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Bécassine, la Joconde et les Playmobil

Bécassine n’est pas friande d’art « ludique »…


Bécassine, la Joconde et les Playmobil
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Du 25 septembre 2025 au 18 janvier 2026, les anciens chais de Bercy accueillent une exposition dont le but est de nous proposer une « imagerie pop et décalée » de tableaux célèbres. Il y eut la ré-écriture des œuvres littéraires, voici venu le temps de la re-peinture !


« L’art n’est pas toujours très sérieux… Même lorsque l’on parle des grands tableaux qui ont marqué l’Histoire ! D’ailleurs, le peintre français Pierre-Adrien Sollier aime rendre cet art accessible à tous, en détournant des peintures célèbres… »

La régression prend le pouvoir…

Continuons le commentaire qui accompagne ce prodige : « L’artiste présente son travail à travers une exposition ludique et gratuite, sur les murs de Bercy Village. Cette exposition intitulée Le musée détourné, compte 33 œuvres qui reproduisent des tableaux célèbres, légèrement modifiés… Tous les personnages de ces œuvres ont été remplacés par des figurines Playmobil ! Imaginez donc : la Laitière représentée par un jouet Playmobil, la Liberté guidant le peuple entourée de ces petits jouets, la Naissance de Vénus ou le portrait officiel de Louis XIV transformés par ces figurines iconiques de notre enfance… Pas besoin d’imaginer, c’est ce que l’on peut admirer à Bercy Village ! »

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Bécassine, qui n’allait pas du tout là-bas pour ça, a vu et n’en est pas revenue, ou plutôt si, mais dans une colère magistrale. L’effet de platitude est total, l’absence de lumière et de profondeur radicale, le résultat désastreux. Car que va-t-il se passer avec ce musée détourné qui est un détournement de mineurs ? L’exact contraire de ce qui est annoncé. Ce qui est annoncé ? «  L’artiste souhaite initier les enfants au monde de l’art. » Ce qui arrivera ? Lorsque les gosses verront en vrai, ou ne serait-ce qu’en reproduction, les vrais tableaux, ils s’écrieront : «  Oh, c’est comme les tableaux de Playmobil, le monsieur il a copié ! » Autrement dit, la prétention absurde de ce détournement à initier qui que ce soit à la peinture se retournera comme un gant pour ramener la vraie Joconde… aux Playmobil. Régression garantie, à l’image de cette petite voisine venue pour un anniversaire et qui, entendant Vivaldi que Bécassine avait posé sur le tourne-disque pour calmer la marmaille, s’était écriée : «  Oh, c’est la publicité pour la lessive ! » De même, Vermeer, Delacroix, Vinci et les autres feront penser aux petits jouets en plastique ! La petite voisine, elle, fut privée de gâteau au chocolat car associer Vivaldi à de la lessive n’était pas passé ; elle avait qu’à pas…

Grande foutaise

Et bien sûr, dans le prospectus qui accompagne ce carnage, les deux mamelles de la grande foutaise sont convoquées : ludisme et pédagogisme. Et pas seulement pour les enfants, non ! Pour les adultes aussi, appelés à régresser dans l’infantilisme le plus complet. Ainsi, « ces tableaux que tout le monde connaît (là, c’est pour les grands) prennent une dimension plus enfantine, mais aussi plus accessible. » Des fois que devant les vrais tableaux nous soyons par trop dépassés, on nous propose de nous renvoyer à du familier, à l’Éden perdu qui ne peut se concevoir qu’en Playmobil. Ainsi, rassérénés par nos petites figurines chéries et retrouvées, nous pourrons définitivement imaginer le Christ, Vénus et la Laitière avec la même tête couronnée de son casque en plastique… L’époque a ses couronnes d’épines qu’elle peut.

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Enfin, est-ce par hasard que cette exposition se trouve à côté d’un grand magasin de jouets ?  La réponse évidemment est non, tant la marchandisation de l’art ici est criante. Et l’on imagine aisément que l’enfant, et l’adulte appelé à le rejoindre, s’y précipiteront illico presto après avoir vu le vilain Radeau de la Méduse qui n’a jamais aussi bien porté son nom pour acheter des tas de petits bonhommes qu’ils emporteront à la maison… N’a-t-on pas là le mobile du crime ? Lequel, pour le coup, n’est pas fair-play.



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