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Tant qu'il y aura des films...


Cinéma d’acteur
"Vers un avenir radieux", © Sacher Film-Fandango-Le Pacte-France 3 cinéma

Un réjouissant film italien, un film turc superbe et un vrai-faux documentaire tunisien passionnant, l’été démarre en beauté dans les salles de cinéma


Vers un avenir radieux, de Nanni Moretti, sorti le 28 juin 2023.

Il a assurément été le premier opposant culturel à Berlusconi et à son chamboule-tout ultra-libéral audiovisuel. Et il lui a survécu puisque Nanni Moretti sort son nouveau film, Vers un avenir radieux, présenté au récent Festival de Cannes. Que le jury de ce dernier ne lui ait octroyé aucune récompense est presque bon signe, tant le palmarès 2023 est bourré d’incohérences. Avec ce nouvel opus absolument réussi, le cinéaste italien revient sur les terres qu’il connaît le mieux et arpente avec brio : le journal quasi intime. Quoi de plus normal pour celui dont l’un des premiers films s’intitulait malicieusement Je suis un autarcique ? Dans le cas présent, il endosse les habits de Giovanni, un… cinéaste aux prises avec son nouveau film, lequel évoque le Parti communiste italien des années 1950, lors de l’invasion soviétique en Hongrie. D’entrée de jeu, cela nous vaut une scène hilarante au cours de laquelle son personnage découvre que ses assistants ignorent tout du communisme italien et a fortiori de son parcours atypique au sein de l’eurocommunisme… L’un des participants à la réunion d’équipe de tournage va même jusqu’à douter de l’existence de communistes italiens au siècle dernier. De quoi démoraliser le cinéaste au plus haut degré. On sait alors combien Giovanni et Nanni ne font qu’un. Tout le film est traversé par ce sentiment de décalage croissant entre les générations suivantes et la société dans son ensemble. Aux yeux de Giovanni, tout se délite : son couple, les relations avec sa fille qui s’entiche d’un homme plus âgé que lui, ses collaborateurs incapables de comprendre ses exigences sur le plateau, un jeune confrère qui confond cinéma et violence… sans oublier son producteur français, merveilleusement incarné par Mathieu Amalric, qui est fier de décrocher un accord de production avec Netflix – aux yeux de Giovanni, le Mal en personne. Moretti s’en donne à cœur joie dans la peinture de ce Français roublard, tricheur, pourchassé par ses créanciers et se vendant sans vergogne au moins-disant culturel. Nul doute qu’avec ce personnage, Moretti règle ses comptes avec un milieu du cinéma français souvent prompt à l’arrogance vis-à-vis, notamment, du voisin transalpin.

Affiche du film « Vers un avenir radieux », © Sacher Film-Fandango-Le Pacte-France 3 cinéma

Mais Moretti règle surtout ses comptes avec Netflix au cours d’une scène absolument mémorable. Face à deux responsables de la filiale italienne, il reste abasourdi en écoutant leurs arguments et plus encore leur conception du cinéma en général et des films en particulier. Avec notamment la nécessité d’un récit rebondissant sans cesse au fil d’une narration cadenassée. Le cinéaste qu’incarne Moretti fulmine contre ce formatage imbécile et évoque alors l’utopie communiste pour mieux stigmatiser la réalité libérale. Dans ce monde désolant, Moretti accepte de se transformer en vieux grincheux réac.


Que reste-t-il de ses amours ? Des chansons. Tout un plateau de tournage se met à l’unisson de son réalisateur pour entonner un pur tube de variété italienne. Dans une voiture, un couple désabusé se retrouve sur du disco. En fin de journée, Giovanni tape dans un ballon de football au rythme d’Et si tu n’existais pas de Joe Dassin. Autant de moments musicaux qui sont comme des bulles d’oxygène dans un paysage asphyxiant. Le cinéma reprend ses droits et sa force : on aurait envie d’aller vivre dans ce monde enchanté. Les « illusions perdues » de Moretti se transforment malgré tout en un « avenir radieux ». Au fil du film, ce titre ironique devient comme une promesse à laquelle le sourire de Giovanni redonne tout son sens. Et Moretti de nous donner ainsi une belle leçon d’optimisme… raisonné !

Été 2023 – Causeur #114

Article extrait du Magazine Causeur




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Critique de cinéma. Il propose la rubrique "Tant qu'il y aura des films" chaque mois, dans le magazine

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