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Au temps des cerises

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Au temps des cerises
Image d'illustration Unsplash

En déplacement mercredi à Cergy dans le Val-d’Oise, Emmanuel Macron a été la cible de tirs de tomates cerises


Le président Macron aime la France : territoire, peuple, chansons. Aussi s’est-il rendu au marché de Cergy-Pontoise, trois jours après son élection. Et il a été visé par un lancer de tomates cerises. Alors, cette chanson si française est remontée à sa mémoire, sous un parapluie, vite déployé : « Quand nous en serons au temps des cerises / Et gai rossignol et merle moqueur/ Seront tous en fête… » Cet hymne de la Commune de Paris, écrit en 1866, cinq ans avant les jours sanglants de 1871, chante l’échec d’une révolution et un amour perdu, celui de Louise, une ambulancière. Pendants d’oreilles, cerises d’amour aux robes pareilles/ Tombant sous les feuilles en gouttes de sang…

Cette chanson fut chantée—en 42— par Charles Trénet, puis par Cora Vaucaire, Mouloudji, Suzy Delair, Colette Renard, Léo Ferré, Juliette Gréco, Patrick Bruel, Joan Baez. C’est dire sa résonance sentimentale, populaire, révolutionnaire. Yves Montand la chanta en 1974, à l’Olympia, en faveur du Chili. En 2016, le Chœur de l’Armée française l’interpréta, place de la République, en hommage aux victimes du 13 novembre 2015. La vidéo nous montre des visages du « peuple », sous les yeux d’Hidalgo et de Hollande : ces gros plans sont émouvants.

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Sans chercher la petite bête, on ne peut s’empêcher de chercher tout ce que « nous dit » ce jet de tomates cerises. La tomate, classée scientifiquement par Linné en 1753 dans le genre Solanum (Solanum lycopersicum), est venue du Nord Ouest de l’Amérique du Sud. De cette tomate, modèle génétique car plante à tout faire —industrie de la transformation, concentré, sauce, ketchup—, Trump redoutait, en 2016, selon Europe 1, des jets dangereux, ainsi que des lancers d’ananas et de banane. Dans une tribune du Figaro de mercredi, Pierre Vermeren analyse « les racines culturelles du malaise français ». Faut-il pousser loin l’analyse pour trouver que ce malaise réside, tout près de nous, dans la frustration : l’absence de campagne présidentielle donc l’absence de débat, donc l’éviction des sujets de fond qui travaillent les Français ? Quoi d’étonnant, alors, qu’il y ait, dans « le peuple » opposé aux élites, plus que du désenchantement : de la colère ? Et pourquoi cette campagne, juste après les élections ? Parce que Macron, ayant fui l’affrontement d’un premier tour qu’il trouvait inutile, se rattrape, au contact du peuple, en allant sur les terres de son rival : la ceinture rouge. Et, de ce côté, quand on n’a plus de mots, les tomates, les œufs, les ananas sont là pour dire qu’on n’attend plus rien du politique.

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Le merle est connu pour son chant mélodieux —« siffler comme un merle »— et pour les proverbes : « C’est un fin merle ». Faute de grives, on mange des merles. Le message de ces tomates cerises est loin d’être subliminal : c’est la réponse du merle moqueur au doux rossignol des promesses jamais tenues. La chanson est moins guerrière que la Marseillaise. Moins engagée que l’Internationale. Elle est le symbole de l’immense espoir suscité par la Commune : de la frustration, de la colère. Quand nous en serons au temps des cerises… C’est pour bientôt. Mais avant, il y a le muguet du premier mai.

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Marie-Hélène Verdier est agrégée de Lettres classiques et a enseigné au lycée Louis-le-Grand, à Paris. Poète, écrivain et chroniqueuse, elle est l'auteur de l'essai "La guerre au français" publié au Cerf.

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