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Trois puissances globales associées: la France, les Emirats Arabes Unis et l’Inde

Un exemple d'accord de multilatéralisme bienvenu?


Trois puissances globales associées: la France, les Emirats Arabes Unis et l’Inde
Le ministre des Armées Sébastien Lecornu rencontre son homologue M Rajnath Singh, à New Delhi, 28 novembre 2022 © Sonu Mehta/Hindustan Times/Shutt/SIPA

Dans un monde où il devient de plus en plus difficile de déterminer qui sont nos alliés, et surtout de pouvoir compter sur eux, la déclaration conjointe entre la France, l’Inde et les Émirats arabes unis est porteuse d’un certain espoir. 


Le 4 février 2023, ces trois pays si différents les uns des autres ont convenu ensemble d’agir de manière coordonnée sur des sujets stratégiques majeurs, notamment l’énergie et la protection de la biodiversité.

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Ce rapprochement a commencé le 19 septembre 2022, en marge de l’Assemblée générale des Nations Unies à New York, date de la première rencontre dans un format trilatéral pensé pour répondre à des défis qui commandent des actions communes et fédératrices. Cette union tire sa logique des positions géographiques des trois pays engagés. C’est malheureusement parfois oublié, mais la France est présente sur tous les océans du globe. Avec un espace maritime de 11 millions de kilomètres carrés, la France est la deuxième puissance maritime mondiale en termes de superficie. En 2020, une information passait d’ailleurs un peu inaperçue, relative à l’Océan Indien ; les Nations Unies autorisaient notre pays à étendre son territoire sous-marin de 150 000 km2 au large de la Réunion et des Terres australes et antarctiques. Cela porte désormais notre espace à 730 000 km2 de sols et sous-sols au fond des océans, avec une option sur 500 000 km2 supplémentaires.

Entre Paris et Dubaï, c’est quasiment la lune de miel !

Le 3 décembre 2022, accompagné d’une importante délégation de ministres et de dirigeants d’entreprises, Emmanuel Macron avait déjà signé plusieurs accords avec l’émirat. Un succès qui a encore renforcé les liens étroits entre cet acteur majeur du Moyen-Orient et la France, son partenaire occidental le plus fidèle. Ainsi, les Emiratis vont-ils faire l’acquisition de 80 Rafales fabriqués par le constructeur Dassault Aviation, une commande d’un montant de 16 milliards d’euros qui a grandement satisfait Eric Trappier, directeur général du groupe, et son partenaire Tarek Abdul Raheem Al-Hosani, PDG de Tawazun Economic Council.

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Nos accords sont solides car ils se fondent sur une longue expérience. Depuis la présidence de Valéry Giscard d’Estaing, les partenariats militaires et culturels se sont multipliés. Officiellement inaugurée le 26 mai 2009, la base militaire française d’Abu Dhabi compte 700 hommes et est équipée des armements les plus performants, à l’image du VBCI issu d’une collaboration entre Nexter Systems et Renault Trucks Défense. Sur le plan culturel, le Louvre d’Abu Dhabi est une vitrine de prestige pour la France et ses arts, visité par les élites asiatiques et africaines qui ont fait du pays du Golfe l’une de leurs destinations privilégiées de villégiature. Mais les collaborations ne s’arrêtent pas là, Alstom ayant par exemple livré le tramway de Dubaï.

Un accord tripartite signé alors que s’approche la COP 28 de… Dubaï

L’accord tripartite est donc la poursuite d’une politique profitable, mais aussi l’affirmation de nouvelles ambitions avec l’Inde qui devient la première puissance démographique du monde et qui est un élément majeur des BRICS. Les enjeux de protection de l’environnement, de plus en plus importants et scrutés avec attention par les opinions publiques mondiales, singulièrement occidentales, n’ont pas non plus été oubliés. Les trois pays étudient la possibilité de travailler conjointement avec l’Association des pays riverains de l’Océan Indien, l’initiative trilatérale pouvant désormais servir de plateforme et de force de proposition pour d’importants projets durables destinés à lutter contre la pollution par les plastiques à usage unique ou la sécurité alimentaire.

La COP 28 organisée à Dubaï fin 2023 pourrait être l’occasion pour ce trio de montrer que le progrès technologique peut rimer avec les Accords de Paris. Les questions de l’énergie seront probablement au centre de ces interrogations, les Émirats et la France étant en pointe respectivement dans l’énergie solaire et le nucléaire… et l’Inde étant de son côté l’un des plus gros consommateurs d’énergie au monde. Nous, Français, trouverons aussi dans cet accord une ébauche de solution pour faire face aux pénuries de médicaments et de molécules simples. L’Inde bénéficie en effet d’une d’industrie pharmaceutique compétitive, à même de nous offrir une route alternative à celle de la Chine.

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Sur le plan militaire, les trois pays ont aussi à y gagner. Mohammed Ben Zayed sait désormais pouvoir compter sur deux grandes armées, l’une en volume et l’autre en expertise, qui lui permettent de poursuivre son développement afin d’être une grande puissance militaire régionale autonome capable de garantir pleinement sa souveraineté dans une région parfois turbulente où sa situation géographique en fait la « gardienne des détroits ». Tous ces projets vont se concrétiser dans le temps, en fonction d’un agenda déjà chargé. L’Inde préside actuellement le groupe des vingt (G20).

Cette initiative originale montre que le multilatéralisme est l’avenir des relations internationales. Il ne s’agit pas de la multipolarité porteuse de dangers, mais bien de partenariats co-construits dans le respect des intérêts de chacun des États engagés. Ici, trois leaders régionaux et puissances globales d’ères civilisationnelles différentes ont décidé d’écrire un futur possible dans un monde plus que jamais incertain où les questions énergétiques et militaires doivent être rapidement résolues.



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Gabriel Robin est journaliste rédacteur en chef des pages société de L'Incorrect et essayiste ("Le Non Du Peuple", éditions du Cerf 2019). Il a été collaborateur politique

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