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Notre Sollers qui est aux cieux

L’auteur de Paradis y est sans doute – alors que ses contempteurs restent en enfer


Pourquoi se sent-on toujours obligé de dire du mal de lui – même quand on a décidé de faire son éloge ? De ressortir les dossiers que tout le monde connaît par cœur (le maoïsme, Matzneff, les pétitions honteuses, les opportunismes en rafale et souvent à côté de la plaque : Balladur, Ségolène Royal), sans parler de ses innombrables roulades médiatiques où, bien souvent, l’on eut honte pour lui. Comme si le siècle puritain et procédurier l’avait emporté aussi en nous. Sollers ? Coupable !

Non, il faut se reprendre.

Aujourd’hui, il est mort et il nous manque déjà. C’est qu’on l’aura chéri ce Bordelais border line, non-ponctué enfariné, toujours en roue libre – et de fait sachant comme personne s’échapper au bon moment, survivre aux idioties de l’époque comme aux siennes. « Taxi ! » avait-il l’habitude de dire quand on venait l’ennuyer avec des problèmes inutiles, des querelles imbéciles, des explications vaines (« il faut cultiver le meilleur malentendu pour s’entendre », répétait-il). C’est d’ailleurs là où il est le plus fort : dans le large, le vent, l’envol, les mouettes, la pensée délivrée de toutes les idéologies, culpabilités, pesanteurs. Au moins aura-t-il épuisé la fameuse formule de Nietzsche que toutes les convictions sont des prisons.

« Sur le moment, je sens si bien toutes les possibilités d’une opinion ou d’une attitude, je les prévois si clairement que, n’en pouvant choisir aucune par l’ennui où je suis de toutes les concevoir, je m’en remets à une sorte d’improvisation », écrivait-il déjà dans Une curieuse solitude, récit du dépucelage d’un adolescent par une femme plus âgée que lui, c’est-à-dire initiation au savoir absolu, pour ne pas dire roman « macronien » avant l’heure. Lisez à ce propos son magnifique texte sur Emmanuel et Brigitte, Macron lacanien[1], en lequel tout homme normalement constitué devrait se reconnaître.

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En vérité, nous sommes tous les enfants de Sollers. Son nom « tout en art » nous a fait rêver – « rêvrer » comme il disait dans Beauté, c’est-à-dire « rêver vrai ». Tout ce qu’on lui doit ! Sade, Joyce, Pound, Bataille, Louis-Claude de Saint-Martin (dans Désir), Fragonard, De Kooning, Haydn. Et aussi, rappelons-le, rappelons-les plutôt, Nabe, Muray, Meyronnis, l’ami Di Nota. Sollers, c’est « l’aîné qui va de soi », comme dit Stéphane Zagdanski dans son hommage en spirale[2], l’Atlante essentiel de notre temps, le docteur Strange qui a osé avant tout le monde ce multiverse of madness qui s’appelle Paradis. Même si on n’a pas eu la chance de le connaître, par timidité, paresse ou maladresse, on a aimé sa personne, sa famille, ses incestes heureux, son insouciante pornographie, ses trésors d’amour : Dominique, Julia, David, le Martray, Venise. Plus que tout, nous lui devons d’avoir vraiment appris à lire, peut-être même à écrire, dans tous les cas, à être libre, c’est-à-dire sans ponctuation.

© Hannah Assouline

Des laboratoires d’avant-garde de ses premiers livres (Drame, H) aux prières illuministes des derniers (Médium, Mouvement, Beauté, Centre, Désir, Graal), en passant par les grands romans prophétiques de la maturité (Femmes, Portrait du joueur, Le Cœur absolu), au centre desquels trône Paradis, ce livre talisman, il est l’auteur d’une œuvre prodigieuse qu’on n’a pas fini de redécouvrir, et la seule sans doute qui mérite d’être pléiadisée d’urgence.

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Son art est celui de l’écriture de la pensée. Lorsque dans Une vie divine, son roman/essai sur Nietzsche, il écrit que « [son] pari à [lui], et c’est pour cela qu’il paraît souvent opportuniste, changeant, amoral, est un pari sur l’impensable. Ce qui ne veut pas dire du tout l’absence de pensée, au contraire : c’est un pari sur l’accumulation, la multiplication de toutes les pensées possibles… », il faut y voir le plus ambitieux projet de la littérature française contemporaine : celui d’embrasser la totalité dans une phrase, un mot. « Soit le monde a plus de mots que moi, soit c’est moi qui en ai plus que lui. »

Guerre, donc, au monde. Sollers, ce fut aussi ce météore lancé contre tous les bigots de l’époque, barbares de la littéralité, iconoclastes de la cancel culture, obscurantistes du wokisme, « sensitivity readers »de l’antilittéraire (annoncés à la page 330 du Folio de Portrait du joueur) et par-dessus tout exciseuses néoféministes – que dans L’École du mystère, il appelle « les Fanny » : celles-qui-ont-toujours-raison, les prudes grondeuses, les justicières gonflantes, les sentimentales normatives, les rappels-à-l’ordre systématiques, les « contre-disantes » et « contre-désirantes », dont la seule jouissance réside dans l’anti-jouissance, à commencer par celle de la langue qu’il faut châtrer.

Céline avait prévenu : ce n’est pas tant Bagatelles qu’on ne lui pardonna jamais, mais bien le Voyage. Pareil pour Sollers. Plus que ses errances politiques, c’est sa propension à la joie qui donna des boutons, sa proposition de bonheur qui horripila (« Le bonheur est possible. Je répète. Le bonheur est possible », scande-t-il dans Agent secret), ce paradis enfin, insupportable pour une société qui ne supporte plus que l’enfer, selon un mot de Chesterton. Eh bien qu’elle y reste ! Sollers est aux cieux et il continuera de nous éveiller. Le vrai woke, c’est lui.

Adieu Philippe, je vous aimais beaucoup.

Paradis

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[1]. « Macron lacanien », phillipesollers.net.

[2]. « L’œuvre et la pensée de Philippe Sollers », youtube.com.

Françoise Gilot: un amour de Picasso

Muse de Picasso et peintre elle aussi, Françoise Gilot est morte le 6 juin, à 101 ans, et a osé défier l’ogre après dix ans de vie commune.


François Gilot a vingt-et-un ans lorsqu’elle rencontre Picasso en 1943. Il a la soixantaine et il est au faîte de sa gloire, considéré comme un dieu vivant. Elle peint déjà, mais nous ne le saurons que bien plus tard. Ce qui frappe chez une si jeune femme, c’est sa capacité à rester elle-même face à l’Ogre. Ainsi, Pierre Lescure dans l’émission C à vous annonçant sa mort, a montré des images d’archives accompagnées du commentaire de la principale intéressée, où on voit qu’à chaque portrait d’elle que fait le peintre, elle répond par un autoportrait ; sorte de reprise de l’image par la Muse en personne ! Et cela donne une extraordinaire dialectique picturale : Françoise Gilot, ou l’art de se récupérer, comme femme et comme artiste. Elle le quitte au bout de dix ans de vie commune, en 1953. Elle fut la seule à oser faire une chose pareille ! On ne quitte pas Picasso, on ne lui dit pas non, non plus. Elle raconte dans un documentaire pour Arte qu’il l’appelait « La femme qui dit non », et qu’il nommait le petit Paul qu’ils avaient eu ensemble : «  le fils de la femme qui dit non » ! Ambiance à Vallauris…

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Pour François Gilot, il valait mieux, en effet, être la femme qui dit non que « La femme qui pleure », un des tableaux les plus célèbres du maître. Il ne lui pardonna jamais vraiment cette résistance…

Suite à leur séparation, elle écrit un livre publié en 1964 intitulé Vivre avec Picasso ; livre qui déclenchera la colère du peintre. Lequel, mauvais joueur, rameutera tout le gratin culturel proche du PC en avril 1965, afin de signer dans Les Lettres Françaises, l’hebdomadaire d’Aragon, une tribune pour interdire la publication du « brûlot ». Cette cavalière émérite nous apprend pourtant des choses bien anodines, par exemple que l’homme qui aimait tant la tauromachie ne craignait qu’un seul animal : le cheval. Et, plus généralement, elle ne fait preuve d’aucun ressentiment dans sa façon de parler de lui. Elle raconte sans régler de comptes, avec humour et détachement, les traits de caractère du grand homme et leur vie en commun. C’est toujours dans ce documentaire sur Arte qu’elle prononcera avec une sorte d’ironie sereine cette phrase que je cite de mémoire et qui m’avait tant frappée ; à savoir que si elle, Françoise Gilot, savait à peu près, au bout de cinq ans qui était Picasso, au bout de dix, lui, n’avait d’elle aucune idée…

A lire aussi: Picasso 2023, l’hommage impossible

C’est aux États-Unis qu’ensuite, elle ira vivre, qu’elle épousera un autre peintre, et produira 1600 toiles et 3600 œuvres sur papier en une seule vie ! Et c’est dans tout le pays et ailleurs qu’elle exposera. Elle a 98 ans lorsqu’elle expose pour la dernière fois et ne se retirera de ce monde, définitivement, que trois ans plus tard ; soit le 6 juin 2023.

Il nous reste à espérer qu’à cette femme d’une énergie peu ordinaire soit consacrée une rétrospective de ses œuvres en France, afin que sa peinture soit pleinement reconnue et appréciée, et qu’elle ne se réduise pas, même s’il y a pire réduction, à « La femme qui dit non », mais qu’elle apparaisse comme la femme qui aura su dire un oui magistral à la vie pendant… 101 ans !

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Communiqué judiciaire : la Justice donne raison à l’UJFP

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Communiqué judiciaire

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant publiquement, en premier ressort et contradictoirement à l’égard de Gil MIHAELY, prévenu, et de l’association Union juive française pour la paix (UJFP), partie civile poursuivante :

SUR L’ACTION PUBLIQUE :

Déclare Gil MIHAELY coupable du délit de DIFFAMATION PUBLIQUE ENVERS UN PARTICULIER PAR PAROLE, ECRIT, IMAGE OU MOYEN DE COMMUNICATION PAR VOIE ELECTRONIQUE, faits commis le 14 février 2018, à Paris et sur le territoire national ;

Condamne Gil MIHAELY au paiement d’une amende de CINQ CENTS EUROS (500€) ;

Vu les articles 132-29 et 132-34 du Code pénal :

Dit qu’il sera sursis totalement à l’exécution de cette peine dans les conditions prévues par ces articles ;

L’avertissement, prévu à l’article 132-29 du code pénal n’a pas pu être donné à l’intéressé absent au prononcé.

SUR L’ACTION CIVILE :

Reçoit l’association Union juive française pour la paix (UJFP) en sa constitution de partie civile ;

Condamne Gil MIHAELY à payer à l’association Union juive française pour la paix (UJFP) UN EURO (1 €) à titre de dommages-intérêts, et la somme de DEUX MILLE EUROS (2.000 €) sur le fondement des dispositions de l’article 475-1 du code de procédure pénale ;

Enjoint à Gil MIHAELY de faire procéder à la publication du présent dispositif sur la page d’accueil du site causeur.fr, en police Times News Roman, taille 20 pour le titre et taille 12 pour le corps du texte, et ce pendant une durée d’un mois, la dite publication devant intervenir dans le délai de 15 jours suivant la date à laquelle la présente décision aura acquis un caractère définitif ;

Rejette le surplus des demandes de la partie civile.

Dernières données presque scientifiques sur la sexualité

Où il est question de l’hétérosexualité, du «sexe-positif» et de la pénétration.


La France peut s’enorgueillir de posséder des médias n’hésitant pas à aborder les sujets les plus exigeants et les plus indispensables à l’élévation de la pensée. Ainsi, Le Monde, via son podcast “Le Goût de M” n° 98[1], nous rappelle-t-il l’existence de cette « autrice et documentariste » qui, en pleine « grève du sexe », explique : « Ce ne sont pas les sept minutes de coït réglementaire qui ont fini par m’écœurer, c’est tout ce que les rapports hétérosexuels représentaient. » Chacun aura reconnu la philosophe sexo-syndicaliste Ovidie, autrice d’un livre qui entrera sûrement (pour ne plus jamais en sortir) dans les annales de la sociologie moderne, La chair est triste hélas, livre que nous évoquâmes dans ces colonnes il y a quelques semaines (La métamorphose d’Ovidie). Une fois de plus, grâce au Monde, nous apprenons des choses surprenantes sur cette penseuse de haut vol : elle vit près d’Angoulême, elle a deux chiens qu’elle adore, ses parents étaient très gentils, son frère aussi, elle aime manger de bonnes choses, elle n’aime pas se mettre en colère, elle admire les féministes américaines pro-sexe mais fait une grève du sexe pour dénoncer ce « système politique qu’est l’hétérosexualité », elle pense qu’elle n’a « jamais été aussi honnête » que dans son dernier livre écrit, précise-t-elle, « en écriture quasi-automatique après une chute sur la tête ». Avant cette chute providentielle, Ovidie a vécu l’enfer de 25 ans d’hétérosexualité qui l’ont « épuisée et désenchantée ». Elle regrette les « investissements pour rester baisable » qui ne lui ont offert que « si peu, en retour ». L’hétérosexualité l’a énormément déçue, elle qui ne désire qu’une chose : « qu’on puisse jouir dans l’ouverture, dans l’ouverture de l’autre ». Elle prépare actuellement des documentaires sur les dessous de l’intime, du sexe, du désir hors les sentiers balisés de l’oppressive hétérosexualité. « Depuis le départ, dit-elle, ma boussole c’est la politisation de l’intime. » Le podcast du Monde dure une cinquantaine de minutes. La puissance rhétorique d’Ovidie résidant dans la répétition des deux ou trois réflexions qui font l’essentiel de son œuvre, il est possible de somnoler entre chacune d’elles sans perdre le fil du cheminement intellectuel de cette philosophe qui nous pardonnera facilement ces petites absences, elle qui avoue dans son livre s’être surprise de son côté à « sucer en ne pensant à rien » ou à « rédiger un mail ou une liste de courses dans [sa] tête, une bite dans la bouche ».

L’ancienne actrice porno Ovidie © Charlotte Krebs

Ludivine Demol Defe : n’improvisez plus vos soirées libertines

Sur France Inter, Nicolas Demorand, sérieux comme un pape, a récemment introduit le reportage d’une de ses consœurs journalistes sur le… « sexe positif », un « mouvement qui met le consentement et le féminisme au cœur des relations sexuelles ». Afin de contrecarrer les assauts concupiscents des hommes, des formations, des ateliers, des exercices pour apprendre à dire « non » sont organisés par Jérô et Simon. Ce dernier déclare : « Avec cet exercice, on apprend à prononcer un “non” affirmé, incarné. L’idée, c’est que la personne qui est en face ne puisse pas se dire “ce n’est pas un vrai non, c’est un petit non”. Je vais forcer un peu et arriver à mes fins. » Voilà un exercice qui sera bien utile à Nirméo, une des participantes qui, trop de fois, affirme-t-elle, a fait « l’amour par politesse », en particulier « lors de soirées libertines auxquelles [elle] participe ». Le sujet étant d’importance, pas de place pour l’improvisation, les réunions « sexe-po » sont préparées aux petits oignons : « Une cloche retentit pour marquer un temps d’introspection » puis les participants se touchent mutuellement un peu partout en demandant le consentement de leur partenaire – enthousiaste, l’un d’entre eux autorisera ainsi son vis-à-vis à lui mettre, en attendant mieux, un… doigt dans la bouche. La journaliste a interviewé Ludivine Demol Defe, chercheuse en sciences de l’information et de la communication s’intéressant, indique sa fiche Linkedin, « aux différents discours sur la vie affective et sexuelle qu’entendent les adolescent.es, en particulier des jeunes socialisées filles, afin de comprendre comment les représentations des sexualités et leurs discours interviennent dans les constructions du rapport à soi, du rapport à la société et du rapport à l’autre ». D’aucuns jugeront peut-être que ce type de recherches relève de ce qu’on appelle vulgairement la « branlette intellectuelle » – nous tenterons de les démentir en rapportant les édifiantes conclusions de cette chercheuse sur le « sexe-positif » : selon elle, ce mouvement est représentatif d’une « pensée politique » s’inscrivant « dans une pensée anticapitaliste ». On en apprend décidément tous les jours. La fin du reportage rapporte les propos de Sam, jeune homme tourmenté et désireux d’avoir des « rapports apaisés » avec les femmes : « C’est difficile, en tant qu’homme hétérosexuel, de se positionner quand on cherche à ne pas être toxique et harceleur. J’ai l’impression d’avoir trouvé une communauté où on échange dans la bienveillance. On verbalise, on se pose des questions. » Après ces moments de réflexion intense, d’introspection douloureuse et de remise en cause cyclonique, il est prévu un moment-détente, une « soirée sensuelle » durant laquelle il est sans doute attendu que les participants puissent en toute sérénité, à l’instar d’Ovidie, « jouir dans l’ouverture de l’autre ».

Au-delà de la pénétration

Les Parisiens pourront jouir, eux, d’un spectacle plébiscité par Ovidie qui se déroulera du 21 octobre au 25 novembre 2023 au théâtre de la Reine Blanche (Paris 18e) et abordera une autre facette de cette nouvelle sexualité culbutant surtout les idées reçues. Sur scène, Yves Beck lira une adaptation du livre quasi-nietzschéen de Martin Page, Au-delà de la pénétration, livre puissant, philosophique et politique, dans lequel l’auteur s’interroge, la tête dans une main et la zigounette dans l’autre, sur la pratique de la pénétration comme « modèle dominant dans les relations sexuelles » : cet emboitement des corps ne serait-il pas « le fruit d’une construction socioculturelle patriarcale » ? Question sidérale et sidérante. « La pénétration règne en maître », écrit Martin Page qui se révolte contre ce diktat « immémorial ». Car Martin Page est un homme révolté. Tout le révolte. Il est la révolte faite homme. Ainsi, sur son blogue, il affirme être « anticapitaliste, écologiste, animaliste », vouloir « interdire les voitures et les jouets genrés », remettre « en cause la norme sexuelle », mais aussi être « pour la fin du nucléaire », « contre les tablettes numériques », « contre les chefs et l’idée même de chef », « pour la fin de l’héritage » et « contre l’industrie ». Télérama et France Inter louèrent en son temps cet auteur courageux qui, selon le magazine télévisuel, remet en question « le caractère central de la pénétration ». La pénétration est enfin prise au sérieux, il était temps. Les plus fins cerveaux se penchent sur elle, l’analysent, la déchiffrent, l’auscultent pour la remettre en cause – Freud et son « envie du pénis » peut aller se rhabiller. Tant de domaines touchant à la sexualité demeurent mystérieux et n’attendent que l’éclairage de nos lumineux penseurs. Espérons que ces derniers sauront mettre à profit leur intelligence pour étudier ces énigmatiques pratiques sexuelles qui ne remontent, après tout, qu’à la plus haute Antiquité. Quant à la sodomie des coléoptères, inutile de s’attarder, il suffit d’observer nos époustouflants théoriciens pour être renseigné sur cette pratique discutable – c’est pas compliqué, autour d’eux, on n’entend plus une mouche voler.

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[1] https://podcasts.apple.com/fr/podcast/98-ovidie/id1480837383?i=1000615346180

Carnac: le coup du menhir

Alerte, terrain miné! La construction d’une enseigne de bricolage, entraînant la destruction d’une trentaine de petits menhirs, à proximité du site de Carnac, dans le Morbihan, suscite l’indignation. Le maire est depuis copieusement insulté sur les réseaux sociaux, alors que les experts s’interrogent sur la valeur archéologique de ce qui a été détruit.


Il y a des informations qui, quand elles vous parviennent, peuvent vous faire perdre un boulon. L’affaire du Mr. Bricolage, construit en lieu et place des mégalithes de Carnac, en fait partie. Dans cette affaire, ce qui a été perdu en patrimoine préhistorique a été gagné en connaissance de notre propre époque – et ça n’est pas ragoutant !

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Il est vrai qu’à Carnac, ce ne sont pas les menhirs qui manquent. Le plus célèbre des sites est protégé depuis 1889. Il restait toutefois quelques mégalithes sur le chemin de Montauban, identifiés par la Drac (Direction régionale des affaires culturelles) et qui faisaient l’objet d’une candidature au Patrimoine mondial de l’Unesco. Jusque-là, ils avaient échappé à la guerre du feu, à deux guerres mondiales et à l’appétit des promoteurs immobiliers et des vendeurs de tournevis. Certes, il faudrait être un militant fanatique du FLB pour prétendre que ces cailloux dressés depuis 7 500 ans ont un jour fourni de l’électricité à nos ancêtres les Gaulois. Pourtant, les conditions techniques de leur érection et leur signification spirituelle fascinent. En dressant ces pierres, les autochtones ont certainement voulu tutoyer les dieux (qui valent bien les nôtres). En cela, elles ont un caractère sacré, et leur charge symbolique n’est pas loin de s’apparenter aux flèches des églises romanes et des cathédrales. De bien petites choses, me direz-vous, en comparaison du besoin pressant de trouver un dimanche clous, marteaux, scies, clés à molette…

La France moche

On avait cru que grâce à Prosper Mérimée, la sensibilité aux monuments historiques et aux vieilles pierres avait progressé. On avait cru loin derrière nous l’époque de la Soupe au chou où des badauds s’enthousiasmaient à l’ouverture d’un Mammouth. C’était faire peu de cas de ce que sont devenues les entrées de ville et les rocades, pleines à craquer de magasins surdimensionnés aux couleurs criardes, annoncés en amont par une pléthore de panneaux publicitaires.

Image d’illustration D.R.

L’affaire de Carnac n’est jamais que la manifestation la plus absurde, la plus hideuse, de cette dérive. C’est contre cette catastrophe que s’élève notamment Olivier Saladin, ancien des Deschiens.

À lire aussi, du même auteur: Roger Waters: Musieg heil!

Chaque année, un prix est décerné par « Paysages de France » pour récompenser un patelin de la « France moche ». A l’avenir, Carnac pourra peut-être y prétendre, grâce à la légèreté de son maire, M. Olivier Lepick, qui a laissé les coups de pioche venir à bout de l’insolente érection desdits cailloux. Avant le possible classement de l’Unesco, la mairie semblait bien pressée de vendre du bâti à tout-va. Car après, ça ne sera plus possible. Plein de bonhomie, l’édile assure : « des sites détruits car ils n’ont pas été repérés, il y en a des listes, et il y en aura encore ». Dans son livre sur Sandrine Rousseau, Eric Naulleau a expliqué qu’il y avait moins une différence de nature que de degrés entre les militants écologistes qui vandalisent les œuvres d’art pour sauver la planète et… les Talibans qui détruisaient les Bouddhas de Bâmiyân en 2001. On pourrait se demander ici si les Talibans ne sont pas plus défendables que certains de nos élus: dans leur vision la plus monomaniaque possible du monothéisme, ceux-ci avaient peut-être le sentiment de faire le bien, de faire de la surface de la terre quelque chose qui ressemblait un peu plus au royaume d’Allah en dynamitant ces représentations idolâtres. Dans Humain, trop humain, Nietzsche écrit : « quoi que l’homme fasse, il fait toujours le bien, c’est-à-dire ce qui lui semble bon (utile) suivant son degré d’intelligence, son niveau actuel de raison ». On se demande en revanche quel idéal a bien pu animer le maire de Carnac et les investisseurs complices au moment de détruire les mégalithes bretons…

« Un Macdo à Lascaux ! »

En Bretagne, ces derniers mois, des mouvements plutôt à droite ont mené la fronde contre l’implantation de migrants, à Callac (Côtes d’Armor) et à Saint-Brevin (Loire-Atlantique). Il n’aurait pas été malvenu de s’élever aussi contre la construction de ce Mr. Bricolage. Dans l’ambiance de nervosité ambiante, il ne faudrait pas embêter de trop le maire de Carnac, on a vu que ça pouvait mal tourner. Il faudrait plutôt réveiller l’esprit de Jalons cher à Basile de Koch et organiser une manifestation dans la petite ville du Morbihan, qui tournerait en dérision M. Lepick. Elle réunirait écologistes sincères, réactionnaires, gens de droite amoureux des vieux cailloux et gens de gauche hostiles à l’argent-roi, lesquels enterreraient pour une journée la hache de guerre et se retrouveraient autour de la défense du patrimoine et de ces « lieux où souffle l’esprit ». Elle serait le point de départ d’un vaste mouvement qui encouragerait la destruction de toutes ces vieilleries bâclées, de ces fresques jamais finies. Les mots d’ordre, sur des banderoles géantes, accrochées à la mairie, pourraient être : « Un Gamm vert à Chauvet ! », « Un Macdo à Lascaux ! », « un motel à Tautavel ! ».

Front Polisario: cinquante ans de crimes et de supercheries

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Structure paramilitaire marxiste vérolée par la corruption, l’organisation sahraouie conserve son pouvoir de nuisance grâce au soutien inconditionnel de l’Algérie à son égard.


Le 10 mai 1973 naissait en Mauritanie le Front Polisario, avec pour but de s’immiscer dans la décolonisation du Sahara marocain alors occupé par l’Espagne de Franco. Après la mort de celui-ci en 1975, les troupes espagnoles quittent la région. Le 1er mai 1977, deux coopérants français sont tués en Mauritanie par le Polisario. Huit autres sont enlevés. Le président Valéry Giscard d’Estaing réagit en déclenchant au mois de décembre de la même année, l’opération « Lamantin ». Des avions Breguet Atlantic de l’Aéronavale, des parachutistes et des avions de chasse Jaguar de l’Armée de l’Air sont engagés et les otages sont libérés le 23 décembre. Depuis, le Polisario a pris ses quartiers à Tindouf, dans l’Ouest algérien. Vestige de la Guerre froide, il bénéficie toujours du soutien du PCF ou, en Espagne, de Podemos.

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Nul ne peut contester le soutien constant apporté par l’Algérie au Polisario depuis sa fondation. A travers lui, le pouvoir FLN d’Alger est parti au conflit, malgré ses dénégations. Dans les camps de Tindouf, au mépris du droit humanitaire, l’Algérie a renoncé à exercer sa souveraineté sur des populations sahraouies qui n’ont jamais fait l’objet d’un recensement. Le détournement de l’aide humanitaire, principalement européenne, est avéré par des rapports de l’Union européenne et de l’ONU. Comme l’aide financière algérienne, elle permet aux dignitaires du Polisario de s’assurer un train de vie conséquent.

Opposants torturés, enfants soldats exhibés, droits élémentaires bafoués : la liste des méfaits du Polisario à l’égard des habitants des camps de Tindouf est longue, comme en témoignent régulièrement des ONG devant la 4e commission des Nations-Unies à New-York. Pour solutionner définitivement la question du Sahara occidental, le Maroc a proposé en 2007 à l’ONU un plan d’autonomie, dont la faisabilité a été renforcée par la nouvelle constitution marocaine de 2011 voulue par Mohammed VI, texte qui a amplement renforcé la décentralisation existante au sein de la monarchie chérifienne. C’est ce plan d’autonomie qui a rallié de nombreux soutiens diplomatiques au Maroc, a commencer par celui des États-Unis.

A lire aussi: « Le moment est venu de menacer l’Algérie » : entretien avec Patrick Stefanini

Le Polisario participe toujours de divers trafics dans le désert, participant ainsi à la déstabilisation de l’espace saharien, lieu privilégié de transits criminels sud-nord : drogue, armes, migrants… De même l’Algérie est aujourd’hui une tête de pont essentielle pour la Russie en Afrique du Nord, ce qui ne facilite pas le règlement définitif du conflit sur la marocanité du Sahara occidental malgré les efforts de Rabat. La prise en compte du Polisario pour ce qu’il est, c’est-à-dire une organisation criminelle et dangereuse pour la sécurité régionale de l’Afrique du Nord, est donc une donnée essentielle pour l’achèvement du processus de normalisation du Sahara marocain.

Annecy: combien de temps durera l’indignation, cette fois-ci?

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Ils étaient âgés de trois ans…


Dernière minute. Six personnes ont été blessées, dont quatre jeunes enfants. Cette attaque s’est produite dans les jardins de l’Europe, près du lac d’Annecy. Peu après 15 heures, le procureur de la République d’Annecy, Mme Line Bonnet-Mathis, aux côtés du Premier ministre, a indiqué qu’une enquête était ouverte pour « tentatives d’assassinats » et qu’il n’y avait « aucun mobile terroriste apparent », que l’auteur des faits était en garde en vue à Annecy et que ses motivations restaient à déterminer. Mme Borne a précisé qu’il s’agissait d’un Syrien ayant le statut de réfugié en Suède depuis 10 ans. Individu isolé, SDF, il aurait demandé l’asile en France plus récemment, ce qui lui aurait été refusé.


Ils étaient âgés de trois ans. Cela n’a pas empêché l’homme de les poignarder. Aujourd’hui, le pronostic vital de certains de ces enfants et d’un adulte est engagé. Que s’est-il passé dans ce parc à Annecy ? D’après les premières informations de la préfecture, un demandeur d’asile syrien, Abdalmasih H., âgé de 31 ans, aurait attaqué au couteau des enfants qui jouaient dans le parc jouxtant l’école du quai Jules Philippe.

La nation en état de choc

Tout dans cette affaire est choquant. Et d’abord le fait de s’en prendre à des tout-petits. « Comment est-ce possible ? » a écrit Jean-Luc Mélenchon. On aimerait pouvoir faire preuve d’autant de candeur dans l’analyse, mais force est de constater que ce genre d’atrocités se multiplie et que les profils des meurtriers ont beaucoup en commun. Et pas seulement leur déséquilibre psychologique.

Ils détestent la civilisation occidentale vue comme mécréante et matérialiste et ils sont fascinés par l’idéologie ou les méthodes de l’islamisme, sa puissance de mobilisation et son usage decomplexé de la violence qui lui permet d’imposer sa vision du monde au-delà des rangs de ses adeptes. Ceux qui viennent de ses régions, Syrie, Irak, ont vu ou participé à des horreurs, accumulent les traumatismes.

Si à cette heure les motivations de l’assassin ne sont pas explicites, le fait qu’il soit Syrien interpelle et nous replace dans un contexte de violence islamiste.

L’attentat rappelle aussi les meurtres de Mohammed Merah dans l’école Ozar Hatorah à Toulouse en 2012.

On peut rappeler aussi que, si l’homme était désespéré de ne pas voir sa demande d’asile aboutir en France, s’immoler par le feu aurait eu plus de sens que de rejouer le massacre des innocents dans le jardin de l’Europe. Car c’est ainsi que s’appelle le lieu du crime. Tragique ironie.

La question de l’asile était déjà au cœur du débat politique

Cet homme n’était fiché nulle part et pourtant il vient de faire preuve de sa dangerosité. Ce qui pose la question de notre capacité à savoir qui on accueille sur notre territoire alors qu’un certain nombre de réfugiés viennent de zones où la violence islamiste est dominante. Au sein de l’Etat islamique, des enfants ont été tués pour avoir regardé un match de football, d’autres ont été filmés en train de décapiter des prisonniers ; on sait que ces régions sont la proie du chaos, de la haine religieuse, ethnique et tribale qui y donne toute sa mesure… Dans ces espaces où règne la guerre, il n’y a pas de place pour la prise en compte de l’enfance et la notion même d’innocence est perdue.

Là où règne le chaos et la violence, les personnes sont abîmées et l’on sait que les victimes de violence peuvent devenir auteurs de ces mêmes violences. Or, ils sont souvent accueillis comme le seraient des migrants économiques. On se soucie peu des ravages que produisent sur la psyché des individus les actes de guerre et de barbarie qui sont le lot de nombres d’habitants de Syrie ou d’Irak. Que certains demandeurs d’asile puissent être des prédateurs recouverts de peau de mouton est un fait. Que leur identification soit souvent impossible en est un autre. D’abord parce que si on connait bien les dirigeants, on ignore souvent le nom des nervis, ces exécuteurs de basse-œuvres. Pire même, appartenir au clan des bourreaux n’est pas rédhibitoire pour faire une demande d’asile. C’est comme cela que la France a accueilli sur son sol des militants et dirigeants du Front Islamique du Salut après la guerre civile en Algérie, au motif que ces islamistes risquaient la persécution après l’avoir eux-mêmes pratiquée.

Cette énième affaire où le meurtrier est demandeur d’asile rend de plus en plus nécessaire le débat sur le dépôt des demandes d’asile dans les pays-tiers. Et ce d’autant plus que l’on sait pertinemment qu’une fois arrivés en France, mêmes déboutés, les demandeurs d’asile restent. Mais soyons francs, ce qui fait peur dans cette histoire n’est pas le statut du meurtrier, mais bel et bien les représentations idéologiques et culturelles dans lesquelles il baigne et qui l’ont amené à n’avoir aucune humanité et aucune empathie à l’égard de tout petits. Comme s’ils n’étaient que des rejetons d’une société honnie, indignes même d’être pris en considération. L’ampleur d’une telle haine fait froid dans le dos. D’autant plus froid que ceux qui alimentent cette déshumanisation sont aussi présents sur notre territoire et sèment les mêmes graines de ressentiment et de violence.

À l’heure où nous écrivons ces lignes, nous avons plus de questions que de réponses au sujet de ce drame qui frappe Annecy et les Français en leur cœur : Abdalmasih H. avait-il prémédité l’attaque d’enfants en bas âge ? Quel était l’état exact de sa situation administrative sur notre sol ? Combien de temps durera l’indignation ? Les attentats contre l’école toulousaine ou contre Samuel Paty ont démontré qu’il n’y a pas d’ « avant » et pas d’ « après », même si les Français n’oublient pas.

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Qui n’est pas de droite aujourd’hui?

Quand je lis dans Paris Match le portrait de Gabriel Attal et que ce dernier nous déclare avec une désarmante sincérité que son action ministérielle vise à faire oublier qu’il venait de la gauche, je suis persuadé qu’il n’est pas le seul dans ce cas.


Au moment où je commence à écrire ce billet, je viens d’apprendre l’effroyable attaque criminelle, par un Syrien armé d’un couteau et demandeur d’asile (s’étant dit chrétien) contre plusieurs très jeunes enfants à Annecy sur un espace bien connu là-bas qui s’appelle le Pâquier. Avec cette épouvantable tragédie, je ne quitte pas mon sujet puisque les modalités de cette horreur nous confrontent très directement aux graves faiblesses du pouvoir malgré un ministre de l’Intérieur qui fait tout ce qu’il peut, par tweets, déplacements et mesures, pour combler le vide sidéral du régalien avec ce président qui découvrira trop tard que la droite, c’est d’abord une volonté de protection absolue de tous les Français.

Annecy : la réaction hors sujet de Charlotte Caubel

Il n’est pas inutile de rappeler cela quand, face à cette ignominie (cinq personnes dont quatre enfants tout petits, presque tous entre la vie et la mort), je lis par exemple un tweet ridicule de la Secrétaire d’Etat chargée de l’enfance, magistrat, Charlotte Caubel, qui énonce en particulier que « une nouvelle fois nos enfants sont la cible de l’augmentation des violences dans notre société ».Le migrant syrien, Abdalmasih H, aurait fait une demande d’asile à Grenoble en novembre 2022. Elle aurait été déclarée irrecevable seulement il y a quelques jours. La raison du passage aux crimes ?

A lire aussi, Gabriel Robin: Harcèlement: l’école comme expérience carcérale

Qui n’est pas de droite aujourd’hui non seulement face à cette cruauté collective ciblée pour atteindre l’innocence la plus pure mais en général au regard de l’évolution de notre société et des enseignements que la quotidienneté, sur tous les plans, ne cesse de nous transmettre ? Bien sûr il y aura toujours les irréductibles de gauche et d’extrême gauche qui refuseront de considérer la réalité ou d’accepter ses leçons. Mais comme la droite a le vent en poupe ! La droitisation de la société a été évaluée et analysée par Fondapol et Dominique Reynié.

Venir de la gauche est devenu honteux

C’est d’abord en raison de ce climat dont le médiocre état de la France ne cesse pas d’amplifier la gravité – d’abord l’incroyable délitement des services publics, d’autant plus préoccupant qu’il interpelle constamment nos concitoyens sur la finalité de nos impôts et le scandale des fraudes fiscales et sociales – que le président de la République et son gouvernement, à bride abattue, remettent dans leur machine politique de l’engrais de droite cherchant à rattraper tant de retard et d’occasions gaspillées.

Gabriel Attal, porte-parole du gouvernement, le 8 mars 2022 © JEANNE ACCORSINI/SIPA

Quand je lis dans Paris Match le portrait réussi du talentueux Gabriel Attal par Laurence Ferrari et que ce dernier nous déclare avec une désarmante sincérité que son action ministérielle vise à faire oublier qu’il venait de la gauche, je suis persuadé qu’il n’est pas le seul dans ce cas. Peut-être parce que cette évolution me comble, je n’y vois pas seulement, chez tous ceux qui la vivent, du cynisme et de l’ambition mais la conscience qu’il n’est plus possible d’embrasser des vieilles lunes révolutionnaires. Pour guérir la France, il ne convient plus de faire fond seulement sur une rationalité chiffrée mais de la faire revivre grâce à une élévation par l’Histoire, la culture, l’âme et l’esprit et donc par une politique de droite intelligente et sensible.

Quatre années imprévisibles

À partir de cette certitude revigorante, je ne voudrais pas que la seule droite qu’on n’écoute pas, qu’on ne respecte pas, soit la droite conservatrice, fière d’elle, sans démagogie ni repentance, celle qui a tenu une ligne et ne s’est jamais abandonnée par complaisance à l’illusion d’une gauche jouant de sa domination médiatique et de la crainte d’une extrême gauche parant son goût de la violence de la noblesse prétendue de ses fins. Il serait choquant que comme pour le communisme, on courtise plus les anciens communistes qui s’étaient trompés que les impeccables ne s’étant jamais égarés sur aucun plan. Pour la droite qu’on veuille bien s’en tenir à l’original !

Au regard de ces données, même si le cours de notre pays est imprévisible et que la richesse de certaines personnalités bouscule parfois les programmations les plus évidentes, il serait inconcevable que 2027 n’offrît pas à la droite enfin une victoire.

Chevènement: pas «totalement» dans les clous

Le « Che » avait déçu beaucoup de monde en se ralliant à Emmanuel Macron en 2022. Dans son nouveau livre (Refaire la France, Bouquins, 2023), toutefois, il sort timidement des clous du politiquement correct.


Attention, il revient ! À 84 ans, Jean-Pierre Chevènement, ancien ministre de l’Industrie, de l’Education nationale, de la Défense et de l’Intérieur, sort un livre, Refaire la France, chez Bouquins (collection devenue il y a deux ans éditeur à part entière), avec les contributions de Louis Gallois, ancien président de la SNCF, et de Jean-Eric Schoettl, ancien directeur du CSA, et un sous-titre prometteur : « une vision décapante ».

Désormais, il est surtout lu par les gens de droite

S’il n’est pas l’aîné des grands témoins du siècle passé (il nous reste tout de même encore Balladur, Badinter, Jacques Delors ou Roland Dumas), Jean-Pierre Chevènement a toujours la vigueur nécessaire pour sortir ce nouvel ouvrage. Depuis plusieurs décennies, il traîne l’étiquette d’un intellectuel égaré en politique qui, pour finir, intéresse plus les gens de droite que ceux de sa famille politique. Dans son dernier livre, le Che énumère ses chevaux de bataille : la réindustrialisation, la refonte de l’Education nationale, la souveraineté nationale, l’assimilation républicaine. Autant de thèmes malmenés par l’air du temps. Chevènement dresse une archéologie précise de la décomposition à l’œuvre depuis 40 ans. Parmi les responsables : une bonne partie de la gauche, convertie au cours des années 80 au libéralisme et au mondialisme. « Au [cours] des années 1980-1990, les artisans d’un tournant néoliberal de gauche disposaient donc de puissants appuis dans l’establishment médiatique », peut-on lire. Mais, plutôt que de voir Emmanuel Macron comme le dernier avatar de cette ascendance politique qui irait de Rocard à Strauss-Kahn, Chevènement a décidé de jeter son dévolu sur celui-ci, en 2017. On prête en effet à l’ancien maire de Belfort de murmurer à l’oreille du président depuis le début du premier quinquennat. 


C’est qu’il y a deux Chevènement. Le Chevènement des démissions fracassantes, contre le maintien de la France dans le système monétaire européen en 1983, contre la guerre du Golfe en 1991, contre le processus de Matignon et le dialogue avec les terroristes corses en 2000. Et puis il y a le Chevènement qui s’est toujours rêvé en conseiller du prince, cherchant à peser sur les présidents. Son ami, le regretté Max Gallo, disait de lui : « il pense comme de Gaulle et parle comme Guy Mollet ». Depuis son ralliement à Macron, on avait craint qu’il se mette aussi à penser comme Guy Mollet. Lui, le partisan de la réindustrialisation, aux côtés de l’homme qui a laissé la branche électrique d’Alstom filer entre les mains de General Electric, avec tous les effets désastreux sur la ville de Belfort ! Le partisan d’une école revenue à ses missions premières, alors que Pap N’diaye a remplacé l’an passé Jean-Michel Blanquer ! On peut se demander si ça ne revient pas à défendre la diffusion des plats végétariens à la cantine, en partenariat avec Charal…

Écologie, Ukraine: surtout si vous n’êtes pas d’accord?

De temps en temps, Jean-Pierre Chevènement aime à sortir légèrement des clous du politiquement correct. Sur le réchauffement climatique, il ne conteste pas son existence mais discute la notion d’anthropocène, et surtout, il doute que le progrès technique ne puisse pas suffire à résoudre une grosse partie du problème. En tout cas, il n’y a selon lui pas de quoi se pénaliser économiquement. « J’incline à penser qu’il y a d’autres causes, naturelles celles-là, mais insuffisamment étudiées. La recherche en astronomie a encore de beaux jours devant elle… ». Le Che, dans les étoiles, pour rabattre le caquet de Greta Thunberg ?

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Sur le conflit russo-ukrainien, il ne cache pas qu’il a eu l’occasion de serrer la pince de Vladimir Poutine à maintes occasions (en 2017, l’ancien ministre français avait été décoré de l’Ordre de l’amitié) et exprime un point-de-vue mesuré. « Certes, c’est la Russie qui a envahi l’Ukraine. Mais l’Europe n’est-elle pour rien dans la genèse de ce conflit ? Nous y reviendrons ultérieurement, quand ce débat pourra être possible et utile ». Un jour, Chevènement nous exprimera donc le fond de sa pensée sur cette affaire, peut-être après la fin de la guerre… En revanche, on peut trouver Chevènement injuste avec la droite française, et surtout avec Jacques Chirac, quand il écrit : « [après 1990], il n’y a plus de De Gaulle à l’intérieur du monde occidental pour dessiner une alternative à la politique de « guerre contre la terreur » décrétée par George W. Bush ». En lisant le dernier livre de Maurice Gourdault-Montagne, on a pu se remémorer à quel point Chirac avait au contraire voulu se tourner vers la Russie de l’époque, l’Inde ou le Levant. Dans un monde où l’Allemagne se réarme militairement, où l’Amérique joue plus que jamais la carte du protectionnisme, où la Russie attaque son voisinage et où la Chine s’apprête à devenir la première puissance mondiale, Chevènement invite la France à jouer sa partition et à défendre crânement ses intérêts.

À l’intérieur, elle doit évidemment lutter contre le séparatisme islamiste. Avec Macron, le Che en est certain, il a misé sur le bon cheval. « Le président a rappelé avec force les principes républicains fondateurs dans un discours au Panthéon le 4 septembre 2020. Il a également su pointer le danger de l’islamisme qu’il ne faut surtout pas confondre avec l’islam, et mettre en garde contre « l’aventure du séparatisme » qui prétend imposer aux citoyens d’une libre République la loi d’un groupe ». Peut-être. En six ans d’ « en même temps », il est certain qu’on a tous eu l’occasion d’être d’accord au moins une fois ou deux avec le président…

Harcèlement: l’école comme expérience carcérale

Lucas, Shaïna, Lindsay, Thibault et les autres… Suicidés ou tués, leurs noms ne hanteront malheureusement pas suffisamment longtemps les esprits de nos gouvernants, des recteurs, des professeurs ou des pions. Leurs familles, elles, devront vivre avec le souvenir qui mine, celui qui rime avec regrets et remords… La mise en accusation des réseaux sociaux est trop facile. Analyse.


Et si l’école était ce qui ressemblait le plus à la prison ? L’enfant est encadré par le personnel éducatif, doit respecter des horaires et se conformer au règlement de l’établissement. Sa peine est fixée d’avance mais peut évoluer, en fonction d’examens sanctionnés par des notes – de moins en moins exigeants, cela étant. Autre chose, les pires ennemis de l’enfant scolarisé ne sont pas ses professeurs mais bien ceux qui partagent son sort : ses camarades de classe et de cour de récréation. Sortir à l’heure de la promenade peut être une aventure périlleuse pour les condamnés dont le caractère, le parcours ou le physique, se distinguent un peu trop de la masse.

Le couteau de fortune fabriqué avec du plastique durci n’est jamais loin, comme la balayette ou la calotte derrière la tête. Le petit coup qui humilie, l’attentat préparé qui tue. Un contre un. Bande contre bande. Tous contre un, un contre tous. Des groupes se forment, antagonistes et agressifs, prêts à en découdre pour le plus petit détail, la moquerie qui nous semble dérisoire, les dernières baskets à la mode, le mot de trop, la jalousie pure et simple. En prison comme à l’école, les rancunes sont tenaces et les réputations sont tatouées à l’encre indélébile. Surveillants de prison et surveillants de collège ont, au fond, le même travail. Ils doivent faire régner l’ordre dans un univers clos soumis à ses propres règles coutumières.

Honte collective

Il n’est pas rare qu’au petit matin, le maton découvre un corps inanimé, pendu de fortune au barreau ou vidé de son sang aux poignets. Plus fragiles ou n’ayant plus aucun espoir en l’avenir, ils sont quelques-uns à préférer se donner la mort plutôt que d’attendre que d’autres la leur donnent. Une société ne peut pas sauver tout le monde, n’a pas la charge de la santé mentale de tous les éléments qui la composent, certes. Mais une société qui se résoudrait à voir ses membres les plus faibles soumis à l’arbitraire de la violence n’aurait pas de futur. La récurrence des drames en milieu scolaire, – avant peut-être pire, les massacres scolaires aux États-Unis étant aussi causés par l’expérience carcérale qu’est devenue l’école, devrait nous faire collectivement honte.

À lire aussi, Aurélien Marq: Que faire des femmes de retour du califat et de leurs lionceaux?

Lucas, Shaïna, Lindsay, Thibault et les autres. Suicidés ou tués, leurs noms ne hanteront malheureusement pas suffisamment longtemps les esprits de nos gouvernants, des recteurs, des professeurs, des psychologues et des pions. Leurs familles devront, elles, vivre avec le souvenir qui mine, celui qui rime avec regrets et remords. Dernière victime en date, Thibault s’est suicidé à l’âge de 10 ans après avoir été harcelé pendant deux ans, ses bourreaux lui ayant même cassé la main. Il était scolarisé en CM2 à Saint-Bonnet-le-Château. Sa mère a déposé une plainte contre X, regrettant, dévastée au micro de CNews, de n’avoir pas perçu les signaux faibles de la dépression de son petit garçon.

Creil: misogynie archaïque et omerta

Shaïna a été ciblée par les garçons de sa cité de Creil. D’abord agressée sexuellement, avant d’être humiliée et traitée de tous les noms, elle a fini sa vie assassinée et brûlée au dernier degré dans un sordide cabanon. Le procès de son meurtrier présumé s’est ouvert ces derniers jours, Shaïna était enceinte de lui. Omerta du quartier, misogynie archaïque et absence de vraies mesures de protection auront eu raison de cette malheureuse innocente. Un témoin interrogé au tribunal dans le cadre de cette affaire a assuré ne plus se souvenir, après avoir été conduit au tribunal par les forces de l’ordre. Maître Adel Fares, avocat de la défense, a fait cette étonnante confession : « [Il a été amené par les forces de l’ordre], c’est une espèce de code d’honneur des quartiers, il ne faut pas passer pour une balance ».

Musk et Zuckerberg : des coupables un peu faciles

Aurions-nous pu sauver ces enfants ? Les protéger d’eux-mêmes et des autres ? On a tôt fait de pointer du doigt la « responsabilité des réseaux sociaux », ce qui fut d’ailleurs la première réaction du ministre de l’Éducation nationale. Comme si nous accusions les voitures des accidents provoqués par le mauvais comportement des conducteurs et le mauvais entretien des routes ! Bien sûr, les réseaux sociaux entraînent un suivi du harcèlement. L’enfant n’est plus à l’abri chez lui, pourchassé jusque dans son intimité numérique, saoulé de messages haineux et de moqueries. Mais, les réseaux sociaux ne sont qu’un outil. La responsabilité est beaucoup plus large. Nous sommes face à une déroute anthropologique. Le harcèlement a toujours existé. Qui peut toutefois prétendre que l’école a toujours été frappée par autant de drames, dont les victimes sont de plus en plus jeunes ? Les bourreaux n’ont d’ailleurs plus peur, en témoigne l’acharnement post-mortem des jeunes filles qui ont poussé Lindsay au suicide.

L’Éducation nationale est désemparée. Les parents n’apprennent plus à leurs enfants à se défendre. Comment les professeurs et surveillants peuvent-ils ignorer de telles haines entre les élèves ? Pourquoi nous donne-t-on l’impression que personne n’est jamais sanctionné ? Que les chaines de responsabilité ne sont jamais établies ? Laxisme et manque de psychologie élémentaire sont pourtant les mamelles de ces maux. Les enfants font la loi entre eux quand ils voient que la loi n’est plus respectée. Ajoutons à cela la glorification permanente de la superficialité à travers la sous-culture de la téléréalité, une partie du rap qu’ils prennent au premier degré et la disparition des sociabilités traditionnelles (relations de voisinage, vie de quartier ou du village, paroisses etc.) qui étaient autrefois les piliers fondateurs d’une société digne de ce nom. Qui se soucie de son voisin ? Et même des enfants de ses frères et sœurs ?

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Tous seuls

Livrés à eux-mêmes, dépourvus d’objectifs communs, les enfants reproduisent les schémas à leur petite échelle. Ne croyons d’ailleurs pas que cela n’affecte qu’un milieu social ; villes, banlieues et campagnes sont touchées. Agir ? Oui, à l’évidence. Mais rendez-vous compte que des gangs d’adolescents comme la DZ Mafia se promènent dans les rues de Marseille avec des armes de guerre… Nous ne sommes plus en état de paix sociale, la guerre de tous contre tous est la nouvelle norme. Il serait donc peut-être temps de jeter un regard fraternel par-dessus les épaules de nos jeunes frères et sœurs.

« Et certainement il est également vrai, et qu’un homme est un dieu à un autre homme, et qu’un homme est aussi un loup à un autre homme. L’un dans la comparaison des Citoyens les uns avec les autres ; et l’autre dans la considération des Républiques ; là, par le moyen de la Justice et de la Charité, qui sont les vertus de la paix, on s’approche de la ressemblance de Dieu ; et ici, les désordres des méchants contraignent ceux mêmes qui sont les meilleurs de recourir, par le droit d’une légitime défense, à la force et à la tromperie, qui sont les vertus de la guerre, c’est-à-dire à la rapacité des bêtes farouches », disait Thomas Hobbes. Il semblerait que notre classe politique l’ait oublié.

Notre Sollers qui est aux cieux

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L'éditeur et écrivain Philippe Sollers (1936-2023) © Hannah Assouline

L’auteur de Paradis y est sans doute – alors que ses contempteurs restent en enfer


Pourquoi se sent-on toujours obligé de dire du mal de lui – même quand on a décidé de faire son éloge ? De ressortir les dossiers que tout le monde connaît par cœur (le maoïsme, Matzneff, les pétitions honteuses, les opportunismes en rafale et souvent à côté de la plaque : Balladur, Ségolène Royal), sans parler de ses innombrables roulades médiatiques où, bien souvent, l’on eut honte pour lui. Comme si le siècle puritain et procédurier l’avait emporté aussi en nous. Sollers ? Coupable !

Non, il faut se reprendre.

Aujourd’hui, il est mort et il nous manque déjà. C’est qu’on l’aura chéri ce Bordelais border line, non-ponctué enfariné, toujours en roue libre – et de fait sachant comme personne s’échapper au bon moment, survivre aux idioties de l’époque comme aux siennes. « Taxi ! » avait-il l’habitude de dire quand on venait l’ennuyer avec des problèmes inutiles, des querelles imbéciles, des explications vaines (« il faut cultiver le meilleur malentendu pour s’entendre », répétait-il). C’est d’ailleurs là où il est le plus fort : dans le large, le vent, l’envol, les mouettes, la pensée délivrée de toutes les idéologies, culpabilités, pesanteurs. Au moins aura-t-il épuisé la fameuse formule de Nietzsche que toutes les convictions sont des prisons.

« Sur le moment, je sens si bien toutes les possibilités d’une opinion ou d’une attitude, je les prévois si clairement que, n’en pouvant choisir aucune par l’ennui où je suis de toutes les concevoir, je m’en remets à une sorte d’improvisation », écrivait-il déjà dans Une curieuse solitude, récit du dépucelage d’un adolescent par une femme plus âgée que lui, c’est-à-dire initiation au savoir absolu, pour ne pas dire roman « macronien » avant l’heure. Lisez à ce propos son magnifique texte sur Emmanuel et Brigitte, Macron lacanien[1], en lequel tout homme normalement constitué devrait se reconnaître.

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En vérité, nous sommes tous les enfants de Sollers. Son nom « tout en art » nous a fait rêver – « rêvrer » comme il disait dans Beauté, c’est-à-dire « rêver vrai ». Tout ce qu’on lui doit ! Sade, Joyce, Pound, Bataille, Louis-Claude de Saint-Martin (dans Désir), Fragonard, De Kooning, Haydn. Et aussi, rappelons-le, rappelons-les plutôt, Nabe, Muray, Meyronnis, l’ami Di Nota. Sollers, c’est « l’aîné qui va de soi », comme dit Stéphane Zagdanski dans son hommage en spirale[2], l’Atlante essentiel de notre temps, le docteur Strange qui a osé avant tout le monde ce multiverse of madness qui s’appelle Paradis. Même si on n’a pas eu la chance de le connaître, par timidité, paresse ou maladresse, on a aimé sa personne, sa famille, ses incestes heureux, son insouciante pornographie, ses trésors d’amour : Dominique, Julia, David, le Martray, Venise. Plus que tout, nous lui devons d’avoir vraiment appris à lire, peut-être même à écrire, dans tous les cas, à être libre, c’est-à-dire sans ponctuation.

© Hannah Assouline

Des laboratoires d’avant-garde de ses premiers livres (Drame, H) aux prières illuministes des derniers (Médium, Mouvement, Beauté, Centre, Désir, Graal), en passant par les grands romans prophétiques de la maturité (Femmes, Portrait du joueur, Le Cœur absolu), au centre desquels trône Paradis, ce livre talisman, il est l’auteur d’une œuvre prodigieuse qu’on n’a pas fini de redécouvrir, et la seule sans doute qui mérite d’être pléiadisée d’urgence.

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Son art est celui de l’écriture de la pensée. Lorsque dans Une vie divine, son roman/essai sur Nietzsche, il écrit que « [son] pari à [lui], et c’est pour cela qu’il paraît souvent opportuniste, changeant, amoral, est un pari sur l’impensable. Ce qui ne veut pas dire du tout l’absence de pensée, au contraire : c’est un pari sur l’accumulation, la multiplication de toutes les pensées possibles… », il faut y voir le plus ambitieux projet de la littérature française contemporaine : celui d’embrasser la totalité dans une phrase, un mot. « Soit le monde a plus de mots que moi, soit c’est moi qui en ai plus que lui. »

Guerre, donc, au monde. Sollers, ce fut aussi ce météore lancé contre tous les bigots de l’époque, barbares de la littéralité, iconoclastes de la cancel culture, obscurantistes du wokisme, « sensitivity readers »de l’antilittéraire (annoncés à la page 330 du Folio de Portrait du joueur) et par-dessus tout exciseuses néoféministes – que dans L’École du mystère, il appelle « les Fanny » : celles-qui-ont-toujours-raison, les prudes grondeuses, les justicières gonflantes, les sentimentales normatives, les rappels-à-l’ordre systématiques, les « contre-disantes » et « contre-désirantes », dont la seule jouissance réside dans l’anti-jouissance, à commencer par celle de la langue qu’il faut châtrer.

Céline avait prévenu : ce n’est pas tant Bagatelles qu’on ne lui pardonna jamais, mais bien le Voyage. Pareil pour Sollers. Plus que ses errances politiques, c’est sa propension à la joie qui donna des boutons, sa proposition de bonheur qui horripila (« Le bonheur est possible. Je répète. Le bonheur est possible », scande-t-il dans Agent secret), ce paradis enfin, insupportable pour une société qui ne supporte plus que l’enfer, selon un mot de Chesterton. Eh bien qu’elle y reste ! Sollers est aux cieux et il continuera de nous éveiller. Le vrai woke, c’est lui.

Adieu Philippe, je vous aimais beaucoup.

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[1]. « Macron lacanien », phillipesollers.net.

[2]. « L’œuvre et la pensée de Philippe Sollers », youtube.com.

Françoise Gilot: un amour de Picasso

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Françoise Gilot © BENSON BRIAN/SIPA

Muse de Picasso et peintre elle aussi, Françoise Gilot est morte le 6 juin, à 101 ans, et a osé défier l’ogre après dix ans de vie commune.


François Gilot a vingt-et-un ans lorsqu’elle rencontre Picasso en 1943. Il a la soixantaine et il est au faîte de sa gloire, considéré comme un dieu vivant. Elle peint déjà, mais nous ne le saurons que bien plus tard. Ce qui frappe chez une si jeune femme, c’est sa capacité à rester elle-même face à l’Ogre. Ainsi, Pierre Lescure dans l’émission C à vous annonçant sa mort, a montré des images d’archives accompagnées du commentaire de la principale intéressée, où on voit qu’à chaque portrait d’elle que fait le peintre, elle répond par un autoportrait ; sorte de reprise de l’image par la Muse en personne ! Et cela donne une extraordinaire dialectique picturale : Françoise Gilot, ou l’art de se récupérer, comme femme et comme artiste. Elle le quitte au bout de dix ans de vie commune, en 1953. Elle fut la seule à oser faire une chose pareille ! On ne quitte pas Picasso, on ne lui dit pas non, non plus. Elle raconte dans un documentaire pour Arte qu’il l’appelait « La femme qui dit non », et qu’il nommait le petit Paul qu’ils avaient eu ensemble : «  le fils de la femme qui dit non » ! Ambiance à Vallauris…

À lire aussi : Les mille destins possibles d’Adèle H.

Pour François Gilot, il valait mieux, en effet, être la femme qui dit non que « La femme qui pleure », un des tableaux les plus célèbres du maître. Il ne lui pardonna jamais vraiment cette résistance…

Suite à leur séparation, elle écrit un livre publié en 1964 intitulé Vivre avec Picasso ; livre qui déclenchera la colère du peintre. Lequel, mauvais joueur, rameutera tout le gratin culturel proche du PC en avril 1965, afin de signer dans Les Lettres Françaises, l’hebdomadaire d’Aragon, une tribune pour interdire la publication du « brûlot ». Cette cavalière émérite nous apprend pourtant des choses bien anodines, par exemple que l’homme qui aimait tant la tauromachie ne craignait qu’un seul animal : le cheval. Et, plus généralement, elle ne fait preuve d’aucun ressentiment dans sa façon de parler de lui. Elle raconte sans régler de comptes, avec humour et détachement, les traits de caractère du grand homme et leur vie en commun. C’est toujours dans ce documentaire sur Arte qu’elle prononcera avec une sorte d’ironie sereine cette phrase que je cite de mémoire et qui m’avait tant frappée ; à savoir que si elle, Françoise Gilot, savait à peu près, au bout de cinq ans qui était Picasso, au bout de dix, lui, n’avait d’elle aucune idée…

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C’est aux États-Unis qu’ensuite, elle ira vivre, qu’elle épousera un autre peintre, et produira 1600 toiles et 3600 œuvres sur papier en une seule vie ! Et c’est dans tout le pays et ailleurs qu’elle exposera. Elle a 98 ans lorsqu’elle expose pour la dernière fois et ne se retirera de ce monde, définitivement, que trois ans plus tard ; soit le 6 juin 2023.

Il nous reste à espérer qu’à cette femme d’une énergie peu ordinaire soit consacrée une rétrospective de ses œuvres en France, afin que sa peinture soit pleinement reconnue et appréciée, et qu’elle ne se réduise pas, même s’il y a pire réduction, à « La femme qui dit non », mais qu’elle apparaisse comme la femme qui aura su dire un oui magistral à la vie pendant… 101 ans !

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Communiqué judiciaire : la Justice donne raison à l’UJFP

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Communiqué judiciaire

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant publiquement, en premier ressort et contradictoirement à l’égard de Gil MIHAELY, prévenu, et de l’association Union juive française pour la paix (UJFP), partie civile poursuivante :

SUR L’ACTION PUBLIQUE :

Déclare Gil MIHAELY coupable du délit de DIFFAMATION PUBLIQUE ENVERS UN PARTICULIER PAR PAROLE, ECRIT, IMAGE OU MOYEN DE COMMUNICATION PAR VOIE ELECTRONIQUE, faits commis le 14 février 2018, à Paris et sur le territoire national ;

Condamne Gil MIHAELY au paiement d’une amende de CINQ CENTS EUROS (500€) ;

Vu les articles 132-29 et 132-34 du Code pénal :

Dit qu’il sera sursis totalement à l’exécution de cette peine dans les conditions prévues par ces articles ;

L’avertissement, prévu à l’article 132-29 du code pénal n’a pas pu être donné à l’intéressé absent au prononcé.

SUR L’ACTION CIVILE :

Reçoit l’association Union juive française pour la paix (UJFP) en sa constitution de partie civile ;

Condamne Gil MIHAELY à payer à l’association Union juive française pour la paix (UJFP) UN EURO (1 €) à titre de dommages-intérêts, et la somme de DEUX MILLE EUROS (2.000 €) sur le fondement des dispositions de l’article 475-1 du code de procédure pénale ;

Enjoint à Gil MIHAELY de faire procéder à la publication du présent dispositif sur la page d’accueil du site causeur.fr, en police Times News Roman, taille 20 pour le titre et taille 12 pour le corps du texte, et ce pendant une durée d’un mois, la dite publication devant intervenir dans le délai de 15 jours suivant la date à laquelle la présente décision aura acquis un caractère définitif ;

Rejette le surplus des demandes de la partie civile.

Dernières données presque scientifiques sur la sexualité

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Où il est question de l’hétérosexualité, du «sexe-positif» et de la pénétration.


La France peut s’enorgueillir de posséder des médias n’hésitant pas à aborder les sujets les plus exigeants et les plus indispensables à l’élévation de la pensée. Ainsi, Le Monde, via son podcast “Le Goût de M” n° 98[1], nous rappelle-t-il l’existence de cette « autrice et documentariste » qui, en pleine « grève du sexe », explique : « Ce ne sont pas les sept minutes de coït réglementaire qui ont fini par m’écœurer, c’est tout ce que les rapports hétérosexuels représentaient. » Chacun aura reconnu la philosophe sexo-syndicaliste Ovidie, autrice d’un livre qui entrera sûrement (pour ne plus jamais en sortir) dans les annales de la sociologie moderne, La chair est triste hélas, livre que nous évoquâmes dans ces colonnes il y a quelques semaines (La métamorphose d’Ovidie). Une fois de plus, grâce au Monde, nous apprenons des choses surprenantes sur cette penseuse de haut vol : elle vit près d’Angoulême, elle a deux chiens qu’elle adore, ses parents étaient très gentils, son frère aussi, elle aime manger de bonnes choses, elle n’aime pas se mettre en colère, elle admire les féministes américaines pro-sexe mais fait une grève du sexe pour dénoncer ce « système politique qu’est l’hétérosexualité », elle pense qu’elle n’a « jamais été aussi honnête » que dans son dernier livre écrit, précise-t-elle, « en écriture quasi-automatique après une chute sur la tête ». Avant cette chute providentielle, Ovidie a vécu l’enfer de 25 ans d’hétérosexualité qui l’ont « épuisée et désenchantée ». Elle regrette les « investissements pour rester baisable » qui ne lui ont offert que « si peu, en retour ». L’hétérosexualité l’a énormément déçue, elle qui ne désire qu’une chose : « qu’on puisse jouir dans l’ouverture, dans l’ouverture de l’autre ». Elle prépare actuellement des documentaires sur les dessous de l’intime, du sexe, du désir hors les sentiers balisés de l’oppressive hétérosexualité. « Depuis le départ, dit-elle, ma boussole c’est la politisation de l’intime. » Le podcast du Monde dure une cinquantaine de minutes. La puissance rhétorique d’Ovidie résidant dans la répétition des deux ou trois réflexions qui font l’essentiel de son œuvre, il est possible de somnoler entre chacune d’elles sans perdre le fil du cheminement intellectuel de cette philosophe qui nous pardonnera facilement ces petites absences, elle qui avoue dans son livre s’être surprise de son côté à « sucer en ne pensant à rien » ou à « rédiger un mail ou une liste de courses dans [sa] tête, une bite dans la bouche ».

L’ancienne actrice porno Ovidie © Charlotte Krebs

Ludivine Demol Defe : n’improvisez plus vos soirées libertines

Sur France Inter, Nicolas Demorand, sérieux comme un pape, a récemment introduit le reportage d’une de ses consœurs journalistes sur le… « sexe positif », un « mouvement qui met le consentement et le féminisme au cœur des relations sexuelles ». Afin de contrecarrer les assauts concupiscents des hommes, des formations, des ateliers, des exercices pour apprendre à dire « non » sont organisés par Jérô et Simon. Ce dernier déclare : « Avec cet exercice, on apprend à prononcer un “non” affirmé, incarné. L’idée, c’est que la personne qui est en face ne puisse pas se dire “ce n’est pas un vrai non, c’est un petit non”. Je vais forcer un peu et arriver à mes fins. » Voilà un exercice qui sera bien utile à Nirméo, une des participantes qui, trop de fois, affirme-t-elle, a fait « l’amour par politesse », en particulier « lors de soirées libertines auxquelles [elle] participe ». Le sujet étant d’importance, pas de place pour l’improvisation, les réunions « sexe-po » sont préparées aux petits oignons : « Une cloche retentit pour marquer un temps d’introspection » puis les participants se touchent mutuellement un peu partout en demandant le consentement de leur partenaire – enthousiaste, l’un d’entre eux autorisera ainsi son vis-à-vis à lui mettre, en attendant mieux, un… doigt dans la bouche. La journaliste a interviewé Ludivine Demol Defe, chercheuse en sciences de l’information et de la communication s’intéressant, indique sa fiche Linkedin, « aux différents discours sur la vie affective et sexuelle qu’entendent les adolescent.es, en particulier des jeunes socialisées filles, afin de comprendre comment les représentations des sexualités et leurs discours interviennent dans les constructions du rapport à soi, du rapport à la société et du rapport à l’autre ». D’aucuns jugeront peut-être que ce type de recherches relève de ce qu’on appelle vulgairement la « branlette intellectuelle » – nous tenterons de les démentir en rapportant les édifiantes conclusions de cette chercheuse sur le « sexe-positif » : selon elle, ce mouvement est représentatif d’une « pensée politique » s’inscrivant « dans une pensée anticapitaliste ». On en apprend décidément tous les jours. La fin du reportage rapporte les propos de Sam, jeune homme tourmenté et désireux d’avoir des « rapports apaisés » avec les femmes : « C’est difficile, en tant qu’homme hétérosexuel, de se positionner quand on cherche à ne pas être toxique et harceleur. J’ai l’impression d’avoir trouvé une communauté où on échange dans la bienveillance. On verbalise, on se pose des questions. » Après ces moments de réflexion intense, d’introspection douloureuse et de remise en cause cyclonique, il est prévu un moment-détente, une « soirée sensuelle » durant laquelle il est sans doute attendu que les participants puissent en toute sérénité, à l’instar d’Ovidie, « jouir dans l’ouverture de l’autre ».

Au-delà de la pénétration

Les Parisiens pourront jouir, eux, d’un spectacle plébiscité par Ovidie qui se déroulera du 21 octobre au 25 novembre 2023 au théâtre de la Reine Blanche (Paris 18e) et abordera une autre facette de cette nouvelle sexualité culbutant surtout les idées reçues. Sur scène, Yves Beck lira une adaptation du livre quasi-nietzschéen de Martin Page, Au-delà de la pénétration, livre puissant, philosophique et politique, dans lequel l’auteur s’interroge, la tête dans une main et la zigounette dans l’autre, sur la pratique de la pénétration comme « modèle dominant dans les relations sexuelles » : cet emboitement des corps ne serait-il pas « le fruit d’une construction socioculturelle patriarcale » ? Question sidérale et sidérante. « La pénétration règne en maître », écrit Martin Page qui se révolte contre ce diktat « immémorial ». Car Martin Page est un homme révolté. Tout le révolte. Il est la révolte faite homme. Ainsi, sur son blogue, il affirme être « anticapitaliste, écologiste, animaliste », vouloir « interdire les voitures et les jouets genrés », remettre « en cause la norme sexuelle », mais aussi être « pour la fin du nucléaire », « contre les tablettes numériques », « contre les chefs et l’idée même de chef », « pour la fin de l’héritage » et « contre l’industrie ». Télérama et France Inter louèrent en son temps cet auteur courageux qui, selon le magazine télévisuel, remet en question « le caractère central de la pénétration ». La pénétration est enfin prise au sérieux, il était temps. Les plus fins cerveaux se penchent sur elle, l’analysent, la déchiffrent, l’auscultent pour la remettre en cause – Freud et son « envie du pénis » peut aller se rhabiller. Tant de domaines touchant à la sexualité demeurent mystérieux et n’attendent que l’éclairage de nos lumineux penseurs. Espérons que ces derniers sauront mettre à profit leur intelligence pour étudier ces énigmatiques pratiques sexuelles qui ne remontent, après tout, qu’à la plus haute Antiquité. Quant à la sodomie des coléoptères, inutile de s’attarder, il suffit d’observer nos époustouflants théoriciens pour être renseigné sur cette pratique discutable – c’est pas compliqué, autour d’eux, on n’entend plus une mouche voler.

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[1] https://podcasts.apple.com/fr/podcast/98-ovidie/id1480837383?i=1000615346180

Carnac: le coup du menhir

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Alerte, terrain miné! La construction d’une enseigne de bricolage, entraînant la destruction d’une trentaine de petits menhirs, à proximité du site de Carnac, dans le Morbihan, suscite l’indignation. Le maire est depuis copieusement insulté sur les réseaux sociaux, alors que les experts s’interrogent sur la valeur archéologique de ce qui a été détruit.


Il y a des informations qui, quand elles vous parviennent, peuvent vous faire perdre un boulon. L’affaire du Mr. Bricolage, construit en lieu et place des mégalithes de Carnac, en fait partie. Dans cette affaire, ce qui a été perdu en patrimoine préhistorique a été gagné en connaissance de notre propre époque – et ça n’est pas ragoutant !

À lire aussi, Patrick Mandon: Le canal de la renommée

Il est vrai qu’à Carnac, ce ne sont pas les menhirs qui manquent. Le plus célèbre des sites est protégé depuis 1889. Il restait toutefois quelques mégalithes sur le chemin de Montauban, identifiés par la Drac (Direction régionale des affaires culturelles) et qui faisaient l’objet d’une candidature au Patrimoine mondial de l’Unesco. Jusque-là, ils avaient échappé à la guerre du feu, à deux guerres mondiales et à l’appétit des promoteurs immobiliers et des vendeurs de tournevis. Certes, il faudrait être un militant fanatique du FLB pour prétendre que ces cailloux dressés depuis 7 500 ans ont un jour fourni de l’électricité à nos ancêtres les Gaulois. Pourtant, les conditions techniques de leur érection et leur signification spirituelle fascinent. En dressant ces pierres, les autochtones ont certainement voulu tutoyer les dieux (qui valent bien les nôtres). En cela, elles ont un caractère sacré, et leur charge symbolique n’est pas loin de s’apparenter aux flèches des églises romanes et des cathédrales. De bien petites choses, me direz-vous, en comparaison du besoin pressant de trouver un dimanche clous, marteaux, scies, clés à molette…

La France moche

On avait cru que grâce à Prosper Mérimée, la sensibilité aux monuments historiques et aux vieilles pierres avait progressé. On avait cru loin derrière nous l’époque de la Soupe au chou où des badauds s’enthousiasmaient à l’ouverture d’un Mammouth. C’était faire peu de cas de ce que sont devenues les entrées de ville et les rocades, pleines à craquer de magasins surdimensionnés aux couleurs criardes, annoncés en amont par une pléthore de panneaux publicitaires.

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L’affaire de Carnac n’est jamais que la manifestation la plus absurde, la plus hideuse, de cette dérive. C’est contre cette catastrophe que s’élève notamment Olivier Saladin, ancien des Deschiens.

À lire aussi, du même auteur: Roger Waters: Musieg heil!

Chaque année, un prix est décerné par « Paysages de France » pour récompenser un patelin de la « France moche ». A l’avenir, Carnac pourra peut-être y prétendre, grâce à la légèreté de son maire, M. Olivier Lepick, qui a laissé les coups de pioche venir à bout de l’insolente érection desdits cailloux. Avant le possible classement de l’Unesco, la mairie semblait bien pressée de vendre du bâti à tout-va. Car après, ça ne sera plus possible. Plein de bonhomie, l’édile assure : « des sites détruits car ils n’ont pas été repérés, il y en a des listes, et il y en aura encore ». Dans son livre sur Sandrine Rousseau, Eric Naulleau a expliqué qu’il y avait moins une différence de nature que de degrés entre les militants écologistes qui vandalisent les œuvres d’art pour sauver la planète et… les Talibans qui détruisaient les Bouddhas de Bâmiyân en 2001. On pourrait se demander ici si les Talibans ne sont pas plus défendables que certains de nos élus: dans leur vision la plus monomaniaque possible du monothéisme, ceux-ci avaient peut-être le sentiment de faire le bien, de faire de la surface de la terre quelque chose qui ressemblait un peu plus au royaume d’Allah en dynamitant ces représentations idolâtres. Dans Humain, trop humain, Nietzsche écrit : « quoi que l’homme fasse, il fait toujours le bien, c’est-à-dire ce qui lui semble bon (utile) suivant son degré d’intelligence, son niveau actuel de raison ». On se demande en revanche quel idéal a bien pu animer le maire de Carnac et les investisseurs complices au moment de détruire les mégalithes bretons…

« Un Macdo à Lascaux ! »

En Bretagne, ces derniers mois, des mouvements plutôt à droite ont mené la fronde contre l’implantation de migrants, à Callac (Côtes d’Armor) et à Saint-Brevin (Loire-Atlantique). Il n’aurait pas été malvenu de s’élever aussi contre la construction de ce Mr. Bricolage. Dans l’ambiance de nervosité ambiante, il ne faudrait pas embêter de trop le maire de Carnac, on a vu que ça pouvait mal tourner. Il faudrait plutôt réveiller l’esprit de Jalons cher à Basile de Koch et organiser une manifestation dans la petite ville du Morbihan, qui tournerait en dérision M. Lepick. Elle réunirait écologistes sincères, réactionnaires, gens de droite amoureux des vieux cailloux et gens de gauche hostiles à l’argent-roi, lesquels enterreraient pour une journée la hache de guerre et se retrouveraient autour de la défense du patrimoine et de ces « lieux où souffle l’esprit ». Elle serait le point de départ d’un vaste mouvement qui encouragerait la destruction de toutes ces vieilleries bâclées, de ces fresques jamais finies. Les mots d’ordre, sur des banderoles géantes, accrochées à la mairie, pourraient être : « Un Gamm vert à Chauvet ! », « Un Macdo à Lascaux ! », « un motel à Tautavel ! ».

Front Polisario: cinquante ans de crimes et de supercheries

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Aousserd, Algérie : 50e anniversaire du déclenchement de la lutte armée sahraouie et de la création du Front Polisario, le 21/05/2023 © FATEH GIDOUM/SIPA

Structure paramilitaire marxiste vérolée par la corruption, l’organisation sahraouie conserve son pouvoir de nuisance grâce au soutien inconditionnel de l’Algérie à son égard.


Le 10 mai 1973 naissait en Mauritanie le Front Polisario, avec pour but de s’immiscer dans la décolonisation du Sahara marocain alors occupé par l’Espagne de Franco. Après la mort de celui-ci en 1975, les troupes espagnoles quittent la région. Le 1er mai 1977, deux coopérants français sont tués en Mauritanie par le Polisario. Huit autres sont enlevés. Le président Valéry Giscard d’Estaing réagit en déclenchant au mois de décembre de la même année, l’opération « Lamantin ». Des avions Breguet Atlantic de l’Aéronavale, des parachutistes et des avions de chasse Jaguar de l’Armée de l’Air sont engagés et les otages sont libérés le 23 décembre. Depuis, le Polisario a pris ses quartiers à Tindouf, dans l’Ouest algérien. Vestige de la Guerre froide, il bénéficie toujours du soutien du PCF ou, en Espagne, de Podemos.

À lire aussi : Mathilde Panot lance une fatwa contre Le Parisien

Nul ne peut contester le soutien constant apporté par l’Algérie au Polisario depuis sa fondation. A travers lui, le pouvoir FLN d’Alger est parti au conflit, malgré ses dénégations. Dans les camps de Tindouf, au mépris du droit humanitaire, l’Algérie a renoncé à exercer sa souveraineté sur des populations sahraouies qui n’ont jamais fait l’objet d’un recensement. Le détournement de l’aide humanitaire, principalement européenne, est avéré par des rapports de l’Union européenne et de l’ONU. Comme l’aide financière algérienne, elle permet aux dignitaires du Polisario de s’assurer un train de vie conséquent.

Opposants torturés, enfants soldats exhibés, droits élémentaires bafoués : la liste des méfaits du Polisario à l’égard des habitants des camps de Tindouf est longue, comme en témoignent régulièrement des ONG devant la 4e commission des Nations-Unies à New-York. Pour solutionner définitivement la question du Sahara occidental, le Maroc a proposé en 2007 à l’ONU un plan d’autonomie, dont la faisabilité a été renforcée par la nouvelle constitution marocaine de 2011 voulue par Mohammed VI, texte qui a amplement renforcé la décentralisation existante au sein de la monarchie chérifienne. C’est ce plan d’autonomie qui a rallié de nombreux soutiens diplomatiques au Maroc, a commencer par celui des États-Unis.

A lire aussi: « Le moment est venu de menacer l’Algérie » : entretien avec Patrick Stefanini

Le Polisario participe toujours de divers trafics dans le désert, participant ainsi à la déstabilisation de l’espace saharien, lieu privilégié de transits criminels sud-nord : drogue, armes, migrants… De même l’Algérie est aujourd’hui une tête de pont essentielle pour la Russie en Afrique du Nord, ce qui ne facilite pas le règlement définitif du conflit sur la marocanité du Sahara occidental malgré les efforts de Rabat. La prise en compte du Polisario pour ce qu’il est, c’est-à-dire une organisation criminelle et dangereuse pour la sécurité régionale de l’Afrique du Nord, est donc une donnée essentielle pour l’achèvement du processus de normalisation du Sahara marocain.

Annecy: combien de temps durera l’indignation, cette fois-ci?

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Annecy, 8 juin 2023 © Mourad ALLILI/SIPA

Ils étaient âgés de trois ans…


Dernière minute. Six personnes ont été blessées, dont quatre jeunes enfants. Cette attaque s’est produite dans les jardins de l’Europe, près du lac d’Annecy. Peu après 15 heures, le procureur de la République d’Annecy, Mme Line Bonnet-Mathis, aux côtés du Premier ministre, a indiqué qu’une enquête était ouverte pour « tentatives d’assassinats » et qu’il n’y avait « aucun mobile terroriste apparent », que l’auteur des faits était en garde en vue à Annecy et que ses motivations restaient à déterminer. Mme Borne a précisé qu’il s’agissait d’un Syrien ayant le statut de réfugié en Suède depuis 10 ans. Individu isolé, SDF, il aurait demandé l’asile en France plus récemment, ce qui lui aurait été refusé.


Ils étaient âgés de trois ans. Cela n’a pas empêché l’homme de les poignarder. Aujourd’hui, le pronostic vital de certains de ces enfants et d’un adulte est engagé. Que s’est-il passé dans ce parc à Annecy ? D’après les premières informations de la préfecture, un demandeur d’asile syrien, Abdalmasih H., âgé de 31 ans, aurait attaqué au couteau des enfants qui jouaient dans le parc jouxtant l’école du quai Jules Philippe.

La nation en état de choc

Tout dans cette affaire est choquant. Et d’abord le fait de s’en prendre à des tout-petits. « Comment est-ce possible ? » a écrit Jean-Luc Mélenchon. On aimerait pouvoir faire preuve d’autant de candeur dans l’analyse, mais force est de constater que ce genre d’atrocités se multiplie et que les profils des meurtriers ont beaucoup en commun. Et pas seulement leur déséquilibre psychologique.

Ils détestent la civilisation occidentale vue comme mécréante et matérialiste et ils sont fascinés par l’idéologie ou les méthodes de l’islamisme, sa puissance de mobilisation et son usage decomplexé de la violence qui lui permet d’imposer sa vision du monde au-delà des rangs de ses adeptes. Ceux qui viennent de ses régions, Syrie, Irak, ont vu ou participé à des horreurs, accumulent les traumatismes.

Si à cette heure les motivations de l’assassin ne sont pas explicites, le fait qu’il soit Syrien interpelle et nous replace dans un contexte de violence islamiste.

L’attentat rappelle aussi les meurtres de Mohammed Merah dans l’école Ozar Hatorah à Toulouse en 2012.

On peut rappeler aussi que, si l’homme était désespéré de ne pas voir sa demande d’asile aboutir en France, s’immoler par le feu aurait eu plus de sens que de rejouer le massacre des innocents dans le jardin de l’Europe. Car c’est ainsi que s’appelle le lieu du crime. Tragique ironie.

La question de l’asile était déjà au cœur du débat politique

Cet homme n’était fiché nulle part et pourtant il vient de faire preuve de sa dangerosité. Ce qui pose la question de notre capacité à savoir qui on accueille sur notre territoire alors qu’un certain nombre de réfugiés viennent de zones où la violence islamiste est dominante. Au sein de l’Etat islamique, des enfants ont été tués pour avoir regardé un match de football, d’autres ont été filmés en train de décapiter des prisonniers ; on sait que ces régions sont la proie du chaos, de la haine religieuse, ethnique et tribale qui y donne toute sa mesure… Dans ces espaces où règne la guerre, il n’y a pas de place pour la prise en compte de l’enfance et la notion même d’innocence est perdue.

Là où règne le chaos et la violence, les personnes sont abîmées et l’on sait que les victimes de violence peuvent devenir auteurs de ces mêmes violences. Or, ils sont souvent accueillis comme le seraient des migrants économiques. On se soucie peu des ravages que produisent sur la psyché des individus les actes de guerre et de barbarie qui sont le lot de nombres d’habitants de Syrie ou d’Irak. Que certains demandeurs d’asile puissent être des prédateurs recouverts de peau de mouton est un fait. Que leur identification soit souvent impossible en est un autre. D’abord parce que si on connait bien les dirigeants, on ignore souvent le nom des nervis, ces exécuteurs de basse-œuvres. Pire même, appartenir au clan des bourreaux n’est pas rédhibitoire pour faire une demande d’asile. C’est comme cela que la France a accueilli sur son sol des militants et dirigeants du Front Islamique du Salut après la guerre civile en Algérie, au motif que ces islamistes risquaient la persécution après l’avoir eux-mêmes pratiquée.

Cette énième affaire où le meurtrier est demandeur d’asile rend de plus en plus nécessaire le débat sur le dépôt des demandes d’asile dans les pays-tiers. Et ce d’autant plus que l’on sait pertinemment qu’une fois arrivés en France, mêmes déboutés, les demandeurs d’asile restent. Mais soyons francs, ce qui fait peur dans cette histoire n’est pas le statut du meurtrier, mais bel et bien les représentations idéologiques et culturelles dans lesquelles il baigne et qui l’ont amené à n’avoir aucune humanité et aucune empathie à l’égard de tout petits. Comme s’ils n’étaient que des rejetons d’une société honnie, indignes même d’être pris en considération. L’ampleur d’une telle haine fait froid dans le dos. D’autant plus froid que ceux qui alimentent cette déshumanisation sont aussi présents sur notre territoire et sèment les mêmes graines de ressentiment et de violence.

À l’heure où nous écrivons ces lignes, nous avons plus de questions que de réponses au sujet de ce drame qui frappe Annecy et les Français en leur cœur : Abdalmasih H. avait-il prémédité l’attaque d’enfants en bas âge ? Quel était l’état exact de sa situation administrative sur notre sol ? Combien de temps durera l’indignation ? Les attentats contre l’école toulousaine ou contre Samuel Paty ont démontré qu’il n’y a pas d’ « avant » et pas d’ « après », même si les Français n’oublient pas.

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Qui n’est pas de droite aujourd’hui?

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Annecy, où des enfants ont été attaqués au couteau par un ressortissant syrien, 8 juin 2023 © Laurent Cipriani/AP/SIPA

Quand je lis dans Paris Match le portrait de Gabriel Attal et que ce dernier nous déclare avec une désarmante sincérité que son action ministérielle vise à faire oublier qu’il venait de la gauche, je suis persuadé qu’il n’est pas le seul dans ce cas.


Au moment où je commence à écrire ce billet, je viens d’apprendre l’effroyable attaque criminelle, par un Syrien armé d’un couteau et demandeur d’asile (s’étant dit chrétien) contre plusieurs très jeunes enfants à Annecy sur un espace bien connu là-bas qui s’appelle le Pâquier. Avec cette épouvantable tragédie, je ne quitte pas mon sujet puisque les modalités de cette horreur nous confrontent très directement aux graves faiblesses du pouvoir malgré un ministre de l’Intérieur qui fait tout ce qu’il peut, par tweets, déplacements et mesures, pour combler le vide sidéral du régalien avec ce président qui découvrira trop tard que la droite, c’est d’abord une volonté de protection absolue de tous les Français.

Annecy : la réaction hors sujet de Charlotte Caubel

Il n’est pas inutile de rappeler cela quand, face à cette ignominie (cinq personnes dont quatre enfants tout petits, presque tous entre la vie et la mort), je lis par exemple un tweet ridicule de la Secrétaire d’Etat chargée de l’enfance, magistrat, Charlotte Caubel, qui énonce en particulier que « une nouvelle fois nos enfants sont la cible de l’augmentation des violences dans notre société ».Le migrant syrien, Abdalmasih H, aurait fait une demande d’asile à Grenoble en novembre 2022. Elle aurait été déclarée irrecevable seulement il y a quelques jours. La raison du passage aux crimes ?

A lire aussi, Gabriel Robin: Harcèlement: l’école comme expérience carcérale

Qui n’est pas de droite aujourd’hui non seulement face à cette cruauté collective ciblée pour atteindre l’innocence la plus pure mais en général au regard de l’évolution de notre société et des enseignements que la quotidienneté, sur tous les plans, ne cesse de nous transmettre ? Bien sûr il y aura toujours les irréductibles de gauche et d’extrême gauche qui refuseront de considérer la réalité ou d’accepter ses leçons. Mais comme la droite a le vent en poupe ! La droitisation de la société a été évaluée et analysée par Fondapol et Dominique Reynié.

Venir de la gauche est devenu honteux

C’est d’abord en raison de ce climat dont le médiocre état de la France ne cesse pas d’amplifier la gravité – d’abord l’incroyable délitement des services publics, d’autant plus préoccupant qu’il interpelle constamment nos concitoyens sur la finalité de nos impôts et le scandale des fraudes fiscales et sociales – que le président de la République et son gouvernement, à bride abattue, remettent dans leur machine politique de l’engrais de droite cherchant à rattraper tant de retard et d’occasions gaspillées.

Gabriel Attal, porte-parole du gouvernement, le 8 mars 2022 © JEANNE ACCORSINI/SIPA

Quand je lis dans Paris Match le portrait réussi du talentueux Gabriel Attal par Laurence Ferrari et que ce dernier nous déclare avec une désarmante sincérité que son action ministérielle vise à faire oublier qu’il venait de la gauche, je suis persuadé qu’il n’est pas le seul dans ce cas. Peut-être parce que cette évolution me comble, je n’y vois pas seulement, chez tous ceux qui la vivent, du cynisme et de l’ambition mais la conscience qu’il n’est plus possible d’embrasser des vieilles lunes révolutionnaires. Pour guérir la France, il ne convient plus de faire fond seulement sur une rationalité chiffrée mais de la faire revivre grâce à une élévation par l’Histoire, la culture, l’âme et l’esprit et donc par une politique de droite intelligente et sensible.

Quatre années imprévisibles

À partir de cette certitude revigorante, je ne voudrais pas que la seule droite qu’on n’écoute pas, qu’on ne respecte pas, soit la droite conservatrice, fière d’elle, sans démagogie ni repentance, celle qui a tenu une ligne et ne s’est jamais abandonnée par complaisance à l’illusion d’une gauche jouant de sa domination médiatique et de la crainte d’une extrême gauche parant son goût de la violence de la noblesse prétendue de ses fins. Il serait choquant que comme pour le communisme, on courtise plus les anciens communistes qui s’étaient trompés que les impeccables ne s’étant jamais égarés sur aucun plan. Pour la droite qu’on veuille bien s’en tenir à l’original !

Au regard de ces données, même si le cours de notre pays est imprévisible et que la richesse de certaines personnalités bouscule parfois les programmations les plus évidentes, il serait inconcevable que 2027 n’offrît pas à la droite enfin une victoire.

Chevènement: pas «totalement» dans les clous

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Jean-Pierre Chevènement reçoit la Légion d'honneur, Paris 12 octobre 2022 © Lafargue/POOL/SIPA

Le « Che » avait déçu beaucoup de monde en se ralliant à Emmanuel Macron en 2022. Dans son nouveau livre (Refaire la France, Bouquins, 2023), toutefois, il sort timidement des clous du politiquement correct.


Attention, il revient ! À 84 ans, Jean-Pierre Chevènement, ancien ministre de l’Industrie, de l’Education nationale, de la Défense et de l’Intérieur, sort un livre, Refaire la France, chez Bouquins (collection devenue il y a deux ans éditeur à part entière), avec les contributions de Louis Gallois, ancien président de la SNCF, et de Jean-Eric Schoettl, ancien directeur du CSA, et un sous-titre prometteur : « une vision décapante ».

Désormais, il est surtout lu par les gens de droite

S’il n’est pas l’aîné des grands témoins du siècle passé (il nous reste tout de même encore Balladur, Badinter, Jacques Delors ou Roland Dumas), Jean-Pierre Chevènement a toujours la vigueur nécessaire pour sortir ce nouvel ouvrage. Depuis plusieurs décennies, il traîne l’étiquette d’un intellectuel égaré en politique qui, pour finir, intéresse plus les gens de droite que ceux de sa famille politique. Dans son dernier livre, le Che énumère ses chevaux de bataille : la réindustrialisation, la refonte de l’Education nationale, la souveraineté nationale, l’assimilation républicaine. Autant de thèmes malmenés par l’air du temps. Chevènement dresse une archéologie précise de la décomposition à l’œuvre depuis 40 ans. Parmi les responsables : une bonne partie de la gauche, convertie au cours des années 80 au libéralisme et au mondialisme. « Au [cours] des années 1980-1990, les artisans d’un tournant néoliberal de gauche disposaient donc de puissants appuis dans l’establishment médiatique », peut-on lire. Mais, plutôt que de voir Emmanuel Macron comme le dernier avatar de cette ascendance politique qui irait de Rocard à Strauss-Kahn, Chevènement a décidé de jeter son dévolu sur celui-ci, en 2017. On prête en effet à l’ancien maire de Belfort de murmurer à l’oreille du président depuis le début du premier quinquennat. 


C’est qu’il y a deux Chevènement. Le Chevènement des démissions fracassantes, contre le maintien de la France dans le système monétaire européen en 1983, contre la guerre du Golfe en 1991, contre le processus de Matignon et le dialogue avec les terroristes corses en 2000. Et puis il y a le Chevènement qui s’est toujours rêvé en conseiller du prince, cherchant à peser sur les présidents. Son ami, le regretté Max Gallo, disait de lui : « il pense comme de Gaulle et parle comme Guy Mollet ». Depuis son ralliement à Macron, on avait craint qu’il se mette aussi à penser comme Guy Mollet. Lui, le partisan de la réindustrialisation, aux côtés de l’homme qui a laissé la branche électrique d’Alstom filer entre les mains de General Electric, avec tous les effets désastreux sur la ville de Belfort ! Le partisan d’une école revenue à ses missions premières, alors que Pap N’diaye a remplacé l’an passé Jean-Michel Blanquer ! On peut se demander si ça ne revient pas à défendre la diffusion des plats végétariens à la cantine, en partenariat avec Charal…

Écologie, Ukraine: surtout si vous n’êtes pas d’accord?

De temps en temps, Jean-Pierre Chevènement aime à sortir légèrement des clous du politiquement correct. Sur le réchauffement climatique, il ne conteste pas son existence mais discute la notion d’anthropocène, et surtout, il doute que le progrès technique ne puisse pas suffire à résoudre une grosse partie du problème. En tout cas, il n’y a selon lui pas de quoi se pénaliser économiquement. « J’incline à penser qu’il y a d’autres causes, naturelles celles-là, mais insuffisamment étudiées. La recherche en astronomie a encore de beaux jours devant elle… ». Le Che, dans les étoiles, pour rabattre le caquet de Greta Thunberg ?

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Sur le conflit russo-ukrainien, il ne cache pas qu’il a eu l’occasion de serrer la pince de Vladimir Poutine à maintes occasions (en 2017, l’ancien ministre français avait été décoré de l’Ordre de l’amitié) et exprime un point-de-vue mesuré. « Certes, c’est la Russie qui a envahi l’Ukraine. Mais l’Europe n’est-elle pour rien dans la genèse de ce conflit ? Nous y reviendrons ultérieurement, quand ce débat pourra être possible et utile ». Un jour, Chevènement nous exprimera donc le fond de sa pensée sur cette affaire, peut-être après la fin de la guerre… En revanche, on peut trouver Chevènement injuste avec la droite française, et surtout avec Jacques Chirac, quand il écrit : « [après 1990], il n’y a plus de De Gaulle à l’intérieur du monde occidental pour dessiner une alternative à la politique de « guerre contre la terreur » décrétée par George W. Bush ». En lisant le dernier livre de Maurice Gourdault-Montagne, on a pu se remémorer à quel point Chirac avait au contraire voulu se tourner vers la Russie de l’époque, l’Inde ou le Levant. Dans un monde où l’Allemagne se réarme militairement, où l’Amérique joue plus que jamais la carte du protectionnisme, où la Russie attaque son voisinage et où la Chine s’apprête à devenir la première puissance mondiale, Chevènement invite la France à jouer sa partition et à défendre crânement ses intérêts.

À l’intérieur, elle doit évidemment lutter contre le séparatisme islamiste. Avec Macron, le Che en est certain, il a misé sur le bon cheval. « Le président a rappelé avec force les principes républicains fondateurs dans un discours au Panthéon le 4 septembre 2020. Il a également su pointer le danger de l’islamisme qu’il ne faut surtout pas confondre avec l’islam, et mettre en garde contre « l’aventure du séparatisme » qui prétend imposer aux citoyens d’une libre République la loi d’un groupe ». Peut-être. En six ans d’ « en même temps », il est certain qu’on a tous eu l’occasion d’être d’accord au moins une fois ou deux avec le président…

Harcèlement: l’école comme expérience carcérale

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Lucas, Shaïna, Lindsay, Thibault et les autres… Suicidés ou tués, leurs noms ne hanteront malheureusement pas suffisamment longtemps les esprits de nos gouvernants, des recteurs, des professeurs ou des pions. Leurs familles, elles, devront vivre avec le souvenir qui mine, celui qui rime avec regrets et remords… La mise en accusation des réseaux sociaux est trop facile. Analyse.


Et si l’école était ce qui ressemblait le plus à la prison ? L’enfant est encadré par le personnel éducatif, doit respecter des horaires et se conformer au règlement de l’établissement. Sa peine est fixée d’avance mais peut évoluer, en fonction d’examens sanctionnés par des notes – de moins en moins exigeants, cela étant. Autre chose, les pires ennemis de l’enfant scolarisé ne sont pas ses professeurs mais bien ceux qui partagent son sort : ses camarades de classe et de cour de récréation. Sortir à l’heure de la promenade peut être une aventure périlleuse pour les condamnés dont le caractère, le parcours ou le physique, se distinguent un peu trop de la masse.

Le couteau de fortune fabriqué avec du plastique durci n’est jamais loin, comme la balayette ou la calotte derrière la tête. Le petit coup qui humilie, l’attentat préparé qui tue. Un contre un. Bande contre bande. Tous contre un, un contre tous. Des groupes se forment, antagonistes et agressifs, prêts à en découdre pour le plus petit détail, la moquerie qui nous semble dérisoire, les dernières baskets à la mode, le mot de trop, la jalousie pure et simple. En prison comme à l’école, les rancunes sont tenaces et les réputations sont tatouées à l’encre indélébile. Surveillants de prison et surveillants de collège ont, au fond, le même travail. Ils doivent faire régner l’ordre dans un univers clos soumis à ses propres règles coutumières.

Honte collective

Il n’est pas rare qu’au petit matin, le maton découvre un corps inanimé, pendu de fortune au barreau ou vidé de son sang aux poignets. Plus fragiles ou n’ayant plus aucun espoir en l’avenir, ils sont quelques-uns à préférer se donner la mort plutôt que d’attendre que d’autres la leur donnent. Une société ne peut pas sauver tout le monde, n’a pas la charge de la santé mentale de tous les éléments qui la composent, certes. Mais une société qui se résoudrait à voir ses membres les plus faibles soumis à l’arbitraire de la violence n’aurait pas de futur. La récurrence des drames en milieu scolaire, – avant peut-être pire, les massacres scolaires aux États-Unis étant aussi causés par l’expérience carcérale qu’est devenue l’école, devrait nous faire collectivement honte.

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Lucas, Shaïna, Lindsay, Thibault et les autres. Suicidés ou tués, leurs noms ne hanteront malheureusement pas suffisamment longtemps les esprits de nos gouvernants, des recteurs, des professeurs, des psychologues et des pions. Leurs familles devront, elles, vivre avec le souvenir qui mine, celui qui rime avec regrets et remords. Dernière victime en date, Thibault s’est suicidé à l’âge de 10 ans après avoir été harcelé pendant deux ans, ses bourreaux lui ayant même cassé la main. Il était scolarisé en CM2 à Saint-Bonnet-le-Château. Sa mère a déposé une plainte contre X, regrettant, dévastée au micro de CNews, de n’avoir pas perçu les signaux faibles de la dépression de son petit garçon.

Creil: misogynie archaïque et omerta

Shaïna a été ciblée par les garçons de sa cité de Creil. D’abord agressée sexuellement, avant d’être humiliée et traitée de tous les noms, elle a fini sa vie assassinée et brûlée au dernier degré dans un sordide cabanon. Le procès de son meurtrier présumé s’est ouvert ces derniers jours, Shaïna était enceinte de lui. Omerta du quartier, misogynie archaïque et absence de vraies mesures de protection auront eu raison de cette malheureuse innocente. Un témoin interrogé au tribunal dans le cadre de cette affaire a assuré ne plus se souvenir, après avoir été conduit au tribunal par les forces de l’ordre. Maître Adel Fares, avocat de la défense, a fait cette étonnante confession : « [Il a été amené par les forces de l’ordre], c’est une espèce de code d’honneur des quartiers, il ne faut pas passer pour une balance ».

Musk et Zuckerberg : des coupables un peu faciles

Aurions-nous pu sauver ces enfants ? Les protéger d’eux-mêmes et des autres ? On a tôt fait de pointer du doigt la « responsabilité des réseaux sociaux », ce qui fut d’ailleurs la première réaction du ministre de l’Éducation nationale. Comme si nous accusions les voitures des accidents provoqués par le mauvais comportement des conducteurs et le mauvais entretien des routes ! Bien sûr, les réseaux sociaux entraînent un suivi du harcèlement. L’enfant n’est plus à l’abri chez lui, pourchassé jusque dans son intimité numérique, saoulé de messages haineux et de moqueries. Mais, les réseaux sociaux ne sont qu’un outil. La responsabilité est beaucoup plus large. Nous sommes face à une déroute anthropologique. Le harcèlement a toujours existé. Qui peut toutefois prétendre que l’école a toujours été frappée par autant de drames, dont les victimes sont de plus en plus jeunes ? Les bourreaux n’ont d’ailleurs plus peur, en témoigne l’acharnement post-mortem des jeunes filles qui ont poussé Lindsay au suicide.

L’Éducation nationale est désemparée. Les parents n’apprennent plus à leurs enfants à se défendre. Comment les professeurs et surveillants peuvent-ils ignorer de telles haines entre les élèves ? Pourquoi nous donne-t-on l’impression que personne n’est jamais sanctionné ? Que les chaines de responsabilité ne sont jamais établies ? Laxisme et manque de psychologie élémentaire sont pourtant les mamelles de ces maux. Les enfants font la loi entre eux quand ils voient que la loi n’est plus respectée. Ajoutons à cela la glorification permanente de la superficialité à travers la sous-culture de la téléréalité, une partie du rap qu’ils prennent au premier degré et la disparition des sociabilités traditionnelles (relations de voisinage, vie de quartier ou du village, paroisses etc.) qui étaient autrefois les piliers fondateurs d’une société digne de ce nom. Qui se soucie de son voisin ? Et même des enfants de ses frères et sœurs ?

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Tous seuls

Livrés à eux-mêmes, dépourvus d’objectifs communs, les enfants reproduisent les schémas à leur petite échelle. Ne croyons d’ailleurs pas que cela n’affecte qu’un milieu social ; villes, banlieues et campagnes sont touchées. Agir ? Oui, à l’évidence. Mais rendez-vous compte que des gangs d’adolescents comme la DZ Mafia se promènent dans les rues de Marseille avec des armes de guerre… Nous ne sommes plus en état de paix sociale, la guerre de tous contre tous est la nouvelle norme. Il serait donc peut-être temps de jeter un regard fraternel par-dessus les épaules de nos jeunes frères et sœurs.

« Et certainement il est également vrai, et qu’un homme est un dieu à un autre homme, et qu’un homme est aussi un loup à un autre homme. L’un dans la comparaison des Citoyens les uns avec les autres ; et l’autre dans la considération des Républiques ; là, par le moyen de la Justice et de la Charité, qui sont les vertus de la paix, on s’approche de la ressemblance de Dieu ; et ici, les désordres des méchants contraignent ceux mêmes qui sont les meilleurs de recourir, par le droit d’une légitime défense, à la force et à la tromperie, qui sont les vertus de la guerre, c’est-à-dire à la rapacité des bêtes farouches », disait Thomas Hobbes. Il semblerait que notre classe politique l’ait oublié.