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Prénoms: la bataille de Fañch


Prénoms: la bataille de Fañch
© Fred Tanneau/ AFP

La guerre des prénoms fait rage, la Bretagne est l’un de ses champs de bataille.


La Bretagne cultive l’art de la clandestinité jusque dans son calendrier des saints. Quand toute la France fête les Cyrille le 18 mars, la Bretagne célèbre également les Derwell. Cette sainteté parallèle a donné des prénoms locaux tels que Matao (Mathurin), Katell (Catherine) ou Nann (Anne). Certains sont d’ailleurs notés comme prénoms usuels sur les cartes d’identité. C’est ici que commence le drame. Depuis trois ans, le cas d’un petit Fañch né à la maternité de Quimper a entraîné un psychodrame juridico-administratif.

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Ainsi prénommé en raison du nom de son arrière-grand-père, Fañch possède un tilde (~) sur le n qui permet de distinguer le son « âne » du son « dent ». Or, le tilde ne figure pas sur la liste des signes diacritiques reconnus par l’administration française. Cette liste destinée à empêcher des parents sadiques ou farfelus d’appeler leur enfant ĶȑȋƧƫǒǯƩȑ, a tout simplement oublié les langues régionales. Tribunal, cour d’appel, cour de cassation, intervention de députés, d’élus (dont le président de l’Assemblée nationale Richard Ferrand), tags sur les murs : le petit Fañch est devenu un symbole. Au rayon des mauvais souvenirs, certains rappellent le triste précédent des Goarnig, emprisonnés il y a cinquante ans pour avoir nommé leurs douze enfants avec des prénoms bretons ! Mais de l’eau a coulé depuis l’époque du jacobinisme triomphant. La médiatisation d’un autre Fañch à Morlaix et un Derc’henn à Rennes a fait craindre le spectre d’une guérilla prénommière menée par les chatouilleux Bretons contre le pouvoir parisien. Début février, la ministre de la Justice a donc fini par céder en annonçant la publication prochaine d’un décret légalisant le tilde et nombre de signes diacritiques spécifiques aux langues régionales.

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Alors que j’écris ces lignes, à la caisse d’un supermarché, une maman interpelle sa fille Smiley. Un prénom passé sans problème à travers les mailles du filet administratif.

Mars 2020 - Causeur #77

Article extrait du Magazine Causeur




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