Accueil Site Page 481

CRS, SS! Étudiants, diants diants!

0

Menton : des étudiants de Sciences Po ont formé un blocus la semaine dernière, contre la « censure » de leurs positions pro-Palestine. S’ils ont bien le droit d’être émus comme tout le monde par le sort peu enviable des Palestiniens, les étudiants ont en revanche mal appris deux leçons: celle sur la colonisation, et celle sur l’interdiction de l’apologie du terrorisme. Liliane Messika raconte.


Il fut un temps où le monde était binaire : il y avait le jour et la nuit, les hommes et les femmes, les professeurs et les élèves, les innocents et les coupables : le jour, le soleil éclairait l’activité humaine, la nuit, la lune baignait les dormeurs de sa veilleuse ; les hommes plantaient la petite graine et les femmes la transformaient en bébés ; les professeurs enseignaient et les élèves apprenaient ; les innocents étaient protégés et les coupables punis. Mais ça, c’était avant le progrès.

À l’ère woke, les progressistes cassent la nuit ce que les contribuables fabriquent le jour, les hommes prétendent faire pousser les bébés dans un organe qu’ils n’ont pas, les femmes peuvent exiger que l’on rende la langue incompréhensible pour ajouter une quéquette alphabétique aux adjectifs qui les décrivent, les étudiants enseignent aux professeurs leurs délires quotidiens, que ceux-ci récitent les mains jointes et les yeux baissés et les coupables de pogromes sont qualifiés de résistants, pendant que leurs victimes sont soupçonnées de fake news.

Le niveau des études baisse, mais l’éveil des étudiants s’élève proportionnellement

Plus le classement PISA de la France s’effondre, plus la conscience révolutionnaire atteint des hauteurs stratosphériques parmi les étudiants. Et plus l’école ou l’université est prestigieuse, plus la distance avec le réel s’accroît.

C’est ainsi que Sciences-Po Lyon n’autorise les « débats » qu’entre débatteurs du même avis, c’est-à-dire le leur. Sciences-Po Paris supprime les cours de danse de salon au motif que le professeur indique les pas de danse aux « hommes » et aux « femmes », qui sont des notions obsolètes. Science-Po Menton met des piquets de grève devant sa fac pour lutter contre « la censure de la Direction sur la Palestine » au nom de la « liberté d’expression ». Soyons précis, plus précis que la Direction de l’école et que les syndicalistes pro-palestiniens : il s’agit, pour ces incultes, de défendre « les victimes » du « colonisateur[1]», alias Israël qui, à la méconnaissance de ces étudiants, est le seul « colonisateur » de la planète. 

Du côté de la réalité

Ladite colonisation n’a jamais répondu à la définition d’une colonie, qui est la mainmise d’un État par un autre État ultramarin plus puissant, qui exploite la population et les matières premières du plus faible.

A lire aussi, du même auteur: «Les musulmans» n’étaient pas à la manif. Zohra Bitan, si

Bien sûr, utiliser les mots en fonction de leur sens est un conformisme qui sent son privilège blanc à plein nez. Les étudiants dûment woke n’ont pas ce travers. Eux attribuent aux mots leurs propres qualités. Il existe donc des mots non binaires et d’autres qui ont transitionné de leur définition originelle à un sens contraire, ou flou, voire à aucun sens, mais qui sont quand même utilisés pour leur sonorité agréable.

Seuls, les intégristes qui attribuent aux mots le sens que leur donne l’Académie française, peuvent comprendre pourquoi « Juifs » (synonyme : « israélites ») et « colonisateurs d’Israël » sont incompatibles. Pour commencer, les Juifs n’ont jamais possédé d’autre État que les royaumes juifs d’Israël, aussi prétendre que cet État a lancé depuis l’outre-mer une opération de « colonisation » sur un autre pays, plus faible, est absurde, faute de colonisateur. Que cet État plus puissant, dont la seule matière première est la matière grise de ses citoyens, ait exploité les « ressources en matières premières » du second est une hypothèse que les étudiants seraient bien en peine de démontrer. D’autre part, en 1967, Israël avait pris Gaza à l’Égypte, qui a refusé de récupérer ce territoire lors de la signature du traité de paix entre les deux ex-adversaires, en 1979. De plus et c’est fondamental, il n’a jamais existé, sur la planète Terre, un État palestinien qui eût pu prétendre être colonisé. D’où la chute du deuxième terme de l’équation, faute de combattus.

Enfin, et c’eût été de nature à justifier un non-lieu, cette « colonisation » s’est terminée quand les Israéliens se sont retirés sans contrepartie de Gaza en juillet 2005, avant la naissance des ignorants mentonnais qui se haussent du col. L’embargo militaire, lui, existe depuis 2007, quand le Hamas a renversé l’Autorité palestinienne, tuant des centaines de Palestiniens membres du Fatah-frère-ennemi et transformant la Bande en base militaire.

Croire ou savoir, il faut choisir

Pourquoi la Direction de Science-Po Menton a-t-elle dû préciser que « aucun slogan antisémite ne sera toléré ». Assimile-t-elle l’antisionisme à l’antisémitisme ? De fait, l’antisémitisme a fait 6 millions de morts en 1939-45 et le programme de l’antisionisme est d’en faire 7 millions de plus « du fleuve à la mer », c’est-à-dire en éradiquant l’État juif qui s’y trouve.

A lire aussi, Jean-Paul Brighelli: La fabrique des terroristes: l’école telle que certains la veulent

Le programme des grévistes, pour l’instant, se réduit à« Nous devons continuer à boycotter, à démunir et à sanctionner Israël ». Leur spécialité étant les sciences politiques, ils déploient le sens des nuances que demandent ces études pour expliquer leur action : « l’attaque récente est une conséquence directe de la violence qu’Israël inflige quotidiennement aux Palestinien·nes en Cisjordanie et à GazaLes peuples opprimés recherchent toujours la liberté et lorsque tout le reste échoue, ils se tournent vers la violence. Nous devons soutenir la Palestine.[2] »

La Direction de l’établissement possédant, apparemment, le cerveau qui fait défaut à ses élèves, comprend bien qu’un tel programme est justifié concernant l’agresseur, mais qu’il cumule bêtise et méchanceté s’il vise l’agressé. Les étudiants qui ont inversé les rôles ont le choix entre le déshonneur d’avouer qu’ils l’ont fait exprès et la guerre contre les profs pour avoir la moyenne. Ils auront les deux. On remarque au passage qu’ils ne sont pas meilleurs en maths, puisque les factions pro-palestiniennes accusent sempiternellement Israël de génocide, confondant la division et la multiplication : la population « palestinienne » a été multipliée par près de dix depuis 1948, pas divisée par un génocide ! Mais qu’importe le réel, quand on a l’ivresse de l’antisémitisme multipliée par le fla-con de l’ignorance !


[1] www.lefigaro.fr/nice/des-etudiants-de-sciences-po-menton-organisent-un-blocage-contre-la-censure-de-la-direction-sur-la-palestine-20231116

[2] https://france3-regions.francetvinfo.fr/provence-alpes-cote-d-azur/alpes-maritimes/menton/guerre-entre-le-hamas-et-israel-le-campus-de-sciences-po-menton-ebranle-par-les-publications-d-une-organisation-pro-palestinienne-2853872.html

Message à nos lecteurs, abonnés, soutiens, ambassadeurs…

0

Causeur a besoin de votre soutien !


Nous n’en démordons pas. Comme vous et comme le recommandait Péguy, nous voyons ce que nous voyons. Et nous le disons. Depuis un mois, chaque jour apporte son lot de preuves sordides à l’appui du diagnostic que nous formulons à Causeur depuis plus de 16 ans : de Gaza à nos banlieues, du Hamas à Arras, une alliance d’idéologies néfastes, issues de Lumières devenues folles et d’un islamisme arrogant, conquérant et sans scrupules, sont en guerre contre notre conception de l’humanité, contre nos mœurs et surtout, contre nos libertés.

Nous n’avons cessé de dénoncer la mauvaise foi avec laquelle cette alliance exploite notre générosité et notre universalisme, en nous culpabilisant sans fin pour notre passé. Nous avons critiqué l’islamisme et l’Islam sans jamais mettre en cause des musulmans parce qu’ils sont musulmans, et nous avons pourtant été traités d’islamophobes. Nous avons dénoncé cette nouvelle morale perverse qui divise le monde en victimes et bourreaux selon la couleur de la peau et la religion et nous avons été traités de racistes.

Cet adversaire redoutable bénéficie de surcroît d’un allié de taille : le déni qui, depuis des années, conduit une grande partie des élites dirigeantes à cacher sous le tapis les réalités pénibles. Trempé dans la lâcheté, ce réflexe d’autruche a transformé des problèmes douloureux en désastre peut-être irrémédiable. C’est aussi ce grand mensonge qu’il faut combattre.

Plus que jamais nous avons besoin de vous, vous nos lecteurs, nos abonnés, nos soutiens, nos ambassadeurs auprès de vos proches et amis. Le combat intellectuel et culturel qui nous requiert est sans fin car à chaque fois qu’un coin du voile est levé, les bonimenteurs du bien s’emploient à le rabattre sur le réel, de sorte que chaque vérité, même la plus évidente, doit être défendue, expliquée, ressassée pied à pied. Pour défaire les adversaires de la Raison et défendre, contre les lyncheurs, la discorde civilisée, nous avons besoin de vous.

Elisabeth Lévy

Directrice de la rédaction 


Pour rappel, votre don est déductible de votre impôt sur le revenu à la hauteur de 66% si vous êtes un particulier et 60% si vous êtes une entreprise. L’association « J’aime l’info » vous adressera une attestation de dons pour votre déclaration d’impôt en avril 2024.

Le labyrinthe de Marc Obregon

0

C’est au début du mois de septembre 2023 que j’ai fait la rencontre de Marc Obregon. C’était au stand des Éditions du Verbe Haut, mon éditeur et le sien, à l’occasion des Journées Chouannes où nous étions tous pour y présenter nos livres et nos travaux.

Points communs

Au cours de la journée, nous discutons littérature et très vite nous nous découvrons une passion commune pour Philip K. Dick et Maurice G. Dantec, deux écrivains à la fois majeurs par l’importance qu’ils ont eue dans l’édition et plutôt confidentiels par le nombre de lecteurs ayant réellement compris le sens de leurs œuvres. Plus généralement, ce que nous aimons en commun dans cette littérature, c’est cette sorte d’étonnant mélange entre l’évocation résignée du techno-futurisme tel qu’il se rend inévitable et l’inquiétude que manifestent ses écrivains à propos des excès eux-mêmes inévitables que cette « scientification » du monde entraînera dans son sillage. Quelques minutes d’échanges sur ce thème m’ont convaincu de lire l’Orbe, le roman de Marc Obregon.

A lire aussi, Thomas Morales: Tiens, voilà du Boudard!

L’auteur, qui m’avait indiqué que le lecteur de Dick et Dantec que je suis se trouverait en terrain connu (et reconnu) dans l’Orbe ne m’avait pas menti : dès les premiers pages, mon esprit a été assailli des plaisirs et des intrigantes curiosités qui s’imposent à nous lorsque l’on ouvre un livre de ces deux auteurs. L’ambiance, à la fois post-apocalyptique (la pandémie hante le décor et nous renvoie à des souvenirs réellement expérimentés en 2020) et pré-apocalyptique (dans le livre, le virus n’a pas encore décimé le monde mais le monde, craignant qu’il le fasse, se prépare à l’empêcher sans savoir encore s’il y parviendra) joue avec nos souvenirs : en brodant son histoire imaginaire sur le tissu d’un événement authentique qu’il ne cite pourtant jamais nommément, le lecteur, à cause de l’habilité de l’écrivain à confondre le réel et la fiction, n’est jamais certain de lire ce qu’il pense être en train de lire ; emporté dans une confusion diaboliquement entretenue par Obregon, il s’imagine qu’on lui parle de Wuhan avant qu’un indice ne le détourne de cette pensée puis qu’un autre l’y ramène. Et ce jeu du chat et de la souris entre réalité et fiction, ces jonctions répétées entre faits réels, faits inspirés de la réalité, faits inventés et faits imaginés car plausibles, dure du début à la fin. Ce régime spécial interdit au lecteur de se plonger dans l’Orbe avec trop de légèreté : ici, chaque paragraphe est indispensable à la compréhension de cette ingénierie littéraire tortueuse en apparence et chirurgicale en réalité.  

Aussi fascinant et que déroutant

Obregon fait preuve d’une science du récit qui emmène le lecteur au cœur de l’intrigue sans avoir l’air d’y toucher, pour qu’au détour d’une page ou d’un paragraphe ce lecteur se découvre, lui-même surpris, au cœur d’un réseau narratif dans lequel il a été plongé depuis la première page sans même s’en rendre compte. Écriture en quelque sorte tentaculaire, qui vous appâte, vous séduit, vous hypnotise pour mieux vous déposer dans l’œil d’un cyclone d’où non seulement vous ne voulez plus sortir mais d’où, surtout, vous ne le pouvez plus. Je ne suis pourtant pas un débutant, j’ai beaucoup lu, notamment Dick justement, un maître du genre : pour autant cette expérience qui aurait dû me préparer à détecter la toile que Marc Obregon tissait autour de moi page après page ne m’a été d’aucune aide ; quelque part entre les pages 10 et 15, déjà, j’ai compris que l’on m’avait gentiment conduit dans le cœur d’un labyrinthe aussi fascinant que déroutant. Dès lors, plus aucun doute n’est permis : Obregon est un talent en fusion. Il n’imite pas Philip K. Dick ou Dantec : il les continue.

A lire aussi, Jérôme Leroy: ChatGPT: Philip K. Dick, Gunthers Anders et Baudrillard ne sont pas contents

Comme souvent avec les ouvrages de cette envergure, il est difficile de savoir s’ils annoncent le futur ou s’ils décrivent le présent. L’omniprésence des technologies articulées par l’intelligence artificielle, le contrôle et la vérification de nos moindres faits et gestes par les oligarchies policières, l’examen par des bots de nos pensées intimes, l’aiguillage inconscient de nos volontés par des firmes privées assez puissantes pour supplanter les États et même pour se substituer à notre propre conscience et ainsi décider pour nous avant nous, tout ceci existe déjà sous des formes plus ou moins expérimentales et affreusement prometteuses. Combien de romans de science-fiction sont devenus des prophéties ? Dans Cosmos Inc., Maurice G. Dantec décrit une ville entièrement sectorisée où l’on ne peut circuler qu’à la condition de pouvoir présenter tel ou tel passe, lesquels ne sont délivrés qu’en fonction d’un certain nombre de critères qui annonçaient le futur « passe sanitaire » et, qui sait ? le futur « passe civique » dont nous ne tarderons pas à entendre parler…

Je n’appelle pas l’Orbe un roman de science-fiction mais plutôt d’anticipation, doté en plus de cette vertu de tempérance qui interdit de faire ces descriptions trop hyperboliques, trop « exagérées » qui font dire aux profanes que c’est un genre littéraire illuminé pour chasseurs d’OVNI ou de complots : au contraire, tout dans l’Orbe, même le pire, est pesé, mesuré, dosé pour que le lecteur prenne conscience qu’un tel avenir non seulement est plausible mais qu’il a même déjà commencé ; nous sommes déjà demain, depuis ce matin — c’est dans notre sommeil qu’il a déployé ses tentacules.

Obregon n’oublie pas l’amour, ce sentiment puissant qui, même sous les décombres, continue de vivre, de battre, de bouillonner, ce qu’aucune intelligence artificielle ne comprendra même si elle parvenait à prendre sur nous un contrôle qui par conséquent ne serait jamais qu’imparfait. C’est peut-être notre ultime espoir.

« Betty » pour l’éternité

0

L’actrice sulfureuse Béatrice Dalle revient sur sa vie dans un documentaire diffusé par France 5


« Je n’ai jamais fait une seule chose dans ma vie dont j’ai honte ! », affirme l’actrice Béatrice Dalle, dans le documentaire intitulé À prendre ou à laisser, que lui consacre France 5. Il est disponible en replay jusqu’au 9 mai. Le dispositif est le suivant : Béatrice Dalle nous raconte son histoire, en voix off, pendant que défilent les images d’archives. Cela fonctionne très bien, comme une sorte de mise en abîme, comme si la star redécouvrait des pans entiers de sa vie avec nous, et nous les distillait. Elle les raconte avec sa voix gouailleuse, un peu abîmée par le tabac et les substances – dont elle ne cache pas avoir abusé à une époque de sa vie. « J’ai trop vécu », dit-elle. Trop vécu, mais par accident. En effet, elle a connu une enfance banale au Mans, auprès d’un père ancien militaire (elle en a d’ailleurs conservé une sorte de bonne éducation, même si cela peut paraître étrange de la part de cette scandaleuse). Et elle affirme avoir adoré l’école. « J’aurais pu y rester toute ma vie ». Et si finalement, cet électron libre qui a « toujours fait ce qu’elle voulait » avait cherché un cadre toute sa vie ? Et si c’était à travers la caméra qu’elle l’avait trouvé ?

A lire aussi: Thomas Jolly, de Shakespeare aux JO. Ou la culture à l’heure de la déconstruction

La suite, nous la connaissons. Elle s’ennuie comme un rat mort, et fuit à Paris où elle devient une petite punkette qui hante les salles de concert. Elle est repérée par un photographe, et fait la couverture du magazine Photo. Tout s’enchaîne alors comme dans un conte de fées un peu trash. Le directeur de casting, Dominique Besnehard, recherche une actrice pour 37.2 le matin, un projet de film de Jean-Jacques Beineix. Il tombe tout de suite sous le charme de ce visage singulier et enfantin où l’on devine une pointe de tragique. Anecdote amusante : lors de son premier contact, quand Besnehard l’appelle pour lui donner rendez-vous, il s’entend répondre : « Vous ne m’avez pas dit bonjour, rappelez-moi et soyez poli. » Le directeur de casting comprend à ce moment que Béatrice est comme Betty, et que Betty sera jouée par Béatrice. Le film fait un carton, plus de 3 millions de spectateurs en salles. « C’est un évènement », déclare Jean Rochefort, à l’issue de la première où l’on voit Béatrice, star en devenir, pleurer comme une enfant lors de la standing ovation. « Je passe de rien, du vide sidéral, à partout où je passe, c’est l’émeute. » Elle est maintenant Betty pour l’éternité. À l’image des jeunes filles des années 50, qui paradaient en choucroute et robes vichy à la Bardot, nous, les jeunes filles des années 80, voulions toutes sa petite robe rouge, et ce fameux carré à la fois rétro et punkoïde… À l’image de Betty, Béatrice n’a peur de rien et surtout de personne. Elle envoie balader Gainsbourg quand il tente de lui faire le coup de la Lolita, et beaucoup se souviennent aussi d’une séquence culte avec PPDA. Souhaitant la mettre mal à l’aise lors du journal télévisé, ce dernier fait allusion au vol de bijoux qu’elle a commis. Mal lui en a pris : avec un calme et un aplomb hors du commun, elle évoque les lettres érotiques que celui-ci lui aurait envoyées. « Il se pissait dessus » s’amuse-t-elle. Et, à la fin de l’entretien, les techniciens du plateau l’applaudissent. Last but not least, Mitterrand la félicite! Respect.

A lire aussi: Jean-Paul Rouve: acteur raté à succès

Néanmoins, Dalle est loin d’être l’actrice d’un seul film. Beineix nous rappelle qu’elle a tourné avec tous les réalisateurs du cinéma mondial underground qui comptent. Dont des très grands : Jarmursch (Night on earth), Ferrara (The blackout) pour les Américains, et même avec le génie autrichien de la noirceur, Haneke (Le temps du loup). En 2001, elle fait de nouveau sensation dans Trouble Every day, de Claire Denis, un film sur… l’anthropophagie. « Mes rôles au cinéma, faut que ce soit des opéras sanglants !» Ce film, qui aborde un tabou ultime lui vaut définitivement sa réputation de veuve noire, voire de détraquée! Même si Claire Denis, la réalisatrice, y traite en réalité d’un amour qui est passionnel au point d’aboutir à la dévoration de l’autre… L’amour, avec le cinéma, c’est la grande affaire de notre star underground. Elle affirme être capable de tuer par amour, être à la fois fleur bleue et mante religieuse. « J’ai aimé souvent, je me suis trompée beaucoup », dit-elle, presque en paraphrasant Musset. À presque 60 ans, notre ancienne pin-up est depuis longtemps entrée en cinéma comme on entre en religion. N’a-t-elle pas d’ailleurs déjà affirmé qu’elle aurait aimé être bonne sœur ?

Béatrice Dalle, à prendre ou à laisser, un film d’Elise Baudouin sur France 5

Morlino, premier précepteur de France

0

Le critique littéraire a fiché les écrivains français du XXème siècle qu’on lira encore en 2100


Avant la déferlante numérique, les volumes du Lagarde et Michard trônaient dans toutes les chambres d’écoliers, bien disposés, bien alignés, sur une étagère parfois fragile supportant le poids de tout ce savoir livresque, coincés entre les albums de « Tintin » et la collection Folio du « petit Nicolas », c’est ainsi que la littérature se propageait au royaume de France, dans presque toutes les classes sociales et jusque dans les provinces les plus éloignées de la capitale. Désormais, Bernard Morlino, écrivain footeux et critique niçois, compagnon de route du sire Cérésa dans Service Littéraire et preux chevalier du roman-cathédrale refait le match en sélectionnant 100 écrivains français du XXème siècle, ayant publié entre le 1er janvier 1901 et le 31 décembre 2000 dans un recueil intitulé Les cent qui restent aux éditions Écriture, ce qui explique l’absence de l’immense Jules Renard.

Une liste arbitraire

Chers amis lecteurs, gardez votre calme, nous sommes déjà sur la défensive, jugeant sévèrement l’arbitraire de ce fichier national et soulignant avec gourmandise ses probables manques ou approximations. Quand il s’agit de nos auteurs fétiches, nous perdons la boule, nous déraillons, pourquoi celui-ci et pas celui-là, il est acquis que nos goûts divins en la matière priment sur les masses mal-pensantes. Rassurez-vous, nous sommes en famille, en confiance, Morlino a du palais et de l’odorat, il flaire de loin les imitateurs et dégomme les fausses gloires avec un sens du tacle souverain. Son bottin des lettres est solide, bien charpenté, girond souvent, pas du tout mondain, il donne faim et soif, il pique notre curiosité et confirme souvent nos intuitions. Cet honnête homme s’intéresse seulement aux écrivains qui ont du jarret et de la cervelle ; les chichiteux, les ultra-médiatiques, les faiseurs et les précieux n’ont pas leur place dans ce guide du savoir-écrire. « J’ai retenu les auteurs dotés d’un style particulier et d’une vision du monde. Il fallait aussi qu’ils aient apporté de la nouveauté dans le fond et non seulement dans la forme » avertit-il, dès son introduction. Choix cornélien, subjectivité suspecte, vieille coterie à la manœuvre, réseautage puéril, dès que l’on classe les plumitifs, on rejette et donc, on avance son opinion, sa ligne éditoriale, ce n’est pas un gros mot. La liberté d’opinion est ce qui reste aux critiques non affidés à une quelconque maison ou administration. Par avance, connaissant la susceptibilité de ses futurs acheteurs, Morlino prévient que certains absents n’ont pas toujours tort. « Il n’y a pas non plus (dans ce mémorandum) les écrivains que l’on dit mineurs mais qui sont formidables : Henri Calet, Emmanuel Bove, Pierre Herbart, Marc Bernard, Henry de Monfreid, André Dhôtel, Jacques Perret… », il s’en désole et on l’absout.

À lire aussi, du même auteur: Florence Arthaud, une supernana!

Ne pinaillons pas, l’essentiel y est ! Nous regrettons que nos petits chéris, Paul Guimard, Jean Freustié, Michel Mohrt, Christine de Rivoyre, René Fallet ou André Hardellet (faute presque impardonnable) soient passés à la trappe.

Sinon, on se régale, on est à la parade et on monte avec un immense plaisir dans son tortillard du XXème. D’abord, parce que Morlino sait écrire, son toucher de plume est arrivé à parfaite maturité, en deux pages, il croque, il saisit, il sale, il poivre, il donne envie de replonger, par exemple, dans l’œuvre de Valery Larbaud. « Tous ceux qui le lisent ne peuvent plus s’en passer, séduit par son art de la confidence ». On opine du chef et on en redemande. Remettez-nous-en encore un chef Morlino ! Il n’a pas oublié Cossery qu’il élève au rang de Prince Albert. « Le romancier est devenu culte dès lors qu’il renonça à écrire » souligne-t-il, avec malice. Et il dresse un portrait enchanteur d’Alphonse Boudard, le replaçant à sa juste valeur sur l’échiquier des lettres, loin des raccourcis argotiques et sabreurs, « il était un moraliste qui haïssait le narcissisme contemporain » écrit-il.

Une nouvelle bible

Les deux figures tutélaires de ma jeunesse, Albert Simonin et Alexandre Vialatte, ont belle allure sous la prose de Morlino. Mes vielles badernes de Léon-Paul Fargue, Jules Romains et Sacha Guitry font évidemment partie du voyage. Les femmes ne manquent pas à l’appel, Sagan pointe sa frimousse au volant de son Aston, Colette fait tinter ses casseroles en cuivre et Despentes brandit sa verdeur punk. Et les sommités, les commandeurs, les intouchables : Barrès, Beckett, Céline, Cioran, Drieu, Giono, Morand, Proust ou Simenon font la queuleuleu sans Bézu mais avec Henri Béraud, le flâneur salarié et sous le regard distant de Georges Perros qui préfère rouler à moto du côté de Douarnenez.

En refermant cette nouvelle bible des bibliothèques, on se dit que Morlino est le précepteur rêvé qui manque à la jeunesse de France, pour la sortir des impasses identitaires et victimaires.

Les cent qui restent de Bernard Morlino – Écriture, 420 pages

Les cent qui restent: 100 écrivains français du XXe siècle qu'on lira encore en 2100

Price: 25,00 €

10 used & new available from 11,30 €

L’Aube, déjà au firmament

En sept mois, L’Aube s’est imposée parmi les grandes tables de la capitale. Avec passion et détermination, son jeune chef, Thibault Nizard, défend la tradition gastronomique française, de la cuisine jusqu’au service en salle. Une démonstration de l’excellence qu’il a reçue en héritage.


« Tradition, tradition et uniquement la tradition. Et surtout, le savoir-faire français ! » Qui ose s’exprimer en ces termes ? Thibault Nizard, 30 ans, tatoué de la tête aux pieds. Un chef surdoué. Depuis le mois d’avril, il est aux fourneaux de L’Aube, au Palais-Royal, un restaurant qu’il a eu le courage de créer ex-nihilo. Après avoir bénéficié de la confiance des banques – ce qui n’est pas rien –, il a su s’entourer pour lancer une formidable aventure collective. Sa petite brigade se compose de compagnons de route, des jeunes, comme lui, rencontrés dans les prestigieuses maisons dans lesquelles il a officié, telles Drouant et le 110 Taillevent. « On se connaît depuis huit ans, dix ans pour certains, remarque-t-il avec une certaine émotion. Mes équipes me font confiance et m’ont fait grandir. On a grandi ensemble, ils m’ont suivi et je les ai fait évoluer au fil de mes nominations. Je leur rends cette confiance au quotidien. » Cette aventure amicale se double d’une histoire d’amour : Élinor, qui dirige la salle, n’est autre que son épouse… Ça fait quoi, d’ailleurs, de travailler en couple ? « C’est spécial… Elle travaille dans la restauration depuis aussi longtemps que moi. Avant, on se voyait cinq à six heures par semaine, maintenant c’est vingt-quatre heures sur vingt-quatre ! Et c’est formidable. C’est la personne qui me connaît le mieux, qui est en salle pour expliquer mes plats, ma vision. Elle vit le restaurant autant que moi. C’est un état de symbiose. »

© Hannah Assouline

Cet épanouissement explique sûrement l’aisance avec laquelle se déroule chaque service. Dans la salle feutrée, entièrement repensée pour devenir « simple, chic et épurée », les regards convergent vers la cuisine ouverte. Le ballet des chefs est un spectacle qui ne peut lasser les amateurs. Fluidité des mouvements, précision des gestes… les assiettes sont dressées sur un îlot central sous l’œil du chef qui ajoute la dernière touche, la pointe de sauce, l’herbe fraîche qui parachève l’équilibre de la composition. Si l’épure est toute contemporaine, les plats, eux, s’inscrivent dans la longue tradition. Thibault Nizard est de haute noblesse gastronomique : saucier de formation ! À contrecourant de la déconstruction culinaire, il sait l’importance de l’héritage – en cuisine comme ailleurs. Il voue le même profond respect aux produits :« Lorsque j’annonce une daurade, je sers une daurade, non une ballotine qui ne ressemble à rien. Le poisson a une certaine forme, une certaine élégance que l’on doit retrouver dans l’assiette. Et l’on peut dire la même chose d’une tomate ! » ; comme envers les recettes de saison : « Je suis féru de chasse et de gibiers à plumes, j’adore ça ! Je les défends à ma table avec l’Oreiller de la belle Aurore, le faisan… C’est une cuisine qui me ressemble vraiment. Et en hiver, nous faisons nos charcuteries : rillettes, saucisses, foie gras… » Et bien sûr, le lièvre à la royale ! Thibault Nizard le sert en deux services, en médaillon (chairs finement hachées autour d’un cœur de foie gras), puis à la « sénateur Couteaux » (chairs effilochées). Ce plat riche et puissant en bouche, créé pour un Louis XIV édenté mais toujours friand de gibiers, retrouve à cette table une nouvelle jeunesse sans rien perdre de ses extraordinaires saveurs, ni même sa fabuleuse sauce au sang. C’est la touche Nizard. « Nous sommes en 2023, nous nous devons d’apporter une touche de modernité et de raffinement sans décevoir nos pairs qui nous ont appris à faire de bonnes sauces et de bons fonds ! »

Les cèpes, champignons de saison ! ©Hannah Assouline

On retrouve ce respect de la tradition jusque dans le « geste de salle », Thibault et Élinor Nizard étant attachés au service sur chariot à découpe et à flambage. « Vous trouverez toujours à la carte au moins un plat découpé ou flambé devant les clients, explique-t-il. Il est important de préserver ces gestes. Ces moments d’élégance et de prestige ne durent qu’une dizaine de minutes, mais demeurent comme un rite de passage. Et après des années cela m’impressionne encore ! On ne doit pas dénoter à cette belle tradition. » Ainsi nous permettent-ils de conclure un repas en contemplant avec des yeux d’enfants ces crêpes Suzette qui semblent s’animer après avoir été roulées dans le sirop d’orange puis flambées au Grand-Marnier.

A lire aussi : Giuliano Sperandio, gardien de la table française

Crêpes Suzette flambées. © Hannah Assouline

Sans vin, il manquerait un pied à la grande table française. Cela ne risque pas d’arriver à L’Aube où le chef et son sommelier travaillent continuellement à améliorer une cave à la hauteur de la cuisine. « Nous avons actuellement 5 000 bouteilles et j’aimerais, à terme, arriver à 7 000 environ. Ma prédilection va aux vins du Rhône, mon sommelier apprécie davantage le bordelais… mais nous travaillons ensemble ! Nous accordons une grande importance aux accords mets-vins. Il a de toute façon carte blanche pour élaborer cette cave. Une cave est un travail de longue haleine. C’est aussi une histoire de rencontres, il faut aller à la rencontre des vignerons, connaître leurs vignobles. On peut ensuite raconter toute l’énergie, toute l’histoire qu’il y a dans une bouteille. Ça ne se fait pas en passant un coup de téléphone ! » Cette exigence, cet amour du métier ont d’ores et déjà été récompensés par le prix Lebey de la meilleure carte des vins de Paris 2023.

Un décor aussi feutré qu’épuré. ©Hannah Assouline

En à peine sept mois, Thibault Nizard a conquis les guides et les critiques et, le plus important, les clients aussi. Les habitués se comptent depuis l’ouverture, car il y a une promesse de L’Aube : le repas suivant sera aussi succulent que le précédent sans être identique, la carte évoluant au fil des semaines. L’élégance, la discrétion et l’attention du service, elles, ne varient pas. Le repas gastronomique français classé par l’Unesco au patrimoine culturel immatériel de l’humanité trouve ici une ambassade, d’autant que, voisin immédiat de la Comédie-Française, le restaurant a été inspiré de proposer un service « après spectacle[1] ». Dans le temps, on appelait cela un souper !

L’Aube

10, rue de Richelieu,75001 Paris
Tél. : 01 42 44 00 60 www.laube-paris.com

Menus : 49 et 95 euros (déjeuner et dîner); 150 et 190 euros (dîner).


[1]. Sur réservation.

Management antiraciste

Si le management et la gestion financière du centre de recherche antiraciste dirigé par Ibram X. Kendi laissent à désirer, c’est évidemment parce que certains « veulent détruire les organisations antiracistes »


En juillet 2020, suite à l’affaire George Floyd, l’université de Boston a décidé de créer un centre de recherche antiraciste. La direction a été confiée au professeur Ibram X. Kendi, 41 ans, anticapitaliste revendiqué, qui s’est fait connaître grâce à la publication, en 2019, du best-seller How to Be an Antiracist. Il a vendu son livre à tous les Blancs américains désireux d’exhiber leur repentance, et en a fait des versions pour parents, enfants et même bébés. Prétendant identifier les effets du racisme systémique partout dans la société, il y voit la cause unique de toute disparité économique entre groupes ethniques. Qui de mieux pour gérer un tel institut ? Très rapidement, le centre a reçu de nombreux dons de la part d’entreprises et de mécènes, tels que Jack Dorsey, le fondateur de Twitter, qui a donné 10 millions de dollars. En deux ans, Kendi a récolté 43 millions. Pourtant, certains des projets phares lancés par le centre, comme le Racial Data Tracker censé surveiller les disparités raciales à l’échelle nationale et lutter contre le racisme systémique dans les établissements scolaires, n’ont jamais vu le jour.

A lire aussi : Faqueux haineux

Or, en septembre, l’université de Boston a annoncé l’ouverture d’une enquête portant à la fois sur la gestion financière du centre et sur le style de management de Kendi. Pour faire face à des difficultés budgétaires, ce dernier venait de licencier une vingtaine de ses 45 employés. Parmi eux, la chercheuse Saida Grundy, qui a déclaré au Boston Globe qu’on lui demandait souvent de travailler à des horaires déraisonnables, à la limite de « l’exploitation ». D’autres employés ont dénoncé chez Kendi un excès d’autoritarisme et une incapacité à déléguer conduisant à la création d’une ambiance toxique. Face aux critiques, Kendi a dénoncé ceux « qui veulent détruire les organisations antiracistes ». Les vrais responsables de ce fiasco sont les facultés et les entreprises qui se sont précipitées pour afficher leur antiracisme et ont transformé en orthodoxie l’idéologie d’un seul homme.

Raymond Abellio, le Pic de La Mirandole du XXe siècle

Il estimait lui-même à vingt-cinq le nombre de ses lecteurs capables de bien le comprendre…


Qui connait encore Raymond Abellio ? Quasiment personne. Il n’est plus dans l’air du temps. Le fut-il jamais ? Il tira sa révérence en 1986, dans l’indifférence générale. Dans les medias sa mort fit l’objet d’une simple brève. C’est que, devenu Abellio à partir de son premier roman, le Toulousain Georges Soulès, né en 1907, traînait encore les séquelles d’un parcours sinueux.

Un parcours mouvementé

Issu de l’extrême-gauche, responsable, avant-guerre, dès ses années d’étudiant, de la frange extrémiste de la SFIO, ce polytechnicien avait, par la suite, évolué au point de créer, avec Marcel Déat, le Front révolutionnaire national –et de se retrouver responsable du Mouvement social Révolutionnaire soutenu par Vichy. D’où une condamnation par contumace à la Libération. Après des années d’exil en Suisse et, en dépit d’un acquittement, la suspicion tenace des bien-pensants ne cessa pas.

Avec cela, épris d’occultisme, féru d’astrologie. Passionné par la gnose. Toutes activités douteuses aux yeux des gens raisonnables. Mathématicien, philosophe fervent d’Husserl après avoir brièvement flirté avec le surréalisme d’André Breton. En vérité, plus proche de Daumal et du Grand Jeu dont il apparaît comme le continuateur. Proprement inclassable. Marginalisé, de surcroît, par l’incroyable rayonnement de Sartre dont il est en tous points antinomique.

Une œuvre diverse et unique

Son œuvre, elle aussi, a déconcerté la critique. Pour certains, le romancier pétri de dons s’est fourvoyé dans l’essai philosophique et les théories par trop abstraites et même absconses. A les en croire, il n’est pas bon, pour un romancier, d’être trop intelligent. D’autres placent au-dessus de tout le mémorialiste, témoin avisé de son époque. C’est ne pas voir que sous une apparente diversité, les écrits d’Abellio forment un tout indissociable, reposant sur un postulat qui lui est cher entre tous, celui de l’interdépendance universelle.

Comment apprécier, par exemple, le triptyque romanesque que constituent Les Yeux d’Ezéchiel sont ouverts, La Fosse de Babel et Visages immobiles, si l’on ignore La Structure absolue dont il est la mise-en-œuvre ? Comment comprendre des personnages tels que Drameille ou Dupastre, leur ambiguïté foncière, leur activisme, sans les mettre rn relation avec tel ou tel élément biographique de leur auteur révélé par ses Mémoires ?

Il y a, chez Abellio, un va-et-vient constant entre la pensée spéculative et l’œuvre romanesque, l’une étayant et éclairant l’autre. « La vie, écrit-il quelque part, procède toujours par couples d’oppositions. C’est seulement de la place du romancier, centre de la construction, que tout cesse d’être perçu contradictoirement et prend ainsi son sens. »

Cela ne va pas sans surprendre au premier abord. Comment un théoricien de l’Absolu a-t-il pu, dans le même temps où il se consacrait à l’abstraction la plus quintessenciée, élaborer une œuvre romanesque ? Mieux, accorder tant de crédit au genre du roman ?

La réponse se trouve peut-être dans son journal de l’année 1971, intitulé Dans une âme et un corps : « Pourquoi, par quelle concession à ce monde que j’ai quitté, suis-je désireux d’écrire des romans ? C’est que le style n’est déjà plus du monde. Et il y a un énorme mystère dans ce monde qu’il faut bien appeler la face divine du style car s’il n’est déjà plus du monde, il n’est pas encore tout à fait de Dieu. ».

Tel est, pour lui, l’irremplaçable rôle du discours romanesque, sorte de pont jeté, à travers le mystère du style, entre le temporel et l’universel que la pensée pressent sans parvenir à le fixer. Ses romans sont donc profondément enracinés dans l’Histoire – voire, pour le dernier, dans une Histoire anticipée que le développement actuel du terrorisme vient étrangement corroborer – mais ils n’acquièrent tout leur sens que dans une perspective plus vaste.

Non qu’une lecture au premier degré ne permette de leur découvrir des attraits qui les placent déjà à cent coudées au-dessus de la production courante, par la richesse psychologique de héros que l’on retrouve de livre en livre, par le foisonnement de l’intrigue, par cette vision prophétique des événements et de leurs connexions souterraines.

La structure absolue

On comprend par là, et Abellio s’en explique souvent, que le pivot de son œuvre sur quoi repose tout l’édifice, c’est son intuition de ce qu’il nomme la Structure absolue, titre de son essai majeur publié en 1965.

Il ne saurait être question d’en donner ici une définition. Ni même d’en tenter une approche, tant le sujet est ardu. Abellio lui-même estimait à vingt-cinq le nombre de ses lecteurs capables d’en pénétrer les arcanes… Pour s’en tenir aux approximations, disons qu’elle suppose une transfiguration de la conscience et s’apparente à la « raison agissante ou créatrice » de Maître Eckhart. Ou à la « caractéristique universelle » pressentie par Leibniz et que Georges Gusdorf appelle « conscience d’univers ».

La grande affaire de sa vie aura été, en définitive, de vérifier le fonctionnement de sa « structure » dans les domaines les plus divers : dynamique des fonctions sociales et politiques, interprétation des mythes, éthique, esthétique et jusqu’aux rapports érotiques. Les héroïnes de ses romans, qui se partagent en « femmes originelles » et « femmes ultimes », pour reprendre sa propre typologie, illustrent ce dernier point.

Un chercheur infatigable

Il va sans dire que ce qui est important pour lui – et qui le différencie radicalement de l’école structuraliste universitaire – est moins de dégager des relations que de les interpréter en les transformant en relations métaphysiques. En quelque sorte, le savant doit admettre que la connaissance se situe au-delà des mathématiques, que la science doit être « coiffée du chapeau métaphysique ». C’est dans cette perspective qu’il prône, dans La Fin de l’ésotérisme, le renouvellement des disciplines et des doctrines traditionnelles, alchimie et astrologie, assignant à l’Occident un rôle prépondérant, celui d’activer et d’intensifier la connaissance initiatique en la maîtrisant intellectuellement et en la portant ainsi à un autre niveau.

Son Introduction à une théorie des nombres bibliques, publiée en collaboration avec Charles Hirsch, dans laquelle il établit d’étonnantes relations entre le YI-King, la Kabbale hébraïque et le code génétique inscrit dans l’ADN constitue le point culminant de ses recherches.

Mathématicien et philosophe, romancier et métaphysicien, mémorialiste, poète et homme d’action, essayiste, auteur de nombreux articles, préfaces (notamment à Balzac et Dostoïevski dans le Livre de poche), conférencier, Raymond Abellio était notre Pic de Pic de la Mirandole. Je l’ai vu pour la dernière fois en été 1986, quelques semaines avant sa mort. C’était à Vence, où il se reposait après une seconde attaque cardiaque. Visages immobiles était sous presse, il en attendait la sortie imminente avec une impatience candide, tout en annotant Husserl. Je n’oublierai jamais la passion qui l’animait, en dépit du souffle court, de la lassitude physique. Ni son enthousiasme quand il évoquait ses dernières trouvailles sur l’arbre séfirotique, symbole de l’arbre de vie dans la religion juive. Il avait encore beaucoup à dire et à publier, dont le quatrième volume de ses Mémoires. Le titre en était choisi : « D’un endroit écarté ». Nous ne le lirons jamais.


Quelques titres marquants : Vers un Nouveau Prophétisme. Essai sur le rôle politique du sacré et la situation de Lucifer dans le monde moderne. (Gallimard, 1962).  NRF, 1950). Les Yeux d’Ezéchiel sont ouverts (ibid., 1950). La Fosse de Babel (Ibid., 1962) La Structure absolue (textes et témoignages inédits). (Question de n° 72, 1988). Manifeste de la nouvelle Gnose (Gallimard, NRF, 1989). La Fin de l’ésotérisme (Presses du Châtelet, 2014). Assomption de l’Europe (Flammarion, 2018).

Les contorsions d’Emmanuel Macron

Terreur d’hier et Terreur d’aujourd’hui: Chateaubriand nous parle des islamo-gauchistes et d’un air du temps, frelaté


Le « côte à côte » a vécu ; le « face à face » annoncé par Gérard Collomb se profile. La France, battant sans relâche sa coulpe pour un passé colonial révolu, a sacrifié une culture et une identité séculaires à la chimère de l’accueil inconditionnel de l’autre. Aussi, sous les coups de boutoir que lui assène une immigration arabo-musulmane incontrôlée et manipulée par les sectateurs du communautarisme et du séparatisme – islamo-gauchistes et autres Khmers verts écologistes – notre pays menace ruine.

Deux peuples ?

La manifestation organisée contre l’antisémitisme, dont le sage cortège a coulé doucement dans les rues de Paris, est l’incarnation de cette civilisation qui naufrage, dénigrée, méprisée et bafouée dans ses valeurs comme dans sa culture. En l’absence d’un président de la République qui a préféré se défiler, peut-être sur les conseils pervers du sieur Bellatar, son ancien « Monsieur banlieues », repris de justice et chantre du communautarisme, une foule, qui n’était pas celle des grands jours, a défilé, digne et disciplinée pour dénoncer la recrudescence des actes antisémites sur notre sol. Le cortège qui rassemblait des participants plus très jeunes, trop blancs, et trop silencieux a suivi respectueusement ceux qui incarnent quarante ans d’une politique migratoire désastreuse. Ce jour-là, certes, il pleuvait, mais on aurait facilement pu prendre un café en terrasse sans craindre quelque déchaînement de violence ; le mobilier urbain n’a pas été ravagé, les devantures des commerces non plus. Personne n’a « détesté la police ». Il faut dire que l’extrême gauche judéophobe n’était pas là pour orchestrer le chaos qu’elle affectionne.

A lire aussi: Éric Zemmour face à la « rue arabe »

Au sommet de l’État, alors que l’antisémitisme et la violence prospèrent, qu’on attaque, insulte ou profane allègrement, c’est la lâcheté qui prévaut. Notre Défaillant de la République, boussole démagnétisée, Prince de la palinodie, multiplie les dérobades, les subtilités langagières grossières et autres contorsions verbales hasardeuses pour ne pas désigner de coupables. Il redoute de dresser l’un contre l’autre deux camps d’un même pays qui lui semblent irréconciliables : celui des islamo-gauchistes, qu’il ménage, et l’autre, qui réunit ceux qui sont attachés à leur histoire comme à leurs racines. Au gouvernement et chez les bien-pensants, quand il s’agit de nommer les antisémites d’aujourd’hui, on fouille dans les poubelles de l’histoire, par idéologie ou par couardise, et on exhume les responsables du vieil antisémitisme pour leur imputer le nouveau. Pendant ce temps, ceux qui « disent ce qu’ils voient et voient ce qu’ils voient » sont désignés à la vindicte générale comme les thuriféraires de l’extrême droite. Du côté des tenants du multiculturalisme, pour accompagner le délitement général on s’empresse de balancer un peu de solvant sur ce qu’il reste de nos traditions. Ainsi, la ville de Nantes vient d’apporter sa pelletée de compost pour contribuer généreusement à la putréfaction générale. Nous découvrons, atterrés, la décoration de Noël inclusive qui célèbre « le voyage en hiver » autour de « petite maman Noël » en jogging : « Parce qu’au XXIème siècle, l’esprit de Noël est multiculturel. Il n’est plus unique mais laisse la place à toutes les confessions. Parce que ces moments féériques devraient rassembler tout le monde sous le même drapeau de la créativité. » Pour sûr : « La terre a des limites, mais la bêtise humaine est infinie. »

Le monde change de peau, sera-t-il laid ou bien beau

Les situations historique et politique actuelles sont inédites, certes, toutefois l’atmosphère de faillite générale d’avant la Terreur restituée par Chateaubriand, encore dans ses Mémoires d’outre-tombe, ressemble étrangement à l’air – frelaté – de notre temps, celui d’un monde sur le point de changer de peau : « (…) le vieux monde s’effaçait (…) Les licences sociales manifestées au rajeunissement de la France, les libertés de 1789, ces libertés fantasques et déréglées d’un ordre des choses qui se détruit et n’est pas encore l’anarchie, se nivelaient sous le sceptre populaire : on sentait l’approche d’une jeune tyrannie plébéienne (…) »Le mémorialiste croque également les agitateurs préparant la Terreur, croisés au club des Cordeliers : « Les orateurs, unis pour détruire, ne s’entendaient ni sur les chefs à choisir, ni sur les moyens à employer, ils se traitaient de gueux, de gitons, de filous, de voleurs, de massacreurs, à la cacophonie des sifflets et des hurlements de leurs différents groupes de diables. (…) Détruire et produire, mort et génération, on ne démêlait que cela à travers l’argot sauvage dont les oreilles étaient assourdies (…) » « Les plus difformes de la bande obtenaient de préférence la parole. Les infirmités de l’âme et du corps ont joué un rôle dans nos troubles : l’amour propre en souffrance a fait de grands révolutionnaires. » À se demander si l’écrivain ne s’est pas rendu récemment dans l’enceinte du Palais Bourbon où sévit la joyeuse bande des Insoumis.

Il semblerait enfin que Chateaubriand ait aussi croisé Mélenchon, fomentateur de notre Terreur imminente : « Danton n’avait pas la conviction des principes qu’il soutenait ; il ne s’était affublé du manteau révolutionnaire que pour arriver à la fortune. « Venez brailler avec nous », conseillait-il à un jeune homme ; « quand vous vous serez enrichi, vous ferez ce que vous voudrez. » Il confessa que s’il ne s’était pas livré à la cour, c’est qu’elle n’avait pas voulu le payer assez cher : effronterie d’une intelligence qui se connaît et d’une corruption qui s’avoue à gueule bée. » De la Terreur d’hier à celle d’aujourd’hui, il n’y a qu’un pas.

Être juif au temps de Tsahal

Pendant des siècles, après un pogrom, les Juifs n’avaient que leurs yeux pour pleurer. Le sionisme a changé le cours de leur histoire en les dotant d’un bien précieux, salutaire, réjouissant: TSAHAL.


Un dimanche, dans l’émission « C politique », je tombe sur Rachid Benzine et Delphine Horvilleur. Le couple semble battre de l’aile. J’ai l’impression que c’est la dernière représentation de leur tournée œcuménique. Entre la juive et le musulman, tout allait pour le mieux tant qu’on n’abordait pas les questions qui fâchent, tant qu’on les diluait dans des parachas coraniques ou dans des salamalecs talmudiques. Mais là, les questions qui fâchent sont devenues incontournables. Ils ne s’entendent plus qu’en dénonçant ceux qui évoquent le choc des civilisations, aveugles à ce qui advient. On est sur la Cinq, avec Karim Rissouli, on ne s’accorde plus que sur le dos de Zemmour. Rachid est contrarié qu’on le somme de dénoncer le terrorisme, de se désolidariser. C’est parce que je suis musulman, mais cela va sans dire, insiste-t-il. Cela va pourtant mieux en le disant, à l’heure où le silence des Imams est assourdissant, à l’heure où nos musulmans médiatisés condamnent, certes, mais sans pouvoir s’empêcher de nous refourguer la Nakba, et la prison à ciel ouvert, sans pouvoir attendre une petite semaine de décence pour placer leur « oui, mais ». Delphine, elle, est déçue par les réactions ou par l’absence de réactions dans son entourage et au-delà.

Paratonnerre de la haine mondiale

Moi aussi, je suis déçu. Et ce n’est pas la première fois. Je crois que ça a commencé après l’assassinat du père Hamel. Un couple d’amis très proche et très catho était sidéré, perdu, dans une totale incompréhension, comme si Jésus était revenu transsexuel ou loubavitch. Un prêtre égorgé dans son église ? Comment ? Pourquoi ? Les mêmes n’avaient pas été aussi déboussolés quand Mohammed Merah était entré dans une école pour abattre des enfants juifs. Aujourd’hui, ça recommence. La même sidération, la même incompréhension, les mêmes larmes chez les laïcs. Un prof poignardé dans son collège, sans même qu’il ait osé parler du Prophète. Comment ? Pourquoi ? À chaque fois, j’ai le sentiment qu’on me fait, le plus sérieusement du monde et sans malice, la blague des Juifs et des coiffeurs. Aujourd’hui, on tue les Juifs et les coiffeurs. Pourquoi les coiffeurs ? Pourquoi un prêtre ? Pourquoi un prof ? Et c’est moi qui fais la chute : et pourquoi les Juifs ?

A lire aussi : De Faurisson à Mélenchon, la vérité si je mens!

Le lendemain du 7 octobre, un compagnon de travail me dit : ça devait arriver. Ce qu’on ne dit plus d’une femme court vêtue qui a été violée, on le dit d’Israéliens qui ont été brûlés vifs avec leurs enfants. On condamne, on réprouve mais on n’est pas surpris, on ne se pose pas la question parce que la réponse est là, planquée dans l’inconscient collectif : parce que ce n’est pas surprenant, parce que c’est toute leur Histoire.

Je pense à l’Histoire des Juifs, aux siècles de persécution, de vols, de viols, de meurtres, de supplices. Je pense aux pères de nos pères, ou plutôt aux mères de nos mères, parce que c’est par là que ça se refile, que ça se transmet. Comment ont-ils tenu sans autre aide que celle de leur foi en un Tout-Puissant si peu protecteur ? Comment le peuple ne s’est-il pas dissous, la tribu éparpillée, la filiation brisée ? Comment les hommes et les femmes, les uns après les autres n’ont-ils pas dit un jour « je quitte, oubliez-moi, rayez-moi du Livre, je démissionne, je ne veux pas que ma fille soit violée et mon fils égorgé, je veux devenir normal, je veux qu’on m’appelle Dupont ou Abd-el-Kader, je dirai ce qu’on voudra, Ave Maria, Allah Akbar, n’importe quoi pourvu qu’on me fiche la paix. La paix. L’an prochain à Jérusalem, ce sera sans moi, le paratonnerre de la haine mondiale, merci bien, basta. »

Le temps du dôme de fer et du char Merkava

Moi, je sais ce qui me fait tenir. Quand l’horreur me prive de sommeil, je m’accroche à un mot, un mot qui a changé le cours de l’Histoire des Juifs, le mot TSAHAL. Georges Perec a écrit : « L’Histoire s’est abattue sur ma famille avec une grande hache. » Aujourd’hui, la hache est entre nos mains, elle est le H au cœur du mot TSAHAL, debout sur ses deux jambes, fort et solide. La force juive a un nom et quelques centaines de milliers de visages, réguliers et réservistes. Je la vois dans les chars postés à la frontière. Je l’ai entendue un matin à Masada, elle m’a survolé en un éclair, elle avait un son supersonique, et une étoile de David sur les ailes. Je n’ai jamais autant vibré de toute ma vie. Je la vois aussi dans les yeux d’Olivier Rafowicz, le porte-parole de TSAHAL, et dans son sourire. Je l’entends dans sa voix, dans son français à l’accent ébréché par l’hébreu. Aujourd’hui, toutes nos héroïnes juives, tous nos héros juifs tiennent en un mot de six lettres. C’est TSAHAL qui tient en respect Mardochée et dissuade Assuérus de mettre en œuvre son projet funeste, TSAHAL qui occit Holopherne et qui colle la frousse à ses troupes, TSAHAL qui fait trembler les murs chez les Philistins, TSAHAL qui changera l’eau des fleuves en sang si un pharaon ou un leader de l’Oummanous menace d’extermination. TSAHAL qui fait souffler un vent de panique chez ces rats du djihad qui ne savent plus quoi inventer pour échapper à la punition, terrés dans leurs trous, avant la tempête. Mais la punition tombera, Olivier l’a annoncé avec une colère contenue, avec une détermination qui ne laisse aucune place au doute. Et cette assurance me réchauffe le cœur.

A lire aussi : Le Hamas, ou le retour de l’archaïque à l’âge du digital

Le jour, je marche dans les rues coiffé d’un bonnet rapporté d’Israël, vert kaki avec, gravé en lettres d’or« Israël Army », en hébreu TSAHAL. En dix jours, 200 actes antisémites. On a longtemps craint les amalgames et les représailles sur des Français musulmans innocents, mais la vitrine de l’épicier est intacte et, au lieu de représailles, on a la contagion. Le Hamas déteint sur certains de nos Arabes, de nos islamistes d’atmosphère, de nos musulmans impatients. Où ça des antisémites en action ? Je les cherche du regard, le mot TSAHAL écrit sur mon front. J’attends une remarque, une insulte, un geste pour contrebalancer par un acte anti-antisémite, en jouant des poings, même si je ne fais pas le poids.

La nuit, je pleure sur les enfants des kibboutz, les femmes violées et meurtries, les otages dans le noir, avec les rats. Mais pas seulement. Je pleure aussi du bonheur d’être Juif au temps du dôme de fer et du char Merkava. Le bonheur d’être Juif, pas par la Torah, mais par les avions de chasse et par leurs bombes planantes. Le bonheur d’être Juif au temps de TSAHAL.

L'arnaque antiraciste expliquée à ma soeur

Price: 12,00 €

30 used & new available from 2,21 €

CRS, SS! Étudiants, diants diants!

0
Blocage devant le site de Science Po, Menton (06), 16 novembre 2023. Image : Twitter.

Menton : des étudiants de Sciences Po ont formé un blocus la semaine dernière, contre la « censure » de leurs positions pro-Palestine. S’ils ont bien le droit d’être émus comme tout le monde par le sort peu enviable des Palestiniens, les étudiants ont en revanche mal appris deux leçons: celle sur la colonisation, et celle sur l’interdiction de l’apologie du terrorisme. Liliane Messika raconte.


Il fut un temps où le monde était binaire : il y avait le jour et la nuit, les hommes et les femmes, les professeurs et les élèves, les innocents et les coupables : le jour, le soleil éclairait l’activité humaine, la nuit, la lune baignait les dormeurs de sa veilleuse ; les hommes plantaient la petite graine et les femmes la transformaient en bébés ; les professeurs enseignaient et les élèves apprenaient ; les innocents étaient protégés et les coupables punis. Mais ça, c’était avant le progrès.

À l’ère woke, les progressistes cassent la nuit ce que les contribuables fabriquent le jour, les hommes prétendent faire pousser les bébés dans un organe qu’ils n’ont pas, les femmes peuvent exiger que l’on rende la langue incompréhensible pour ajouter une quéquette alphabétique aux adjectifs qui les décrivent, les étudiants enseignent aux professeurs leurs délires quotidiens, que ceux-ci récitent les mains jointes et les yeux baissés et les coupables de pogromes sont qualifiés de résistants, pendant que leurs victimes sont soupçonnées de fake news.

Le niveau des études baisse, mais l’éveil des étudiants s’élève proportionnellement

Plus le classement PISA de la France s’effondre, plus la conscience révolutionnaire atteint des hauteurs stratosphériques parmi les étudiants. Et plus l’école ou l’université est prestigieuse, plus la distance avec le réel s’accroît.

C’est ainsi que Sciences-Po Lyon n’autorise les « débats » qu’entre débatteurs du même avis, c’est-à-dire le leur. Sciences-Po Paris supprime les cours de danse de salon au motif que le professeur indique les pas de danse aux « hommes » et aux « femmes », qui sont des notions obsolètes. Science-Po Menton met des piquets de grève devant sa fac pour lutter contre « la censure de la Direction sur la Palestine » au nom de la « liberté d’expression ». Soyons précis, plus précis que la Direction de l’école et que les syndicalistes pro-palestiniens : il s’agit, pour ces incultes, de défendre « les victimes » du « colonisateur[1]», alias Israël qui, à la méconnaissance de ces étudiants, est le seul « colonisateur » de la planète. 

Du côté de la réalité

Ladite colonisation n’a jamais répondu à la définition d’une colonie, qui est la mainmise d’un État par un autre État ultramarin plus puissant, qui exploite la population et les matières premières du plus faible.

A lire aussi, du même auteur: «Les musulmans» n’étaient pas à la manif. Zohra Bitan, si

Bien sûr, utiliser les mots en fonction de leur sens est un conformisme qui sent son privilège blanc à plein nez. Les étudiants dûment woke n’ont pas ce travers. Eux attribuent aux mots leurs propres qualités. Il existe donc des mots non binaires et d’autres qui ont transitionné de leur définition originelle à un sens contraire, ou flou, voire à aucun sens, mais qui sont quand même utilisés pour leur sonorité agréable.

Seuls, les intégristes qui attribuent aux mots le sens que leur donne l’Académie française, peuvent comprendre pourquoi « Juifs » (synonyme : « israélites ») et « colonisateurs d’Israël » sont incompatibles. Pour commencer, les Juifs n’ont jamais possédé d’autre État que les royaumes juifs d’Israël, aussi prétendre que cet État a lancé depuis l’outre-mer une opération de « colonisation » sur un autre pays, plus faible, est absurde, faute de colonisateur. Que cet État plus puissant, dont la seule matière première est la matière grise de ses citoyens, ait exploité les « ressources en matières premières » du second est une hypothèse que les étudiants seraient bien en peine de démontrer. D’autre part, en 1967, Israël avait pris Gaza à l’Égypte, qui a refusé de récupérer ce territoire lors de la signature du traité de paix entre les deux ex-adversaires, en 1979. De plus et c’est fondamental, il n’a jamais existé, sur la planète Terre, un État palestinien qui eût pu prétendre être colonisé. D’où la chute du deuxième terme de l’équation, faute de combattus.

Enfin, et c’eût été de nature à justifier un non-lieu, cette « colonisation » s’est terminée quand les Israéliens se sont retirés sans contrepartie de Gaza en juillet 2005, avant la naissance des ignorants mentonnais qui se haussent du col. L’embargo militaire, lui, existe depuis 2007, quand le Hamas a renversé l’Autorité palestinienne, tuant des centaines de Palestiniens membres du Fatah-frère-ennemi et transformant la Bande en base militaire.

Croire ou savoir, il faut choisir

Pourquoi la Direction de Science-Po Menton a-t-elle dû préciser que « aucun slogan antisémite ne sera toléré ». Assimile-t-elle l’antisionisme à l’antisémitisme ? De fait, l’antisémitisme a fait 6 millions de morts en 1939-45 et le programme de l’antisionisme est d’en faire 7 millions de plus « du fleuve à la mer », c’est-à-dire en éradiquant l’État juif qui s’y trouve.

A lire aussi, Jean-Paul Brighelli: La fabrique des terroristes: l’école telle que certains la veulent

Le programme des grévistes, pour l’instant, se réduit à« Nous devons continuer à boycotter, à démunir et à sanctionner Israël ». Leur spécialité étant les sciences politiques, ils déploient le sens des nuances que demandent ces études pour expliquer leur action : « l’attaque récente est une conséquence directe de la violence qu’Israël inflige quotidiennement aux Palestinien·nes en Cisjordanie et à GazaLes peuples opprimés recherchent toujours la liberté et lorsque tout le reste échoue, ils se tournent vers la violence. Nous devons soutenir la Palestine.[2] »

La Direction de l’établissement possédant, apparemment, le cerveau qui fait défaut à ses élèves, comprend bien qu’un tel programme est justifié concernant l’agresseur, mais qu’il cumule bêtise et méchanceté s’il vise l’agressé. Les étudiants qui ont inversé les rôles ont le choix entre le déshonneur d’avouer qu’ils l’ont fait exprès et la guerre contre les profs pour avoir la moyenne. Ils auront les deux. On remarque au passage qu’ils ne sont pas meilleurs en maths, puisque les factions pro-palestiniennes accusent sempiternellement Israël de génocide, confondant la division et la multiplication : la population « palestinienne » a été multipliée par près de dix depuis 1948, pas divisée par un génocide ! Mais qu’importe le réel, quand on a l’ivresse de l’antisémitisme multipliée par le fla-con de l’ignorance !


[1] www.lefigaro.fr/nice/des-etudiants-de-sciences-po-menton-organisent-un-blocage-contre-la-censure-de-la-direction-sur-la-palestine-20231116

[2] https://france3-regions.francetvinfo.fr/provence-alpes-cote-d-azur/alpes-maritimes/menton/guerre-entre-le-hamas-et-israel-le-campus-de-sciences-po-menton-ebranle-par-les-publications-d-une-organisation-pro-palestinienne-2853872.html

Message à nos lecteurs, abonnés, soutiens, ambassadeurs…

0
Elisabeth Lévy © Pierre Olivier

Causeur a besoin de votre soutien !


Nous n’en démordons pas. Comme vous et comme le recommandait Péguy, nous voyons ce que nous voyons. Et nous le disons. Depuis un mois, chaque jour apporte son lot de preuves sordides à l’appui du diagnostic que nous formulons à Causeur depuis plus de 16 ans : de Gaza à nos banlieues, du Hamas à Arras, une alliance d’idéologies néfastes, issues de Lumières devenues folles et d’un islamisme arrogant, conquérant et sans scrupules, sont en guerre contre notre conception de l’humanité, contre nos mœurs et surtout, contre nos libertés.

Nous n’avons cessé de dénoncer la mauvaise foi avec laquelle cette alliance exploite notre générosité et notre universalisme, en nous culpabilisant sans fin pour notre passé. Nous avons critiqué l’islamisme et l’Islam sans jamais mettre en cause des musulmans parce qu’ils sont musulmans, et nous avons pourtant été traités d’islamophobes. Nous avons dénoncé cette nouvelle morale perverse qui divise le monde en victimes et bourreaux selon la couleur de la peau et la religion et nous avons été traités de racistes.

Cet adversaire redoutable bénéficie de surcroît d’un allié de taille : le déni qui, depuis des années, conduit une grande partie des élites dirigeantes à cacher sous le tapis les réalités pénibles. Trempé dans la lâcheté, ce réflexe d’autruche a transformé des problèmes douloureux en désastre peut-être irrémédiable. C’est aussi ce grand mensonge qu’il faut combattre.

Plus que jamais nous avons besoin de vous, vous nos lecteurs, nos abonnés, nos soutiens, nos ambassadeurs auprès de vos proches et amis. Le combat intellectuel et culturel qui nous requiert est sans fin car à chaque fois qu’un coin du voile est levé, les bonimenteurs du bien s’emploient à le rabattre sur le réel, de sorte que chaque vérité, même la plus évidente, doit être défendue, expliquée, ressassée pied à pied. Pour défaire les adversaires de la Raison et défendre, contre les lyncheurs, la discorde civilisée, nous avons besoin de vous.

Elisabeth Lévy

Directrice de la rédaction 


Pour rappel, votre don est déductible de votre impôt sur le revenu à la hauteur de 66% si vous êtes un particulier et 60% si vous êtes une entreprise. L’association « J’aime l’info » vous adressera une attestation de dons pour votre déclaration d’impôt en avril 2024.

Le labyrinthe de Marc Obregon

0
Les Editions du Verbe Haut

C’est au début du mois de septembre 2023 que j’ai fait la rencontre de Marc Obregon. C’était au stand des Éditions du Verbe Haut, mon éditeur et le sien, à l’occasion des Journées Chouannes où nous étions tous pour y présenter nos livres et nos travaux.

Points communs

Au cours de la journée, nous discutons littérature et très vite nous nous découvrons une passion commune pour Philip K. Dick et Maurice G. Dantec, deux écrivains à la fois majeurs par l’importance qu’ils ont eue dans l’édition et plutôt confidentiels par le nombre de lecteurs ayant réellement compris le sens de leurs œuvres. Plus généralement, ce que nous aimons en commun dans cette littérature, c’est cette sorte d’étonnant mélange entre l’évocation résignée du techno-futurisme tel qu’il se rend inévitable et l’inquiétude que manifestent ses écrivains à propos des excès eux-mêmes inévitables que cette « scientification » du monde entraînera dans son sillage. Quelques minutes d’échanges sur ce thème m’ont convaincu de lire l’Orbe, le roman de Marc Obregon.

A lire aussi, Thomas Morales: Tiens, voilà du Boudard!

L’auteur, qui m’avait indiqué que le lecteur de Dick et Dantec que je suis se trouverait en terrain connu (et reconnu) dans l’Orbe ne m’avait pas menti : dès les premiers pages, mon esprit a été assailli des plaisirs et des intrigantes curiosités qui s’imposent à nous lorsque l’on ouvre un livre de ces deux auteurs. L’ambiance, à la fois post-apocalyptique (la pandémie hante le décor et nous renvoie à des souvenirs réellement expérimentés en 2020) et pré-apocalyptique (dans le livre, le virus n’a pas encore décimé le monde mais le monde, craignant qu’il le fasse, se prépare à l’empêcher sans savoir encore s’il y parviendra) joue avec nos souvenirs : en brodant son histoire imaginaire sur le tissu d’un événement authentique qu’il ne cite pourtant jamais nommément, le lecteur, à cause de l’habilité de l’écrivain à confondre le réel et la fiction, n’est jamais certain de lire ce qu’il pense être en train de lire ; emporté dans une confusion diaboliquement entretenue par Obregon, il s’imagine qu’on lui parle de Wuhan avant qu’un indice ne le détourne de cette pensée puis qu’un autre l’y ramène. Et ce jeu du chat et de la souris entre réalité et fiction, ces jonctions répétées entre faits réels, faits inspirés de la réalité, faits inventés et faits imaginés car plausibles, dure du début à la fin. Ce régime spécial interdit au lecteur de se plonger dans l’Orbe avec trop de légèreté : ici, chaque paragraphe est indispensable à la compréhension de cette ingénierie littéraire tortueuse en apparence et chirurgicale en réalité.  

Aussi fascinant et que déroutant

Obregon fait preuve d’une science du récit qui emmène le lecteur au cœur de l’intrigue sans avoir l’air d’y toucher, pour qu’au détour d’une page ou d’un paragraphe ce lecteur se découvre, lui-même surpris, au cœur d’un réseau narratif dans lequel il a été plongé depuis la première page sans même s’en rendre compte. Écriture en quelque sorte tentaculaire, qui vous appâte, vous séduit, vous hypnotise pour mieux vous déposer dans l’œil d’un cyclone d’où non seulement vous ne voulez plus sortir mais d’où, surtout, vous ne le pouvez plus. Je ne suis pourtant pas un débutant, j’ai beaucoup lu, notamment Dick justement, un maître du genre : pour autant cette expérience qui aurait dû me préparer à détecter la toile que Marc Obregon tissait autour de moi page après page ne m’a été d’aucune aide ; quelque part entre les pages 10 et 15, déjà, j’ai compris que l’on m’avait gentiment conduit dans le cœur d’un labyrinthe aussi fascinant que déroutant. Dès lors, plus aucun doute n’est permis : Obregon est un talent en fusion. Il n’imite pas Philip K. Dick ou Dantec : il les continue.

A lire aussi, Jérôme Leroy: ChatGPT: Philip K. Dick, Gunthers Anders et Baudrillard ne sont pas contents

Comme souvent avec les ouvrages de cette envergure, il est difficile de savoir s’ils annoncent le futur ou s’ils décrivent le présent. L’omniprésence des technologies articulées par l’intelligence artificielle, le contrôle et la vérification de nos moindres faits et gestes par les oligarchies policières, l’examen par des bots de nos pensées intimes, l’aiguillage inconscient de nos volontés par des firmes privées assez puissantes pour supplanter les États et même pour se substituer à notre propre conscience et ainsi décider pour nous avant nous, tout ceci existe déjà sous des formes plus ou moins expérimentales et affreusement prometteuses. Combien de romans de science-fiction sont devenus des prophéties ? Dans Cosmos Inc., Maurice G. Dantec décrit une ville entièrement sectorisée où l’on ne peut circuler qu’à la condition de pouvoir présenter tel ou tel passe, lesquels ne sont délivrés qu’en fonction d’un certain nombre de critères qui annonçaient le futur « passe sanitaire » et, qui sait ? le futur « passe civique » dont nous ne tarderons pas à entendre parler…

Je n’appelle pas l’Orbe un roman de science-fiction mais plutôt d’anticipation, doté en plus de cette vertu de tempérance qui interdit de faire ces descriptions trop hyperboliques, trop « exagérées » qui font dire aux profanes que c’est un genre littéraire illuminé pour chasseurs d’OVNI ou de complots : au contraire, tout dans l’Orbe, même le pire, est pesé, mesuré, dosé pour que le lecteur prenne conscience qu’un tel avenir non seulement est plausible mais qu’il a même déjà commencé ; nous sommes déjà demain, depuis ce matin — c’est dans notre sommeil qu’il a déployé ses tentacules.

Obregon n’oublie pas l’amour, ce sentiment puissant qui, même sous les décombres, continue de vivre, de battre, de bouillonner, ce qu’aucune intelligence artificielle ne comprendra même si elle parvenait à prendre sur nous un contrôle qui par conséquent ne serait jamais qu’imparfait. C’est peut-être notre ultime espoir.

« Betty » pour l’éternité

0
Béatrice Dalle sur TF1, 1992 © SIPA

L’actrice sulfureuse Béatrice Dalle revient sur sa vie dans un documentaire diffusé par France 5


« Je n’ai jamais fait une seule chose dans ma vie dont j’ai honte ! », affirme l’actrice Béatrice Dalle, dans le documentaire intitulé À prendre ou à laisser, que lui consacre France 5. Il est disponible en replay jusqu’au 9 mai. Le dispositif est le suivant : Béatrice Dalle nous raconte son histoire, en voix off, pendant que défilent les images d’archives. Cela fonctionne très bien, comme une sorte de mise en abîme, comme si la star redécouvrait des pans entiers de sa vie avec nous, et nous les distillait. Elle les raconte avec sa voix gouailleuse, un peu abîmée par le tabac et les substances – dont elle ne cache pas avoir abusé à une époque de sa vie. « J’ai trop vécu », dit-elle. Trop vécu, mais par accident. En effet, elle a connu une enfance banale au Mans, auprès d’un père ancien militaire (elle en a d’ailleurs conservé une sorte de bonne éducation, même si cela peut paraître étrange de la part de cette scandaleuse). Et elle affirme avoir adoré l’école. « J’aurais pu y rester toute ma vie ». Et si finalement, cet électron libre qui a « toujours fait ce qu’elle voulait » avait cherché un cadre toute sa vie ? Et si c’était à travers la caméra qu’elle l’avait trouvé ?

A lire aussi: Thomas Jolly, de Shakespeare aux JO. Ou la culture à l’heure de la déconstruction

La suite, nous la connaissons. Elle s’ennuie comme un rat mort, et fuit à Paris où elle devient une petite punkette qui hante les salles de concert. Elle est repérée par un photographe, et fait la couverture du magazine Photo. Tout s’enchaîne alors comme dans un conte de fées un peu trash. Le directeur de casting, Dominique Besnehard, recherche une actrice pour 37.2 le matin, un projet de film de Jean-Jacques Beineix. Il tombe tout de suite sous le charme de ce visage singulier et enfantin où l’on devine une pointe de tragique. Anecdote amusante : lors de son premier contact, quand Besnehard l’appelle pour lui donner rendez-vous, il s’entend répondre : « Vous ne m’avez pas dit bonjour, rappelez-moi et soyez poli. » Le directeur de casting comprend à ce moment que Béatrice est comme Betty, et que Betty sera jouée par Béatrice. Le film fait un carton, plus de 3 millions de spectateurs en salles. « C’est un évènement », déclare Jean Rochefort, à l’issue de la première où l’on voit Béatrice, star en devenir, pleurer comme une enfant lors de la standing ovation. « Je passe de rien, du vide sidéral, à partout où je passe, c’est l’émeute. » Elle est maintenant Betty pour l’éternité. À l’image des jeunes filles des années 50, qui paradaient en choucroute et robes vichy à la Bardot, nous, les jeunes filles des années 80, voulions toutes sa petite robe rouge, et ce fameux carré à la fois rétro et punkoïde… À l’image de Betty, Béatrice n’a peur de rien et surtout de personne. Elle envoie balader Gainsbourg quand il tente de lui faire le coup de la Lolita, et beaucoup se souviennent aussi d’une séquence culte avec PPDA. Souhaitant la mettre mal à l’aise lors du journal télévisé, ce dernier fait allusion au vol de bijoux qu’elle a commis. Mal lui en a pris : avec un calme et un aplomb hors du commun, elle évoque les lettres érotiques que celui-ci lui aurait envoyées. « Il se pissait dessus » s’amuse-t-elle. Et, à la fin de l’entretien, les techniciens du plateau l’applaudissent. Last but not least, Mitterrand la félicite! Respect.

A lire aussi: Jean-Paul Rouve: acteur raté à succès

Néanmoins, Dalle est loin d’être l’actrice d’un seul film. Beineix nous rappelle qu’elle a tourné avec tous les réalisateurs du cinéma mondial underground qui comptent. Dont des très grands : Jarmursch (Night on earth), Ferrara (The blackout) pour les Américains, et même avec le génie autrichien de la noirceur, Haneke (Le temps du loup). En 2001, elle fait de nouveau sensation dans Trouble Every day, de Claire Denis, un film sur… l’anthropophagie. « Mes rôles au cinéma, faut que ce soit des opéras sanglants !» Ce film, qui aborde un tabou ultime lui vaut définitivement sa réputation de veuve noire, voire de détraquée! Même si Claire Denis, la réalisatrice, y traite en réalité d’un amour qui est passionnel au point d’aboutir à la dévoration de l’autre… L’amour, avec le cinéma, c’est la grande affaire de notre star underground. Elle affirme être capable de tuer par amour, être à la fois fleur bleue et mante religieuse. « J’ai aimé souvent, je me suis trompée beaucoup », dit-elle, presque en paraphrasant Musset. À presque 60 ans, notre ancienne pin-up est depuis longtemps entrée en cinéma comme on entre en religion. N’a-t-elle pas d’ailleurs déjà affirmé qu’elle aurait aimé être bonne sœur ?

Béatrice Dalle, à prendre ou à laisser, un film d’Elise Baudouin sur France 5

Morlino, premier précepteur de France

0
L'écrivain et journaliste Bernard Morlino. DR.

Le critique littéraire a fiché les écrivains français du XXème siècle qu’on lira encore en 2100


Avant la déferlante numérique, les volumes du Lagarde et Michard trônaient dans toutes les chambres d’écoliers, bien disposés, bien alignés, sur une étagère parfois fragile supportant le poids de tout ce savoir livresque, coincés entre les albums de « Tintin » et la collection Folio du « petit Nicolas », c’est ainsi que la littérature se propageait au royaume de France, dans presque toutes les classes sociales et jusque dans les provinces les plus éloignées de la capitale. Désormais, Bernard Morlino, écrivain footeux et critique niçois, compagnon de route du sire Cérésa dans Service Littéraire et preux chevalier du roman-cathédrale refait le match en sélectionnant 100 écrivains français du XXème siècle, ayant publié entre le 1er janvier 1901 et le 31 décembre 2000 dans un recueil intitulé Les cent qui restent aux éditions Écriture, ce qui explique l’absence de l’immense Jules Renard.

Une liste arbitraire

Chers amis lecteurs, gardez votre calme, nous sommes déjà sur la défensive, jugeant sévèrement l’arbitraire de ce fichier national et soulignant avec gourmandise ses probables manques ou approximations. Quand il s’agit de nos auteurs fétiches, nous perdons la boule, nous déraillons, pourquoi celui-ci et pas celui-là, il est acquis que nos goûts divins en la matière priment sur les masses mal-pensantes. Rassurez-vous, nous sommes en famille, en confiance, Morlino a du palais et de l’odorat, il flaire de loin les imitateurs et dégomme les fausses gloires avec un sens du tacle souverain. Son bottin des lettres est solide, bien charpenté, girond souvent, pas du tout mondain, il donne faim et soif, il pique notre curiosité et confirme souvent nos intuitions. Cet honnête homme s’intéresse seulement aux écrivains qui ont du jarret et de la cervelle ; les chichiteux, les ultra-médiatiques, les faiseurs et les précieux n’ont pas leur place dans ce guide du savoir-écrire. « J’ai retenu les auteurs dotés d’un style particulier et d’une vision du monde. Il fallait aussi qu’ils aient apporté de la nouveauté dans le fond et non seulement dans la forme » avertit-il, dès son introduction. Choix cornélien, subjectivité suspecte, vieille coterie à la manœuvre, réseautage puéril, dès que l’on classe les plumitifs, on rejette et donc, on avance son opinion, sa ligne éditoriale, ce n’est pas un gros mot. La liberté d’opinion est ce qui reste aux critiques non affidés à une quelconque maison ou administration. Par avance, connaissant la susceptibilité de ses futurs acheteurs, Morlino prévient que certains absents n’ont pas toujours tort. « Il n’y a pas non plus (dans ce mémorandum) les écrivains que l’on dit mineurs mais qui sont formidables : Henri Calet, Emmanuel Bove, Pierre Herbart, Marc Bernard, Henry de Monfreid, André Dhôtel, Jacques Perret… », il s’en désole et on l’absout.

À lire aussi, du même auteur: Florence Arthaud, une supernana!

Ne pinaillons pas, l’essentiel y est ! Nous regrettons que nos petits chéris, Paul Guimard, Jean Freustié, Michel Mohrt, Christine de Rivoyre, René Fallet ou André Hardellet (faute presque impardonnable) soient passés à la trappe.

Sinon, on se régale, on est à la parade et on monte avec un immense plaisir dans son tortillard du XXème. D’abord, parce que Morlino sait écrire, son toucher de plume est arrivé à parfaite maturité, en deux pages, il croque, il saisit, il sale, il poivre, il donne envie de replonger, par exemple, dans l’œuvre de Valery Larbaud. « Tous ceux qui le lisent ne peuvent plus s’en passer, séduit par son art de la confidence ». On opine du chef et on en redemande. Remettez-nous-en encore un chef Morlino ! Il n’a pas oublié Cossery qu’il élève au rang de Prince Albert. « Le romancier est devenu culte dès lors qu’il renonça à écrire » souligne-t-il, avec malice. Et il dresse un portrait enchanteur d’Alphonse Boudard, le replaçant à sa juste valeur sur l’échiquier des lettres, loin des raccourcis argotiques et sabreurs, « il était un moraliste qui haïssait le narcissisme contemporain » écrit-il.

Une nouvelle bible

Les deux figures tutélaires de ma jeunesse, Albert Simonin et Alexandre Vialatte, ont belle allure sous la prose de Morlino. Mes vielles badernes de Léon-Paul Fargue, Jules Romains et Sacha Guitry font évidemment partie du voyage. Les femmes ne manquent pas à l’appel, Sagan pointe sa frimousse au volant de son Aston, Colette fait tinter ses casseroles en cuivre et Despentes brandit sa verdeur punk. Et les sommités, les commandeurs, les intouchables : Barrès, Beckett, Céline, Cioran, Drieu, Giono, Morand, Proust ou Simenon font la queuleuleu sans Bézu mais avec Henri Béraud, le flâneur salarié et sous le regard distant de Georges Perros qui préfère rouler à moto du côté de Douarnenez.

En refermant cette nouvelle bible des bibliothèques, on se dit que Morlino est le précepteur rêvé qui manque à la jeunesse de France, pour la sortir des impasses identitaires et victimaires.

Les cent qui restent de Bernard Morlino – Écriture, 420 pages

Les cent qui restent: 100 écrivains français du XXe siècle qu'on lira encore en 2100

Price: 25,00 €

10 used & new available from 11,30 €

L’Aube, déjà au firmament

0
Thibault et Élinor Nizard, un couple à la ville et en salle © Hannah Assouline

En sept mois, L’Aube s’est imposée parmi les grandes tables de la capitale. Avec passion et détermination, son jeune chef, Thibault Nizard, défend la tradition gastronomique française, de la cuisine jusqu’au service en salle. Une démonstration de l’excellence qu’il a reçue en héritage.


« Tradition, tradition et uniquement la tradition. Et surtout, le savoir-faire français ! » Qui ose s’exprimer en ces termes ? Thibault Nizard, 30 ans, tatoué de la tête aux pieds. Un chef surdoué. Depuis le mois d’avril, il est aux fourneaux de L’Aube, au Palais-Royal, un restaurant qu’il a eu le courage de créer ex-nihilo. Après avoir bénéficié de la confiance des banques – ce qui n’est pas rien –, il a su s’entourer pour lancer une formidable aventure collective. Sa petite brigade se compose de compagnons de route, des jeunes, comme lui, rencontrés dans les prestigieuses maisons dans lesquelles il a officié, telles Drouant et le 110 Taillevent. « On se connaît depuis huit ans, dix ans pour certains, remarque-t-il avec une certaine émotion. Mes équipes me font confiance et m’ont fait grandir. On a grandi ensemble, ils m’ont suivi et je les ai fait évoluer au fil de mes nominations. Je leur rends cette confiance au quotidien. » Cette aventure amicale se double d’une histoire d’amour : Élinor, qui dirige la salle, n’est autre que son épouse… Ça fait quoi, d’ailleurs, de travailler en couple ? « C’est spécial… Elle travaille dans la restauration depuis aussi longtemps que moi. Avant, on se voyait cinq à six heures par semaine, maintenant c’est vingt-quatre heures sur vingt-quatre ! Et c’est formidable. C’est la personne qui me connaît le mieux, qui est en salle pour expliquer mes plats, ma vision. Elle vit le restaurant autant que moi. C’est un état de symbiose. »

© Hannah Assouline

Cet épanouissement explique sûrement l’aisance avec laquelle se déroule chaque service. Dans la salle feutrée, entièrement repensée pour devenir « simple, chic et épurée », les regards convergent vers la cuisine ouverte. Le ballet des chefs est un spectacle qui ne peut lasser les amateurs. Fluidité des mouvements, précision des gestes… les assiettes sont dressées sur un îlot central sous l’œil du chef qui ajoute la dernière touche, la pointe de sauce, l’herbe fraîche qui parachève l’équilibre de la composition. Si l’épure est toute contemporaine, les plats, eux, s’inscrivent dans la longue tradition. Thibault Nizard est de haute noblesse gastronomique : saucier de formation ! À contrecourant de la déconstruction culinaire, il sait l’importance de l’héritage – en cuisine comme ailleurs. Il voue le même profond respect aux produits :« Lorsque j’annonce une daurade, je sers une daurade, non une ballotine qui ne ressemble à rien. Le poisson a une certaine forme, une certaine élégance que l’on doit retrouver dans l’assiette. Et l’on peut dire la même chose d’une tomate ! » ; comme envers les recettes de saison : « Je suis féru de chasse et de gibiers à plumes, j’adore ça ! Je les défends à ma table avec l’Oreiller de la belle Aurore, le faisan… C’est une cuisine qui me ressemble vraiment. Et en hiver, nous faisons nos charcuteries : rillettes, saucisses, foie gras… » Et bien sûr, le lièvre à la royale ! Thibault Nizard le sert en deux services, en médaillon (chairs finement hachées autour d’un cœur de foie gras), puis à la « sénateur Couteaux » (chairs effilochées). Ce plat riche et puissant en bouche, créé pour un Louis XIV édenté mais toujours friand de gibiers, retrouve à cette table une nouvelle jeunesse sans rien perdre de ses extraordinaires saveurs, ni même sa fabuleuse sauce au sang. C’est la touche Nizard. « Nous sommes en 2023, nous nous devons d’apporter une touche de modernité et de raffinement sans décevoir nos pairs qui nous ont appris à faire de bonnes sauces et de bons fonds ! »

Les cèpes, champignons de saison ! ©Hannah Assouline

On retrouve ce respect de la tradition jusque dans le « geste de salle », Thibault et Élinor Nizard étant attachés au service sur chariot à découpe et à flambage. « Vous trouverez toujours à la carte au moins un plat découpé ou flambé devant les clients, explique-t-il. Il est important de préserver ces gestes. Ces moments d’élégance et de prestige ne durent qu’une dizaine de minutes, mais demeurent comme un rite de passage. Et après des années cela m’impressionne encore ! On ne doit pas dénoter à cette belle tradition. » Ainsi nous permettent-ils de conclure un repas en contemplant avec des yeux d’enfants ces crêpes Suzette qui semblent s’animer après avoir été roulées dans le sirop d’orange puis flambées au Grand-Marnier.

A lire aussi : Giuliano Sperandio, gardien de la table française

Crêpes Suzette flambées. © Hannah Assouline

Sans vin, il manquerait un pied à la grande table française. Cela ne risque pas d’arriver à L’Aube où le chef et son sommelier travaillent continuellement à améliorer une cave à la hauteur de la cuisine. « Nous avons actuellement 5 000 bouteilles et j’aimerais, à terme, arriver à 7 000 environ. Ma prédilection va aux vins du Rhône, mon sommelier apprécie davantage le bordelais… mais nous travaillons ensemble ! Nous accordons une grande importance aux accords mets-vins. Il a de toute façon carte blanche pour élaborer cette cave. Une cave est un travail de longue haleine. C’est aussi une histoire de rencontres, il faut aller à la rencontre des vignerons, connaître leurs vignobles. On peut ensuite raconter toute l’énergie, toute l’histoire qu’il y a dans une bouteille. Ça ne se fait pas en passant un coup de téléphone ! » Cette exigence, cet amour du métier ont d’ores et déjà été récompensés par le prix Lebey de la meilleure carte des vins de Paris 2023.

Un décor aussi feutré qu’épuré. ©Hannah Assouline

En à peine sept mois, Thibault Nizard a conquis les guides et les critiques et, le plus important, les clients aussi. Les habitués se comptent depuis l’ouverture, car il y a une promesse de L’Aube : le repas suivant sera aussi succulent que le précédent sans être identique, la carte évoluant au fil des semaines. L’élégance, la discrétion et l’attention du service, elles, ne varient pas. Le repas gastronomique français classé par l’Unesco au patrimoine culturel immatériel de l’humanité trouve ici une ambassade, d’autant que, voisin immédiat de la Comédie-Française, le restaurant a été inspiré de proposer un service « après spectacle[1] ». Dans le temps, on appelait cela un souper !

L’Aube

10, rue de Richelieu,75001 Paris
Tél. : 01 42 44 00 60 www.laube-paris.com

Menus : 49 et 95 euros (déjeuner et dîner); 150 et 190 euros (dîner).


[1]. Sur réservation.

Management antiraciste

0
D.R

Si le management et la gestion financière du centre de recherche antiraciste dirigé par Ibram X. Kendi laissent à désirer, c’est évidemment parce que certains « veulent détruire les organisations antiracistes »


En juillet 2020, suite à l’affaire George Floyd, l’université de Boston a décidé de créer un centre de recherche antiraciste. La direction a été confiée au professeur Ibram X. Kendi, 41 ans, anticapitaliste revendiqué, qui s’est fait connaître grâce à la publication, en 2019, du best-seller How to Be an Antiracist. Il a vendu son livre à tous les Blancs américains désireux d’exhiber leur repentance, et en a fait des versions pour parents, enfants et même bébés. Prétendant identifier les effets du racisme systémique partout dans la société, il y voit la cause unique de toute disparité économique entre groupes ethniques. Qui de mieux pour gérer un tel institut ? Très rapidement, le centre a reçu de nombreux dons de la part d’entreprises et de mécènes, tels que Jack Dorsey, le fondateur de Twitter, qui a donné 10 millions de dollars. En deux ans, Kendi a récolté 43 millions. Pourtant, certains des projets phares lancés par le centre, comme le Racial Data Tracker censé surveiller les disparités raciales à l’échelle nationale et lutter contre le racisme systémique dans les établissements scolaires, n’ont jamais vu le jour.

A lire aussi : Faqueux haineux

Or, en septembre, l’université de Boston a annoncé l’ouverture d’une enquête portant à la fois sur la gestion financière du centre et sur le style de management de Kendi. Pour faire face à des difficultés budgétaires, ce dernier venait de licencier une vingtaine de ses 45 employés. Parmi eux, la chercheuse Saida Grundy, qui a déclaré au Boston Globe qu’on lui demandait souvent de travailler à des horaires déraisonnables, à la limite de « l’exploitation ». D’autres employés ont dénoncé chez Kendi un excès d’autoritarisme et une incapacité à déléguer conduisant à la création d’une ambiance toxique. Face aux critiques, Kendi a dénoncé ceux « qui veulent détruire les organisations antiracistes ». Les vrais responsables de ce fiasco sont les facultés et les entreprises qui se sont précipitées pour afficher leur antiracisme et ont transformé en orthodoxie l’idéologie d’un seul homme.

Raymond Abellio, le Pic de La Mirandole du XXe siècle

0
L'écrivain et philosophe français Raymond Abellio (1907-1986). D.R.

Il estimait lui-même à vingt-cinq le nombre de ses lecteurs capables de bien le comprendre…


Qui connait encore Raymond Abellio ? Quasiment personne. Il n’est plus dans l’air du temps. Le fut-il jamais ? Il tira sa révérence en 1986, dans l’indifférence générale. Dans les medias sa mort fit l’objet d’une simple brève. C’est que, devenu Abellio à partir de son premier roman, le Toulousain Georges Soulès, né en 1907, traînait encore les séquelles d’un parcours sinueux.

Un parcours mouvementé

Issu de l’extrême-gauche, responsable, avant-guerre, dès ses années d’étudiant, de la frange extrémiste de la SFIO, ce polytechnicien avait, par la suite, évolué au point de créer, avec Marcel Déat, le Front révolutionnaire national –et de se retrouver responsable du Mouvement social Révolutionnaire soutenu par Vichy. D’où une condamnation par contumace à la Libération. Après des années d’exil en Suisse et, en dépit d’un acquittement, la suspicion tenace des bien-pensants ne cessa pas.

Avec cela, épris d’occultisme, féru d’astrologie. Passionné par la gnose. Toutes activités douteuses aux yeux des gens raisonnables. Mathématicien, philosophe fervent d’Husserl après avoir brièvement flirté avec le surréalisme d’André Breton. En vérité, plus proche de Daumal et du Grand Jeu dont il apparaît comme le continuateur. Proprement inclassable. Marginalisé, de surcroît, par l’incroyable rayonnement de Sartre dont il est en tous points antinomique.

Une œuvre diverse et unique

Son œuvre, elle aussi, a déconcerté la critique. Pour certains, le romancier pétri de dons s’est fourvoyé dans l’essai philosophique et les théories par trop abstraites et même absconses. A les en croire, il n’est pas bon, pour un romancier, d’être trop intelligent. D’autres placent au-dessus de tout le mémorialiste, témoin avisé de son époque. C’est ne pas voir que sous une apparente diversité, les écrits d’Abellio forment un tout indissociable, reposant sur un postulat qui lui est cher entre tous, celui de l’interdépendance universelle.

Comment apprécier, par exemple, le triptyque romanesque que constituent Les Yeux d’Ezéchiel sont ouverts, La Fosse de Babel et Visages immobiles, si l’on ignore La Structure absolue dont il est la mise-en-œuvre ? Comment comprendre des personnages tels que Drameille ou Dupastre, leur ambiguïté foncière, leur activisme, sans les mettre rn relation avec tel ou tel élément biographique de leur auteur révélé par ses Mémoires ?

Il y a, chez Abellio, un va-et-vient constant entre la pensée spéculative et l’œuvre romanesque, l’une étayant et éclairant l’autre. « La vie, écrit-il quelque part, procède toujours par couples d’oppositions. C’est seulement de la place du romancier, centre de la construction, que tout cesse d’être perçu contradictoirement et prend ainsi son sens. »

Cela ne va pas sans surprendre au premier abord. Comment un théoricien de l’Absolu a-t-il pu, dans le même temps où il se consacrait à l’abstraction la plus quintessenciée, élaborer une œuvre romanesque ? Mieux, accorder tant de crédit au genre du roman ?

La réponse se trouve peut-être dans son journal de l’année 1971, intitulé Dans une âme et un corps : « Pourquoi, par quelle concession à ce monde que j’ai quitté, suis-je désireux d’écrire des romans ? C’est que le style n’est déjà plus du monde. Et il y a un énorme mystère dans ce monde qu’il faut bien appeler la face divine du style car s’il n’est déjà plus du monde, il n’est pas encore tout à fait de Dieu. ».

Tel est, pour lui, l’irremplaçable rôle du discours romanesque, sorte de pont jeté, à travers le mystère du style, entre le temporel et l’universel que la pensée pressent sans parvenir à le fixer. Ses romans sont donc profondément enracinés dans l’Histoire – voire, pour le dernier, dans une Histoire anticipée que le développement actuel du terrorisme vient étrangement corroborer – mais ils n’acquièrent tout leur sens que dans une perspective plus vaste.

Non qu’une lecture au premier degré ne permette de leur découvrir des attraits qui les placent déjà à cent coudées au-dessus de la production courante, par la richesse psychologique de héros que l’on retrouve de livre en livre, par le foisonnement de l’intrigue, par cette vision prophétique des événements et de leurs connexions souterraines.

La structure absolue

On comprend par là, et Abellio s’en explique souvent, que le pivot de son œuvre sur quoi repose tout l’édifice, c’est son intuition de ce qu’il nomme la Structure absolue, titre de son essai majeur publié en 1965.

Il ne saurait être question d’en donner ici une définition. Ni même d’en tenter une approche, tant le sujet est ardu. Abellio lui-même estimait à vingt-cinq le nombre de ses lecteurs capables d’en pénétrer les arcanes… Pour s’en tenir aux approximations, disons qu’elle suppose une transfiguration de la conscience et s’apparente à la « raison agissante ou créatrice » de Maître Eckhart. Ou à la « caractéristique universelle » pressentie par Leibniz et que Georges Gusdorf appelle « conscience d’univers ».

La grande affaire de sa vie aura été, en définitive, de vérifier le fonctionnement de sa « structure » dans les domaines les plus divers : dynamique des fonctions sociales et politiques, interprétation des mythes, éthique, esthétique et jusqu’aux rapports érotiques. Les héroïnes de ses romans, qui se partagent en « femmes originelles » et « femmes ultimes », pour reprendre sa propre typologie, illustrent ce dernier point.

Un chercheur infatigable

Il va sans dire que ce qui est important pour lui – et qui le différencie radicalement de l’école structuraliste universitaire – est moins de dégager des relations que de les interpréter en les transformant en relations métaphysiques. En quelque sorte, le savant doit admettre que la connaissance se situe au-delà des mathématiques, que la science doit être « coiffée du chapeau métaphysique ». C’est dans cette perspective qu’il prône, dans La Fin de l’ésotérisme, le renouvellement des disciplines et des doctrines traditionnelles, alchimie et astrologie, assignant à l’Occident un rôle prépondérant, celui d’activer et d’intensifier la connaissance initiatique en la maîtrisant intellectuellement et en la portant ainsi à un autre niveau.

Son Introduction à une théorie des nombres bibliques, publiée en collaboration avec Charles Hirsch, dans laquelle il établit d’étonnantes relations entre le YI-King, la Kabbale hébraïque et le code génétique inscrit dans l’ADN constitue le point culminant de ses recherches.

Mathématicien et philosophe, romancier et métaphysicien, mémorialiste, poète et homme d’action, essayiste, auteur de nombreux articles, préfaces (notamment à Balzac et Dostoïevski dans le Livre de poche), conférencier, Raymond Abellio était notre Pic de Pic de la Mirandole. Je l’ai vu pour la dernière fois en été 1986, quelques semaines avant sa mort. C’était à Vence, où il se reposait après une seconde attaque cardiaque. Visages immobiles était sous presse, il en attendait la sortie imminente avec une impatience candide, tout en annotant Husserl. Je n’oublierai jamais la passion qui l’animait, en dépit du souffle court, de la lassitude physique. Ni son enthousiasme quand il évoquait ses dernières trouvailles sur l’arbre séfirotique, symbole de l’arbre de vie dans la religion juive. Il avait encore beaucoup à dire et à publier, dont le quatrième volume de ses Mémoires. Le titre en était choisi : « D’un endroit écarté ». Nous ne le lirons jamais.


Quelques titres marquants : Vers un Nouveau Prophétisme. Essai sur le rôle politique du sacré et la situation de Lucifer dans le monde moderne. (Gallimard, 1962).  NRF, 1950). Les Yeux d’Ezéchiel sont ouverts (ibid., 1950). La Fosse de Babel (Ibid., 1962) La Structure absolue (textes et témoignages inédits). (Question de n° 72, 1988). Manifeste de la nouvelle Gnose (Gallimard, NRF, 1989). La Fin de l’ésotérisme (Presses du Châtelet, 2014). Assomption de l’Europe (Flammarion, 2018).

Les contorsions d’Emmanuel Macron

0
D.R.

Terreur d’hier et Terreur d’aujourd’hui: Chateaubriand nous parle des islamo-gauchistes et d’un air du temps, frelaté


Le « côte à côte » a vécu ; le « face à face » annoncé par Gérard Collomb se profile. La France, battant sans relâche sa coulpe pour un passé colonial révolu, a sacrifié une culture et une identité séculaires à la chimère de l’accueil inconditionnel de l’autre. Aussi, sous les coups de boutoir que lui assène une immigration arabo-musulmane incontrôlée et manipulée par les sectateurs du communautarisme et du séparatisme – islamo-gauchistes et autres Khmers verts écologistes – notre pays menace ruine.

Deux peuples ?

La manifestation organisée contre l’antisémitisme, dont le sage cortège a coulé doucement dans les rues de Paris, est l’incarnation de cette civilisation qui naufrage, dénigrée, méprisée et bafouée dans ses valeurs comme dans sa culture. En l’absence d’un président de la République qui a préféré se défiler, peut-être sur les conseils pervers du sieur Bellatar, son ancien « Monsieur banlieues », repris de justice et chantre du communautarisme, une foule, qui n’était pas celle des grands jours, a défilé, digne et disciplinée pour dénoncer la recrudescence des actes antisémites sur notre sol. Le cortège qui rassemblait des participants plus très jeunes, trop blancs, et trop silencieux a suivi respectueusement ceux qui incarnent quarante ans d’une politique migratoire désastreuse. Ce jour-là, certes, il pleuvait, mais on aurait facilement pu prendre un café en terrasse sans craindre quelque déchaînement de violence ; le mobilier urbain n’a pas été ravagé, les devantures des commerces non plus. Personne n’a « détesté la police ». Il faut dire que l’extrême gauche judéophobe n’était pas là pour orchestrer le chaos qu’elle affectionne.

A lire aussi: Éric Zemmour face à la « rue arabe »

Au sommet de l’État, alors que l’antisémitisme et la violence prospèrent, qu’on attaque, insulte ou profane allègrement, c’est la lâcheté qui prévaut. Notre Défaillant de la République, boussole démagnétisée, Prince de la palinodie, multiplie les dérobades, les subtilités langagières grossières et autres contorsions verbales hasardeuses pour ne pas désigner de coupables. Il redoute de dresser l’un contre l’autre deux camps d’un même pays qui lui semblent irréconciliables : celui des islamo-gauchistes, qu’il ménage, et l’autre, qui réunit ceux qui sont attachés à leur histoire comme à leurs racines. Au gouvernement et chez les bien-pensants, quand il s’agit de nommer les antisémites d’aujourd’hui, on fouille dans les poubelles de l’histoire, par idéologie ou par couardise, et on exhume les responsables du vieil antisémitisme pour leur imputer le nouveau. Pendant ce temps, ceux qui « disent ce qu’ils voient et voient ce qu’ils voient » sont désignés à la vindicte générale comme les thuriféraires de l’extrême droite. Du côté des tenants du multiculturalisme, pour accompagner le délitement général on s’empresse de balancer un peu de solvant sur ce qu’il reste de nos traditions. Ainsi, la ville de Nantes vient d’apporter sa pelletée de compost pour contribuer généreusement à la putréfaction générale. Nous découvrons, atterrés, la décoration de Noël inclusive qui célèbre « le voyage en hiver » autour de « petite maman Noël » en jogging : « Parce qu’au XXIème siècle, l’esprit de Noël est multiculturel. Il n’est plus unique mais laisse la place à toutes les confessions. Parce que ces moments féériques devraient rassembler tout le monde sous le même drapeau de la créativité. » Pour sûr : « La terre a des limites, mais la bêtise humaine est infinie. »

Le monde change de peau, sera-t-il laid ou bien beau

Les situations historique et politique actuelles sont inédites, certes, toutefois l’atmosphère de faillite générale d’avant la Terreur restituée par Chateaubriand, encore dans ses Mémoires d’outre-tombe, ressemble étrangement à l’air – frelaté – de notre temps, celui d’un monde sur le point de changer de peau : « (…) le vieux monde s’effaçait (…) Les licences sociales manifestées au rajeunissement de la France, les libertés de 1789, ces libertés fantasques et déréglées d’un ordre des choses qui se détruit et n’est pas encore l’anarchie, se nivelaient sous le sceptre populaire : on sentait l’approche d’une jeune tyrannie plébéienne (…) »Le mémorialiste croque également les agitateurs préparant la Terreur, croisés au club des Cordeliers : « Les orateurs, unis pour détruire, ne s’entendaient ni sur les chefs à choisir, ni sur les moyens à employer, ils se traitaient de gueux, de gitons, de filous, de voleurs, de massacreurs, à la cacophonie des sifflets et des hurlements de leurs différents groupes de diables. (…) Détruire et produire, mort et génération, on ne démêlait que cela à travers l’argot sauvage dont les oreilles étaient assourdies (…) » « Les plus difformes de la bande obtenaient de préférence la parole. Les infirmités de l’âme et du corps ont joué un rôle dans nos troubles : l’amour propre en souffrance a fait de grands révolutionnaires. » À se demander si l’écrivain ne s’est pas rendu récemment dans l’enceinte du Palais Bourbon où sévit la joyeuse bande des Insoumis.

Il semblerait enfin que Chateaubriand ait aussi croisé Mélenchon, fomentateur de notre Terreur imminente : « Danton n’avait pas la conviction des principes qu’il soutenait ; il ne s’était affublé du manteau révolutionnaire que pour arriver à la fortune. « Venez brailler avec nous », conseillait-il à un jeune homme ; « quand vous vous serez enrichi, vous ferez ce que vous voudrez. » Il confessa que s’il ne s’était pas livré à la cour, c’est qu’elle n’avait pas voulu le payer assez cher : effronterie d’une intelligence qui se connaît et d’une corruption qui s’avoue à gueule bée. » De la Terreur d’hier à celle d’aujourd’hui, il n’y a qu’un pas.

Être juif au temps de Tsahal

0
D.R.

Pendant des siècles, après un pogrom, les Juifs n’avaient que leurs yeux pour pleurer. Le sionisme a changé le cours de leur histoire en les dotant d’un bien précieux, salutaire, réjouissant: TSAHAL.


Un dimanche, dans l’émission « C politique », je tombe sur Rachid Benzine et Delphine Horvilleur. Le couple semble battre de l’aile. J’ai l’impression que c’est la dernière représentation de leur tournée œcuménique. Entre la juive et le musulman, tout allait pour le mieux tant qu’on n’abordait pas les questions qui fâchent, tant qu’on les diluait dans des parachas coraniques ou dans des salamalecs talmudiques. Mais là, les questions qui fâchent sont devenues incontournables. Ils ne s’entendent plus qu’en dénonçant ceux qui évoquent le choc des civilisations, aveugles à ce qui advient. On est sur la Cinq, avec Karim Rissouli, on ne s’accorde plus que sur le dos de Zemmour. Rachid est contrarié qu’on le somme de dénoncer le terrorisme, de se désolidariser. C’est parce que je suis musulman, mais cela va sans dire, insiste-t-il. Cela va pourtant mieux en le disant, à l’heure où le silence des Imams est assourdissant, à l’heure où nos musulmans médiatisés condamnent, certes, mais sans pouvoir s’empêcher de nous refourguer la Nakba, et la prison à ciel ouvert, sans pouvoir attendre une petite semaine de décence pour placer leur « oui, mais ». Delphine, elle, est déçue par les réactions ou par l’absence de réactions dans son entourage et au-delà.

Paratonnerre de la haine mondiale

Moi aussi, je suis déçu. Et ce n’est pas la première fois. Je crois que ça a commencé après l’assassinat du père Hamel. Un couple d’amis très proche et très catho était sidéré, perdu, dans une totale incompréhension, comme si Jésus était revenu transsexuel ou loubavitch. Un prêtre égorgé dans son église ? Comment ? Pourquoi ? Les mêmes n’avaient pas été aussi déboussolés quand Mohammed Merah était entré dans une école pour abattre des enfants juifs. Aujourd’hui, ça recommence. La même sidération, la même incompréhension, les mêmes larmes chez les laïcs. Un prof poignardé dans son collège, sans même qu’il ait osé parler du Prophète. Comment ? Pourquoi ? À chaque fois, j’ai le sentiment qu’on me fait, le plus sérieusement du monde et sans malice, la blague des Juifs et des coiffeurs. Aujourd’hui, on tue les Juifs et les coiffeurs. Pourquoi les coiffeurs ? Pourquoi un prêtre ? Pourquoi un prof ? Et c’est moi qui fais la chute : et pourquoi les Juifs ?

A lire aussi : De Faurisson à Mélenchon, la vérité si je mens!

Le lendemain du 7 octobre, un compagnon de travail me dit : ça devait arriver. Ce qu’on ne dit plus d’une femme court vêtue qui a été violée, on le dit d’Israéliens qui ont été brûlés vifs avec leurs enfants. On condamne, on réprouve mais on n’est pas surpris, on ne se pose pas la question parce que la réponse est là, planquée dans l’inconscient collectif : parce que ce n’est pas surprenant, parce que c’est toute leur Histoire.

Je pense à l’Histoire des Juifs, aux siècles de persécution, de vols, de viols, de meurtres, de supplices. Je pense aux pères de nos pères, ou plutôt aux mères de nos mères, parce que c’est par là que ça se refile, que ça se transmet. Comment ont-ils tenu sans autre aide que celle de leur foi en un Tout-Puissant si peu protecteur ? Comment le peuple ne s’est-il pas dissous, la tribu éparpillée, la filiation brisée ? Comment les hommes et les femmes, les uns après les autres n’ont-ils pas dit un jour « je quitte, oubliez-moi, rayez-moi du Livre, je démissionne, je ne veux pas que ma fille soit violée et mon fils égorgé, je veux devenir normal, je veux qu’on m’appelle Dupont ou Abd-el-Kader, je dirai ce qu’on voudra, Ave Maria, Allah Akbar, n’importe quoi pourvu qu’on me fiche la paix. La paix. L’an prochain à Jérusalem, ce sera sans moi, le paratonnerre de la haine mondiale, merci bien, basta. »

Le temps du dôme de fer et du char Merkava

Moi, je sais ce qui me fait tenir. Quand l’horreur me prive de sommeil, je m’accroche à un mot, un mot qui a changé le cours de l’Histoire des Juifs, le mot TSAHAL. Georges Perec a écrit : « L’Histoire s’est abattue sur ma famille avec une grande hache. » Aujourd’hui, la hache est entre nos mains, elle est le H au cœur du mot TSAHAL, debout sur ses deux jambes, fort et solide. La force juive a un nom et quelques centaines de milliers de visages, réguliers et réservistes. Je la vois dans les chars postés à la frontière. Je l’ai entendue un matin à Masada, elle m’a survolé en un éclair, elle avait un son supersonique, et une étoile de David sur les ailes. Je n’ai jamais autant vibré de toute ma vie. Je la vois aussi dans les yeux d’Olivier Rafowicz, le porte-parole de TSAHAL, et dans son sourire. Je l’entends dans sa voix, dans son français à l’accent ébréché par l’hébreu. Aujourd’hui, toutes nos héroïnes juives, tous nos héros juifs tiennent en un mot de six lettres. C’est TSAHAL qui tient en respect Mardochée et dissuade Assuérus de mettre en œuvre son projet funeste, TSAHAL qui occit Holopherne et qui colle la frousse à ses troupes, TSAHAL qui fait trembler les murs chez les Philistins, TSAHAL qui changera l’eau des fleuves en sang si un pharaon ou un leader de l’Oummanous menace d’extermination. TSAHAL qui fait souffler un vent de panique chez ces rats du djihad qui ne savent plus quoi inventer pour échapper à la punition, terrés dans leurs trous, avant la tempête. Mais la punition tombera, Olivier l’a annoncé avec une colère contenue, avec une détermination qui ne laisse aucune place au doute. Et cette assurance me réchauffe le cœur.

A lire aussi : Le Hamas, ou le retour de l’archaïque à l’âge du digital

Le jour, je marche dans les rues coiffé d’un bonnet rapporté d’Israël, vert kaki avec, gravé en lettres d’or« Israël Army », en hébreu TSAHAL. En dix jours, 200 actes antisémites. On a longtemps craint les amalgames et les représailles sur des Français musulmans innocents, mais la vitrine de l’épicier est intacte et, au lieu de représailles, on a la contagion. Le Hamas déteint sur certains de nos Arabes, de nos islamistes d’atmosphère, de nos musulmans impatients. Où ça des antisémites en action ? Je les cherche du regard, le mot TSAHAL écrit sur mon front. J’attends une remarque, une insulte, un geste pour contrebalancer par un acte anti-antisémite, en jouant des poings, même si je ne fais pas le poids.

La nuit, je pleure sur les enfants des kibboutz, les femmes violées et meurtries, les otages dans le noir, avec les rats. Mais pas seulement. Je pleure aussi du bonheur d’être Juif au temps du dôme de fer et du char Merkava. Le bonheur d’être Juif, pas par la Torah, mais par les avions de chasse et par leurs bombes planantes. Le bonheur d’être Juif au temps de TSAHAL.

L'arnaque antiraciste expliquée à ma soeur

Price: 12,00 €

30 used & new available from 2,21 €