c’est-à-dire sur papier glacé, laisse entendre que l’interdit et l’érotisme seront de la partie, mais très correctement. Passons sur les exigences de la communication qui ont abouti à ce « clip » finalement assez édulcoré, sinon niais, et qui pourrait servir de publicité à Jean Paul Gaultier ou au déodorant Axe. Le visiteur, donc, n’apprendra pas grand-chose sur Sade, sinon par une chronologie assez longue et très neutre que l’on pourrait trouver dans tout ouvrage sérieux sur le sujet, et par des citations habilement choisies. Mais qu’en est-il du reste ?

Consacrer une exposition à une figure littéraire ou musicale est toujours un casse-tête : l’amateur érudit a beau adorer les manuscrits, livres et vieux papiers, un public plus large n’est guère sensible à cet aspect qu’il perçoit comme « documentaire ». Les relations entre les arts, l’illustration d’un thème, les répercussions d’une œuvre dans d’autres disciplines sont évidemment une solution, même si l’on a vite franchi la porte grande ouverte de généralités abusives qui dissolvent le propos. Et, certes, la trame revendiquée de l’exposition est la manière dont l’œuvre de Sade aurait révolutionné la représentation, remis en cause « de manière radicale » les questions de « limite, proportion, débordement, beauté, laideur », débarrassé le regard de tous ses « présupposés religieux, idéologiques, moraux, sociaux, etc. » Cela fait toutefois beaucoup pour un seul homme, surtout mis en perspective avec toute l’histoire de l’art européen, sans jamais la documenter, et sachant que les textes de Sade ont été finalement peu accessibles pendant deux siècles. On invoque donc l’action « souterraine » et « occulte » (concepts chers aux surréalistes) de Sade sur la pensée des artistes, Degas, Moreau, Cézanne… et tous les autres : un peu facile.

Mais, encore une fois, un postulat est toujours honorable, et il vaut mieux une exposition avec une thèse qu’une exposition sans propos. Encore faut-il que la thèse soit défendable, et défendue. Or, le Sade d’Orsay, qui regroupe en vrac et sur le même plan plusieurs centaines de numéros, peintures, dessins, sculptures, photographies, documents, et couvrant une longue période, du xvie siècle (avant Sade donc, faisant de lui un prophète rétrospectif !) jusqu’au xxe, n’est ni une présentation rigoureuse d’œuvres directement inspirées par Sade, ou du moins susceptibles d’en être rapprochées par un contexte historiquement défini, ni même une « illustration », de thèmes liés au sadisme, tant il englobe l’ensemble de la production artistique pourvu qu’on y aperçoive un soupçon de violence (ou pas !). L’exposition « Sade » ne relève donc ni de l’histoire de l’art ni de l’histoire littéraire ; on peut également difficilement dire qu’il s’agit d’histoire culturelle ou transversale, termes eux-mêmes passe-partout et souvent utilisés abusivement. Car, pour qu’il y ait histoire, il faut qu’il y ait méthode, rigueur, logique, outils valides et pertinents, respect des œuvres et de leur signification, sans instrumentalisation aucune. Or, Annie Le Brun, commissaire de l’exposition, n’est évidemment pas dans cette logique. On pense plutôt à une « exposition d’auteur » et, de fait, plus que de l’histoire de l’art, « Sade. Attaquer le soleil » relève davantage du musée imaginaire personnel, intime et solitaire, conçu pour se faire plaisir par un esprit de haute culture, habité par des convictions, passionné de lettres et d’images, dans la logique d’un André Breton. On peut même dire que les salles d’Orsay sont comme « le mur » du pape du surréalisme, mais sur cinq cents mètres carrés.

Bien sûr, il ne viendrait à personne l’idée de s’immiscer dans l’imaginaire personnel d’Annie Le Brun, auteur de nombreux ouvrages magistraux, figure du surréalisme et personnalité éminemment sympathique ; mais une exposition n’est pas un livre (le catalogue de l’exposition est tout autre chose et mérite sans aucun doute une approche différente), et l’on est en droit de se demander en quoi cet imaginaire très personnel constitue un apport à la connaissance de Sade ou de l’art ? On est heureux de voir et de revoir (car il y a peu de découvertes) de belles œuvres ; il n’en reste pas moins que Sade n’a pas rédigé LIliade, LOdyssée et l’Ancien Testament, que c’est Jacques de Voragine qui a écrit la Légende dorée et les Bollandistes les Acta Sanctorum, que l’on peut représenter les travaux d’Hercule ou le martyre de saint Sébastien, faire la guerre et l’amour, et les peindre, sans être sadique, que l’on peut même assassiner sa voisine, la couper en morceaux et la mettre dans une valise (comme le montre, sous un voile noir, une photographie judiciaire exposée) sans avoir été « sadique » à proprement parler.

Devant l’accumulation d’œuvres et d’images déconnectées de leur identité propre, et converties, de force, comme il se doit, au sadisme, on est placé devant ce dilemme : tout est sadique ou rien ne l’est, et aucune définition du sadisme n’est finalement offerte au visiteur. L’historicité et la singularité du phénomène Sade et sa vraie fortune postérieure sont ainsi évacuées au profit d’une sorte de totalité idéologique qui s’auto-légitime à travers un prisme universel auquel, infailliblement, rien n’échappe, comme avec le marxisme et la psychanalyse. On sait ce que le grand Roger Caillois, revenu du surréalisme après avoir dénoncé la niaiserie de l’affaire des pois sauteurs, pensait de ces idéologies érigées en dogmes. De la préhistoire à nos jours, la violence est donc sadique. C’est un peu court. Ainsi, le public averti ne sera pas dupe, jouera avec les références, et sera intéressé par le reflet que l’exposition donne du monde intérieur et du choix très respectable, mais luxueux, d’Annie Le Brun ; les visiteurs amateurs d’art prendront leur plaisir, non sadique, là où ils le trouveront, sans tenir compte d’un propos qui déraille et ignore le phénomène artistique lui-même en ramenant, par surcroît, tout à l’iconographie ; le grand public, s’il est rebelle, avouera n’avoir rien compris, et s’il est docile, sortira des fumées de la gare d’Orsay convaincu d’être sadique lui-même, puisque tout est sadisme. « L’ange du bizarre » et « Masculin/Masculin » avaient déjà illustré le goût du musée d’Orsay depuis quelques années pour de grands sujets qui, finalement, n’en sont pas vraiment lorsqu’on les traite avec désinvolture ; la question est désormais de savoir si les musées, qui sont des établissement publics consacrés à l’art, ont pour mission de conserver, enrichir, étudier et illustrer le patrimoine ainsi que de se consacrer à l’histoire de cet art par des apports et des publications scientifiques durables, ou de mettre les œuvres au service d’événements à la mode, de visions réservées et de parti pris idéologiques qui, sous des dehors « populaires » (alors qu’ils sont plutôt élitistes) et avec l’alibi de questionnements littéraires ou sociaux, ravalent l’acte créateur au niveau d’une illustration qui nie le fait esthétique et sa logique intrinsèque. Sade, oui, mais pour quoi faire ?[/access]

Marine Le Pen et l’emprunt russe

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Les journalistes couvrant le congrès du FN à Lyon, samedi 28 novembre ont pu déguster un honorable buffet composé de charcuteries fines, de fromages AOC affinés à point, arrosé de champagne de qualité ou de côte-du-rhône de bonne cuvée. Pas encore de caviar et de vodka pour les invités au cocktail de presse, mais cela devrait bientôt s’arranger avec l’octroi d’un prêt de 9 millions d’euros accordé au FN par la First Czech Russian Bank (FCRB), révélé cette semaine par Mediapart.

Le recours à l’or de Moscou ne trouble aucunement Marine Le Pen, qui a beau jeu de rétorquer qu’aucune banque française sollicitée n’a consenti à prêter ne serait-ce qu’un kopeck au FN, en dépit des recettes prévisibles liées aux futurs succès électoraux prédits au parti par les oracles sondagiers.

On murmure cependant, dans les couloirs du congrès, que la direction du FN a d’autant moins d’angoisse concernant le charge de remboursement de cet emprunt qu’elle a mis au point un montage financier pour le rendre indolore : les créanciers, dont les liens avec le Kremlin sont un secret de Polichinelle, verraient leurs échéances honorées avec des titres des emprunts émis par l’Empire tsariste entre 1880 et 1913, répudiés unilatéralement par les bolchéviques en 1917, et dont des liasses  énormes dorment depuis plus d’un siècle dans les greniers  des vieilles familles françaises. Voilà qui apprendra à Poutine combien il en coûte de se réapproprier le drapeau et les armoiries de l’empire des Romanov….

McQueen dans le viseur

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steve mc queen bullitt

steve mc queen bullitt

Les éditeurs de « beaux livres » se déchaînent dès le mois de novembre. Ils envoient à toutes les rédactions leur « joli » catalogue, brillant, lustré, sucré, calibré comme les rêves des gagnants du Loto. Tout l’hiver dernier, ils ont mitraillé en rafale des macarons, des châteaux de la Loire, des porte-jarretelles et des plages lointaines. Gare à l’overdose de photos glacées en cette fin d’année ! Trop de quadrichromie nuit à la bonne santé. Parmi ces innombrables livres à date de péremption explosive, certaines maisons trouvent encore des trésors.

Ce McQueen inédit en noir et blanc qui vient de paraître aux Editions Premium en est un. Il exhume des clichés jamais vus et jamais imprimés (!!) du photographe américain Barry Feinstein. On croyait tout connaître du Kid de Cincinnati, ses belles bagnoles, ses escapades dans le désert du Mojave, sa gueule d’ange préparant un mauvais coup et cette cool attitude inimitable. McQueen comme Marilyn ou le Che fait tout vendre depuis sa mort. Son image sert les intérêts de l’horlogerie de luxe, de la construction automobile ou bien encore des lunettiers. C’est la « Grande Evasion » publicitaire. Barry Feinstein (1931-2011) n’était pas un de ces fous de la gâchette. Sa photographie naturelle sans recadrage et sans trucage restitue Steve dans sa vérité originelle. La légende y gagne en sincérité. L’amitié entre l’acteur et le photographe est née autour de passions communes : les motos et un certain goût du risque. Feinstein possédait une Indian Scout rouge de 1929 et une Triumph Bonneville 650 TT préparée par Bud Ekins, le célèbre cascadeur.

Avec de tels arguments pétaradants, la discussion prend forcément des tours. Feinstein était une pointure dans son domaine, formé à l’école de Life Magazine, passé par les studios d’Hollywood, ses travaux ont été publiés dans les pages de Time, Look, Esquire, Newsweek, Rolling Stones, etc… Il a même réalisé des centaines de pochettes d’albums. Judy Garland, Clark Gable, Bob Dylan, Janis Joplin, Barbara Streisand, JFK ou Nixon ont été dans son viseur. Son style tout en retenue et sobriété se résume dans l’une de ses maximes préférées: « savoir quand ne pas appuyer ». Cette phrase aurait plu à McQueen, savoir lever le pied à l’entrée d’une courbe pour en ressortir plus vite, c’est le b.a.-ba des pilotes de course. Les archives de Feinstein raviront les fans de l’acteur et ils sont nombreux en France. Hommes et femmes confondus. On y retrouve McQueen sur le tournage de Bullitt en 1968 mais également sur différents circuits où le comédien ne faisait pas de la figuration. « La course, c’est la vie ! Tout ce qui se passe avant ou après, c’est juste de l’attente » disait-il.

Chez nous, mai 68 est vénéré par quelques étudiants attardés comme la Statut de toutes les libertés. Pendant qu’on jetait des pavés rue Gay-Lussac, histoire de se défouler, la vraie révolution se déroulait à San Francisco. Elle était incarnée par le lieutenant Franck Bullitt. Son apparition sur les écrans a déboulonné le vieux monde. Col roulé en cachemire sous une veste à chevrons, pantalon cigarette, bottines en daim, McQueen conduisait une Mustang Fastback vert anglais dans les rues escarpées de la ville. Mao pouvait aller se rhabiller. Ce film, par son amertume et sa tension, vaut tous les manuels d’éducation politique. Et puis, il y a la présence de Jacqueline Bisset dont la beauté irréelle serrait notre cœur d’adolescent. Feinstein était là, dans la coulisse, il a tout vu et a immortalisé ce moment d’anthologie.

McQueen inédit, Barry Feinstein – Editions Premium

 

 

Les Athéniens malades de la peste

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legende ebola grece

legende ebola grece

« Le mal, dit-on, fit son apparition en Éthiopie, au-dessus de l’Égypte : de là il descendit en Égypte et en Libye. » Au IVe siècle avant J.-C., dans l’Histoire de la guerre du Péloponnèse,  Thucydide observe l’extension de la peste, partie des rivages africains pour atteindre ceux de la Grèce. Aujourd’hui, un nouveau spectre hante l’Occident : il a pour nom « Ebola ». On le sent rôder à nos frontières. Cette fièvre hémorragique, jusque-là cantonnée à l’Afrique où elle se livrait à de brefs carnages avant de disparaître, a pris une dimension nouvelle non seulement par le nombre de victimes qu’elle a provoqué en Afrique de l’Ouest mais aussi par les cas qui apparaissent désormais de manière sporadique au cœur de nos villes. Cette peur de l’épidémie est à la fois très archaïque et très moderne. La vision des médecins en combinaison intégrale renvoie à un certain nombre de films catastrophe eux-mêmes inspirés de romans d’anticipation comme Je suis une légende, de Richard Matheson, où des mutants traquent les derniers hommes indemnes. Le point commun entre Je suis une légende et Ebola, point qui est presque un invariant dans la grande peur des épidémies, c’est le sang, principal vecteur du virus, mais aussi de la peur. On apprenait ainsi, récemment, qu’Air Canada avait refusé de transporter un échantillon prélevé sur un malade ![access capability= »lire_inedits »]

L’une des premières descriptions des ravages sanitaires et psychologiques d’une épidémie – la peste à Athènes – se trouve donc dans l’Histoire de la guerre du Péloponnèse. On y retrouve cette présence du sang : « L’intérieur, le pharynx et la langue devenaient sanguinolents », de la fièvre, et de la mort presque certaine des malades. Thucydide précise que cette peste est venue d’Afrique, sans que l’on puisse cependant expliquer son apparition à Athènes, pas plus que l’on n’explique aujourd’hui l’arrivée d’Ebola chez nous. D’où psychose et rumeur : « Le mal se déclara subitement à Athènes et (…) on colporta le bruit que les Péloponnésiens avaient empoisonné les puits. » Mais ce qui nous semble encore plus proche, c’est le courage des soignants victimes de leur dévouement : « Ceux qui approchaient les malades périssaient également (…) : mus par le sentiment de l’honneur, ils négligeaient toute précaution, allaient soigner leurs amis ; car, à la fin, les gens de la maison eux-mêmes se lassaient, vaincus par l’excès du mal, d’entendre les gémissements des moribonds. » On laissera donc la parole à Camus qui, dans La Peste, trouve une raison d’espérer au cœur de la catastrophe, qui forge de nouvelles solidarités : « Il y a chez les hommes plus de choses à admirer qu’à mépriser. » Les soignants tombés sur le front d’Ebola prouvent peut-être qu’il avait raison.[/access]

Valérie à tous les râteliers

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valerie trierweiler hollande

valerie trierweiler hollande

Voici quelques semaines que les dents de Valérie occupent une part de l’actualité politique française. Même si beaucoup de mensonges, affaires, émissions, démissions  et compromissions sont passés sous les ponts depuis la parution de son livre…

Valérie a la dent dure.

On lui avait trouvé la dent dure pour sa révélation des blagues douteuses de son Président de copain concernant les « sans-dents ». Pour avoir également invité le peuple français dans sa chambre à coucher pour y assister à des consternantes scènes de ménage, de jalousie, de pamoison ou autres détails intimes scabreux. Pour avoir confondu son métier de journaliste et son état de copine de Président. Pour avoir approché encore un peu plus du caniveau la fonction déjà affaiblie d’un homme public au bord du gouffre.

Valérie a les dents longues.

Non contente du phénoménal succès de librairie qui souligne l’appétit Français pour le ragot –bonne nouvelle, les français lisent !-, non contente des sommes faramineuses gagnées à couler ce qu’il restait de dignité au Président, Valérie, la femme blessée a retrouvé le sens des affaires en même temps que ses esprits et s’exporte -en plus de dix langues, excusez du peu-. C’est probablement ce qu’on appelle l’excellence française, que vantait un grotesque Montebourg, du temps de sa splendeur, dans sa marinière bleue et blanche Armor-Lux.

Comme notre ex-première dame a un sens du commerce –extérieur- à faire pâlir d’envie tous les économistes penchés au chevet de la France malade, en plus de ses interviews en exclusivité pour les journaux des pays dans lesquels son « livre d’amour » sort ces jours-ci, notre manageuse promet du scoop… A quoi sert d’avoir une exclu si l’on n’a pas de scoop ?

Et elle en apporte un au quotidien La Repubblica. Où l’histoire se répète : alors que parait ce week-end dans la presse people une photo de François Hollande et sa future-ex-nouvelle compagne Julie Gayet dans les jardins de l’Elysée, Valérie livre à la presse étrangère une petite conversation des plus croustillantes au regard des indiscrétions du sniper-photographe qui hante les murs du Palais : « Il voulait me dire qu’il ne m’en voulait pas pour le livre. Et il voulait m’assurer que Julie Gayet ne vient jamais à l’Élysée. A l’évidence, le mensonge nous a accompagnés jusqu’à la fin ».

C’est l’arroseuse arrosée. On se souvient avec quelle classe l’amant avait éconduit la belle. Elle affirme qu’il la bombarde, depuis, de textos, de mails et de bouquets de fleurs pour la supplier de revenir. Pour rien au monde elle ne se priverait de le faire savoir. On s’était demandé, à le voir si imperméable aux émotions et au désamour des français, si François Hollande n’était pas immensément fier. On en doute à présent !

Et bientôt des dents en or…

« Il m’a dit : je saurai toujours te trouver », ajoute-t-elle. Donnant délibérément un double sens à cette citation, puisqu’elle explique également au Times Magazine qu’elle se sent espionnée par l’Elysée.

Aujourd’hui Valérie montre les dents, plutôt guérie que blessée, elle ne lâchera jamais.

Et si le président Hollande a promis de la retrouver où qu’elle soit, cela l’empêchera-t-elle d’aller  cacher ses millions en Belgique ou ailleurs, où elle pourra enfin sourire de toutes ses dents… en or ?

 *Photo : VILLEMAIN CYRIL/SIPA. 00698687_000012.