Accueil Édition Abonné Le maire blanc, homosexuel et zoulouphone qui fait trembler la classe politique sud-africaine

Le maire blanc, homosexuel et zoulouphone qui fait trembler la classe politique sud-africaine

Portrait de Chris’ Pappas


Le maire blanc, homosexuel et zoulouphone qui fait trembler la classe politique sud-africaine
Le Sud-Africain Chris Pappas. Photo : Facebook / Municipalité d'UMngeni

Jeune trentenaire, il est considéré comme l’étoile montante de la Democratic Alliance (DA), le premier parti multiracial sud-africain d’opposition. Populaire maire d’uMngeni, Chris’ Pappas pourrait devenir le prochain Premier ministre de la province du Kwazulu. Anglo-Afrikaner, blanc, ouvertement gay, parlant couramment le zoulou, certains lui prédisent déjà un destin national. Une révolution dans ce pays qui a aboli l’Apartheid… 


Son visage est encore inconnu en France, mais il pourrait très vite s’afficher sur vos écrans de télévision. Christopher John Pappas est surnommé le « Johnny Clegg » de la politique sud-africaine. Située dans la province du Kwazulu, la ville d’uMngeni (100 000 habitants) est composée de 75% d’Africains.

Lors des élections municipales de 2021, une majorité d’entre eux ont été charmés par ce jeune homme blanc de 31 ans qui parle couramment le zoulou, une langue qu’il maitrise et qu’il a apprise dans sa jeunesse, dans la ferme familiale du Midlands où il a grandi. Il est membre de la Democratic Alliance (DA), un parti multiracial, centriste et libéral considéré comme le premier parti d’opposition à l’African National Congress (ANC) qui dirige le pays depuis 1994.

Un pays qui reste obsédé par la question raciale

Très rapidement, Chris’ Pappas a démontré des capacités de gestionnaire, stabilisant financièrement sa ville, « un navire qui était dangereusement proche de heurter les rochers » comme le fait remarquer le site d’information News24. En offrant sa première municipalité à la DA, dans cette province qui est habituellement le théâtre d’un conflit fratricide entre l’ANC et l’Inkhata Freedom Party (IFP) du prince Buthelezi, il a très vite attiré l’attention des médias qui suivent désormais sa carrière politique débutée très tôt sur les bancs de l’université de Pretoria. 

A lire aussi: Scandale cathophobe au FBI

Chris’ Pappas est un passionné dont la simplicité détonne. Durant sa campagne, il n’a pas hésité à se jeter dans la fosse aux requins et à répondre à toutes les questions qui lui étaient posées sur son compte Twitter. Questionné sur le débat racial qui empoisonne quotidiennement la vie politique sud-africaine, notamment sur le récent incident qui s’est produit dans une piscine du complexe hôtelier de Maselspoort en janvier (des Blancs ont violemment attaqué des adolescents noirs présents dans le bassin et les ont éjectés de l’eau), l’ancien conseiller municipal avait vivement regretté que le pays se focalise uniquement sur ce sujet au lieu de chercher à résoudre les problèmes de pauvreté, d’inégalités et le chômage. « Nous avons laissé les politiciens entretenir la haine basée sur nos différences de couleur sans nous focaliser sur nos vrais problèmes » déclare Chris’ Pappas. Ce pur produit de la société sud-africaine entend réconcilier les peuples au-delà des barrières ethniques qui les séparent. Il n’a pas connu le régime de ségrégation raciale et n’a aucun regret à exprimer. Chris’ Pappas ne cache pas ses préférences sexuelles dans un pays qui a été le premier à légaliser l’homosexualité et le mariage pour tous peu de temps après l’élection de Nelson Mandela, héros de la lutte anti-apartheid, à la tête du pays entre 1994 et 1999. « C’est qui je suis. Je ne peux pas changer cela et je ne le souhaite de toute façon pas, je me devais d’être honnête envers mes électeurs » explique celui qui s’affiche ouvertement avec son fiancé, J.P. Prinsloo, sur les réseaux sociaux, très fier d’appartenir à un parti qui a la particularité d’avoir présenté le plus de candidats homosexuels aux élections.

Un ambitieux

Critique virulent de la politique économique mise en place par l’ANC, lequel est devenu très fragile politiquement et a plongé le pays dans un état de désastre national, Chris’ Pappas vise désormais le poste de Premier ministre de la province du Kwazulu. « Nous savons que l’ANC ne sera plus au pouvoir en 2024 et qu’il y aura un gouvernement de coalition en place, que la DA jouera un rôle important dans cette coalition » a déclaré le maire d’uMngeni qui entend fédérer autour de lui.

On lui prédit même un destin national. Pour l’ analyste politique Thabani Khumalo, les appels en faveur de sa candidature n’ont rien d’étonnant. « Il est le leader le plus populaire de la DA dans la province en ce moment, et son profil est plus influent que celui de l’actuel chef du parti » explique-t-il. « Si vous regardez les commentaires à son sujet, il est loué par toutes les communautés noires. Il semble qu’il ait pu apporter des changements notables en peu de temps à uMngeni. Les gens l’ont même appelé à faire acte de candidature pour le poste de maire d’eThekwini (nom de la métropole de Durban-NDLR) » ajoute t-il. 

Invité au couronnement du roi Misuzulu, haute autorité royale de la province, c’est désormais un chemin pavé d’or qui s’ouvre pour Chris’ Pappas. Une figure qui pourrait révolutionner la politique sud-africaine dans un avenir proche, et, ses soutiens en rêvent, réconcilier Blancs comme Noirs sous le drapeau de la République fédérale d’Afrique du Sud.




Article précédent Lucia, ou l’amour fou comme dérangement mental
Article suivant Marseille: un tramway nommé désordre
Journaliste , conférencier et historien.

RÉAGISSEZ À CET ARTICLE

Le système de commentaires sur Causeur.fr évolue : nous vous invitons à créer ci-dessous un nouveau compte Disqus si vous n'en avez pas encore.
Une tenue correcte est exigée. Soyez courtois et évitez le hors sujet.
Notre charte de modération