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Après l’échec du public, l’École privée sous contrat menacée à son tour

Une tribune libre de Jean-Frédéric Poisson


Après l’échec du public, l’École privée sous contrat menacée à son tour
Le ministre de l'Education nationale Pap Ndiaye, Paris, 12 avril 2023 © Clement Tissot/SIPA

L’égalitarisme forcené sous-jacent à la volonté de « mixité sociale » de Pap Ndiaye risque fort de tirer nos fleurons scolaires vers le bas.


Le 13 avril, dans une interview, le ministre de l’Éducation nationale, Pap Ndiaye, a précisé sa vision de l’enseignement, et en particulier sa volonté d’imposer « la mixité scolaire » aux établissements privés

Aux fondements de l’intervention du ministre, le présupposé selon lequel « la France est scolairement ségréguée » avec, en ligne de mire, l’enseignement privé sous contrat. Cette assertion se fonde sur le fameux « indice de position sociale », un indice contestable pour beaucoup, mais qui fait office d’argument irréfutable pour les ultimes promoteurs de la lutte des classes, qui préfèrent cibler le privé plutôt que de remettre en question leurs méthodes au sein de l’école de la République. 

L’enseignement catholique n’a pas de leçons à recevoir

Passons sur le fait que, bien souvent, dans certaines régions ou certains quartiers, ce sont les établissements privés sous contrat « qui accueillent majoritairement les élèves dits « défavorisés » » comme le rappelle Lisa Kamen-Hirsig, enseignante et chroniqueuse au Figaro. De fait, ces établissements, et en particulier les établissements catholiques, n’ont aucune leçon de mixité à recevoir et effectuent déjà un travail remarquable d’accueil d’élèves en échec scolaire, d’enfants d’autres confessions et de personnes en situation de handicap. Pourtant, elles ne bénéficient pas des mêmes moyens que les écoles publiques, en particulier en ce qui concerne la cantine « qui coûte de six à huit euros par jour, quels que soient les revenus des parents » [1]. D’une manière générale, les parents payent entre 500 et 1 200 euros par an, de l’école au lycée, pour scolariser leurs enfants dans ces écoles. Mais qu’importe leurs efforts et leur coût, l’État souhaiterait imposer « des pourcentages » et des « objectifs chiffrés progressifs » pour forcer ces établissements à accueillir encore davantage de mixité sociale et scolaire !

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Quoi qu’il en soit, il est naïf de penser qu’en forçant cette mixité, les problèmes liés à la chute du niveau scolaire seront résolus. Cette chute, selon les propres dires de notre ministre Pap Ndiaye, concerne à la fois l’orthographe, la conjugaison, la grammaire, le français et les mathématiques [2]. Pourtant, le ministre semble moins préoccupé par cet effondrement global que par la persistance d’inégalités sociales entre les établissements. Or, l’un et l’autre sont liés : c’est souvent pour échapper à l’effondrement scolaire du public que les parents cherchent à placer leurs enfants dans le privé… avec la fameuse « concentration de populations favorisées dans l’enseignement privé sous contrat » que les politiques, militants de gauche et syndicats d’enseignement public dénoncent. Le fait de forcer encore davantage la mixité scolaire dans le privé n’aura pour d’autres conséquences que d’importer des problématiques propres au public dans ces établissements. C’est d’ailleurs ces tares que pointait du doigt Anne Coffinier, présidente de l’association Créer son école, lorsqu’elle écrivait que notre école publique « n’a plus rien d’égalitaire ni de national. C’est un creuset à ignorance qui condamne les plus pauvres à un avenir médiocre ». C’est également un vivier de plus en plus inquiétant pour des revendications islamistes de tout type (voile, halal, révisionnisme historique…). Souhaitons-nous vraiment importer ces problématiques dans nos écoles privées ? 

La sélection a du bon

Par ailleurs, il est étonnant de voir pointer du doigt les établissements privés ou publics qui conservent des critères de sélection, alors que l’excellence n’empêche en rien la mixité sociale. Ainsi, le lycée Louis-Le-Grand qui bénéficiait, contrairement à la grande majorité des autres établissements publics, d’une présélection exigeante, n’en avait pas moins presque 40% d’élèves originaires de banlieue, et entre 10 et 15% de boursiers [3]. En bref, l’excellence n’empêche pas l’égalité des chances. Mais l’égalitarisme forcené sous-jacent à la volonté de « mixité sociale » de Pap Ndiaye risque fort de tirer nos fleurons scolaires vers le bas : désormais, Louis-Le-Grand devra se résigner à voir son niveau baisser puisqu’une décision du rectorat de Paris impose au lycée le même système d’affectation que les autres écoles publiques et donc la fin de la sélection… encore une fois au nom de la « mixité sociale » ! Plutôt que de promouvoir la liberté des parents, contrainte par la sectorisation, Pap Ndiaye préfère la restreindre au sein des établissements qui ont de moins en moins de marge de manœuvre, de moins en moins d’autonomie, de plus en plus de contraintes. 

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Si ce biais idéologique qui promeut l’égalitarisme au détriment de la liberté dans nos écoles n’est pas nouveau, il est préoccupant de voir notre ministre, sous les ordres d’Emmanuel Macron, s’attaquer désormais au privé sous contrat. Que ce gouvernement s’attaque d’abord aux raisons qui font que les élèves ont un indice de position sociale faible (conditions matérielles, capital culturel, niveau d’étude des parents…), avant d’imposer aux derniers bastions d’excellence des quotas injustifiés. En fin de compte, ce ciblage en règle des établissements privés sous contrat masque l’échec de la politique sociale du gouvernement et l’effondrement de l’école de la République qui en découle. Cet échec du public est d’autant plus criant que les enfants de Pap Ndiaye sont eux-mêmes scolarisés à l’École alsacienne, un choix d’établissement « privé, élitiste » qu’il justifie de manière assez éloquente : « C’est le choix de parents d’enfants pour lesquels à un moment les conditions d’une scolarité sereine et heureuse n’étaient plus réunies » [4]


[1] https://www.lefigaro.fr/actualite-france/mixite-sociale-a-l-ecole-les-declarations-de-pap-ndiaye-sur-le-prive-font-reagir-20230414

[2] https://www.20minutes.fr/societe/4015954-20221222-pap-ndiaye-niveau-eleves-revele-lacunes-preoccupantes-inquiete-ministre-tribune

[3] https://www.valeursactuelles.com/clubvaleurs/societe/a-henri-iv-et-louis-le-grand-cest-lexcellence-quon-assassine

[4] https://www.leparisien.fr/societe/pap-ndiaye-il-ny-a-pas-de-compromis-a-avoir-avec-le-rassemblement-national-cest-ma-boussole-politique-25-06-2022-OXO22IJ5ZBEKXAST4YVNB4CUFM.php?ts=1683196873052



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