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« Betty » pour l’éternité

"Béatrice Dalle, à prendre ou à laisser", en replay sur France 5


« Betty » pour l’éternité
Béatrice Dalle sur TF1, 1992 © SIPA

L’actrice sulfureuse Béatrice Dalle revient sur sa vie dans un documentaire diffusé par France 5


« Je n’ai jamais fait une seule chose dans ma vie dont j’ai honte ! », affirme l’actrice Béatrice Dalle, dans le documentaire intitulé À prendre ou à laisser, que lui consacre France 5. Il est disponible en replay jusqu’au 9 mai. Le dispositif est le suivant : Béatrice Dalle nous raconte son histoire, en voix off, pendant que défilent les images d’archives. Cela fonctionne très bien, comme une sorte de mise en abîme, comme si la star redécouvrait des pans entiers de sa vie avec nous, et nous les distillait. Elle les raconte avec sa voix gouailleuse, un peu abîmée par le tabac et les substances – dont elle ne cache pas avoir abusé à une époque de sa vie. « J’ai trop vécu », dit-elle. Trop vécu, mais par accident. En effet, elle a connu une enfance banale au Mans, auprès d’un père ancien militaire (elle en a d’ailleurs conservé une sorte de bonne éducation, même si cela peut paraître étrange de la part de cette scandaleuse). Et elle affirme avoir adoré l’école. « J’aurais pu y rester toute ma vie ». Et si finalement, cet électron libre qui a « toujours fait ce qu’elle voulait » avait cherché un cadre toute sa vie ? Et si c’était à travers la caméra qu’elle l’avait trouvé ?

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La suite, nous la connaissons. Elle s’ennuie comme un rat mort, et fuit à Paris où elle devient une petite punkette qui hante les salles de concert. Elle est repérée par un photographe, et fait la couverture du magazine Photo. Tout s’enchaîne alors comme dans un conte de fées un peu trash. Le directeur de casting, Dominique Besnehard, recherche une actrice pour 37.2 le matin, un projet de film de Jean-Jacques Beineix. Il tombe tout de suite sous le charme de ce visage singulier et enfantin où l’on devine une pointe de tragique. Anecdote amusante : lors de son premier contact, quand Besnehard l’appelle pour lui donner rendez-vous, il s’entend répondre : « Vous ne m’avez pas dit bonjour, rappelez-moi et soyez poli. » Le directeur de casting comprend à ce moment que Béatrice est comme Betty, et que Betty sera jouée par Béatrice. Le film fait un carton, plus de 3 millions de spectateurs en salles. « C’est un évènement », déclare Jean Rochefort, à l’issue de la première où l’on voit Béatrice, star en devenir, pleurer comme une enfant lors de la standing ovation. « Je passe de rien, du vide sidéral, à partout où je passe, c’est l’émeute. » Elle est maintenant Betty pour l’éternité. À l’image des jeunes filles des années 50, qui paradaient en choucroute et robes vichy à la Bardot, nous, les jeunes filles des années 80, voulions toutes sa petite robe rouge, et ce fameux carré à la fois rétro et punkoïde… À l’image de Betty, Béatrice n’a peur de rien et surtout de personne. Elle envoie balader Gainsbourg quand il tente de lui faire le coup de la Lolita, et beaucoup se souviennent aussi d’une séquence culte avec PPDA. Souhaitant la mettre mal à l’aise lors du journal télévisé, ce dernier fait allusion au vol de bijoux qu’elle a commis. Mal lui en a pris : avec un calme et un aplomb hors du commun, elle évoque les lettres érotiques que celui-ci lui aurait envoyées. « Il se pissait dessus » s’amuse-t-elle. Et, à la fin de l’entretien, les techniciens du plateau l’applaudissent. Last but not least, Mitterrand la félicite! Respect.

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Néanmoins, Dalle est loin d’être l’actrice d’un seul film. Beineix nous rappelle qu’elle a tourné avec tous les réalisateurs du cinéma mondial underground qui comptent. Dont des très grands : Jarmursch (Night on earth), Ferrara (The blackout) pour les Américains, et même avec le génie autrichien de la noirceur, Haneke (Le temps du loup). En 2001, elle fait de nouveau sensation dans Trouble Every day, de Claire Denis, un film sur… l’anthropophagie. « Mes rôles au cinéma, faut que ce soit des opéras sanglants !» Ce film, qui aborde un tabou ultime lui vaut définitivement sa réputation de veuve noire, voire de détraquée! Même si Claire Denis, la réalisatrice, y traite en réalité d’un amour qui est passionnel au point d’aboutir à la dévoration de l’autre… L’amour, avec le cinéma, c’est la grande affaire de notre star underground. Elle affirme être capable de tuer par amour, être à la fois fleur bleue et mante religieuse. « J’ai aimé souvent, je me suis trompée beaucoup », dit-elle, presque en paraphrasant Musset. À presque 60 ans, notre ancienne pin-up est depuis longtemps entrée en cinéma comme on entre en religion. N’a-t-elle pas d’ailleurs déjà affirmé qu’elle aurait aimé être bonne sœur ?

Béatrice Dalle, à prendre ou à laisser, un film d’Elise Baudouin sur France 5



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est enseignante.

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