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Pierre Louÿs, comme un Grec ancien

De faux poèmes grecs plus vrais que nature.


Pierre Louÿs, comme un Grec ancien
Pierre Louÿs. Domaine public, Wikipédia, postée par Electron, sources: http://gaelle.hautetfort.com/archive/2009/03/22/claude-debussy-pierre-louys-chant-pastoral.html https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Pierre_Louÿs,_portrait.jpg

Le poème du dimanche.


Pierre Louÿs  (1870-1925) est représentatif de cette sensibilité symboliste et décadente qui donna une profusion d’écrivains à la postérité diverse, mais qui demeurent malgré tout régulièrement réédités : Remy de Gourmont, Marcel Schwob,  Jean Lorrain, Huysmans, Bloy… Le point commun : un certain mépris pour une société industrielle qui désenchante le monde et un goût parfois morbide pour une beauté qui n’est vraiment belle que si elle est vénéneuse.

Parmi tous ces noms, Pierre Louÿs se démarque par ce qu’il conviendrait d’appeler une bonne humeur, une érotomanie drôle et heureuse, ce qui est rare, et un véritable amour pour ce monde d’avant qu’est l’Antiquité.

Louÿs, helléniste hors pair, avait recréé sa propre Grèce, au point d’imaginer, de manière déjà très borgésienne, des faux plus vrais que nature. Dans Les Chansons de Bilitis, il invente le personnage d’une courtisane grecque de l’époque de Sappho à travers une série de poèmes en prose qui ont inspiré Debussy. Il montre là son art de la sensualité, de la clarté et restitue dans la pureté des commencements ce bleu grec des matins profonds.

***

1. L’arbre

Je me suis dévêtue pour monter à un arbre ; mes cuisses nues embrassaient l’écorce lisse et humide ; mes sandales marchaient sur les branches.

Tout en haut, mais encore sous les feuilles et à l’ombre de la chaleur, je me suis mise à cheval sur une fourche écartée en balançant mes pieds dans le vide.

Il avait plu. Des gouttes d’eau tombaient et coulaient sur ma peau. Mes mains étaient tachées de mousse, et mes orteils étaient rouges, à cause des fleurs écrasées.

Je sentais le bel arbre vivre quand le vent passait au travers ; alors je serrais mes jambes davantage et j’appliquais mes lèvres ouvertes sur la nuque chevelue d’un rameau.

***

46. Le Tombeau des Naïades

Le long du bois couvert de givre, je marchais ; mes cheveux devant ma bouche se fleurissaient de petits glaçons, et mes sandales étaient lourdes de neige fangeuse et tassée.

Il me dit : « Que cherches-tu ? — Je suis la trace du satyre. Ses petits pas fourchus alternent comme des trous dans un manteau blanc. » Il me dit : « Les satyres sont morts.

« Les satyres et les nymphes aussi. Depuis trente ans il n’a pas fait un hiver aussi terrible. La trace que tu vois est celle d’un bouc. Mais restons ici, où est leur tombeau. »

Et avec le fer de sa houe il cassa la glace de la source où jadis riaient les naïades. Il prenait de grands morceaux froids, et, les soulevant vers le ciel pâle, il regardait au travers.

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