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Taha ta gueule à la récré

Retour sur l'affaire Taha Bouhafs


Taha ta gueule à la récré
Taha Bouhafs © Isa Harsin / SIPA

Malgré ses manières de voyou, Taha Bouhafs était une étoile montante de la Mélenchonie qui l’avait investi pour les législatives. Accusé de violences sexuelles, il a été débranché par LFI qui a expliqué ce retrait par les prétendues attaques racistes contre lui. Histoire d’une instrumentalisation cynique d’un racisme imaginaire.


Il y a quelques semaines, il était l’étoile montante de la France insoumise, très fière de l’investir pour les législatives à Vénissieux. Taha Bouhafs, 25 ans, était érigé en représentant des « quartiers populaires », c’est-à-dire de la jeunesse issue de l’immigration maghrébine et subsaharienne. Si à droite, certains osaient dénoncer son agressivité et ses manières de voyou, la gauche, à quelques exceptions près comme Fabien Roussel (qui s’est fait étriller par Mélenchon pour son outrecuidance), se prosternait devant ce jeune homme « bouillant mais talentueux » qui se targuait d’avoir fait « Sciences po de la rue ». On n’allait pas chipoter pour quelques déclarations à la limite (supérieure) de l’antisémitisme [1] et du racisme [2], ni pour ses insultes à l’endroit des « pouilleux de Charlie » ou sa haine rabique de la police. Quant à sa participation au comité Adama, qui réclame qu’on entérine comme une vérité ses bobards sur la mort d’Adama Traoré, n’était-elle pas la preuve de son engagement citoyen ? Bref, que Bouhafs fût de tous les mauvais coups contre la République n’était pas un handicap, mais un titre de gloire.

Las ! Le 10 mai, l’étoile s’éteint avec un communiqué propre à vous arracher des sanglots : « Depuis plusieurs semaines, j’encaisse une campagne d’attaques sans précédent. Tous les jours, une nouvelle calomnie, une nouvelle insulte, une nouvelle menace de mort, une nouvelle accusation. […] J’ai sous-estimé la puissance de ce système quand il veut vous broyer. » Quel méchant système ! Le chœur des vierges insoumises en rajoute dans le pleurnichage. « Une meute s’est acharnée contre lui, tweete Mélenchon. […] Je m’en veux de ne pas avoir su le réconforter autant que nécessaire. » Un gros câlin du lider maximo, ça l’aurait sans doute consolé des méchanteries de l’extrême droite.

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Ce joli conte victimaire tient moins de quarante-huit heures. Dès le surlendemain, on apprend dans Mediapart que l’ex-futur député n’a pas été débranché à cause de la prétendue « meute », mais en raison d’accusations (anonymes) de violences sexuelles portées à la connaissance du Comité de salut public de LFI (comité de suivi des violences sexuelles et sexistes). Clémentine Autain et Sandrine Rousseau trouvent que tout va très bien madame la marquise, le Parti a fait son boulot. Comme l’Église autrefois : on lave son linge sale en famille. C’est beau comme du Barbarin.

Clémentine Autain et Jean-Luc Mélenchon, image d’archive © Julien Mattia / NurPhoto / NurPhoto via AFP

L’eau coule sous les ponts, la doublure de Bouhafs est élue et, à la faveur de l’affaire Coquerel (qui a succédé à l’affaire Abad et précède certainement d’autres mises au pilori), les Insoumis découvrent les vertus de la Justice et de la présomption d’innocence, alléluia. L’ennui, c’est que Bouhafs n’entend pas être le dindon de cette farce. Le 5 juillet, dans une lettre ouverte à son parti, il réclame justice et dévoile une tout autre version de son éviction, qui prouve, si on en doutait, que les Insoumis nous ont pris pour des buses.

Dans sa lettre, il narre sa rencontre avec Clémentine Autain, le 9 mai, dans un café où elle lui aurait annoncé sa désinvestiture à cause des accusations de violence sexuelle. Deux passages sont particulièrement édifiants.

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Lorsqu’il a voulu connaître les accusatrices ou au moins les accusations, Autain aurait répondu : « Pendant 1 000 ans les femmes n’ont pas été entendues, tu payes peut-être aussi pour les autres, mais c’est comme ça, c’est un choix politique. » Connaissant un peu la damoiselle, c’est très crédible. Peu importe la vérité, on en a bavé, nous-les-femmes, maintenant, c’est à votre tour. Telle est la logique révolutionnaire du néoféminisme : il faut bien casser des œufs pour faire l’omelette de l’Histoire en marche. Ce qui revient à prétendre réparer une injustice par une autre.

Le deuxième extrait est encore plus accablant. « Clémentine » lui aurait demandé d’annoncer son retrait en l’expliquant par les attaques racistes dont il était prétendument victime. Pour faire bonne mesure, elle l’aurait menacé : « Si tu refuses, c’est nous qui serons obligés de communiquer contre toi et ce n’est pas dans ton intérêt. » Brr, vous je ne sais pas, mais moi, elle me fiche la trouille, la commissaire politique.

Quelques heures après la parution de cette lettre, LFI publie un communiqué affirmant notamment : « Nous ne nous reconnaissons pas dans sa version d’une partie des faits ayant conduit à son retrait mais nous entendons sa démarche » – en clair, tout n’est pas faux. Le ton entortillé plaide en faveur de la version de Bouhafs, d’ailleurs corroborée par la chronologie.

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Répétons-le, à l’époque, les Insoumis nous ont sciemment baladés sur le thème de la méchante extrême droite s’en prenant à Bouhafs, parce qu’il est arabe. On a donc là la preuve chimiquement pure de l’instrumentalisation cynique et dégueulasse du racisme. Pour cacher ses propres défaillances, cette gauche sans honneur a un seul refrain : c’est la faute à l’extrême droite.

Cet épisode devrait disqualifier les Insoumis et leurs indignations bidon. Ils se moquent bien du racisme, ce n’est pour eux qu’une arme idéologique dans un combat où tous les coups sont permis. Qu’ils ne s’étonnent pas si une partie croissante de leurs électeurs se fiche de leurs oukases. Quant aux musulmans qui ont marché dans leur clientélisme éhonté et cru sincèrement que LFI était un rempart contre une supposée islamophobie, ils devraient comprendre que le respect ne consiste pas à les caresser dans le sens du poil, mais à leur dire la vérité, même quand elle est difficile à entendre. Alors, je leur lance un appel : arrêtez de vous faire avoir par ces faux amis, car pour eux vous n’êtes que des cochons de votants !


[1] Benoît Hamon ayant déclaré qu’antisionisme et antisémitisme étaient souvent liés, Bouhafs avait répliqué qu’il ne voulait sans doute pas rater les petits fours du CRIF, humour digne du vieux Le Pen.

[2] Il a été condamné pour avoir traité la policière Linda Kebbab d’« Arabe de service ».

Été 2022 – Causeur #103

Article extrait du Magazine Causeur




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Fondatrice et directrice de la rédaction de Causeur. Journaliste, elle est chroniqueuse sur CNews, Sud Radio... Auparavant, Elisabeth Lévy a notamment collaboré à Marianne, au Figaro Magazine, à France Culture et aux émissions de télévision de Franz-Olivier Giesbert (France 2). Elle est l’auteur de plusieurs essais, dont le dernier "Les rien-pensants" (Cerf), est sorti en 2017.

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