Accueil Édition Abonné François Hollande, député socialiste ou ancien président?

François Hollande, député socialiste ou ancien président?

Le billet politique de Philippe Bilger


François Hollande, député socialiste ou ancien président?
François Hollande, ici photographié à l'Assemblée nationale en juin, se distingue des autres socialistes en n'appelant pas à bloquer le pays le 10 septembre © Stephane Lemouton/SIPA

Dans l’étrange climat politique qui règne en France en cette rentrée, l’ancien président socialiste joue la prudence et ne soutient pas le mouvement « Bloquons tout ».


Face à l’alternative que propose mon titre, j’ai l’impression que François Hollande a trop souvent choisi sa première branche. Aussi quel bonheur politique quand il se souvient de la seconde.

Il a déclaré sur France Inter, hier matin, au sujet du blocage du 10 septembre, à l’appel de Jean-Luc Mélenchon incitant à une grève générale : « Quand je ne connais pas les initiateurs, la direction et les revendications d’un mouvement, je ne peux pas m’associer à ce que je ne maîtrise pas… ». Il a totalement raison. Cette réticence politique, cette prudence démocratique, me semblent être liées au sentiment de responsabilité qu’un ancien président de la République se doit d’avoir.

Social-démocratie apaisée

J’aimerais que cet exemple de modération fasse taire les propos méprisants qui continuent d’être colportés sur cette personnalité qui, par rapport à l’extrémisme de gauche qui nous menace, représentait un moindre mal quand il tentait désespérément, contre « ses » frondeurs, de sauver une social-démocratie raisonnable.

Cette mise en cause de la journée du 10 septembre est sans doute étrangère, dans son esprit, à ce que j’ai dénoncé dans mon billet du 22 août sur la « globalité du malsain ». Il n’empêche qu’en regrettant que la lutte syndicale ne soit pas la seule motivation de cet événement, il renforce l’impression que ce blocage du 10 septembre est une manière à la fois puérile et dramatique de s’en prendre au Premier ministre qui vaillamment tient, contre tous les oiseaux de mauvais augure et les multiples adeptes de la politique du pire.

Il faut avoir la peau de François Bayrou même si avec elle on risque d’avoir une large part de celle de notre pays. Bayrou affirme que tout est à discuter mais personne ne souhaite ce dialogue avec lui, parce que ce serait risquer d’être convaincu, ou au moins touché. Sa conférence de presse, marquée par une dramatisation justifiée de l’état économique et financier de la France, au cours de laquelle il a annoncé qu’il se soumettrait le 8 septembre au vote d’une motion de confiance, est révélatrice à la fois d’une audace — il va affronter un risque — et d’une occasion politique s’il l’emporte, sans qu’aucune certitude ne soit possible à ce stade.

La rentrée des cancres

Sans sous-estimer les difficultés économiques et sociales de la France et son étrange climat politique, il me semble toutefois que d’autres périls mériteraient d’être pris au tragique et de favoriser sinon un consensus, du moins une approche plus apaisée et républicaine de nos antagonismes.

D’abord, au-dessus de l’envie perverse de « se payer » à tout prix François Bayrou, celle, au contraire, de ménager le plus longtemps possible un gouvernement qui dans tous les cas vaudrait mille fois mieux que la ruine qu’engendrerait sa censure.

Ensuite l’incroyable et bouleversante montée de l’antisémitisme en France. Avec son appropriation partisane par certains députés à l’extrême gauche et, plus dangereusement, par son insertion dans la quotidienneté, des citoyens décidant de leur propre chef, par exemple, d’exclure des Israéliens de certaines manifestations ou de certains lieux au nom de leur soutien à une cause palestinienne intégriste. Il n’est plus possible, sans réagir, de laisser s’amplifier ce poison en ne lui opposant que le verbe présidentiel proclamant « notre totale intransigeance ». Ce qui équivaut à rien sur le plan de l’action et révèle l’impuissance d’un État dépassé par l’ampleur d’un fléau que sa bonne conscience humaniste ne parvient pas à réduire.

Enfin, la France est confrontée à suffisamment de conflits internationaux, de négociations à mener, d’équilibres à assurer, de sauvegardes à effectuer, pour qu’on ne puisse pas aspirer à une accalmie dans des joutes internes pour consacrer le maximum d’énergie nationale à l’essentiel. Aussi bien protéger Boualem Sansal et le faire libérer qu’empêcher le dépeçage de l’Ukraine par un Poutine diaboliquement habile et un Trump narcissiquement manipulé.

Alors je conviens que François Hollande laissant l’ancien président damer le pion au député socialiste n’est pas un épisode bouleversant mais un peu de mesure, de réserve et de rationalité à gauche est toujours bon à prendre. On me pardonnera mais j’en remercie François Hollande.

MeTooMuch ?

Price: 9,90 €

10 used & new available from 4,05 €




Article précédent Tétine pour adultes: une inquiétante régression
Article suivant Bas-Fonds sur Seine
Magistrat honoraire, président de l'Institut de la parole, chroniqueur à CNews et à Sud Radio.

RÉAGISSEZ À CET ARTICLE

Pour laisser un commentaire sur un article, nous vous invitons à créer un compte Disqus ci-dessous (bouton S'identifier) ou à vous connecter avec votre compte existant.
Une tenue correcte est exigée. Soyez courtois et évitez le hors sujet.
Notre charte de modération