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Huppert à Séoul

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Notre actrice française nommée aux Oscars et récompensée aux Golden Globes est à l’affiche demain du nouveau Hong Sang-soo.


Cela fait fort longtemps qu’Isabelle Huppert ne joue plus qu’Isabelle Huppert dans le rôle d’Isabelle Huppert. L’immense actrice, plus attentive à son « image » qu’à son jeu de comédienne (elle n’a vraiment plus rien à prouver), de longue date a choisi de se risquer dans des films qui ne seraient rien sans elle, et dans lesquels elle se projette comme dans un miroir nommé Isabelle Huppert. Après Another Country et La Caméra de Claire, le Sud-coréen Hong Sang-soo s’offre ses services pour la troisième fois. Abonné aux récompenses de la Berlinale, il faut croire qu’elle lui porte chance : il est reparti en 2024 avec un double prix – Ours d’Argent et Grand Prix du Jury.

On a toujours un peu peur de s’ennuyer dans ce genre de cinéma d’auteur à la facture minimaliste. Mais non : on se laisse prendre au jeu de cette intrigue fragile, presque inconsistante, habitée pourtant d’une étrange épaisseur poétique. Iris (Madame Huppert, donc), fraîchement débarquée à Séoul, sans le sou et sans parler un traître mot de coréen (on n’en saura pas davantage), donne, en langue anglaise, des cours particuliers de français, sa méthode pédagogique ne consistant qu’à transcrire sur un bout de papier la traduction des émotions que lui confient, sur l’instant, ses élèves-interlocuteurs, invités ultérieurement à relire et mémoriser ces petits textes pour se familiariser progressivement avec la langue.

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Approche sensible, qui laisse ses « clients » quelque peu intrigués, mais Iris y croit, et sait se montrer persuasive. Hébergée chez un de ses jeunes élèves (en adoration devant elle), la voyageuse solitaire, paradoxalement discrète et envahissante, heurtera malgré elle, par sa présence, la relation difficile d’une mère, en visite surprise, pour la première fois, dans le petit studio où loge son fis étudiant… On se gardera de déflorer ici la teneur de cette séquence dont Iris/Huppert est le déclencheur… Le film repose tout entier sur le mystère de ces impondérables du quotidien, dans le paysage singulièrement paisible d’un quartier de la capitale coréenne.


La Voyageuse. Film de Hong Sangsoo. Avec Isabelle Huppert. Corée du Sud, France, couleur, 2024. Durée : 1h30.

En salles le 22 janvier 2025

Lyrique: une allégorie animalière

Au cœur d’une forêt enchantée, une petite renarde nous invite à une célébration de la vie. La voix envoûtante d’Elena Tsallagova illumine cette production exceptionnelle. Une touche de fraicheur de la part de l’Opéra de Paris, appréciée


Bizarrement, dans le générique du programme édité par l’Opéra de Paris, aux côtés de Nicky Rieti pour les décors et d’André Diot pour les lumières, ne figure pas le nom d’André Angel – mais seulement celui de Dagmar Pischel, responsable de la présente reprise, en effet, d’une mise en scène mythique entre toutes : produite il y a quinze ans, à Lyon, par trois vétérans dont les talents associés ont assuré, pendant un demi-siècle, le renom des planches parisiennes, du Théâtre Gérard Philippe au Théâtre de l’Europe, en passant par la MC93 de Bobigny… Angel et Rieti sont aujourd’hui presque octogénaires, Diot a 90 ans.

Par sa fraîcheur, sa malice, sa poésie, le vif chromatisme de ses décors et de ses costumes animaliers, cette mise en scène de La Petite renarde rusée ne sonne nullement comme un chant du cygne. Dans ce court opéra tardif crée à Brno par Leoš Janáček (1854-1928) quatre ans avant sa mort, le compositeur tchèque, alors âgé de 70 ans, développe une fable étrange, attendrissante, cocasse, cruelle, qui n’a pas du tout l’acidité morbide de L’affaire Makropoulos, composé un an plus tard (et que l’Opéra-Bastille a d’ailleurs redonné, on s’en souvient, à l’automne 2023, dans la très belle régie du Polonais Krysztof Warilowski).

© Vincent Pontet / Opéra national de Paris

Ici, le plateau nous ouvre dans les grandes largeurs un champ de tournesols en pleine floraison sous le soleil, où va s’ébattre, dans une succession de tableaux égrenés en trois actes jusqu’aux neiges de l’hiver, un microcosme animalier haut-en-couleur, dont cette petite renarde rousse est l’héroïne, au milieu d’une ménagerie de grenouilles, de sauterelles, de grillons, de poules, et même d’un chien et d’un blaireau qui se disputent la partie, entre un garde-chasse, un instituteur, un curé, un braconnier et l’aubergiste du village…

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Pas d’intrigue clairement identifiable dans cette œuvre, ce qui la rend assez déconcertante, pour le spectateur plus familier des transes sentimentales propres à la tradition lyrique, mais un kaléidoscope d’images superbement coloriées : on sait que le compositeur a trouvé l’inspiration de son livret dans la lecture d’un roman-feuilleton illustré, La renarde de fine-oreille (auquel, non sans anachronisme, le programme de l’Opéra prête le nom de « BD » – c’est sans doute plus vendeur)…  Tour à tour grinçante, luxuriante et délicate, la partition de Janáček tranche paradoxalement avec le prosaïsme des situations, traversée qu’elle est d’une somptueuse opulence polyphonique où les voix traduisent, sans emphase, les palpitations de l’âme humaine et la nostalgie du paradis perdu.

© Vincent Pontet / Opéra national de Paris

Singulière allégorie, donc, portée, au soir de la première, par l’actuel directeur musical de l’Orchestre symphonique de Huston, Juraj Valcuha, à la tête d’un Orchestre national de Paris à son meilleur. L’excellente soprano russe Elena Tsallagova reprend le rôle-titre qu’elle chantait déjà dans cette même enceinte en 2008. Vocalement de toute première qualité, la distribution a opéré quelques chaises musicales, le baryton-basse Milan Siljanov endossant l’habit du garde-chasse en remplacement de l’Écossais Iain Paterson, tandis que sous les traits  du vagabond le baryton tchèque Tadeas Hoza fait également ses débuts à l’Opéra de Paris.

Car il se trouve que notre barde national Ludovic Tézier, souffrant, ne sera pas le Wotan de L’Or du Rhin dans la nouvelle production très attendue, dans moins de quinze jours à l’Opéra-Bastille, mise en scène par Calixto Bieito (cf. l’an passé, le double échec-et-mat des Simon Boccanegra et The Exterminaiting Angel) . Et qui le remplace ? Iain Paterson, justement. Wagner y perdra-t-il au change ? Ce n’est pas dit.

La Petite renarde rusée. Opéra de Leoš Janáček. Direction : Jurak Valcuha. Mise en scène : André Engel. Décors : Nicky Rieti. Opéra Bastille, les 21, 24, 28 janvier, 1er février à 19h30.

Durée : 2h05

Le brevet pour les nuls

Le gouvernement renonce à subordonner le passage en seconde à la réussite au brevet. Le commentaire d’Elisabeth Lévy.


C’était pourtant un petit pas dans la bonne direction. Le « choc des savoirs » de Gabriel Attal prévoyait que seuls les élèves reçus au brevet passeraient en seconde.
Cela semblait d’ailleurs être une mesure de bon sens. Premièrement, à quoi peut bien servir un examen, s’il n’y a aucune conséquence à ne pas le passer (demandez donc à votre ado de le préparer, si cela ne sert à rien d’obtenir le diplome…)? Deuxièmement, on connait le niveau dramatique des élèves français (et maintenant des adultes) largement lié à l’absence de sélection et de contrôle des connaissances.

Usine à gaz

Anne Genetet, ministre de l’Education nationale de septembre à décembre 2024, avait déjà renvoyé l’application de cette mesure à 2027. Elisabeth Borne recule encore et enrobe cette reculade de démagogie: je fais confiance aux profs et aux conseils de classe qui décident du passage en seconde… Et elle promet, bien sûr, de nouveaux dispositifs de soutien. Résultat: on pourra toujours arriver en terminale et même obtenir le bac, sans maitriser un français basique. Autant vous dire que pour construire les centrales nucléaires de demain, ou mettre au point de nouvelles IA made in France, on peut avoir de légers doutes…
Cet enjeu scolaire devrait pourtant être l’obsession de tous, la mère des batailles. Sauf révolution éducative, la France de demain sera hors course. Sans même parler au plan individuel de tous de ces jeunes gens gâchés, et privés du moyen de penser leur vie et le monde. Et des plus brillants qui partent à l’étranger, soucieux de trouver un environnement plus stimulant.
Tout le monde sait ce qu’il faut faire, en réalité : restaurer l’exigence, la méritocratie, la compétition, la transmission. Mettre les savoirs au centre du système éducatif, et non plus l’égo ou le narcissisme des élèves.

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Échec collectif

Pourquoi ne le fait-on pas ? Comment expliquer cette nouvelle reculade ? Lâcheté, courte vue, bienpensance : on commence à connaitre le tableau.
Dans le cas précis du brevet, entrent surement en jeu des considérations budgétaires (le redoublement coûte très cher). Mme Borne a évidemment aussi cédé à des syndicats enseignants qui, en pilote automatique, dénonçaient un « tri social ». Pensent-ils que les pauvres sont par essence plus mauvais que les autres ? Derrière tout cela, c’est l’idéologie égalitaire qui est à l’œuvre; la gauche éducative, qui peuple la rue de Grenelle, déteste les examens, les notes, la compétition. Pour ne pas froisser les mauvais élèves, on préfère décourager les bons. Tout ça au nom de l’égalité, bien sûr. Or plus on met en place des mesures égalitaires, plus l’école est inégalitaire car les privilégiés peuvent échapper au système commun. Voilà le triste constat de 40 ans de cette idéologie.
À entendre du matin au soir que les élèves ne sont responsables de rien, que leurs cartables sont trop lourds, leurs profs trop méchants ou les horaires trop chargés, que les élèves ont tous le droit de faire de longues études, on a surtout désappris aux jeunes Français le goût de l’effort. Et comme cela dure depuis maintenant des décennies, cela se constate aujourd’hui aussi chez les adultes – demandez à un chef d’entreprise.
Ces gens nous parlent des générations futures toute la journée, mais ils commettent le pire crime contre elles.
C’est logique : nous vivons dans une société d’individus narcissiques, et qui fait de moins en moins d’enfants. Pourquoi se soucierait-elle de ce qu’elle leur transmet ? Pourquoi se soucierait-elle de les élever par la connaissance ?


Cette chronique a d’abord été diffusée sur Sud Radio

Retrouvez Elisabeth Lévy dans la matinale

Aviation civile: apprendre à piloter en 1h31

Envoyez-vous en l’air avec Mark Wahlberg et Michelle Dockery dans le nouveau film de Mel Gibson !


Si vous n’y connaissez rien, c’est l’occasion ou jamais. Embarquez au-dessus des montagnes de l’Alaska, direction Seattle, à bord d’un coucou à hélices, très largement vitré, idéal pour admirer le paysage – ce qu’on appelle un « avion de brousse ». A l’atterrissage, vous saurez piloter. C’est en tout cas ce stage intensif que suit avec succès Madolyn Harris (Michelle Dockery dans le rôle : cf. la série Downtown Abbey 1 et 2, sur Netflix – en attendant le 3). Profession : US Marshals, comme on dit aux States. La voilà chargée d’escorter un certain Winston (Topher Grace), dûment menotté, et même ligoté à son siège, donc. À l’arrivée, le délinquant repenti est censé témoigner contre un mafieux. Dès le décollage, Winston, véritable moulin à paroles, a les chocottes. Le pilote, Daryl Booth (Mark Wahlberg), inquiète ses deux passagers par sa désinvolture brouillonne : la radio de bord ne fonctionne qu’à éclipses, les turbulences secouent l’habitacle, et l’aéronef antédiluvien semble avoir changé de cap. Bref, l’expérience aidant, Madolyn ne tarde pas (et nous avec) à piger qu’elle s’est fait piéger : sous sa moumoute de chauve (qu’il perd dès le premier affrontement avec l’agente en civil) Daryl dissimulait une physionomie de monstre sans scrupule, tueur à gages psychotique qui ne lâche pas l’affaire. En plein vol, une violence sauvage s’empare bientôt de cet équipage décidément mal assorti.

Flanquée de ces deux zigues incontrôlables, Madolyn, à son corps défendant, devra prendre les commandes du coucou pour remplir sa mission… et sauver sa peau. Manipuler le manche à balai, se repérer dans les compteurs du tableau de bord, actionner quand il faut le bouton « pilotage automatique » : il lui faut tout apprendre en accéléré. Aura-t-elle le dessus ? Ô spectateur scotché à ton fauteuil durant quatre-vingt-onze minutes, il te faudra attendre l’atterrissage (forcément acrobatique) de l’appareil pour en avoir le cœur net.

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En même temps, et c’est ce qui fait le sel de ce huis-clos en altitude au-dessus des pics enneigés, la croisière mouvementée à l’extrême se ramifie, en arrière-plan, d’un réseau d’intrigues sous-jacentes : au fil des liaisons radio que l’apprentie-pilote parvient à établir avec le sol s’y révèlent, superposés à l’action dans un suspense au second degré : les passifs de sa carrière professionnelle qui font pour elle de cette mission un enjeu capital ; les complots et autres traîtrises ourdis au sein de la hiérarchie corrompue du FBI ; la véritable personnalité de son prisonnier, dont l’état de santé ne s’arrange pas…

Divertissement troussé sur la base d’un scénario signé Jared Rosenberg qui sait ménager bonds et rebondissements, Flight Risk, comme toujours produit et réalisé par le richissime senior Mel Gibson (cf. Braveheart, La Passion du Christ, Tu ne tueras point…) réussit le challenge de confiner l’action intégralement, d’un bout à l’autre, dans la carlingue d’un Cessna 208 B dit « Gran Caravan ».

Pour votre information, le Cessna 208 B est un modèle de fabrication américaine qui date des années 1980. Il vole à une vitesse de 350km/h environ, et n’a pas besoin d’une longue piste, ni pour prendre les airs, ni pour le freinage. Il monte à 7000m d’altitude maximum. Il existe en version à roues, à skis ou hydravion. Normalement, c’est un petit avion très sûr. Attachez vos ceintures. Bon vol !        


Vol à haut risque (Flight Risk). Film de Mel Gibson. Avec Mark Wahlberg, Michelle Dockery, Topher Grace. Etats-Unis, couleur, 1h31

En salles le 22 janvier 2025

Le retour de Trump, vers un monde encore plus instable ou plus en paix?

Sur la scène économique internationale et en diplomatie, Donald Trump promet le retour de l’État-stratège et n’a qu’une seule ligne directrice: « America First »


Alors que Donald Trump se prépare à un retour à la Maison-Blanche, qualifié de plus grand « come-back » de l’histoire politique américaine, le monde entier s’interroge sur les effets de son retour sur l’ordre international. Trump promet une refonte de la politique étrangère, un nationalisme économique renforcé et une approche intransigeante des conflits géopolitiques. La mission qu’il s’est donnée, et la promesse faites aux Américains, c’est : Make America Great Again et enrayer le déclin américain.

« America First » : un isolationnisme revendiqué

Depuis des années, la doctrine « America First » de Donald Trump est hâtivement qualifiée d’isolationniste. Mais cette étiquette occulte une réalité plus complexe. Trump ne prône pas un retrait des affaires mondiales, mais une redéfinition des priorités. À ses yeux, les États-Unis sont depuis trop longtemps le « gendarme du monde », épuisant leurs ressources pour des alliances peu lucratives. Son second mandat devrait rester sur la même ligne, avec une opposition au multilatéralisme, dans la mesure où gérer les affaires mondiales coûte cher au contribuable américain et contribue, pour Trump, au déclin du pays. La vision est motivée par l’idée que l’Amérique doit conserver son rang de première puissance mondiale, un titre fragilisé selon lui, sous la présidence de Joe Biden. Pour Trump, la force est un levier, et les alliances sont des contrats négociables, loin d’être sacrés. Si cette approche choque les défenseurs du multilatéralisme, Trump reste fidèle à un calcul simple : si cela ne profite pas directement à l’Amérique, pourquoi s’en soucier ?

Des idées comme l’annexion du Groenland ou la pression tarifaire sur le Canada peuvent sembler farfelues, mais elles traduisent une logique stratégique. Donald Trump accepte le nouvel ordre multipolaire, mais juge prioritaire de sécuriser l’étranger proche américain, qui est vital pour la prospérité du pays. Avec sa localisation arctique stratégique et ses ressources inexploitées, le Groenland pourrait offrir un avantage décisif face à la Russie et à la Chine. De même, l’intérêt de Trump pour le contrôle du canal de Panama reflète une ambition plus large : dominer les points névralgiques du commerce mondial. Ces propositions, souvent tournées en dérision, incarnent une vision expansionniste assumée. Aux yeux de Trump, l’exceptionnalisme américain devrait se traduire par une domination géopolitique tangible. Mais cet impérialisme à peine voilé pourrait évidemment intensifier les tensions avec les alliés comme avec les rivaux. Si la vision Trump des relations internationales est claire et reste inchangée, ce dernier est toutefois resté évasif sur la manière dont il entend parvenir à ses fins géopolitiques…

Le nationalisme économique, une arme à double tranchant

Parmi les outils préférés de Donald Trump, les tarifs douaniers occupent une place de choix dans son programme. Pendant des décennies, il a dénoncé les accords commerciaux qu’il jugeait « injustes » et destructeurs pour l’industrie américaine. Lors de son premier mandat, ses taxes sur les importations chinoises ont déclenché une guerre commerciale, augmentant les prix pour les consommateurs américains et déstabilisant les marchés mondiaux. Pourtant, Trump a affirmé avoir remporté cette bataille, se targuant de s’être « opposé à la Chine » avec fermeté. Pour 2025, Trump promet d’aller encore plus loin, en imposant des tarifs généralisés non seulement à la Chine, mais aussi à l’Europe, au Canada et au Mexique. Si ses partisans y voient une protection de l’emploi américain, ses détracteurs préviennent que ces mesures risquent de provoquer des représailles et de fragiliser davantage le commerce mondial.

La pandémie de Covid-19 a révélé la fragilité des chaînes d’approvisionnement mondiales, renforçant l’idée de Trump selon laquelle les États-Unis doivent rapatrier leur production. Son objectif est clair : réduire la dépendance à la Chine ou même au Mexique ou au Canada, relocaliser les industries stratégiques et garantir une sécurité économique nationale. Des incitations fiscales pour les entreprises et des sanctions contre la délocalisation pourraient encourager un rapatriement partiel. Cependant, les coûts de production élevés et les pénuries de main-d’œuvre compliquent cette ambition. Si Trump réussit, il redéfinira la politique industrielle américaine et le commerce mondial de manière durable. Mais en cas d’échec, cela pourrait laisser des entreprises, pas seulement américaines, dans une situation délicate, tiraillées entre nationalisme économique et réalités économiques.

Les points chauds et la recherche d’une paix mondiale

Trump a affirmé qu’il pourrait mettre fin à la guerre en Ukraine « en 24 heures » durant la campagne de 2024. Une promesse audacieuse qui suscite autant d’espoir que de scepticisme et il est déjà revenu sur celle-ci, tablant davantage sur un délai de six mois. Une certitude, il devrait réduire l’aide américaine à l’Ukraine, facilitant le début de pourparlers. Si Trump parvient à être à l’origine d’une négociation de paix, cela pourrait stabiliser la région, mais au prix de l’intégrité territoriale de l’Ukraine et d’un renforcement de la Russie, ce qui explique la prudence du 47ème président américain.

Le Moyen-Orient reste un terrain où Trump a toujours joué la carte de la fermeté. Son retrait de l’accord sur le nucléaire iranien en 2018 et sa campagne de « pression maximale » ont exacerbé les tensions avec Téhéran. L’exemple récent de l’accord de cessez-le-feu entre Israël et le Hamas en est l’illustration par excellence. Trump a fait pression sur Benyamin Nétanyahou et lui a fait accepter des termes qu’il avait refusés il y a plusieurs mois. L’alliance étroite de Trump avec Benyamin Nétanyahou laisse présager une continuité dans la défense des intérêts israéliens même s’il se fera toujours respecter par la force. Mais cette stratégie, tout en consolidant les relations bilatérales, pourrait alimenter des conflits régionaux et compliquer les efforts diplomatiques plus larges. En effet, il ne retiendra pas Nétanyahou en cas de confrontation directe avec l’Iran, mettant du plomb dans l’aile de sa réputation de président de la paix.

Si le premier mandat de Trump a tendu les relations sino-américaines, un second pourrait les pousser au bord de la rupture. La vision offensive de Trump vis-à-vis de la Chine est conforme à ses idéaux, montrant que nous sommes plus devant une redéfinition stratégique qu’un isolationnisme américain. Taïwan reste au cœur des tensions et la situation avec la Chine s’est tendue en 2024. Trump devrait renforcer son soutien à l’île via des ventes d’armes et un discours affirmant sa souveraineté, ainsi que via le redéploiement stratégique de l’attention américaine sur l’Indopacifique. Cette posture devrait irriter la Chine et rendre la région encore plus instable. L’ambition de Donald Trump est d’incarner la grandeur de l’Amérique et permettre le retour de sa domination sur le monde, qu’importe le coût.

La victoire culturelle de Trump sonne le glas du vieux monde

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Le président Trump prêtera serment sur la Bible à Washington ce midi (18 heures heure de Paris), et pendant que certains crient à la catastrophe, d’autres sortent les drapeaux ou le pop-corn pour savourer le spectacle du grand chamboulement ! En France, les conservateurs attendent de voir, avant de jubiler…


C’est un vieux monde, empli d’utopies désastreuses et de tromperies grossières, qui prend fin. Ce lundi 20 janvier, jour de la prise de fonction officielle de Donald Trump, s’annonce comme la date du grand basculement conservateur.

Panique dans le camp du Bien

La révolution du réel sème déjà la panique, en France, parmi les marchands d’orviétan et autres charlatans en élixirs. Les progressistes de façade s’avouent régressistes lorsqu’ils voient, dans X (ex-Twitter) délivré des censeurs, une menace pour la démocratie. Ceux qui appellent au boycott ou à l’interdiction du réseau d’Elon Musk se montrent en perpétuateurs de la pensée totalitaire pour qui la liberté d’expression, quand elle permet l’inconfort de la contradiction, a toujours été l’adversaire à combattre. Comme le rappelle Basile Ader dans une note de janvier pour la Fondapol, c’est à Mirabeau que l’on doit la formule de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 (article 11) qu’adopta l’Assemblée constituante : « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’homme (…) ». Jamais la gauche, prisonnière de ses idéologies faussement humanistes et émancipatrices, ne s’est montrée à la hauteur de ce legs révolutionnaire. Le bonheur qu’elle promettait d’inventer a abouti aux crises existentielles nées de la mondialisation indifférenciée, du vide spirituel, du rejet des héritages issus des diverses civilisations au nom de la table rase. C’est d’ailleurs ce retour aux sources oubliées du bonheur que propose opportunément Yves Roucaute[1], en exhumant les richesses des sagesses enfouies, qui partout dans le monde ont survécu aux croyances dévoyées des doctrinaires et des inquisiteurs.

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L’opinion française, abusée par cinquante ans de désinformations et de propagandes, est en attente de vérités sur les maux accumulés et sur leurs responsables. Le choix courageux de Gisèle Pelicot de tout montrer des viols qu’elle a subis sous somnifères a répondu à ce besoin de briser des silences. L’ « effet Pelicot » est amené à ébranler la politique et ses fausses pudeurs. C’est en tout cas ce ressort, celui de la révélation sans fard de faits indicibles, qui explique la dynamique de la révolution conservatrice qui a trouvé son aboutissement dans la réélection de Trump le 5 novembre.

La révolution conservatrice

Ce grand chamboulement est d’ailleurs déjà enclenché en France, même si les Français ne sont que 21% à avoir une bonne opinion de Trump. La chape de plomb du politiquement correct n’a pas réussi à étouffer les hommages post-mortem rendus au Jean-Marie Le Pen visionnaire. Jeudi, lors d’une cérémonie religieuse en l’église du Val de Grace, la présence alentour de forces de l’ordre armées de mitraillettes a rappelé la tension qu’a pu susciter cette figure politique adepte du parler vrai.

Désormais, cette approche fait le succès de Bruno Retailleau à l’Intérieur, ou de Philippe de Villiers sur CNews. Même François Bayrou a dû reconnaître, avec trente ans de retard il est vrai, que l’immigration était « une question de proportion ».

Dimanche, la libération de trois femmes israéliennes otages du Hamas, en échange de 90 prisonniers gazaouis détenus par Israël, est venue rappeler que le trumpisme n’était pas seulement une doctrine pragmatique mais aussi un rapport de force, peu convaincant en l’occurrence puisqu’il offre une victoire médiatique aux nazislamistes. Parions néanmoins que les idées fausses ne résisteront pas longtemps à la victoire culturelle de Trump.

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[1] Aujourd’hui le bonheur, Editions du Cerf

Otages: libérations au compte-gouttes, torrent de débats

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La libération au compte-gouttes des otages du Hamas a commencé hier, avec le retour de trois femmes en Israël. Si la société israélienne se réjouit de ces bonnes nouvelles, on s’inquiète déjà par ailleurs de l’accord de cessez-le-feu trouvé avec les Palestiniens : le Hamas, affaibli, pourrait-il finalement se maintenir à Gaza, où toute une partie de la population criait « Mort aux juifs » hier ? Cinq questions à Gil Mihaely, directeur de la publication.


  • Qui sont les premiers otages libérés par le Hamas, dimanche ? Que sait-on de leur état de santé et de leurs conditions de détention ?

Il s’agit de trois jeunes femmes prises en otage le 7-Octobre. Romi Gonen, 24 ans, a été capturée, blessée, sur le lieu d’une fête à laquelle elle participait. Emily Damari, Israélo-Britannique de 28 ans, et Doron Steinbrecher, infirmière vétérinaire de 31 ans, ont été kidnappées depuis leurs maisons dans le kibboutz de Kfar Aza, pris d’assaut par les terroristes du Hamas.

Pour l’instant, les détails de leurs conditions de détention ne sont pas connus, mais leur état de santé est jugé bon, et elles ont été vues marchant sans assistance.

  • Israël est partagé entre la joie de retrouver les premiers otages et le prix à payer. Comment les médias du pays ont-ils couvert ce “dénouement” de la crise des otages ? À quel pourcentage de la population estime-t-on ceux qui considèrent que cet accord est inacceptable ? Quels sont les arguments des uns et des autres ?

La question des otages a rapidement été politisée. En résumé, les partisans de la majorité s’opposent à l’accord pour deux raisons principales. D’une part, ils estiment que le prix à payer en termes de prisonniers palestiniens libérés par Israël est exorbitant. En effet, les terroristes libérés lors de la guerre du Liban (années 1980) ont largement contribué au déclenchement de la première Intifada en 1987, et à la fondation du Hamas. De plus, parmi les 1 000 prisonniers libérés en échange du soldat Guilad Shalit en 2011 figurait Yahya Sinwar, actuel leader du Hamas à Gaza.

D’autre part, certains, notamment parmi l’électorat de MM. Ben Gvir et Smotrich, souhaitent qu’Israël réoccupe l’intégralité de la bande de Gaza et reconstruise les villages abandonnés lors du retrait israélien de 2005.

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En revanche, la libération des otages, même au prix de l’arrêt de la guerre et de la libération de nombreux prisonniers palestiniens, est une revendication majeure pour ceux qui jugent M. Netanyahou et sa majorité directement responsables des événements du 7-Octobre. Ces critiques réclament sa démission et la création d’une commission d’enquête. Ces divergences se sont manifestées jusqu’au dernier moment au sein du gouvernement, qui a vu le départ de M. Ben Gvir et des ministres de son parti politique, mais aussi dans les médias et, plus largement, au sein de la société israélienne.

  • Est-il exact de dire que l’arrivée imminente de Donald Trump à la Maison-Blanche aux États-Unis a accéléré cet accord de cessez-le-feu ? Si oui, comment ? Quels rapports la nouvelle administration américaine entretiendra-t-elle avec M. Netanyahou ?

Depuis son élection début novembre dernier, et bien avant son entrée à la Maison-Blanche, les acteurs géopolitiques se sont positionnés en anticipation d’un changement radical de politique étrangère américaine attendu sous la nouvelle administration.

Au Moyen-Orient – en Israël comme en Iran, à Gaza comme à Riyad et Doha – on anticipe une plus grande proximité entre Washington et Jérusalem.

Parallèlement, M. Trump a laissé entendre qu’il attend d’Israël qu’il « joue le jeu » et qu’il paie ce soutien en suivant ses consignes. Concrètement, l’envoyé spécial de Trump a exercé une pression peu diplomatique sur Netanyahou pour obtenir les concessions jugées indispensables par les États-Unis afin de conclure l’accord avant la cérémonie d’investiture du nouveau président.

  • Quand les citoyens israéliens peuvent-ils espérer retourner aux urnes ? Après un an et quatre mois de conflit, quels sont les rapports de forces politiques en Israël ? Que devient la réforme de la Justice qui clivait le pays ? D’autres sujets occupent-ils le débat israélien, ou bien le conflit pour la survie face à des voisins turbulents (Hamas, Hezbollah libanais, Iran) occupe-t-il toute la place ?

Les dernières élections ont eu lieu en novembre 2022, et les prochaines sont prévues pour novembre 2026, conformément au calendrier électoral habituel. Malgré le départ de Ben Gvir, le gouvernement de Netanyahou dispose toujours d’une majorité étroite mais solide. Le procès en cours contre le Premier ministre pourrait encore durer plusieurs années, notamment en cas d’appel.

Dans les semaines à venir, le gouvernement devra faire face à des crises majeures : la question du cessez-le-feu au Liban dans une grosse semaine, celle du cessez-le-feu à Gaza peu après, et, bien sûr, le vote du budget, prévu avant début mars. Par ailleurs, la question iranienne reviendra probablement sur le devant de la scène lorsque Trump fixera la stratégie américaine. Malgré ces multiples enjeux, rien ne menace directement la majorité actuelle, et le scénario d’élections anticipées ne semble pas à l’ordre du jour.

  • Des binationaux français figurent parmi les otages. Le Quai d’Orsay exerce-t-il une quelconque influence dans cet épineux dossier ? Au-delà, comment évaluer et apprécier le rôle d’Emmanuel Macron et de la France au Proche-Orient depuis le 7-Octobre ?

Deux otages franco-israéliens, Ohad Yahalomi et Ofer Kalderon, sont toujours à Gaza et figurent parmi les 33 libérables dans le cadre de la phase actuelle de l’accord de cessez-le-feu entre Israël et le Hamas. Le rôle de la France s’est exprimé sur deux fronts.

D’une part, concernant les otages et leurs familles, la France – du président de la République (et son épouse) jusqu’au personnel de l’ambassade à Tel-Aviv – leur a apporté un soutien constant. La France a participé aux négociations depuis le 7-Octobre, mais il reste difficile de mesurer précisément son apport.

D’autre part, sur le plan diplomatique, Emmanuel Macron a maintenu une ligne relativement cohérente : soutien à une solution à deux États, opposition à la colonisation, critiques régulières envers le gouvernement Netanyahou, tout en veillant à préserver les relations avec les pays et les peuples arabes. Les tensions inhérentes à ce double rôle sont apparues de manière flagrante dans la période récente.

Requiem pour un roi mort à 17 ans

Ressuscitée par l’ensemble musical Los Elementos et le Centre de musique baroque de Versailles, une messe de requiem composée pour les obsèques du roi d’Espagne, Luis 1er de Borbon y Saboya, réapparait trois siècles après sa mort.


Son règne de sept mois et demi fut l’un des plus brefs de l’histoire européenne. Et assurément le plus fugitif de l’histoire de l’Espagne.

Luis de Borbon y Saboya, Louis de Bourbon et de Savoie, roi d’Espagne, roi de Castille, de Léon, d’Aragon, des Deux-Siciles, de Jérusalem, de Navarre, de Grenade, de Tolède, de Valence, de Galice, de Majorque, de Minorque, de Séville, de Cordoue, de Cerdagne, de Corse, de Murcie, de Jaen, d’Algarve, d’Algésire, de Gibraltar, des Îles Canaries, des Indes Orientales et Occidentales, de l’Inde et du continent océanien, archiduc d’Autriche, duc de Bourgogne, de Brabant et de Milan… monta sur le trône de Madrid le 15 janvier 1724 pour mourir de la variole le 31 août de la même année. Il n’avait que 17 ans. Il avait été prénommé Louis, comme son arrière-grand-père, Louis XIV, roi de France et de Navarre. Et il avait Louis XV comme cousin germain. Doublement cousin germain même, puisque son père, Philippe V, le premier des Bourbons à régner sur l’Espagne, était le frère cadet du duc de Bourgogne, père de Louis XV, et sa mère, la reine Marie-Louise de Savoie, la propre sœur de la duchesse de Bourgogne, Marie-Adélaïde de Savoie.

Comme il devait accéder au trône des rois catholiques, en Espagne on l’appela Luis, Luis Primero, qui fut donc durant 229 jours le deuxième des rois espagnols de la maison de Bourbon, le premier à être né à Madrid. Adolescent, il consuma en fêtes un règne forcément insignifiant malgré les intrigues terribles des cours de France et d’Espagne. On lui avait fait épouser en 1721 une sienne cousine, la princesse Louise-Élisabeth d’Orléans, dite Mademoiselle de Montpensier, sacrifiée à la raison d’Etat, enfant du régent de France, Philippe, duc d’Orléans, et d’une fille légitimée de Louis XIV, sa cousine. Une enfant mariée à 12 ans et qui sera reine à 14 ans. Le duc de Saint-Simon, le mémorialiste, qui l’avait accompagnée à Madrid en tant qu’ambassadeur extraordinaire, voulant prendre congé d’elle et lui demandant ses ordres pour ses parents et pour sa grand-mère, Madame, l’épistolière princesse Palatine, ne se vit gratifié pour toute réponse que de trois rots retentissants. Avec sa sœur, Mademoiselle de Beaujolais, qui devait épouser l’infant Carlos, demi-frère de Luis (plus tard lui aussi roi d’Espagne et le plus brillant), la jeune reine sera renvoyée en France sans tambours ni trompettes quelque temps après la mort de son époux. Et Philippe V, qui avait abdiqué en faveur de l’aîné de ses fils après 24 années d’un règne qui lui pesait, dût se résigner à remonter sur le trône où il demeura jusqu’à sa mort en 1746.

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En Espagne, on ne se souvient de Luis 1er que pour la brièveté de son règne : « el reino relampago », le règne éclair. Comme son cousin français, il fut surnommé le Bien Aimé, « el Bien Amado ». Mais à l’inverse de Louis XV, Luis 1er n’aura décidemment pas le temps de se faire détester de ses sujets.

En France, en dehors des historiens et des familiers des cours, plus personne ne connaît aujourd’hui son existence. Et c’est bien ce qui fait de ce concert donné ce 28 janvier au château de Versailles, trois siècles et un an après son avènement, une chose tout à fait extraordinaire : au sein même de la Chapelle des rois de France, on ressuscite, comme surgie des brumes d’un passé oublié, la Messe de Requiem écrite en toute hâte par le maître de la Chapelle des rois d’Espagne, José de Torres y Martinez Bravo (1670-1738). Ce requiem qui célébra en 1724 les obsèques de Don Luis, frêle adolescent inhumé dans le panthéon royal de l’Escurial.

Organiste de renom, compositeur de musique religieuse aussi bien que profane, théoricien, éditeur, José de Torres y Martinez Bavo compte dans l’histoire de la musique espagnole. Il avait été organiste de la Chapelle royale du temps de Charles II, le dernier des Habsbourg d’Espagne et grand-oncle de Philippe V, en avait été expulsé lors des bouleversements survenus avec le changement de dynastie… avant d’y revenir en tant que maître de Chapelle de ce grand amateur de musique que fut le premier Bourbon d’Espagne… et de conserver son poste jusqu’à sa mort.

Certes, la cour de France avait pris le deuil quand parvint à Versailles la nouvelle de la mort du roi d’Espagne. Selon l’usage, toute la noblesse défila en grand deuil devant les souverains et la Chapelle royale accueillit les célébrations saluant la mort d’un Bourbon régnant.

Mais jamais on n’y avait entendu ce Requiem composé pour Louis 1er d’Espagne et c’est là un évènement aussi savoureux que surprenant pour l’historien comme pour l’amateur de musique. En France, berceau des Robertiens, en France devenue République où l’on chassa tour à tour du pouvoir les deux lignées d’Artois et d’Orléans, on entendra un requiem composé pour un roi mort il y a trois siècles dans un pays, l’Espagne, où règnent encore des princes de la maison de Bourbon.   


Requiem pour Louis 1er, roi d’Espagne
Avec les Pages du Centre de musique baroque de Versailles, le Chœur de l’Opéra royal et l’ensemble musical Los Elementos, sous la direction d’Alberto Miguelez Rouco.
Le 28 janvier 2025 à 20h. Chapelle royale du château de Versailles. 01 30 83 78 89 ou www.operaroyal-versailles.fr

Danseuse

Pour 6 avenue George V, son treizième livre, l’écrivain Thomas B. Reverdy tente une expérience : retourner sur les lieux de son enfance…


C’est la nouvelle marotte des éditeurs français. Convier des auteurs à passer une nuit ailleurs que chez eux à la seule fin d’écrire un livre. Les éditions Stock furent les premières à en avoir l’idée. Ma nuit au musée qui existe depuis 2018 propose des textes novateurs, poétiques. Résolument singuliers. Les éditions Flammarion leur emboîtent aujourd’hui le pas avec une collection intitulée Retour chez soi. Après le musée, la maison. Ou presque. Le concept brille par sa simplicité et son efficacité : offrir à des écrivains la possibilité de revenir, des années plus tard dans un lieu de leur enfance ou de leur adolescence.

« Un lieu du passé quitté depuis longtemps mais qui palpite encore dans la mémoire. Le temps d’une journée et d’une nuit, ils en auront, pour eux seuls, les clés. » Première en date : Mazarine Pingeot qui, à cette occasion, pousse à nouveau la porte du 11 quai Branly où elle vécut de neuf à 16 ans avec sa mère et l’ancien président François Mitterrand. Deuxième de la série : Thomas B. Reverdy. Direction le 8ème arrondissement de Paris. Au 6 avenue George V très exactement. C’est là, dans un immeuble cossu, que se trouve le studio de danse classique dans lequel sa mère s’est exercée pendant des années. Tous les samedis entre quatre et 13 ans son fils est allé l’accompagner. « Des milliers d’heures à contempler sans les comprendre les ronds de jambes et les arabesques des danseuses, les pliés, jetés, première, cinquième, dans la musique tonitruante du piano ». Aujourd’hui, alors qu’il s’apprête à fêter ses cinquante ans, l’auteur de La montée des eaux choisit de retourner dans cet ancien gynécée. Un voyage dans le passé dont il est loin de mesurer les conséquences. On ne retourne pas impunément dans son passé. D’ailleurs au moment de franchir le pas, il confie avoir hésité. Cinquante, c’est l’âge qu’avait sa mère lorsqu’elle est morte d’un cancer. « J’entre dans la décennie de sa mort, voilà ». De mort il ne sera pourtant pas question dans ce livre, mais de vie assurément. La vie d’une femme qui rêvait d’être danseuse professionnelle et dû se contenter d’un remplacement dans le ballet réduit de l’Opéra de Paris. Une femme qui ne portait jamais de pantalons. Seulement des jupes et des robes. Une femme dont le parfum l’Heure bleue imprégnait tous les vêtements. Une femme qui fréquentait le Tout Paris des années 50 mais qui finit par s’en lasser. Une femme qui fumait des gitanes à une époque où fumer était encore autorisé.

C’est son portrait que dessine son fils au fil de ses pages tendres et ardentes. Le portrait plein de grâce et de fantaisie d’une femme qui n’en manquait pas. Avec elle Thomas B. Reverdy a voyagé en Espagne, en Italie, « discuté des milliers de fois, des milliers d’heures, lu des pages de livres à voix haute dans des chambres d’hôtel et écouté de la musique en voiture, parlé de politique, d’économie, d’histoire, de philosophie et de littérature ». Avec elle il a appris l’essentiel : que seul l’art et les livres peuvent sauver une vie. Le sien est à son image : fantasque, mélancolique et joyeux.


192 pages. À paraître le 29 janvier 2025

6 avenue George V

Price: 13,99 €

1 used & new available from 13,99 €

Méfiez-vous des filles riches!

Comme Véronique Sanson a eu sa période américaine, Monsieur Nostalgie, provincial par essence, commence l’année en évoquant un thriller romantique de 1984, se déroulant entre Los Angeles et l’île mexicaine de Cozumel, porté par un slow planétaire de Phil Collins…


Je veux revenir en 1984, au temps béni des romances électriques et d’un monde bipolaire sécurisant, des courses-poursuites en Ferrari 308 et Porsche 911, et des riches brunes incendiaires qui viendront piétiner le cœur des beaux garçons, au soleil couchant. On a beaucoup médit sur les années 1980 ; à tort, on les trouvait vulgaires, dépensières, trop clinquantes et fatalement insincères. Alors que ce fut peut-être la dernière période transparente, limpide, où le capitalisme avançait à visage découvert et où les sentiments ne passaient pas par le prisme du mensonge et de la dissimulation pieuse. Les méchants avaient des têtes de méchants et les gentils, on les savait condamnés, dès les premières minutes. La faiblesse ne pardonnait pas, l’amour n’y résisterait pas.

Mélancolique et démonstratif

Quarante ans après, la globalisation nous a rendus tous, bien timorés et suspicieux, incapables de jouir d’un cocktail alcoolisé, d’une danse cubaine un peu trop rapprochée ou d’une accélération soyeuse sur Mulholland Drive dans un cabriolet débridé de marque allemande. Le pouvoir de l’argent était jadis aphrodisiaque, il est aujourd’hui avilissant, culpabilisant. Les générations à venir, moralisantes et bêcheuses, ne comprendront rien à cette flambe californienne qui a nourri notre imaginaire d’ado campagnard. Notre enfance aura été bercée par la douce tyrannie des blockbusters, et nous en redemandions chaque mercredi après-midi, à la séance de 14 h 00. Je n’ai pas peur d’affirmer qu’Axel Foley (Eddy Murphy) et Martin Riggs (Mel Gibson) ont fait plus pour notre éducation que Jack Lang et le programme commun. Pendant que notre pays se désindustrialisait et se « moralisait », nous avions déjà un pied sur la côte Pacifique, du côté d’American Gigolo et de Beverly Hills.

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Nous avons tellement aimé cette lumière frelatée, ces beautés extatiques et la lâcheté des hommes pour accéder au confort financier, que nous aurions pu demander notre naturalisation. Nous avons été percutés de plein fouet par cette industrie du cinéma qui répondait parfaitement à nos désirs primaires. Déjà, nous bouillonnions dans un hexagone qui ressassait les errements de l’Occupation et s’enthousiasmait pour l’idée européenne. A cette leçon forcée, nous préférions le sucre glace de la ruée vers l’or. Contre toute attente de Taylor Hackford, l’époux actuel d’Helen Mirren, est le film à (re)voir en plein hiver, loin d’une France ingouvernable et titubante. Il donne chaud. Il est mélancolique et démonstratif. Il est poisseux dans ses relations et saturé par un filtre d’angoisse érotique. Les corps en sueur se collent et se décollent au gré de l’intrigue, sur des plages caribéennes ou dans des temples mayas. Il est hautement instructif car nous sommes à l’éclosion du sport-business, des défaites écologistes, des promoteurs corrompus, de la drogue « festive » et d’une dérèglementation outrancière. La mesure n’est plus à l’ordre du jour. Tous les protagonistes trichent et parient sur leur chance de l’emporter, ils se saliront les mains. Contre toute attente propage une onde maléfique et jouissive. Les collines au-dessus de L.A. ne sauveront personne, les élus comme les anonymes. Cet eldorado-là est pourri jusqu’au trognon. Ce film est un remake de La Griffe du passé de Jacques Tourneur avec Robert Mitchum, Jane Greer (au générique des deux versions, elle interprétait la fille dans le premier, elle sera la mère distante dans le second) et Kirk Douglas. L’histoire fonctionne comme un engrenage avec quelques flash-backs, un footballeur sur la touche (Jeff Bridges), l’épaule en écharpe et un genou en vrac, endetté jusqu’au cou et lâché par son équipe, est missionné par un « ami » (James Woods), patron de discothèque et producteur canaille pour retrouver son amante (Rachel Ward) qui lui a donné quelques coups de couteau en guise d’adieu et laissé son chien Sam, de race « esquimau américain ». Tout le monde court après cette jeune femme, tantôt ange perdu, tantôt vamp involontaire qui s’est réfugiée dans cette île mexicaine.

Coups de feu

Il y aura des dérapages, des coups de feu, des morts, des sales types, des avocats véreux et des dessous de table. Le film, bien aidé par la bande-son, notamment le tube Against All odds qui fit des ravages des boums berrichonnes aux duplex de Manhattan et aussi d’autres chansons interprétées par Peter Gabriel ou Kid Creole et ses Coconuts, est une ode à Rachel Ward. Au début, perplexe, car nous ne l’avons pas encore vue, on se demande pourquoi cette fille attise toutes les convoitises. Et puis Rachel apparaît, en maillot une pièce ou en pull trop ample, et là, on est frappé par sa puissance, et chacun de nous cherchera toute sa vie sa Rachel.

1h50. Visible en VOD sur MyCanal

https://vod.canalplus.com/cinema/contre-toute-attente/h/2990471_40099

Huppert à Séoul

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Isabelle Huppert (C) Capricci

Notre actrice française nommée aux Oscars et récompensée aux Golden Globes est à l’affiche demain du nouveau Hong Sang-soo.


Cela fait fort longtemps qu’Isabelle Huppert ne joue plus qu’Isabelle Huppert dans le rôle d’Isabelle Huppert. L’immense actrice, plus attentive à son « image » qu’à son jeu de comédienne (elle n’a vraiment plus rien à prouver), de longue date a choisi de se risquer dans des films qui ne seraient rien sans elle, et dans lesquels elle se projette comme dans un miroir nommé Isabelle Huppert. Après Another Country et La Caméra de Claire, le Sud-coréen Hong Sang-soo s’offre ses services pour la troisième fois. Abonné aux récompenses de la Berlinale, il faut croire qu’elle lui porte chance : il est reparti en 2024 avec un double prix – Ours d’Argent et Grand Prix du Jury.

On a toujours un peu peur de s’ennuyer dans ce genre de cinéma d’auteur à la facture minimaliste. Mais non : on se laisse prendre au jeu de cette intrigue fragile, presque inconsistante, habitée pourtant d’une étrange épaisseur poétique. Iris (Madame Huppert, donc), fraîchement débarquée à Séoul, sans le sou et sans parler un traître mot de coréen (on n’en saura pas davantage), donne, en langue anglaise, des cours particuliers de français, sa méthode pédagogique ne consistant qu’à transcrire sur un bout de papier la traduction des émotions que lui confient, sur l’instant, ses élèves-interlocuteurs, invités ultérieurement à relire et mémoriser ces petits textes pour se familiariser progressivement avec la langue.

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Approche sensible, qui laisse ses « clients » quelque peu intrigués, mais Iris y croit, et sait se montrer persuasive. Hébergée chez un de ses jeunes élèves (en adoration devant elle), la voyageuse solitaire, paradoxalement discrète et envahissante, heurtera malgré elle, par sa présence, la relation difficile d’une mère, en visite surprise, pour la première fois, dans le petit studio où loge son fis étudiant… On se gardera de déflorer ici la teneur de cette séquence dont Iris/Huppert est le déclencheur… Le film repose tout entier sur le mystère de ces impondérables du quotidien, dans le paysage singulièrement paisible d’un quartier de la capitale coréenne.


La Voyageuse. Film de Hong Sangsoo. Avec Isabelle Huppert. Corée du Sud, France, couleur, 2024. Durée : 1h30.

En salles le 22 janvier 2025

Lyrique: une allégorie animalière

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"La Petite renarde rusée", Opéra de Leoš Janáček, Bastille © Vincent Pontet / Opéra national de Paris

Au cœur d’une forêt enchantée, une petite renarde nous invite à une célébration de la vie. La voix envoûtante d’Elena Tsallagova illumine cette production exceptionnelle. Une touche de fraicheur de la part de l’Opéra de Paris, appréciée


Bizarrement, dans le générique du programme édité par l’Opéra de Paris, aux côtés de Nicky Rieti pour les décors et d’André Diot pour les lumières, ne figure pas le nom d’André Angel – mais seulement celui de Dagmar Pischel, responsable de la présente reprise, en effet, d’une mise en scène mythique entre toutes : produite il y a quinze ans, à Lyon, par trois vétérans dont les talents associés ont assuré, pendant un demi-siècle, le renom des planches parisiennes, du Théâtre Gérard Philippe au Théâtre de l’Europe, en passant par la MC93 de Bobigny… Angel et Rieti sont aujourd’hui presque octogénaires, Diot a 90 ans.

Par sa fraîcheur, sa malice, sa poésie, le vif chromatisme de ses décors et de ses costumes animaliers, cette mise en scène de La Petite renarde rusée ne sonne nullement comme un chant du cygne. Dans ce court opéra tardif crée à Brno par Leoš Janáček (1854-1928) quatre ans avant sa mort, le compositeur tchèque, alors âgé de 70 ans, développe une fable étrange, attendrissante, cocasse, cruelle, qui n’a pas du tout l’acidité morbide de L’affaire Makropoulos, composé un an plus tard (et que l’Opéra-Bastille a d’ailleurs redonné, on s’en souvient, à l’automne 2023, dans la très belle régie du Polonais Krysztof Warilowski).

© Vincent Pontet / Opéra national de Paris

Ici, le plateau nous ouvre dans les grandes largeurs un champ de tournesols en pleine floraison sous le soleil, où va s’ébattre, dans une succession de tableaux égrenés en trois actes jusqu’aux neiges de l’hiver, un microcosme animalier haut-en-couleur, dont cette petite renarde rousse est l’héroïne, au milieu d’une ménagerie de grenouilles, de sauterelles, de grillons, de poules, et même d’un chien et d’un blaireau qui se disputent la partie, entre un garde-chasse, un instituteur, un curé, un braconnier et l’aubergiste du village…

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Pas d’intrigue clairement identifiable dans cette œuvre, ce qui la rend assez déconcertante, pour le spectateur plus familier des transes sentimentales propres à la tradition lyrique, mais un kaléidoscope d’images superbement coloriées : on sait que le compositeur a trouvé l’inspiration de son livret dans la lecture d’un roman-feuilleton illustré, La renarde de fine-oreille (auquel, non sans anachronisme, le programme de l’Opéra prête le nom de « BD » – c’est sans doute plus vendeur)…  Tour à tour grinçante, luxuriante et délicate, la partition de Janáček tranche paradoxalement avec le prosaïsme des situations, traversée qu’elle est d’une somptueuse opulence polyphonique où les voix traduisent, sans emphase, les palpitations de l’âme humaine et la nostalgie du paradis perdu.

© Vincent Pontet / Opéra national de Paris

Singulière allégorie, donc, portée, au soir de la première, par l’actuel directeur musical de l’Orchestre symphonique de Huston, Juraj Valcuha, à la tête d’un Orchestre national de Paris à son meilleur. L’excellente soprano russe Elena Tsallagova reprend le rôle-titre qu’elle chantait déjà dans cette même enceinte en 2008. Vocalement de toute première qualité, la distribution a opéré quelques chaises musicales, le baryton-basse Milan Siljanov endossant l’habit du garde-chasse en remplacement de l’Écossais Iain Paterson, tandis que sous les traits  du vagabond le baryton tchèque Tadeas Hoza fait également ses débuts à l’Opéra de Paris.

Car il se trouve que notre barde national Ludovic Tézier, souffrant, ne sera pas le Wotan de L’Or du Rhin dans la nouvelle production très attendue, dans moins de quinze jours à l’Opéra-Bastille, mise en scène par Calixto Bieito (cf. l’an passé, le double échec-et-mat des Simon Boccanegra et The Exterminaiting Angel) . Et qui le remplace ? Iain Paterson, justement. Wagner y perdra-t-il au change ? Ce n’est pas dit.

La Petite renarde rusée. Opéra de Leoš Janáček. Direction : Jurak Valcuha. Mise en scène : André Engel. Décors : Nicky Rieti. Opéra Bastille, les 21, 24, 28 janvier, 1er février à 19h30.

Durée : 2h05

Le brevet pour les nuls

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Elisabeth Borne en visite au lycée Hector Guimard, Paris, 17 janvier 2025 © Chang Martin/SIPA

Le gouvernement renonce à subordonner le passage en seconde à la réussite au brevet. Le commentaire d’Elisabeth Lévy.


C’était pourtant un petit pas dans la bonne direction. Le « choc des savoirs » de Gabriel Attal prévoyait que seuls les élèves reçus au brevet passeraient en seconde.
Cela semblait d’ailleurs être une mesure de bon sens. Premièrement, à quoi peut bien servir un examen, s’il n’y a aucune conséquence à ne pas le passer (demandez donc à votre ado de le préparer, si cela ne sert à rien d’obtenir le diplome…)? Deuxièmement, on connait le niveau dramatique des élèves français (et maintenant des adultes) largement lié à l’absence de sélection et de contrôle des connaissances.

Usine à gaz

Anne Genetet, ministre de l’Education nationale de septembre à décembre 2024, avait déjà renvoyé l’application de cette mesure à 2027. Elisabeth Borne recule encore et enrobe cette reculade de démagogie: je fais confiance aux profs et aux conseils de classe qui décident du passage en seconde… Et elle promet, bien sûr, de nouveaux dispositifs de soutien. Résultat: on pourra toujours arriver en terminale et même obtenir le bac, sans maitriser un français basique. Autant vous dire que pour construire les centrales nucléaires de demain, ou mettre au point de nouvelles IA made in France, on peut avoir de légers doutes…
Cet enjeu scolaire devrait pourtant être l’obsession de tous, la mère des batailles. Sauf révolution éducative, la France de demain sera hors course. Sans même parler au plan individuel de tous de ces jeunes gens gâchés, et privés du moyen de penser leur vie et le monde. Et des plus brillants qui partent à l’étranger, soucieux de trouver un environnement plus stimulant.
Tout le monde sait ce qu’il faut faire, en réalité : restaurer l’exigence, la méritocratie, la compétition, la transmission. Mettre les savoirs au centre du système éducatif, et non plus l’égo ou le narcissisme des élèves.

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Échec collectif

Pourquoi ne le fait-on pas ? Comment expliquer cette nouvelle reculade ? Lâcheté, courte vue, bienpensance : on commence à connaitre le tableau.
Dans le cas précis du brevet, entrent surement en jeu des considérations budgétaires (le redoublement coûte très cher). Mme Borne a évidemment aussi cédé à des syndicats enseignants qui, en pilote automatique, dénonçaient un « tri social ». Pensent-ils que les pauvres sont par essence plus mauvais que les autres ? Derrière tout cela, c’est l’idéologie égalitaire qui est à l’œuvre; la gauche éducative, qui peuple la rue de Grenelle, déteste les examens, les notes, la compétition. Pour ne pas froisser les mauvais élèves, on préfère décourager les bons. Tout ça au nom de l’égalité, bien sûr. Or plus on met en place des mesures égalitaires, plus l’école est inégalitaire car les privilégiés peuvent échapper au système commun. Voilà le triste constat de 40 ans de cette idéologie.
À entendre du matin au soir que les élèves ne sont responsables de rien, que leurs cartables sont trop lourds, leurs profs trop méchants ou les horaires trop chargés, que les élèves ont tous le droit de faire de longues études, on a surtout désappris aux jeunes Français le goût de l’effort. Et comme cela dure depuis maintenant des décennies, cela se constate aujourd’hui aussi chez les adultes – demandez à un chef d’entreprise.
Ces gens nous parlent des générations futures toute la journée, mais ils commettent le pire crime contre elles.
C’est logique : nous vivons dans une société d’individus narcissiques, et qui fait de moins en moins d’enfants. Pourquoi se soucierait-elle de ce qu’elle leur transmet ? Pourquoi se soucierait-elle de les élever par la connaissance ?


Cette chronique a d’abord été diffusée sur Sud Radio

Retrouvez Elisabeth Lévy dans la matinale

Aviation civile: apprendre à piloter en 1h31

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Mark Wahlberg dans "Vol à haut risque" de Mel Gibson © Metropolitan

Envoyez-vous en l’air avec Mark Wahlberg et Michelle Dockery dans le nouveau film de Mel Gibson !


Si vous n’y connaissez rien, c’est l’occasion ou jamais. Embarquez au-dessus des montagnes de l’Alaska, direction Seattle, à bord d’un coucou à hélices, très largement vitré, idéal pour admirer le paysage – ce qu’on appelle un « avion de brousse ». A l’atterrissage, vous saurez piloter. C’est en tout cas ce stage intensif que suit avec succès Madolyn Harris (Michelle Dockery dans le rôle : cf. la série Downtown Abbey 1 et 2, sur Netflix – en attendant le 3). Profession : US Marshals, comme on dit aux States. La voilà chargée d’escorter un certain Winston (Topher Grace), dûment menotté, et même ligoté à son siège, donc. À l’arrivée, le délinquant repenti est censé témoigner contre un mafieux. Dès le décollage, Winston, véritable moulin à paroles, a les chocottes. Le pilote, Daryl Booth (Mark Wahlberg), inquiète ses deux passagers par sa désinvolture brouillonne : la radio de bord ne fonctionne qu’à éclipses, les turbulences secouent l’habitacle, et l’aéronef antédiluvien semble avoir changé de cap. Bref, l’expérience aidant, Madolyn ne tarde pas (et nous avec) à piger qu’elle s’est fait piéger : sous sa moumoute de chauve (qu’il perd dès le premier affrontement avec l’agente en civil) Daryl dissimulait une physionomie de monstre sans scrupule, tueur à gages psychotique qui ne lâche pas l’affaire. En plein vol, une violence sauvage s’empare bientôt de cet équipage décidément mal assorti.

Flanquée de ces deux zigues incontrôlables, Madolyn, à son corps défendant, devra prendre les commandes du coucou pour remplir sa mission… et sauver sa peau. Manipuler le manche à balai, se repérer dans les compteurs du tableau de bord, actionner quand il faut le bouton « pilotage automatique » : il lui faut tout apprendre en accéléré. Aura-t-elle le dessus ? Ô spectateur scotché à ton fauteuil durant quatre-vingt-onze minutes, il te faudra attendre l’atterrissage (forcément acrobatique) de l’appareil pour en avoir le cœur net.

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En même temps, et c’est ce qui fait le sel de ce huis-clos en altitude au-dessus des pics enneigés, la croisière mouvementée à l’extrême se ramifie, en arrière-plan, d’un réseau d’intrigues sous-jacentes : au fil des liaisons radio que l’apprentie-pilote parvient à établir avec le sol s’y révèlent, superposés à l’action dans un suspense au second degré : les passifs de sa carrière professionnelle qui font pour elle de cette mission un enjeu capital ; les complots et autres traîtrises ourdis au sein de la hiérarchie corrompue du FBI ; la véritable personnalité de son prisonnier, dont l’état de santé ne s’arrange pas…

Divertissement troussé sur la base d’un scénario signé Jared Rosenberg qui sait ménager bonds et rebondissements, Flight Risk, comme toujours produit et réalisé par le richissime senior Mel Gibson (cf. Braveheart, La Passion du Christ, Tu ne tueras point…) réussit le challenge de confiner l’action intégralement, d’un bout à l’autre, dans la carlingue d’un Cessna 208 B dit « Gran Caravan ».

Pour votre information, le Cessna 208 B est un modèle de fabrication américaine qui date des années 1980. Il vole à une vitesse de 350km/h environ, et n’a pas besoin d’une longue piste, ni pour prendre les airs, ni pour le freinage. Il monte à 7000m d’altitude maximum. Il existe en version à roues, à skis ou hydravion. Normalement, c’est un petit avion très sûr. Attachez vos ceintures. Bon vol !        


Vol à haut risque (Flight Risk). Film de Mel Gibson. Avec Mark Wahlberg, Michelle Dockery, Topher Grace. Etats-Unis, couleur, 1h31

En salles le 22 janvier 2025

Le retour de Trump, vers un monde encore plus instable ou plus en paix?

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Le président élu Donald Trump s'exprime lors d'un dîner au Building Museum, le dimanche 19 janvier 2025, à Washington, tandis que son épouse Melania l'écoute © Evan Vucci/AP/SIPA

Sur la scène économique internationale et en diplomatie, Donald Trump promet le retour de l’État-stratège et n’a qu’une seule ligne directrice: « America First »


Alors que Donald Trump se prépare à un retour à la Maison-Blanche, qualifié de plus grand « come-back » de l’histoire politique américaine, le monde entier s’interroge sur les effets de son retour sur l’ordre international. Trump promet une refonte de la politique étrangère, un nationalisme économique renforcé et une approche intransigeante des conflits géopolitiques. La mission qu’il s’est donnée, et la promesse faites aux Américains, c’est : Make America Great Again et enrayer le déclin américain.

« America First » : un isolationnisme revendiqué

Depuis des années, la doctrine « America First » de Donald Trump est hâtivement qualifiée d’isolationniste. Mais cette étiquette occulte une réalité plus complexe. Trump ne prône pas un retrait des affaires mondiales, mais une redéfinition des priorités. À ses yeux, les États-Unis sont depuis trop longtemps le « gendarme du monde », épuisant leurs ressources pour des alliances peu lucratives. Son second mandat devrait rester sur la même ligne, avec une opposition au multilatéralisme, dans la mesure où gérer les affaires mondiales coûte cher au contribuable américain et contribue, pour Trump, au déclin du pays. La vision est motivée par l’idée que l’Amérique doit conserver son rang de première puissance mondiale, un titre fragilisé selon lui, sous la présidence de Joe Biden. Pour Trump, la force est un levier, et les alliances sont des contrats négociables, loin d’être sacrés. Si cette approche choque les défenseurs du multilatéralisme, Trump reste fidèle à un calcul simple : si cela ne profite pas directement à l’Amérique, pourquoi s’en soucier ?

Des idées comme l’annexion du Groenland ou la pression tarifaire sur le Canada peuvent sembler farfelues, mais elles traduisent une logique stratégique. Donald Trump accepte le nouvel ordre multipolaire, mais juge prioritaire de sécuriser l’étranger proche américain, qui est vital pour la prospérité du pays. Avec sa localisation arctique stratégique et ses ressources inexploitées, le Groenland pourrait offrir un avantage décisif face à la Russie et à la Chine. De même, l’intérêt de Trump pour le contrôle du canal de Panama reflète une ambition plus large : dominer les points névralgiques du commerce mondial. Ces propositions, souvent tournées en dérision, incarnent une vision expansionniste assumée. Aux yeux de Trump, l’exceptionnalisme américain devrait se traduire par une domination géopolitique tangible. Mais cet impérialisme à peine voilé pourrait évidemment intensifier les tensions avec les alliés comme avec les rivaux. Si la vision Trump des relations internationales est claire et reste inchangée, ce dernier est toutefois resté évasif sur la manière dont il entend parvenir à ses fins géopolitiques…

Le nationalisme économique, une arme à double tranchant

Parmi les outils préférés de Donald Trump, les tarifs douaniers occupent une place de choix dans son programme. Pendant des décennies, il a dénoncé les accords commerciaux qu’il jugeait « injustes » et destructeurs pour l’industrie américaine. Lors de son premier mandat, ses taxes sur les importations chinoises ont déclenché une guerre commerciale, augmentant les prix pour les consommateurs américains et déstabilisant les marchés mondiaux. Pourtant, Trump a affirmé avoir remporté cette bataille, se targuant de s’être « opposé à la Chine » avec fermeté. Pour 2025, Trump promet d’aller encore plus loin, en imposant des tarifs généralisés non seulement à la Chine, mais aussi à l’Europe, au Canada et au Mexique. Si ses partisans y voient une protection de l’emploi américain, ses détracteurs préviennent que ces mesures risquent de provoquer des représailles et de fragiliser davantage le commerce mondial.

La pandémie de Covid-19 a révélé la fragilité des chaînes d’approvisionnement mondiales, renforçant l’idée de Trump selon laquelle les États-Unis doivent rapatrier leur production. Son objectif est clair : réduire la dépendance à la Chine ou même au Mexique ou au Canada, relocaliser les industries stratégiques et garantir une sécurité économique nationale. Des incitations fiscales pour les entreprises et des sanctions contre la délocalisation pourraient encourager un rapatriement partiel. Cependant, les coûts de production élevés et les pénuries de main-d’œuvre compliquent cette ambition. Si Trump réussit, il redéfinira la politique industrielle américaine et le commerce mondial de manière durable. Mais en cas d’échec, cela pourrait laisser des entreprises, pas seulement américaines, dans une situation délicate, tiraillées entre nationalisme économique et réalités économiques.

Les points chauds et la recherche d’une paix mondiale

Trump a affirmé qu’il pourrait mettre fin à la guerre en Ukraine « en 24 heures » durant la campagne de 2024. Une promesse audacieuse qui suscite autant d’espoir que de scepticisme et il est déjà revenu sur celle-ci, tablant davantage sur un délai de six mois. Une certitude, il devrait réduire l’aide américaine à l’Ukraine, facilitant le début de pourparlers. Si Trump parvient à être à l’origine d’une négociation de paix, cela pourrait stabiliser la région, mais au prix de l’intégrité territoriale de l’Ukraine et d’un renforcement de la Russie, ce qui explique la prudence du 47ème président américain.

Le Moyen-Orient reste un terrain où Trump a toujours joué la carte de la fermeté. Son retrait de l’accord sur le nucléaire iranien en 2018 et sa campagne de « pression maximale » ont exacerbé les tensions avec Téhéran. L’exemple récent de l’accord de cessez-le-feu entre Israël et le Hamas en est l’illustration par excellence. Trump a fait pression sur Benyamin Nétanyahou et lui a fait accepter des termes qu’il avait refusés il y a plusieurs mois. L’alliance étroite de Trump avec Benyamin Nétanyahou laisse présager une continuité dans la défense des intérêts israéliens même s’il se fera toujours respecter par la force. Mais cette stratégie, tout en consolidant les relations bilatérales, pourrait alimenter des conflits régionaux et compliquer les efforts diplomatiques plus larges. En effet, il ne retiendra pas Nétanyahou en cas de confrontation directe avec l’Iran, mettant du plomb dans l’aile de sa réputation de président de la paix.

Si le premier mandat de Trump a tendu les relations sino-américaines, un second pourrait les pousser au bord de la rupture. La vision offensive de Trump vis-à-vis de la Chine est conforme à ses idéaux, montrant que nous sommes plus devant une redéfinition stratégique qu’un isolationnisme américain. Taïwan reste au cœur des tensions et la situation avec la Chine s’est tendue en 2024. Trump devrait renforcer son soutien à l’île via des ventes d’armes et un discours affirmant sa souveraineté, ainsi que via le redéploiement stratégique de l’attention américaine sur l’Indopacifique. Cette posture devrait irriter la Chine et rendre la région encore plus instable. L’ambition de Donald Trump est d’incarner la grandeur de l’Amérique et permettre le retour de sa domination sur le monde, qu’importe le coût.

La victoire culturelle de Trump sonne le glas du vieux monde

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Le président élu Donald Trump s'exprime lors d'un rassemblement en amont de la 60e investiture présidentielle, le dimanche 19 janvier 2025, à Washington © Matt Rourke/AP/SIPA

Le président Trump prêtera serment sur la Bible à Washington ce midi (18 heures heure de Paris), et pendant que certains crient à la catastrophe, d’autres sortent les drapeaux ou le pop-corn pour savourer le spectacle du grand chamboulement ! En France, les conservateurs attendent de voir, avant de jubiler…


C’est un vieux monde, empli d’utopies désastreuses et de tromperies grossières, qui prend fin. Ce lundi 20 janvier, jour de la prise de fonction officielle de Donald Trump, s’annonce comme la date du grand basculement conservateur.

Panique dans le camp du Bien

La révolution du réel sème déjà la panique, en France, parmi les marchands d’orviétan et autres charlatans en élixirs. Les progressistes de façade s’avouent régressistes lorsqu’ils voient, dans X (ex-Twitter) délivré des censeurs, une menace pour la démocratie. Ceux qui appellent au boycott ou à l’interdiction du réseau d’Elon Musk se montrent en perpétuateurs de la pensée totalitaire pour qui la liberté d’expression, quand elle permet l’inconfort de la contradiction, a toujours été l’adversaire à combattre. Comme le rappelle Basile Ader dans une note de janvier pour la Fondapol, c’est à Mirabeau que l’on doit la formule de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 (article 11) qu’adopta l’Assemblée constituante : « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’homme (…) ». Jamais la gauche, prisonnière de ses idéologies faussement humanistes et émancipatrices, ne s’est montrée à la hauteur de ce legs révolutionnaire. Le bonheur qu’elle promettait d’inventer a abouti aux crises existentielles nées de la mondialisation indifférenciée, du vide spirituel, du rejet des héritages issus des diverses civilisations au nom de la table rase. C’est d’ailleurs ce retour aux sources oubliées du bonheur que propose opportunément Yves Roucaute[1], en exhumant les richesses des sagesses enfouies, qui partout dans le monde ont survécu aux croyances dévoyées des doctrinaires et des inquisiteurs.

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L’opinion française, abusée par cinquante ans de désinformations et de propagandes, est en attente de vérités sur les maux accumulés et sur leurs responsables. Le choix courageux de Gisèle Pelicot de tout montrer des viols qu’elle a subis sous somnifères a répondu à ce besoin de briser des silences. L’ « effet Pelicot » est amené à ébranler la politique et ses fausses pudeurs. C’est en tout cas ce ressort, celui de la révélation sans fard de faits indicibles, qui explique la dynamique de la révolution conservatrice qui a trouvé son aboutissement dans la réélection de Trump le 5 novembre.

La révolution conservatrice

Ce grand chamboulement est d’ailleurs déjà enclenché en France, même si les Français ne sont que 21% à avoir une bonne opinion de Trump. La chape de plomb du politiquement correct n’a pas réussi à étouffer les hommages post-mortem rendus au Jean-Marie Le Pen visionnaire. Jeudi, lors d’une cérémonie religieuse en l’église du Val de Grace, la présence alentour de forces de l’ordre armées de mitraillettes a rappelé la tension qu’a pu susciter cette figure politique adepte du parler vrai.

Désormais, cette approche fait le succès de Bruno Retailleau à l’Intérieur, ou de Philippe de Villiers sur CNews. Même François Bayrou a dû reconnaître, avec trente ans de retard il est vrai, que l’immigration était « une question de proportion ».

Dimanche, la libération de trois femmes israéliennes otages du Hamas, en échange de 90 prisonniers gazaouis détenus par Israël, est venue rappeler que le trumpisme n’était pas seulement une doctrine pragmatique mais aussi un rapport de force, peu convaincant en l’occurrence puisqu’il offre une victoire médiatique aux nazislamistes. Parions néanmoins que les idées fausses ne résisteront pas longtemps à la victoire culturelle de Trump.

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[1] Aujourd’hui le bonheur, Editions du Cerf

Otages: libérations au compte-gouttes, torrent de débats

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Tel Aviv, Israël, 19 janvier 2025 © Ariel Schalit/AP/SIPA

La libération au compte-gouttes des otages du Hamas a commencé hier, avec le retour de trois femmes en Israël. Si la société israélienne se réjouit de ces bonnes nouvelles, on s’inquiète déjà par ailleurs de l’accord de cessez-le-feu trouvé avec les Palestiniens : le Hamas, affaibli, pourrait-il finalement se maintenir à Gaza, où toute une partie de la population criait « Mort aux juifs » hier ? Cinq questions à Gil Mihaely, directeur de la publication.


  • Qui sont les premiers otages libérés par le Hamas, dimanche ? Que sait-on de leur état de santé et de leurs conditions de détention ?

Il s’agit de trois jeunes femmes prises en otage le 7-Octobre. Romi Gonen, 24 ans, a été capturée, blessée, sur le lieu d’une fête à laquelle elle participait. Emily Damari, Israélo-Britannique de 28 ans, et Doron Steinbrecher, infirmière vétérinaire de 31 ans, ont été kidnappées depuis leurs maisons dans le kibboutz de Kfar Aza, pris d’assaut par les terroristes du Hamas.

Pour l’instant, les détails de leurs conditions de détention ne sont pas connus, mais leur état de santé est jugé bon, et elles ont été vues marchant sans assistance.

  • Israël est partagé entre la joie de retrouver les premiers otages et le prix à payer. Comment les médias du pays ont-ils couvert ce “dénouement” de la crise des otages ? À quel pourcentage de la population estime-t-on ceux qui considèrent que cet accord est inacceptable ? Quels sont les arguments des uns et des autres ?

La question des otages a rapidement été politisée. En résumé, les partisans de la majorité s’opposent à l’accord pour deux raisons principales. D’une part, ils estiment que le prix à payer en termes de prisonniers palestiniens libérés par Israël est exorbitant. En effet, les terroristes libérés lors de la guerre du Liban (années 1980) ont largement contribué au déclenchement de la première Intifada en 1987, et à la fondation du Hamas. De plus, parmi les 1 000 prisonniers libérés en échange du soldat Guilad Shalit en 2011 figurait Yahya Sinwar, actuel leader du Hamas à Gaza.

D’autre part, certains, notamment parmi l’électorat de MM. Ben Gvir et Smotrich, souhaitent qu’Israël réoccupe l’intégralité de la bande de Gaza et reconstruise les villages abandonnés lors du retrait israélien de 2005.

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En revanche, la libération des otages, même au prix de l’arrêt de la guerre et de la libération de nombreux prisonniers palestiniens, est une revendication majeure pour ceux qui jugent M. Netanyahou et sa majorité directement responsables des événements du 7-Octobre. Ces critiques réclament sa démission et la création d’une commission d’enquête. Ces divergences se sont manifestées jusqu’au dernier moment au sein du gouvernement, qui a vu le départ de M. Ben Gvir et des ministres de son parti politique, mais aussi dans les médias et, plus largement, au sein de la société israélienne.

  • Est-il exact de dire que l’arrivée imminente de Donald Trump à la Maison-Blanche aux États-Unis a accéléré cet accord de cessez-le-feu ? Si oui, comment ? Quels rapports la nouvelle administration américaine entretiendra-t-elle avec M. Netanyahou ?

Depuis son élection début novembre dernier, et bien avant son entrée à la Maison-Blanche, les acteurs géopolitiques se sont positionnés en anticipation d’un changement radical de politique étrangère américaine attendu sous la nouvelle administration.

Au Moyen-Orient – en Israël comme en Iran, à Gaza comme à Riyad et Doha – on anticipe une plus grande proximité entre Washington et Jérusalem.

Parallèlement, M. Trump a laissé entendre qu’il attend d’Israël qu’il « joue le jeu » et qu’il paie ce soutien en suivant ses consignes. Concrètement, l’envoyé spécial de Trump a exercé une pression peu diplomatique sur Netanyahou pour obtenir les concessions jugées indispensables par les États-Unis afin de conclure l’accord avant la cérémonie d’investiture du nouveau président.

  • Quand les citoyens israéliens peuvent-ils espérer retourner aux urnes ? Après un an et quatre mois de conflit, quels sont les rapports de forces politiques en Israël ? Que devient la réforme de la Justice qui clivait le pays ? D’autres sujets occupent-ils le débat israélien, ou bien le conflit pour la survie face à des voisins turbulents (Hamas, Hezbollah libanais, Iran) occupe-t-il toute la place ?

Les dernières élections ont eu lieu en novembre 2022, et les prochaines sont prévues pour novembre 2026, conformément au calendrier électoral habituel. Malgré le départ de Ben Gvir, le gouvernement de Netanyahou dispose toujours d’une majorité étroite mais solide. Le procès en cours contre le Premier ministre pourrait encore durer plusieurs années, notamment en cas d’appel.

Dans les semaines à venir, le gouvernement devra faire face à des crises majeures : la question du cessez-le-feu au Liban dans une grosse semaine, celle du cessez-le-feu à Gaza peu après, et, bien sûr, le vote du budget, prévu avant début mars. Par ailleurs, la question iranienne reviendra probablement sur le devant de la scène lorsque Trump fixera la stratégie américaine. Malgré ces multiples enjeux, rien ne menace directement la majorité actuelle, et le scénario d’élections anticipées ne semble pas à l’ordre du jour.

  • Des binationaux français figurent parmi les otages. Le Quai d’Orsay exerce-t-il une quelconque influence dans cet épineux dossier ? Au-delà, comment évaluer et apprécier le rôle d’Emmanuel Macron et de la France au Proche-Orient depuis le 7-Octobre ?

Deux otages franco-israéliens, Ohad Yahalomi et Ofer Kalderon, sont toujours à Gaza et figurent parmi les 33 libérables dans le cadre de la phase actuelle de l’accord de cessez-le-feu entre Israël et le Hamas. Le rôle de la France s’est exprimé sur deux fronts.

D’une part, concernant les otages et leurs familles, la France – du président de la République (et son épouse) jusqu’au personnel de l’ambassade à Tel-Aviv – leur a apporté un soutien constant. La France a participé aux négociations depuis le 7-Octobre, mais il reste difficile de mesurer précisément son apport.

D’autre part, sur le plan diplomatique, Emmanuel Macron a maintenu une ligne relativement cohérente : soutien à une solution à deux États, opposition à la colonisation, critiques régulières envers le gouvernement Netanyahou, tout en veillant à préserver les relations avec les pays et les peuples arabes. Les tensions inhérentes à ce double rôle sont apparues de manière flagrante dans la période récente.

Requiem pour un roi mort à 17 ans

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Louis, prince des Asturies (détail), par Michel-Ange Houasse, 1717. DR.

Ressuscitée par l’ensemble musical Los Elementos et le Centre de musique baroque de Versailles, une messe de requiem composée pour les obsèques du roi d’Espagne, Luis 1er de Borbon y Saboya, réapparait trois siècles après sa mort.


Son règne de sept mois et demi fut l’un des plus brefs de l’histoire européenne. Et assurément le plus fugitif de l’histoire de l’Espagne.

Luis de Borbon y Saboya, Louis de Bourbon et de Savoie, roi d’Espagne, roi de Castille, de Léon, d’Aragon, des Deux-Siciles, de Jérusalem, de Navarre, de Grenade, de Tolède, de Valence, de Galice, de Majorque, de Minorque, de Séville, de Cordoue, de Cerdagne, de Corse, de Murcie, de Jaen, d’Algarve, d’Algésire, de Gibraltar, des Îles Canaries, des Indes Orientales et Occidentales, de l’Inde et du continent océanien, archiduc d’Autriche, duc de Bourgogne, de Brabant et de Milan… monta sur le trône de Madrid le 15 janvier 1724 pour mourir de la variole le 31 août de la même année. Il n’avait que 17 ans. Il avait été prénommé Louis, comme son arrière-grand-père, Louis XIV, roi de France et de Navarre. Et il avait Louis XV comme cousin germain. Doublement cousin germain même, puisque son père, Philippe V, le premier des Bourbons à régner sur l’Espagne, était le frère cadet du duc de Bourgogne, père de Louis XV, et sa mère, la reine Marie-Louise de Savoie, la propre sœur de la duchesse de Bourgogne, Marie-Adélaïde de Savoie.

Comme il devait accéder au trône des rois catholiques, en Espagne on l’appela Luis, Luis Primero, qui fut donc durant 229 jours le deuxième des rois espagnols de la maison de Bourbon, le premier à être né à Madrid. Adolescent, il consuma en fêtes un règne forcément insignifiant malgré les intrigues terribles des cours de France et d’Espagne. On lui avait fait épouser en 1721 une sienne cousine, la princesse Louise-Élisabeth d’Orléans, dite Mademoiselle de Montpensier, sacrifiée à la raison d’Etat, enfant du régent de France, Philippe, duc d’Orléans, et d’une fille légitimée de Louis XIV, sa cousine. Une enfant mariée à 12 ans et qui sera reine à 14 ans. Le duc de Saint-Simon, le mémorialiste, qui l’avait accompagnée à Madrid en tant qu’ambassadeur extraordinaire, voulant prendre congé d’elle et lui demandant ses ordres pour ses parents et pour sa grand-mère, Madame, l’épistolière princesse Palatine, ne se vit gratifié pour toute réponse que de trois rots retentissants. Avec sa sœur, Mademoiselle de Beaujolais, qui devait épouser l’infant Carlos, demi-frère de Luis (plus tard lui aussi roi d’Espagne et le plus brillant), la jeune reine sera renvoyée en France sans tambours ni trompettes quelque temps après la mort de son époux. Et Philippe V, qui avait abdiqué en faveur de l’aîné de ses fils après 24 années d’un règne qui lui pesait, dût se résigner à remonter sur le trône où il demeura jusqu’à sa mort en 1746.

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En Espagne, on ne se souvient de Luis 1er que pour la brièveté de son règne : « el reino relampago », le règne éclair. Comme son cousin français, il fut surnommé le Bien Aimé, « el Bien Amado ». Mais à l’inverse de Louis XV, Luis 1er n’aura décidemment pas le temps de se faire détester de ses sujets.

En France, en dehors des historiens et des familiers des cours, plus personne ne connaît aujourd’hui son existence. Et c’est bien ce qui fait de ce concert donné ce 28 janvier au château de Versailles, trois siècles et un an après son avènement, une chose tout à fait extraordinaire : au sein même de la Chapelle des rois de France, on ressuscite, comme surgie des brumes d’un passé oublié, la Messe de Requiem écrite en toute hâte par le maître de la Chapelle des rois d’Espagne, José de Torres y Martinez Bravo (1670-1738). Ce requiem qui célébra en 1724 les obsèques de Don Luis, frêle adolescent inhumé dans le panthéon royal de l’Escurial.

Organiste de renom, compositeur de musique religieuse aussi bien que profane, théoricien, éditeur, José de Torres y Martinez Bavo compte dans l’histoire de la musique espagnole. Il avait été organiste de la Chapelle royale du temps de Charles II, le dernier des Habsbourg d’Espagne et grand-oncle de Philippe V, en avait été expulsé lors des bouleversements survenus avec le changement de dynastie… avant d’y revenir en tant que maître de Chapelle de ce grand amateur de musique que fut le premier Bourbon d’Espagne… et de conserver son poste jusqu’à sa mort.

Certes, la cour de France avait pris le deuil quand parvint à Versailles la nouvelle de la mort du roi d’Espagne. Selon l’usage, toute la noblesse défila en grand deuil devant les souverains et la Chapelle royale accueillit les célébrations saluant la mort d’un Bourbon régnant.

Mais jamais on n’y avait entendu ce Requiem composé pour Louis 1er d’Espagne et c’est là un évènement aussi savoureux que surprenant pour l’historien comme pour l’amateur de musique. En France, berceau des Robertiens, en France devenue République où l’on chassa tour à tour du pouvoir les deux lignées d’Artois et d’Orléans, on entendra un requiem composé pour un roi mort il y a trois siècles dans un pays, l’Espagne, où règnent encore des princes de la maison de Bourbon.   


Requiem pour Louis 1er, roi d’Espagne
Avec les Pages du Centre de musique baroque de Versailles, le Chœur de l’Opéra royal et l’ensemble musical Los Elementos, sous la direction d’Alberto Miguelez Rouco.
Le 28 janvier 2025 à 20h. Chapelle royale du château de Versailles. 01 30 83 78 89 ou www.operaroyal-versailles.fr

Danseuse

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Thomas B. Reverdy devant le 6 avenue George V © Quentin Houdas, Éditions Flammarion

Pour 6 avenue George V, son treizième livre, l’écrivain Thomas B. Reverdy tente une expérience : retourner sur les lieux de son enfance…


C’est la nouvelle marotte des éditeurs français. Convier des auteurs à passer une nuit ailleurs que chez eux à la seule fin d’écrire un livre. Les éditions Stock furent les premières à en avoir l’idée. Ma nuit au musée qui existe depuis 2018 propose des textes novateurs, poétiques. Résolument singuliers. Les éditions Flammarion leur emboîtent aujourd’hui le pas avec une collection intitulée Retour chez soi. Après le musée, la maison. Ou presque. Le concept brille par sa simplicité et son efficacité : offrir à des écrivains la possibilité de revenir, des années plus tard dans un lieu de leur enfance ou de leur adolescence.

« Un lieu du passé quitté depuis longtemps mais qui palpite encore dans la mémoire. Le temps d’une journée et d’une nuit, ils en auront, pour eux seuls, les clés. » Première en date : Mazarine Pingeot qui, à cette occasion, pousse à nouveau la porte du 11 quai Branly où elle vécut de neuf à 16 ans avec sa mère et l’ancien président François Mitterrand. Deuxième de la série : Thomas B. Reverdy. Direction le 8ème arrondissement de Paris. Au 6 avenue George V très exactement. C’est là, dans un immeuble cossu, que se trouve le studio de danse classique dans lequel sa mère s’est exercée pendant des années. Tous les samedis entre quatre et 13 ans son fils est allé l’accompagner. « Des milliers d’heures à contempler sans les comprendre les ronds de jambes et les arabesques des danseuses, les pliés, jetés, première, cinquième, dans la musique tonitruante du piano ». Aujourd’hui, alors qu’il s’apprête à fêter ses cinquante ans, l’auteur de La montée des eaux choisit de retourner dans cet ancien gynécée. Un voyage dans le passé dont il est loin de mesurer les conséquences. On ne retourne pas impunément dans son passé. D’ailleurs au moment de franchir le pas, il confie avoir hésité. Cinquante, c’est l’âge qu’avait sa mère lorsqu’elle est morte d’un cancer. « J’entre dans la décennie de sa mort, voilà ». De mort il ne sera pourtant pas question dans ce livre, mais de vie assurément. La vie d’une femme qui rêvait d’être danseuse professionnelle et dû se contenter d’un remplacement dans le ballet réduit de l’Opéra de Paris. Une femme qui ne portait jamais de pantalons. Seulement des jupes et des robes. Une femme dont le parfum l’Heure bleue imprégnait tous les vêtements. Une femme qui fréquentait le Tout Paris des années 50 mais qui finit par s’en lasser. Une femme qui fumait des gitanes à une époque où fumer était encore autorisé.

C’est son portrait que dessine son fils au fil de ses pages tendres et ardentes. Le portrait plein de grâce et de fantaisie d’une femme qui n’en manquait pas. Avec elle Thomas B. Reverdy a voyagé en Espagne, en Italie, « discuté des milliers de fois, des milliers d’heures, lu des pages de livres à voix haute dans des chambres d’hôtel et écouté de la musique en voiture, parlé de politique, d’économie, d’histoire, de philosophie et de littérature ». Avec elle il a appris l’essentiel : que seul l’art et les livres peuvent sauver une vie. Le sien est à son image : fantasque, mélancolique et joyeux.


192 pages. À paraître le 29 janvier 2025

6 avenue George V

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Méfiez-vous des filles riches!

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Jeff Bridges et Rachel Ward dans "Contre toute attente" (Against All Odds) de Taylor Hackford, 1984 © WEBER ANITA/SIPA

Comme Véronique Sanson a eu sa période américaine, Monsieur Nostalgie, provincial par essence, commence l’année en évoquant un thriller romantique de 1984, se déroulant entre Los Angeles et l’île mexicaine de Cozumel, porté par un slow planétaire de Phil Collins…


Je veux revenir en 1984, au temps béni des romances électriques et d’un monde bipolaire sécurisant, des courses-poursuites en Ferrari 308 et Porsche 911, et des riches brunes incendiaires qui viendront piétiner le cœur des beaux garçons, au soleil couchant. On a beaucoup médit sur les années 1980 ; à tort, on les trouvait vulgaires, dépensières, trop clinquantes et fatalement insincères. Alors que ce fut peut-être la dernière période transparente, limpide, où le capitalisme avançait à visage découvert et où les sentiments ne passaient pas par le prisme du mensonge et de la dissimulation pieuse. Les méchants avaient des têtes de méchants et les gentils, on les savait condamnés, dès les premières minutes. La faiblesse ne pardonnait pas, l’amour n’y résisterait pas.

Mélancolique et démonstratif

Quarante ans après, la globalisation nous a rendus tous, bien timorés et suspicieux, incapables de jouir d’un cocktail alcoolisé, d’une danse cubaine un peu trop rapprochée ou d’une accélération soyeuse sur Mulholland Drive dans un cabriolet débridé de marque allemande. Le pouvoir de l’argent était jadis aphrodisiaque, il est aujourd’hui avilissant, culpabilisant. Les générations à venir, moralisantes et bêcheuses, ne comprendront rien à cette flambe californienne qui a nourri notre imaginaire d’ado campagnard. Notre enfance aura été bercée par la douce tyrannie des blockbusters, et nous en redemandions chaque mercredi après-midi, à la séance de 14 h 00. Je n’ai pas peur d’affirmer qu’Axel Foley (Eddy Murphy) et Martin Riggs (Mel Gibson) ont fait plus pour notre éducation que Jack Lang et le programme commun. Pendant que notre pays se désindustrialisait et se « moralisait », nous avions déjà un pied sur la côte Pacifique, du côté d’American Gigolo et de Beverly Hills.

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Nous avons tellement aimé cette lumière frelatée, ces beautés extatiques et la lâcheté des hommes pour accéder au confort financier, que nous aurions pu demander notre naturalisation. Nous avons été percutés de plein fouet par cette industrie du cinéma qui répondait parfaitement à nos désirs primaires. Déjà, nous bouillonnions dans un hexagone qui ressassait les errements de l’Occupation et s’enthousiasmait pour l’idée européenne. A cette leçon forcée, nous préférions le sucre glace de la ruée vers l’or. Contre toute attente de Taylor Hackford, l’époux actuel d’Helen Mirren, est le film à (re)voir en plein hiver, loin d’une France ingouvernable et titubante. Il donne chaud. Il est mélancolique et démonstratif. Il est poisseux dans ses relations et saturé par un filtre d’angoisse érotique. Les corps en sueur se collent et se décollent au gré de l’intrigue, sur des plages caribéennes ou dans des temples mayas. Il est hautement instructif car nous sommes à l’éclosion du sport-business, des défaites écologistes, des promoteurs corrompus, de la drogue « festive » et d’une dérèglementation outrancière. La mesure n’est plus à l’ordre du jour. Tous les protagonistes trichent et parient sur leur chance de l’emporter, ils se saliront les mains. Contre toute attente propage une onde maléfique et jouissive. Les collines au-dessus de L.A. ne sauveront personne, les élus comme les anonymes. Cet eldorado-là est pourri jusqu’au trognon. Ce film est un remake de La Griffe du passé de Jacques Tourneur avec Robert Mitchum, Jane Greer (au générique des deux versions, elle interprétait la fille dans le premier, elle sera la mère distante dans le second) et Kirk Douglas. L’histoire fonctionne comme un engrenage avec quelques flash-backs, un footballeur sur la touche (Jeff Bridges), l’épaule en écharpe et un genou en vrac, endetté jusqu’au cou et lâché par son équipe, est missionné par un « ami » (James Woods), patron de discothèque et producteur canaille pour retrouver son amante (Rachel Ward) qui lui a donné quelques coups de couteau en guise d’adieu et laissé son chien Sam, de race « esquimau américain ». Tout le monde court après cette jeune femme, tantôt ange perdu, tantôt vamp involontaire qui s’est réfugiée dans cette île mexicaine.

Coups de feu

Il y aura des dérapages, des coups de feu, des morts, des sales types, des avocats véreux et des dessous de table. Le film, bien aidé par la bande-son, notamment le tube Against All odds qui fit des ravages des boums berrichonnes aux duplex de Manhattan et aussi d’autres chansons interprétées par Peter Gabriel ou Kid Creole et ses Coconuts, est une ode à Rachel Ward. Au début, perplexe, car nous ne l’avons pas encore vue, on se demande pourquoi cette fille attise toutes les convoitises. Et puis Rachel apparaît, en maillot une pièce ou en pull trop ample, et là, on est frappé par sa puissance, et chacun de nous cherchera toute sa vie sa Rachel.

1h50. Visible en VOD sur MyCanal

https://vod.canalplus.com/cinema/contre-toute-attente/h/2990471_40099