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Entrepreneurs: Charles Gave sonne le tocsin

Notre effondrement


Entrepreneurs: Charles Gave sonne le tocsin
Une manifestante distribue un tract à Marseille, novembre 2019 © Daniel Cole/AP/SIPA Numéro de reportage: AP22399791_000003

La crise sanitaire, d’après cet économiste, risque de causer un brutal effondrement du secteur privé.


Charles Gave est un homme qui ne mâche pas ses mots. Dès son premier essai paru en 2003, Des lions menés par des ânes (Robert Laffont), il envoie du lourd en prévoyant le pire et en reprochant à nos élites de faire beaucoup d’efforts pour éviter les vrais défis que la France « [a] affrontés et [va] encore devoir affronter ». Il écrit alors que les politiques de ces élites entravent toutes les libertés en freinant la croissance et que « les seuls gagnants de cette dérive perpétuelle sont toujours les mêmes : l’État et ses technocrates, jamais l’emploi ni les profits, ces derniers étant pourtant la condition de l’emploi de demain. »

Prenant à son compte la formule de Jean-François Revel, « l’État, ce monstre gélatineux et prédateur », et après une implacable démonstration sur les dérives du « tout-État » et sur le social-clientélisme à la française, Gave enfonce le clou : chez nous « le citoyen ordinaire est abruti par une propagande étatique incessante et […] la France n’est plus aujourd’hui en démocratie car c’est un pays qui est mis en coupe réglée, sous le joug d’une écrasante technocratie ». Et il ajoute ceci : « Les technocrates au pouvoir et leur idéologie SONT le problème et attendre d’eux la solution est hilarant. Cela revient à confier la clé de sa cave à vins à un sommelier alcoolique. »

Le bon mot de Milton Friedman

Tous ces mots datent de 2003 et c’est peu dire que les choses ne se sont pas arrangées depuis. Sans compter l’infernal cercle vicieux que l’économiste avait développé ainsi : « Plus la part de l’État dans l’économie est forte, plus la croissance est faible. Plus la croissance est faible, plus le taux de chômage monte. Plus le taux de chômage monte, plus les dépenses de l’État augmentent. Et plus la croissance est faible, etc. Un cercle vicieux dans toute son horreur. »

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Charles Gave est un vrai libéral au sens philosophique du terme. Contrairement à la plupart des économistes français qui sont payés par l’État, soit directement, soit indirectement, c’est un total indépendant, un self-made-man qui a brillamment réussi dans le privé, hors de France, dans la gestion et la finance, après des études non moins brillantes à Toulouse (DESS d’économie et Sciences Po) et aux États-Unis (MBA). C’est aux États-Unis qu’il rencontre le célèbre Milton Friedman, prix Nobel d’économie en 1976 et fondateur de l’école libérale de Chicago, avec lequel il restera en contact pendant une vingtaine d’années. Par curiosité, ce Friedman est l’inventeur de la fameuse formule « There is no free lunch » (« Il n’y a pas de repas gratuit »), également l’auteur de cette sentence qui a fait le tour du monde mais sans jamais passer par Paris : « Si on paie ceux qui ne travaillent pas et si on taxe ceux qui travaillent, il ne faut pas s’étonner que le chômage augmente. »

La France à genoux

Après plusieurs livres et des centaines de chroniques sur le site de son Institut des Libertés qu’il a créé et qu’il préside, Charles Gave s’efforce aujourd’hui d’analyser « les conséquences politiques du coronavirus », ce qui est précisément le titre de sa chronique parue ces derniers jours. Et ce qu’il constate, c’est qu’un épouvantable désastre se prépare qui va mettre la France à genoux, à cause justement de tout ce qu’il avait analysé en 2003 dans Des lions menés par des ânes. C’est-à-dire un effondrement général dans le secteur privé, non pas dans les grandes entreprises ou les multinationales du CAC 40, mais chez les petits entrepreneurs et les indépendants, commerçants, restaurateurs, maraîchers, paysans, etc., « ce qui finirait de désertifier nos campagnes et nos villes petites ou moyennes, déjà bien atteintes ».

Et d’ajouter : « Un café local, l’hôtel de Paris dans une petite ville, une modeste agence de voyages, le réparateur informatique, un restaurant familial à l’écart des routes, le libraire qui avait résisté à Amazon… beaucoup risquent de ne jamais rouvrir […] et voir l’œuvre de leur vie détruite en quelques semaines car ils n’auront pas pu accumuler assez de réserves financières pour réussir à passer cette période sans dommages. » Le responsable est clairement fléché : « cet État prédateur qui cherche à empêcher les gens d’épargner pour qu’ils restent bien soumis, comme il sied aux gens de peu »…

Ce qui va baisser fortement est le PIB du privé

Sa démonstration par les chiffres est sans appel : puisque la part de l’État français dans le PIB représente 56,5 %, il ne reste plus que 43,5 % pour le secteur privé, « le chiffre le plus faible de tous les pays développés ». « Ce qui va baisser fortement dans tous les cas de figure, écrit-il, ce n’est certainement pas le PIB du secteur public, mais bien celui du privé, qui va se retrouver en quasi-dépression. Imaginons qu’il baisse de 20 %, ce qui n’aurait rien d’étonnant puisque le tourisme à lui tout seul représente 10 % du PIB total, soit environ 20 % du PIB du secteur privé. »

Voilà pourquoi Charles Gave sonne le tocsin en nous prédisant que « des hordes de petits patrons et leurs employés [vont] se ruer vers des systèmes sociaux » déjà complètement surchargés et en déficit, « auxquels parfois ils n’auront même pas droit ». Pour lui, il va se passer la même chose qu’avec nos hôpitaux actuellement « mais à la puissance 10 car les dépenses publiques vont exploser tandis que les recettes fiscales vont s’effondrer. » Résultat : la totalité du secteur privé va tomber en dessous de 40 % du PIB, peut-être même assez nettement, faisant passer le secteur public au-delà de 60 %, c’est-à-dire aux frontières d’une sorte de monde communiste où « la bataille pour se partager les morceaux de la poule aux œufs d’or que l’on vient de tuer risque d’être féroce […] avec un risque d’hyperinflation, de contrôle des changes et de contrôle des prix […] et avec un coût humain gigantesque. »

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C’est sans doute la raison pour laquelle, selon Gave, Emmanuel Macron, entraînant avec lui l’Espagne et l’Italie, voudrait mutualiser les dettes étatiques européennes, ce que des pays en meilleure santé financière que nous, comme la Hollande, l’Autriche et l’Allemagne, veulent éviter à tout prix et on peut les comprendre car ils sont un peu notre inverse : les secteurs privés y sont plus importants que les secteurs publics (57 % du PIB en Hollande, 51 % en Autriche et 56 % en Allemagne, contre, rappelons-le, 43,5 % en France). Même si les secteurs privés de ces pays perdaient quelques points de PIB dans la crise, une fois celle-ci passée et en serrant un peu les boulons, ils pourraient revenir à leur équilibre antérieur.

Telle est donc la thèse de cet économiste libéral pour qui l’Espagne, l’Italie et la France n’ont pas su ou pas voulu se réformer quand c’était possible, particulièrement la France avec son « État gélatineux et prédateur ». Dans un pays en totale faillite et dans un Hexagone chaud bouillant, le risque serait alors très grand d’entrer dans une période prérévolutionnaire avec des jacqueries à côté desquelles les mouvements des « gilets jaunes » passeraient pour des équipées folkloriques. Conclusion de Charles Gave : « Attachez vos ceintures […], nous avons en France au pouvoir des gens hors sol […] qui ne comprennent rien à la France ni à son peuple et qui d’ailleurs n’aiment ni l’un ni l’autre. »



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Journaliste et entrepreneur

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