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Injection de jouvence

Quête de la vie éternelle. Le milliardaire Bryan Johnson prétend pouvoir ralentir le vieillissement. Un protocole délirant menant à des résultats incertains.


La vieillesse est « un naufrage » selon le général de Gaulle. À défaut d’y échapper, on peut au moins tenter de la ralentir. Le milliardaire Bryan Johnson, qui a vendu son entreprise de traitement de paiements pour 800 millions de dollars, en a fait son projet de vie. Un projet qui a pour nom Blueprint et lui coûte plusieurs millions par an. Cet Américain de 45 ans se lève à cinq heures tous les matins, commence sa journée par une heure de sport et ingère précisément 1 977 calories quotidiennement. Chaque jour, il ingurgite une centaine de pilules pour la santé des artères ou du cerveau. En prime, il subit une thérapie au laser chaque semaine et se couche chaque soir à 20 h 30. Il concède : « Ce que je fais peut sembler extrême. » En avril, il est allé jusqu’à se faire injecter du plasma sanguin en provenance de son fils de 17 ans, tandis que lui-même a fait un don de plasma à son père de 70 ans. La clinique où a lieu ce que Johnson décrit comme « un des moments les plus doux et émotionnels de ma vie », utilise normalement le plasma pour traiter la calvitie.

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La transfusion payée par Johnson est inspirée d’une expérience scientifique consistant à coudre ensemble deux souris, une jeune et une âgée, mais selon la FDA, l’Agence fédérale américaine des produits alimentaires et médicamenteux, il n’existe aucune preuve que le plasma enraye le vieillissement. Un biochimiste interrogé par Bloomberg a affirmé que des gens cherchant à lutter contre l’âge par de telles transfusions « ont essentiellement un problème d’anxiété ». Johnson prétend qu’il a toutes les raisons d’être serein. Son « projet » lui aurait permis de ralentir la vitesse de son vieillissement de 25 %. Selon lui, sur 365 jours, il ne vieillirait que de 252 jours et à 45 ans il a les poumons d’un jeune de 18 ans et le cœur d’un homme de 37 ans – peut-être le fait de ne pas vivre contribue à allonger la vie. Le milliardaire dit avoir pour ambition de créer « le protocole parfait, pour le rendre accessible à tous ». Un autre milliardaire de Silicon Valley, le transhumaniste Ray Kurzweil, a récemment affirmé que nous serons tous immortels dès 2045. Bryan Johnson est un petit joueur.

Adama Traoré, 7 ans de réflexion

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Il y a sept ans, fuyant la police, Adama Traoré mourait. Depuis, sa sœur Assa (notre photo) et des activistes soutenus par les médias et l’extrême gauche ont érigé sa mort en symbole des “violences policières”. La justice renâcle à clore le dossier. Incompétence ou manque de courage ? La plus grande injustice, c’est le déni de justice.


C’est une affaire qui pourrait porter le titre d’une comédie de Billy Wilder : Sept ans de réflexion. Mais elle n’a rien de drôle. Voilà sept ans que trois juges d’instruction sucent la pointe de leur stylo à bille pour savoir s’il convient ou non de renvoyer devant un tribunal correctionnel trois gendarmes accusés de porter une part de responsabilité dans la mort d’Adama Traoré. 

Un plaquage ventral fatal

Petit rappel des faits pour en dire le contexte : le 19 juillet 2016 à Beaumont-sur-Oise (95), le frère aîné d’Adama, prénommé Bagui (déjà condamné à 19 reprises), est interpelé dans le cadre d’une enquête pour extorsion de fonds. Présent à ses côtés, et alors qu’il n’est pas concerné, Adama Traoré prend la fuite. Pourquoi s’est-il enfui ? Parce qu’il n’avait pas ses papiers d’identité sur lui, disent les uns. Parce qu’il était porteur de quelques grammes de cannabis et de 1 330 € à l’origine douteuse, disent les autres. Toujours est-il que son arrestation et sa mort surviennent à l’issue d’une longue course poursuite s’achevant par un plaquage ventral. 

Déploiement de gendarmes à Beaumont-sur-Oise (Val-d’Oise), suite à des affrontements entre des résidents et les forces de l’ordre après la mort d’Adama Traoré, 23 juillet 2016. © Thomas Samson/AFP

Indignation, échauffourées, marche blanche, création d’un comité pour protester contre les conditions dans lesquelles est mort ce jeune homme de 24 ans, membre d’une fratrie de 17 enfants (son père semble avoir vécu en état de polygamie), déjà condamné pour de multiples délits (recel, violences, outrages, extorsion, menaces de mort, conduite sans permis, usage de stupéfiants, vol), déjà incarcéré à deux reprises (de septembre 2012 à juillet 2014, puis de décembre 2015 à mai 2016), objet post-mortem d’une plainte pour viol déposée par un codétenu, viol qui aurait été commis lors de son dernier séjour en prison (ce codétenu étant ultérieurement indemnisé pour ces faits par la Commision d’Indemnisation des Victimes d’Infraction considérant dans sa décision lui allouant 15 000 € « la matérialité des infractions d’agressions sexuelles dénoncées comme établie »).

A lire aussi, Elisabeth Lévy sur les émeutes de 2023: Le choc dé-civilisation

Gendarmes lives matter !

Une instruction, confiée collégialement à trois juges pour non-assistance à personne en péril, est ouverte. Les trois gendarmes – dont deux sont originaires des Antilles – sont placés sous le statut de « témoins assistés ». La réflexion des juges commence. Le dossier est sensible. On parle de racisme. Quelques témoins sont interrogés. De multiples expertises et contre-expertises médicales ont lieu. Dix au total. La majorité d’entre elles concluent à une mort naturelle, consécutive à la course poursuite, liée à une maladie cardio-respiratoire dont aurait souffert Adama Traoré. Certaines l’attribuent au plaquage ventral. Sept ans après, les juges réfléchissent toujours. « Nous rendons justice les mains tremblantes », disait Guy Canivet, le premier président de la Cour de cassation après l’affaire d’Outreau. Louable précaution. Mais voilà que les juges chargés de ce dossier, appliquant cette consigne à la lettre, en oublient de juger ! Ils ne font que trembler. Pourtant, juger, c’est en définitive trancher. Pourquoi ce tremblement irrépressible ? Incompétence ou pusillanimité ? Ou les deux ? Que l’on ne vienne pas dans cette affaire nous parler de manque de moyens. Si les juges prononcent un non-lieu, auraient-ils peur de provoquer des émeutes ? S’ils renvoient le dossier devant le tribunal correctionnel, auraient-ils peur de mécontenter la police ? Et s’ils renvoient, auraient-ils peur, en cas de relaxe, de provoquer d’autres émeutes ? Vu l’allure à laquelle cette affaire traîne, vu les multiples voies de recours offertes par notre procédure pénale, son épilogue judiciaire ne surviendra pas avant plusieurs années. 2026 ? Dix ans après les faits ? Au mieux ! Là est le scandale. Car, pour les mis en causes comme pour les parties civiles, la plus grande injustice, c’est le déni de justice. Et ce qui mine notre République, ce qui détruit notre démocratie, ce qui lézarde nos institutions, qu’elles soient politiques ou judiciaires, c’est le manque de courage. « Prendre ses responsabilités » … Cette expression est devenue une scie. Toujours prononcée, jamais mise en œuvre !

Outreau, l’histoire d’un désastre

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Harold Hyman: «L’image que projette d’elle-même la vie occidentale est trop souvent celle d’un simple supermarché consumériste»

Figure reconnaissable entre mille, Harold Hyman est le Monsieur Relations Internationales de CNews. Lunettes rondes à monture épaisse, bretelles rouges bien en évidence, son érudition et sa capacité à transformer une carte en un récit captivant ne sont plus à démontrer. Causeur a voulu savoir comment un Américain a pu – et voulu – s’imposer aux médias français et quelles sont ses préoccupations majeures quand il regarde le monde contemporain en face. Propos recueillis par Alix Fortin et Jeremy Stubbs.


Relire la première partie de l’entretien

Causeur. Dans quelle mesure, la montée de l’islamisme justifie-t-elle la notion d’un « choc des civilisations » popularisée par Samuel Huntington dans un livre datant de 1996 et rarement cité aujourd’hui ?

Harold Hyman. Huntington avait raison quand il soutenait que la démocratie et les valeurs occidentales n’intéressaient pas le Moyen Orient. Les puissances occidentales s’illusionnaient à cet égard. Car au Moyen Orient les classes moyennes montantes, à la différence des élites occidentalisées, ne voulaient pas de cet Occident décadent. Jusque-là, je suis l’analyse de Huntington, mais je n’accepte pas les conclusions qu’il en tire. Selon lui, il faut diviser le monde en cinq grandes zones d’influence – cinq grosses patates ! Chacun restera dans sa patate et on parlerait de patate à patate, afin d’éviter des guerres inutiles. C’est une vision de la stratégie réduite à un jeu de société pour adolescents. Huntington croyait que cette division du monde en patates serait apte à réduire la menace islamiste dans la mesure où les musulmans seraient moins frustrés. Si les Occidentaux leur faisaient moins de leçons de savoir-vivre politique, la tension diminuerait. Je pense à l’immense erreur d’Obama qui s’excuse devant les étudiants d’Al Azhar pour l’impérialisme américain d’autrefois, tout en les montant contre l’allié Hosni Moubarak. 

Huntington a disparu trop tôt pour voir qu’un deuxième volume manquait à son œuvre, car le bloc musulman n’est plus sous influence culturelle occidentale exclusive, et se retrouve en guerre, également avec lui-même. Aujourd’hui, l’islamisme est un danger énorme pour les sociétés occidentales, vu l’immigration de masse illégale qui se fait en bateau, en camion, en train, à pied. Certes, le monde a toujours connu de l’immigration dans tous les sens, mais les moyens de transport dans le passé imposaient des limites, et les administrations pouvaient traiter tous les cas. À l’époque actuelle, on ne pourra jamais traiter toutes les demandes, alors qu’il est matériellement possible d’installer des millions de migrants dans presque n’importe quel pays occidental au point de submerger la population actuelle. C’est ce qui est presque arrivé à Fidji, où la population est à plus de 40% indo-pakistanaise, et les Mélanésiens autochtones ont dû faire plusieurs coups d’État depuis 1987 et imposer des règles constitutionnelles pour garantir les droits des peuples autochtones, pour créer un régime qui inspire un peu la Nouvelle-Calédonie.

Avec l’immigration de masse, on se trouve face à une situation où de nombreux immigrés imaginent une société séparée, de religion différente, hostile à la société d’accueil. Cela veut dire qu’un jour, une ville occidentale entière serait soumise à une espèce de « charia light ». Le discours islamiste se résume ainsi : « Qu’est-ce que vous avez contre le charia ? 90% de la charia est déjà dans le code pénal ! » Notre réponse devrait être : « Ce sont les 10% qui sont problématiques, et on n’ a pas besoin de la charia pour les 90% ! » Le christianisme, heureusement, n’a plus ces lois-là. Les chrétiens ont commis moult horreurs comme les inquisitions, les guerres de religion, et les conversions forcées. Mais ce n’est pas dans la doctrine. L’Église se veut à la fois immuable et adaptable à son époque. Par contre, en islam on est dans la doctrine pure, il n’y a pas de frein à la fuite en avant. Le premier gamin de 14 ans peut facilement lire certaines phrases du Coran et partir au djihad. Chez les chrétiens, on ne va pas partir en croisade en vertu d’une petite phrase de Saint Luc. Alors que dans la charia, tout est écrit.

Comment nous sommes-nous mis dans ce pétrin ? Comment en sortir?

Les Occidentaux n’ont pas su anticiper ce danger du choc des populations à l’intérieur de la nation, qui nous menace d’une nouvelle guerre de religion. Houellebecq dans Soumission l’a imaginé de manière vraisemblable. En même temps, nous autres Occidentaux n’avons pas su séduire ces populations. Nous nous croyons séduisants, car des gens se noient en tentant de venir chez nous. Mais leur but n’est pas défini, ils ne rêvent pas d’assimilation. Et pour cause : l’image que projette d’elle-même la vie occidentale est trop souvent celle d’un simple supermarché consumériste. Dans les années 1990 et 2000, nous avons montré notre société au reste du monde comme étant une plateforme de divertissement, de produits culturels, de professions attractives, de plaisirs sexuels, de loisirs grisants, de subventions, d’hôpitaux. Or, l’adhésion franche à notre cause occidentale était trop timidement proposée et, le relativisme faisant son œuvre, nous avons laissé les nouveaux venus vivre en liaison avec le pays de départ. Soyons honnêtes aussi: une certaine discrimination, une dose de racisme, ont existé, permettant de cantonner les Nord-africains et les Africains subsahariens dans des professions manuelles.

Dans une certaine mesure, nous avons toléré, voire inconsciemment encouragé une hostilité envers les Français de cœur ou de souche chez tant de nouveaux-venus grisés par le sentiment d’orgueil civilisationnel blessé. Ce sentiment est fort chez les Arabes musulmans récemment décolonisés, et même chez des chrétiens africains. Notons qu’aux États-Unis – success story de l’intégration – les immigrés venaient de pays souverains jamais soumis à Washington, avec l’unique exception du Mexique. Jusqu’à récemment, aucun immigré n’arrivait avec un compte à régler avec les Américains. Aujourd’hui, les Palestiniens, Irakiens, Somaliens, doivent digérer l’ambigüité d’un néo-colonialisme américain indirect sur le sol de leur patrie d’origine.

Comment expliquer le succès actuel de ceux qui militent contre l’avortement aux États-Unis ?

La tendance anti-avortement fait partie d’un train. Il y a une locomotive et les wagons : un wagon anti-avortement, un autre anti-LGBTQIA+, un autre anti-Darwin, et un autre contre la redistribution envers les minorités raciales. Donc, généralement, celui qui est anti-avortement accepte également tous les autres wagons du train. Et comme aux États-Unis le niveau d’éducation a toujours été très inégal, même parmi les Blancs, vous avez encore une fraction des Américains qui pensent que la bible, interprétée de manière littérale, est le seul livre que l’on a besoin de lire. Ils pensent que le monde a commencé il y a 5 000 ans et que l’on descend directement d’Adam et Ève. Même ceux qui se réclament  de Darwin sont obligés de proclamer leur croyance en Dieu. En France, on n’entend pas de déclaration pareille : l’athéisme a pleinement droit de cité. Aux États-Unis  il y a d’un côté les gens de la classe aisée, instruite, connectée, « cool » et dénuée de racisme, et de l’autre, ces militants évangéliques qui contrôlent plusieurs États comme l’Alabama, le Mississippi, l’Arkansas, l’Indiana, la Caroline du Sud, et même le Texas. Ils sont contre l’avortement et tout ce qui est LGBT et ils sont discrètement méprisant envers les Noirs.

Mais les conservateurs américains ne défendent-ils pas les valeurs chrétiennes?

À leurs yeux, c’est ce qu’ils font. Les adversaires de l’avortement se vengent après 60 ans de lutte continue. Mais ils se vengent aussi du wokisme contemporain. Pour ces conservateurs populistes et surtout évangéliques, différents des Républicains modérés d’il y a encore une génération, l’avortement est devenu prioritaire par rapport au mariage gay qu’ils n’ont pourtant pas digéré. La Cour Suprême, sous Obama, a entériné le mariage gay, mais la Cour façonnée par les nominations de Trump est parvenue à renverser le jugement favourable à l’avortement.

Il est difficile de prédire l’avenir mais quelles sont les sources de danger dans le monde que nous sous-estimons ?

Je pense que la crise climatique est bien plus grave que l’on ne croit, car les effondrements se font par palier. On le voit déjà avec la calotte glacière au Groenland qui est à un point de non-retour ou avec le brouillard de particules canadiennes qui a engouffré la ville de New York pendant quatre jours au mois de juin. Et on sait que la réaction publique et gouvernementale sera médiocre dès le danger passé. New York a subi une inondation partielle en 2012, dont aujourd’hui l’on ne se souvient guère tandis que des immeubles sont construits en zone inondable en plein Manhattan. Les réticences à faire le nécessaire sous prétexte que le réchauffement est peut-être une illusion, est irrecevable. Tout aussi ridicules sont ceux qui affirment que le réchauffement est tellurique et non anthropique, et ainsi homo sapiens n’aurait rien à se reprocher, et que la possibilité de cultiver des vignes en Islande serait une aubaine. Je me dis que si jamais le réchauffement n’était pas vraiment en cours ou évitable, alors tous les efforts pour l’enrayer auraient quand même fait beaucoup de bien à l’environnement! C’est comme quelqu’un qui se croit malade sans l’être : en améliorant son mode de vie, il ne se sentirait que mieux. Il y a zéro risque à faire mieux.

Le deuxième danger vient des réseaux sociaux, Tik Tok et compagnie, l’intelligence artificielle. Beaucoup trop de gens mettent leurs certitudes entre les mains de ces innovations technologiques. Ils ne vérifient pas les sources, ingèrent tant d’informations douteuses et se complaisent dans le suivisme hystérique. Les fausses vidéos, le métavers, vont engendrer des consommateurs qui agiront comme les singes du Livre de la Jungle, suivant n’importe quelle lubie. Cela engendrera aussi des mouvements anti-réseaux sociaux, mais au final la culture sera tout de même en danger. J’insiste sur le fait que la culture pré-électronique nous a déjà tout donné, l’on peut facilement imaginer l’avenir grâce à la littérature, car pour chaque crise diplomatique, il y a un roman ou une pièce de théâtre qui traite du sujet sous forme de dystopie ou de politique fiction. Si l’on prive les jeunes de la littérature, pour ne les nourrir que de produits électroniques, on a un danger de déculturation.

Le dernier danger est le néo-impérialisme militaire, style russe, turc ou chinois. L’hégémonisme américain me semble en déclin, et ne cherche pas à inféoder l’Occident contrairement à ce que l’on entend sans cesse. Or, le parti communiste chinois en ce moment veut briser l’âme et souvent les corps des Ouïgours et des Tibétains, on n’en parlera jamais assez. Heureusement que vis-à-vis du projet impérial russe l’on résiste, y compris en Russie. Ce genre d’invasion peut être reproduit dans de nombreux pays, et plus les forces armées sont considérables, plus les ambitions vont loin dans la destruction. Israël aussi risque de céder à cette tendance, la République islamique d’Iran y est déjà avec une finalité apocalyptique. Voilà les dangers.

Cinéma d’acteur

Un réjouissant film italien, un film turc superbe et un vrai-faux documentaire tunisien passionnant, l’été démarre en beauté dans les salles de cinéma


Vers un avenir radieux, de Nanni Moretti, sorti le 28 juin 2023.

Il a assurément été le premier opposant culturel à Berlusconi et à son chamboule-tout ultra-libéral audiovisuel. Et il lui a survécu puisque Nanni Moretti sort son nouveau film, Vers un avenir radieux, présenté au récent Festival de Cannes. Que le jury de ce dernier ne lui ait octroyé aucune récompense est presque bon signe, tant le palmarès 2023 est bourré d’incohérences. Avec ce nouvel opus absolument réussi, le cinéaste italien revient sur les terres qu’il connaît le mieux et arpente avec brio : le journal quasi intime. Quoi de plus normal pour celui dont l’un des premiers films s’intitulait malicieusement Je suis un autarcique ? Dans le cas présent, il endosse les habits de Giovanni, un… cinéaste aux prises avec son nouveau film, lequel évoque le Parti communiste italien des années 1950, lors de l’invasion soviétique en Hongrie. D’entrée de jeu, cela nous vaut une scène hilarante au cours de laquelle son personnage découvre que ses assistants ignorent tout du communisme italien et a fortiori de son parcours atypique au sein de l’eurocommunisme… L’un des participants à la réunion d’équipe de tournage va même jusqu’à douter de l’existence de communistes italiens au siècle dernier. De quoi démoraliser le cinéaste au plus haut degré. On sait alors combien Giovanni et Nanni ne font qu’un. Tout le film est traversé par ce sentiment de décalage croissant entre les générations suivantes et la société dans son ensemble. Aux yeux de Giovanni, tout se délite : son couple, les relations avec sa fille qui s’entiche d’un homme plus âgé que lui, ses collaborateurs incapables de comprendre ses exigences sur le plateau, un jeune confrère qui confond cinéma et violence… sans oublier son producteur français, merveilleusement incarné par Mathieu Amalric, qui est fier de décrocher un accord de production avec Netflix – aux yeux de Giovanni, le Mal en personne. Moretti s’en donne à cœur joie dans la peinture de ce Français roublard, tricheur, pourchassé par ses créanciers et se vendant sans vergogne au moins-disant culturel. Nul doute qu’avec ce personnage, Moretti règle ses comptes avec un milieu du cinéma français souvent prompt à l’arrogance vis-à-vis, notamment, du voisin transalpin.

Affiche du film « Vers un avenir radieux », © Sacher Film-Fandango-Le Pacte-France 3 cinéma

Mais Moretti règle surtout ses comptes avec Netflix au cours d’une scène absolument mémorable. Face à deux responsables de la filiale italienne, il reste abasourdi en écoutant leurs arguments et plus encore leur conception du cinéma en général et des films en particulier. Avec notamment la nécessité d’un récit rebondissant sans cesse au fil d’une narration cadenassée. Le cinéaste qu’incarne Moretti fulmine contre ce formatage imbécile et évoque alors l’utopie communiste pour mieux stigmatiser la réalité libérale. Dans ce monde désolant, Moretti accepte de se transformer en vieux grincheux réac.


Que reste-t-il de ses amours ? Des chansons. Tout un plateau de tournage se met à l’unisson de son réalisateur pour entonner un pur tube de variété italienne. Dans une voiture, un couple désabusé se retrouve sur du disco. En fin de journée, Giovanni tape dans un ballon de football au rythme d’Et si tu n’existais pas de Joe Dassin. Autant de moments musicaux qui sont comme des bulles d’oxygène dans un paysage asphyxiant. Le cinéma reprend ses droits et sa force : on aurait envie d’aller vivre dans ce monde enchanté. Les « illusions perdues » de Moretti se transforment malgré tout en un « avenir radieux ». Au fil du film, ce titre ironique devient comme une promesse à laquelle le sourire de Giovanni redonne tout son sens. Et Moretti de nous donner ainsi une belle leçon d’optimisme… raisonné !

Cinéma d’auteur

Les Filles d’Olfa, de Kaouther Ben Hania, sorti le 5 juillet. Un vrai-faux documentaire tunisien passionnant.


Avec L’Homme qui a vendu sa peau et La Belle et la Meute, la cinéaste tunisienne Kaouther Bern Hania avait prouvé sa capacité à raconter des histoires sur grand écran. Son nouveau film, Les Filles d’Olfa, s’inscrit dans une veine documentaire radicalement différente. Elle y raconte l’histoire vraie d’Olfa Hamrouni dans une forme hybride qui convoque des comédiennes pour jouer aux côtés des véritables protagonistes de l’affaire. Rappelons que cette Tunisienne a acquis une notoriété internationale en avril 2016 quand elle a rendu publique la radicalisation de deux de ses quatre filles, parties rejoindre Daesh. Retour du voile après la révolution, violences familiales, mère paradoxale, le film aborde de multiples sujets au fil de séquences que le procédé choisi rend à plusieurs reprises troublantes, entre mensonge et réalité, fiction et incarnation. Rugueux et complexe à la fois, Les Filles d’Olfa s’avère passionnant de bout en bout, comme une plongée au cœur d’une société traversée de courants contradictoires.

Cinéma de réalisateur

Les Herbes sèches, de Nuri Bilge Ceylan, sorti le 12 juillet. Un superbe film turc.


Le prix d’interprétation féminine raflé à Cannes par l’actrice des Herbes sèches, de Nuri Bilge Ceylan, ne doit pas réduire ce chef-d’œuvre à cette récompense. Une fois encore, le cinéaste turc fait mouche avec cette grande fresque romanesque qui brosse le portrait d’un prof accusé à tort de harcèlement sexuel dans un petit collège d’Anatolie. Avec sa maestria habituelle, le réalisateur signe un film dont le héros fait songer à celui de Musil dans L’Homme sans qualités. Champion toutes catégories des longues conversations entre deux personnages, il s’en évade régulièrement jusqu’à briser le fameux « quatrième mur » de la représentation théâtrale lors d’une scène dont il ne faut rien révéler. De même dans sa seconde moitié, lorsque le récit se révèle totalement imprévisible. Le tout est porté par l’art de la mise en scène et des ruptures de ton et de forme qui mettent à l’image un cinéma trop souvent décrit, et à tort, comme froid et pesant.

Macron sans modération

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Dans un récent article paru dans Le Point, on apprend qu’Emmanuel Macron aime boire, aussi bien du whisky que des bons vins, et pas uniquement pour les grandes occasions…


« Emmanuel Macron ou l’art si français de lever le coude », tel est le titre d’un excellent article de notre consœur du Point, Nathalie Schuck, qui, non sans humour, nous renseigne sur les habitudes du chef de l’État et sa prédilection pour les alcools, ainsi que sur sa capacité de résistance : « il est capable d’écluser plusieurs ballons de belle taille de whisky sans que nulle trace de griserie ne froisse son visage ». Et on apprend plus loin que depuis son arrivée à l’Élysée, « les bouchons sautent et les bulles frétillent », au plus grand bonheur des convives et de la sommelière de la présidence, Virginie Routis, première femme à détenir les clefs de la cave de l’Élysée. Mais tout cela a, officiellement, un objectif : le rayonnement de la France. Déjà à Bercy, Emmanuel Macron choyait ses hôtes étrangers en considérant les vins et les alcools français comme d’excellents ambassadeurs. C’est pourquoi il a décrété que ce secteur est « hautement stratégique », qu’il est un « marqueur civilisationnel ». « Le vin, dit-il, c’est l’âme française. Il relève de nos usages. Je fais partie de ces Français pour qui un repas sans vin est un repas un peu triste ». 

Et on se souvient qu’en 2018, il avait lancé, au salon de l’Agriculture : « Moi, je bois du vin midi et soir. » Des propos qui avaient fait bondir les sobres addictologues, dénonçant une banalisation de la consommation d’alcool.

Si nos précédents présidents pouvaient apprécier de beaux flacons, aucun n’en a pas fait une telle promotion. Le général de Gaulle, Pompidou et Giscard étaient des amateurs discrets de grands crus, tout comme Chirac qui s’était très habilement construit une image populaire de buveur de bière. Mitterrand et Hollande n’ont pas laissé de souvenirs bacchiques, quant à Nicolas Sarkozy, il ne boit pas une goutte d’alcool.

Aussi, les prises de positions d’Emmanuel Macron font de lui, aux yeux de certains, le meilleur VRP de la filière vitivinicole. Et un indice ne trompe pas : il s’est vu décerner le prix de la personnalité des Trophées du vin, en 2022. 

A lire aussi: Causeur #114: l’insurrection des imbéciles

L’article du Point est instructif pour qui ne partage pas l’intimité du couple présidentiel. Emmanuel Macron se livrerait à des dégustations œnologiques à l’aveugle, et, attention : il ne se trompe jamais ! Et quand son agenda le permet, le président et son épouse vont s’encanailler autour d’une bonne bouteille et une planche de charcuteries dans un bar à vin. L’un des rares convives témoigne : « Dans ces dîners, on se marre bien, à quatre ou cinq, pas plus, au bistrot ou dans un bar à tapas. Brigitte est là, il raconte des histoires, il rit de nos blagues ». 

Un virage à 180° 

Difficile de croire que l’on parle là de notre président réélu en 2022, cet homme si sobre, ce bourreau de travail ne dormant que quelques heures par nuit pour se consacrer à ses dossiers… Il suffit de relire ce qui était écrit il y a un an au sujet de l’ambiance à l’Élysée : on était loin, très loin, de laisser penser que le président pouvait aller prendre du bon temps entre copains dans un bar à tapas. 

Le 18 août 2022, le même Point publiait un article très renseigné sur la vie privée d’Emmanuel Macron. Ses « soirées sont invariablement consacrées au travail. Les nuits à l’Élysée sont bien souvent studieuses », pouvait-on lire, et l’article de Mathilde Siraud d’affirmer que le président « s’est astreint depuis ses débuts à l’Élysée une vie d’ascèse rythmée par une discipline quasi militaire », « point de fantaisies ni d’escapades nocturnes. Jamais, de mémoire de personnel de l’Élysée on n’avait connu la maison aussi studieuse ». Le président dormirait d’ailleurs si peu que cela inquiéterait son épouse et ses conseillers. 

Il est vrai qu’Emmanuel Macron travaille, et aime travailler tard, nombreux sont ceux à témoigner de leurs échanges de textos jusqu’au milieu de la nuit, même le week-end. Sylvain Fort, qui a été chargé de la communication de l’Élysée jusqu’en 2019, expliquait au micro d’Europe 1, un an plus tard : « Travailler avec Emmanuel Macron, surtout en proximité, c’est apprendre à se caler sur son rythme biologique, même si on n’a pas le même. C’est un rythme biologique qui, en gros, le mène à travailler jusqu’à 1h30, 2h du matin, puis à reprendre le collier vers 6h30/7h ». 

Gros rouge ou grosse com’ ?

Passer de l’image d’un président qui ne fait que travailler à celle d’un amateur de vins entouré de copains au bistrot sent un peu le coup de com’. Tout d’abord, la nature même de ces fuites interroge. Alors qu’Emmanuel Macron n’organise plus de dîners de la majorité à l’Élysée parce qu’il s’agace des fuites dans la presse, on apprend, par ce qui est vraisemblablement son cercle rapproché, l’un des quatre ou cinq intimes cité plus haut, qu’il aime partager des tapas dans un bar à vin. Si ce sont de vrais amis, c’est une fuite commandée.

A lire aussi: Najat TV

Apprendre l’existence de ces sorties est plutôt sympathique, mais le contraste est saisissant. En fait, ce n’est même pas contrasté : on nous dit, soit le président est un foudre de travail, à mi-chemin entre Jupiter et Vulcain, il ne dort pas, il pressurise ses conseillers etc. Soit c’est un copain qui fait des blagues au bistrot, et, quand il en fait, elles sont drôles ; c’est aussi un amateur de vin, et, quand il fait des dégustations à l’aveugle, il reconnaît tous les crus.

On peut être tout cela à la fois – c’est aussi ça, l’esprit français ! –, mais pourquoi en faire autant dans un sens comme dans l’autre ? C’est là où les ficelles de la communication deviennent trop visibles, pour ne pas dire trop grosses. On comprend que l’intention est de casser une image de techno, lisse et froide, de montrer un président qui vit la vraie vie des vrais gens… Mais ce n’est pas sûr que cela le rende plus populaire car, avec ces « révélations » on ne saisit pas quelle est la cible visée, à qui veut-il plaire. Cela fait son petit effet dans le milieu journalistique et peut-être politique, mais ce ne peut avoir d’impact sur une majorité de Français.

En communication aussi, la modération a du bon.

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Mélenchon l’insurrectionnel

Le leader de la France insoumise à qualifié le CRIF de mouvement « d’extrême-droite ». Ce dernier réunit les principales organisations juives de France et lui reproche d’être sorti de l’arc républicain en ne condamnant pas les émeutes. Parmi ses comparses de la Nupes et dans toutes les analyses de la presse, on se persuade donc que Jean-Luc Mélenchon est devenu complètement fou. En réalité, son comportement est finalement assez rationnel. Il compte sur les émeutes et la répression pour créer le chaos et renverser les institutions.


Avec tant de frasques, tant d’outrances, Jean-Luc Mélenchon donne l’impression d’être pathologiquement emporté par un irrépressible goût pour la violence politique, une sorte de tropisme révolutionnaire qu’il n’a su tempérer pour apparaitre en « bon père du peuple » qu’à l’occasion des présidentielles de 2017. 

Philippe de Villiers sur CNews : « Il est dans sa logique, et sa logique, c’est la logique insurrectionnelle. Quand on vieillit, on revient à son enfance. En fait, il revient au trotskisme. Il veut tout faire sauter. Et donc, la logique insurrectionnelle : il y a une insurrection, il y a le feu, il va là où il y a le feu, pour mettre un peu plus de feu. Voilà. Et deuxièmement, il va là où est son nouvel électorat. » Ainsi, Mélenchon veut mettre le feu « pour mettre le feu » lorsqu’il déraisonne ; lorsqu’il raisonne, il pense à son électorat qu’il flatte en soutenant les émeutes. Le premier est un dérapage, le second, une stratégie. 

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Éric Zemmour sur Twitter : « La stratégie de Jean-Luc Mélenchon est claire : devenir le candidat des musulmans coûte que coûte, quitte à flatter sans cesse l’antisémitisme des banlieues, quitte à justifier sans réserve les émeutes, quitte à qualifier d’extrême droite tout ce qui n’est pas d’extrême gauche. » 

Mélenchon rêve d’être enseigné sur les bancs de l’école

C’est en réalité bien plus grave que cela. Mélenchon sait que les émeutiers ne représentent pas son électorat largement issu de l’immigration, et qu’une partie importante n’adhère sans doute pas à ses prises de position insurrectionnelles, quoi qu’en disent les indigénistes, pas plus qu’elle n’apprécie ses diatribes contre la police. Alors, pourquoi tous ces excès ? Mélenchon tente son va-tout avant de disparaitre. Après avoir échoué en 2022, il n’a plus grand espoir de prendre le pouvoir par les urnes. La fenêtre de tir est refermée car la population française vire à droite à vitesse grand V et il le sait. Mais il sait aussi que dans notre pays, à l’imagerie révolutionnaire bien connue, la période est particulièrement instable. Le risque est grand d’une émeute qui déborderait tragiquement les pouvoirs publics. Voilà sur quoi il mise désormais. Simple hypothèse, mais elle mérite qu’on s’y attarde. Plusieurs éléments vont en ce sens.

C’est conforme à ses motivations. Le vrai but de Mélenchon, fasciné par les révolutionnaires, est de marquer l’histoire comme ils l’ont fait. Il veut être enseigné sur les bancs de l’école. Il s’était rêvé en Jaurès, à présent être un Danton, voire un Robespierre lui siérait bien. Qu’importe, du moment qu’il entre dans les livres d’histoire ! C’est pourquoi il est obsédé de longue date par sa fameuse VIe République. Changer le régime politique d’un pays, quelle meilleure façon de rester à la postérité ? 

Au diable les bourgeois… Bon, les bobos peuvent quand même rester !

C’est également explicatif de ses agissements. Une fois qu’on table sur l’insurrection, nul besoin d’apparaitre pour un modéré afin de rassurer le bourgeois. On se fiche bien du cordon sanitaire qui doucement s’installe autour de Nupes. On souffle sur les braises en espérant que le feu prenne, on légitime les émeutiers, on en fait même des insurgés, pour mieux les récupérer le moment venu, quand il faudra un homme providentiel. Fort de sa légitimité, lui qui aura soutenu les émeutes de bonne heure, il prendra le pouvoir et imposera enfin une VIe République. Vous devrez apprendre sa date de naissance, lire ses biographies. Il y aura eu les révolutionnaires, les deux Napoléon, de Gaulle, et Mélenchon ! Les autres seront oubliés, y compris les présidents, qui passent et se succèdent, d’autant que la fonction est quelque peu galvaudée par des présidents médiocres, pour rester poli. Est-il si flatteur de devenir président de la République quand on pense à François Hollande ?

Enfin, le comportement de Mélenchon est finalement assez rationnel. À un moment où la France bascule dans la violence sociale et politique, où les Français se droitisent conséquemment, il y a des chances sérieuses que Marine Le Pen arrive au pouvoir. Or, ce serait selon l’extrême gauche le moment idéal pour des insurrections de masse. Les médias ne sauraient pas les condamner, puisqu’ils ont diabolisé Marine Le Pen. La répression qui s’ensuivrait serait peut-être même vertement vilipendée par tout ce que le pays compte de bienpensants, et une voie royale s’ouvrirait devant le vieux tribun de LFI pour imposer sa nouvelle République. La seule chose que craint Mélenchon aujourd’hui, c’est que ce soit un autre qui joue ce rôle-là.

Chair à canon

Dans ce scénario, Mélenchon a tout intérêt à multiplier les outrances pour favoriser l’arrivée de Marine Le Pen au pouvoir, laquelle offre un terrain plus favorable aux émeutes qu’un président plus ou moins centriste, en tout cas qui n’a pas l’étiquette d’« extrême droite ». En somme, devant un peuple qui se droitise, Mélenchon opposerait ici la stratégie consistant à le pousser du côté où il va tomber, c’est-à-dire la guerre civile. De ce chaos, il pourrait faire émerger un nouveau régime qui porterait de nouveaux verrous susceptibles de museler la droite aussi surement que la guillotine et remettre ainsi la France sur les rails du gauchisme. Le contexte d’émeutes des cités et autres black bloc muées en « résistance face au fascisme » serait un narratif idéal pour une telle mise au pas.

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Conclusion : Mélenchon semble bien être devenu un séditieux, le chef de La France Insurrectionnelle. À ce titre, certains avancent qu’il pourrait être poursuivi. Pourquoi les autorités ne le font-elles pas ? Peut-être qu’Emmanuel Macron espère simplement tenir assez longtemps pour refiler la patate chaude à Marine Le Pen et laisse Mélenchon impuni au mieux pour ne pas le victimiser, au pire pour éviter de déplaire aux journaux de gauche. En tout cas, s’il y en a une qui devrait méditer sur tout cela, c’est bien Marine Le Pen. La gestion de cette situation sera son principal défi si elle arrive au pouvoir. Quant aux émeutiers, aux pillards, aux racailles de cités, tout le monde comprend désormais qu’ils ne sont jamais que la chair à canon des ambitions de Mélenchon. Et, quand ce dernier inscrira la transition de genre dans la nouvelle Constitution, entre autres joyeusetés wokes bien loin de leurs préoccupations, la jeunesse ignare tireuse de mortiers comprendra peut-être combien l’inculture politique favorise les manipulations dont la gauche reste à ce jour la plus grande experte.

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Najat TV

Netflix n’a qu’à bien se tenir. Najat Vallaud-Belkacem a discrètement lancé son propre site de vidéos en streaming, Inclusiv.tv. Tout un programme!


Quelle est la grande idée de Najat Vallaud-Belkacem qui, comme beaucoup de politiques, n’en a qu’une ? Réponse : accepter l’altérité rendra la société française plus forte. Quelle figure contemporaine représente mieux l’Autre que le migrant ? Invitée, sur Paris Première, à commenter le naufrage de l’Andrianna survenu le 14 juin, la Franco-Marocaine a regretté, des trémolos dans la voix, que l’Assemblée n’ait pas observé une minute de silence, et que Frontex puisse procéder à des opérations de « push back ». Observant les réussites pédagogiques obtenues dans le domaine du réchauffement climatique, elle a ensuite formulé un vœu : « Je rêve d’un GIEC sur les questions migratoires, que des sachants qui voient les chiffres viennent éclairer l’opinion. » Elle s’est évidemment voulue rassurante : « L’immigration en France, on sait que c’est à peu près 10 %. C’est quand même des chiffres assez contenus. On a l’impression d’accueillir des millions de migrants via le droit d’asile. Pas du tout ! Sur 130 000 demandes déposées chaque année, il y a à peu près un tiers qui est accepté. »

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Ces jours-ci, l’ex-ministre de l’Éducation que les parents ont tant aimé détester lance un nouveau service de vidéos sur abonnement : inclusiv.tv. Le site, où sa bobine apparaît pas moins de trois fois sur la page d’accueil, offre une sélection de documentaires. « On y apprend à trouver sa place, mais aussi à aider les autres à trouver la leur. » Alors que la bataille culturelle fait rage entre militants et opposants de l’école inclusive, on est ravis d’apprendre que Mme Vallaud-Belkacem se concentre sur ses programmes télé plutôt que sur nos programmes scolaires. Mais, alors que Netflix, les feuilletons de TF1 ou la publicité semblent avoir déjà intégré des quotas de tout ce qui est imaginable, on peut tout de même se demander si elle y croit encore, quand elle se vante de mettre en avant « ceux qui résistent et qui prônent le mélange, l’inclusion ou le vivre-ensemble », stigmatisés comme des « bisounours naïfs et inconscients ».

Marine Le Pen est-elle vraiment favorite pour 2027?

La fille continuera à payer la rançon des errements du père, selon notre chroniqueur. Et si les Français n’ont plus honte de dire qu’ils votent RN, ils pourraient, au moment de glisser leur bulletin de vote dans l’urne, craindre de nouvelles émeutes en cas de victoire de Marine Le Pen à la prochaine présidentielle. 


Marine Le Pen n’est pas fasciste ni néonazie. Elle a procédé à une dédiabolisation sincère au sein du RN, même si ses adversaires compulsifs font semblant de ne pas y croire pour conserver leur haine bien intacte, bien au chaud. Argumenter et contester sur le plan politique serait beaucoup plus fatigant ! Je répète que réclamer l’équité médiatique et démocratique pour le RN, encore plus depuis les dernières élections législatives, ne fait pas de moi un suppôt de ce parti et ne m’a jamais conduit à être l’un de ses électeurs que par ailleurs je ne méprise pas. Il serait paradoxal d’être plus indulgent avec ceux qui crachent sur la France qu’avec ceux qui l’aiment. Je continue, au risque d’aggraver mon cas, à soutenir que ce pouvoir, en décrétant d’emblée que LFI et le RN n’appartenaient pas à « l’arc républicain » s’est arrogé un droit indu. Il n’avait pas à trier parmi l’ensemble des députés qui, par l’élection, devaient bénéficier du même respect de principe et de la même légitimité républicaine. Tout cela exprimé, je considère, sans être péremptoire, que 2027 sera sans doute la troisième et dernière défaite présidentielle de Marine Le Pen. J’ai conscience de m’aventurer en postulant que son adversaire au second tour ne sera pas quelqu’un dont l’extrémisme ferait encore plus peur que le sien. Je n’imagine pas par exemple un Jean-Luc Mélenchon y accéder et, si je me trompais, il serait probablement sèchement battu. Je me souviens d’un sondage qui, les mettant face à face au second tour, la voyait l’emporter avec 60%. Je ne crois pas que l’absence d’Emmanuel Macron, qui s’était vanté d’être le seul qui pouvait la vaincre à deux reprises, empêchera un représentant de la droite classique, du centre, du macronisme – Laurent Wauquiez, Jean Castex ou Edouard Philippe par exemple – de prendre la relève.

Les jeux ne sont pas faits

Je vais évoquer, par ordre croissant, les raisons qui font que, malgré la certitude affichée par beaucoup (pour s’en féliciter ou pour effrayer, quatre ans avant la prochaine échéance), je dénie que les jeux républicains soient faits et sa victoire acquise après deux tentatives infructueuses.

D’abord, le nom de Le Pen demeurera un handicap pour l’échelon suprême. Il maintiendra ce que la dédiabolisation largement menée à bien avait pour but de faire disparaître : le lien avec le père et les saillies, outrances et provocations historiques dont il a abusé. La fille continuera à payer la rançon des errements du père.

Ensuite, Marine Le Pen n’a cessé de progresser sur le plan technique, notamment dans ses entretiens avec les journalistes, jusqu’à parvenir à garder son calme quand tel ou telle d’entre eux pratiquait délibérément un questionnement exclusivement à charge. En même temps – et c’est une faiblesse dont elle n’a jamais pu se départir -, Marine Le Pen a et est une personnalité politique qui est bonne sans discontinuer dans son registre, sauf lors du moment crucial où la victoire décisive se gagne ou se perd. À deux reprises, elle a calé face à Emmanuel Macron et pourtant ce dernier n’a pas été éblouissant en 2022, se permettant de la traiter avec une désinvolture presque condescendante. Le problème, par deux fois, a tenu à une mauvaise articulation entre une oralité vigoureuse et volontariste mais un fond de moins en moins précis et compétent. Entre un verbe péremptoire et une substance de plus en plus approximative. Chez le téléspectateur, l’écart ne pouvait que laisser place à une impression d’amateurisme. Certes, en 2022 son score final a été meilleur qu’en 2017 mais le même blocage – avec en plus un adversaire en tête au premier tour – l’a privée d’un succès qui n’était pourtant pas inconcevable.

Des députés exemplaires

Enfin, il convient de mettre en lumière l’enseignement capital que la vie parlementaire nous a donné depuis les élections législatives (et le nombre de députés RN au-delà des espérances réalistes de Marine Le Pen) : le comportement quasiment exemplaire de ce parti à l’Assemblée nationale. Exemplarité dans la forme, perçue d’autant plus favorablement que le contraste avec LFI et l’extrême gauche était dévastateur pour ces dernières. La correction collective du groupe RN, le souci de son apparence, le classicisme superficiel imposé par sa présidente, s’ils ont permis de façonner une belle image partisane, n’ont en revanche pas fait bouger d’un iota la crédibilité du RN sur le fond. Non seulement à cause du refus obstiné de l’ensemble des groupes de répondre positivement à la moindre initiative législative du RN, dont en revanche on a accepté le soutien, mais, plus profondément, en raison des faibles variations de l’opinion publique : le RN espérait une relation entre son attitude parlementaire globalement louée, en en étonnant plus d’un et, en conséquence, la crédibilité et la confiance attachées à son programme. Mais tout démontre, pour schématiser, que la forme n’a pas suscité une adhésion accrue sur le fond. Cette impasse peut avoir pour conséquence paradoxale de banaliser le RN, qualifié de bon élève, offrant une double face contrastée : l’une qui dorénavant ne se distingue guère des conceptions de l’autorité, de la sécurité et de la justice de LR et l’autre, encore moins de la vision sociale, économique et étatique de LFI.

L’union de la droite extrême avec la droite républicaine aurait pu constituer une configuration possible mais la première n’en veut pas et la seconde y répugne, surestimant sans doute ses différences.

Mon analyse n’est pas contradictoire avec les enquêtes d’opinion à venir qui, avec Jordan Bardella, situeront probablement toujours le RN à un rang élevé et Marine Le Pen en très bonne place. Mais en 2027, lors du second tour ?

J’ose à peine évoquer un élément qui est si peu démocratique qu’on a scrupule à le mentionner. Si dorénavant on n’hésite plus à admettre qu’on va voter pour le RN, je ne suis pas persuadé qu’en revanche, au moment de glisser le bulletin dans l’urne, dans une France de plus en plus éruptive, où l’esprit démocratique s’appauvrit gravement, le citoyen n’éprouvera pas de l’angoisse face aux conséquences d’une victoire de Marine Le Pen. Moins à cause du programme qu’en raison des orages prévisibles d’un pays n’acceptant pas cette issue qui serait pourtant démocratique. Une France susceptible de continuer sur sa lancée violente d’aujourd’hui, pour un enfer demain ? 2027 ne verra pas Marine Le Pen succéder à Emmanuel Macron. Non pas grâce à lui mais à cause d’elle-même. En 2032, Jordan Bardella et Marion Maréchal, eux, seront sans doute dans la course.

Injection de jouvence

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D.R

Quête de la vie éternelle. Le milliardaire Bryan Johnson prétend pouvoir ralentir le vieillissement. Un protocole délirant menant à des résultats incertains.


La vieillesse est « un naufrage » selon le général de Gaulle. À défaut d’y échapper, on peut au moins tenter de la ralentir. Le milliardaire Bryan Johnson, qui a vendu son entreprise de traitement de paiements pour 800 millions de dollars, en a fait son projet de vie. Un projet qui a pour nom Blueprint et lui coûte plusieurs millions par an. Cet Américain de 45 ans se lève à cinq heures tous les matins, commence sa journée par une heure de sport et ingère précisément 1 977 calories quotidiennement. Chaque jour, il ingurgite une centaine de pilules pour la santé des artères ou du cerveau. En prime, il subit une thérapie au laser chaque semaine et se couche chaque soir à 20 h 30. Il concède : « Ce que je fais peut sembler extrême. » En avril, il est allé jusqu’à se faire injecter du plasma sanguin en provenance de son fils de 17 ans, tandis que lui-même a fait un don de plasma à son père de 70 ans. La clinique où a lieu ce que Johnson décrit comme « un des moments les plus doux et émotionnels de ma vie », utilise normalement le plasma pour traiter la calvitie.

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La transfusion payée par Johnson est inspirée d’une expérience scientifique consistant à coudre ensemble deux souris, une jeune et une âgée, mais selon la FDA, l’Agence fédérale américaine des produits alimentaires et médicamenteux, il n’existe aucune preuve que le plasma enraye le vieillissement. Un biochimiste interrogé par Bloomberg a affirmé que des gens cherchant à lutter contre l’âge par de telles transfusions « ont essentiellement un problème d’anxiété ». Johnson prétend qu’il a toutes les raisons d’être serein. Son « projet » lui aurait permis de ralentir la vitesse de son vieillissement de 25 %. Selon lui, sur 365 jours, il ne vieillirait que de 252 jours et à 45 ans il a les poumons d’un jeune de 18 ans et le cœur d’un homme de 37 ans – peut-être le fait de ne pas vivre contribue à allonger la vie. Le milliardaire dit avoir pour ambition de créer « le protocole parfait, pour le rendre accessible à tous ». Un autre milliardaire de Silicon Valley, le transhumaniste Ray Kurzweil, a récemment affirmé que nous serons tous immortels dès 2045. Bryan Johnson est un petit joueur.

Adama Traoré, 7 ans de réflexion

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Assa Traore, Paris, 7 mai 2021 © JEANNE ACCORSINI/SIPA

Il y a sept ans, fuyant la police, Adama Traoré mourait. Depuis, sa sœur Assa (notre photo) et des activistes soutenus par les médias et l’extrême gauche ont érigé sa mort en symbole des “violences policières”. La justice renâcle à clore le dossier. Incompétence ou manque de courage ? La plus grande injustice, c’est le déni de justice.


C’est une affaire qui pourrait porter le titre d’une comédie de Billy Wilder : Sept ans de réflexion. Mais elle n’a rien de drôle. Voilà sept ans que trois juges d’instruction sucent la pointe de leur stylo à bille pour savoir s’il convient ou non de renvoyer devant un tribunal correctionnel trois gendarmes accusés de porter une part de responsabilité dans la mort d’Adama Traoré. 

Un plaquage ventral fatal

Petit rappel des faits pour en dire le contexte : le 19 juillet 2016 à Beaumont-sur-Oise (95), le frère aîné d’Adama, prénommé Bagui (déjà condamné à 19 reprises), est interpelé dans le cadre d’une enquête pour extorsion de fonds. Présent à ses côtés, et alors qu’il n’est pas concerné, Adama Traoré prend la fuite. Pourquoi s’est-il enfui ? Parce qu’il n’avait pas ses papiers d’identité sur lui, disent les uns. Parce qu’il était porteur de quelques grammes de cannabis et de 1 330 € à l’origine douteuse, disent les autres. Toujours est-il que son arrestation et sa mort surviennent à l’issue d’une longue course poursuite s’achevant par un plaquage ventral. 

Déploiement de gendarmes à Beaumont-sur-Oise (Val-d’Oise), suite à des affrontements entre des résidents et les forces de l’ordre après la mort d’Adama Traoré, 23 juillet 2016. © Thomas Samson/AFP

Indignation, échauffourées, marche blanche, création d’un comité pour protester contre les conditions dans lesquelles est mort ce jeune homme de 24 ans, membre d’une fratrie de 17 enfants (son père semble avoir vécu en état de polygamie), déjà condamné pour de multiples délits (recel, violences, outrages, extorsion, menaces de mort, conduite sans permis, usage de stupéfiants, vol), déjà incarcéré à deux reprises (de septembre 2012 à juillet 2014, puis de décembre 2015 à mai 2016), objet post-mortem d’une plainte pour viol déposée par un codétenu, viol qui aurait été commis lors de son dernier séjour en prison (ce codétenu étant ultérieurement indemnisé pour ces faits par la Commision d’Indemnisation des Victimes d’Infraction considérant dans sa décision lui allouant 15 000 € « la matérialité des infractions d’agressions sexuelles dénoncées comme établie »).

A lire aussi, Elisabeth Lévy sur les émeutes de 2023: Le choc dé-civilisation

Gendarmes lives matter !

Une instruction, confiée collégialement à trois juges pour non-assistance à personne en péril, est ouverte. Les trois gendarmes – dont deux sont originaires des Antilles – sont placés sous le statut de « témoins assistés ». La réflexion des juges commence. Le dossier est sensible. On parle de racisme. Quelques témoins sont interrogés. De multiples expertises et contre-expertises médicales ont lieu. Dix au total. La majorité d’entre elles concluent à une mort naturelle, consécutive à la course poursuite, liée à une maladie cardio-respiratoire dont aurait souffert Adama Traoré. Certaines l’attribuent au plaquage ventral. Sept ans après, les juges réfléchissent toujours. « Nous rendons justice les mains tremblantes », disait Guy Canivet, le premier président de la Cour de cassation après l’affaire d’Outreau. Louable précaution. Mais voilà que les juges chargés de ce dossier, appliquant cette consigne à la lettre, en oublient de juger ! Ils ne font que trembler. Pourtant, juger, c’est en définitive trancher. Pourquoi ce tremblement irrépressible ? Incompétence ou pusillanimité ? Ou les deux ? Que l’on ne vienne pas dans cette affaire nous parler de manque de moyens. Si les juges prononcent un non-lieu, auraient-ils peur de provoquer des émeutes ? S’ils renvoient le dossier devant le tribunal correctionnel, auraient-ils peur de mécontenter la police ? Et s’ils renvoient, auraient-ils peur, en cas de relaxe, de provoquer d’autres émeutes ? Vu l’allure à laquelle cette affaire traîne, vu les multiples voies de recours offertes par notre procédure pénale, son épilogue judiciaire ne surviendra pas avant plusieurs années. 2026 ? Dix ans après les faits ? Au mieux ! Là est le scandale. Car, pour les mis en causes comme pour les parties civiles, la plus grande injustice, c’est le déni de justice. Et ce qui mine notre République, ce qui détruit notre démocratie, ce qui lézarde nos institutions, qu’elles soient politiques ou judiciaires, c’est le manque de courage. « Prendre ses responsabilités » … Cette expression est devenue une scie. Toujours prononcée, jamais mise en œuvre !

Outreau, l’histoire d’un désastre

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Harold Hyman: «L’image que projette d’elle-même la vie occidentale est trop souvent celle d’un simple supermarché consumériste»

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Hillary Clinton, devant des messages de soutien affichés à Orlando, à la suite de la fusillade du 12 juin 2016 dans une discothèque homosexuelle revendiquée par Daesh, 22 juillet 2016 © Andrew Harnik/AP/SIPA

Figure reconnaissable entre mille, Harold Hyman est le Monsieur Relations Internationales de CNews. Lunettes rondes à monture épaisse, bretelles rouges bien en évidence, son érudition et sa capacité à transformer une carte en un récit captivant ne sont plus à démontrer. Causeur a voulu savoir comment un Américain a pu – et voulu – s’imposer aux médias français et quelles sont ses préoccupations majeures quand il regarde le monde contemporain en face. Propos recueillis par Alix Fortin et Jeremy Stubbs.


Relire la première partie de l’entretien

Causeur. Dans quelle mesure, la montée de l’islamisme justifie-t-elle la notion d’un « choc des civilisations » popularisée par Samuel Huntington dans un livre datant de 1996 et rarement cité aujourd’hui ?

Harold Hyman. Huntington avait raison quand il soutenait que la démocratie et les valeurs occidentales n’intéressaient pas le Moyen Orient. Les puissances occidentales s’illusionnaient à cet égard. Car au Moyen Orient les classes moyennes montantes, à la différence des élites occidentalisées, ne voulaient pas de cet Occident décadent. Jusque-là, je suis l’analyse de Huntington, mais je n’accepte pas les conclusions qu’il en tire. Selon lui, il faut diviser le monde en cinq grandes zones d’influence – cinq grosses patates ! Chacun restera dans sa patate et on parlerait de patate à patate, afin d’éviter des guerres inutiles. C’est une vision de la stratégie réduite à un jeu de société pour adolescents. Huntington croyait que cette division du monde en patates serait apte à réduire la menace islamiste dans la mesure où les musulmans seraient moins frustrés. Si les Occidentaux leur faisaient moins de leçons de savoir-vivre politique, la tension diminuerait. Je pense à l’immense erreur d’Obama qui s’excuse devant les étudiants d’Al Azhar pour l’impérialisme américain d’autrefois, tout en les montant contre l’allié Hosni Moubarak. 

Huntington a disparu trop tôt pour voir qu’un deuxième volume manquait à son œuvre, car le bloc musulman n’est plus sous influence culturelle occidentale exclusive, et se retrouve en guerre, également avec lui-même. Aujourd’hui, l’islamisme est un danger énorme pour les sociétés occidentales, vu l’immigration de masse illégale qui se fait en bateau, en camion, en train, à pied. Certes, le monde a toujours connu de l’immigration dans tous les sens, mais les moyens de transport dans le passé imposaient des limites, et les administrations pouvaient traiter tous les cas. À l’époque actuelle, on ne pourra jamais traiter toutes les demandes, alors qu’il est matériellement possible d’installer des millions de migrants dans presque n’importe quel pays occidental au point de submerger la population actuelle. C’est ce qui est presque arrivé à Fidji, où la population est à plus de 40% indo-pakistanaise, et les Mélanésiens autochtones ont dû faire plusieurs coups d’État depuis 1987 et imposer des règles constitutionnelles pour garantir les droits des peuples autochtones, pour créer un régime qui inspire un peu la Nouvelle-Calédonie.

Avec l’immigration de masse, on se trouve face à une situation où de nombreux immigrés imaginent une société séparée, de religion différente, hostile à la société d’accueil. Cela veut dire qu’un jour, une ville occidentale entière serait soumise à une espèce de « charia light ». Le discours islamiste se résume ainsi : « Qu’est-ce que vous avez contre le charia ? 90% de la charia est déjà dans le code pénal ! » Notre réponse devrait être : « Ce sont les 10% qui sont problématiques, et on n’ a pas besoin de la charia pour les 90% ! » Le christianisme, heureusement, n’a plus ces lois-là. Les chrétiens ont commis moult horreurs comme les inquisitions, les guerres de religion, et les conversions forcées. Mais ce n’est pas dans la doctrine. L’Église se veut à la fois immuable et adaptable à son époque. Par contre, en islam on est dans la doctrine pure, il n’y a pas de frein à la fuite en avant. Le premier gamin de 14 ans peut facilement lire certaines phrases du Coran et partir au djihad. Chez les chrétiens, on ne va pas partir en croisade en vertu d’une petite phrase de Saint Luc. Alors que dans la charia, tout est écrit.

Comment nous sommes-nous mis dans ce pétrin ? Comment en sortir?

Les Occidentaux n’ont pas su anticiper ce danger du choc des populations à l’intérieur de la nation, qui nous menace d’une nouvelle guerre de religion. Houellebecq dans Soumission l’a imaginé de manière vraisemblable. En même temps, nous autres Occidentaux n’avons pas su séduire ces populations. Nous nous croyons séduisants, car des gens se noient en tentant de venir chez nous. Mais leur but n’est pas défini, ils ne rêvent pas d’assimilation. Et pour cause : l’image que projette d’elle-même la vie occidentale est trop souvent celle d’un simple supermarché consumériste. Dans les années 1990 et 2000, nous avons montré notre société au reste du monde comme étant une plateforme de divertissement, de produits culturels, de professions attractives, de plaisirs sexuels, de loisirs grisants, de subventions, d’hôpitaux. Or, l’adhésion franche à notre cause occidentale était trop timidement proposée et, le relativisme faisant son œuvre, nous avons laissé les nouveaux venus vivre en liaison avec le pays de départ. Soyons honnêtes aussi: une certaine discrimination, une dose de racisme, ont existé, permettant de cantonner les Nord-africains et les Africains subsahariens dans des professions manuelles.

Dans une certaine mesure, nous avons toléré, voire inconsciemment encouragé une hostilité envers les Français de cœur ou de souche chez tant de nouveaux-venus grisés par le sentiment d’orgueil civilisationnel blessé. Ce sentiment est fort chez les Arabes musulmans récemment décolonisés, et même chez des chrétiens africains. Notons qu’aux États-Unis – success story de l’intégration – les immigrés venaient de pays souverains jamais soumis à Washington, avec l’unique exception du Mexique. Jusqu’à récemment, aucun immigré n’arrivait avec un compte à régler avec les Américains. Aujourd’hui, les Palestiniens, Irakiens, Somaliens, doivent digérer l’ambigüité d’un néo-colonialisme américain indirect sur le sol de leur patrie d’origine.

Comment expliquer le succès actuel de ceux qui militent contre l’avortement aux États-Unis ?

La tendance anti-avortement fait partie d’un train. Il y a une locomotive et les wagons : un wagon anti-avortement, un autre anti-LGBTQIA+, un autre anti-Darwin, et un autre contre la redistribution envers les minorités raciales. Donc, généralement, celui qui est anti-avortement accepte également tous les autres wagons du train. Et comme aux États-Unis le niveau d’éducation a toujours été très inégal, même parmi les Blancs, vous avez encore une fraction des Américains qui pensent que la bible, interprétée de manière littérale, est le seul livre que l’on a besoin de lire. Ils pensent que le monde a commencé il y a 5 000 ans et que l’on descend directement d’Adam et Ève. Même ceux qui se réclament  de Darwin sont obligés de proclamer leur croyance en Dieu. En France, on n’entend pas de déclaration pareille : l’athéisme a pleinement droit de cité. Aux États-Unis  il y a d’un côté les gens de la classe aisée, instruite, connectée, « cool » et dénuée de racisme, et de l’autre, ces militants évangéliques qui contrôlent plusieurs États comme l’Alabama, le Mississippi, l’Arkansas, l’Indiana, la Caroline du Sud, et même le Texas. Ils sont contre l’avortement et tout ce qui est LGBT et ils sont discrètement méprisant envers les Noirs.

Mais les conservateurs américains ne défendent-ils pas les valeurs chrétiennes?

À leurs yeux, c’est ce qu’ils font. Les adversaires de l’avortement se vengent après 60 ans de lutte continue. Mais ils se vengent aussi du wokisme contemporain. Pour ces conservateurs populistes et surtout évangéliques, différents des Républicains modérés d’il y a encore une génération, l’avortement est devenu prioritaire par rapport au mariage gay qu’ils n’ont pourtant pas digéré. La Cour Suprême, sous Obama, a entériné le mariage gay, mais la Cour façonnée par les nominations de Trump est parvenue à renverser le jugement favourable à l’avortement.

Il est difficile de prédire l’avenir mais quelles sont les sources de danger dans le monde que nous sous-estimons ?

Je pense que la crise climatique est bien plus grave que l’on ne croit, car les effondrements se font par palier. On le voit déjà avec la calotte glacière au Groenland qui est à un point de non-retour ou avec le brouillard de particules canadiennes qui a engouffré la ville de New York pendant quatre jours au mois de juin. Et on sait que la réaction publique et gouvernementale sera médiocre dès le danger passé. New York a subi une inondation partielle en 2012, dont aujourd’hui l’on ne se souvient guère tandis que des immeubles sont construits en zone inondable en plein Manhattan. Les réticences à faire le nécessaire sous prétexte que le réchauffement est peut-être une illusion, est irrecevable. Tout aussi ridicules sont ceux qui affirment que le réchauffement est tellurique et non anthropique, et ainsi homo sapiens n’aurait rien à se reprocher, et que la possibilité de cultiver des vignes en Islande serait une aubaine. Je me dis que si jamais le réchauffement n’était pas vraiment en cours ou évitable, alors tous les efforts pour l’enrayer auraient quand même fait beaucoup de bien à l’environnement! C’est comme quelqu’un qui se croit malade sans l’être : en améliorant son mode de vie, il ne se sentirait que mieux. Il y a zéro risque à faire mieux.

Le deuxième danger vient des réseaux sociaux, Tik Tok et compagnie, l’intelligence artificielle. Beaucoup trop de gens mettent leurs certitudes entre les mains de ces innovations technologiques. Ils ne vérifient pas les sources, ingèrent tant d’informations douteuses et se complaisent dans le suivisme hystérique. Les fausses vidéos, le métavers, vont engendrer des consommateurs qui agiront comme les singes du Livre de la Jungle, suivant n’importe quelle lubie. Cela engendrera aussi des mouvements anti-réseaux sociaux, mais au final la culture sera tout de même en danger. J’insiste sur le fait que la culture pré-électronique nous a déjà tout donné, l’on peut facilement imaginer l’avenir grâce à la littérature, car pour chaque crise diplomatique, il y a un roman ou une pièce de théâtre qui traite du sujet sous forme de dystopie ou de politique fiction. Si l’on prive les jeunes de la littérature, pour ne les nourrir que de produits électroniques, on a un danger de déculturation.

Le dernier danger est le néo-impérialisme militaire, style russe, turc ou chinois. L’hégémonisme américain me semble en déclin, et ne cherche pas à inféoder l’Occident contrairement à ce que l’on entend sans cesse. Or, le parti communiste chinois en ce moment veut briser l’âme et souvent les corps des Ouïgours et des Tibétains, on n’en parlera jamais assez. Heureusement que vis-à-vis du projet impérial russe l’on résiste, y compris en Russie. Ce genre d’invasion peut être reproduit dans de nombreux pays, et plus les forces armées sont considérables, plus les ambitions vont loin dans la destruction. Israël aussi risque de céder à cette tendance, la République islamique d’Iran y est déjà avec une finalité apocalyptique. Voilà les dangers.

Cinéma d’acteur

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"Vers un avenir radieux", © Sacher Film-Fandango-Le Pacte-France 3 cinéma

Un réjouissant film italien, un film turc superbe et un vrai-faux documentaire tunisien passionnant, l’été démarre en beauté dans les salles de cinéma


Vers un avenir radieux, de Nanni Moretti, sorti le 28 juin 2023.

Il a assurément été le premier opposant culturel à Berlusconi et à son chamboule-tout ultra-libéral audiovisuel. Et il lui a survécu puisque Nanni Moretti sort son nouveau film, Vers un avenir radieux, présenté au récent Festival de Cannes. Que le jury de ce dernier ne lui ait octroyé aucune récompense est presque bon signe, tant le palmarès 2023 est bourré d’incohérences. Avec ce nouvel opus absolument réussi, le cinéaste italien revient sur les terres qu’il connaît le mieux et arpente avec brio : le journal quasi intime. Quoi de plus normal pour celui dont l’un des premiers films s’intitulait malicieusement Je suis un autarcique ? Dans le cas présent, il endosse les habits de Giovanni, un… cinéaste aux prises avec son nouveau film, lequel évoque le Parti communiste italien des années 1950, lors de l’invasion soviétique en Hongrie. D’entrée de jeu, cela nous vaut une scène hilarante au cours de laquelle son personnage découvre que ses assistants ignorent tout du communisme italien et a fortiori de son parcours atypique au sein de l’eurocommunisme… L’un des participants à la réunion d’équipe de tournage va même jusqu’à douter de l’existence de communistes italiens au siècle dernier. De quoi démoraliser le cinéaste au plus haut degré. On sait alors combien Giovanni et Nanni ne font qu’un. Tout le film est traversé par ce sentiment de décalage croissant entre les générations suivantes et la société dans son ensemble. Aux yeux de Giovanni, tout se délite : son couple, les relations avec sa fille qui s’entiche d’un homme plus âgé que lui, ses collaborateurs incapables de comprendre ses exigences sur le plateau, un jeune confrère qui confond cinéma et violence… sans oublier son producteur français, merveilleusement incarné par Mathieu Amalric, qui est fier de décrocher un accord de production avec Netflix – aux yeux de Giovanni, le Mal en personne. Moretti s’en donne à cœur joie dans la peinture de ce Français roublard, tricheur, pourchassé par ses créanciers et se vendant sans vergogne au moins-disant culturel. Nul doute qu’avec ce personnage, Moretti règle ses comptes avec un milieu du cinéma français souvent prompt à l’arrogance vis-à-vis, notamment, du voisin transalpin.

Affiche du film « Vers un avenir radieux », © Sacher Film-Fandango-Le Pacte-France 3 cinéma

Mais Moretti règle surtout ses comptes avec Netflix au cours d’une scène absolument mémorable. Face à deux responsables de la filiale italienne, il reste abasourdi en écoutant leurs arguments et plus encore leur conception du cinéma en général et des films en particulier. Avec notamment la nécessité d’un récit rebondissant sans cesse au fil d’une narration cadenassée. Le cinéaste qu’incarne Moretti fulmine contre ce formatage imbécile et évoque alors l’utopie communiste pour mieux stigmatiser la réalité libérale. Dans ce monde désolant, Moretti accepte de se transformer en vieux grincheux réac.


Que reste-t-il de ses amours ? Des chansons. Tout un plateau de tournage se met à l’unisson de son réalisateur pour entonner un pur tube de variété italienne. Dans une voiture, un couple désabusé se retrouve sur du disco. En fin de journée, Giovanni tape dans un ballon de football au rythme d’Et si tu n’existais pas de Joe Dassin. Autant de moments musicaux qui sont comme des bulles d’oxygène dans un paysage asphyxiant. Le cinéma reprend ses droits et sa force : on aurait envie d’aller vivre dans ce monde enchanté. Les « illusions perdues » de Moretti se transforment malgré tout en un « avenir radieux ». Au fil du film, ce titre ironique devient comme une promesse à laquelle le sourire de Giovanni redonne tout son sens. Et Moretti de nous donner ainsi une belle leçon d’optimisme… raisonné !

Cinéma d’auteur

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©TANIT FILMS

Les Filles d’Olfa, de Kaouther Ben Hania, sorti le 5 juillet. Un vrai-faux documentaire tunisien passionnant.


Avec L’Homme qui a vendu sa peau et La Belle et la Meute, la cinéaste tunisienne Kaouther Bern Hania avait prouvé sa capacité à raconter des histoires sur grand écran. Son nouveau film, Les Filles d’Olfa, s’inscrit dans une veine documentaire radicalement différente. Elle y raconte l’histoire vraie d’Olfa Hamrouni dans une forme hybride qui convoque des comédiennes pour jouer aux côtés des véritables protagonistes de l’affaire. Rappelons que cette Tunisienne a acquis une notoriété internationale en avril 2016 quand elle a rendu publique la radicalisation de deux de ses quatre filles, parties rejoindre Daesh. Retour du voile après la révolution, violences familiales, mère paradoxale, le film aborde de multiples sujets au fil de séquences que le procédé choisi rend à plusieurs reprises troublantes, entre mensonge et réalité, fiction et incarnation. Rugueux et complexe à la fois, Les Filles d’Olfa s’avère passionnant de bout en bout, comme une plongée au cœur d’une société traversée de courants contradictoires.

Cinéma de réalisateur

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©NuriBilgeCeylan

Les Herbes sèches, de Nuri Bilge Ceylan, sorti le 12 juillet. Un superbe film turc.


Le prix d’interprétation féminine raflé à Cannes par l’actrice des Herbes sèches, de Nuri Bilge Ceylan, ne doit pas réduire ce chef-d’œuvre à cette récompense. Une fois encore, le cinéaste turc fait mouche avec cette grande fresque romanesque qui brosse le portrait d’un prof accusé à tort de harcèlement sexuel dans un petit collège d’Anatolie. Avec sa maestria habituelle, le réalisateur signe un film dont le héros fait songer à celui de Musil dans L’Homme sans qualités. Champion toutes catégories des longues conversations entre deux personnages, il s’en évade régulièrement jusqu’à briser le fameux « quatrième mur » de la représentation théâtrale lors d’une scène dont il ne faut rien révéler. De même dans sa seconde moitié, lorsque le récit se révèle totalement imprévisible. Le tout est porté par l’art de la mise en scène et des ruptures de ton et de forme qui mettent à l’image un cinéma trop souvent décrit, et à tort, comme froid et pesant.

Macron sans modération

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Salon de l'Agriculture, PAris, 24 février 2018 © Romain GAILLARD-POOL/SIPA

Dans un récent article paru dans Le Point, on apprend qu’Emmanuel Macron aime boire, aussi bien du whisky que des bons vins, et pas uniquement pour les grandes occasions…


« Emmanuel Macron ou l’art si français de lever le coude », tel est le titre d’un excellent article de notre consœur du Point, Nathalie Schuck, qui, non sans humour, nous renseigne sur les habitudes du chef de l’État et sa prédilection pour les alcools, ainsi que sur sa capacité de résistance : « il est capable d’écluser plusieurs ballons de belle taille de whisky sans que nulle trace de griserie ne froisse son visage ». Et on apprend plus loin que depuis son arrivée à l’Élysée, « les bouchons sautent et les bulles frétillent », au plus grand bonheur des convives et de la sommelière de la présidence, Virginie Routis, première femme à détenir les clefs de la cave de l’Élysée. Mais tout cela a, officiellement, un objectif : le rayonnement de la France. Déjà à Bercy, Emmanuel Macron choyait ses hôtes étrangers en considérant les vins et les alcools français comme d’excellents ambassadeurs. C’est pourquoi il a décrété que ce secteur est « hautement stratégique », qu’il est un « marqueur civilisationnel ». « Le vin, dit-il, c’est l’âme française. Il relève de nos usages. Je fais partie de ces Français pour qui un repas sans vin est un repas un peu triste ». 

Et on se souvient qu’en 2018, il avait lancé, au salon de l’Agriculture : « Moi, je bois du vin midi et soir. » Des propos qui avaient fait bondir les sobres addictologues, dénonçant une banalisation de la consommation d’alcool.

Si nos précédents présidents pouvaient apprécier de beaux flacons, aucun n’en a pas fait une telle promotion. Le général de Gaulle, Pompidou et Giscard étaient des amateurs discrets de grands crus, tout comme Chirac qui s’était très habilement construit une image populaire de buveur de bière. Mitterrand et Hollande n’ont pas laissé de souvenirs bacchiques, quant à Nicolas Sarkozy, il ne boit pas une goutte d’alcool.

Aussi, les prises de positions d’Emmanuel Macron font de lui, aux yeux de certains, le meilleur VRP de la filière vitivinicole. Et un indice ne trompe pas : il s’est vu décerner le prix de la personnalité des Trophées du vin, en 2022. 

A lire aussi: Causeur #114: l’insurrection des imbéciles

L’article du Point est instructif pour qui ne partage pas l’intimité du couple présidentiel. Emmanuel Macron se livrerait à des dégustations œnologiques à l’aveugle, et, attention : il ne se trompe jamais ! Et quand son agenda le permet, le président et son épouse vont s’encanailler autour d’une bonne bouteille et une planche de charcuteries dans un bar à vin. L’un des rares convives témoigne : « Dans ces dîners, on se marre bien, à quatre ou cinq, pas plus, au bistrot ou dans un bar à tapas. Brigitte est là, il raconte des histoires, il rit de nos blagues ». 

Un virage à 180° 

Difficile de croire que l’on parle là de notre président réélu en 2022, cet homme si sobre, ce bourreau de travail ne dormant que quelques heures par nuit pour se consacrer à ses dossiers… Il suffit de relire ce qui était écrit il y a un an au sujet de l’ambiance à l’Élysée : on était loin, très loin, de laisser penser que le président pouvait aller prendre du bon temps entre copains dans un bar à tapas. 

Le 18 août 2022, le même Point publiait un article très renseigné sur la vie privée d’Emmanuel Macron. Ses « soirées sont invariablement consacrées au travail. Les nuits à l’Élysée sont bien souvent studieuses », pouvait-on lire, et l’article de Mathilde Siraud d’affirmer que le président « s’est astreint depuis ses débuts à l’Élysée une vie d’ascèse rythmée par une discipline quasi militaire », « point de fantaisies ni d’escapades nocturnes. Jamais, de mémoire de personnel de l’Élysée on n’avait connu la maison aussi studieuse ». Le président dormirait d’ailleurs si peu que cela inquiéterait son épouse et ses conseillers. 

Il est vrai qu’Emmanuel Macron travaille, et aime travailler tard, nombreux sont ceux à témoigner de leurs échanges de textos jusqu’au milieu de la nuit, même le week-end. Sylvain Fort, qui a été chargé de la communication de l’Élysée jusqu’en 2019, expliquait au micro d’Europe 1, un an plus tard : « Travailler avec Emmanuel Macron, surtout en proximité, c’est apprendre à se caler sur son rythme biologique, même si on n’a pas le même. C’est un rythme biologique qui, en gros, le mène à travailler jusqu’à 1h30, 2h du matin, puis à reprendre le collier vers 6h30/7h ». 

Gros rouge ou grosse com’ ?

Passer de l’image d’un président qui ne fait que travailler à celle d’un amateur de vins entouré de copains au bistrot sent un peu le coup de com’. Tout d’abord, la nature même de ces fuites interroge. Alors qu’Emmanuel Macron n’organise plus de dîners de la majorité à l’Élysée parce qu’il s’agace des fuites dans la presse, on apprend, par ce qui est vraisemblablement son cercle rapproché, l’un des quatre ou cinq intimes cité plus haut, qu’il aime partager des tapas dans un bar à vin. Si ce sont de vrais amis, c’est une fuite commandée.

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Apprendre l’existence de ces sorties est plutôt sympathique, mais le contraste est saisissant. En fait, ce n’est même pas contrasté : on nous dit, soit le président est un foudre de travail, à mi-chemin entre Jupiter et Vulcain, il ne dort pas, il pressurise ses conseillers etc. Soit c’est un copain qui fait des blagues au bistrot, et, quand il en fait, elles sont drôles ; c’est aussi un amateur de vin, et, quand il fait des dégustations à l’aveugle, il reconnaît tous les crus.

On peut être tout cela à la fois – c’est aussi ça, l’esprit français ! –, mais pourquoi en faire autant dans un sens comme dans l’autre ? C’est là où les ficelles de la communication deviennent trop visibles, pour ne pas dire trop grosses. On comprend que l’intention est de casser une image de techno, lisse et froide, de montrer un président qui vit la vraie vie des vrais gens… Mais ce n’est pas sûr que cela le rende plus populaire car, avec ces « révélations » on ne saisit pas quelle est la cible visée, à qui veut-il plaire. Cela fait son petit effet dans le milieu journalistique et peut-être politique, mais ce ne peut avoir d’impact sur une majorité de Français.

En communication aussi, la modération a du bon.

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Mélenchon l’insurrectionnel

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Tourcoing, 22 mai 2023 © FRANCOIS GREUEZ/SIPA

Le leader de la France insoumise à qualifié le CRIF de mouvement « d’extrême-droite ». Ce dernier réunit les principales organisations juives de France et lui reproche d’être sorti de l’arc républicain en ne condamnant pas les émeutes. Parmi ses comparses de la Nupes et dans toutes les analyses de la presse, on se persuade donc que Jean-Luc Mélenchon est devenu complètement fou. En réalité, son comportement est finalement assez rationnel. Il compte sur les émeutes et la répression pour créer le chaos et renverser les institutions.


Avec tant de frasques, tant d’outrances, Jean-Luc Mélenchon donne l’impression d’être pathologiquement emporté par un irrépressible goût pour la violence politique, une sorte de tropisme révolutionnaire qu’il n’a su tempérer pour apparaitre en « bon père du peuple » qu’à l’occasion des présidentielles de 2017. 

Philippe de Villiers sur CNews : « Il est dans sa logique, et sa logique, c’est la logique insurrectionnelle. Quand on vieillit, on revient à son enfance. En fait, il revient au trotskisme. Il veut tout faire sauter. Et donc, la logique insurrectionnelle : il y a une insurrection, il y a le feu, il va là où il y a le feu, pour mettre un peu plus de feu. Voilà. Et deuxièmement, il va là où est son nouvel électorat. » Ainsi, Mélenchon veut mettre le feu « pour mettre le feu » lorsqu’il déraisonne ; lorsqu’il raisonne, il pense à son électorat qu’il flatte en soutenant les émeutes. Le premier est un dérapage, le second, une stratégie. 

A lire aussi, Elisabeth Lévy: Le choc dé-civilisation

Éric Zemmour sur Twitter : « La stratégie de Jean-Luc Mélenchon est claire : devenir le candidat des musulmans coûte que coûte, quitte à flatter sans cesse l’antisémitisme des banlieues, quitte à justifier sans réserve les émeutes, quitte à qualifier d’extrême droite tout ce qui n’est pas d’extrême gauche. » 

Mélenchon rêve d’être enseigné sur les bancs de l’école

C’est en réalité bien plus grave que cela. Mélenchon sait que les émeutiers ne représentent pas son électorat largement issu de l’immigration, et qu’une partie importante n’adhère sans doute pas à ses prises de position insurrectionnelles, quoi qu’en disent les indigénistes, pas plus qu’elle n’apprécie ses diatribes contre la police. Alors, pourquoi tous ces excès ? Mélenchon tente son va-tout avant de disparaitre. Après avoir échoué en 2022, il n’a plus grand espoir de prendre le pouvoir par les urnes. La fenêtre de tir est refermée car la population française vire à droite à vitesse grand V et il le sait. Mais il sait aussi que dans notre pays, à l’imagerie révolutionnaire bien connue, la période est particulièrement instable. Le risque est grand d’une émeute qui déborderait tragiquement les pouvoirs publics. Voilà sur quoi il mise désormais. Simple hypothèse, mais elle mérite qu’on s’y attarde. Plusieurs éléments vont en ce sens.

C’est conforme à ses motivations. Le vrai but de Mélenchon, fasciné par les révolutionnaires, est de marquer l’histoire comme ils l’ont fait. Il veut être enseigné sur les bancs de l’école. Il s’était rêvé en Jaurès, à présent être un Danton, voire un Robespierre lui siérait bien. Qu’importe, du moment qu’il entre dans les livres d’histoire ! C’est pourquoi il est obsédé de longue date par sa fameuse VIe République. Changer le régime politique d’un pays, quelle meilleure façon de rester à la postérité ? 

Au diable les bourgeois… Bon, les bobos peuvent quand même rester !

C’est également explicatif de ses agissements. Une fois qu’on table sur l’insurrection, nul besoin d’apparaitre pour un modéré afin de rassurer le bourgeois. On se fiche bien du cordon sanitaire qui doucement s’installe autour de Nupes. On souffle sur les braises en espérant que le feu prenne, on légitime les émeutiers, on en fait même des insurgés, pour mieux les récupérer le moment venu, quand il faudra un homme providentiel. Fort de sa légitimité, lui qui aura soutenu les émeutes de bonne heure, il prendra le pouvoir et imposera enfin une VIe République. Vous devrez apprendre sa date de naissance, lire ses biographies. Il y aura eu les révolutionnaires, les deux Napoléon, de Gaulle, et Mélenchon ! Les autres seront oubliés, y compris les présidents, qui passent et se succèdent, d’autant que la fonction est quelque peu galvaudée par des présidents médiocres, pour rester poli. Est-il si flatteur de devenir président de la République quand on pense à François Hollande ?

Enfin, le comportement de Mélenchon est finalement assez rationnel. À un moment où la France bascule dans la violence sociale et politique, où les Français se droitisent conséquemment, il y a des chances sérieuses que Marine Le Pen arrive au pouvoir. Or, ce serait selon l’extrême gauche le moment idéal pour des insurrections de masse. Les médias ne sauraient pas les condamner, puisqu’ils ont diabolisé Marine Le Pen. La répression qui s’ensuivrait serait peut-être même vertement vilipendée par tout ce que le pays compte de bienpensants, et une voie royale s’ouvrirait devant le vieux tribun de LFI pour imposer sa nouvelle République. La seule chose que craint Mélenchon aujourd’hui, c’est que ce soit un autre qui joue ce rôle-là.

Chair à canon

Dans ce scénario, Mélenchon a tout intérêt à multiplier les outrances pour favoriser l’arrivée de Marine Le Pen au pouvoir, laquelle offre un terrain plus favorable aux émeutes qu’un président plus ou moins centriste, en tout cas qui n’a pas l’étiquette d’« extrême droite ». En somme, devant un peuple qui se droitise, Mélenchon opposerait ici la stratégie consistant à le pousser du côté où il va tomber, c’est-à-dire la guerre civile. De ce chaos, il pourrait faire émerger un nouveau régime qui porterait de nouveaux verrous susceptibles de museler la droite aussi surement que la guillotine et remettre ainsi la France sur les rails du gauchisme. Le contexte d’émeutes des cités et autres black bloc muées en « résistance face au fascisme » serait un narratif idéal pour une telle mise au pas.

A lire aussi, Philippe Bilger: Marine Le Pen est-elle vraiment favorite pour 2027?

Conclusion : Mélenchon semble bien être devenu un séditieux, le chef de La France Insurrectionnelle. À ce titre, certains avancent qu’il pourrait être poursuivi. Pourquoi les autorités ne le font-elles pas ? Peut-être qu’Emmanuel Macron espère simplement tenir assez longtemps pour refiler la patate chaude à Marine Le Pen et laisse Mélenchon impuni au mieux pour ne pas le victimiser, au pire pour éviter de déplaire aux journaux de gauche. En tout cas, s’il y en a une qui devrait méditer sur tout cela, c’est bien Marine Le Pen. La gestion de cette situation sera son principal défi si elle arrive au pouvoir. Quant aux émeutiers, aux pillards, aux racailles de cités, tout le monde comprend désormais qu’ils ne sont jamais que la chair à canon des ambitions de Mélenchon. Et, quand ce dernier inscrira la transition de genre dans la nouvelle Constitution, entre autres joyeusetés wokes bien loin de leurs préoccupations, la jeunesse ignare tireuse de mortiers comprendra peut-être combien l’inculture politique favorise les manipulations dont la gauche reste à ce jour la plus grande experte.

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Najat TV

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D.R

Netflix n’a qu’à bien se tenir. Najat Vallaud-Belkacem a discrètement lancé son propre site de vidéos en streaming, Inclusiv.tv. Tout un programme!


Quelle est la grande idée de Najat Vallaud-Belkacem qui, comme beaucoup de politiques, n’en a qu’une ? Réponse : accepter l’altérité rendra la société française plus forte. Quelle figure contemporaine représente mieux l’Autre que le migrant ? Invitée, sur Paris Première, à commenter le naufrage de l’Andrianna survenu le 14 juin, la Franco-Marocaine a regretté, des trémolos dans la voix, que l’Assemblée n’ait pas observé une minute de silence, et que Frontex puisse procéder à des opérations de « push back ». Observant les réussites pédagogiques obtenues dans le domaine du réchauffement climatique, elle a ensuite formulé un vœu : « Je rêve d’un GIEC sur les questions migratoires, que des sachants qui voient les chiffres viennent éclairer l’opinion. » Elle s’est évidemment voulue rassurante : « L’immigration en France, on sait que c’est à peu près 10 %. C’est quand même des chiffres assez contenus. On a l’impression d’accueillir des millions de migrants via le droit d’asile. Pas du tout ! Sur 130 000 demandes déposées chaque année, il y a à peu près un tiers qui est accepté. »

A lire aussi : À quand un ministère de la Vérité en France?

Ces jours-ci, l’ex-ministre de l’Éducation que les parents ont tant aimé détester lance un nouveau service de vidéos sur abonnement : inclusiv.tv. Le site, où sa bobine apparaît pas moins de trois fois sur la page d’accueil, offre une sélection de documentaires. « On y apprend à trouver sa place, mais aussi à aider les autres à trouver la leur. » Alors que la bataille culturelle fait rage entre militants et opposants de l’école inclusive, on est ravis d’apprendre que Mme Vallaud-Belkacem se concentre sur ses programmes télé plutôt que sur nos programmes scolaires. Mais, alors que Netflix, les feuilletons de TF1 ou la publicité semblent avoir déjà intégré des quotas de tout ce qui est imaginable, on peut tout de même se demander si elle y croit encore, quand elle se vante de mettre en avant « ceux qui résistent et qui prônent le mélange, l’inclusion ou le vivre-ensemble », stigmatisés comme des « bisounours naïfs et inconscients ».

Marine Le Pen est-elle vraiment favorite pour 2027?

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Marine Le Pen à Hénin Beaumont, 14 juillet 2023 © FRANCOIS GREUEZ/SIPA

La fille continuera à payer la rançon des errements du père, selon notre chroniqueur. Et si les Français n’ont plus honte de dire qu’ils votent RN, ils pourraient, au moment de glisser leur bulletin de vote dans l’urne, craindre de nouvelles émeutes en cas de victoire de Marine Le Pen à la prochaine présidentielle. 


Marine Le Pen n’est pas fasciste ni néonazie. Elle a procédé à une dédiabolisation sincère au sein du RN, même si ses adversaires compulsifs font semblant de ne pas y croire pour conserver leur haine bien intacte, bien au chaud. Argumenter et contester sur le plan politique serait beaucoup plus fatigant ! Je répète que réclamer l’équité médiatique et démocratique pour le RN, encore plus depuis les dernières élections législatives, ne fait pas de moi un suppôt de ce parti et ne m’a jamais conduit à être l’un de ses électeurs que par ailleurs je ne méprise pas. Il serait paradoxal d’être plus indulgent avec ceux qui crachent sur la France qu’avec ceux qui l’aiment. Je continue, au risque d’aggraver mon cas, à soutenir que ce pouvoir, en décrétant d’emblée que LFI et le RN n’appartenaient pas à « l’arc républicain » s’est arrogé un droit indu. Il n’avait pas à trier parmi l’ensemble des députés qui, par l’élection, devaient bénéficier du même respect de principe et de la même légitimité républicaine. Tout cela exprimé, je considère, sans être péremptoire, que 2027 sera sans doute la troisième et dernière défaite présidentielle de Marine Le Pen. J’ai conscience de m’aventurer en postulant que son adversaire au second tour ne sera pas quelqu’un dont l’extrémisme ferait encore plus peur que le sien. Je n’imagine pas par exemple un Jean-Luc Mélenchon y accéder et, si je me trompais, il serait probablement sèchement battu. Je me souviens d’un sondage qui, les mettant face à face au second tour, la voyait l’emporter avec 60%. Je ne crois pas que l’absence d’Emmanuel Macron, qui s’était vanté d’être le seul qui pouvait la vaincre à deux reprises, empêchera un représentant de la droite classique, du centre, du macronisme – Laurent Wauquiez, Jean Castex ou Edouard Philippe par exemple – de prendre la relève.

Les jeux ne sont pas faits

Je vais évoquer, par ordre croissant, les raisons qui font que, malgré la certitude affichée par beaucoup (pour s’en féliciter ou pour effrayer, quatre ans avant la prochaine échéance), je dénie que les jeux républicains soient faits et sa victoire acquise après deux tentatives infructueuses.

D’abord, le nom de Le Pen demeurera un handicap pour l’échelon suprême. Il maintiendra ce que la dédiabolisation largement menée à bien avait pour but de faire disparaître : le lien avec le père et les saillies, outrances et provocations historiques dont il a abusé. La fille continuera à payer la rançon des errements du père.

Ensuite, Marine Le Pen n’a cessé de progresser sur le plan technique, notamment dans ses entretiens avec les journalistes, jusqu’à parvenir à garder son calme quand tel ou telle d’entre eux pratiquait délibérément un questionnement exclusivement à charge. En même temps – et c’est une faiblesse dont elle n’a jamais pu se départir -, Marine Le Pen a et est une personnalité politique qui est bonne sans discontinuer dans son registre, sauf lors du moment crucial où la victoire décisive se gagne ou se perd. À deux reprises, elle a calé face à Emmanuel Macron et pourtant ce dernier n’a pas été éblouissant en 2022, se permettant de la traiter avec une désinvolture presque condescendante. Le problème, par deux fois, a tenu à une mauvaise articulation entre une oralité vigoureuse et volontariste mais un fond de moins en moins précis et compétent. Entre un verbe péremptoire et une substance de plus en plus approximative. Chez le téléspectateur, l’écart ne pouvait que laisser place à une impression d’amateurisme. Certes, en 2022 son score final a été meilleur qu’en 2017 mais le même blocage – avec en plus un adversaire en tête au premier tour – l’a privée d’un succès qui n’était pourtant pas inconcevable.

Des députés exemplaires

Enfin, il convient de mettre en lumière l’enseignement capital que la vie parlementaire nous a donné depuis les élections législatives (et le nombre de députés RN au-delà des espérances réalistes de Marine Le Pen) : le comportement quasiment exemplaire de ce parti à l’Assemblée nationale. Exemplarité dans la forme, perçue d’autant plus favorablement que le contraste avec LFI et l’extrême gauche était dévastateur pour ces dernières. La correction collective du groupe RN, le souci de son apparence, le classicisme superficiel imposé par sa présidente, s’ils ont permis de façonner une belle image partisane, n’ont en revanche pas fait bouger d’un iota la crédibilité du RN sur le fond. Non seulement à cause du refus obstiné de l’ensemble des groupes de répondre positivement à la moindre initiative législative du RN, dont en revanche on a accepté le soutien, mais, plus profondément, en raison des faibles variations de l’opinion publique : le RN espérait une relation entre son attitude parlementaire globalement louée, en en étonnant plus d’un et, en conséquence, la crédibilité et la confiance attachées à son programme. Mais tout démontre, pour schématiser, que la forme n’a pas suscité une adhésion accrue sur le fond. Cette impasse peut avoir pour conséquence paradoxale de banaliser le RN, qualifié de bon élève, offrant une double face contrastée : l’une qui dorénavant ne se distingue guère des conceptions de l’autorité, de la sécurité et de la justice de LR et l’autre, encore moins de la vision sociale, économique et étatique de LFI.

L’union de la droite extrême avec la droite républicaine aurait pu constituer une configuration possible mais la première n’en veut pas et la seconde y répugne, surestimant sans doute ses différences.

Mon analyse n’est pas contradictoire avec les enquêtes d’opinion à venir qui, avec Jordan Bardella, situeront probablement toujours le RN à un rang élevé et Marine Le Pen en très bonne place. Mais en 2027, lors du second tour ?

J’ose à peine évoquer un élément qui est si peu démocratique qu’on a scrupule à le mentionner. Si dorénavant on n’hésite plus à admettre qu’on va voter pour le RN, je ne suis pas persuadé qu’en revanche, au moment de glisser le bulletin dans l’urne, dans une France de plus en plus éruptive, où l’esprit démocratique s’appauvrit gravement, le citoyen n’éprouvera pas de l’angoisse face aux conséquences d’une victoire de Marine Le Pen. Moins à cause du programme qu’en raison des orages prévisibles d’un pays n’acceptant pas cette issue qui serait pourtant démocratique. Une France susceptible de continuer sur sa lancée violente d’aujourd’hui, pour un enfer demain ? 2027 ne verra pas Marine Le Pen succéder à Emmanuel Macron. Non pas grâce à lui mais à cause d’elle-même. En 2032, Jordan Bardella et Marion Maréchal, eux, seront sans doute dans la course.