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Le pain bénit des as du déni

Face au crime, il conviendrait de se taire ou de fustiger ceux qui osent réagir.


Le pain bénit des as du déni
Rassemblement pour les victimes organisé par l' Institut pour la Justice, quelques jours après le meurtre de Lola. Place Denfert Rochereau, Paris. Jeudi 20 octobre 2022. / PHOTO: JEANNE ACCORSINI/SIPA / 01091812_000051

D’un fait divers à l’autre, nos dirigeants sont plus disposés à créer la culpabilité chez ceux qui s’insurgent contre les séries de crimes, qu’agir contre les vrais coupables.


Chaque crime doit devenir un fait divers, et chaque fait divers doit vite devenir un fait d’hier – quelque chose de peu significatif, recouvert par l’actualité la plus récente. Le problème est quand les supposés « faits divers » se succèdent – le viol et meurtre de Lola, l’affaire de Roanne – et vont tous dans le sens de l’impuissance des pouvoirs publics censés protéger les braves citoyens et contribuables. Et quand la faillite est trop visible, on sort l’artillerie lourde : relativisme et fatalisme, servis par les meilleurs valets, qu’ils soient Garde des sceaux ou président d’honneur de la LICRA (Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme).

Tout est pain bénit pour les as du déni.

Premier cas : « vous n’aurez pas ma haine ». Les parents de Lola ont été dignes dans leur souffrance atroce. Après avoir honoré sans histoire l’invitation du président de la République à l’Élysée, ils se sont retirés dans leur Nord pour l’inhumation de leur petite. Le traitement politico-médiatique est alors simple : il suffit de suivre le silence des parents, en accompagnant leur douleur de marches blanches, de tweets indignés et de bougies. Tout message politique contraire serait évidemment de la récupération partisane honteuse, un manque de respect même pour les parents de Lola – voire pour toutes les personnes en situation irrégulière en France.

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Second cas : « vous aurez ma colère ». Suite au crime sexuel subi par sa fillette de 6 ans, le père le signale immédiatement à la police et attrape lui-même l’auteur des faits 24 heures après. Le père était sans secours des forces de l’ordre au moment d’immobiliser le jeune homme – qu’il « roue de coups » selon les informations disponibles aujourd’hui. 10 jours d’ITT, la police interpelle enfin le suspect – comme dans ces fins hollywoodiennes où une vingtaine de voitures de police, toutes sirènes hurlantes, arrivent en dérapant quelques minutes après que le héros s’est défait lui-même de ses ennemis. En pareil cas, les pas de danse politico-médiatiques n’ont pas besoin d’être orchestrés pour être synchronisés. Chacun connaît son devoir par cœur : il est intolérable que les crimes puissent provoquer toute autre réaction qu’une patience infinie, que la confiance maintenue en la justice et la police, même si, bien sûr, tout n’est pas parfait et qu’il existerait bien quelques axes d’amélioration – que l’on consent à reconnaître si on peut les convertir en promesses électorales. Bref, comme l’a asséné l’émission 22h Max de BFM TV du 25 octobre, ce père n’avait pas à se « faire justice lui-même », à se laisser aller « à la vengeance », à appliquer la « loi du talion ». Et si le présentateur Maxime Switek, face à l’avocat du père de la fillette, parle de « désordre », il parle évidemment de réaction de ce dernier, pas de l’agression initiale.

Cette chaîne de télévision a offert de voir ce qui se fait de pire dans la trahison des élites qui, à l’heure de faire face à leur incurie, redoublent de malhonnêteté intellectuelle. La journaliste de BFM Mélanie Bertrand revenait précisément sur le profil décidément tortueux de Dahbia B., coupable quelques années avant le meurtre de Lola d’une violente altercation dans un cabinet médical. Elle rapporte les termes exacts des menaces de Dahbia B.: « Je vais revenir, vous ne savez pas de quoi je suis capable », soulignant à juste titre le caractère peut-être prémonitoire de ce qu’elle avait en elle.

Il n’en fallait pas plus pour que deux personnes réagissent sur le plateau, dont l’avocat Alain Jakubowicz. Le président d’honneur de la LICRA, rosette rouge et pochette blanche, bondit professionnellement au mot « prémonitoire » et sort ses vieilles techniques de prétoire, pour condamner ceux qui ne se réfugient pas dans le fatalisme. « Si elle [Dahbia B.] avait été expulsée, elle ne l’aurait pas tuée. Oui, si les criminels n’étaient pas nés, les victimes ne seraient pas mortes ». L’avocat met sur le même plan le souhait de voir une mesure appliquée – en l’espèce une obligation de quitter le territoire français – avec celui d’effacer le mal du monde en général. Autrement dit, pour lui, l’application du droit tient de la science-fiction. On aura rarement vu un aveu aussi compromettant de la part d’un avocat qui devrait être rompu aux risques de la rhétorique. Mais quand on défend des positions aussi absurdes, on finit toujours par être maladroit.

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La même technique avait été utilisée plus tôt à l’assemblée nationale par Éric Dupont-Moretti, avec la poésie administrative qui le caractérise désormais : « les infractions sont consubstantielles à notre humanité ». Le péché originel comme pain bénit du déni. Quand les politiciens en sont rendus à accuser la tentation du jardin d’Eden, c’est que leur argumentaire est en miettes. Mais appeler à une compassion universelle et molle dans une langue laïque ne suffira pas à détourner les regards. Il faut donc se boucher le nez, et le ministre a fini par lâcher sa bombe puante face aux députés du Rassemblement National en évoquant « l’odeur nauséabonde de 1938 ».

Face au crime, il conviendrait donc soit de se taire, soit de fustiger ceux qui osent réagir. Les politiques ne devraient plus s’occuper de la chose publique et relayer l’exaspération des Français. Un père de famille ne devrait plus avoir une montée de colère quand il se retrouve nez-à-nez avec celui qui a touché sa fille. Autrement dit, circulez, il n’y a rien à voir, rien à dire. Laissez-nous percevoir les derniers dividendes d’une France à la dérive.

Notre société accable les braves gens de messages culpabilisants, mais ne fait rien ou si peu, et trop tard, contre ceux qui sèment le trouble. C’est ainsi en toute matière : écologisme, féminisme… On multiplie abécédaires, les campagnes de communication accusatrices, les obligations de suspicion généralisée. Mais on ne vise pas les responsables, trop rarement inquiétés. Culpabiliser tout le monde – en sachant que cette méthode ne marche pas envers ceux qui mériteraient le plus de l’entendre – et laisser courir les faits divers, les personnes frappées d’OQTF, les mineurs signalés pour avoir atteint à l’intégrité physique d’une fillette. La lâcheté est consubstantielle au genre humain, aussi, monsieur le ministre du sentiment d’injustice. Les Français aimeraient sans doute que les politiciens en fassent moins souvent la démonstration.




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