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Remis en liberté

Les Carnets d’Ivan Rioufol: Lola, c’est la France des gens ordinaires, des oubliés. Or cette société des modestes et des taiseux indiffère les experts, les sondeurs, les commentateurs du cercle de la Raison. Cette France-là ne fait pas du pouvoir d’achat l’unique centre de ses préoccupations.


Allez ! Réveillons-nous ! Emmanuel Macron espère pouvoir continuer à dissoudre le peuple docile dans un monde ouvert, éthéré, indifférencié. Le pouvoir a déjà réussi à anesthésier le pays par ses peurs fabriquées autour du climat, du Covid, du populisme, des parias. Les Français inquiets biberonnent aux aides cotonneuses de l’État nounou : il prodigue ses soins  (dites : « care ») à des enfants souffreteux. Un somnambulisme gagne progressivement la société. Elle a déjà renoncé à descendre spontanément dans les rues, sinon à la marge, depuis l’épisode décevant des Gilets jaunes il y a quatre ans. Plus généralement, une partie de la France est atteinte du « syndrome Bartleby », du nom du héros déprimé de Melville. Bartleby est un copiste méticuleux employé par un notaire de Wall Street dans la deuxième moitié du XIXe siècle. Peu à peu, le clerc taciturne s’enferme dans une aboulie qui le rend immobile. « I would prefer not to », répète-t-il dans une protestation passive : il se laissera mourir. La France zombifiée connaîtra ce destin si rien ne vient la sortir de l’hébétude.

La colère sourde est partout. Elle peut faire valdinguer les puissants.

Mais tout n’est pas perdu. Les Français peuvent encore envoyer paître les prétendus enchanteurs qui, durant ces Trente Calamiteuses, ont conduit au déclin de la nation. Le pouvoir n’est d’ailleurs plus si tranquille, en dépit de ses autosatisfactions. Rien n’est plus calme qu’un dépôt d’explosifs une seconde avant la déflagration. Dans son dernier passage télévisé, Emmanuel Macron a voulu évoquer « la grande bascule », liée aux transitions démographique, écologique, sociétale. Mais c’est « la grande bouscule » qui s’est précipitée à ses lèvres dans un lapsus prophétique. Car, oui, la colère sourde est partout. Elle peut faire valdinguer les puissants. Certes, elle ne s’exprime plus dans des démonstrations de masse. Cependant, elle est palpable à chaque coin de rue. Elle ne répondra pas aux mots d’ordre de l’extrême gauche déphasée : la « Marche contre la vie chère et l’inaction climatique », le 16 octobre, n’aura rassemblé que les nostalgiques de la lutte des classes et de la révolution prolétarienne, plus quelques wokistes. Mais gare aux blessures sentimentales d’un vieux peuple blessé et idéaliste !

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Le martyr de Lola, 12 ans, est de ces coups au cœur qui peuvent sortir un pays du coma et faire rejaillir l’indignation des désabusés. Lola, c’est Jacques Demy filmant sa Nantes natale et le quai de la Fosse des années 1960. Lola, c’est aujourd’hui l’image de cette petite fille blonde aux yeux bleus, semblables aux yeux bleus de l’enfant grec de Chio qui pleure, dans le poème de Victor Hugo, son île ruinée et endeuillée par les Turcs. Lola, c’est la France des gens ordinaires, des oubliés. Or cette société des modestes et des taiseux indiffère les experts, les sondeurs, les commentateurs du cercle de la Raison. Cette France-là ne fait pas du pouvoir d’achat l’unique centre de ses préoccupations. Elle est parcourue des sentiments d’abandon et d’injustice qu’éprouvent ceux qui constatent l’imposture de l’« État protecteur ». N’a-t-il pas renoncé à faire obstacle à une immigration de masse qui laisse trop souvent entrer le pire ? Lola porte une émotion. Son calvaire suscite une douleur d’autant plus contagieuse qu’elle est méprisée par les dénégationnistes. Ils exigent d’oublier le crime au nom du respect du deuil et de la « décence ». Pour eux, pleurer l’enfant, tuée par une jeune Algérienne en situation irrégulière, est faire le jeu de l’« extrême droite ». Ces vautours-là, qui dissimulent les désastres de leur culte de la diversité, détestent le peuple sentimental. Ce sont des brutes.

Eh bien soit ! Que ces cœurs bétonnés, insensibles aux douleurs de l’âme, continuent comme ça ! Les faux gentils ont le visage borné de la censure. Ce sont eux qui empêchent, depuis des décennies, la France de respirer à l’air libre. Rien n’est plus rageant que ces marchands de morale qui se précipitent pour dénoncer politiquement des « féminicides » ou qui brandissent le portrait de George Floyd, mais interdisent de pleurer un crime rendu possible par l’État désinvolte. Dans Le Figaro du 15 octobre, Pierre Manent notait très justement : « Je n’ai jamais vu aussi peu de liberté individuelle qu’à notre époque […]. Aujourd’hui, toutes les institutions, les universités, les médias d’État sont en proie à la même idéologie progressiste. L’opinion dominante n’a plus d’ennemis ». C’est ce monde de faussaires, de lâches, de traîtres qui doit être renversé. Lamartine avait lancé la révolution du mépris. Il est temps qu’elle s’applique à ceux qui dictent le discours officiel et décrètent les excommunications.

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L’heure des comptes a sonné. Je ne veux pas croire mes compatriotes irrémédiablement gagnés par l’aquoibonisme. Je les sais, pour beaucoup, attachés à la préservation de leur nation et au destin de son peuple maltraité. La France silencieuse des provinces et des classes moyennes n’est pas prête à se laisser remplacer. Elle est à l’affût du signal. Or le moment est venu pour les Français amers, honteux de leur sort et de leur renoncement, de se lever et de dénoncer les malfaisants et les calomniateurs. Le moment est venu de dire : ça suffit ! Les idéologues du vivre-ensemble et du sans-frontiérisme, dont beaucoup ont leur carte de presse, n’ont pas seulement tué Lola en laissant venir sa mort. Ils ont saccagé l’école, fracturé la cohésion nationale, rendu la vie perpétuellement conflictuelle. C’est pourquoi ils redoutent la propagation de l’exaspération des lucides.

L’irresponsabilité politique doit aussi pouvoir être sanctionnée par un juge.

Ces casseurs doivent répondre de leurs actes, y compris devant la justice administrative ou civile, comme je le suggérai dans ma chronique précédente. Depuis, l’État a été condamné par le Conseil d’État à une astreinte de 20 millions d’euros pour n’avoir pas fait respecter ses normes, sur la qualité de l’air en l’occurrence. Le sénateur LR Bruno Retailleau envisage de porter plainte contre l’État, pour non-assistance à la France en danger. Oui, l’irresponsabilité politique doit aussi pouvoir être sanctionnée par un juge. Au nom du peuple français réveillé.

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Elon Musk aux commandes de Twitter : le peuple de nouveau souverain

Le patron de SpaceX redonne le pouvoir au peuple en rétablissant la liberté d’expression et en abolissant le «deux poids, deux mesures» sur Twitter.


Pour Elon Musk, « les journalistes qui pensent qu’ils sont la seule source d’information légitime, c’est le grand mensonge ».

Le nouveau patron de Twitter veut rendre le pouvoir au peuple. Panique dans le Landerneau politico-médiatique, gardien du Temple de la « bonne pensée » qui se croyait propriétaire de la plateforme… Mais l’oiseau bleu sera-t-il vraiment plus libre sous le règne de Musk ?

« Les progressistes s’indignent de la prise de pouvoir d’Elon Musk sur Twitter. Ils s’inquiètent de la possibilité d’un marché libre des idées, parce qu’ils savent que les leurs sont minoritaires dans l’opinion. Ils ne survivent que grâce à la censure de leurs opposants », a twitté Eugénie Bastié, du Figaro, le 28 octobre 2022.

Il a suffi en effet de huit jours pour que le réseau social qui gazouille soit désormais qualifié de « controversé ». Pensez donc : le milliardaire Elon Musk, d’origine sud-africaine, qui veut mettre des puces dans notre cerveau pour le mettre à hauteur de l’Intelligence artificielle a finalement racheté Twitter. Il est arrivé au QG portant un lavabo (« sink » qui veut dire « couler » mais aussi « nettoyer », « mordre à pleine dent » ou « planter un poteau dans le sol ») et s’est empressé de virer la moitié des employés et du conseil d’administration : ceux qui eurent l’idée de génie de bannir Donald Trump à vie du réseau social le plus influent du monde[1].

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« La vérification étendue à tous va démocratiser le journalisme et donner plus de pouvoir au peuple », a tweeté Musk dimanche dernier. Désormais plus question d’accorder le privilège d’authenticité de la coche bleue automatiquement aux seuls gouvernements, médias, personnalités politiques, culturelles : quiconque voudra certifier son compte le pourra pour… 8$ par mois. Il n’y a pas de petits profits… La députée américaine d’extrême gauche, Alexandria Ocasio-Cortez se plaint que Musk veuille s’en prendre à son compte ? « Qu’elle paie d’abord les 8$ », répond-il sèchement. « Le pouvoir au peuple: Votre compte recevra une coche bleue, tout comme les célébrités, les entreprises et les politiciens que vous suivez déjà », promet le nouveau patron. « Twitter doit devenir de loin la source d’information la plus fiable au monde. C’est notre mission. Les journalistes qui pensent qu’ils sont la seule source d’information légitime, c’est le grand mensonge ».

Oups ! Entre Elon Musk et les médias, ça n’a jamais été le grand amour. L’homme le plus riche du monde, catégorisé « autiste Asperger », pense sans doute comme Emmanuel Macron que les journalistes sont incapables de comprendre sa « pensée complexe ». Un euphémisme pour dire que les médias déforment tout au service de narratifs militants : réchauffiste, européiste, immigrationniste, woke, sans-frontière… L’homme qui a servi de modèle cinématographique à Tony Stark/Iron Man ne se cache pas de préférer Donald Trump à Joe Biden. Il vient d’inviter les Américains à voter Républicain lors des midterms pour l’équilibre des Pouvoirs. Ses tweets à lui sont souvent des déclarations de guerre envers l’establishment dont le progressisme est l’horizon indépassable. Parmi ses punchlines récents, il s’est plaint que plus aucune série sur Netflix ne soit digne d’attention tellement la plateforme de streaming est devenue le bras armé des minorités…

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Il est vrai qu’au fil du temps, à force d’avertissement, de suspension puis de bannissement des gens qui pensent mal, Twitter a développé un entre-soi toxique, chasse gardée de l’élite techno-mondialisée. Lors de l’élection présidentielle américaine, l’oiseau bleu a pesé de toutes ses ailes pour faciliter l’élection de Joe Biden. On se souvient du compte Twitter du New York Post, vénérable tabloïd conservateur new-yorkais bi-centenaire, bloqué pendant deux semaines alors que le Post exposait, à l’aide du contenu d’un laptop abandonné chez un réparateur, les turpitudes affairistes et sexuelles de Hunter Biden, le fils de Joe. Des informations validées entre-temps par le Washington Post. La simple mention de cette affaire (nonobstant toute preuve de corruption encore à démontrer) aurait fait perdre, selon certains sondages, un nombre important d’électeurs à l’actuel président démocrate qui n’aurait peut-être pas été élu. C’est dire le pouvoir de Twitter (sur Truth Social, son créateur, Donald Trump a 3 millions de suiveurs alors qu’il en avait 80 millions sur Twitter).

Le projet d’Elon Musk ? Que Twitter redevienne le temple de la libre expression. Stop au deux poids deux mesures qui bannit Trump mais maintient le compte d’autocrates tels l’Ayatollah Khamenei appelant à tuer les soldats américains. Pas non plus un déferlement de boue : les appels au meurtre, la haine brute resteront bannies – Twitter s’exposerait sinon à de lourdes astreintes notamment dans l’Union européenne qui n’offre pas à ses citoyens la protection du 1er Amendement à la Constitution des Etats-Unis. Mais, sous le règne de Musk, on aura le droit, même si c’est faux, de nier sans vergogne le réchauffement climatique anthropique, d’être persuadé que les Britanniques ont fait sauter Nordstream I, que l’élection présidentielle américaine de 2020 a été truquée ou que le vaccin ARN-messager contre le Covid-19 n’est pas si efficace qu’on le dit. On pourra aussi twitter sans risque de censure que Vladimir Poutine n’est pas Hitler pas plus que Volodymyr Zelensky n’est Churchill…

La liberté d’expression, ce n’est pas de tolérer ceux qui pensent comme vous mais Accepter ceux qui pensent autrement, même violemment.

Une rupture épistémologique face au camp du Bien. La liberté d’expression, ce n’est pas de tolérer ceux qui pensent comme vous mais d’accepter ceux qui pensent autrement, même violemment. Au risque de choquer, rappelons que mentir fait aussi partie de la liberté d’expression !

Elon Musk pourrait-il réconcilier les somewhere et les anywhere et les faire dialoguer à nouveau sur une plateforme de débats parfois sans concession mais sans peur dans le respect de chacun ? Un défi immense pour ce visionnaire qui veut nous convaincre que la conquête spatiale est le salut de l’humanité mais dont la brutale versatilité lui fait parfois casser son propre jouet… La direction précédente avait banni ou découragé les conservateurs et les réactionnaires ; il ne faudrait pas que le nouveau propriétaire fasse fuir les progressistes (par exemple vers Mastodonte) car sinon l’idée d’un carrefour planétaire des idées serait compromis…


[1] Parag Agrawal (directeur financier), Ned Segal (responsable des affaires publiques et juridiques) et les directeurs marketing, publicité, technologies, RH, éditorial et ventes.

Le Panthéon privé d’un grand découvreur

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En cette année 2022, qui s’achève et qui commémore les deux cent ans du déchiffrement des hiéroglyphes égyptiens par Jean-François Champollion, nous avons regretté que Monsieur Macron ne porte pas son choix sur cet homme, dont le destin fut lié à l’Egypte ancienne, pour être candidat à une panthéonisation qui aurait alors été symbolique.


Jean-François Champollion est le père de l’égyptologie moderne, qui a consolidé les bases de cette nouvelle discipline, lancée par l’expédition de Bonaparte en Egypte, dès 1799, et la découverte de la Pierre de Rosette.

Certes, nous saluons les évènements qui ont honoré la prouesse intellectuelle de Champollion à divers endroits sur le territoire national ; les expositions organisées ont permis aux visiteurs, et surtout aux jeunes générations, de découvrir ou redécouvrir la vie de cet éminent scientifique, digne enfant des Lumières.

Mais est-ce bien suffisant pour un homme de cette envergure?

Il serait alors le premier représentant de l’égyptologie moderne à entrer au Panthéon, ne serait-ce que partiellement. En effet, de son vivant, il émit à son frère ainé le souhait d’avoir une place, à côté de Fourier, qu’il estimait, au cimetière du Père Lachaise.

Ne pouvant aller à l’encontre de sa décision, sa panthéonisation serait concrétisée par une plaque honorifique. Tout comme Aimé Césaire en 2011, dont une fresque monumentale célèbre sa vie, sa dépouille reposant en Martinique, son pays natal.

Il n’est pas illusoire de constater une lente déconstruction de l’esprit national dans plusieurs domaines de notre société. Le Panthéon n’est pas épargné malheureusement.

Il semble qu’honorer nos compatriotes soit devenu désuet voire un acte nationaliste que l’on regarde de biais ; on préfère glorifier des symboles féminins, in situ dans le rapport transmis au Président Hollande en 2013 préconisant l’entrée de femmes au Panthéon afin de parvenir à une égalité des sexes. Ou l’on souhaiterait y voir plus de personnalités issues des minorités, d’où le choix porté sur Joséphine Baker. Sans remettre en cause la valeur et le courage de cette femme qui a tant fait pour la France.

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Champollion était bien un homme et un Français né à Figeac. Sans doute est-ce là sa faute ? Marie Curie fut choisie comme Immortelle, non pas parce qu’elle est une femme mais pour ses propres mérites. Pourquoi devrait-il en être autrement aujourd’hui ? L’essentiel, c’est de porter aux nues l’intelligence et le talent. C’est grâce à Champollion que nous pouvons flâner parmi les œuvres d’art des salles égyptiennes du musée du Louvre, apprécier l’obélisque de la Concorde. C’est grâce à lui que nous avons une meilleure conservation des pièces archéologiques, et une compréhension de la langue des anciens Egyptiens et du panthéon de leurs dieux égyptiens.

Aujourd’hui, la panthéonisation est devenue un acte politisé. Les présidents de la République veulent honorer «leur panthéon». Elle est la décision d’un seul homme, le reflet de leur conviction personnelle. Et c’est là que le bât blesse.

Cet acte hautement symbolique, le plus grand honneur national, doit rester un acte neutre, dénué de tout message politique et revenir à son but le plus simple et essentiel : honorer l’énergie créatrice de ces hommes qui ont marqué la France. Champollion, tout comme les Pharaons qui l’émerveillaient, peut prétendre à son immortalité dans le cœur des Français.

L’espion qui aimait les livres, de John Le Carré: le chant du cygne de l’espionnage

Juste avant de mourir, en décembre 2020, David Cornwell, alias John Le Carré, a chargé son fils Nick, lui-même romancier, de jeter un œil sur un manuscrit écrit depuis dix ans. Et de le jeter au feu si nécessaire. Le résultat est cet Espion qui aimait les livres, que notre chroniqueur a manifestement adoré : esprit tordu lui-même, il trouve dans les récits de double jeu de l’espionnage un mode d’emploi de la littérature, où ce que l’on écrit recèle, chaque fois, un double fond.


John Le Carré est donc parti retrouver Ian Fleming au paradis des espions-écrivains. Mais autant les œuvres (bien supérieures aux films qui en ont été tirés) du père de James Bond se lisent de façon limpide, autant celles de Le Carré recèlent, à chaque ligne, un trouble. Rien de ce qui est dit ne paraît franc du collier. Les HC (« Honorables Correspondants ») les plus doués, les plus fidèles, sont toujours susceptibles d’avoir trahi, sous le poids des horreurs rencontrées et des contraintes contradictoires, au fil de leur métier. Cet Edward Avon — nom shakespearien s’il en fut — est trop aimable, trop attentionné, trop transparent. Sa sollicitude envers un trader devenu libraire « dans une station balnéaire perdue sur les côtes du Suffolk » est suspecte. Ses relations londoniennes sont-elles juste des excursions extra-maritales ? Son épouse, jadis grande prêtresse des Services, qui meurt doucement d’un cancer, n’est-elle pas une couverture bien pratique pour excuser des déplacements bizarres de porcelaines Ming ? Et l’enquête diligentée par ces mêmes Services — qu’en d’autres livres Le Carré appelait Le Cirque, un sobriquet qui a fini par être adopté par le MI5 — vise-t-elle juste à éclaircir des points de détails — ou à révéler la corruption en profondeur d’une branche du renseignement gangrenée par les Etats arabes ?

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Autant de questions auxquelles Le Carré répondra à sa manière, en laissant en suspens un malaise global. Nick Cornwell a sa petite idée sur ce qui a retenu son père de publier ce livre de son vivant : « L’Espion qui aimait les livres présente une caractéristique inédite pour un roman de Le Carré : il décrit un service divisé entre plusieurs factions politiques, pas toujours bienveillant envers ceux qu’il devrait protéger, pas toujours efficace ou attentif, et en fin de compte, plus très sûr d’arriver à se justifier lui-même ». Bref, les espions ont du vague à l’âme.

On sait que Le Carré était profondément hostile à la guerre lancée par George Bush contre l’Irak — et qu’il méprisait Tony Blair pour avoir marché comme un caniche dans les pas du cow-boy américain. Il pensait que l’Angleterre aurait dû rester sur la ligne qui était la sienne entre 1776 (fin de la guerre d’indépendance américaine) et la reprise des hostilités en 1812 : les deux pays sont par nature des frères ennemis, et la guerre froide n’excuse rien. D’ailleurs, il n’y a pas d’amis, en politique.

L’Espion qui aimait les livres enfonce le clou, en faisant cette fois des guerres de Bosnie le pivot du schisme qui a conduit des agents à œuvrer contre leur pays. Il fustige avec férocité « l’Amérique déterminée à régir le Moyen-Orient quel qu’en soit le prix, sa tendance une guerre chaque fois qu’elle a besoin de gérer les répercussions de la précédente, l’OTAN comme relique de la guerre froide qui fait plus de mal que de bien, et la pauvre Grande-Bretagne qui la suit comme un toutou sans crocs ni maître parce qu’elle rêve encore de grandeur faute de se trouver un autre rêve… »

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Toute ressemblance avec des événements passés ou en cours est bien sûr fortuite. Toute ressemblance avec la France serait bien entendu du mauvais esprit…

En achetant un roman de 230 pages, vous acquerrez plusieurs volumes et de voluptueuses migraines.

Evidemment, l’intrigue est tordue à souhait. Mais c’est le propre des grands romans ou des grands films d’espionnage : rappelez-vous La Lettre du Kremlin, de John Huston — ou La Taupe, tiré en 2011 de la trilogie de Smiley (presque tous les romans de La Carré ont été adaptés au cinéma). Le monde de l’espionnage est une torsion sans fin du réel, que les maîtres-espions tentent de conformer à leur idée. C’est aussi un monde sans fin, où les Services s’épient, se tendent des chausses-trapes, jouent à retourner les agents de l’ennemi, qui retournent les leurs — si bien qu’ils ne savent plus, parfois, lorsqu’ils sont agents doubles ou triples, à qui vont leurs allégeances. Bienheureux les imbéciles et les médias, qui croient que la vérité est noire ou blanche : l’espion vit dans cinquante nuances de gris. Un bonheur de lecture, assurément, si comme moi vous savez lire au-delà des mots, et comprenez a priori que chaque phrase, dans l’œuvre d’un grand écrivain, recèle des sous-entendus, des pièges et des richesses qui font qu’en achetant un roman de 230 pages vous acquerrez plusieurs volumes et de voluptueuses migraines.

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Tant qu’il y aura des films

Présidé par l’ineffable Vincent Lindon, le jury du dernier Festival de Cannes est totalement passé à côté du nouveau film de James Gray. Il est des aveuglements qui valent adoubement. L’actualité cinéma.


Au père

Focus Features, LLC

Armageddon Time, de James Gray

Sortie le 9 novembre

On connaît la rengaine : « Nul n’est prophète en son pays ». Les Américains n’aiment guère les films de leur compatriote James Gray, pas plus d’ailleurs qu’ils ne comprennent vraiment notre engouement pour Hitchcock ou Woody Allen. Et pourtant, avec son premier film, Little Odessa, il a accompli les génuflexions nécessaires devant les statues de Coppola et Scorsese réunies : un film de mafia et tout allait bien ! Un écran de fumée plutôt, pour dissimuler une profonde nostalgie, une absence de fascination pour la violence et le goût pour les sujets intimes comme la famille et singulièrement les rapports père-fils. D’entrée de jeu, la distance s’est instaurée avec son public « local » et Gray est devenu à juste titre une nouvelle coqueluche européenne. D’autres films ont ensuite creusé ce premier sillon autant que cette première fracture, notamment le crépusculaire et superbe La Nuit nous appartient. Mais Gray est allé depuis bien au-delà de cette première inspiration de nature classique. Explorant des genres cinématographiques bien installés et leur imposant, comme il se doit, sa propre lecture stimulante, détonante et profondément attachante. On songe ainsi au film d’aventures tendance Les Aventuriers de l’Arche perdue : The Last City of Z, un merveilleux récit d’exploration bien loin de l’héroïsme un peu niais de Steven Spielberg. Le film de Gray se déploie comme un somptueux poème de l’échec qui se termine littéralement « au cœur des ténèbres », donnant au film son insondable mélancolie traversée par un couple père-fils bouleversant. Autre incursion dans la machine traditionnelle hollywoodienne : le film de science-fiction. Avec Ad Astra, c’est une tout autre histoire qu’il nous raconte. Une nouvelle fois, et dans ce contexte si particulier, il aborde les relations entre un père et son fils, entre passé et présent, sur fond de fin possible de l’humanité. On peut aussi évoquer l’utilisation parfaitement maîtrisée du mélo amoureux dans Two Lovers, porté par l’un des acteurs fétiches du cinéaste, Joachin Phoenix, pour ne pas dire son alter ego.

Armageddon Time vient peut-être clore cette première partie de la filmographie de Gray (huit films), du moins cette plongée dans les relations père-fils. Avec ce nouveau film, qui est une réussite absolue, il aborde frontalement la question en évoquant sa propre enfance, sa propre famille. Comme s’il était temps pour lui de parler à la première personne sans se dissimuler derrière des personnages de fiction. Le résultat est saisissant d’intensité et de dévoilement intime.

Nous sommes donc à New York dans les années 1980 et le jeune Paul Graff fréquente une école publique du Queens. Doué pour le dessin, il rêve de devenir artiste. Cancre à l’école, garnement chez lui, il n’écoute qu’Aaron son grand-père qui croit en lui. Il est aussi le meilleur ami de Johnny, un jeune Noir de sa classe, avec qui il fait littéralement les 400 coups (filiation truffaldienne absolument assumée et revendiquée par le très cinéphile et francophile James Gray). Gray décrit avec minutie l’Amérique post-Vietnam, avec son mythique disco déjà en déclin, à l’aube des années Reagan. La fin de l’enfance coïncide pour Paul avec le début d’une autre page de l’histoire des États-Unis dont nous savons tout désormais. La mort du grand-père tant aimé et admiré est la concrétisation de ce monde qui s’en va : c’est le génial Anthony Hopkins qui l’incarne avec une force sidérante. Gray filme avec infiniment d’émotion ce crépuscule, ce sentiment de finitude déchirant que nous avons tous vécu un jour ou l’autre. À quoi sert le cinéma ? À partager nos crépuscules intimes pour en atténuer collectivement, devant un grand écran et dans le noir, l’implacable et désolante rigueur.

À l’estomac

Affiche du film

Pacifiction – Tourment sur les îles, d’Albert Serra

Sortie le 9 novembre

C’était le grand ovni du dernier Festival de Cannes. Un film venu d’ailleurs donc, proposé par le réalisateur espagnol Albert Serra déjà connu pour quelques étrangetés cinématographiques, comme cette Mort de Louis XIV avec Jean-Pierre Léaud dans le rôle-titre. Cette fois, il fait plus simple, d’une certaine manière, mais en employant toujours et magnifiquement un acteur français. Ici, Benoît Magimel qui, depuis son rôle de collabo dans La Douleur d’Emmanuel Finkiel, fait des miracles au cinéma. Comme Claude Brasseur, l’âge et l’embonpoint aidant, il joue d’abord avec son ventre. Il faut le voir boutonner et déboutonner en permanence sa belle veste ivoire de commissaire du gouvernement français dans le Pacifique pour comprendre combien un film, c’est d’abord un corps dans un décor. On le suit, fasciné, empêtré dans des palabres sans fin. Il a la grâce.

Au passé

Affiche du film

Nostalgia, de Mario Martone

Sortie le 23 novembre

Avec son titre qui annonce clairement la couleur, le nouveau film du cinéaste italien Mario Martone met aussi en lumière un acteur de premier plan, Pierfrancesco Favino. On l’avait laissé dans le superbe film de Marco Bellocchio, Le Traître. On le retrouve cette fois dans la peau de Felice, de retour à Naples après un exil de quarante ans avec, dans ses bagages, un douloureux secret local lié à sa jeunesse criminelle. Devenu étranger dans sa propre ville et dans son propre pays gangréné par la mafia, il choisit de rester, contre toute attente et toute sagesse. Nul, pas même le clergé, ne résiste au portrait acide que fait Martone de cette société ultraviolente. Jouant sur les codes du récit de Caïn et Abel, le film déploie des allures de tragédie moderne. Rien ne semble pouvoir enrayer une machine fondée sur la vengeance et la loi du plus fort qui broient les êtres et les consciences.

L’administration Biden nous emmène vers un conflit dévastateur avec la Russie

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Les États-Unis ont essayé de changer les régimes dans certains pays : l’Afghanistan, l’Iraq, la Libye… Le résultat n’a jamais été une grande réussite. Si l’objectif aujourd’hui de Joe Biden est de changer le régime en Russie, on peut craindre le pire. Pourtant, il semble difficile aujourd’hui en Europe de débattre de cette question. Tribune libre d’Alain Destexhe, sénateur honoraire belge.


Faut-il revoir la politique européenne à l’égard de la Russie et de l’Ukraine ? Selon le chancelier Scholtz, « 20 à 30% (des citoyens allemands) n’approuvent ni la politique des sanctions ni les livraisons d’armes » et il ajoute, au Figaro, « qu’ils appartiennent à toutes les tendances politiques, de la CDU/CSU (droite démocrate chrétienne et conservatrice), du FDP (parti libéral démocrate), des Verts et même du SPD (parti social démocrate) ». En va-t-il différemment en France où le débat sur ces thèmes est inexistant, au parlement comme dans les médias ?

L’Administration Biden nous emmène vers un conflit dévastateur avec la Russie. A Washington, le but de la confrontation avec Moscou est désormais l’élimination de Vladimir Poutine et le changement de régime. Sur les chaînes de télévision, certains envisagent sérieusement sur le ton aimable du talk-show le scénario d’une guerre nucléaire, sans imaginer l’Armageddon qui en résulterait. La question de savoir qui remplacerait Poutine n’est jamais abordée. Après les changements de régime si « réussis » en Irak et en Libye ou ratés en Syrie, avec les dizaines de milliers de morts, les millions de réfugiés, le chaos et l’instabilité qui en ont résulté, qui peut croire que dans l’immense Russie un régime plus démocratique ou plus stable que celui de Poutine sortirait comme par magie du chapeau américain ?

Dans le meilleur des cas, un pouvoir ultranationaliste, agressif et revanchard s’imposerait. Dans le pire, la Russie exploserait comme l’Union soviétique en 1991, le Caucase serait à feu et à sang, des millions de réfugiés fuiraient en Europe (mais pas aux Etats-Unis) et elle deviendrait un foyer de terrorisme islamique. La Russie ou ce qu’il en resterait deviendrait le cauchemar de l’Europe. A une bien moindre échelle, les précédents de la Libye et de la Syrie avec le flux de réfugiés qui nous a amené les auteurs des attentats de Paris (2015) et de Bruxelles (2016), ne nous ont-ils rien appris ?

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Comme pendant la crise du Covid ou après la mort de Georges Floyd, le citoyen européen est soumis depuis le début de la guerre en Ukraine à un matraquage de propagande unilatérale par les « médias mainstream ». Avec la bénédiction de ceux-ci, les autorités qui ont tellement confiance dans le jugement de leurs électeurs, se sont empressées d’interdire la diffusion des médias russes RT et Spoutnik.

Disqualifié d’avance, le point de vue russe n’est que très rarement présenté au public. Il n’est jamais rappelé que la « révolution de Maidan » en 2014 fut en fait un coup d’Etat orchestré avec le soutien des États-Unis pour renverser un régime démocratique dont l’élection avait été validée par l’OSCE mais qui, aux yeux de Washington et de Bruxelles, présentait le grave défaut de ne pas vouloir choisir clairement entre l’Occident et la Russie. La destitution du président par la Verkhona Rada (le parlement) n’a pas respecté les formes légales (l’article 111 de la Constitution).  Depuis 2014, le régime de Kiev a refusé d’appliquer les accords de Minsk et tout fait pour que les citoyens russophones, progressivement privés de leur langue à l’école et dans les institutions, deviennent des citoyens de seconde zone. Moscou a pu légitimement se sentir alarmé par l’aide américaine fournie à l’Ukraine (sans parler de choses étranges comme la présence de laboratoires bactériologiques) et le refus des pays membres de l’OTAN, dont la France, d’affirmer que l’Ukraine n’en ferait jamais partie.

Pour Poutine, la crise ukrainienne ne commence pas en 2022 mais en 2014. Les préoccupations sécuritaires de la Russie n’ont jamais été prises au sérieux comme si, parce qu’ils sont des démocraties, forcément dans le camp du bien, les pays de l’OTAN ne pouvaient, par définition, représenter une menace pour quiconque. Poutine a-t-il pensé que sans une action préventive, l’Ukraine deviendrait inévitablement membre de l’OTAN ou qu’elle préparait avec le soutien de l’Occident une offensive pour reconquérir le Donbas ? On ne sait, mais si l’Occident avait refusé la perspective d’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN, on n’en serait probablement pas là.

Non, Poutine n’est pas Hitler. Il n’est pas sur le point d’envahir l’Europe et ne menace pas la paix dans le monde. Il ne s’en est jamais pris à la neutralité de la Finlande et de la Suède, aujourd’hui candidates à l’OTAN, pas plus qu’aux pays baltes, qu’il ne lui aurait pourtant fallu que quelques heures pour envahir. Peinant déjà à contrôler le Donbas, comment imaginer qu’il puisse étendre le conflit ailleurs en Europe, sauf peut-être en Moldavie où une partie de la population le soutient ? Non, il ne mène pas une « guerre totale à l’Ukraine » (Anne-Sophie Lapix), heureusement pour les populations ukrainiennes. Non, l’Ukraine n’est pas la Tchécoslovaquie de 1938 car, outre la limite des comparaisons historiques dont on abuse en France, le plan d’Hitler s’inscrivait dans un projet de supériorité raciale (dont on ne trouve aucune trace chez Vladimir Poutine) et de domination de l’Europe dont il n’a, contrairement à Hitler, ni la volonté ni les moyens. Non, Poutine ne semble ni fou, ni malade et faire la paix avec lui ne serait pas un nouveau Munich car il ne va pas envahir la Pologne en 2023 et la France en 2024 !

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A-t-on par ailleurs le droit de percevoir Zelensky dont on a oublié qu’il était cité dans les Panama Papers, comme un personnage dangereux, une marionnette aux mains des Américains, atteint d’hubris lorsqu’il fait la morale au monde entier pour nous entraîner dans sa guerre, prétend reconquérir la Crimée et refuser de discuter avec la Russie aussi longtemps que Poutine reste au pouvoir ? A-t-on également le droit de critiquer la stratégie militaire de l’Ukraine et de ne pas se réjouir lorsqu’elle s’en prend au pont de Crimée, le « phallus métallique de Poutine » selon Libération (!).  Au lieu de dénoncer cette escalade, nos médias s’en réjouissent et y voient un « camouflet pour Poutine toujours plus acculé » ou « le point culminant des revers russes en Ukraine ». Faut-il dès lors s’étonner que les représailles détruisent l’infrastructure électrique de l’Ukraine, épargnée jusque-là, et qu’en conséquence des millions d’Ukrainiens vont passer l’hiver dans des conditions affreuses. Avec des amis comme les médias occidentaux…

Qu’en est-il, dans ce contexte, de l’intérêt national et européen ? Comment expliquer que le sort de quelques provinces de l’Ukraine frontalières de la Russie, dont presque personne ne connaissait le nom il y a quelques années, soient devenues un enjeu si vital que les populations européennes subissent une chute brutale de leur niveau de vie ? Car, faut-il rappeler que ce n’est pas « la guerre en Ukraine » ou « l’agression de Vladimir Poutine » qui expliquent l’inflation délirante des prix de l’énergie, mais, pour l’essentiel, les sanctions occidentales et les représailles russes à ces sanctions. 

Et pourquoi ne pas accepter la partition de l’Ukraine ? La Serbie, le Soudan, la Tchécoslovaquie était bien des pays unitaires il n’y pas si longtemps. On rétorquera que la scission de cette dernière était souhaitée par les deux groupes ethniques, mais n’est-ce pas le cas, au moins depuis 2014, d’une partie des habitants de l’Ukraine qui ne se sentent plus citoyens de ce pays ? Et, faut-il le rappeler, jamais dans l’histoire des sanctions n’ont abouti à la chute d’un régime, mais elles appauvrissent démesurément les citoyens européens et détruisent inutilement son industrie déjà si menacée par la Chine. Et qui le sera encore davantage lorsque la Chine et la Russie auront achevé la construction d’un double pipeline reliant ces deux pays, le prix d’achat du gaz ayant été négocié très favorablement par la Chine, ce qui anéantira un peu plus l’industrie européenne. A-t-on déjà vu en temps de paix (car selon la ritournelle, « nous ne sommes pas en guerre avec la Russie »), des dirigeants prêts à payer leur politique par la ruine de leurs économies et de leur population alors qu’aucun intérêt vital, ni même stratégique n’est en jeu ? En passant, les sanctions renforcent des pays aussi démocratiques que la Chine, l’Iran ou le Venezuela ou des autocraties islamiques dont le caractère autoritaire nous indiffère désormais. La défense de la démocratie est à géométrie très variable !

L’euro est au plus bas face au dollar. Les sanctions et les tensions pénalisent l’Europe mais guère les États-Unis qui en bénéficient dans au moins trois domaines : la production et l’exportation d’armements, de gaz et de pétrole ainsi que de denrées alimentaires. Ils ne seront pas aux premières loges si le conflit s’étend ou si l’Europe est confrontée à un nouvel afflux de réfugiés. Et alors que la Russie n’avait aucun intérêt à détruire les pipelines Nordstream, comment interpréter la déclaration du Secrétaire d’Etat Blinken voyant dans ceux-ci une « formidable opportunité » de réduire les importations européennes de gaz de Russie ? Et pourquoi refuser à la Russie de participer à l’enquête internationale alors que raisonnablement les soupçons pointent vers les États-Unis et le Royaume Uni ? Les Américains sont-ils vraiment ici nos alliés et nos amis ?

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L’Occident a l’art de se faire des illusions, de saper ses propres intérêts et de se faire détester dans le monde. Poutine n’est pas si isolé que le disent les médias occidentaux. La Chine, l’Inde et le Brésil (40% de la population mondiale) se sont abstenus lors du vote du Conseil de sécurité visant « à ne pas reconnaître une pseudo-annexion des quatre régions ukrainiennes par la Russie ». En mars, lors du vote de l’Assemblée générale sur l’Ukraine, 22 pays africains ont fait de même ou n’ont pas participé au vote. Pourquoi devraient-ils penser que l’Ukraine est plus importante que les conflits au Yémen, en Éthiopie ou au Sahel ?

Croit-on sérieusement que les gouvernements et les populations des nombreux pays qui sont menacés de pénuries alimentaires voire de famine et voient les prix des denrées alimentaires et de l’énergie s’envoler, remercient l’Occident pour sa « fermeté » face à la Russie ? Croit-on sérieusement que la Chine, bien engagée dans la course pour la domination mondiale, trop heureuse de voir une Russie culturellement plus proche de l’Occident dépendre d’elle, va se distancier de la Russie comme on a pu le lire ici ou là ? 

Si, comme le dit Elisabeth Borne, « la France veut rendre le coût de la guerre insupportable pour la Russie », il ne faut pas s’étonner que la Russie veuille rendre le coût de l’énergie insupportable pour les Français !  En Janus, Macron affirme qu’il faut « accepter de payer le prix de notre liberté et de nos valeurs », mais ces dernières ne sont nullement mises en péril par la Russie. Nous ne sommes ni dans les années 30, ni dans une guerre froide contre le communisme. En revanche, notre prospérité est, elle, directement menacée de même que notre sécurité si l’on suit les va-t’en guerre de Washington.

Dans l’intérêt de l’Europe et des Européens, il faut refuser le jusqu’au-boutisme de Zelensky, négocier avec la Russie la partition de l’Ukraine et lever les sanctions. A ce stade, une solution diplomatique est préférable à l’enlisement ou à l’escalade du conflit que Washington encourage. Ce ne serait pas moins louable que les Accords de Dayton qui ont mis fin à la guerre de Bosnie, consacrant une partition de fait, ou que l’indépendance du Kosovo, imposée par la force à la Serbie. Et au moins faudrait-il accepter d’en débattre, ce qui ne semble plus possible dans nos chères « démocraties ».

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Pierre Messmer, zadiste.

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Il y a cinquante ans, Messmer imposait en matière d’économies d’énergies des mesures drastiques et de bon sens. Et personne ne criait à la dictature…


Pierre Messmer était-il une taupe écologiste ? Toujours est-il que le 30 novembre 1973, le Premier ministre de Georges Pompidou annonçait une série de mesure aux Français, digne d’une dictature verte : « Il nous faut économiser l’essence auto [oui on parlait encore comme ça en 1973]. Nous allons donc limiter la vitesse à 90 kilomètres à l’heure sur toutes les routes de France et à 120 kilomètres à l’heure sur les autoroutes ». Et pour faire bonne mesure, il annonce que « les courses automobiles et les rallyes seront jusqu’à nouvel ordre suspendus». Autre cible visée, le transport aérien : « Nous avons donné instruction aux compagnies de transport aérien de limiter au strict nécessaire la fréquence de leurs liaisons sur les principales routes aériennes. Étant entendu que, s’agissant de routes internationales, nos compagnies prendront leurs décisions en accord avec les compagnies étrangères».

Il met le pays à la diète thermique : « Une grande partie de l’électricité est produite par des centrales au fioul. L’EDF est d’ailleurs le principal consommateur de pétrole en France». Et annonce « l’interdiction entre 10 h du soir et 7h du matin de la publicité lumineuse, l’éclairage des vitrines des magasins et les illuminations des monuments publics, sauf le samedi soir et pendant la période des fêtes». Autre interdiction, «tous les jours, de 10 h du soir à 7 h du matin, l’éclairage des immeubles et en particulier des tours à usage de bureaux lorsque ces bureaux sont inoccupés».  Même la télévision est dans le viseur. Il ordonne à l’audiovisuel public «d’interrompre ses émissions chaque soir à 11h du soir, sauf le samedi et pendant la période des fêtes ».

C’était la réponse apportée au premier choc pétrolier consécutif à la victoire d’Israël dans la guerre du Kippour et aux représailles des pays de l’OPEP qui avaient fermé les robinets.

Etrangement, pas d’émeutes, pas de braiement des lobbies d’automobilistes, pas de pleurnicheries patronales, pas de hurlements de l’opposition ou des syndicats. Tout le monde comprend qu’il s’agit de mesures de bon sens.

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Peut-être étions-nous encore dans une France qui se souvenait encore, comme si c’était hier, des restrictions de l’après-guerre et des cartes de ravitaillement. Peut-être un semblant d’honnêteté intellectuelle et d’intelligence politique faisaient comprendre à tous que n’importe quel gouvernement dans cette situation aurait réagi de la même manière que ce gaulliste pragmatique qui n’hésitait pas à « emmerder les Français ». Je reprends là une citation de Pompidou, « Cessez d’emmerder les Français », que la droite et Macron (maintenant c’est la même chose) adorent sortir à tout bout de champ à la moindre réglementation.

On s’est d’ailleurs aperçu que ces mesures prises sous la pression d’événements extérieurs ont eu des effets collatéraux heureux. C’est à partir de ce moment là que le programme nucléaire s’est intensifié et accéléré, d’une part, et que d’autre part on a commencé à penser à la sécurité routière comme un impératif national en s’apercevant que la limitation de vitesse diminuait drastiquement le nombre de morts.

Messmer aujourd’hui, aurait dit « plus de chaines infos ni de Netflix à partir de 22 heures».

Inutile de dire que dans des conditions similaires, cinquante ans plus tard avec guerre en Ukraine, les prix de l’essence auto qui explosent, la nécessité impérieuse de limiter les rejets de CO2 pour sauver le climat, le consensus dégagé par Messmer serait impossible. On a flirté avec la guerre civile quand Edouard Philippe a décidé de la limitation à 80 sur les routes, on crie avant d’avoir mal à la perspective de la création des zones à faibles émissions dans 25 grandes métropoles et on voudrait passer par les armes la proposition de Yann Arthus-Bertrand et de neuf co-signataires de limiter la vitesse sur les autoroutes à 110. On hurle à l’atteinte aux libertés individuelles. Mais de quelles libertés individuelles parle-t-on ? De mourir d’un accident de la route, de faire partie des statistiques de la surmortalité liée à la pollution ?

Allons, allons, Messmer aujourd’hui, aurait dit « plus de chaines infos ni de Netflix à partir de 22 heures». Là aussi, on pourrait trouver des effets collatéraux vertueux : lire, faire l’amour (les chiffres sur l’effondrement de la sexualité sont affolants), caresser son chat, boire un coup avec les voisins. Messmer, reviens, nous sommes devenus fous !

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Midterms: Joe Biden sera-t-il désavoué?

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Les élections de mi-mandat aux États-Unis, ce 8 novembre, sont scrutées avec une attention particulière car elles sonnent comme un referendum pour ou contre Joe Biden. Analyse du groupe de réflexion, Le Millénaire.


Le développement de la puissance chinoise, capable de concurrencer les États-Unis sur l’ensemble des segments, a créé une attente spécifique des électeurs américains qui attendent un plan pour faire face à ce nouveau défi. Même si Joe Biden n’est pas l’unique responsable de ce long déclin, il doit composer avec des électeurs déçus par la perte de l’hégémonie américaine. De plus, le retrait raté d’Afghanistan a durablement entaché sa popularité.

Selon Pierre Clairé, directeur adjoint des Études du Millénaire, « le fiasco du retrait d’Afghanistan est l’événement est le plus marquant des premiers mois de la présidence Biden. Il a eu des effets dévastateurs pour les Démocrates et le président lui-même. L’échec afghan signe pour Joe Biden la fin d’une cote de popularité de plus 50% et pourrait assurer aux Républicains une victoire lors des midterms ». Si les derniers sondages créditent Joe Biden d’une popularité de 41%, ils montrent aussi que 53% des Américains sont mécontents de son action.

Des élections défavorables pour le pouvoir en place

Généralement, ce scrutin est une forme de référendum pour juger l’action du président en place. Ainsi, les midterms désavantagent l’exécutif qui a un bilan à défendre. Concrètement, depuis 1945, seulement quatre élections de mi-mandat ont vu le parti au pouvoir augmenter son nombre de sièges au Sénat et seulement deux élections en ce qui concerne la Chambre des représentants. Ainsi, en raison de la composition actuelle très serrée des deux chambres, les statistiques penchent pour une perte de contrôle des Démocrates. Selon Emeric Guisset, Secrétaire général adjoint du Millénaire, «conscient de cette tendance de fond défavorable, Joe Biden et les Démocrates ont essayé de renverser ce désavantage en faisant des midterms, non pas un référendum sur leur bilan, mais sur l’éventuel retour de Donald Trump. Les Démocrates misent sur le rejet de l’ancien président et la remise en cause du droit à l’avortement pour inciter les électeurs démocrates à voter».

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Mais depuis la rentrée, les États-Unis sont frappés par une forte inflation qui inquiète les Américains. Cette dégradation de la situation économique du pays a pour effet de remplacer au cœur de la campagne la question sociétale par la question économique. L’inflation et la crise énergétique ont conduit l’opinion américaine à revenir vers les Républicains pour plébisciter la vision « America First » portée par Donald Trump.

Les scenarii possibles

1er scénario : Les Républicains remportent la Chambre des représentants mais le match au Sénat se jouera lors d’une élection spéciale en Géorgie le 6 décembre prochain. Cette hypothèse repose sur l’accumulation de plusieurs éléments :

  • L’électorat démocrate se mobilise davantage que ce qui est indiqué dans les sondages.
  • L’électorat soutient une victoire républicaine sans pour autant avoir un raz-de-marée.
  • La politique de Joe Biden est rejetée majoritairement par les Américains mais pas par l’électorat démocrate qui y trouve son compte. Dans cette hypothèse, les Démocrates pourraient remporter 49 sièges au Sénat contre 50 pour les Républicains, sachant que tout se jouera lors de l’élection spéciale en Géorgie. Nous projetons en revanche une victoire claire des Républicains à la Chambre des représentants avec une moyenne de 230 sièges.

2ème scénario (le plus probable selon les sondages) : Les Républicains remportent la Chambre des représentants et le Sénat. Cette hypothèse repose sur l’accumulation de plusieurs éléments :

  • L’élection se joue davantage sur l’économie, l’inflation et la sécurité que sur les sujets sociétaux comme l’avortement, et cela provoque une bascule des électeurs indépendants, de la classe moyenne et des travailleurs chez les Républicains.
  • Cela donnerait ainsi un Sénat avec 48 sièges Démocrates ou indépendants et 51 Républicains. Dans cette hypothèse, l’élection en Pennsylvanie serait serrée, comme en 2020, lors de l’élection présidentielle entre Joe Biden et Donald Trump. Toutefois, les Républicains contrôleraient le Sénat quoiqu’il arrive et cela qu’importe le résultat en Pennsylvanie. Nous projetons une victoire des Républicains au sein de la Chambre des représentants avec une moyenne de 235-240 sièges.

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3ème scénario (privilégié par Le Millénaire) : On assisterait à une vague rouge (« Red Wave »). Les Démocrates seraient écrasés par les Républicains qui remporteraient une large victoire à la Chambre des représentants mais également au Sénat. Cette hypothèse repose sur plusieurs éléments :

  • L’élection se joue davantage sur l’économie, l’inflation et la sécurité que sur les sujets sociétaux comme l’avortement.
  • Cela provoque une bascule des électeurs indépendants, de la classe moyenne et des travailleurs chez les Républicains.
  • L’élection devient un référendum contre la politique de Joe Biden provoquant une sur-mobilisation de l’électorat républicain et une démobilisation des supporters Démocrates. Selon William Thay, président du Millénaire, « cela permettrait d’amplifier la victoire des Républicains en raison de la domination des questions économiques sur les questions sociétales et provoquerait une véritable déroute du camp démocrate ». Dans cette hypothèse, le Sénat pourrait compter 44 à 46 sièges Démocrates contre 54 à 56 sièges Républicains, ces derniers ayant une double incertitude dans l’État de Washington et dans le Colorado.
  • On pourrait aussi voir un raz-de-marée Républicain au sein de la Chambre des représentants avec au moins 250 sièges. « Dans cette hypothèse, ajoute William Thay, les Démocrates sont quasiment sûrs de perdre la prochaine élection présidentielle et tout sera remis en cause. Nous assisterons à une bataille pour le leadership entre l’aile centriste (Obama, Biden, Pelosi) contre l’aile gauche (Ocasio-Cortez, Sanders, Warren) et il n’est pas sûr que Joe Biden puisse se représenter en 2024. De plus, il est ainsi probable que Donald Trump soit le candidat des Républicains et donc le favori de la prochaine élection présidentielle ».

Moi, c’est de l’Assemblée nationale dont j’ai honte!

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Vilénies politiques, refus d’unité pour le bien commun, indignations à outrance : l’Assemblée nationale ne représente plus la nation.


Honte de ces tumultes permanents, honte de ces calculs politiques qui empêchent de voter quoi que ce soit au nom de l’intérêt général si cela nuit aux petits calculs personnels, honte de ceux qui ne veulent pas s’allier l’espace d’un vote dont le pays a besoin, honte d’un marketing dont aucune marque ne voudrait, fait de dénigrement de l’autre, honte de partis dans lesquels il est impossible de se reconnaitre, honte des troublions qui cherchent le buzz avec des médias complices de ce qui peut faire de l’audience, honte des provocations permanentes, honte de la disparition de la nuance qui apparait comme une trahison…

Qu’un député parmi d’autres ait eu une interpellation navrante en répondant à un exposé sur le danger réel que courent les migrants sur les mers est une chose, que l’Assemblée nationale en profite pour se donner bonne conscience en hurlant à qui mieux mieux est désespérant en termes d’image. Et surtout, à cette occasion la manipulation de l’Assemblée elle-même, consistant à faire d’une réflexion très malvenue, une insulte raciale ad nominem discrédite toute forme d’éthique ! Car personne ne semble maintenant en douter, c’était bien aux bateaux auxquels cette injonction de retourner en Afrique était lancée, d’ailleurs la nature de l’article juridique évoqué pour la punir est en cela significative. Une manipulation grave pour la neutralité supposée du parlement visant à mieux qualifier de racisme cette intervention qui tombait bien pour se donner bonne conscience et s’obstiner à nier un parti démocratiquement élu, en le renvoyant indéfiniment dans son camp « nazi » et extrémiste. Droite ou extrême-droite, c’est la droiture qui est la meilleure des politiques !

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Oui, cette réflexion est désolante, et en ce lieu et à la cantonnade, mais vouloir en faire plus sur le sujet contribue au désarroi du pays. C’est justement comme cela que l’on rend nos concitoyens extrémistes ! Leur ressenti et ce qu’ils se disent entre eux au café du commerce, ils ne veulent pas l’entendre à l’Assemblée nationale et c’est bien ; mais ils ne veulent pas non plus la négation de leurs opinions et de leurs votes témoignant de leur inquiétude sur l’immigration. Trop d’indignation affichée exacerbe les choses.

Et puis qu’est-ce que ces tribunaux d’un autre temps ? Ce règlement étrange consistant à priver un parlementaire de la moitié de son salaire pendant 2 mois ! Quel rapport avec son outrance quelle qu’elle soit ? Imaginons une entreprise ou une association ou l’on applique ce type de sanction ?   

Si le crime est si grave, la solution est simple : il faut renvoyer l’élu coupable devant ses électeurs : ce sont eux qui jugeront et décideront s’ils veulent le réélire ou le punir

Et si c’est l’indiscipline et le trouble causé à la séance qui sont en cause, c’est tous les jours qu’il faut mettre des amendes, et ils seront nombreux à être taxés, mais l’extrême-gauche fait de sa mauvaise tenue et de ses outrances un étendard populaire méprisant pour le peuple qui ne se définit pas par un débraillé et une contestation de cancres dans une classe insoumise.

Tout ce qui est excessif est insignifiant… et notre parlement devient insignifiant, il ne représente plus la nation particulièrement inquiète en ce moment, et c’est grave pour la République.

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Il ne suffit parfois que d’un mur qui tombe

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Dans la cantine d’une université au sud de l’Iran, des étudiants ont fait chuter la cloison qui séparait les jeunes femmes des jeunes hommes. Cette action, diffusée grâce à une vidéo virale, inspirera peut-être d’autres mouvements en Iran.


Ce mur ne divisait aucune ville en deux, ne suivait aucune frontière nationale. Ce n’était tout au plus qu’une paroi de contreplaqué dans une cantine d’université. Un vulgaire assemblage de plaques de bois usées. Un élément de décor devenu invisible, comme l’était en son temps le siège de bus de Rosa Parks. L’Histoire a parfois l’espièglerie de se servir d’objets d’apparence futile…

Le 30 octobre, les étudiants de l’université des sciences d’Hormozgan, de la ville de Bandar Abbas, dans le sud de l’Iran, ont renversé la fine paroi qui séparait les filles des garçons dans leur cantine – la mixité y étant interdite – en criant tous en coeur : « Femme, vie, liberté ! »

Nous sommes aujourd’hui tant noyés dans un torrent d’images qu’on en vient à souhaiter à de simples vidéos amateures comme celles qui montrent cet événement d’avoir la chance d’éclipser toutes les autres, de faire une brillante carrière en ligne et de gagner rapidement la réputation historique qu’elles méritent.
Quand on connaît la portée symbolique d’un mur qui tombe… Pourvu que celui-ci ne nous déçoive pas !

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On se prend à rêver que dans quelques années, il y aura en Iran, dans chaque cantine d’université du pays, une longue ligne de petits carrelages posés par terre, au milieu de la pièce, pour rappeler qu’autrefois, une génération courageuse d’étudiants a osé défier la dictature des mollahs, en réclamant simplement le droit de déjeuner avec tous ses camarades de cours, sans distinction. Les noms de ces étudiants seront inscrits l’un après l’autre le long de cette ligne et les nouvelles générations auront l’impression de les connaître par cœur.

Naïves, cheveux au vent, les jeunes adolescentes iraniennes se demanderont comment leurs aïeux ont pu laisser perdurer aussi longtemps la ségrégation sexuelle, s’il suffisait d’abattre une simple paroi dans une université pour que leur monde change…

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On se prend à rêver que se tiendra un jour, au coeur d’un parc de Téhéran, une grande paroi vitrée sur laquelle auront été creusées les lettres formant les trois mots : Femme, Vie, Liberté. De chaque côté de la vitre, l’artiste aura eu le bon goût de placer quelques chaises et tables de cantine.

En hommage à l’événement, des reproductions du monument seront érigées dans de nombreuses villes d’Europe, d’Amérique ou d’Afrique.
Ils connaîtront eux aussi leur part de gloire quand des femmes de tous pays décideront, dans un même mouvement, d’y déposer leur voile en silence, paisiblement et courageusement. Un acte solidaire et libérateur ; comme un dernier adieu à cette escroquerie théocratique. On imagine déjà les chaînes d’infos, aussi enthousiastes qu’embarrassées, diffusant les images des monuments recouverts de tissu noir à travers le monde…

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Comme tout symbole fort, le petit mur tombé aura aussi ses martyrs.

Un malheureux militant qatari écopera d’une centaine de coups de fouets pour avoir collé sur la baie vitrée d’une boutique de luxe, dans un centre commercial ultra-climatisé de Doha, les mots : Femme, Vie, Liberté.
De retour chez elle, une femme ayant vaillamment déposé son voile sur le monument de Bruxelles sera rouée de coups par son mari.

Certains pays verront même les parois de leur cantine s’épaissir quand des zélotes locaux, paniqués à l’idée de voir filles et garçons rire à la même table, proposeront de rajouter eux-mêmes une deuxième paroi à la première. Histoire de rappeler que chez eux, on ne change pas les règles aussi facilement qu’en Iran…

Qu’importe : d’autres étudiants se souviendront de la vidéo des jeunes Iraniens en action qu’ils avaient vue sur Instagram et redoubleront de coups de pieds.

Bien sûr, tout cela n’est qu’un rêve… Mais est-il si loin de pouvoir se réaliser ?

Remis en liberté

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Les Carnets d’Ivan Rioufol: Lola, c’est la France des gens ordinaires, des oubliés. Or cette société des modestes et des taiseux indiffère les experts, les sondeurs, les commentateurs du cercle de la Raison. Cette France-là ne fait pas du pouvoir d’achat l’unique centre de ses préoccupations.


Allez ! Réveillons-nous ! Emmanuel Macron espère pouvoir continuer à dissoudre le peuple docile dans un monde ouvert, éthéré, indifférencié. Le pouvoir a déjà réussi à anesthésier le pays par ses peurs fabriquées autour du climat, du Covid, du populisme, des parias. Les Français inquiets biberonnent aux aides cotonneuses de l’État nounou : il prodigue ses soins  (dites : « care ») à des enfants souffreteux. Un somnambulisme gagne progressivement la société. Elle a déjà renoncé à descendre spontanément dans les rues, sinon à la marge, depuis l’épisode décevant des Gilets jaunes il y a quatre ans. Plus généralement, une partie de la France est atteinte du « syndrome Bartleby », du nom du héros déprimé de Melville. Bartleby est un copiste méticuleux employé par un notaire de Wall Street dans la deuxième moitié du XIXe siècle. Peu à peu, le clerc taciturne s’enferme dans une aboulie qui le rend immobile. « I would prefer not to », répète-t-il dans une protestation passive : il se laissera mourir. La France zombifiée connaîtra ce destin si rien ne vient la sortir de l’hébétude.

La colère sourde est partout. Elle peut faire valdinguer les puissants.

Mais tout n’est pas perdu. Les Français peuvent encore envoyer paître les prétendus enchanteurs qui, durant ces Trente Calamiteuses, ont conduit au déclin de la nation. Le pouvoir n’est d’ailleurs plus si tranquille, en dépit de ses autosatisfactions. Rien n’est plus calme qu’un dépôt d’explosifs une seconde avant la déflagration. Dans son dernier passage télévisé, Emmanuel Macron a voulu évoquer « la grande bascule », liée aux transitions démographique, écologique, sociétale. Mais c’est « la grande bouscule » qui s’est précipitée à ses lèvres dans un lapsus prophétique. Car, oui, la colère sourde est partout. Elle peut faire valdinguer les puissants. Certes, elle ne s’exprime plus dans des démonstrations de masse. Cependant, elle est palpable à chaque coin de rue. Elle ne répondra pas aux mots d’ordre de l’extrême gauche déphasée : la « Marche contre la vie chère et l’inaction climatique », le 16 octobre, n’aura rassemblé que les nostalgiques de la lutte des classes et de la révolution prolétarienne, plus quelques wokistes. Mais gare aux blessures sentimentales d’un vieux peuple blessé et idéaliste !

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Le martyr de Lola, 12 ans, est de ces coups au cœur qui peuvent sortir un pays du coma et faire rejaillir l’indignation des désabusés. Lola, c’est Jacques Demy filmant sa Nantes natale et le quai de la Fosse des années 1960. Lola, c’est aujourd’hui l’image de cette petite fille blonde aux yeux bleus, semblables aux yeux bleus de l’enfant grec de Chio qui pleure, dans le poème de Victor Hugo, son île ruinée et endeuillée par les Turcs. Lola, c’est la France des gens ordinaires, des oubliés. Or cette société des modestes et des taiseux indiffère les experts, les sondeurs, les commentateurs du cercle de la Raison. Cette France-là ne fait pas du pouvoir d’achat l’unique centre de ses préoccupations. Elle est parcourue des sentiments d’abandon et d’injustice qu’éprouvent ceux qui constatent l’imposture de l’« État protecteur ». N’a-t-il pas renoncé à faire obstacle à une immigration de masse qui laisse trop souvent entrer le pire ? Lola porte une émotion. Son calvaire suscite une douleur d’autant plus contagieuse qu’elle est méprisée par les dénégationnistes. Ils exigent d’oublier le crime au nom du respect du deuil et de la « décence ». Pour eux, pleurer l’enfant, tuée par une jeune Algérienne en situation irrégulière, est faire le jeu de l’« extrême droite ». Ces vautours-là, qui dissimulent les désastres de leur culte de la diversité, détestent le peuple sentimental. Ce sont des brutes.

Eh bien soit ! Que ces cœurs bétonnés, insensibles aux douleurs de l’âme, continuent comme ça ! Les faux gentils ont le visage borné de la censure. Ce sont eux qui empêchent, depuis des décennies, la France de respirer à l’air libre. Rien n’est plus rageant que ces marchands de morale qui se précipitent pour dénoncer politiquement des « féminicides » ou qui brandissent le portrait de George Floyd, mais interdisent de pleurer un crime rendu possible par l’État désinvolte. Dans Le Figaro du 15 octobre, Pierre Manent notait très justement : « Je n’ai jamais vu aussi peu de liberté individuelle qu’à notre époque […]. Aujourd’hui, toutes les institutions, les universités, les médias d’État sont en proie à la même idéologie progressiste. L’opinion dominante n’a plus d’ennemis ». C’est ce monde de faussaires, de lâches, de traîtres qui doit être renversé. Lamartine avait lancé la révolution du mépris. Il est temps qu’elle s’applique à ceux qui dictent le discours officiel et décrètent les excommunications.

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L’heure des comptes a sonné. Je ne veux pas croire mes compatriotes irrémédiablement gagnés par l’aquoibonisme. Je les sais, pour beaucoup, attachés à la préservation de leur nation et au destin de son peuple maltraité. La France silencieuse des provinces et des classes moyennes n’est pas prête à se laisser remplacer. Elle est à l’affût du signal. Or le moment est venu pour les Français amers, honteux de leur sort et de leur renoncement, de se lever et de dénoncer les malfaisants et les calomniateurs. Le moment est venu de dire : ça suffit ! Les idéologues du vivre-ensemble et du sans-frontiérisme, dont beaucoup ont leur carte de presse, n’ont pas seulement tué Lola en laissant venir sa mort. Ils ont saccagé l’école, fracturé la cohésion nationale, rendu la vie perpétuellement conflictuelle. C’est pourquoi ils redoutent la propagation de l’exaspération des lucides.

L’irresponsabilité politique doit aussi pouvoir être sanctionnée par un juge.

Ces casseurs doivent répondre de leurs actes, y compris devant la justice administrative ou civile, comme je le suggérai dans ma chronique précédente. Depuis, l’État a été condamné par le Conseil d’État à une astreinte de 20 millions d’euros pour n’avoir pas fait respecter ses normes, sur la qualité de l’air en l’occurrence. Le sénateur LR Bruno Retailleau envisage de porter plainte contre l’État, pour non-assistance à la France en danger. Oui, l’irresponsabilité politique doit aussi pouvoir être sanctionnée par un juge. Au nom du peuple français réveillé.

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Elon Musk aux commandes de Twitter : le peuple de nouveau souverain

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Jaap Arriens/Sipa USA/SIPA / SIPAUSA30329397_000003

Le patron de SpaceX redonne le pouvoir au peuple en rétablissant la liberté d’expression et en abolissant le «deux poids, deux mesures» sur Twitter.


Pour Elon Musk, « les journalistes qui pensent qu’ils sont la seule source d’information légitime, c’est le grand mensonge ».

Le nouveau patron de Twitter veut rendre le pouvoir au peuple. Panique dans le Landerneau politico-médiatique, gardien du Temple de la « bonne pensée » qui se croyait propriétaire de la plateforme… Mais l’oiseau bleu sera-t-il vraiment plus libre sous le règne de Musk ?

« Les progressistes s’indignent de la prise de pouvoir d’Elon Musk sur Twitter. Ils s’inquiètent de la possibilité d’un marché libre des idées, parce qu’ils savent que les leurs sont minoritaires dans l’opinion. Ils ne survivent que grâce à la censure de leurs opposants », a twitté Eugénie Bastié, du Figaro, le 28 octobre 2022.

Il a suffi en effet de huit jours pour que le réseau social qui gazouille soit désormais qualifié de « controversé ». Pensez donc : le milliardaire Elon Musk, d’origine sud-africaine, qui veut mettre des puces dans notre cerveau pour le mettre à hauteur de l’Intelligence artificielle a finalement racheté Twitter. Il est arrivé au QG portant un lavabo (« sink » qui veut dire « couler » mais aussi « nettoyer », « mordre à pleine dent » ou « planter un poteau dans le sol ») et s’est empressé de virer la moitié des employés et du conseil d’administration : ceux qui eurent l’idée de génie de bannir Donald Trump à vie du réseau social le plus influent du monde[1].

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« La vérification étendue à tous va démocratiser le journalisme et donner plus de pouvoir au peuple », a tweeté Musk dimanche dernier. Désormais plus question d’accorder le privilège d’authenticité de la coche bleue automatiquement aux seuls gouvernements, médias, personnalités politiques, culturelles : quiconque voudra certifier son compte le pourra pour… 8$ par mois. Il n’y a pas de petits profits… La députée américaine d’extrême gauche, Alexandria Ocasio-Cortez se plaint que Musk veuille s’en prendre à son compte ? « Qu’elle paie d’abord les 8$ », répond-il sèchement. « Le pouvoir au peuple: Votre compte recevra une coche bleue, tout comme les célébrités, les entreprises et les politiciens que vous suivez déjà », promet le nouveau patron. « Twitter doit devenir de loin la source d’information la plus fiable au monde. C’est notre mission. Les journalistes qui pensent qu’ils sont la seule source d’information légitime, c’est le grand mensonge ».

Oups ! Entre Elon Musk et les médias, ça n’a jamais été le grand amour. L’homme le plus riche du monde, catégorisé « autiste Asperger », pense sans doute comme Emmanuel Macron que les journalistes sont incapables de comprendre sa « pensée complexe ». Un euphémisme pour dire que les médias déforment tout au service de narratifs militants : réchauffiste, européiste, immigrationniste, woke, sans-frontière… L’homme qui a servi de modèle cinématographique à Tony Stark/Iron Man ne se cache pas de préférer Donald Trump à Joe Biden. Il vient d’inviter les Américains à voter Républicain lors des midterms pour l’équilibre des Pouvoirs. Ses tweets à lui sont souvent des déclarations de guerre envers l’establishment dont le progressisme est l’horizon indépassable. Parmi ses punchlines récents, il s’est plaint que plus aucune série sur Netflix ne soit digne d’attention tellement la plateforme de streaming est devenue le bras armé des minorités…

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Il est vrai qu’au fil du temps, à force d’avertissement, de suspension puis de bannissement des gens qui pensent mal, Twitter a développé un entre-soi toxique, chasse gardée de l’élite techno-mondialisée. Lors de l’élection présidentielle américaine, l’oiseau bleu a pesé de toutes ses ailes pour faciliter l’élection de Joe Biden. On se souvient du compte Twitter du New York Post, vénérable tabloïd conservateur new-yorkais bi-centenaire, bloqué pendant deux semaines alors que le Post exposait, à l’aide du contenu d’un laptop abandonné chez un réparateur, les turpitudes affairistes et sexuelles de Hunter Biden, le fils de Joe. Des informations validées entre-temps par le Washington Post. La simple mention de cette affaire (nonobstant toute preuve de corruption encore à démontrer) aurait fait perdre, selon certains sondages, un nombre important d’électeurs à l’actuel président démocrate qui n’aurait peut-être pas été élu. C’est dire le pouvoir de Twitter (sur Truth Social, son créateur, Donald Trump a 3 millions de suiveurs alors qu’il en avait 80 millions sur Twitter).

Le projet d’Elon Musk ? Que Twitter redevienne le temple de la libre expression. Stop au deux poids deux mesures qui bannit Trump mais maintient le compte d’autocrates tels l’Ayatollah Khamenei appelant à tuer les soldats américains. Pas non plus un déferlement de boue : les appels au meurtre, la haine brute resteront bannies – Twitter s’exposerait sinon à de lourdes astreintes notamment dans l’Union européenne qui n’offre pas à ses citoyens la protection du 1er Amendement à la Constitution des Etats-Unis. Mais, sous le règne de Musk, on aura le droit, même si c’est faux, de nier sans vergogne le réchauffement climatique anthropique, d’être persuadé que les Britanniques ont fait sauter Nordstream I, que l’élection présidentielle américaine de 2020 a été truquée ou que le vaccin ARN-messager contre le Covid-19 n’est pas si efficace qu’on le dit. On pourra aussi twitter sans risque de censure que Vladimir Poutine n’est pas Hitler pas plus que Volodymyr Zelensky n’est Churchill…

La liberté d’expression, ce n’est pas de tolérer ceux qui pensent comme vous mais Accepter ceux qui pensent autrement, même violemment.

Une rupture épistémologique face au camp du Bien. La liberté d’expression, ce n’est pas de tolérer ceux qui pensent comme vous mais d’accepter ceux qui pensent autrement, même violemment. Au risque de choquer, rappelons que mentir fait aussi partie de la liberté d’expression !

Elon Musk pourrait-il réconcilier les somewhere et les anywhere et les faire dialoguer à nouveau sur une plateforme de débats parfois sans concession mais sans peur dans le respect de chacun ? Un défi immense pour ce visionnaire qui veut nous convaincre que la conquête spatiale est le salut de l’humanité mais dont la brutale versatilité lui fait parfois casser son propre jouet… La direction précédente avait banni ou découragé les conservateurs et les réactionnaires ; il ne faudrait pas que le nouveau propriétaire fasse fuir les progressistes (par exemple vers Mastodonte) car sinon l’idée d’un carrefour planétaire des idées serait compromis…


[1] Parag Agrawal (directeur financier), Ned Segal (responsable des affaires publiques et juridiques) et les directeurs marketing, publicité, technologies, RH, éditorial et ventes.

Le Panthéon privé d’un grand découvreur

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Jean François Champollion / MARY EVANS/SIPA / 51136834_000001

En cette année 2022, qui s’achève et qui commémore les deux cent ans du déchiffrement des hiéroglyphes égyptiens par Jean-François Champollion, nous avons regretté que Monsieur Macron ne porte pas son choix sur cet homme, dont le destin fut lié à l’Egypte ancienne, pour être candidat à une panthéonisation qui aurait alors été symbolique.


Jean-François Champollion est le père de l’égyptologie moderne, qui a consolidé les bases de cette nouvelle discipline, lancée par l’expédition de Bonaparte en Egypte, dès 1799, et la découverte de la Pierre de Rosette.

Certes, nous saluons les évènements qui ont honoré la prouesse intellectuelle de Champollion à divers endroits sur le territoire national ; les expositions organisées ont permis aux visiteurs, et surtout aux jeunes générations, de découvrir ou redécouvrir la vie de cet éminent scientifique, digne enfant des Lumières.

Mais est-ce bien suffisant pour un homme de cette envergure?

Il serait alors le premier représentant de l’égyptologie moderne à entrer au Panthéon, ne serait-ce que partiellement. En effet, de son vivant, il émit à son frère ainé le souhait d’avoir une place, à côté de Fourier, qu’il estimait, au cimetière du Père Lachaise.

Ne pouvant aller à l’encontre de sa décision, sa panthéonisation serait concrétisée par une plaque honorifique. Tout comme Aimé Césaire en 2011, dont une fresque monumentale célèbre sa vie, sa dépouille reposant en Martinique, son pays natal.

Il n’est pas illusoire de constater une lente déconstruction de l’esprit national dans plusieurs domaines de notre société. Le Panthéon n’est pas épargné malheureusement.

Il semble qu’honorer nos compatriotes soit devenu désuet voire un acte nationaliste que l’on regarde de biais ; on préfère glorifier des symboles féminins, in situ dans le rapport transmis au Président Hollande en 2013 préconisant l’entrée de femmes au Panthéon afin de parvenir à une égalité des sexes. Ou l’on souhaiterait y voir plus de personnalités issues des minorités, d’où le choix porté sur Joséphine Baker. Sans remettre en cause la valeur et le courage de cette femme qui a tant fait pour la France.

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Champollion était bien un homme et un Français né à Figeac. Sans doute est-ce là sa faute ? Marie Curie fut choisie comme Immortelle, non pas parce qu’elle est une femme mais pour ses propres mérites. Pourquoi devrait-il en être autrement aujourd’hui ? L’essentiel, c’est de porter aux nues l’intelligence et le talent. C’est grâce à Champollion que nous pouvons flâner parmi les œuvres d’art des salles égyptiennes du musée du Louvre, apprécier l’obélisque de la Concorde. C’est grâce à lui que nous avons une meilleure conservation des pièces archéologiques, et une compréhension de la langue des anciens Egyptiens et du panthéon de leurs dieux égyptiens.

Aujourd’hui, la panthéonisation est devenue un acte politisé. Les présidents de la République veulent honorer «leur panthéon». Elle est la décision d’un seul homme, le reflet de leur conviction personnelle. Et c’est là que le bât blesse.

Cet acte hautement symbolique, le plus grand honneur national, doit rester un acte neutre, dénué de tout message politique et revenir à son but le plus simple et essentiel : honorer l’énergie créatrice de ces hommes qui ont marqué la France. Champollion, tout comme les Pharaons qui l’émerveillaient, peut prétendre à son immortalité dans le cœur des Français.

L’espion qui aimait les livres, de John Le Carré: le chant du cygne de l’espionnage

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John Le Carré, le 01/10/1979 / PHOTO: Monty Fresco/ANL/Shutterstock/SIPA / Shutterstock40812714_000001

Juste avant de mourir, en décembre 2020, David Cornwell, alias John Le Carré, a chargé son fils Nick, lui-même romancier, de jeter un œil sur un manuscrit écrit depuis dix ans. Et de le jeter au feu si nécessaire. Le résultat est cet Espion qui aimait les livres, que notre chroniqueur a manifestement adoré : esprit tordu lui-même, il trouve dans les récits de double jeu de l’espionnage un mode d’emploi de la littérature, où ce que l’on écrit recèle, chaque fois, un double fond.


John Le Carré est donc parti retrouver Ian Fleming au paradis des espions-écrivains. Mais autant les œuvres (bien supérieures aux films qui en ont été tirés) du père de James Bond se lisent de façon limpide, autant celles de Le Carré recèlent, à chaque ligne, un trouble. Rien de ce qui est dit ne paraît franc du collier. Les HC (« Honorables Correspondants ») les plus doués, les plus fidèles, sont toujours susceptibles d’avoir trahi, sous le poids des horreurs rencontrées et des contraintes contradictoires, au fil de leur métier. Cet Edward Avon — nom shakespearien s’il en fut — est trop aimable, trop attentionné, trop transparent. Sa sollicitude envers un trader devenu libraire « dans une station balnéaire perdue sur les côtes du Suffolk » est suspecte. Ses relations londoniennes sont-elles juste des excursions extra-maritales ? Son épouse, jadis grande prêtresse des Services, qui meurt doucement d’un cancer, n’est-elle pas une couverture bien pratique pour excuser des déplacements bizarres de porcelaines Ming ? Et l’enquête diligentée par ces mêmes Services — qu’en d’autres livres Le Carré appelait Le Cirque, un sobriquet qui a fini par être adopté par le MI5 — vise-t-elle juste à éclaircir des points de détails — ou à révéler la corruption en profondeur d’une branche du renseignement gangrenée par les Etats arabes ?

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Autant de questions auxquelles Le Carré répondra à sa manière, en laissant en suspens un malaise global. Nick Cornwell a sa petite idée sur ce qui a retenu son père de publier ce livre de son vivant : « L’Espion qui aimait les livres présente une caractéristique inédite pour un roman de Le Carré : il décrit un service divisé entre plusieurs factions politiques, pas toujours bienveillant envers ceux qu’il devrait protéger, pas toujours efficace ou attentif, et en fin de compte, plus très sûr d’arriver à se justifier lui-même ». Bref, les espions ont du vague à l’âme.

On sait que Le Carré était profondément hostile à la guerre lancée par George Bush contre l’Irak — et qu’il méprisait Tony Blair pour avoir marché comme un caniche dans les pas du cow-boy américain. Il pensait que l’Angleterre aurait dû rester sur la ligne qui était la sienne entre 1776 (fin de la guerre d’indépendance américaine) et la reprise des hostilités en 1812 : les deux pays sont par nature des frères ennemis, et la guerre froide n’excuse rien. D’ailleurs, il n’y a pas d’amis, en politique.

L’Espion qui aimait les livres enfonce le clou, en faisant cette fois des guerres de Bosnie le pivot du schisme qui a conduit des agents à œuvrer contre leur pays. Il fustige avec férocité « l’Amérique déterminée à régir le Moyen-Orient quel qu’en soit le prix, sa tendance une guerre chaque fois qu’elle a besoin de gérer les répercussions de la précédente, l’OTAN comme relique de la guerre froide qui fait plus de mal que de bien, et la pauvre Grande-Bretagne qui la suit comme un toutou sans crocs ni maître parce qu’elle rêve encore de grandeur faute de se trouver un autre rêve… »

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Toute ressemblance avec des événements passés ou en cours est bien sûr fortuite. Toute ressemblance avec la France serait bien entendu du mauvais esprit…

En achetant un roman de 230 pages, vous acquerrez plusieurs volumes et de voluptueuses migraines.

Evidemment, l’intrigue est tordue à souhait. Mais c’est le propre des grands romans ou des grands films d’espionnage : rappelez-vous La Lettre du Kremlin, de John Huston — ou La Taupe, tiré en 2011 de la trilogie de Smiley (presque tous les romans de La Carré ont été adaptés au cinéma). Le monde de l’espionnage est une torsion sans fin du réel, que les maîtres-espions tentent de conformer à leur idée. C’est aussi un monde sans fin, où les Services s’épient, se tendent des chausses-trapes, jouent à retourner les agents de l’ennemi, qui retournent les leurs — si bien qu’ils ne savent plus, parfois, lorsqu’ils sont agents doubles ou triples, à qui vont leurs allégeances. Bienheureux les imbéciles et les médias, qui croient que la vérité est noire ou blanche : l’espion vit dans cinquante nuances de gris. Un bonheur de lecture, assurément, si comme moi vous savez lire au-delà des mots, et comprenez a priori que chaque phrase, dans l’œuvre d’un grand écrivain, recèle des sous-entendus, des pièges et des richesses qui font qu’en achetant un roman de 230 pages vous acquerrez plusieurs volumes et de voluptueuses migraines.

La Lettre du Kremlin

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Tant qu’il y aura des films

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Pexels/Tima Miroshnichenko

Présidé par l’ineffable Vincent Lindon, le jury du dernier Festival de Cannes est totalement passé à côté du nouveau film de James Gray. Il est des aveuglements qui valent adoubement. L’actualité cinéma.


Au père

Focus Features, LLC

Armageddon Time, de James Gray

Sortie le 9 novembre

On connaît la rengaine : « Nul n’est prophète en son pays ». Les Américains n’aiment guère les films de leur compatriote James Gray, pas plus d’ailleurs qu’ils ne comprennent vraiment notre engouement pour Hitchcock ou Woody Allen. Et pourtant, avec son premier film, Little Odessa, il a accompli les génuflexions nécessaires devant les statues de Coppola et Scorsese réunies : un film de mafia et tout allait bien ! Un écran de fumée plutôt, pour dissimuler une profonde nostalgie, une absence de fascination pour la violence et le goût pour les sujets intimes comme la famille et singulièrement les rapports père-fils. D’entrée de jeu, la distance s’est instaurée avec son public « local » et Gray est devenu à juste titre une nouvelle coqueluche européenne. D’autres films ont ensuite creusé ce premier sillon autant que cette première fracture, notamment le crépusculaire et superbe La Nuit nous appartient. Mais Gray est allé depuis bien au-delà de cette première inspiration de nature classique. Explorant des genres cinématographiques bien installés et leur imposant, comme il se doit, sa propre lecture stimulante, détonante et profondément attachante. On songe ainsi au film d’aventures tendance Les Aventuriers de l’Arche perdue : The Last City of Z, un merveilleux récit d’exploration bien loin de l’héroïsme un peu niais de Steven Spielberg. Le film de Gray se déploie comme un somptueux poème de l’échec qui se termine littéralement « au cœur des ténèbres », donnant au film son insondable mélancolie traversée par un couple père-fils bouleversant. Autre incursion dans la machine traditionnelle hollywoodienne : le film de science-fiction. Avec Ad Astra, c’est une tout autre histoire qu’il nous raconte. Une nouvelle fois, et dans ce contexte si particulier, il aborde les relations entre un père et son fils, entre passé et présent, sur fond de fin possible de l’humanité. On peut aussi évoquer l’utilisation parfaitement maîtrisée du mélo amoureux dans Two Lovers, porté par l’un des acteurs fétiches du cinéaste, Joachin Phoenix, pour ne pas dire son alter ego.

Armageddon Time vient peut-être clore cette première partie de la filmographie de Gray (huit films), du moins cette plongée dans les relations père-fils. Avec ce nouveau film, qui est une réussite absolue, il aborde frontalement la question en évoquant sa propre enfance, sa propre famille. Comme s’il était temps pour lui de parler à la première personne sans se dissimuler derrière des personnages de fiction. Le résultat est saisissant d’intensité et de dévoilement intime.

Nous sommes donc à New York dans les années 1980 et le jeune Paul Graff fréquente une école publique du Queens. Doué pour le dessin, il rêve de devenir artiste. Cancre à l’école, garnement chez lui, il n’écoute qu’Aaron son grand-père qui croit en lui. Il est aussi le meilleur ami de Johnny, un jeune Noir de sa classe, avec qui il fait littéralement les 400 coups (filiation truffaldienne absolument assumée et revendiquée par le très cinéphile et francophile James Gray). Gray décrit avec minutie l’Amérique post-Vietnam, avec son mythique disco déjà en déclin, à l’aube des années Reagan. La fin de l’enfance coïncide pour Paul avec le début d’une autre page de l’histoire des États-Unis dont nous savons tout désormais. La mort du grand-père tant aimé et admiré est la concrétisation de ce monde qui s’en va : c’est le génial Anthony Hopkins qui l’incarne avec une force sidérante. Gray filme avec infiniment d’émotion ce crépuscule, ce sentiment de finitude déchirant que nous avons tous vécu un jour ou l’autre. À quoi sert le cinéma ? À partager nos crépuscules intimes pour en atténuer collectivement, devant un grand écran et dans le noir, l’implacable et désolante rigueur.

À l’estomac

Affiche du film

Pacifiction – Tourment sur les îles, d’Albert Serra

Sortie le 9 novembre

C’était le grand ovni du dernier Festival de Cannes. Un film venu d’ailleurs donc, proposé par le réalisateur espagnol Albert Serra déjà connu pour quelques étrangetés cinématographiques, comme cette Mort de Louis XIV avec Jean-Pierre Léaud dans le rôle-titre. Cette fois, il fait plus simple, d’une certaine manière, mais en employant toujours et magnifiquement un acteur français. Ici, Benoît Magimel qui, depuis son rôle de collabo dans La Douleur d’Emmanuel Finkiel, fait des miracles au cinéma. Comme Claude Brasseur, l’âge et l’embonpoint aidant, il joue d’abord avec son ventre. Il faut le voir boutonner et déboutonner en permanence sa belle veste ivoire de commissaire du gouvernement français dans le Pacifique pour comprendre combien un film, c’est d’abord un corps dans un décor. On le suit, fasciné, empêtré dans des palabres sans fin. Il a la grâce.

Au passé

Affiche du film

Nostalgia, de Mario Martone

Sortie le 23 novembre

Avec son titre qui annonce clairement la couleur, le nouveau film du cinéaste italien Mario Martone met aussi en lumière un acteur de premier plan, Pierfrancesco Favino. On l’avait laissé dans le superbe film de Marco Bellocchio, Le Traître. On le retrouve cette fois dans la peau de Felice, de retour à Naples après un exil de quarante ans avec, dans ses bagages, un douloureux secret local lié à sa jeunesse criminelle. Devenu étranger dans sa propre ville et dans son propre pays gangréné par la mafia, il choisit de rester, contre toute attente et toute sagesse. Nul, pas même le clergé, ne résiste au portrait acide que fait Martone de cette société ultraviolente. Jouant sur les codes du récit de Caïn et Abel, le film déploie des allures de tragédie moderne. Rien ne semble pouvoir enrayer une machine fondée sur la vengeance et la loi du plus fort qui broient les êtres et les consciences.

L’administration Biden nous emmène vers un conflit dévastateur avec la Russie

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Biden et le Gouverneur Kathy Hochul, à Bronxville, le 06/11/22 / PHOTO: Patrick Semansky/AP/SIPA / AP22737504_000038

Les États-Unis ont essayé de changer les régimes dans certains pays : l’Afghanistan, l’Iraq, la Libye… Le résultat n’a jamais été une grande réussite. Si l’objectif aujourd’hui de Joe Biden est de changer le régime en Russie, on peut craindre le pire. Pourtant, il semble difficile aujourd’hui en Europe de débattre de cette question. Tribune libre d’Alain Destexhe, sénateur honoraire belge.


Faut-il revoir la politique européenne à l’égard de la Russie et de l’Ukraine ? Selon le chancelier Scholtz, « 20 à 30% (des citoyens allemands) n’approuvent ni la politique des sanctions ni les livraisons d’armes » et il ajoute, au Figaro, « qu’ils appartiennent à toutes les tendances politiques, de la CDU/CSU (droite démocrate chrétienne et conservatrice), du FDP (parti libéral démocrate), des Verts et même du SPD (parti social démocrate) ». En va-t-il différemment en France où le débat sur ces thèmes est inexistant, au parlement comme dans les médias ?

L’Administration Biden nous emmène vers un conflit dévastateur avec la Russie. A Washington, le but de la confrontation avec Moscou est désormais l’élimination de Vladimir Poutine et le changement de régime. Sur les chaînes de télévision, certains envisagent sérieusement sur le ton aimable du talk-show le scénario d’une guerre nucléaire, sans imaginer l’Armageddon qui en résulterait. La question de savoir qui remplacerait Poutine n’est jamais abordée. Après les changements de régime si « réussis » en Irak et en Libye ou ratés en Syrie, avec les dizaines de milliers de morts, les millions de réfugiés, le chaos et l’instabilité qui en ont résulté, qui peut croire que dans l’immense Russie un régime plus démocratique ou plus stable que celui de Poutine sortirait comme par magie du chapeau américain ?

Dans le meilleur des cas, un pouvoir ultranationaliste, agressif et revanchard s’imposerait. Dans le pire, la Russie exploserait comme l’Union soviétique en 1991, le Caucase serait à feu et à sang, des millions de réfugiés fuiraient en Europe (mais pas aux Etats-Unis) et elle deviendrait un foyer de terrorisme islamique. La Russie ou ce qu’il en resterait deviendrait le cauchemar de l’Europe. A une bien moindre échelle, les précédents de la Libye et de la Syrie avec le flux de réfugiés qui nous a amené les auteurs des attentats de Paris (2015) et de Bruxelles (2016), ne nous ont-ils rien appris ?

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Comme pendant la crise du Covid ou après la mort de Georges Floyd, le citoyen européen est soumis depuis le début de la guerre en Ukraine à un matraquage de propagande unilatérale par les « médias mainstream ». Avec la bénédiction de ceux-ci, les autorités qui ont tellement confiance dans le jugement de leurs électeurs, se sont empressées d’interdire la diffusion des médias russes RT et Spoutnik.

Disqualifié d’avance, le point de vue russe n’est que très rarement présenté au public. Il n’est jamais rappelé que la « révolution de Maidan » en 2014 fut en fait un coup d’Etat orchestré avec le soutien des États-Unis pour renverser un régime démocratique dont l’élection avait été validée par l’OSCE mais qui, aux yeux de Washington et de Bruxelles, présentait le grave défaut de ne pas vouloir choisir clairement entre l’Occident et la Russie. La destitution du président par la Verkhona Rada (le parlement) n’a pas respecté les formes légales (l’article 111 de la Constitution).  Depuis 2014, le régime de Kiev a refusé d’appliquer les accords de Minsk et tout fait pour que les citoyens russophones, progressivement privés de leur langue à l’école et dans les institutions, deviennent des citoyens de seconde zone. Moscou a pu légitimement se sentir alarmé par l’aide américaine fournie à l’Ukraine (sans parler de choses étranges comme la présence de laboratoires bactériologiques) et le refus des pays membres de l’OTAN, dont la France, d’affirmer que l’Ukraine n’en ferait jamais partie.

Pour Poutine, la crise ukrainienne ne commence pas en 2022 mais en 2014. Les préoccupations sécuritaires de la Russie n’ont jamais été prises au sérieux comme si, parce qu’ils sont des démocraties, forcément dans le camp du bien, les pays de l’OTAN ne pouvaient, par définition, représenter une menace pour quiconque. Poutine a-t-il pensé que sans une action préventive, l’Ukraine deviendrait inévitablement membre de l’OTAN ou qu’elle préparait avec le soutien de l’Occident une offensive pour reconquérir le Donbas ? On ne sait, mais si l’Occident avait refusé la perspective d’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN, on n’en serait probablement pas là.

Non, Poutine n’est pas Hitler. Il n’est pas sur le point d’envahir l’Europe et ne menace pas la paix dans le monde. Il ne s’en est jamais pris à la neutralité de la Finlande et de la Suède, aujourd’hui candidates à l’OTAN, pas plus qu’aux pays baltes, qu’il ne lui aurait pourtant fallu que quelques heures pour envahir. Peinant déjà à contrôler le Donbas, comment imaginer qu’il puisse étendre le conflit ailleurs en Europe, sauf peut-être en Moldavie où une partie de la population le soutient ? Non, il ne mène pas une « guerre totale à l’Ukraine » (Anne-Sophie Lapix), heureusement pour les populations ukrainiennes. Non, l’Ukraine n’est pas la Tchécoslovaquie de 1938 car, outre la limite des comparaisons historiques dont on abuse en France, le plan d’Hitler s’inscrivait dans un projet de supériorité raciale (dont on ne trouve aucune trace chez Vladimir Poutine) et de domination de l’Europe dont il n’a, contrairement à Hitler, ni la volonté ni les moyens. Non, Poutine ne semble ni fou, ni malade et faire la paix avec lui ne serait pas un nouveau Munich car il ne va pas envahir la Pologne en 2023 et la France en 2024 !

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A-t-on par ailleurs le droit de percevoir Zelensky dont on a oublié qu’il était cité dans les Panama Papers, comme un personnage dangereux, une marionnette aux mains des Américains, atteint d’hubris lorsqu’il fait la morale au monde entier pour nous entraîner dans sa guerre, prétend reconquérir la Crimée et refuser de discuter avec la Russie aussi longtemps que Poutine reste au pouvoir ? A-t-on également le droit de critiquer la stratégie militaire de l’Ukraine et de ne pas se réjouir lorsqu’elle s’en prend au pont de Crimée, le « phallus métallique de Poutine » selon Libération (!).  Au lieu de dénoncer cette escalade, nos médias s’en réjouissent et y voient un « camouflet pour Poutine toujours plus acculé » ou « le point culminant des revers russes en Ukraine ». Faut-il dès lors s’étonner que les représailles détruisent l’infrastructure électrique de l’Ukraine, épargnée jusque-là, et qu’en conséquence des millions d’Ukrainiens vont passer l’hiver dans des conditions affreuses. Avec des amis comme les médias occidentaux…

Qu’en est-il, dans ce contexte, de l’intérêt national et européen ? Comment expliquer que le sort de quelques provinces de l’Ukraine frontalières de la Russie, dont presque personne ne connaissait le nom il y a quelques années, soient devenues un enjeu si vital que les populations européennes subissent une chute brutale de leur niveau de vie ? Car, faut-il rappeler que ce n’est pas « la guerre en Ukraine » ou « l’agression de Vladimir Poutine » qui expliquent l’inflation délirante des prix de l’énergie, mais, pour l’essentiel, les sanctions occidentales et les représailles russes à ces sanctions. 

Et pourquoi ne pas accepter la partition de l’Ukraine ? La Serbie, le Soudan, la Tchécoslovaquie était bien des pays unitaires il n’y pas si longtemps. On rétorquera que la scission de cette dernière était souhaitée par les deux groupes ethniques, mais n’est-ce pas le cas, au moins depuis 2014, d’une partie des habitants de l’Ukraine qui ne se sentent plus citoyens de ce pays ? Et, faut-il le rappeler, jamais dans l’histoire des sanctions n’ont abouti à la chute d’un régime, mais elles appauvrissent démesurément les citoyens européens et détruisent inutilement son industrie déjà si menacée par la Chine. Et qui le sera encore davantage lorsque la Chine et la Russie auront achevé la construction d’un double pipeline reliant ces deux pays, le prix d’achat du gaz ayant été négocié très favorablement par la Chine, ce qui anéantira un peu plus l’industrie européenne. A-t-on déjà vu en temps de paix (car selon la ritournelle, « nous ne sommes pas en guerre avec la Russie »), des dirigeants prêts à payer leur politique par la ruine de leurs économies et de leur population alors qu’aucun intérêt vital, ni même stratégique n’est en jeu ? En passant, les sanctions renforcent des pays aussi démocratiques que la Chine, l’Iran ou le Venezuela ou des autocraties islamiques dont le caractère autoritaire nous indiffère désormais. La défense de la démocratie est à géométrie très variable !

L’euro est au plus bas face au dollar. Les sanctions et les tensions pénalisent l’Europe mais guère les États-Unis qui en bénéficient dans au moins trois domaines : la production et l’exportation d’armements, de gaz et de pétrole ainsi que de denrées alimentaires. Ils ne seront pas aux premières loges si le conflit s’étend ou si l’Europe est confrontée à un nouvel afflux de réfugiés. Et alors que la Russie n’avait aucun intérêt à détruire les pipelines Nordstream, comment interpréter la déclaration du Secrétaire d’Etat Blinken voyant dans ceux-ci une « formidable opportunité » de réduire les importations européennes de gaz de Russie ? Et pourquoi refuser à la Russie de participer à l’enquête internationale alors que raisonnablement les soupçons pointent vers les États-Unis et le Royaume Uni ? Les Américains sont-ils vraiment ici nos alliés et nos amis ?

A lire aussi: «Il n’y a pas de réconciliation sans confiance et il n’y a pas de confiance sans vérité». Pour une paix juste dans le Caucase du Sud

L’Occident a l’art de se faire des illusions, de saper ses propres intérêts et de se faire détester dans le monde. Poutine n’est pas si isolé que le disent les médias occidentaux. La Chine, l’Inde et le Brésil (40% de la population mondiale) se sont abstenus lors du vote du Conseil de sécurité visant « à ne pas reconnaître une pseudo-annexion des quatre régions ukrainiennes par la Russie ». En mars, lors du vote de l’Assemblée générale sur l’Ukraine, 22 pays africains ont fait de même ou n’ont pas participé au vote. Pourquoi devraient-ils penser que l’Ukraine est plus importante que les conflits au Yémen, en Éthiopie ou au Sahel ?

Croit-on sérieusement que les gouvernements et les populations des nombreux pays qui sont menacés de pénuries alimentaires voire de famine et voient les prix des denrées alimentaires et de l’énergie s’envoler, remercient l’Occident pour sa « fermeté » face à la Russie ? Croit-on sérieusement que la Chine, bien engagée dans la course pour la domination mondiale, trop heureuse de voir une Russie culturellement plus proche de l’Occident dépendre d’elle, va se distancier de la Russie comme on a pu le lire ici ou là ? 

Si, comme le dit Elisabeth Borne, « la France veut rendre le coût de la guerre insupportable pour la Russie », il ne faut pas s’étonner que la Russie veuille rendre le coût de l’énergie insupportable pour les Français !  En Janus, Macron affirme qu’il faut « accepter de payer le prix de notre liberté et de nos valeurs », mais ces dernières ne sont nullement mises en péril par la Russie. Nous ne sommes ni dans les années 30, ni dans une guerre froide contre le communisme. En revanche, notre prospérité est, elle, directement menacée de même que notre sécurité si l’on suit les va-t’en guerre de Washington.

Dans l’intérêt de l’Europe et des Européens, il faut refuser le jusqu’au-boutisme de Zelensky, négocier avec la Russie la partition de l’Ukraine et lever les sanctions. A ce stade, une solution diplomatique est préférable à l’enlisement ou à l’escalade du conflit que Washington encourage. Ce ne serait pas moins louable que les Accords de Dayton qui ont mis fin à la guerre de Bosnie, consacrant une partition de fait, ou que l’indépendance du Kosovo, imposée par la force à la Serbie. Et au moins faudrait-il accepter d’en débattre, ce qui ne semble plus possible dans nos chères « démocraties ».

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Pierre Messmer, zadiste.

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Pierre Messmer, le 01/06/1973 / PHOTO: DAVID JEAN-FRANCOIS/SIPA / 00008133_000001

Il y a cinquante ans, Messmer imposait en matière d’économies d’énergies des mesures drastiques et de bon sens. Et personne ne criait à la dictature…


Pierre Messmer était-il une taupe écologiste ? Toujours est-il que le 30 novembre 1973, le Premier ministre de Georges Pompidou annonçait une série de mesure aux Français, digne d’une dictature verte : « Il nous faut économiser l’essence auto [oui on parlait encore comme ça en 1973]. Nous allons donc limiter la vitesse à 90 kilomètres à l’heure sur toutes les routes de France et à 120 kilomètres à l’heure sur les autoroutes ». Et pour faire bonne mesure, il annonce que « les courses automobiles et les rallyes seront jusqu’à nouvel ordre suspendus». Autre cible visée, le transport aérien : « Nous avons donné instruction aux compagnies de transport aérien de limiter au strict nécessaire la fréquence de leurs liaisons sur les principales routes aériennes. Étant entendu que, s’agissant de routes internationales, nos compagnies prendront leurs décisions en accord avec les compagnies étrangères».

Il met le pays à la diète thermique : « Une grande partie de l’électricité est produite par des centrales au fioul. L’EDF est d’ailleurs le principal consommateur de pétrole en France». Et annonce « l’interdiction entre 10 h du soir et 7h du matin de la publicité lumineuse, l’éclairage des vitrines des magasins et les illuminations des monuments publics, sauf le samedi soir et pendant la période des fêtes». Autre interdiction, «tous les jours, de 10 h du soir à 7 h du matin, l’éclairage des immeubles et en particulier des tours à usage de bureaux lorsque ces bureaux sont inoccupés».  Même la télévision est dans le viseur. Il ordonne à l’audiovisuel public «d’interrompre ses émissions chaque soir à 11h du soir, sauf le samedi et pendant la période des fêtes ».

C’était la réponse apportée au premier choc pétrolier consécutif à la victoire d’Israël dans la guerre du Kippour et aux représailles des pays de l’OPEP qui avaient fermé les robinets.

Etrangement, pas d’émeutes, pas de braiement des lobbies d’automobilistes, pas de pleurnicheries patronales, pas de hurlements de l’opposition ou des syndicats. Tout le monde comprend qu’il s’agit de mesures de bon sens.

A lire aussi: Le malthusianisme, une idée neuve en Europe

Peut-être étions-nous encore dans une France qui se souvenait encore, comme si c’était hier, des restrictions de l’après-guerre et des cartes de ravitaillement. Peut-être un semblant d’honnêteté intellectuelle et d’intelligence politique faisaient comprendre à tous que n’importe quel gouvernement dans cette situation aurait réagi de la même manière que ce gaulliste pragmatique qui n’hésitait pas à « emmerder les Français ». Je reprends là une citation de Pompidou, « Cessez d’emmerder les Français », que la droite et Macron (maintenant c’est la même chose) adorent sortir à tout bout de champ à la moindre réglementation.

On s’est d’ailleurs aperçu que ces mesures prises sous la pression d’événements extérieurs ont eu des effets collatéraux heureux. C’est à partir de ce moment là que le programme nucléaire s’est intensifié et accéléré, d’une part, et que d’autre part on a commencé à penser à la sécurité routière comme un impératif national en s’apercevant que la limitation de vitesse diminuait drastiquement le nombre de morts.

Messmer aujourd’hui, aurait dit « plus de chaines infos ni de Netflix à partir de 22 heures».

Inutile de dire que dans des conditions similaires, cinquante ans plus tard avec guerre en Ukraine, les prix de l’essence auto qui explosent, la nécessité impérieuse de limiter les rejets de CO2 pour sauver le climat, le consensus dégagé par Messmer serait impossible. On a flirté avec la guerre civile quand Edouard Philippe a décidé de la limitation à 80 sur les routes, on crie avant d’avoir mal à la perspective de la création des zones à faibles émissions dans 25 grandes métropoles et on voudrait passer par les armes la proposition de Yann Arthus-Bertrand et de neuf co-signataires de limiter la vitesse sur les autoroutes à 110. On hurle à l’atteinte aux libertés individuelles. Mais de quelles libertés individuelles parle-t-on ? De mourir d’un accident de la route, de faire partie des statistiques de la surmortalité liée à la pollution ?

Allons, allons, Messmer aujourd’hui, aurait dit « plus de chaines infos ni de Netflix à partir de 22 heures». Là aussi, on pourrait trouver des effets collatéraux vertueux : lire, faire l’amour (les chiffres sur l’effondrement de la sexualité sont affolants), caresser son chat, boire un coup avec les voisins. Messmer, reviens, nous sommes devenus fous !

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Midterms: Joe Biden sera-t-il désavoué?

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Joe Biden, en Pennsylvanie le 05/11/22 / PHOTO: Ryan Collerd/Sipa USA/SIPA / SIPAUSA30329197_000018

Les élections de mi-mandat aux États-Unis, ce 8 novembre, sont scrutées avec une attention particulière car elles sonnent comme un referendum pour ou contre Joe Biden. Analyse du groupe de réflexion, Le Millénaire.


Le développement de la puissance chinoise, capable de concurrencer les États-Unis sur l’ensemble des segments, a créé une attente spécifique des électeurs américains qui attendent un plan pour faire face à ce nouveau défi. Même si Joe Biden n’est pas l’unique responsable de ce long déclin, il doit composer avec des électeurs déçus par la perte de l’hégémonie américaine. De plus, le retrait raté d’Afghanistan a durablement entaché sa popularité.

Selon Pierre Clairé, directeur adjoint des Études du Millénaire, « le fiasco du retrait d’Afghanistan est l’événement est le plus marquant des premiers mois de la présidence Biden. Il a eu des effets dévastateurs pour les Démocrates et le président lui-même. L’échec afghan signe pour Joe Biden la fin d’une cote de popularité de plus 50% et pourrait assurer aux Républicains une victoire lors des midterms ». Si les derniers sondages créditent Joe Biden d’une popularité de 41%, ils montrent aussi que 53% des Américains sont mécontents de son action.

Des élections défavorables pour le pouvoir en place

Généralement, ce scrutin est une forme de référendum pour juger l’action du président en place. Ainsi, les midterms désavantagent l’exécutif qui a un bilan à défendre. Concrètement, depuis 1945, seulement quatre élections de mi-mandat ont vu le parti au pouvoir augmenter son nombre de sièges au Sénat et seulement deux élections en ce qui concerne la Chambre des représentants. Ainsi, en raison de la composition actuelle très serrée des deux chambres, les statistiques penchent pour une perte de contrôle des Démocrates. Selon Emeric Guisset, Secrétaire général adjoint du Millénaire, «conscient de cette tendance de fond défavorable, Joe Biden et les Démocrates ont essayé de renverser ce désavantage en faisant des midterms, non pas un référendum sur leur bilan, mais sur l’éventuel retour de Donald Trump. Les Démocrates misent sur le rejet de l’ancien président et la remise en cause du droit à l’avortement pour inciter les électeurs démocrates à voter».

A lire aussi: Les Démocrates misent sur la diabolisation de Trump pour gagner les élections de mi-mandat

Mais depuis la rentrée, les États-Unis sont frappés par une forte inflation qui inquiète les Américains. Cette dégradation de la situation économique du pays a pour effet de remplacer au cœur de la campagne la question sociétale par la question économique. L’inflation et la crise énergétique ont conduit l’opinion américaine à revenir vers les Républicains pour plébisciter la vision « America First » portée par Donald Trump.

Les scenarii possibles

1er scénario : Les Républicains remportent la Chambre des représentants mais le match au Sénat se jouera lors d’une élection spéciale en Géorgie le 6 décembre prochain. Cette hypothèse repose sur l’accumulation de plusieurs éléments :

  • L’électorat démocrate se mobilise davantage que ce qui est indiqué dans les sondages.
  • L’électorat soutient une victoire républicaine sans pour autant avoir un raz-de-marée.
  • La politique de Joe Biden est rejetée majoritairement par les Américains mais pas par l’électorat démocrate qui y trouve son compte. Dans cette hypothèse, les Démocrates pourraient remporter 49 sièges au Sénat contre 50 pour les Républicains, sachant que tout se jouera lors de l’élection spéciale en Géorgie. Nous projetons en revanche une victoire claire des Républicains à la Chambre des représentants avec une moyenne de 230 sièges.

2ème scénario (le plus probable selon les sondages) : Les Républicains remportent la Chambre des représentants et le Sénat. Cette hypothèse repose sur l’accumulation de plusieurs éléments :

  • L’élection se joue davantage sur l’économie, l’inflation et la sécurité que sur les sujets sociétaux comme l’avortement, et cela provoque une bascule des électeurs indépendants, de la classe moyenne et des travailleurs chez les Républicains.
  • Cela donnerait ainsi un Sénat avec 48 sièges Démocrates ou indépendants et 51 Républicains. Dans cette hypothèse, l’élection en Pennsylvanie serait serrée, comme en 2020, lors de l’élection présidentielle entre Joe Biden et Donald Trump. Toutefois, les Républicains contrôleraient le Sénat quoiqu’il arrive et cela qu’importe le résultat en Pennsylvanie. Nous projetons une victoire des Républicains au sein de la Chambre des représentants avec une moyenne de 235-240 sièges.

A lire aussi: Biden versus Kissinger

3ème scénario (privilégié par Le Millénaire) : On assisterait à une vague rouge (« Red Wave »). Les Démocrates seraient écrasés par les Républicains qui remporteraient une large victoire à la Chambre des représentants mais également au Sénat. Cette hypothèse repose sur plusieurs éléments :

  • L’élection se joue davantage sur l’économie, l’inflation et la sécurité que sur les sujets sociétaux comme l’avortement.
  • Cela provoque une bascule des électeurs indépendants, de la classe moyenne et des travailleurs chez les Républicains.
  • L’élection devient un référendum contre la politique de Joe Biden provoquant une sur-mobilisation de l’électorat républicain et une démobilisation des supporters Démocrates. Selon William Thay, président du Millénaire, « cela permettrait d’amplifier la victoire des Républicains en raison de la domination des questions économiques sur les questions sociétales et provoquerait une véritable déroute du camp démocrate ». Dans cette hypothèse, le Sénat pourrait compter 44 à 46 sièges Démocrates contre 54 à 56 sièges Républicains, ces derniers ayant une double incertitude dans l’État de Washington et dans le Colorado.
  • On pourrait aussi voir un raz-de-marée Républicain au sein de la Chambre des représentants avec au moins 250 sièges. « Dans cette hypothèse, ajoute William Thay, les Démocrates sont quasiment sûrs de perdre la prochaine élection présidentielle et tout sera remis en cause. Nous assisterons à une bataille pour le leadership entre l’aile centriste (Obama, Biden, Pelosi) contre l’aile gauche (Ocasio-Cortez, Sanders, Warren) et il n’est pas sûr que Joe Biden puisse se représenter en 2024. De plus, il est ainsi probable que Donald Trump soit le candidat des Républicains et donc le favori de la prochaine élection présidentielle ».

Moi, c’est de l’Assemblée nationale dont j’ai honte!

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Assemblée nationale, vote pour l'exclusion de Grégoire de Fournas, le 04/11/22. /PHOTO: Jacques Witt/SIPA /01093335_000001

Vilénies politiques, refus d’unité pour le bien commun, indignations à outrance : l’Assemblée nationale ne représente plus la nation.


Honte de ces tumultes permanents, honte de ces calculs politiques qui empêchent de voter quoi que ce soit au nom de l’intérêt général si cela nuit aux petits calculs personnels, honte de ceux qui ne veulent pas s’allier l’espace d’un vote dont le pays a besoin, honte d’un marketing dont aucune marque ne voudrait, fait de dénigrement de l’autre, honte de partis dans lesquels il est impossible de se reconnaitre, honte des troublions qui cherchent le buzz avec des médias complices de ce qui peut faire de l’audience, honte des provocations permanentes, honte de la disparition de la nuance qui apparait comme une trahison…

Qu’un député parmi d’autres ait eu une interpellation navrante en répondant à un exposé sur le danger réel que courent les migrants sur les mers est une chose, que l’Assemblée nationale en profite pour se donner bonne conscience en hurlant à qui mieux mieux est désespérant en termes d’image. Et surtout, à cette occasion la manipulation de l’Assemblée elle-même, consistant à faire d’une réflexion très malvenue, une insulte raciale ad nominem discrédite toute forme d’éthique ! Car personne ne semble maintenant en douter, c’était bien aux bateaux auxquels cette injonction de retourner en Afrique était lancée, d’ailleurs la nature de l’article juridique évoqué pour la punir est en cela significative. Une manipulation grave pour la neutralité supposée du parlement visant à mieux qualifier de racisme cette intervention qui tombait bien pour se donner bonne conscience et s’obstiner à nier un parti démocratiquement élu, en le renvoyant indéfiniment dans son camp « nazi » et extrémiste. Droite ou extrême-droite, c’est la droiture qui est la meilleure des politiques !

A lire aussi: Scandale à l’Assemblée: dérapage raciste ou instrumentalisation politique?

Oui, cette réflexion est désolante, et en ce lieu et à la cantonnade, mais vouloir en faire plus sur le sujet contribue au désarroi du pays. C’est justement comme cela que l’on rend nos concitoyens extrémistes ! Leur ressenti et ce qu’ils se disent entre eux au café du commerce, ils ne veulent pas l’entendre à l’Assemblée nationale et c’est bien ; mais ils ne veulent pas non plus la négation de leurs opinions et de leurs votes témoignant de leur inquiétude sur l’immigration. Trop d’indignation affichée exacerbe les choses.

Et puis qu’est-ce que ces tribunaux d’un autre temps ? Ce règlement étrange consistant à priver un parlementaire de la moitié de son salaire pendant 2 mois ! Quel rapport avec son outrance quelle qu’elle soit ? Imaginons une entreprise ou une association ou l’on applique ce type de sanction ?   

Si le crime est si grave, la solution est simple : il faut renvoyer l’élu coupable devant ses électeurs : ce sont eux qui jugeront et décideront s’ils veulent le réélire ou le punir

Et si c’est l’indiscipline et le trouble causé à la séance qui sont en cause, c’est tous les jours qu’il faut mettre des amendes, et ils seront nombreux à être taxés, mais l’extrême-gauche fait de sa mauvaise tenue et de ses outrances un étendard populaire méprisant pour le peuple qui ne se définit pas par un débraillé et une contestation de cancres dans une classe insoumise.

Tout ce qui est excessif est insignifiant… et notre parlement devient insignifiant, il ne représente plus la nation particulièrement inquiète en ce moment, et c’est grave pour la République.

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Il ne suffit parfois que d’un mur qui tombe

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Capture d'écran de la vidéo virale des étudiants abattant la cloison séparant les filles et les garçons dans la cantine de l'université d'Hormozgan

Dans la cantine d’une université au sud de l’Iran, des étudiants ont fait chuter la cloison qui séparait les jeunes femmes des jeunes hommes. Cette action, diffusée grâce à une vidéo virale, inspirera peut-être d’autres mouvements en Iran.


Ce mur ne divisait aucune ville en deux, ne suivait aucune frontière nationale. Ce n’était tout au plus qu’une paroi de contreplaqué dans une cantine d’université. Un vulgaire assemblage de plaques de bois usées. Un élément de décor devenu invisible, comme l’était en son temps le siège de bus de Rosa Parks. L’Histoire a parfois l’espièglerie de se servir d’objets d’apparence futile…

Le 30 octobre, les étudiants de l’université des sciences d’Hormozgan, de la ville de Bandar Abbas, dans le sud de l’Iran, ont renversé la fine paroi qui séparait les filles des garçons dans leur cantine – la mixité y étant interdite – en criant tous en coeur : « Femme, vie, liberté ! »

Nous sommes aujourd’hui tant noyés dans un torrent d’images qu’on en vient à souhaiter à de simples vidéos amateures comme celles qui montrent cet événement d’avoir la chance d’éclipser toutes les autres, de faire une brillante carrière en ligne et de gagner rapidement la réputation historique qu’elles méritent.
Quand on connaît la portée symbolique d’un mur qui tombe… Pourvu que celui-ci ne nous déçoive pas !

A lire aussi: Femme, vie, liberté!

On se prend à rêver que dans quelques années, il y aura en Iran, dans chaque cantine d’université du pays, une longue ligne de petits carrelages posés par terre, au milieu de la pièce, pour rappeler qu’autrefois, une génération courageuse d’étudiants a osé défier la dictature des mollahs, en réclamant simplement le droit de déjeuner avec tous ses camarades de cours, sans distinction. Les noms de ces étudiants seront inscrits l’un après l’autre le long de cette ligne et les nouvelles générations auront l’impression de les connaître par cœur.

Naïves, cheveux au vent, les jeunes adolescentes iraniennes se demanderont comment leurs aïeux ont pu laisser perdurer aussi longtemps la ségrégation sexuelle, s’il suffisait d’abattre une simple paroi dans une université pour que leur monde change…

A lire aussi: Iran: la convergence des colères menace le régime

On se prend à rêver que se tiendra un jour, au coeur d’un parc de Téhéran, une grande paroi vitrée sur laquelle auront été creusées les lettres formant les trois mots : Femme, Vie, Liberté. De chaque côté de la vitre, l’artiste aura eu le bon goût de placer quelques chaises et tables de cantine.

En hommage à l’événement, des reproductions du monument seront érigées dans de nombreuses villes d’Europe, d’Amérique ou d’Afrique.
Ils connaîtront eux aussi leur part de gloire quand des femmes de tous pays décideront, dans un même mouvement, d’y déposer leur voile en silence, paisiblement et courageusement. Un acte solidaire et libérateur ; comme un dernier adieu à cette escroquerie théocratique. On imagine déjà les chaînes d’infos, aussi enthousiastes qu’embarrassées, diffusant les images des monuments recouverts de tissu noir à travers le monde…

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Comme tout symbole fort, le petit mur tombé aura aussi ses martyrs.

Un malheureux militant qatari écopera d’une centaine de coups de fouets pour avoir collé sur la baie vitrée d’une boutique de luxe, dans un centre commercial ultra-climatisé de Doha, les mots : Femme, Vie, Liberté.
De retour chez elle, une femme ayant vaillamment déposé son voile sur le monument de Bruxelles sera rouée de coups par son mari.

Certains pays verront même les parois de leur cantine s’épaissir quand des zélotes locaux, paniqués à l’idée de voir filles et garçons rire à la même table, proposeront de rajouter eux-mêmes une deuxième paroi à la première. Histoire de rappeler que chez eux, on ne change pas les règles aussi facilement qu’en Iran…

Qu’importe : d’autres étudiants se souviendront de la vidéo des jeunes Iraniens en action qu’ils avaient vue sur Instagram et redoubleront de coups de pieds.

Bien sûr, tout cela n’est qu’un rêve… Mais est-il si loin de pouvoir se réaliser ?