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Aux origines de la «start-up» nation

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Une saga juive qui raconte l’autre histoire d’Israël.


« Ce sont les vainqueurs qui écrivent l’histoire » : ce dicton est tout aussi vrai s’agissant de l’histoire mondiale, que de l’histoire intérieure des États. Dans le cas d’Israël, l’histoire a ainsi été le plus souvent écrite par le courant majoritaire, celui du parti travailliste d’obédience sioniste-socialiste, qui a exercé son hégémonie pendant les trente premières années de l’État (1948-1977).

C’est ainsi que l’histoire de l’épopée sioniste connue de tous relate comment des pionniers juifs, venus de Russie et de Pologne, ont défriché la terre et fondé des kibboutz, construisant en même temps la nouvelle patrie juive et le « Nouveau Juif », conforme à leur idéologie d’inspiration marxiste. Mais on ignore généralement qu’aux côtés du sionisme socialiste, il y eut aussi des sionistes révisionnistes, des sionistes religieux et aussi des sionistes… capitalistes !

Les fortunés

C’est à ce dernier pan méconnu de la préhistoire d’Israël qu’est largement consacré le dernier livre de Hamutal Bar-Yosef, paru en hébreu en 2017 et qui vient d’être traduit en anglais, sous le titre The Wealthy (Les fortunés). L’auteur, poète, traductrice et spécialiste de littérature hébraïque, a adopté la forme du roman pour relater cette histoire. Son livre est une véritable saga qui s’étend sur plusieurs générations et raconte l’histoire d’une famille juive en Allemagne, en Angleterre et en Palestine mandataire. A travers le destin de cette famille de pauvres colporteurs qui va s’élever socialement – jusqu’à atteindre les rangs de la noblesse britannique – c’est un aspect souvent ignoré de l’histoire moderne du peuple juif qui est dévoilé au lecteur.

La saga de la famille Heimstatt – inspirée d’une histoire réelle – illustre ainsi le phénomène souvent décrit dans la littérature et le cinéma de l’ascension sociale, génération après génération, dont les moteurs principaux sont l’ambition personnelle et l’aspiration à contribuer au bien de l’humanité. Meyer, fondateur de la « dynastie », est un simple marchand ambulant. Son fils Albert devient un commerçant aisé, et le petit-fils Gotthold étudie la chimie à l’université de Heidelberg. Plus tard, il s’installe en Angleterre, où se déroule la deuxième partie du roman. La découverte de plusieurs procédés industriels assure la fortune de la famille, et son fils Richard se lance dans la politique et parvient à être élu au Parlement au sein du parti libéral.

Déclaration Balfour

La troisième et dernière partie de la saga des Heimstatt commence lorsque le jeune Ralph, fils de Richard, est envoyé en Palestine mandataire (« Eretz-Israël ») pour y combattre dans les rangs de l’armée britannique, après avoir participé à la campagne désastreuse de Gallipoli, dans le cadre du bataillon juif mis sur pied par Jabotinsky et Trumpeldor. A travers le destin du dernier rejeton de la famille d’origine allemande, c’est tout un pan de l’histoire du sionisme politique qui est ainsi relaté : la participation des « bataillons juifs » – premiers soldats se battant sous un drapeau juif à l’époque moderne – dans la Première Guerre mondiale, puis la Déclaration Balfour et le mandat britannique sur la Palestine, et le développement de l’implantation et de la colonisation juive en terre d’Israël.

Le grand talent de Hamutal Bar-Yosef est précisément de parvenir à mêler la grande et la petite histoire, en évoquant des événements importants de l’histoire, sans jamais perdre le fil de l’épopée familiale. On y croise ainsi, outre les membres de la famille Heimstatt sur cinq générations, des figures illustres comme celles de Haïm Weizmann, Lloyd George ou encore Amin al-Husseini. Les commerçants et industriels qui – à l’instar de la famille Mond dont s’inspire le roman de Hamutal Bar-Yosef – ont pris part à l’aventure sioniste, ont joué un rôle crucial dans l’édification d’un pays moderne, devenu aujourd’hui une puissance économique de premier plan. Son livre se lit avec un intérêt qui ne diminue pas, au fil des quelque quatre cents pages, et on imagine facilement comment il pourrait être adapté à l’écran. Il mériterait certainement d’être traduit en français.

Hamutal Bar-Yosef, The Wealthy. Chronicle of a Jewish Family (1763-1948), Gefen, 2021, 488 pages, 24,98€.

LE MUR, ETC.

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Bertrand Tavernier, Monsieur Cinéma

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Un livre attachant de Thierry Frémaux sur le cinéaste boulimique qui a su parler de son temps.


Quand je pense à Bertrand Tavernier (1941-2021), c’est d’abord sa voix que j’entends : ample, rocailleuse, gargantuesque. Un peu comme celle de Philippe Noiret, son comédien fétiche, témoin à son second mariage. Ensuite, les noms de ses films surgissent. En premier, L’Horloger de Saint-Paul (1974), qui se déroule dans sa ville natale, Lyon, adapté d’un roman de Simenon, parce que c’était une ville simenonienne disait Tavernier, « qu’on avait envie de regarder comme Maigret regarde les gens ». C’était la naissance du cinéma populaire de Tavernier filmant une France qui « tenait » face à la mondialisation, résistait même, comme son père, René, écrivain, dont la vaste bibliothèque inspira Bertrand.

Durant la Seconde Guerre mondiale, René fonda la revue Confluences, publia Paul Eluard et Louis Aragon. Sous l’Occupation, en 1943, l’écrivain communiste vécut avec Elsa Triolet au premier étage de la grande maison des Tavernier. Aragon y écrivit Les Yeux d’Elsa, « La Rose et le Réséda » et surtout « Il n’y a pas d’amour heureux » immortalisé par Georges Brassens. On apprend que la mère de Bertrand fut l’inspiratrice du poète engagé.

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L.627

D’autres anecdotes nourrissent le livre de Thierry Frémaux, directeur de l’Institut Lumière de Lyon et délégué général du Festival de Cannes, consacré à son ami Bertrand Tavernier, rencontré en 1982 à l’Institut Lumière dont il était le président. Un livre qui n’est pas une biographie, mais plutôt un portrait impressionniste et sentimental du cinéaste. L’homme y apparaît tour à tour passionné par son métier, et plus encore par le cinéma mondial, hypermnésique, volubile, bougon, inquiet, curieux de tout, ne s’endormant jamais sur ses lauriers – son œuvre le prouve, en particulier le singulier et dérangeant L.627, mélomane, dévoreur de livres, aimant l’Histoire et les histoires bien ficelées, avec des personnages puissants, le tout servi par une musique qui fait corps avec le scénario.

Un boulimique de la vie qui, grâce au cinéma, avait trouvé sa place dans le monde, ce qui est primordial. Il savait être critique à propos de ses films. Il n’hésitait pas à reconnaître que la fin du Juge et l’Assassin était ratée, la trouvant trop démagogique. Thierry Frémaux rappelle qu’à la mort du réalisateur, Libération tira à boulets rouges sur une œuvre définitivement jugée détestable. Les Cahiers du cinéma, dès son premier film, l’avait rejeté. La cause était entendue et reprise par l’axe idéologique Cahier-Libé-Inrocks-Le Monde. À propos de L.627, la presse de gauche sonna l’hallali en déclarant raciste le film parce que les interpellations et les gardes à vue concernaient majoritairement des Noirs et des Arabes. Thierry Frémaux rappelle alors le coup de gueule du Tavernier : « C’est ce que nous avons vu ! On ne va pas le cacher parce que la gauche a échoué sur ses questions ». C’était en 1992, le quotidien de la brigade des stups de Paris, filmé sans fard.

Le cadet admiratif devint au fil des années l’un de ses plus fidèles amis. Il le restera jusqu’au dernier souffle du réalisateur de La Vie et rien d’autre (1989). Ce livre, pudique et littéraire, l’atteste. Dans son film La Mort en direct (1980), Romy Schneider, qui se sait condamnée, demande à Harvey Keitel de l’emmener voir la mer. Tavernier est mort dans la maison héritée de ses parents, au bord de la Méditerranée. Comme le dit Thierry Frémaux, le cinéma de Tavernier vieillit bien. Sûrement parce qu’il parle au « meilleur de l’âme » (Aragon).

Pierre Louÿs, comme un Grec ancien

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Le poème du dimanche.


Pierre Louÿs  (1870-1925) est représentatif de cette sensibilité symboliste et décadente qui donna une profusion d’écrivains à la postérité diverse, mais qui demeurent malgré tout régulièrement réédités : Remy de Gourmont, Marcel Schwob,  Jean Lorrain, Huysmans, Bloy… Le point commun : un certain mépris pour une société industrielle qui désenchante le monde et un goût parfois morbide pour une beauté qui n’est vraiment belle que si elle est vénéneuse.

Parmi tous ces noms, Pierre Louÿs se démarque par ce qu’il conviendrait d’appeler une bonne humeur, une érotomanie drôle et heureuse, ce qui est rare, et un véritable amour pour ce monde d’avant qu’est l’Antiquité.

Louÿs, helléniste hors pair, avait recréé sa propre Grèce, au point d’imaginer, de manière déjà très borgésienne, des faux plus vrais que nature. Dans Les Chansons de Bilitis, il invente le personnage d’une courtisane grecque de l’époque de Sappho à travers une série de poèmes en prose qui ont inspiré Debussy. Il montre là son art de la sensualité, de la clarté et restitue dans la pureté des commencements ce bleu grec des matins profonds.

***

1. L’arbre

Je me suis dévêtue pour monter à un arbre ; mes cuisses nues embrassaient l’écorce lisse et humide ; mes sandales marchaient sur les branches.

Tout en haut, mais encore sous les feuilles et à l’ombre de la chaleur, je me suis mise à cheval sur une fourche écartée en balançant mes pieds dans le vide.

Il avait plu. Des gouttes d’eau tombaient et coulaient sur ma peau. Mes mains étaient tachées de mousse, et mes orteils étaient rouges, à cause des fleurs écrasées.

Je sentais le bel arbre vivre quand le vent passait au travers ; alors je serrais mes jambes davantage et j’appliquais mes lèvres ouvertes sur la nuque chevelue d’un rameau.

***

46. Le Tombeau des Naïades

Le long du bois couvert de givre, je marchais ; mes cheveux devant ma bouche se fleurissaient de petits glaçons, et mes sandales étaient lourdes de neige fangeuse et tassée.

Il me dit : « Que cherches-tu ? — Je suis la trace du satyre. Ses petits pas fourchus alternent comme des trous dans un manteau blanc. » Il me dit : « Les satyres sont morts.

« Les satyres et les nymphes aussi. Depuis trente ans il n’a pas fait un hiver aussi terrible. La trace que tu vois est celle d’un bouc. Mais restons ici, où est leur tombeau. »

Et avec le fer de sa houe il cassa la glace de la source où jadis riaient les naïades. Il prenait de grands morceaux froids, et, les soulevant vers le ciel pâle, il regardait au travers.

Les Chansons de Bilitis (1894)

Il est revenu le temps des zozottes

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Confidences pour confidences, le film de Pascal Thomas tourné en 1978 est enfin visible en streaming sur Canalvod.


Le prochain film du réalisateur ne sortira qu’en 2023. Pascal Thomas tourne actuellement dans la Vallée du Loir, entre Sarthe et Maine-et-Loire, Encore quelques instants de bonheur avec, entre autres, Pierre Arditi, Anny Duperey et Stéphane de Groodt. Avant de découvrir ce long-métrage au fumet provincial et au fort relent nostalgique, il faut réviser les classiques du dernier cinéaste français qui étudie la déliquescence du sentiment amoureux sans mièvrerie, sans l’apitoiement satisfait des intellos du caméo, avec une pointe de réaction salvatrice et d’humour troupier.

Pascal Thomas ne fait pas dans le larmoyant à thèses et la dénonciation du méchant capitaliste de service. Il ne cherche pas à conforter le public dans ses délires victimaires mais plutôt à l’extraire des débats boueux par un esprit facétieux, par la blague, par la pirouette, par la fesse rieuse, par la sauterie glandilleuse et aussi par une forme de noirceur assumée. Il sait, par expérience, que les Hommes pusillanimes et indécis sont guidés par des instincts ridicules et des élans contradictoires.

D’emblée, il absout ses personnages de leurs turpitudes, s’amuse de leur combinazione à destination sexuelle et de leur absence de convictions politiques. Avec Pascal, on est à la maison, en zone protégée, entre amours tempétueuses et ambitions avortées, entre vérité naturaliste et distance persifleuse, il nous tend le miroir tendre et corrosif de notre lente décadence ; son cinéma est primesautier, faussement classique, inoffensif en apparence car il se révèle miné, constellé, perclus de nids-de-poule, de cahotements qui rendent sa lecture plus complexe et pleine d’arrière-pensées. Dans ces œuvres, notre mémoire est assaillie par de minuscules traces d’une humanité disparue, jamais pesante, jamais déclamatoire, jamais démagogique.

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Féministe sans ressentiment

La fatalité déplie sa couverture, on s’y calfeutre. Car Pascal se refuse à l’exégèse, il avance par touches. C’est un pointilliste du bonheur inaccessible, de l’incompréhension profonde des êtres et de cette solitude innée, celle que l’on dorlote en relisant Léautaud à la veillée. Avant de retourner le voir dans les salles, Confidences pour confidences sorti début 1979 est désormais disponible en streaming sur Canalvod. C’est une œuvre fanée qui continue d’embaumer les intérieurs de banlieue.

Un presque documentaire sur les aspirations plus ou moins contrariées de trois filles nées dans une épicerie, trois destins domestiques qui vont tenter de s’épanouir et de s’émanciper par le mariage, les enfants ou le travail. A l’intérieur de cette boule à neige d’antan, il y a tout ce que l’on aime au cinéma de déchirant et de populaire, de rustique et de retenue, de ridicule et d’horizon voilé, de terriblement vivant et d’asphyxiant. Ce cinéma-là féministe (le qualificatif le ferait sourire, c’est pourtant bien le cas, peu de réalisateurs ont si bien parlé des grossesses plus ou moins désirées dans un contexte législatif largement défavorable) ne nous prend pas en otage. Il distille son amertume par réverbération comme si l’on regardait notre passé récent par le verre dépoli des siphons de notre enfance, quelque chose d’atrocement douloureux et de friable, qui réussit à ne pas tomber dans le glauque et le ressentiment.

C’est un cinéma de la retenue, sur le fil, qui refuse de verser dans un sentimentalisme dégueulasse. On suit les aventures d’une famille moyenne entre le milieu des années 1950 et celui des années 1970, une tranche de France parcourue par le rock et les guerres coloniales, le déterminisme social et les rêveries confuses de jeunes filles qui vivent à cinq dans une pièce attenante à l’épicerie. Le père magistrement interprété par Daniel Ceccaldi semble dépassé par les événements intra-familiaux, il est moderne sans le savoir, il n’a ni l’autorité nécessaire, ni les préceptes éducatifs à portée de main, son dilettantisme est un nouveau progressisme. Il navigue à vue. La benjamine lit La Semaine de Suzette, l’aînée se prend déjà pour une future maman et celle du milieu veut s’extraire de cette gangue sociale par la promotion canapé.

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Le sublime du quotidien n’est pas loin

Elles s’appellent Brigitte, Pierrette et Florence. A l’école, chaque matin, on sert un verre de lait avant de démarrer la classe. Les publicités Bouillon Kub tapissent la boutique. On se lève tôt pour charger la Juva 4 jusqu’aux Halles Baltard. La vie se déroule sur un mode mineur, entre gaieté et mélancolie, ce qui donne, à l’écran, une force et une tension insoupçonnées, une beauté éraflée qui secoue nos mentalités d’assistés et de pleurnicheurs. Les conversations sont anodines et splendides.

Quand Brigitte demande à sa grand-mère : « Tu as eu des joies, mémé ? », on défaille. Quand Ceccaldi, représentant en étiquettes, peste d’une course lointaine : « Malakoff, quel bled, je suis pas prêt d’y remettre les pieds », on jubile. Quand un futur gendre employé dans les assurances se présente comme « un self made-man », on est aux anges. Pascal Thomas a capté l’air de Paris et de sa proche banlieue, entre Mendès-France et le Concorde. Le sublime du quotidien n’est pas loin. Jacques François, Michel Galabru, Jacques Villeret et même une apparition amicale de Claude Lelouch sur une plage à Deauville complètent cette distribution. Mais surtout, il y a la voix éraillée d’Elisa Servier qui fait tressaillir notre horloge biologique. Et puis Anne Caudry (1957-1991), la petite-fille de Bernanos qui débutait ici sa carrière d’actrice; sa douleur rentrée fait un triste écho à sa destinée tragique.

Ma vie à l’Assemblée

Que se passe-t-il dans les couloirs du Palais-Bourbon et dans l’hémicycle lorsque les caméras ne sont plus là ? Grandeurs et petitesses de nos députés…


Il fait froid dans l’hémicycle. Ou plutôt j’ai froid dans l’hémicycle. En cette fin de journée, fatigue aidant, alors que nous ne sommes plus très nombreux et que les débats s’éternisent, j’ai toujours l’impression que la clim’ est mal réglée. Un sacré contraste avec les séances du mardi après-midi, lors des questions au gouvernement où, caméras obligent, l’hémicycle est bondé et la promiscuité chauffe l’atmosphère et les esprits.

C’était encore le cas ce mardi, lorsqu’un député Les Républicains, Éric Pauget, a posé une question sur l’assassinat de la petite Lola, expliquant tout simplement que si l’obligation de quitter le territoire français (OQTF) qui visait la meurtrière présumée avait été exécutée, Lola serait toujours en vie… Il n’en fallait pas plus pour faire sortir de ses gonds notre garde des Sceaux, décidément plus avocat que ministre, accusant notre député de « récupération » et de « se servir du cercueil d’une gamine de 12 ans comme on se sert d’un marchepied… ». Rien que cela. Pointant du doigt dans la foulée le Rassemblement National, qui n’avait encore rien dit, dans un splendide procès d’intention sur le mode « et le pire est à venir ! ». Mauvaise foi, quand tu nous tiens…

Ces séances de questions aux ministres sont souvent très animées. La semaine précédente, c’était Bruno Le Maire qui exigeait des excuses publiques d’un député Rassemblement National qui l’avait traité de « lâche ». Faisant du même coup tomber notre présidente, Yaël Braun-Pivet, dans le piège de la maîtresse d’école distribuant à tout-va les bons et les mauvais points aux élèves turbulents qui avaient osé utiliser un vocabulaire inadéquat : « lâche », « communautariste »… Se voyant obligée de sanctionner quelques minutes plus tard une députée de la majorité qui avait accusé le Rassemblement National d’être un « parti xénophobe ».

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Les députés sont souvent des sales gosses, il faut le dire. Sentant une faille, ils s’y engouffrent goulûment. Ainsi, quelques jours après cet incident, un nouvel échange de noms d’oiseaux obligeait la présidente de l’Assemblée nationale à revoir sa position et à annoncer que la question de ce que l’on a le droit de dire ou non serait réglée en petit comité, au cours d’une réunion prévue… le 9 novembre prochain. L’histoire nous dira si les sanctions pécuniaires annoncées dans l’hémicycle auront été maintenues ou elles aussi reportées…

La fenêtre de mon bureau donne sur la rue Aristide-Briand, qui longe l’Assemblée nationale. Cet après-midi, Élisabeth Borne va mettre fin au supplice de ces séances aussi interminables qu’inutiles et brandir le 49.3 pour faire adopter le budget 2023 sans vote… Si les médias ne l’avaient déjà dévoilé, j’aurais pu le deviner rien qu’au nombre de camions de CRS stationnés dans la rue. Bon, j’avoue, il était temps… Dix jours sur les bancs de l’hémicycle pour venir à bout des plus de 3 000 amendements déposés. Évidemment, nous n’y sommes pas parvenus. Et Mme Borne est donc venue nous sermonner ce mercredi 19 octobre afin de nous rappeler à nos devoirs. Il paraît même qu’elle va recommencer pour le projet de loi de financement de la Sécurité sociale…

Finalement, le fonctionnement de notre Assemblée nationale ressemble assez à celui d’une école : des sonneries pour marquer l’entrée en classe ou les récréations, des maîtres et maîtresses d’école pour nous faire la leçon et nous rappeler les règles du fameux « vivre-ensemble », des cours de morale aussi – mais ça, on n’en trouve plus beaucoup dans nos vraies écoles… –, et des élèves qui trichent. Eh oui ! les députés copient facilement sur leurs voisins… Sauf qu’à l’Assemblée, ça s’appelle la « discipline de groupe ». Ça fonctionne plus ou moins bien en fonction des partis et des sujets abordés. À la France insoumise ou au Rassemblement national, pour le moment, pas un cheveu qui dépasse. On marche en rangs serrés. On ne peut pas en dire autant des députés Les Républicains. Ce qui rend dingues le gouvernement et la majorité… C’est vrai quoi, ils ne sont vraiment pas sympas ces députés de droite : impossible de savoir à l’avance ce qu’ils vont voter et donc, de compter sur eux !

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Comme cela arrive parfois, les professeurs – pardon, les ministres – ont leurs chouchous. Les députés de la majorité bien sûr. Et leurs moutons noirs : l’opposition, avec une mention particulière pour « les extrêmes ». Alors, malgré le « changement de méthode » proclamé à grands cris depuis l’élection de notre Assemblée en juin dernier, les mauvaises habitudes ont la vie dure. Du coup, lorsqu’un amendement proposé par l’opposition embarrasse le gouvernement – entendez par là qu’il est bien, mais qu’il ne vient pas des bancs macronistes – les stratagèmes pour le contourner sont légion. J’en ai les frais plus d’une fois, et depuis des années maintenant.

Les scénarios varient avec les circonstances. Premier cas de figure : la proposition est intéressante, de bon sens et bien formulée, mais l’adopter et en attribuer la paternité à l’opposition donnerait à cette dernière un avantage « disproportionné ». Du coup, l’amendement sera rejeté et tant pis pour l’intérêt général.

Deuxième cas de figure : la proposition est toujours intéressante, de bon sens et bien formulée et la majorité regrette de ne pas y avoir pensé elle-même… Cette fois, la réaction sera plus subtile. Je vous passe les procédures aussi complexes que tortueuses pour amender un texte de loi, mais la majorité s’empressera de déposer un amendement similaire, en modifiant une virgule ou un détail afin de pouvoir voter la mesure issue du bon camp. Vous avez compris ? Le camp du bien évidemment !

Bon, j’arrête là avec mon mauvais esprit. Mais, je vous avoue que ce parallélisme entre une salle de classe et notre « auguste Assemblée » me saute aux yeux chaque jour un peu plus. C’est d’ailleurs souvent ainsi que j’aborde les choses quand je me rends dans des classes de CM2 à Béziers et alentours pour leur expliquer à quoi sert un député… Une dernière analogie : après les tenues vestimentaires et l’absence de cravates des députés Nupes qui ont défrayé la chronique lors de la rentrée parlementaire, c’est l’offensive des djellabas et autres abayas à l’école qui préoccupe aujourd’hui nos professeurs. Et si, dans les deux cas, on rétablissait l’uniforme ?

Emmanuelle Ménard est députée, non-inscrite, de la 6ème circonscription de l’Hérault.

Les Démocrates misent sur la diabolisation de Trump pour gagner les élections de mi-mandat

Joe Biden risque fort de se retrouver avec un Congrès et un Sénat dominés par les Républicains, ce qui lui laisserait très peu de marge de manoeuvre pour le reste de son mandat. Les Démocrates et leurs alliés dans les médias font tout pour cacher les faiblesses du président actuel et pour présenter l’ex-président Trump comme un ennemi de la démocratie. Tribune.


Le mardi 8 novembre 2022, les 435 membres du Congrès, 35 sénateurs et 36 gouverneurs seront renouvelés lors des élections de mi-mandat aux États-Unis.

Avec la complicité de la quasi-totalité des médias américains, les Démocrates font tout pour éviter de subir une lourde défaite qui placerait Joe Biden dans un contexte de cohabitation avec un Congrès et un Sénat qui lui seraient hostiles et le transformeraient aussitôt en président impuissant.

Si les médias faisaient leur travail honnêtement, le public américain serait régulièrement informé de la sénilité plus qu’évidente de Joe Biden.

Si les médias faisaient leur travail honnêtement, ils rappelleraient au public américain les débâcles économique, géopolitique et militaires – à l’exception de l’Ukraine – dans laquelle la politique du président démocrate a plongé l’Amérique depuis 2 ans. L’inflation est au plus haut depuis plus de 40 ans, les dépenses fédérales explosent pour financer des projets écologistes fumeux, les marchés financiers sont en baisse de 30%, la construction du mur à la frontière mexicaine a été interrompue et l’immigration illégale explose avec son corolaire d’insécurité accrue dans toutes les grandes villes du pays. La fuite de l’armée américaine d’Afghanistan a fortement amoindri sa capacité de dissuasion. On peut aussi ajouter le silence assourdissant de l’administration américaine face à la répression en Iran qui sévit depuis plusieurs semaines.

Malgré ce biais médiatique quasi-généralisé et les tentatives des Démocrates de galvaniser leurs troupes en jouant sur les peurs des Américains, malgré le fait que Joe Biden ait osé qualifier les Républicains et ceux qui ont voté pour Donald Trump de « semi-fascistes », d’ennemis de la démocratie et des institutions américaines, les sondages prévoient une belle victoire républicaine.

Pour sa part, Hillary Clinton a récemment comparé une réunion publique tenue par Donald Trump à une « réunion nazie » et le 45ème président américain lui-même à Adolf Hitler. Le Parti Démocrate n’est plus celui de Bill Clinton ni celui de John F. Kennedy. C’est un parti qui a connu un très net glissement vers la gauche et a recruté des gens qui, en France, feraient plus penser à des mélenchonistes qu’à des sociaux-démocrates strauss-kahniens. L’idéologie wokiste y a pris le pouvoir, et tous les délires liés aux inégalités sociales, raciales et sexuelles ainsi que la focalisation sur le climat sont devenues leurs obsessions ; au grand dam de la grande partie du peuple américain qui rejette cette radicalisation des débats politiques et sociétaux.

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Malgré cela, de peur de voir arriver un Congrès à majorité républicaine qui serait une base sur laquelle Donald Trump pourrait s’appuyer pour lancer sa campagne en vue de l’élection présidentielle de novembre 2024, les médias américains prennent soin de ne pas montrer Joe Biden s’adresser publiquement à une élue morte au mois d’août dernier, évoquer son fils mort en Irak (alors qu’il est mort d’un cancer), parler des « 54 états américains » et tant d’autres gaffes et comportements étranges, comme son incapacité à enfiler une veste sans l’aide de sa femme.

Face à cela, l’électorat républicain est mobilisé, et l’acharnement des Démocrates contre Donald Trump suscite de la colère. Les procédures de destitution ineptes, les fausses accusations liées à l’assaut du Capitole du 6 janvier 2021, la perquisition par le FBI de la résidence de Trump de Mar-a-Lago mobilisent l’électorat républicain qui espère pouvoir prendre sa revanche sur l’élection de 2020, dans un premier temps le 8 novembre 2022, mais surtout dans deux ans lors de l’élection présidentielle de novembre 2024.

Alors, les Démocrates – avec leur chambre d’écho, les médias – vont continuer à traiter les électeurs de Trump, et plus généralement les Républicains, de violents racistes, d’extrémistes, de conspirationnistes qui mettent en danger la démocratie américaine. Face à cela, l’espoir de revoir une Amérique grande à nouveau, présente sur tous les fronts pour défendre les droits des opprimés, assez dissuasive pour éviter qu’un quelconque dirigeant autoritaire tente de s’emparer d’un pays voisin, renait et se trouve dans les mains des électeurs qui ont le pouvoir de limiter les dégâts de l’expérience désastreuse – pour l’Amérique et pour le monde – de la présidence Biden-Harris.

Guy Millère est Senior Fellow au Gatestone Institute, New York, auteur de Après la démocratie? L’Amérique et le monde au temps de l’administration Biden, Balland, 2022. 

Philippe Karsenty est porte-parole du Parti Républicain américain en France.

Espagne: les prétendants légitimistes au trône de France et l’héritage franquiste

Le roi Felipe VI a signé la Loi de mémoire démocratique. Souhaitée par la coalition de gauche au pouvoir, elle met brutalement fin à l’utilisation des trente-trois titres octroyés par le général Franco durant sa dictature. Parmi lesquels se trouve celui du duché du même nom détenu par sa petite-fille, Carmen Martínez-Bordiu, mère du prince Louis-Alphonse de Bourbon. Un héritage que ce descendant de Louis XIV, prétendant au trône de France, assume sans complexe.


La loi sur la mémoire démocratique est entrée en vigueur le 21 octobre 2022. Adoptée de justesse par le Sénat et après des débats houleux, elle permet désormais de rechercher ceux qui ont disparu pendant la guerre civile (1936-1939) et la dictature franquiste (1939-1975), d’étudier les éventuelles violations des droits de l’homme perpétrées sous la monarchie entre 1978 et 1983. Largement combattue par les partis de la droite espagnole (Parti Populaire, Ciudadanos et Vox), elle a été initiée par la coalition de gauche (Podemos, Parti socialiste et divers mouvements indépendantistes) au pouvoir depuis 2015 et qui est régulièrement accusée de mener un combat anachronique. Un volet de cette loi abolit également les 33 titres de noblesse octroyés par le régime franquiste entre 1948 et 1978. Parmi lesquels le duché de Franco, obsession du Premier ministre Pedro Sanchez, détenu par Carmen Martínez-Bordiu, Grande d’Espagne, mère du prince Louis-Alphonse de Bourbon, prétendant au trône de France.

Un descendant de Louis XIV contesté

Depuis le décès tragique et marquant de son père en 1989, le charismatique Alphonse de Bourbon, le prince Louis-Alphonse de Bourbon, est un des prétendants au trône de France sous le nom de Louis XX. C’est un visage peu connu des Français. Il est soutenu par les Légitimistes, une frange ultra-catholique du royalisme français, qui s’ingénient à gommer toute trace d’hispanité de leur poulain et lui donne du « SMTC » (Sa Majesté très chrétienne) à tout va sur les réseaux sociaux, rejetant les idéaux de 1789. Ils se rassemblent autour de lui, tous les 21 janvier, à la chapelle expiatoire afin de commémorer la mort de Louis XVI. Quelques voyages par an en France (binational, il réside à Madrid), quelques communiqués politiques sur ses réseaux sociaux et messages de Nouvel An, souvent ponctués de passages aux accents christiques, quelques inaugurations et autres parrainages, ce descendant du Roi-Soleil a pris position contre le Mariage pour tous et l’homoparentalité en 2013, appelant les Français à défendre la famille traditionnelle. Il a fait le buzz en 2018 en annonçant son soutien aux Gilets Jaunes, « condamnant les violences des extrêmes et exprimant sa profonde compassion à ceux qui souffrent ». Publiant des éditoriaux dans le magazine Valeurs Actuelles, ce père de 4 enfants (qu’il surprotège médiatiquement) n’a pas hésité à participer à une marche contre la PMA et la GPA (janvier 2020), dénonçant une volonté de « marchandisation du corps humain » voulue par le gouvernement. Titré (par courtoisie) duc d’Anjou, il se dit disponible si les Français le souhaitent et défend (malgré ses soutiens) le principe d’une monarchie constitutionnelle avec à sa tête « un roi qui ferait office d’autorité morale, d’ambassadeur de son pays à l’étranger, garant de l’unité du pays, rappel de l’Histoire » ainsi qu’il l’avait lui-même expliqué en 2010 dans un entretien accordé au magazine Paris Match. Il est toutefois sévèrement contesté dans ses droits au trône par le comte de Paris, Jean d’Orléans, descendant de Louis-Philippe Ier, dernier roi des Français de 1830 à 1848. Ce dernier jouit d’ailleurs du soutien de la majorité des royalistes, dont les deux camps en présence se livrent une guerre numérique acharnée sur les réseaux sociaux.

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Le prince bleu des franquistes

Cousin du roi Felipe VI, Louis-Alphonse de Bourbon fait régulièrement les manchettes des quotidiens espagnols. En 2018, lorsque le gouvernement espagnol décide anachroniquement d’exhumer les restes du général Franco qui reposent dans la basilique de la Vallée de Los Caïdos, il monte au créneau, devenant très rapidement le porte-drapeau des nostalgiques de la période franquiste et de l’extrême-droite phalangiste. Président d’honneur de la Fondation nationale Francisco Franco (FnFF), il préside chaque année le congrès annuel de cette association, gardienne intransigeante de la mémoire du Caudillo. Un legs parfaitement assumé par Louis-Alphonse de Bourbon, surnommé le « Bisnieto » ou « El Rey de los Francos » par ses détracteurs. « Le gouvernement espagnol actuel fait tout pour effacer son héritage. On abat des statues, on rebaptise des rues, et c’est regrettable. Franco a créé la classe moyenne en Espagne, il a créé des forêts, des lacs et des routes, il a empêché que le pays n’entre dans la guerre et que le communisme s’installe. Évidemment il y a eu la guerre civile, mais il ne l’a pas voulue. Il ne faut pas gommer l’Histoire » n’avait pas hésité à rappeler le prince lors d’un entretien dans le même Paris Match. Contraint d’exhumer le Caudillo, après un long combat juridique chargés de rebondissements, mis en avant par sa famille et marqué par une série de vendettas avérées de la part de la coalition de gauche, Louis-Alphonse déclare en 2019, lors de la ré-inhumation du général Franco, qu’il restera « fidèle à la mémoire si injustement attaquée de son arrière-grand-père ». « Il fut un grand Soldat et un grand homme d’État, animé avant tout par sa Foi chrétienne profonde et son amour de l’Espagne. Il est à l’origine de l’Espagne pacifiée, prospère et reconnue parmi les grandes puissances mondiales. Défendre sa mémoire, c’est une part intégrante de l’idée que je me fais de l’Honneur et de la Fidélité » affirme le prince bleu. Un combat devenu vain (avec la nouvelle loi, il perd désormais le seul titre auquel il avait droit par sa naissance et dont il ne faisait pas mystère de récupérer au décès de sa mère, qui, elle, de son côté, en faisait peu de cas) pour lequel il a pu compter sur le soutien indéfectible du leader de Vox. Le député Santiago Abascal, est un ami personnel. Louis-Alphonse de Bourbon a d’ailleurs partagé très régulièrement, sur ses réseaux sociaux, des tweets provenant du parti d’extrême-droite. Il a fondé et préside l’association catholique « Cura Infirmorum et Natura-Seminare », dont le siège social est le même que celui de la société « Leadership Systems SL », enregistrée au nom de Víctor González Coello de Portugal, premier vice-président de Vox. Dans son livre La familia Franco SA, Mariano Sánchez Soler évoque ces relations étroites entre le descendant Bourbon et le parti Vox qui a phagocyté la fondation Franco, plaçant ses cadres au sein de l’organisme. L’écrivain confirme la relation étroite entre Abascal et Louis-Alphonse, à la fois personnelle et politique. Selon l’écrivain: « Il représente le grand rêve des Franco, celui d’accéder au trône [d’Espagne] en premier lieu. C’est lui qui est devenu le dépositaire de l’héritage politique ».

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Un successeur au roi Felipe VI ?

Si c’est indubitablement l’aînée de la maison de Bourbon, la branche de « Don » Louis-Alphonse de Bourbon a été exclue du trône espagnol en 1933. Une décision du roi Alphonse XIII qui ne pouvait pas supporter que son héritier, Don Jaime, soit sourd et muet. Le roi d’Espagne, renversé par une révolution en 1931, a désigné son cadet pour lui succéder, père de Juan Carlos, monté sur le trône d’Espagne en 1975 par la grâce de Dieu et de Franco. Lors d’une messe en hommage à son arrière-grand-père, il a descendu le parvis de la basilique de la Vallée de Los Caïdos sous les bras tendus des franquistes et la présence de carlistes traditionalistes. Quelques-uns n’ont d’ailleurs pas hésité à crier : « Tu es notre roi ! ». Ils le considéraient comme le véritable souverain d’Espagne sous le nom de Luis II, tant la perspective de voir l’infante Léonor, une femme, occuper le trône ne plait guère aux plus monarchistes des Espagnols qui craignent un règne désastreux (celui d’Isabelle II n’a pas laissé un très bon souvenir dans la mémoire collective des sujets de Felipe VI). Ou une mainmise de la couronne par une autre famille. Ses rapports avec la maison royale ont toujours été tendus. Le roi Juan Carlos a multiplié les humiliations envers le père de Louis-Alphonse, s’agaçant de sa popularité en Espagne et de ses prétentions en France. En 1987, le monarque a d’ailleurs retiré prédicats royaux et titres à Alphonse de Bourbon et à son fils Louis-Alphonse. Il a fallu attendre 2016 pour qu’un rapprochement s’opère véritablement entre les deux branches, bien que le roi Felipe VI n’ait guère apprécié les attaques régulières de son cousin contre le gouvernement lors de «l’affaire Franco». Pour autant, ce soutien reste minoritaire et le concerné n’a jamais fait acte de prétention au trône d’Espagne, s’affichant au contraire comme un fidèle de la monarchie espagnole.

Un défenseur de l’amitié franco-russe

Le prétendant au trône de France a participé deux fois au Congrès mondial des Familles (2018 & 2019) où il a pris la parole. Vaste messe internationale concentrant toutes les figures de la droite conservatrice et traditionaliste, ce rassemblement est financé par l’oligarque monarchiste Konstantin Malofeev, un proche du Kremlin. La proximité de Louis-Alphonse de Bourbon avec la Russie est connue. En 2017, il a fait un séjour remarqué dans le pays du président Vladimir Poutine où il a été reçu dans les locaux de Tsargrad, la télévision privée de Malofeev, afin de répondre aux questions de Strapol, entre deux photos devant le trône des Romanov ou aux côtés du sulfureux Fabrice Sorlin, bien connu des milieux d’extrême-droites catholiques et nationaux. Interrogé sur la place de la Russie au sein de l’Europe, le prince a montré un certain enthousiasme à défendre cette idée. En octobre 2021, il s’est de nouveau rendu en Russie où, face à une statue de Jeanne d’Arc offerte par l’Association Universelle des Amis de Jeanne d’Arc à la ville de Saint-Pétersbourg, il a rendu hommage à ce «symbole de l’amitié franco-russe» qui lui tient à cœur.

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Un banquier face à la justice

A 48 ans, doté d’une conséquente fortune, Louis-Alphonse de Bourbon occupe un poste stratégique au sein de la Banco Occidental de Descuento (BOD). Dirigée par le banquier du gouvernement vénézuélien, Victor Vargas, le duc d’Anjou a épousé la fille de ce dernier, María Margarita Vargas Santaella, cavalière émérite, en novembre 2004. Loin des yeux de ses partisans, puisque la cérémonie civile a été célébrée à Caracas et la religieuse en République Dominicaine. Ils ont emménagé à dans la capitale espagnole où il peut exercer ses activités de banquier et d’entrepreneur. C’est aussi ici que sont scolarisés ses enfants au sein de l’Everest Monteclaro, une école catholique, privée et bilingue qui prend soin de séparer filles et garçons. Titulaire d’une maîtrise en administration des affaires à l’Institut d’études supérieures de commerce de Madrid et d’un Master en finance, ce passionné de tauromachie a été élu entrepreneur de l’année en 2017, même si certaines de ses opérations financières ont attiré des critiques dans les médias. Sportif accompli, il a créé Reto18, une salle de sport qui affirme pouvoir remettre en forme une personne en 48 jours selon un programme diététique strict. Depuis peu, il consacre à la diffusion de divers jeux de cartes historiques dont le but est éducatif, mais qui n’a pas échappé une nouvelle fois aux controverses, accusé de manipuler l’Histoire et les traditions à ses propres fins.

A ce jour, Louis-Alphonse de Bourbon, le prince Louis de Bourbon, Don Luis Alfonso de Borbón y Martínez-Bordiú, SMTC Louis XX, quel que soit le nom qu’on souhaite lui donner, n’a pas réagi officiellement à la suppression de son titre héréditaire de duc de Franco.

Assemblée nationale : une incompréhension si opportune…

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Le député Rassemblement National, Grégoire de Fournas, viticulteur, se voit infliger une sanction disciplinaire. Le billet écrit par Philippe Bilger avant l’annonce de la sanction dit déjà tout sur un monde où l’esprit partisan prime sur la volonté de justice.


Lorsque son collègue de couleur Carlos Martens Bilongo évoquait un bateau de migrants et dénonçait la détresse de ceux-ci, Grégoire de Fournas a cru bon de s’écrier, de manière intempestive et maladroite : «Qu’il retourne en Afrique !»

Pour qui est de bonne foi, il est évident que cette injonction au demeurant peu élégante ne concernait que le bateau, les migrants et en aucun cas le député La France insoumise. À son encontre cette saillie n’aurait eu aucun sens et je veux bien que les députés Rassemblement National soient présumés niais et structurellement racistes, mais à ce point cela aurait été du suicide au sein de l’Assemblée nationale.

Que l’honnête homme qu’est le député Carlos Martens Bilongo exploite cependant cet incident, la confusion et l’incompréhension qu’il a engendrées, je l’admets. Qu’il affirme que son collègue Rassemblement National le visait, lui, personnellement et qu’il ne supportait pas sa présence à l’Assemblée Nationale, est le comble d’une parole trop engagée. Alors qu’il sait, j’en suis persuadé, que le député Rassemblement National ne ciblait que le bateau des migrants. Il donnerait une belle leçon d’intégrité en le concédant.

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D’autant plus que Grégoire de Fournas lui a fait tenir un mot où il s’excusait de l’incompréhension dont il était responsable et de l’offense que son collègue avait pu éprouver.

Dans ce monde où il est constant que l’esprit partisan a éradiqué la volonté de justice, je suis prêt à tout concéder de la part de Carlos Martens Bilongo, en revanche j’accable ceux qui se sont rués dans la brèche sans attendre la moindre explication, la plus petite contradiction, avec une partialité trop pressée de stigmatiser cette maladresse, parce qu’elle émanait du Rassemblement National.

Le président de la République (il n’a rien de plus important à faire !), la Première ministre, l’opposition de gauche et d’extrême gauche, Renaissance, les médias jouissant de cette formidable opportunité de condamner avant l’heure, les députés qui dans l’après-midi du 4 novembre n’hésiteront pas (j’en fais le pari) à être sourds à l’argumentation de leur collègue forcément coupable – tous se sont rués dans la brèche.

Ces pitoyables péripéties démontrant que l’exigence de justice a fui non seulement les travées de l’Assemblée Nationale mais l’appareil présidentiel et gouvernemental (Gérald Darmanin s’en est mêlé pour le pire), vont accentuer cette certitude que la vraie vie n’est pas au Palais Bourbon et amplifier le sentiment de désaffection démocratique qui mine de plus en plus notre pays.

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Je suis indigné par cette sensation qu’à mon niveau si modeste, mon cri tombe dans un désert où l’honnêteté n’a plus le droit d’exister. Je sais qu’on va à nouveau m’opposer ma prétendue empathie pour le Rassemblement National, ce qui est une absurdité politique et intellectuelle démentie par tous mes choix.

D’une part je n’ai jamais réservé ce souci d’équilibre au Rassemblement National. Mais je l’ai aussi manifesté sur un autre plan à l’égard de La France insoumise tant je déteste encore plus être enfermé dans un préjugé qu’avoir des égards légitimes pour l’adversaire.

D’autre part il me semble que mon passé d’avocat général à la cour d’assises de Paris m’a toujours rendu attentif à l’obligation, contre mes sentiments profonds qui pouvaient parfois face au crime me pousser à l’extrémisme, de demeurer équitable et maîtrisé. Au moins cela a été ma finalité constante et j’espère n’avoir pas été trop indigne d’elle.

Ce serait un miracle qu’un peu de justice survînt vers 14 heures 30 le 4 novembre. Ce serait priver les affamés d’une stigmatisation à moudre et à dévorer.

Le Mur des cons

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Dernière rénovation, Sainte-Soline : l’activisme d’extrême-gauche contre la raison

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La manifestation contre les méga-bassines du weekend du 29/30 octobre a été encore une occasion pour les extrémistes de l’écologisme de montrer qu’ils croient que tout leur est permis au nom d’une cause qui ne se discute pas.


Notre monde se dirigerait-il vers le futur dystopique imaginé par Terry Gilliam dans L’Armée des 12 singes ? Autrefois relativement marginal, circonscrit notamment aux groupes antispécistes et à des ONG telles que Greenpeace, l’activisme se voulant « écologiste » est maintenant devenu un phénomène global et récurrent, mettant à exécution ses menaces dans différents pays toutes les semaines sans que des mesures sérieuses ne soient prises pour en limiter la portée. 

À l’image de la désormais iconique Greta Thunberg, les membres de ces Brigades vertes bénéficient de la sympathie d’une grande partie du monde policito-médiatique. Ce mouvement pas si spontané est issu de l’extrême-gauche avec laquelle il partage tant les méthodes d’action directe que le goût du manichéisme, ajoutant toutefois à ce corpus déjà inquiétant en soi des considérations eschatologiques relevant du religieux.

Le site de Dernière Rénovation, collectif français soutenu par le photographe Yann-Arthus Bertrand, affiche ainsi la couleur : « Nous sommes la dernière génération capable d’empêcher un effondrement sociétal ». Ce ton millénariste est une justification préalable à toutes les dérives. Après tout, puisqu’il est certain que le monde s’effondrera après cette génération, tout devrait être autorisé au nom d’un plus grand bien. 

Sauver la planète ne vaudrait-il pas la mort de quelques-uns ? Si l’on suit leur logique, il ne fait aucun doute que pour les plus agités d’entre eux, les actions visant des biens matériels finiront immanquablement par des actions visant des personnes, des responsables désignés de la « mort » de l’immaculée Gaïa qui devrait être préservée de toutes les traces de la présence humaine, des souillures que provoquent nos agissements forcément intéressés et cyniques.

La dialectique manichéenne du gauchisme panthéiste des néo-écologistes décroissants est la terre fertile sur laquelle pousse un culte religieux. Dieu a pris les traits de Pachamama, la terre-mère des anciens. N’allez toutefois pas leur expliquer que l’arraisonnement de la nature sauvage a commencé dès le Néolithique, moment où l’humanité se sédentarisa et commença à aménager le territoire qu’elle occupait pour se préserver des prédateurs, des catastrophes naturelles et des vicissitudes générales de l’expérience du vivant.

La symbolique du vandalisme contre les œuvres d’art et de l’esprit est d’ailleurs extrêmement parlante. Ces jeunes ne voient pas dans les productions de l’esprit des trésors à protéger et choyer. Leurs musée n’exposent que des œuvres de la nature, inanimées ou animées ; pierres, montagnes, mers, plantes et animaux. Ils sont malheureusement soutenus par des inconscients, notamment les élus de la NUPES qui ont fait le déplacement jusqu’à Sainte-Soline pour manifester avec les opposants aux « mégabassines » et ont lancé un « ultimatum » au gouvernement en ce sens. Le chantier de construction de la réserve d’eau d’une capacité de 628 000 mètres cubes pour l’irrigation agricole à Sainte-Soline, dans les Deux-Sèvres, n’a pas repris, quatre jours après la mobilisation qui a tourné à l’affrontement.

Pour l’heure, il n’y a pas encore de « zone autonome à défendre » installée sur les lieux, bien qu’une tour de guet entourée de palissades de bois couvertes de graffitis ait été édifiée en plein champ sur le site. Certaines de ces inscriptions sont des injures destinées à Yannick Jadot qui a été au centre d’un petit « buzz » sur la toile. L’élu des Verts a été attaqué vertement par la créature qu’il a lui-même contribué à faire naître. Arrivé à Sainte-Soline, Yannick Jadot a été pris à partie par un groupe de jeunes femmes aux visages recouverts de vêtements noirs, manifestement des « black blocs » venus là pour attaquer les gendarmes. Tentant de se défendre verbalement, il interpella l’une d’entre elle en l’appelant « mademoiselle ». Elle l’a très mal pris, et ce n’est pas l’erratum de Yannick Jadot pour le plus politiquement  correct « madame » qui y changea quelque chose, cette jeune personne refusant manifestement d’être désignée selon le sexe biologique que la naissance lui a donné : « Je suis pas mademoiselle, alors calme-toi. Je suis pas madame non plus ».

Que les réserves d’eau soient une nécessité vitale pour les agriculteurs qui nous nourrissent et connaissent bien mieux la nature que ces pastèques mutantes ne changera rien à l’affaire. Ces militants sont inaccessibles à la rationalité et aux faits, ils sont des Maoïstes et des révolutionnaires qui iront jusqu’au bout. Les responsables politiques qu’ils attaquent méritent d’ailleurs leur sort. En politique, les marges décalent les centres. Yannick Jadot, l’ancien de Greenpeace, est déjà un homme du passé, un mâle blanc de plus de 50 ans qui doit céder la place à ces Theodor Kaczynski en herbe. Le système politico-médiatique aurait tort de prendre les choses à la légère, ses acteurs seront les premières cibles de ces gens. De la même manière qu’avec l’insécurité du quotidien, c’est la fermeté de la réponse étatique qui conditionnera l’avenir de ces mouvements de vandales. Il est malheureusement permis de douter…

Avec June, Emmanuelle de Boysson rend justice à une femme «libre»

Égérie du triangle amoureux qu’elle forma avec Anaïs Nin et Henry Miller dans le Paris de l’entre-deux-guerres, June Mansfield donne enfin sa version des faits sous la plume de la romancière qui signe avec maestria son 25ème livre.


Avec June, Emmanuelle de Boysson reconstitue une existence qui n’avait pas besoin d’elle pour être romanesque mais qui méritait d’être enfin romancée. L’histoire d’une femme prête à tout pour mettre au monde le génie littéraire de son mari.

Le récit revient régulièrement où il commence, dans un coin perdu de l’Arizona où June a échoué. Une chute lors d’un séjour psychiatrique a laissé à terre une femme brisée, à tous les sens du terme. Elle a 63 ans, abusé de la drogue et de ses illusions, et se souvient.

Elle rêvait d’être actrice, elle est entraîneuse à l’Amarillo, un dancing de Broadway. Un soir de 1920, Henry Miller entre dans sa vie comme par effraction. « Un homme dont les yeux noirs percent l’obscurité derrière des lunettes en écaille. Il est mince, la trentaine, le crâne à peine dégarni ». Quelque chose de féminin, de sensuel, une désinvolture, une érudition… Irrésistible. C’est le début d’une passion sensuelle, sexuelle, folle, qui inspirera à Miller les trois volumes de La crucifixion en rose (Sexus, Nexus, Plexus).

June fascine les hommes et les femmes. Changeant d’identité comme de partenaire, l’extravagante garconne qui fixe le regard des clients est prête à tout pour oublier d’où elle vient – sa judéité, une famille de minables à charge – et se faire une vie rêvée à l’ombre de cet homme dont elle a tout de suite flairé le génie ; cet homme qui « ne se sent pas à la hauteur des écrivains qu’il admire. Il faudrait qu’il se fasse confiance, qu’il écrive comme il parle ». C’est ce qu’il va faire, jusqu’à « offrir au monde une érection », comme il le lui écrira de Paris, au moment de se lancer dans Tropique du capricorne. Le chef-d’œuvre, considéré comme obscène, ne sera publiée aux USA que quarante ans plus tard.

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« Elle est belle, et d’une vitalité animale », écrira Anaïs Nin. Le couple qui sent le soufre multiplie les allées et venues entre New-York et Paris, ensemble ou séparément, assumant une liberté de mœurs qui fera la gloire littéraire d’Henry et de sa maîtresse, cette mondaine « un peu affectée, une tête d’oiseau avec son nez pointu et ses cheveux noirs ramassés en un chignon sévère ».

Avec une écriture rapide et fluide, dense et dansante, à l’image de June elle-même, Emmanuelle de Boysson se glisse à nouveau avec habileté dans l’entre-deux-guerres. Du Blue Parrot, à Greenwich Village, truffé d’escrocs et de flics corrompus où elle se prostitue parfois pour Henry, à la chambre 12 de l’hôtel Princess à Paris où elle retrouve Anaïs « qui semble faire passer ses ambitions littéraires avant le reste », le lecteur est pris à témoin du désenchantement de son héroïne. « Sa relation avec Henry ressemble à un roman dont on redoute la fin ». June aura tout donné pour faire vivre l’homme de sa vie et accepter le trio amoureux dont elle sera finalement exclue. Avec son talent de romancière, Emmanuelle de Boysson lui restitue l’âme qui lui fut scandaleusement dérobée pour la gloire d’autrui. Justice est faite.

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Aux origines de la «start-up» nation

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Hamutal Bar-Yossef lit "A Present" sur YouTube, CultureBuzzIsrael, le 23 juin 2013 capture d'écran DR

Une saga juive qui raconte l’autre histoire d’Israël.


« Ce sont les vainqueurs qui écrivent l’histoire » : ce dicton est tout aussi vrai s’agissant de l’histoire mondiale, que de l’histoire intérieure des États. Dans le cas d’Israël, l’histoire a ainsi été le plus souvent écrite par le courant majoritaire, celui du parti travailliste d’obédience sioniste-socialiste, qui a exercé son hégémonie pendant les trente premières années de l’État (1948-1977).

C’est ainsi que l’histoire de l’épopée sioniste connue de tous relate comment des pionniers juifs, venus de Russie et de Pologne, ont défriché la terre et fondé des kibboutz, construisant en même temps la nouvelle patrie juive et le « Nouveau Juif », conforme à leur idéologie d’inspiration marxiste. Mais on ignore généralement qu’aux côtés du sionisme socialiste, il y eut aussi des sionistes révisionnistes, des sionistes religieux et aussi des sionistes… capitalistes !

Les fortunés

C’est à ce dernier pan méconnu de la préhistoire d’Israël qu’est largement consacré le dernier livre de Hamutal Bar-Yosef, paru en hébreu en 2017 et qui vient d’être traduit en anglais, sous le titre The Wealthy (Les fortunés). L’auteur, poète, traductrice et spécialiste de littérature hébraïque, a adopté la forme du roman pour relater cette histoire. Son livre est une véritable saga qui s’étend sur plusieurs générations et raconte l’histoire d’une famille juive en Allemagne, en Angleterre et en Palestine mandataire. A travers le destin de cette famille de pauvres colporteurs qui va s’élever socialement – jusqu’à atteindre les rangs de la noblesse britannique – c’est un aspect souvent ignoré de l’histoire moderne du peuple juif qui est dévoilé au lecteur.

La saga de la famille Heimstatt – inspirée d’une histoire réelle – illustre ainsi le phénomène souvent décrit dans la littérature et le cinéma de l’ascension sociale, génération après génération, dont les moteurs principaux sont l’ambition personnelle et l’aspiration à contribuer au bien de l’humanité. Meyer, fondateur de la « dynastie », est un simple marchand ambulant. Son fils Albert devient un commerçant aisé, et le petit-fils Gotthold étudie la chimie à l’université de Heidelberg. Plus tard, il s’installe en Angleterre, où se déroule la deuxième partie du roman. La découverte de plusieurs procédés industriels assure la fortune de la famille, et son fils Richard se lance dans la politique et parvient à être élu au Parlement au sein du parti libéral.

Déclaration Balfour

La troisième et dernière partie de la saga des Heimstatt commence lorsque le jeune Ralph, fils de Richard, est envoyé en Palestine mandataire (« Eretz-Israël ») pour y combattre dans les rangs de l’armée britannique, après avoir participé à la campagne désastreuse de Gallipoli, dans le cadre du bataillon juif mis sur pied par Jabotinsky et Trumpeldor. A travers le destin du dernier rejeton de la famille d’origine allemande, c’est tout un pan de l’histoire du sionisme politique qui est ainsi relaté : la participation des « bataillons juifs » – premiers soldats se battant sous un drapeau juif à l’époque moderne – dans la Première Guerre mondiale, puis la Déclaration Balfour et le mandat britannique sur la Palestine, et le développement de l’implantation et de la colonisation juive en terre d’Israël.

Le grand talent de Hamutal Bar-Yosef est précisément de parvenir à mêler la grande et la petite histoire, en évoquant des événements importants de l’histoire, sans jamais perdre le fil de l’épopée familiale. On y croise ainsi, outre les membres de la famille Heimstatt sur cinq générations, des figures illustres comme celles de Haïm Weizmann, Lloyd George ou encore Amin al-Husseini. Les commerçants et industriels qui – à l’instar de la famille Mond dont s’inspire le roman de Hamutal Bar-Yosef – ont pris part à l’aventure sioniste, ont joué un rôle crucial dans l’édification d’un pays moderne, devenu aujourd’hui une puissance économique de premier plan. Son livre se lit avec un intérêt qui ne diminue pas, au fil des quelque quatre cents pages, et on imagine facilement comment il pourrait être adapté à l’écran. Il mériterait certainement d’être traduit en français.

Hamutal Bar-Yosef, The Wealthy. Chronicle of a Jewish Family (1763-1948), Gefen, 2021, 488 pages, 24,98€.

LE MUR, ETC.

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Bertrand Tavernier, Monsieur Cinéma

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Bertrand Tavernier en tournage pour son film " Un dimanche à la campagne" le 01/01/1983 / PHOTO: LEHR/SIPA / 01039848_000004

Un livre attachant de Thierry Frémaux sur le cinéaste boulimique qui a su parler de son temps.


Quand je pense à Bertrand Tavernier (1941-2021), c’est d’abord sa voix que j’entends : ample, rocailleuse, gargantuesque. Un peu comme celle de Philippe Noiret, son comédien fétiche, témoin à son second mariage. Ensuite, les noms de ses films surgissent. En premier, L’Horloger de Saint-Paul (1974), qui se déroule dans sa ville natale, Lyon, adapté d’un roman de Simenon, parce que c’était une ville simenonienne disait Tavernier, « qu’on avait envie de regarder comme Maigret regarde les gens ». C’était la naissance du cinéma populaire de Tavernier filmant une France qui « tenait » face à la mondialisation, résistait même, comme son père, René, écrivain, dont la vaste bibliothèque inspira Bertrand.

Durant la Seconde Guerre mondiale, René fonda la revue Confluences, publia Paul Eluard et Louis Aragon. Sous l’Occupation, en 1943, l’écrivain communiste vécut avec Elsa Triolet au premier étage de la grande maison des Tavernier. Aragon y écrivit Les Yeux d’Elsa, « La Rose et le Réséda » et surtout « Il n’y a pas d’amour heureux » immortalisé par Georges Brassens. On apprend que la mère de Bertrand fut l’inspiratrice du poète engagé.

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L.627

D’autres anecdotes nourrissent le livre de Thierry Frémaux, directeur de l’Institut Lumière de Lyon et délégué général du Festival de Cannes, consacré à son ami Bertrand Tavernier, rencontré en 1982 à l’Institut Lumière dont il était le président. Un livre qui n’est pas une biographie, mais plutôt un portrait impressionniste et sentimental du cinéaste. L’homme y apparaît tour à tour passionné par son métier, et plus encore par le cinéma mondial, hypermnésique, volubile, bougon, inquiet, curieux de tout, ne s’endormant jamais sur ses lauriers – son œuvre le prouve, en particulier le singulier et dérangeant L.627, mélomane, dévoreur de livres, aimant l’Histoire et les histoires bien ficelées, avec des personnages puissants, le tout servi par une musique qui fait corps avec le scénario.

Un boulimique de la vie qui, grâce au cinéma, avait trouvé sa place dans le monde, ce qui est primordial. Il savait être critique à propos de ses films. Il n’hésitait pas à reconnaître que la fin du Juge et l’Assassin était ratée, la trouvant trop démagogique. Thierry Frémaux rappelle qu’à la mort du réalisateur, Libération tira à boulets rouges sur une œuvre définitivement jugée détestable. Les Cahiers du cinéma, dès son premier film, l’avait rejeté. La cause était entendue et reprise par l’axe idéologique Cahier-Libé-Inrocks-Le Monde. À propos de L.627, la presse de gauche sonna l’hallali en déclarant raciste le film parce que les interpellations et les gardes à vue concernaient majoritairement des Noirs et des Arabes. Thierry Frémaux rappelle alors le coup de gueule du Tavernier : « C’est ce que nous avons vu ! On ne va pas le cacher parce que la gauche a échoué sur ses questions ». C’était en 1992, le quotidien de la brigade des stups de Paris, filmé sans fard.

Le cadet admiratif devint au fil des années l’un de ses plus fidèles amis. Il le restera jusqu’au dernier souffle du réalisateur de La Vie et rien d’autre (1989). Ce livre, pudique et littéraire, l’atteste. Dans son film La Mort en direct (1980), Romy Schneider, qui se sait condamnée, demande à Harvey Keitel de l’emmener voir la mer. Tavernier est mort dans la maison héritée de ses parents, au bord de la Méditerranée. Comme le dit Thierry Frémaux, le cinéma de Tavernier vieillit bien. Sûrement parce qu’il parle au « meilleur de l’âme » (Aragon).

Pierre Louÿs, comme un Grec ancien

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Pierre Louÿs. Domaine public, Wikipédia, postée par Electron, sources: http://gaelle.hautetfort.com/archive/2009/03/22/claude-debussy-pierre-louys-chant-pastoral.html https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Pierre_Louÿs,_portrait.jpg

Le poème du dimanche.


Pierre Louÿs  (1870-1925) est représentatif de cette sensibilité symboliste et décadente qui donna une profusion d’écrivains à la postérité diverse, mais qui demeurent malgré tout régulièrement réédités : Remy de Gourmont, Marcel Schwob,  Jean Lorrain, Huysmans, Bloy… Le point commun : un certain mépris pour une société industrielle qui désenchante le monde et un goût parfois morbide pour une beauté qui n’est vraiment belle que si elle est vénéneuse.

Parmi tous ces noms, Pierre Louÿs se démarque par ce qu’il conviendrait d’appeler une bonne humeur, une érotomanie drôle et heureuse, ce qui est rare, et un véritable amour pour ce monde d’avant qu’est l’Antiquité.

Louÿs, helléniste hors pair, avait recréé sa propre Grèce, au point d’imaginer, de manière déjà très borgésienne, des faux plus vrais que nature. Dans Les Chansons de Bilitis, il invente le personnage d’une courtisane grecque de l’époque de Sappho à travers une série de poèmes en prose qui ont inspiré Debussy. Il montre là son art de la sensualité, de la clarté et restitue dans la pureté des commencements ce bleu grec des matins profonds.

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1. L’arbre

Je me suis dévêtue pour monter à un arbre ; mes cuisses nues embrassaient l’écorce lisse et humide ; mes sandales marchaient sur les branches.

Tout en haut, mais encore sous les feuilles et à l’ombre de la chaleur, je me suis mise à cheval sur une fourche écartée en balançant mes pieds dans le vide.

Il avait plu. Des gouttes d’eau tombaient et coulaient sur ma peau. Mes mains étaient tachées de mousse, et mes orteils étaient rouges, à cause des fleurs écrasées.

Je sentais le bel arbre vivre quand le vent passait au travers ; alors je serrais mes jambes davantage et j’appliquais mes lèvres ouvertes sur la nuque chevelue d’un rameau.

***

46. Le Tombeau des Naïades

Le long du bois couvert de givre, je marchais ; mes cheveux devant ma bouche se fleurissaient de petits glaçons, et mes sandales étaient lourdes de neige fangeuse et tassée.

Il me dit : « Que cherches-tu ? — Je suis la trace du satyre. Ses petits pas fourchus alternent comme des trous dans un manteau blanc. » Il me dit : « Les satyres sont morts.

« Les satyres et les nymphes aussi. Depuis trente ans il n’a pas fait un hiver aussi terrible. La trace que tu vois est celle d’un bouc. Mais restons ici, où est leur tombeau. »

Et avec le fer de sa houe il cassa la glace de la source où jadis riaient les naïades. Il prenait de grands morceaux froids, et, les soulevant vers le ciel pâle, il regardait au travers.

Les Chansons de Bilitis (1894)

Il est revenu le temps des zozottes

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Pascal Thomas, le 18/12/2014 / PHOTO: GINIES/SIPA / 00700434_000006

Confidences pour confidences, le film de Pascal Thomas tourné en 1978 est enfin visible en streaming sur Canalvod.


Le prochain film du réalisateur ne sortira qu’en 2023. Pascal Thomas tourne actuellement dans la Vallée du Loir, entre Sarthe et Maine-et-Loire, Encore quelques instants de bonheur avec, entre autres, Pierre Arditi, Anny Duperey et Stéphane de Groodt. Avant de découvrir ce long-métrage au fumet provincial et au fort relent nostalgique, il faut réviser les classiques du dernier cinéaste français qui étudie la déliquescence du sentiment amoureux sans mièvrerie, sans l’apitoiement satisfait des intellos du caméo, avec une pointe de réaction salvatrice et d’humour troupier.

Pascal Thomas ne fait pas dans le larmoyant à thèses et la dénonciation du méchant capitaliste de service. Il ne cherche pas à conforter le public dans ses délires victimaires mais plutôt à l’extraire des débats boueux par un esprit facétieux, par la blague, par la pirouette, par la fesse rieuse, par la sauterie glandilleuse et aussi par une forme de noirceur assumée. Il sait, par expérience, que les Hommes pusillanimes et indécis sont guidés par des instincts ridicules et des élans contradictoires.

D’emblée, il absout ses personnages de leurs turpitudes, s’amuse de leur combinazione à destination sexuelle et de leur absence de convictions politiques. Avec Pascal, on est à la maison, en zone protégée, entre amours tempétueuses et ambitions avortées, entre vérité naturaliste et distance persifleuse, il nous tend le miroir tendre et corrosif de notre lente décadence ; son cinéma est primesautier, faussement classique, inoffensif en apparence car il se révèle miné, constellé, perclus de nids-de-poule, de cahotements qui rendent sa lecture plus complexe et pleine d’arrière-pensées. Dans ces œuvres, notre mémoire est assaillie par de minuscules traces d’une humanité disparue, jamais pesante, jamais déclamatoire, jamais démagogique.

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Féministe sans ressentiment

La fatalité déplie sa couverture, on s’y calfeutre. Car Pascal se refuse à l’exégèse, il avance par touches. C’est un pointilliste du bonheur inaccessible, de l’incompréhension profonde des êtres et de cette solitude innée, celle que l’on dorlote en relisant Léautaud à la veillée. Avant de retourner le voir dans les salles, Confidences pour confidences sorti début 1979 est désormais disponible en streaming sur Canalvod. C’est une œuvre fanée qui continue d’embaumer les intérieurs de banlieue.

Un presque documentaire sur les aspirations plus ou moins contrariées de trois filles nées dans une épicerie, trois destins domestiques qui vont tenter de s’épanouir et de s’émanciper par le mariage, les enfants ou le travail. A l’intérieur de cette boule à neige d’antan, il y a tout ce que l’on aime au cinéma de déchirant et de populaire, de rustique et de retenue, de ridicule et d’horizon voilé, de terriblement vivant et d’asphyxiant. Ce cinéma-là féministe (le qualificatif le ferait sourire, c’est pourtant bien le cas, peu de réalisateurs ont si bien parlé des grossesses plus ou moins désirées dans un contexte législatif largement défavorable) ne nous prend pas en otage. Il distille son amertume par réverbération comme si l’on regardait notre passé récent par le verre dépoli des siphons de notre enfance, quelque chose d’atrocement douloureux et de friable, qui réussit à ne pas tomber dans le glauque et le ressentiment.

C’est un cinéma de la retenue, sur le fil, qui refuse de verser dans un sentimentalisme dégueulasse. On suit les aventures d’une famille moyenne entre le milieu des années 1950 et celui des années 1970, une tranche de France parcourue par le rock et les guerres coloniales, le déterminisme social et les rêveries confuses de jeunes filles qui vivent à cinq dans une pièce attenante à l’épicerie. Le père magistrement interprété par Daniel Ceccaldi semble dépassé par les événements intra-familiaux, il est moderne sans le savoir, il n’a ni l’autorité nécessaire, ni les préceptes éducatifs à portée de main, son dilettantisme est un nouveau progressisme. Il navigue à vue. La benjamine lit La Semaine de Suzette, l’aînée se prend déjà pour une future maman et celle du milieu veut s’extraire de cette gangue sociale par la promotion canapé.

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Le sublime du quotidien n’est pas loin

Elles s’appellent Brigitte, Pierrette et Florence. A l’école, chaque matin, on sert un verre de lait avant de démarrer la classe. Les publicités Bouillon Kub tapissent la boutique. On se lève tôt pour charger la Juva 4 jusqu’aux Halles Baltard. La vie se déroule sur un mode mineur, entre gaieté et mélancolie, ce qui donne, à l’écran, une force et une tension insoupçonnées, une beauté éraflée qui secoue nos mentalités d’assistés et de pleurnicheurs. Les conversations sont anodines et splendides.

Quand Brigitte demande à sa grand-mère : « Tu as eu des joies, mémé ? », on défaille. Quand Ceccaldi, représentant en étiquettes, peste d’une course lointaine : « Malakoff, quel bled, je suis pas prêt d’y remettre les pieds », on jubile. Quand un futur gendre employé dans les assurances se présente comme « un self made-man », on est aux anges. Pascal Thomas a capté l’air de Paris et de sa proche banlieue, entre Mendès-France et le Concorde. Le sublime du quotidien n’est pas loin. Jacques François, Michel Galabru, Jacques Villeret et même une apparition amicale de Claude Lelouch sur une plage à Deauville complètent cette distribution. Mais surtout, il y a la voix éraillée d’Elisa Servier qui fait tressaillir notre horloge biologique. Et puis Anne Caudry (1957-1991), la petite-fille de Bernanos qui débutait ici sa carrière d’actrice; sa douleur rentrée fait un triste écho à sa destinée tragique.

Ma vie à l’Assemblée

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Jacques Witt/SIPA

Que se passe-t-il dans les couloirs du Palais-Bourbon et dans l’hémicycle lorsque les caméras ne sont plus là ? Grandeurs et petitesses de nos députés…


Il fait froid dans l’hémicycle. Ou plutôt j’ai froid dans l’hémicycle. En cette fin de journée, fatigue aidant, alors que nous ne sommes plus très nombreux et que les débats s’éternisent, j’ai toujours l’impression que la clim’ est mal réglée. Un sacré contraste avec les séances du mardi après-midi, lors des questions au gouvernement où, caméras obligent, l’hémicycle est bondé et la promiscuité chauffe l’atmosphère et les esprits.

C’était encore le cas ce mardi, lorsqu’un député Les Républicains, Éric Pauget, a posé une question sur l’assassinat de la petite Lola, expliquant tout simplement que si l’obligation de quitter le territoire français (OQTF) qui visait la meurtrière présumée avait été exécutée, Lola serait toujours en vie… Il n’en fallait pas plus pour faire sortir de ses gonds notre garde des Sceaux, décidément plus avocat que ministre, accusant notre député de « récupération » et de « se servir du cercueil d’une gamine de 12 ans comme on se sert d’un marchepied… ». Rien que cela. Pointant du doigt dans la foulée le Rassemblement National, qui n’avait encore rien dit, dans un splendide procès d’intention sur le mode « et le pire est à venir ! ». Mauvaise foi, quand tu nous tiens…

Ces séances de questions aux ministres sont souvent très animées. La semaine précédente, c’était Bruno Le Maire qui exigeait des excuses publiques d’un député Rassemblement National qui l’avait traité de « lâche ». Faisant du même coup tomber notre présidente, Yaël Braun-Pivet, dans le piège de la maîtresse d’école distribuant à tout-va les bons et les mauvais points aux élèves turbulents qui avaient osé utiliser un vocabulaire inadéquat : « lâche », « communautariste »… Se voyant obligée de sanctionner quelques minutes plus tard une députée de la majorité qui avait accusé le Rassemblement National d’être un « parti xénophobe ».

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Les députés sont souvent des sales gosses, il faut le dire. Sentant une faille, ils s’y engouffrent goulûment. Ainsi, quelques jours après cet incident, un nouvel échange de noms d’oiseaux obligeait la présidente de l’Assemblée nationale à revoir sa position et à annoncer que la question de ce que l’on a le droit de dire ou non serait réglée en petit comité, au cours d’une réunion prévue… le 9 novembre prochain. L’histoire nous dira si les sanctions pécuniaires annoncées dans l’hémicycle auront été maintenues ou elles aussi reportées…

La fenêtre de mon bureau donne sur la rue Aristide-Briand, qui longe l’Assemblée nationale. Cet après-midi, Élisabeth Borne va mettre fin au supplice de ces séances aussi interminables qu’inutiles et brandir le 49.3 pour faire adopter le budget 2023 sans vote… Si les médias ne l’avaient déjà dévoilé, j’aurais pu le deviner rien qu’au nombre de camions de CRS stationnés dans la rue. Bon, j’avoue, il était temps… Dix jours sur les bancs de l’hémicycle pour venir à bout des plus de 3 000 amendements déposés. Évidemment, nous n’y sommes pas parvenus. Et Mme Borne est donc venue nous sermonner ce mercredi 19 octobre afin de nous rappeler à nos devoirs. Il paraît même qu’elle va recommencer pour le projet de loi de financement de la Sécurité sociale…

Finalement, le fonctionnement de notre Assemblée nationale ressemble assez à celui d’une école : des sonneries pour marquer l’entrée en classe ou les récréations, des maîtres et maîtresses d’école pour nous faire la leçon et nous rappeler les règles du fameux « vivre-ensemble », des cours de morale aussi – mais ça, on n’en trouve plus beaucoup dans nos vraies écoles… –, et des élèves qui trichent. Eh oui ! les députés copient facilement sur leurs voisins… Sauf qu’à l’Assemblée, ça s’appelle la « discipline de groupe ». Ça fonctionne plus ou moins bien en fonction des partis et des sujets abordés. À la France insoumise ou au Rassemblement national, pour le moment, pas un cheveu qui dépasse. On marche en rangs serrés. On ne peut pas en dire autant des députés Les Républicains. Ce qui rend dingues le gouvernement et la majorité… C’est vrai quoi, ils ne sont vraiment pas sympas ces députés de droite : impossible de savoir à l’avance ce qu’ils vont voter et donc, de compter sur eux !

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Comme cela arrive parfois, les professeurs – pardon, les ministres – ont leurs chouchous. Les députés de la majorité bien sûr. Et leurs moutons noirs : l’opposition, avec une mention particulière pour « les extrêmes ». Alors, malgré le « changement de méthode » proclamé à grands cris depuis l’élection de notre Assemblée en juin dernier, les mauvaises habitudes ont la vie dure. Du coup, lorsqu’un amendement proposé par l’opposition embarrasse le gouvernement – entendez par là qu’il est bien, mais qu’il ne vient pas des bancs macronistes – les stratagèmes pour le contourner sont légion. J’en ai les frais plus d’une fois, et depuis des années maintenant.

Les scénarios varient avec les circonstances. Premier cas de figure : la proposition est intéressante, de bon sens et bien formulée, mais l’adopter et en attribuer la paternité à l’opposition donnerait à cette dernière un avantage « disproportionné ». Du coup, l’amendement sera rejeté et tant pis pour l’intérêt général.

Deuxième cas de figure : la proposition est toujours intéressante, de bon sens et bien formulée et la majorité regrette de ne pas y avoir pensé elle-même… Cette fois, la réaction sera plus subtile. Je vous passe les procédures aussi complexes que tortueuses pour amender un texte de loi, mais la majorité s’empressera de déposer un amendement similaire, en modifiant une virgule ou un détail afin de pouvoir voter la mesure issue du bon camp. Vous avez compris ? Le camp du bien évidemment !

Bon, j’arrête là avec mon mauvais esprit. Mais, je vous avoue que ce parallélisme entre une salle de classe et notre « auguste Assemblée » me saute aux yeux chaque jour un peu plus. C’est d’ailleurs souvent ainsi que j’aborde les choses quand je me rends dans des classes de CM2 à Béziers et alentours pour leur expliquer à quoi sert un député… Une dernière analogie : après les tenues vestimentaires et l’absence de cravates des députés Nupes qui ont défrayé la chronique lors de la rentrée parlementaire, c’est l’offensive des djellabas et autres abayas à l’école qui préoccupe aujourd’hui nos professeurs. Et si, dans les deux cas, on rétablissait l’uniforme ?

Emmanuelle Ménard est députée, non-inscrite, de la 6ème circonscription de l’Hérault.

Les Démocrates misent sur la diabolisation de Trump pour gagner les élections de mi-mandat

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Vice-présidente Kamala Harris retient Président Joe Biden au dîner annuel du Parti démocrate de Pennsylvanie, Philadelphie, le 28 octobre 2022. Matt Rourke/AP/SIPA AP22734586_000138

Joe Biden risque fort de se retrouver avec un Congrès et un Sénat dominés par les Républicains, ce qui lui laisserait très peu de marge de manoeuvre pour le reste de son mandat. Les Démocrates et leurs alliés dans les médias font tout pour cacher les faiblesses du président actuel et pour présenter l’ex-président Trump comme un ennemi de la démocratie. Tribune.


Le mardi 8 novembre 2022, les 435 membres du Congrès, 35 sénateurs et 36 gouverneurs seront renouvelés lors des élections de mi-mandat aux États-Unis.

Avec la complicité de la quasi-totalité des médias américains, les Démocrates font tout pour éviter de subir une lourde défaite qui placerait Joe Biden dans un contexte de cohabitation avec un Congrès et un Sénat qui lui seraient hostiles et le transformeraient aussitôt en président impuissant.

Si les médias faisaient leur travail honnêtement, le public américain serait régulièrement informé de la sénilité plus qu’évidente de Joe Biden.

Si les médias faisaient leur travail honnêtement, ils rappelleraient au public américain les débâcles économique, géopolitique et militaires – à l’exception de l’Ukraine – dans laquelle la politique du président démocrate a plongé l’Amérique depuis 2 ans. L’inflation est au plus haut depuis plus de 40 ans, les dépenses fédérales explosent pour financer des projets écologistes fumeux, les marchés financiers sont en baisse de 30%, la construction du mur à la frontière mexicaine a été interrompue et l’immigration illégale explose avec son corolaire d’insécurité accrue dans toutes les grandes villes du pays. La fuite de l’armée américaine d’Afghanistan a fortement amoindri sa capacité de dissuasion. On peut aussi ajouter le silence assourdissant de l’administration américaine face à la répression en Iran qui sévit depuis plusieurs semaines.

Malgré ce biais médiatique quasi-généralisé et les tentatives des Démocrates de galvaniser leurs troupes en jouant sur les peurs des Américains, malgré le fait que Joe Biden ait osé qualifier les Républicains et ceux qui ont voté pour Donald Trump de « semi-fascistes », d’ennemis de la démocratie et des institutions américaines, les sondages prévoient une belle victoire républicaine.

Pour sa part, Hillary Clinton a récemment comparé une réunion publique tenue par Donald Trump à une « réunion nazie » et le 45ème président américain lui-même à Adolf Hitler. Le Parti Démocrate n’est plus celui de Bill Clinton ni celui de John F. Kennedy. C’est un parti qui a connu un très net glissement vers la gauche et a recruté des gens qui, en France, feraient plus penser à des mélenchonistes qu’à des sociaux-démocrates strauss-kahniens. L’idéologie wokiste y a pris le pouvoir, et tous les délires liés aux inégalités sociales, raciales et sexuelles ainsi que la focalisation sur le climat sont devenues leurs obsessions ; au grand dam de la grande partie du peuple américain qui rejette cette radicalisation des débats politiques et sociétaux.

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Malgré cela, de peur de voir arriver un Congrès à majorité républicaine qui serait une base sur laquelle Donald Trump pourrait s’appuyer pour lancer sa campagne en vue de l’élection présidentielle de novembre 2024, les médias américains prennent soin de ne pas montrer Joe Biden s’adresser publiquement à une élue morte au mois d’août dernier, évoquer son fils mort en Irak (alors qu’il est mort d’un cancer), parler des « 54 états américains » et tant d’autres gaffes et comportements étranges, comme son incapacité à enfiler une veste sans l’aide de sa femme.

Face à cela, l’électorat républicain est mobilisé, et l’acharnement des Démocrates contre Donald Trump suscite de la colère. Les procédures de destitution ineptes, les fausses accusations liées à l’assaut du Capitole du 6 janvier 2021, la perquisition par le FBI de la résidence de Trump de Mar-a-Lago mobilisent l’électorat républicain qui espère pouvoir prendre sa revanche sur l’élection de 2020, dans un premier temps le 8 novembre 2022, mais surtout dans deux ans lors de l’élection présidentielle de novembre 2024.

Alors, les Démocrates – avec leur chambre d’écho, les médias – vont continuer à traiter les électeurs de Trump, et plus généralement les Républicains, de violents racistes, d’extrémistes, de conspirationnistes qui mettent en danger la démocratie américaine. Face à cela, l’espoir de revoir une Amérique grande à nouveau, présente sur tous les fronts pour défendre les droits des opprimés, assez dissuasive pour éviter qu’un quelconque dirigeant autoritaire tente de s’emparer d’un pays voisin, renait et se trouve dans les mains des électeurs qui ont le pouvoir de limiter les dégâts de l’expérience désastreuse – pour l’Amérique et pour le monde – de la présidence Biden-Harris.

Guy Millère est Senior Fellow au Gatestone Institute, New York, auteur de Après la démocratie? L’Amérique et le monde au temps de l’administration Biden, Balland, 2022. 

Philippe Karsenty est porte-parole du Parti Républicain américain en France.

Espagne: les prétendants légitimistes au trône de France et l’héritage franquiste

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Louis Alphonse de Bourbon et sa femme Maria Vargas, le 14/11/2011 / PHOTO: SERGIO BARRENECHEA/EFE/SIPA / 00627714_000002

Le roi Felipe VI a signé la Loi de mémoire démocratique. Souhaitée par la coalition de gauche au pouvoir, elle met brutalement fin à l’utilisation des trente-trois titres octroyés par le général Franco durant sa dictature. Parmi lesquels se trouve celui du duché du même nom détenu par sa petite-fille, Carmen Martínez-Bordiu, mère du prince Louis-Alphonse de Bourbon. Un héritage que ce descendant de Louis XIV, prétendant au trône de France, assume sans complexe.


La loi sur la mémoire démocratique est entrée en vigueur le 21 octobre 2022. Adoptée de justesse par le Sénat et après des débats houleux, elle permet désormais de rechercher ceux qui ont disparu pendant la guerre civile (1936-1939) et la dictature franquiste (1939-1975), d’étudier les éventuelles violations des droits de l’homme perpétrées sous la monarchie entre 1978 et 1983. Largement combattue par les partis de la droite espagnole (Parti Populaire, Ciudadanos et Vox), elle a été initiée par la coalition de gauche (Podemos, Parti socialiste et divers mouvements indépendantistes) au pouvoir depuis 2015 et qui est régulièrement accusée de mener un combat anachronique. Un volet de cette loi abolit également les 33 titres de noblesse octroyés par le régime franquiste entre 1948 et 1978. Parmi lesquels le duché de Franco, obsession du Premier ministre Pedro Sanchez, détenu par Carmen Martínez-Bordiu, Grande d’Espagne, mère du prince Louis-Alphonse de Bourbon, prétendant au trône de France.

Un descendant de Louis XIV contesté

Depuis le décès tragique et marquant de son père en 1989, le charismatique Alphonse de Bourbon, le prince Louis-Alphonse de Bourbon, est un des prétendants au trône de France sous le nom de Louis XX. C’est un visage peu connu des Français. Il est soutenu par les Légitimistes, une frange ultra-catholique du royalisme français, qui s’ingénient à gommer toute trace d’hispanité de leur poulain et lui donne du « SMTC » (Sa Majesté très chrétienne) à tout va sur les réseaux sociaux, rejetant les idéaux de 1789. Ils se rassemblent autour de lui, tous les 21 janvier, à la chapelle expiatoire afin de commémorer la mort de Louis XVI. Quelques voyages par an en France (binational, il réside à Madrid), quelques communiqués politiques sur ses réseaux sociaux et messages de Nouvel An, souvent ponctués de passages aux accents christiques, quelques inaugurations et autres parrainages, ce descendant du Roi-Soleil a pris position contre le Mariage pour tous et l’homoparentalité en 2013, appelant les Français à défendre la famille traditionnelle. Il a fait le buzz en 2018 en annonçant son soutien aux Gilets Jaunes, « condamnant les violences des extrêmes et exprimant sa profonde compassion à ceux qui souffrent ». Publiant des éditoriaux dans le magazine Valeurs Actuelles, ce père de 4 enfants (qu’il surprotège médiatiquement) n’a pas hésité à participer à une marche contre la PMA et la GPA (janvier 2020), dénonçant une volonté de « marchandisation du corps humain » voulue par le gouvernement. Titré (par courtoisie) duc d’Anjou, il se dit disponible si les Français le souhaitent et défend (malgré ses soutiens) le principe d’une monarchie constitutionnelle avec à sa tête « un roi qui ferait office d’autorité morale, d’ambassadeur de son pays à l’étranger, garant de l’unité du pays, rappel de l’Histoire » ainsi qu’il l’avait lui-même expliqué en 2010 dans un entretien accordé au magazine Paris Match. Il est toutefois sévèrement contesté dans ses droits au trône par le comte de Paris, Jean d’Orléans, descendant de Louis-Philippe Ier, dernier roi des Français de 1830 à 1848. Ce dernier jouit d’ailleurs du soutien de la majorité des royalistes, dont les deux camps en présence se livrent une guerre numérique acharnée sur les réseaux sociaux.

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Le prince bleu des franquistes

Cousin du roi Felipe VI, Louis-Alphonse de Bourbon fait régulièrement les manchettes des quotidiens espagnols. En 2018, lorsque le gouvernement espagnol décide anachroniquement d’exhumer les restes du général Franco qui reposent dans la basilique de la Vallée de Los Caïdos, il monte au créneau, devenant très rapidement le porte-drapeau des nostalgiques de la période franquiste et de l’extrême-droite phalangiste. Président d’honneur de la Fondation nationale Francisco Franco (FnFF), il préside chaque année le congrès annuel de cette association, gardienne intransigeante de la mémoire du Caudillo. Un legs parfaitement assumé par Louis-Alphonse de Bourbon, surnommé le « Bisnieto » ou « El Rey de los Francos » par ses détracteurs. « Le gouvernement espagnol actuel fait tout pour effacer son héritage. On abat des statues, on rebaptise des rues, et c’est regrettable. Franco a créé la classe moyenne en Espagne, il a créé des forêts, des lacs et des routes, il a empêché que le pays n’entre dans la guerre et que le communisme s’installe. Évidemment il y a eu la guerre civile, mais il ne l’a pas voulue. Il ne faut pas gommer l’Histoire » n’avait pas hésité à rappeler le prince lors d’un entretien dans le même Paris Match. Contraint d’exhumer le Caudillo, après un long combat juridique chargés de rebondissements, mis en avant par sa famille et marqué par une série de vendettas avérées de la part de la coalition de gauche, Louis-Alphonse déclare en 2019, lors de la ré-inhumation du général Franco, qu’il restera « fidèle à la mémoire si injustement attaquée de son arrière-grand-père ». « Il fut un grand Soldat et un grand homme d’État, animé avant tout par sa Foi chrétienne profonde et son amour de l’Espagne. Il est à l’origine de l’Espagne pacifiée, prospère et reconnue parmi les grandes puissances mondiales. Défendre sa mémoire, c’est une part intégrante de l’idée que je me fais de l’Honneur et de la Fidélité » affirme le prince bleu. Un combat devenu vain (avec la nouvelle loi, il perd désormais le seul titre auquel il avait droit par sa naissance et dont il ne faisait pas mystère de récupérer au décès de sa mère, qui, elle, de son côté, en faisait peu de cas) pour lequel il a pu compter sur le soutien indéfectible du leader de Vox. Le député Santiago Abascal, est un ami personnel. Louis-Alphonse de Bourbon a d’ailleurs partagé très régulièrement, sur ses réseaux sociaux, des tweets provenant du parti d’extrême-droite. Il a fondé et préside l’association catholique « Cura Infirmorum et Natura-Seminare », dont le siège social est le même que celui de la société « Leadership Systems SL », enregistrée au nom de Víctor González Coello de Portugal, premier vice-président de Vox. Dans son livre La familia Franco SA, Mariano Sánchez Soler évoque ces relations étroites entre le descendant Bourbon et le parti Vox qui a phagocyté la fondation Franco, plaçant ses cadres au sein de l’organisme. L’écrivain confirme la relation étroite entre Abascal et Louis-Alphonse, à la fois personnelle et politique. Selon l’écrivain: « Il représente le grand rêve des Franco, celui d’accéder au trône [d’Espagne] en premier lieu. C’est lui qui est devenu le dépositaire de l’héritage politique ».

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Un successeur au roi Felipe VI ?

Si c’est indubitablement l’aînée de la maison de Bourbon, la branche de « Don » Louis-Alphonse de Bourbon a été exclue du trône espagnol en 1933. Une décision du roi Alphonse XIII qui ne pouvait pas supporter que son héritier, Don Jaime, soit sourd et muet. Le roi d’Espagne, renversé par une révolution en 1931, a désigné son cadet pour lui succéder, père de Juan Carlos, monté sur le trône d’Espagne en 1975 par la grâce de Dieu et de Franco. Lors d’une messe en hommage à son arrière-grand-père, il a descendu le parvis de la basilique de la Vallée de Los Caïdos sous les bras tendus des franquistes et la présence de carlistes traditionalistes. Quelques-uns n’ont d’ailleurs pas hésité à crier : « Tu es notre roi ! ». Ils le considéraient comme le véritable souverain d’Espagne sous le nom de Luis II, tant la perspective de voir l’infante Léonor, une femme, occuper le trône ne plait guère aux plus monarchistes des Espagnols qui craignent un règne désastreux (celui d’Isabelle II n’a pas laissé un très bon souvenir dans la mémoire collective des sujets de Felipe VI). Ou une mainmise de la couronne par une autre famille. Ses rapports avec la maison royale ont toujours été tendus. Le roi Juan Carlos a multiplié les humiliations envers le père de Louis-Alphonse, s’agaçant de sa popularité en Espagne et de ses prétentions en France. En 1987, le monarque a d’ailleurs retiré prédicats royaux et titres à Alphonse de Bourbon et à son fils Louis-Alphonse. Il a fallu attendre 2016 pour qu’un rapprochement s’opère véritablement entre les deux branches, bien que le roi Felipe VI n’ait guère apprécié les attaques régulières de son cousin contre le gouvernement lors de «l’affaire Franco». Pour autant, ce soutien reste minoritaire et le concerné n’a jamais fait acte de prétention au trône d’Espagne, s’affichant au contraire comme un fidèle de la monarchie espagnole.

Un défenseur de l’amitié franco-russe

Le prétendant au trône de France a participé deux fois au Congrès mondial des Familles (2018 & 2019) où il a pris la parole. Vaste messe internationale concentrant toutes les figures de la droite conservatrice et traditionaliste, ce rassemblement est financé par l’oligarque monarchiste Konstantin Malofeev, un proche du Kremlin. La proximité de Louis-Alphonse de Bourbon avec la Russie est connue. En 2017, il a fait un séjour remarqué dans le pays du président Vladimir Poutine où il a été reçu dans les locaux de Tsargrad, la télévision privée de Malofeev, afin de répondre aux questions de Strapol, entre deux photos devant le trône des Romanov ou aux côtés du sulfureux Fabrice Sorlin, bien connu des milieux d’extrême-droites catholiques et nationaux. Interrogé sur la place de la Russie au sein de l’Europe, le prince a montré un certain enthousiasme à défendre cette idée. En octobre 2021, il s’est de nouveau rendu en Russie où, face à une statue de Jeanne d’Arc offerte par l’Association Universelle des Amis de Jeanne d’Arc à la ville de Saint-Pétersbourg, il a rendu hommage à ce «symbole de l’amitié franco-russe» qui lui tient à cœur.

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Un banquier face à la justice

A 48 ans, doté d’une conséquente fortune, Louis-Alphonse de Bourbon occupe un poste stratégique au sein de la Banco Occidental de Descuento (BOD). Dirigée par le banquier du gouvernement vénézuélien, Victor Vargas, le duc d’Anjou a épousé la fille de ce dernier, María Margarita Vargas Santaella, cavalière émérite, en novembre 2004. Loin des yeux de ses partisans, puisque la cérémonie civile a été célébrée à Caracas et la religieuse en République Dominicaine. Ils ont emménagé à dans la capitale espagnole où il peut exercer ses activités de banquier et d’entrepreneur. C’est aussi ici que sont scolarisés ses enfants au sein de l’Everest Monteclaro, une école catholique, privée et bilingue qui prend soin de séparer filles et garçons. Titulaire d’une maîtrise en administration des affaires à l’Institut d’études supérieures de commerce de Madrid et d’un Master en finance, ce passionné de tauromachie a été élu entrepreneur de l’année en 2017, même si certaines de ses opérations financières ont attiré des critiques dans les médias. Sportif accompli, il a créé Reto18, une salle de sport qui affirme pouvoir remettre en forme une personne en 48 jours selon un programme diététique strict. Depuis peu, il consacre à la diffusion de divers jeux de cartes historiques dont le but est éducatif, mais qui n’a pas échappé une nouvelle fois aux controverses, accusé de manipuler l’Histoire et les traditions à ses propres fins.

A ce jour, Louis-Alphonse de Bourbon, le prince Louis de Bourbon, Don Luis Alfonso de Borbón y Martínez-Bordiú, SMTC Louis XX, quel que soit le nom qu’on souhaite lui donner, n’a pas réagi officiellement à la suppression de son titre héréditaire de duc de Franco.

Assemblée nationale : une incompréhension si opportune…

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Le député Rassemblement National, Grégoire de Fournas, viticulteur, se voit infliger une sanction disciplinaire. Le billet écrit par Philippe Bilger avant l’annonce de la sanction dit déjà tout sur un monde où l’esprit partisan prime sur la volonté de justice.


Lorsque son collègue de couleur Carlos Martens Bilongo évoquait un bateau de migrants et dénonçait la détresse de ceux-ci, Grégoire de Fournas a cru bon de s’écrier, de manière intempestive et maladroite : «Qu’il retourne en Afrique !»

Pour qui est de bonne foi, il est évident que cette injonction au demeurant peu élégante ne concernait que le bateau, les migrants et en aucun cas le député La France insoumise. À son encontre cette saillie n’aurait eu aucun sens et je veux bien que les députés Rassemblement National soient présumés niais et structurellement racistes, mais à ce point cela aurait été du suicide au sein de l’Assemblée nationale.

Que l’honnête homme qu’est le député Carlos Martens Bilongo exploite cependant cet incident, la confusion et l’incompréhension qu’il a engendrées, je l’admets. Qu’il affirme que son collègue Rassemblement National le visait, lui, personnellement et qu’il ne supportait pas sa présence à l’Assemblée Nationale, est le comble d’une parole trop engagée. Alors qu’il sait, j’en suis persuadé, que le député Rassemblement National ne ciblait que le bateau des migrants. Il donnerait une belle leçon d’intégrité en le concédant.

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D’autant plus que Grégoire de Fournas lui a fait tenir un mot où il s’excusait de l’incompréhension dont il était responsable et de l’offense que son collègue avait pu éprouver.

Dans ce monde où il est constant que l’esprit partisan a éradiqué la volonté de justice, je suis prêt à tout concéder de la part de Carlos Martens Bilongo, en revanche j’accable ceux qui se sont rués dans la brèche sans attendre la moindre explication, la plus petite contradiction, avec une partialité trop pressée de stigmatiser cette maladresse, parce qu’elle émanait du Rassemblement National.

Le président de la République (il n’a rien de plus important à faire !), la Première ministre, l’opposition de gauche et d’extrême gauche, Renaissance, les médias jouissant de cette formidable opportunité de condamner avant l’heure, les députés qui dans l’après-midi du 4 novembre n’hésiteront pas (j’en fais le pari) à être sourds à l’argumentation de leur collègue forcément coupable – tous se sont rués dans la brèche.

Ces pitoyables péripéties démontrant que l’exigence de justice a fui non seulement les travées de l’Assemblée Nationale mais l’appareil présidentiel et gouvernemental (Gérald Darmanin s’en est mêlé pour le pire), vont accentuer cette certitude que la vraie vie n’est pas au Palais Bourbon et amplifier le sentiment de désaffection démocratique qui mine de plus en plus notre pays.

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Je suis indigné par cette sensation qu’à mon niveau si modeste, mon cri tombe dans un désert où l’honnêteté n’a plus le droit d’exister. Je sais qu’on va à nouveau m’opposer ma prétendue empathie pour le Rassemblement National, ce qui est une absurdité politique et intellectuelle démentie par tous mes choix.

D’une part je n’ai jamais réservé ce souci d’équilibre au Rassemblement National. Mais je l’ai aussi manifesté sur un autre plan à l’égard de La France insoumise tant je déteste encore plus être enfermé dans un préjugé qu’avoir des égards légitimes pour l’adversaire.

D’autre part il me semble que mon passé d’avocat général à la cour d’assises de Paris m’a toujours rendu attentif à l’obligation, contre mes sentiments profonds qui pouvaient parfois face au crime me pousser à l’extrémisme, de demeurer équitable et maîtrisé. Au moins cela a été ma finalité constante et j’espère n’avoir pas été trop indigne d’elle.

Ce serait un miracle qu’un peu de justice survînt vers 14 heures 30 le 4 novembre. Ce serait priver les affamés d’une stigmatisation à moudre et à dévorer.

Le Mur des cons

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Dernière rénovation, Sainte-Soline : l’activisme d’extrême-gauche contre la raison

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Des militants écologiques manifestent contre les méga bassines, Sainte Soline, le 29 octobre 2022. UGO AMEZ/SIPA 01092697_000022

La manifestation contre les méga-bassines du weekend du 29/30 octobre a été encore une occasion pour les extrémistes de l’écologisme de montrer qu’ils croient que tout leur est permis au nom d’une cause qui ne se discute pas.


Notre monde se dirigerait-il vers le futur dystopique imaginé par Terry Gilliam dans L’Armée des 12 singes ? Autrefois relativement marginal, circonscrit notamment aux groupes antispécistes et à des ONG telles que Greenpeace, l’activisme se voulant « écologiste » est maintenant devenu un phénomène global et récurrent, mettant à exécution ses menaces dans différents pays toutes les semaines sans que des mesures sérieuses ne soient prises pour en limiter la portée. 

À l’image de la désormais iconique Greta Thunberg, les membres de ces Brigades vertes bénéficient de la sympathie d’une grande partie du monde policito-médiatique. Ce mouvement pas si spontané est issu de l’extrême-gauche avec laquelle il partage tant les méthodes d’action directe que le goût du manichéisme, ajoutant toutefois à ce corpus déjà inquiétant en soi des considérations eschatologiques relevant du religieux.

Le site de Dernière Rénovation, collectif français soutenu par le photographe Yann-Arthus Bertrand, affiche ainsi la couleur : « Nous sommes la dernière génération capable d’empêcher un effondrement sociétal ». Ce ton millénariste est une justification préalable à toutes les dérives. Après tout, puisqu’il est certain que le monde s’effondrera après cette génération, tout devrait être autorisé au nom d’un plus grand bien. 

Sauver la planète ne vaudrait-il pas la mort de quelques-uns ? Si l’on suit leur logique, il ne fait aucun doute que pour les plus agités d’entre eux, les actions visant des biens matériels finiront immanquablement par des actions visant des personnes, des responsables désignés de la « mort » de l’immaculée Gaïa qui devrait être préservée de toutes les traces de la présence humaine, des souillures que provoquent nos agissements forcément intéressés et cyniques.

La dialectique manichéenne du gauchisme panthéiste des néo-écologistes décroissants est la terre fertile sur laquelle pousse un culte religieux. Dieu a pris les traits de Pachamama, la terre-mère des anciens. N’allez toutefois pas leur expliquer que l’arraisonnement de la nature sauvage a commencé dès le Néolithique, moment où l’humanité se sédentarisa et commença à aménager le territoire qu’elle occupait pour se préserver des prédateurs, des catastrophes naturelles et des vicissitudes générales de l’expérience du vivant.

La symbolique du vandalisme contre les œuvres d’art et de l’esprit est d’ailleurs extrêmement parlante. Ces jeunes ne voient pas dans les productions de l’esprit des trésors à protéger et choyer. Leurs musée n’exposent que des œuvres de la nature, inanimées ou animées ; pierres, montagnes, mers, plantes et animaux. Ils sont malheureusement soutenus par des inconscients, notamment les élus de la NUPES qui ont fait le déplacement jusqu’à Sainte-Soline pour manifester avec les opposants aux « mégabassines » et ont lancé un « ultimatum » au gouvernement en ce sens. Le chantier de construction de la réserve d’eau d’une capacité de 628 000 mètres cubes pour l’irrigation agricole à Sainte-Soline, dans les Deux-Sèvres, n’a pas repris, quatre jours après la mobilisation qui a tourné à l’affrontement.

Pour l’heure, il n’y a pas encore de « zone autonome à défendre » installée sur les lieux, bien qu’une tour de guet entourée de palissades de bois couvertes de graffitis ait été édifiée en plein champ sur le site. Certaines de ces inscriptions sont des injures destinées à Yannick Jadot qui a été au centre d’un petit « buzz » sur la toile. L’élu des Verts a été attaqué vertement par la créature qu’il a lui-même contribué à faire naître. Arrivé à Sainte-Soline, Yannick Jadot a été pris à partie par un groupe de jeunes femmes aux visages recouverts de vêtements noirs, manifestement des « black blocs » venus là pour attaquer les gendarmes. Tentant de se défendre verbalement, il interpella l’une d’entre elle en l’appelant « mademoiselle ». Elle l’a très mal pris, et ce n’est pas l’erratum de Yannick Jadot pour le plus politiquement  correct « madame » qui y changea quelque chose, cette jeune personne refusant manifestement d’être désignée selon le sexe biologique que la naissance lui a donné : « Je suis pas mademoiselle, alors calme-toi. Je suis pas madame non plus ».

Que les réserves d’eau soient une nécessité vitale pour les agriculteurs qui nous nourrissent et connaissent bien mieux la nature que ces pastèques mutantes ne changera rien à l’affaire. Ces militants sont inaccessibles à la rationalité et aux faits, ils sont des Maoïstes et des révolutionnaires qui iront jusqu’au bout. Les responsables politiques qu’ils attaquent méritent d’ailleurs leur sort. En politique, les marges décalent les centres. Yannick Jadot, l’ancien de Greenpeace, est déjà un homme du passé, un mâle blanc de plus de 50 ans qui doit céder la place à ces Theodor Kaczynski en herbe. Le système politico-médiatique aurait tort de prendre les choses à la légère, ses acteurs seront les premières cibles de ces gens. De la même manière qu’avec l’insécurité du quotidien, c’est la fermeté de la réponse étatique qui conditionnera l’avenir de ces mouvements de vandales. Il est malheureusement permis de douter…

Avec June, Emmanuelle de Boysson rend justice à une femme «libre»

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June Mansfield, YouTube Calmann-Lévy DR

Égérie du triangle amoureux qu’elle forma avec Anaïs Nin et Henry Miller dans le Paris de l’entre-deux-guerres, June Mansfield donne enfin sa version des faits sous la plume de la romancière qui signe avec maestria son 25ème livre.


Avec June, Emmanuelle de Boysson reconstitue une existence qui n’avait pas besoin d’elle pour être romanesque mais qui méritait d’être enfin romancée. L’histoire d’une femme prête à tout pour mettre au monde le génie littéraire de son mari.

Le récit revient régulièrement où il commence, dans un coin perdu de l’Arizona où June a échoué. Une chute lors d’un séjour psychiatrique a laissé à terre une femme brisée, à tous les sens du terme. Elle a 63 ans, abusé de la drogue et de ses illusions, et se souvient.

Elle rêvait d’être actrice, elle est entraîneuse à l’Amarillo, un dancing de Broadway. Un soir de 1920, Henry Miller entre dans sa vie comme par effraction. « Un homme dont les yeux noirs percent l’obscurité derrière des lunettes en écaille. Il est mince, la trentaine, le crâne à peine dégarni ». Quelque chose de féminin, de sensuel, une désinvolture, une érudition… Irrésistible. C’est le début d’une passion sensuelle, sexuelle, folle, qui inspirera à Miller les trois volumes de La crucifixion en rose (Sexus, Nexus, Plexus).

June fascine les hommes et les femmes. Changeant d’identité comme de partenaire, l’extravagante garconne qui fixe le regard des clients est prête à tout pour oublier d’où elle vient – sa judéité, une famille de minables à charge – et se faire une vie rêvée à l’ombre de cet homme dont elle a tout de suite flairé le génie ; cet homme qui « ne se sent pas à la hauteur des écrivains qu’il admire. Il faudrait qu’il se fasse confiance, qu’il écrive comme il parle ». C’est ce qu’il va faire, jusqu’à « offrir au monde une érection », comme il le lui écrira de Paris, au moment de se lancer dans Tropique du capricorne. Le chef-d’œuvre, considéré comme obscène, ne sera publiée aux USA que quarante ans plus tard.

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« Elle est belle, et d’une vitalité animale », écrira Anaïs Nin. Le couple qui sent le soufre multiplie les allées et venues entre New-York et Paris, ensemble ou séparément, assumant une liberté de mœurs qui fera la gloire littéraire d’Henry et de sa maîtresse, cette mondaine « un peu affectée, une tête d’oiseau avec son nez pointu et ses cheveux noirs ramassés en un chignon sévère ».

Avec une écriture rapide et fluide, dense et dansante, à l’image de June elle-même, Emmanuelle de Boysson se glisse à nouveau avec habileté dans l’entre-deux-guerres. Du Blue Parrot, à Greenwich Village, truffé d’escrocs et de flics corrompus où elle se prostitue parfois pour Henry, à la chambre 12 de l’hôtel Princess à Paris où elle retrouve Anaïs « qui semble faire passer ses ambitions littéraires avant le reste », le lecteur est pris à témoin du désenchantement de son héroïne. « Sa relation avec Henry ressemble à un roman dont on redoute la fin ». June aura tout donné pour faire vivre l’homme de sa vie et accepter le trio amoureux dont elle sera finalement exclue. Avec son talent de romancière, Emmanuelle de Boysson lui restitue l’âme qui lui fut scandaleusement dérobée pour la gloire d’autrui. Justice est faite.

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