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Pas de porno pour Noël, le dernier cinéma X de Paris va fermer


Pas de porno pour Noël, le dernier cinéma X de Paris va fermer
Maurice Laroche, le directeur du dernier cinéma porno de Paris, "Le Beverley". ©STEPHANE DE SAKUTIN / AFP

Le Beverley fermera fin décembre, un peu avant Noël. Il était le dernier cinéma X de la capitale.

Aujourd’hui, il n’est plus rentable. Quelques vieux fidèles résistent encore mais en vain.

On ne peut qu’être soulagé par cette disparition progressive. Les cinémas pornos sont en effet des endroits répugnants où la masturbation collective est souvent la norme. Ils sont l’expression non de la débauche mais de la défaite, d’une misère sexuelle telle, qu’elle consent à s’afficher publiquement.

La fin d’un monde répugnant…

Le dispositif de ces établissements est assez simple : un groupe d’hommes dans la salle et seulement deux femmes : une à l’écran, une à la caisse. C’est tout.

Céline, dans Voyage au bout de la Nuit, nous donne un aperçu de ce que pouvait être l’ambiance pendant les projections. Lui ne parle pas d’un cinéma porno mais d’une sorte de souterrain aménagé, à New-York, dans lequel des hommes se soulagent comme ils peuvent : « Entre hommes, comme ça, sans façons, aux rires de tous ceux qui étaient autour, accompagnés des encouragements qu’ils se donnaient, comme au football ». On ne peut mieux résumer l’état de déchéance morale qui régnait dans ces salles.

A la sortie des cinémas X, il n’y a jamais grand monde. On se cache pour rentrer, on se cache pour sortir et chaque spectateur est un caméléon : honteux, confus et débraillé.

…qui va me manquer

Pourtant, malgré tous ces défauts, la disparition de ces salles m’affecte. Kundera a une phrase, que je n’arrive plus à retrouver, sur l’ombre de la mélancolie, qui teinterait toute chose disparue d’un agréable regret, y compris la guillotine.

Cette mélancolie, je l’éprouve aujourd’hui, car les quartiers dans lesquels j’ai grandi (La Madeleine et Pigalle) étaient les hauts lieux de la pornographie à Paris. L’un est plus connu que l’autre mais je vous recommande de passer rue Godot de Moroy, vous y verrez des sex-shops anachroniques et des prostitués parlant un dialecte aujourd’hui disparu : le parisien.

Elles m’ont vu pousser et je les ai vues vieillir. Elles disparaissent peu à peu avec ces cinémas, et leur absence fait le lit d’un nouveau monde, nettement moins commode.

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En effet, cette pornographie publique, collective et payante est progressivement remplacée par une autre, gratuite, privée et individualiste. L’extinction progressive des lieux de jouissance groupée aura de graves conséquences sociales car quand la République des branleurs abdique, c’est la démocratie sociale et solidaire qui est en danger.

Moi, je ne suis jamais rentré dans ces cinémas. J’ai essayé pourtant. J’avais 12 ans et, avec un ami, nous nous étions déguisés en adulte, affublés de manteaux et chapeaux pour forcer le trait. La caissière me reconnut, je pâlis, nous courûmes. C’était peine perdue, j’habitais à 100 mètres et tout le quartier me connaissait. J’étais humilié mais c’est un pur souvenir.

Tout ça pour dire que les « pornshops », les vieilles prostituées parisiennes et les cinéma X constituaient un monde. Un monde certes particulier, contrôlé en grande partie par la mafia et peu ragoutant sans doute, mais qui avait ses beautés.

La morale bourgeoise a gagné, le porno va disparaître

Je serais même prêt à parier que les quelques spectateurs fidèles de ces cinémas n’y vont pas pour jouir (ils ne peuvent plus les pauvres), mais pour se souvenir, pour garder en mémoire une époque où les salles étaient pleines de collégiens curieux, de vétérans amochés, de religieuses excitées.

On ne peut pas revenir en arrière, et ces cinémas, comme les magazines coquins et les « sex shops », sont appelés à disparaître totalement du paysage urbain, si bien qu’à terme, l’espace public sera vidé de toute référence explicite à la pornographie.

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C’est peut-être préférable. Cependant j’y vois une sorte de victoire de la morale bourgeoise 2.0. Il est vrai que voir des vieux qui consomment du cul, ce n’est pas très agréable, surtout pour une ville jeune et dynamique comme Paris. Il incombe par conséquent aux services administratifs de la mairie d’organiser l’exode massif de ces vieux pervers. Des cars biodégradables et sexuellement neutres seront loués pour l’occasion.

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