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Mahmoud Abbas, négationniste multicartes

La chronique géopolitique de Richard Prasquier


Mahmoud Abbas, négationniste multicartes
Le président palestinien Mahmoud Abbas lors d'une rencontre avec le président russe Vladimir Poutine, Moscou, 10 mai 2025 © Sergey Bobylev/SPUTNIK/SIPA

Mahmoud Abbas exhorte le Hamas à céder le pouvoir à Gaza et à remettre ses armes à l’Autorité palestinienne. Président de l’Autorité palestinienne depuis plus de vingt ans (!), cet homme présenté comme modéré et placide estime que le Hamas a offert à Israël des prétextes pour commettre ses «crimes dans la bande de Gaza».


Il est un peu plus âgé que le Pape François qu’il a rencontré à plusieurs reprises. Comme lui, il dirige un État qui n’en est pas un, comme lui il aura un successeur après sa mort. Là s’arrêtent les ressemblances : il n’y aura ni conclave, ni fumée blanche. Mahmoud Abbas, recordman mondial du plus long mandat présidentiel de quatre ans (vingt-et-un ans actuellement), a indiqué qui le remplacera à la tête de l’Autorité Palestinienne : ce sera son collaborateur le plus proche, Hussein al-Sheikh, dont plusieurs journaux occidentaux vantent déjà la modération et les relations avec Israël. Palestinian Media Watch nous met en garde. L’homme est un fervent partisan défenseur du programme Pay-for-Slay qui a transformé pour certaines familles palestiniennes le meurtre d’Israéliens en investissement productif tout en accusant les Israéliens de laisser mourir leurs prisonniers faute de soins, une déclaration qui a dû aller droit au cœur des neurochirurgiens qui en leur temps avaient opéré Yahia Sinwar de sa tumeur cérébrale.

Hussein al Sheikh avait déclaré qu’il était un admirateur du Hamas

Cette admiration, c’était avant la récente sortie de Mahmoud Abbas, qui le 24 avril a traité les dirigeants du Hamas de « fils de chiens » parce qu’ils ne voulaient pas libérer les otages.

Certains se félicitaient de son discours soi-disant humaniste alors que cet homme n’a jamais émis de critique sur les massacres du 7-Octobre et que le reproche qu’il fait au Hamas n’est pas d’avoir pris des otages, mais d’avoir de ce fait donné un prétexte aux Israéliens pour intensifier ses opérations militaires dans la bande de Gaza et faire un génocide.

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Sur le génocide, d’ailleurs, Abbas est un expert. Après deux ans passés à l’Université Lumumba de Moscou, réservée aux étrangers, il a reçu en 1974 le titre de Docteur, dont il aime s’affubler, pour une thèse portant sur la relation entre les sionistes et les nazis, dans la ligne de ce que les Soviétiques appelaient alors « l’antisionisme scientifique ». Cette thèse n’a jamais été publiée, mais on en connait le contenu par un livre édité en 1984 en arabe sous le titre « L’autre face des relations secrètes entre le nazisme et le sionisme », livre dont la couverture présente deux soldats côte à côte: l’un avec la croix gammée, l’autre avec l’étoile de David.

Les sionistes ont été les complices des nazis et s’ils n’ont pas été jugés à Nuremberg : c’est que les Juifs contrôlent les médias. Quant à Eichmann, il a été enlevé parce qu’il menaçait de faire des révélations sur ses négociations avec les sionistes. Les historiens sérieux sont d’accord avec cette vision des choses, en particulier le célèbre professeur Faurisson. Les assassinats de Juifs, évidemment pas six millions bien entendu, et pas dans des camps où les gaz ne servaient qu’à éliminer les microbes, mais quelques centaines de milliers, sont bien, a dit Abbas en 2014, le plus grand crime de l’histoire. On a cru qu’il avait répudié le négationnisme de sa thèse. C’était faux, car autour de lui il accusait les sionistes d’être responsables de ce crime qui leur permit d’obtenir un État sur le dos des Palestiniens.

Ce n’est pas d’ailleurs qu’il prenne les Juifs assassinés pour des victimes innocentes : en 2018 et plusieurs fois depuis, il a déclaré que la persécution des Juifs n’était pas due à l’antisémitisme, mais à leur rôle néfaste dans la société. Enfin, en 2022, face au chancelier allemand Olaf Scholz, il a déclaré qu’Israël avait commis « 50 holocaustes » contre les Palestiniens depuis 1947. Anne Hidalgo lui a alors retiré la médaille de la ville de Paris. Si Abbas n’est pas aujourd’hui un négationniste de la Shoah de la pire espèce, je ne sais pas qui l’est.

Mais ce négationnisme ne se limite pas à la Shoah

En 2023, Mahmoud Abbas a déclaré que les Juifs ashkénazes n’avaient rien à voir avec les anciens Hébreux et qu’ils étaient les descendants des Khazars, un peuple turco-mongol d’Asie centrale dont une partie s’était convertie au judaïsme, au VIIIe siècle. C’était une thèse que l’écrivain Arthur Koestler avait défendue il y a cinquante ans, avec quelques difficultés pour expliquer pourquoi ces descendants de Mongols s’étaient mis à parler yiddish. C’est aussi une thèse que défend Shlomo Sand dans son trop célèbre livre de 2008 « Comment le peuple juif fut inventé ». Ce qui pouvait être discuté il y a quelques années ne peut plus l’être aujourd’hui devant l’accumulation de données génétiques qui confirment l’origine au Moyen-Orient des Juifs ashkénazes. Mais Mahmoud Abbas n’a cure des travaux qui ne confirment pas ses préjugés.

Le 23 avril 2025, dans le même discours où il s’en est pris au Hamas, Mahmoud Abbas, vitupérant les risques que les Israéliens faisaient courir à la mosquée Al-Aqsa, a prétendu que les vrais lieux du judaïsme antique se trouvaient au Yémen. Quand j’ai appris cette déclaration, un souvenir m’est revenu à la mémoire. En 2010, j’ai longuement rencontré Mahmoud Abbas. La première phrase que je lui ai dite était la suivante : « Monsieur le président, votre chef de cabinet a déclaré la semaine dernière que les Juifs n’ont aucun lien historique avec Jérusalem. Ne pensez-vous pas qu’il serait souhaitable d’annoncer que votre collaborateur s’est mal fait comprendre? »

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Mahmoud Abbas répondit en bottant en touche. Je n’ai pas insisté, pensant qu’il ne voulait pas critiquer son collaborateur devant un étranger et la conversation porta sur le thème de l’occupation…

J’avais manqué le principal, tellement il était énorme : M. Abbas cherchait à insinuer vraiment l’idée que Jérusalem n’avait rien à voir avec les Juifs.
Jérusalem se trouverait donc au Yémen. J’ai cherché à savoir d’où venait cette aberration.

Un dénommé Kamal Salibi, professeur à l’Université américaine de Beyrouth a écrit en 1985 que les lieux juifs bibliques se trouvaient en Arabie. Sa thèse reposait sur des proximités, très banales, de noms de lieux-dits arabes et des noms de Jérusalem, Hébron et Bethléem. Le livre a été démoli par les quelques spécialistes qui l’ont lu, mais il a apparemment continué un travail de sape souterrain. Le docteur Abbas, dont la précision n’est pas le fort, confond entre le sud du Yémen, où a existé un royaume juif et le sud de l’Arabie Saoudite, l’Asir, dont parle M. Salibi. Mais qu’importe!

Mahmoud Abbas dirige une organisation corrompue, inefficace et détestée. Mais dans le monde des vérités alternatives et du complotisme antisémite, il peut se prévaloir d’une ancienneté et d’une ténacité impressionnantes. Rien qui lui permette de réclamer l’administration de Gaza. Et encore moins rien qui lui fasse mériter le qualificatif d’homme de paix…




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est président d'honneur du CRIF.

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