Congrès de Lyon : Marine Le Pen parodie Zemmour


Congrès de Lyon : Marine Le Pen parodie Zemmour

marine lepen fn

« Il passe devant Gollnisch, l’honneur est sauf », constate, un brin perfide, Gilbert Collard à propos de Florian Philippot. Ce frontiste sans l’être, membre du Rassemblement Bleu Marine, saluait, samedi, à sa manière, la quatrième place du vice-président du Front national à l’élection renouvelant le comité central du parti, dont les résultats officiels ont été annoncés dimanche matin mais qui avaient « fuité » la veille. L’un des enjeux du 15e congrès de la formation nationaliste, le plus médiatique en tout cas, résidait dans la compétition opposant Marion Maréchal-Le Pen, la « demoiselle du Vaucluse » et nièce de Marine Le Pen, au parlementaire européen, qui passe pour être le « protégé » de la présidente. Nulle incertitude en revanche ne planait sur le nom du futur chef, en l’occurrence de la future chef, Marine Le Pen, logiquement seule candidate à sa succession. Elle a fait le plein des suffrages, 100%.

« Marion » est avec 80% des votes internes la grande gagnante du « vrai » scrutin dont est sortie la nouvelle composition du « parlement » du parti. La « famille » arrive en tête du dépouillement, Louis Aliot, compagnon dans la vie de Marine Le Pen, accédant au deuxième rang. Crédité de 76% des suffrages, il devance le populaire Steeve Briois (70%), maire d’Hénin-Beaumont dans le Pas-de-Calais, et, donc, l’« énarque » Florian Philippot (69%), candidat malheureux aux dernières municipales à Forbach, en Moselle.

Un léger flou entourait hier la participation au vote, divers pourcentages circulant d’un étage à l’autre du Centre des congrès de Lyon, où le FN tenait son meeting. Le député européen Jean-François Jalkh annonçait un taux de 53%, soit 22 000 votants pour 42 000 adhérents à jour de cotisations. Un militant, élu municipal FN, sans doute moins bien informé, l’estimait à un peu en dessous de 40%, soit 30 000 votants sur les quelque 80 000 adhérents du parti. Dans les deux cas de figure, il est très inférieur à celui du congrès de Tours en 2011, haut de 76%, dont l’enjeu était tout autre, puisqu’il s’agissait de choisir entre Marine Le Pen et Bruno Gollnisch pour succéder au « vieux ».

Environ 400 candidats briguaient un siège au comité central, pour 100 disponibles, auxquels s’ajoutent 20 autres sièges, la présidente ayant toute latitude pour en désigner les occupants. Pour la première fois dans l’histoire des congrès du FN, les résultats individuels des élus au « CC » ont été rendus publics, relève un candidat arrivé au-delà des 100 et qui, de ce fait et à son grand regret, ne connaîtra pas son classement. Seul celui des « vainqueurs » est établi.

La candidate représentant le courant dit « conservateur-libéral », Marion Maréchal-Le Pen, l’a ainsi emporté sur son concurrent « national-républicain », Florian Philippot. De quoi on peut déduire que les opposants au mariage homosexuel et au droit d’adoption afférent sont majoritaires au FN. On lui donnerait la couronne sans tenir compte de l’ordre de succession, à Marion Maréchal-Le-Pen. Non que sa tante ait un côté prince Charles d’Angleterre, elle trône et règne bel et bien d’une main ferme, mais la nièce est une sorte de perfection politique et plastique, toute en distinction décontractée, comme si elle venait de descendre en canoë-kayak les gorges du Verdon pour une œuvre de bienfaisance. Mais tout n’est pas qu’affaire de charme frais et de jolis minois, les idées jouent pour beaucoup. L’ADN Front national se retrouve plus en Marion Maréchal-Le Pen, censée incarner la base et petite-fille à son grand-père qui revit en elle, qu’en Florian Philippot, l’agent de la « dédiabolisation » du parti, l’étape qui doit mener à la victoire en 2017. Sa quatrième place dans le « top 10 » du nouveau comité central n’est pas en rapport avec sa surface médiatique, quasi-omni-présente.

« Il paie son pèlerinage sur la tombe du général de Gaulle, le 9 novembre à Colombey-les-Deux-Eglises », analyse un élu local FN de l’Ouest de la France. « Dans ma section, il est détesté, précise-t-il. J’avais coché son nom dans la liste des membres du futur comité central, mais j’ai regretté de l’avoir fait. » Si, dans le parti de Jean-Marie Le Pen, certains veulent bien se dire gaulliens, et encore, c’est pour faire un effort, d’autres, parfois les mêmes, se mettent deux doigts dans la bouche en entendant le mot « gaulliste ». Dans la doxa frontiste, De Gaulle est le fossoyeur de l’Algérie française, celui qui croyait endiguer la vague arabo-musulmane en « donnant » l’indépendance aux Algériens et qui a provoqué le contraire, un « tsunami », selon le superlatif maritimo-terrestre employé samedi par Jean-Marie Le Pen pour désigner l’« immigration maghrébine » en France.

Philippot sera certainement pardonné, cette histoire de gaullisme n’étant manifestement pas essentielle. Au fond, quatrième, ce n’est pas si mal. Cela indique en tout cas que les électeurs frontistes sont légitimistes : ce que leur présidente incontestée veut, ils le lui donnent, même si elle aurait probablement préféré que Philippot devance la députée du Vaucluse. La victoire de cette dernière à l’élection du comité central n’est toutefois pas totale puisque Marine Le Pen a refusé l’entrée de sa nièce au « bureau exécutif », le gouvernement restreint du parti, situé tout en haut de l’appareil et qui chapeaute le « bureau politique », le gouvernement élargi du FN, renouvelé hier, toutes les sensibilités y trouvant apparemment place. Le bureau exécutif doit encore être désigné.

Contrairement à il y a trois ans à Tours, on n’a pas vu cette année à Lyon de jeunes gens au look « inquiétant ». L’extrême droite organisée n’a visiblement et officiellement plus sa place au FN, du moins pas à son congrès. A Tours, les spartiates vêtus de noir de l’Œuvre française, un mouvement ultranationaliste dirigé par Yvan Benedetti et proche de Bruno Gollnisch, avaient pris part à l’élection du comité central et de la présidence. Cela n’est plus possible au FN, l’appartenance à une autre organisation étant en principe interdite.

Marine Le Pen a fait le ménage dans le parti. Le nouveau comité central est largement à sa main. Quand, au congrès tourangeaux, David Rachline, l’actuel maire de Fréjus, un « mariniste », était élu à la cinquantième place sous les huées du clan Gollnisch, il accède aujourd’hui au sixième rang sous les vivats. La vieille garde lepéniste passe le témoin sous la contrainte démocratique interne. Un réseau de cadres locaux acquis à la présidente, et notamment les élus municipaux, chassent les « fidèles » dans les profondeurs du classement. Il est bien là, le fait marquant de ce 15e congrès, et non dans les divergences entre la ligne « Marion Maréchal-Le Pen » et la ligne « Florian Philippot », dont le mérite tactique est d’introduire de la « pluralité » dans le parti et de ratisser large.

Tout cela nous ferait presque oublier le discours de clôture prononcé par Marine Le Pen dans l’amphithéâtre du Centre des congrès, aux 3000 places prises d’assaut. Il fallait galvaniser les troupes, ce fut fait. Tout démarre par un clip en traveling-avant dans des paysages de France, sur une musique tonitruante de péplum celtique. De belles images, mais sans âmes qui vivent, minérales, austères et vibrantes. C’est plus inquiétant que rassurant. On s’attend à voir surgir une armée, une armée de patriotes, bien sûr.

Il faut peut-être cela pour relever la France dont Marine Le Pen dresse le portrait effondré sur lui-même. On a parfois l’impression de lire

Zemmour dans le texte : le pays n’est plus que communautarisme musulman et vaste Disneyland, fustige-t-elle à la suite de l’essayiste. A l’applaudimètre, les attaques contre l’islam remportent la première place. Une ferveur monte alors dans les gradins, qui ressemblent à un grondement et comme à une fureur, à l’égal, peut-être, de l’impuissance des individus face à des phénomènes sur lesquels ils s’imaginent n’avoir aucune prise et qu’ils rangent dans un même sac : l’insécurité, la précarité, la construction de mosquées. « On est chez nous ! », scandent-ils en agitant des drapeaux tricolores. Si le Front national n’est plus un parti d’extrême droite, de ce passé censément révolu il a des fulgurances encore.

*Photo :  Pascal Fayolle/SIPA. 00699003_000046. 



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