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Mary Quant disparaît et emporte avec elle le “Swinging London”


Mary Quant disparaît et emporte avec elle le “Swinging London”
La créatrice anglaise Mary Quant photographiée en 1961 © Steen/ANL/Shutterstock/SIPA

La styliste britannique, disparue cette semaine, faisait partie de ces créateurs ayant donné naissance à la minijupe. Surtout, elle était emblématique de la décennie 1960, dans la capitale britannique; une époque joyeuse et créative.


Le Royaume-Uni est en train de perdre toutes ses reines ! Sa Majesté Elizabeth II, bien sûr, qui nous a quittés en septembre dernier, et plus récemment, Vivienne Westwood, qui régna sur la mode british pendant quatre décennies, et qui popularisa l’aspect vestimentaire du mouvement punk. Enfin, le 13 avril dernier, Mary Quant, dite Dame Mary, a emporté avec elle, à 93 ans, ses mini jupes et les derniers vestiges du Swinging London. 

Excentriques Anglais !

Le fait que Vivienne Westwood soit assimilée au mouvement punk (elle n’a fait que commercialiser un mouvement qui venait de la rue) et que Mary Quant soit considérée comme l’inventeur (l’inventrice?) de la mini jupe – bien que certains l’attribuent au Français Courrèges – n’est finalement qu’anecdotique. Cela va me permettre d’aborder le phénomène du Swinging London, et plus largement la pop culture, que les Anglais (je ne cesse de le répéter) ont inventée. La France est le pays de l’intellectualisme et des révolutions, l’Angleterre est selon moi celui de l’excentricité et du pragmatisme politique. Paradoxalement, le fait que la Perfide Albion soit une société de classes a dynamisé et fait circuler la culture. Le « Working Class Hero » John Lennon ne dirait pas le contraire.

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Après guerre, le gouvernement travailliste décida de rendre les écoles d’Art gratuites, donc accessibles à la working class, qui, en Angleterre, à l’époque, avait une identité très forte. Cela a malheureusement beaucoup changé. Ce phénomène est expliqué dans le documentaire sur Brian Ferry, le chanteur du groupe Roxy Music, diffusé en ce moment sur Arte. Brian Ferry, ce prolétaire brillant, qui même lorsqu’il avait trois sous s’habillait déjà comme un prince, fréquenta une de ces écoles, et l’Art fut sa première passion. Il était fan de Ready Made et de Duchamp, et cela se sentait dans les premiers albums de Roxy Music, que je qualifierais de glam rock expérimental, notamment grâce au clavier de Brian Eno. Tous ces enfants de prolos, ou de la lower middle class, donnèrent donc naissance au Swinging London, qui fut, pendant quelques années, au centre du monde culturel. Que s’y passait-il au juste ? Tout d’abord, il y régnait un mélange détonnant; le rock’n’roll, la mode, l’art contemporain (qui, là-bas, n’était donc pas un phénomène élitiste) s’y mélangeaient joyeusement. Ensuite, évidemment, on y faisait la fête, on consommait des substances illicites, quelquefois, on s’y perdait. Mais, l’espace d’un moment de grâce, on y inventa un mode de vie.

Plutôt ne rien manger que de paraitre mal vêtu

La mode y joua un rôle primordial. En effet, tout le beau monde issu de la culture underground se réunissait dans la boutique de Mary Quant, sur King’s Road : Bazaar. On donna à ce mouvement l’appellation de Youthquake que l’on pourrait traduire par : jeunesse en transe. Dorénavant, c’est la jeunesse de la rue qui inspirerait la mode. La jeunesse française, quant à elle, discutait de la lutte des classes dans les universités, en attendant son heure. Bien sûr, vous pourriez rétorquer que tout cela n’était que du marketing, c’est évident, les Américains ayant déjà inventé le concept d’adolescence avec l’explosion du rock’n’roll à la fin des années 50. En Europe, nous avons dû attendre les Beatles. 

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Autre particularité so british : la mode y est, depuis toujours, une affaire d’hommes. D’ailleurs, le style british masculin reste une valeur sûre. 
Au commencement, au XVIIIème siècle, fut le Beau Brummel, qui inventa le dandysme, terme si galvaudé de nos jours, qu’on en a perdu la signification. Costumes admirablement coupés, cravates savamment nouées, Brummel prétendait qu’il mettait cinq heures à s’habiller. Mais le dandysme est aussi, et surtout, un mode de vie. Les dandys sont le contraire du bourgeois (en témoigne Baudelaire); ils font de leur vie de l’art. Brummel, qui perdit sa fortune au jeu, préférait ne pas manger que d’apparaître mal vêtu…
La notion de dandysme perdura, et devint, au XXème siècle, davantage synonyme d’une certaine excentricité maîtrisée. Brian Jones, le guitariste des Stones, en fut l’exemple ultime. D’ailleurs, dans les années 60, nombre de chanteurs pop britanniques étaient qualifiés de dandys. En témoigne cette chanson des Kinks – groupe qui représentait la quintessence de l’attitude rock’n’rollesque british – « Dedicated follower of fashion » (obsédé par la mode). Mais alors, où se situe le dandysme en France, le pays de Chanel et de l’élégance discrète ? Au risque d’en surprendre plus d’un, Sagan, avec son élégance désinvolte et son mode de vie scandaleux, est une figure que l’on pourrait qualifier de « dandyesque. » Mais, à mon sens, les derniers véritables dandys sont les sapeurs africains. Qui, à l’image de Brummel en son temps, sacrifient tout à la sape.



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est enseignante.

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