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Souâd Ayada, l’anti-Michel Lussault

La nouvelle présidente du CSP promet de sortir l'enseignement du pédagogisme ambiant


Souâd Ayada, l’anti-Michel Lussault
Michel Lussault (à gauche) et Souâd Ayada qui lui a succédé à la tête du Conseil supérieur des programmes (CSP)

L’arrivée de Souâd Ayada à la tête du Conseil supérieur des programmes (CSP), le 23 novembre dernier, est une bonne nouvelle. Encore que nous aurions préféré la disparition du CSP et de toutes ces « Commissions », « Hauts Conseils » et autres « Autorités administratives indépendantes » (AAI, elles sont au nombre de 26) totalement entre les mains du gouvernement – même si c’est de façon indirecte – pour exercer des missions qui relèvent normalement de l’exécutif ou du législatif. Ces autorités ne sont que des leurres et des fusibles, selon la technique des « ballons d’essai » permettant de gouverner sans en prendre les risques.

Des bonnes nouvelles…

Le CSP, il est vrai, n’est pas une AAI. Mais il fonctionne de la même manière, pour les mêmes raisons et n’est pas supprimable par décret, ayant été créé par la loi Peillon de 2013, loi de sape de l’école dite loi de « refondation ». Car il est bon d’appeler une chose par le contraire de ce qu’elle fait. Mais la « démission » du précédent président, Michel Lussault, a permis la nomination de Souâd Ayada. Bonne nouvelle.

A lire aussi: Lussault vs Blanquer: deux conceptions de l’école s’opposent

Autre bonne nouvelle, la démission de Sylvie Plane, « linguiste », promoteur du « prédicat », notion qui peut se comprendre, mais qui avait pour effet d’éteindre l’enseignement de la grammaire au bénéfice de ce qu’on appelle aujourd’hui, un métalangage (un langage qui parle du langage). C’est sans doute intéressant pour les linguistes, mais parfaitement désastreux pour l’école ! Cette affaire du « prédicat » est d’ailleurs significative de ces commissions indépendantes… de l’école et qui statuent en l’air, selon les modes universitaires, au seul bénéfice de leurs présidents.

Avant le CSP, il y avait le CNP, le Conseil national des programmes. Avant le CNP ? Le Haut Conseil de l’éducation. Et avant ? Avant, c’était le HCE, Haut Conseil de l’Evaluation de l’école. Et encore avant ? Avant tous ces Conseils et Hauts conseils, on faisait appel aux corps d’Inspection de l’Education nationale et tout particulièrement à l’Inspection générale, seul corps réellement indépendant du pouvoir, inamovible, à la qualification scientifique vérifiée et en liaison constante avec la réalité des classes, même si tout cela ne se vérifie pas toujours.

…et des bons points

Eh bien justement, avec cette nomination, on retrouve l’Inspection générale, car Souâd Ayada est inspecteur général. Ne serait-elle pas plutôt inspectrice ? Non, si on en croit le rapport du jury du CAPES, session 2015, « présenté par Mme Souâd Ayada, Inspecteur général de l’éducation nationale. » Mme Souâd Ayada était même, jusqu’à cette nomination, « doyen » du groupe de philosophie. Premier bon point.

Deuxième bon point, elle est philosophe et, pour la pédagogie, c’est ce qui peut se faire de mieux, car il faut mettre fin à l’errance structurelle imposée par les « experts ». Elle est spécialiste de spiritualités ? Voilà qui va nous changer du matérialisme ambiant. Et cela tombe bien, car l’école est une affaire de spiritualité. Spécialiste de spiritualité islamique ? Tant mieux.

Troisième bon point, ses premières remarques, faites ici et là, et notamment devant la Commission des affaires culturelles de l’Assemblée nationale, sont les bonnes. Par exemple sur la manière dont l’Islam est présenté à l’école et surtout dans les manuels scolaires : idéologique. Elle estime qu’on n’enseigne pas l’islam, on ne fait que du « vivre ensemble ». L’enseignement, à l’école, doit obéir à toutes les règles de l’enseignement scientifique. Et au passage, on regarde ce qu’il y a à faire du côté des manuels scolaires, car, en effet, on peut se demander si les éditeurs ne joueraient pas un peu trop le jeu du pédagogisme et du « vivre ensemble », comme on a pu le voir, récemment, à propos de l’écriture inclusive.

Un quatrième bon pour la conception des programmes : « Un programme ne peut pas tout dire. […] Il dit ce qu’on ne peut pas ne pas enseigner […]. (Il faut) soutenir un programme qui ne rate pas l’élémentaire. L’élémentaire à partir duquel le complexe, l’ouvert, pourra se construire ».

Le pédagogisme bouge encore

Et comme il ne faut pas n’être que positif, on va arrêter avec les bons points. Il y en aurait pourtant bien d’autres à distribuer. Voici donc un demi-mauvais point. C’est à propos du récit national. En réponse à la question du député Raphaël Gérard, Souâd Ayada explique : « je crois qu’un programme a vocation à construire un imaginaire commun. Oui. Un imaginaire commun qui ne soit pas fermé sur lui-même et qui soit en mesure, aussi, de s’ouvrir sur d’autres imaginaires. »

Ici, on a confondu construction de symboles et imaginaire… Ce n’est pas très grave, mais il fallait bien trouver du négatif dans cette heureuse nomination.

Pourtant tout n’ira pas comme sur des roulettes. Ce n’est pas pour rien que le pédagogisme s’est imposé pratiquement sans résistance non seulement en France, mais dans tous les pays développés. Revenir à une école qui enseigne – aucun des pays touchés par le pédagogisme n’y a réussi – ne se fera pas sans mal, mais la méthode du ministre, qui est de ne pas faire de Grand Soir, d’y aller tout doucement, en choisissant les bonnes personnes, laisse tout de même quelques espoirs.

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