Accueil Site Page 389

Tant qu’il y aura des films

Une prison, un collège, un pays : trois films à l’affiche, trois lieux, trois façons de voir le monde. Le cinéma n’en finit pas de s’interroger sur nos sociétés, quitte même à inventer une guerre civile. Mais le réel lui va beaucoup mieux.


Tragique

Borgo, de Stéphane Demoustier, sortie le 17 avril.

On avait déjà apprécié les grandes qualités cinématographiques de Stéphane Demoustier lors de la sortie de son précédent et troisième long métrage, La Fille au bracelet. Un « film de procès » bigrement efficace avec Roschdy Zem et Chiara Mastroianni dans les rôles principaux, sans oublier Anaïs Demoustier, la sœur du cinéaste, plus que parfaite dans le rôle d’une avocate générale particulièrement impitoyable. Une ténébreuse histoire d’adolescente dont on doute jusqu’au bout de l’innocence ou de la culpabilité dans une affaire de meurtre. La mécanique scénaristique se révélait redoutable et la réalisation, manipulatrice à souhait. Avec Borgo, Demoustier semble franchir une étape supplémentaire dans la maîtrise. Il faut dire qu’il s’est emparé d’un incroyable fait divers que l’on croirait tout droit sorti de l’imagination trop fantasque d’un… scénariste. Mais non, le film suit fidèlement la réalité en l’édulcorant même un peu, ce qui est normal, dans la mesure où ladite affaire n’a pas, à ce jour, trouvé sa résolution judiciaire définitive.

© Petits Films

La principale protagoniste est en prison et risque de le demeurer pour de longues années. Sa faute ? Avoir désigné une cible à deux tueurs à gages. Savait-elle alors ce qu’elle faisait ? Pouvait-elle vraiment l’ignorer ? Demoustier reprend ici l’interrogation qui traversait déjà son précédent film. Mais cette fois, le contexte est plus sensible et politique. Tout simplement parce que le film, comme l’histoire dont il s’inspire, se déroule en Corse, autour de la prison de Borgo, au sud de Bastia, bien connue pour sa population carcérale composée en grande partie de militants nationalistes, et réputée pour un certain laxisme dans sa gestion quotidienne.

A lire aussi : Un prof jeté aux chiens

C’est donc l’histoire d’une surveillante de cette prison un peu particulière qui, venue du continent avec mari et enfant, va peu à peu se laisser approcher, à l’extérieur, par un groupe de militants politiques armés résolus à éliminer un « traître ». Demoustier décrit avec beaucoup de finesse et d’intelligence cette manipulation. Tout a déjà mal commencé pour le couple en question : le lendemain de leur installation dans une cité bastiaise, ils découvraient un régime de bananes déposé sur leur paillasson par un « aimable » voisin, mis en verve par la peau noire de l’époux de la surveillante…

Cette allusion à un racisme insulaire indéniable n’a pas plu. Elle explique sans doute que fin 2023, une projection du film en avant-première à Bastia ait été perturbée par une alerte à la bombe. C’est qu’aux yeux de certains Corses, ce film appuie là où ça fait mal.

Stéphane Demoustier fait donc preuve d’un réel courage à décrire une réalité sous tous ses angles, sans rien cacher de ses aspects les plus rugueux, voire les plus inquiétants, tandis que le double spectre de la dérive mafieuse et de la tentation indépendantiste semble mener le bal. Le film est en outre porté par l’incandescence de son actrice principale, l’impeccable Hafsia Herzi, découverte en son temps dans La Graine et le Mulet par le désormais aussi proscrit que talentueux Abdellatif Kechiche. C’est aussi grâce à elle que Borgo se détache nettement du lot de la production française actuelle en nous tendant un miroir sans concession.


Glaçant

Amal, un esprit libre, de Jawad Rhalib, sortie le 17 avril.

Les films sur l’éducation ont envahi les écrans depuis quelques semaines et, au regard de leurs qualités, on s’en réjouit. À une ou deux exceptions près, ils jouent tous cartes sur table, comme si les assassinats de Samuel Paty et de Dominique Bernard avaient ouvert les yeux de certains cinéastes. Finies les caricatures, bienvenue à la peinture complexe d’un milieu en pleine dépression. Amal, un esprit libre nous vient de Belgique. On se frotte les yeux, en effet, lorsqu’on découvre les réalités du système éducatif de nos voisins.

© UFO distribution.

A lire aussi : Initiales C.C

Le film raconte l’histoire d’une prof harcelée et menacée au sein de son collège. Loin de bénéficier de la solidarité de ses pairs, elle doit au contraire faire face à une administration pour le moins démissionnaire et, surtout, à la présence dans l’équipe enseignante d’un imam, prof de religion parmi d’autres, et qui ne recule devant rien pour mener sa mission prosélyte. On assiste avec effarement à cette défaite de la laïcité éducative qui conduit au pire.


Sanglant

Civil War, de Alex Garland, sortie le 17 avril.

D.R

Le titre de ce film affiche une belle promesse, Civil War (« Guerre civile »). Hélas, elle n’est pas tenue. Le réalisateur prend la direction trop facile du film dit de survie, soit quatre personnages embarqués dans un véhicule au beau milieu de la tourmente d’un pays, les États-Unis, en proie à une guerre civile donc. Quatre reporters de guerre qui plus est – le cinéma américain adore ces figures héroïques de journalistes confrontés au pire et censés incarner la liberté… Quel dommage de délaisser à ce point l’approche politique de ce sujet : on ne sait rien des fondements de ce conflit qui replonge les Américains dans une guerre de Sécession. Rien sur les forces en présence. Rien sur les discours développés par les deux camps. On a juste droit à une vision banalement paranoïaque de l’histoire en mouvement. Le réalisateur passe allègrement à côté de ce qui aurait pu être un grand film politique, ambition sacrifiée sur l’autel du spectaculaire, et même du sanguinolent à la Tarantino, ce qui, ici, frise l’indécence.

Maudits nobles


Normalienne et historienne, un temps spécialiste du centrisme et des années Pompidou avant de prêter sa plume à divers hommes politiques, Muriel de Rengervé a publié deux romans, un essai courageux sur L’affaire Millet, Une critique de la bien-pensance. Son troisième roman, Grandeur et misère des Caligny, dépeint avec un rare brio et dans un style classique la déchéance d’une famille noble, des années 60 à nos jours. Cette fiction est à l’évidence nourrie d’expériences sans rien de livresque, même si, parfois, Proust, Flaubert et Balzac, sus par cœur, sont cités de manière un tantinet appuyée.

En effet, la narratrice, devenue noble par mariage, comme Muriel de Rengervé, est issue de la classe moyenne, d’où son regard distancé et lucide sur une caste – ou ce qu’il en reste. Tout commence par l’arrivée de la narratrice dans la masure où est mort, dans la plus crasseuse des misères, le comte Gabriel de Caligny. L’accompagne son époux, Guillaume, le fils du défunt, une sacrée figure qui « avait le caractère suranné d’une tapisserie de haute lisse ».

Un couple odieux

Ce couple encore jeune va passer une semaine à déblayer les décombres d’une vie, lettres jaunies, livres souillés, meubles saccagés – ce qui reste d’un long déclin. Le comte et Claudia, sa très-dispendieuse épouse, disparue bien avant lui, ne firent rien de leur existence sinon se lancer dans des projets absurdes et jeter l’argent par les fenêtres.

A lire aussi, François Kasbi: Le Divin Chesterton

Lui, « un homme au talent rare qui ne réussit jamais rien de grandiose, tour à tour impressionnant et ridicule, charmant et égocentrique, naïf et destructeur, cultivé et infantile, visionnaire et réactionnaire, artisan et poète ». Elle, une sotte qui emprunte pour s’offrir des manteaux de fourrure alors que ses enfants sont des va-nu-pieds à l’hygiène douteuse. Le hic est que ces enfants prennent tôt conscience de n’être pas aimés.

C’est ici que  ce roman s’affirme d’une puissante originalité, car l’auteur aurait pu se contenter d’une fresque haute en couleurs d’une famille noble qui, refusant de s’adapter à une société ignoble au sens strict, celle des années 60 et 70, sombre avec panache. Cliché rassurant, non dépourvu de charme…

Une malédiction

Rengervé préfère à juste titre décrire ce qu’elle voit : un couple odieux, fou d’orgueil, une paire lamentable de ratés, incapables d’aimer leurs enfants et, a fortiori leurs petits-enfants. Le sang bleu était-il vicié une génération plus tôt ? Surtout, la narratrice se pose la terrible question : son mari, « âme sombre à jamais », le fils de Gabriel, transmettra-t-il la malédiction des Caligny à sa descendance ? La puissance du destin est-elle sans limite ? L’amour permet-il une sorte de salut ?

Muriel de Rengervé, Grandeur et misère des Caligny, La Mouette de Minerve, 222 pages.

Grandeur et misère des Caligny

Price: ---

0 used & new available from

La friandise art contemporain du jour

0

Nicole Esterolle déniche des pépites de l’art contemporain. De quoi faire trembler les maîtres anciens… Aujourd’hui, le récit de la performance de l’artiste Pol Pi.


C’était un grand moment d’intersectionnalité des luttes minoritaristes : l’artiste Pol Pi, performeur transgenre et transdisciplinaire, a courageusement déconstruit le « male gaze » ou regard du mâle…

En échos à cette performance forcément transgressive, intitulée MeToo, Galatée, qui a eu lieu dans le cadre du forum du Centre Pompidou en 2020, Luce Coquerelle-Giorgi, jeune critique d’art et membre de la YACI (Young Art Critics International), a relaté l’événement. La pépite, c’est aussi son texte1.

Son sexe nous regarde le regarder

« Rituel dionysiaque ou catharsis libératrice ? Avec sa performance récente au Centre Pompidou, MeToo, Galatée, Pol Pi déconstruit avec humour et sensibilité l’idéal féminin, tout en dénonçant la violence des diktats de beauté et du male gaze. Nu, il expose son corps, ses jambes, son ventre, ses fesses… Son sexe ? Entre ses jambes, il place un téléphone portable, caméra tournée vers le public voyeur. La foule aussi est filmée, observée. Il s’assoit sur un socle, écarte les jambes, nous regarde le regarder. Le rite peut commencer. »

Le rite consiste en une étrange et indigeste confection de colliers de fraises, de coiffe de bananes et de bracelets de poivrons que le public est invité à partager. « Mélangés à du gel hydroalcoolique, ces éléments organiques évoquent le lexique sexiste employé par certains hommes pour parler des femmes comme des objets de consommation « que l’on dévore du regard ». Ce regard à la fois inquisiteur et lubrique est le symbole de la violence patriarcale. » Ah, c’est donc ça !

Mais ce n’est pas fini. Notre jeune critique frise l’orgasme woke lorsqu’elle se dit « ivre de cette performance, de cette délicatesse bouleversante de Pol Pi et de son public, qui se tiennent ensemble, sous le regard perplexe de l’ancien monde. »

Va pour la rengaine MeToo, qui devient finalement un classique, mais quid de Galatée dans cette affaire ? Où trouver cette nymphe mythique connue pour avoir la peau blanche comme du lait ? Dans cette affirmation de Pol Pi à ses idolâtres : « Non, un homme ne me définit pas, ma maison ne me définit pas, ma chair ne me définit pas, je suis mon propre chez moi. » Nous n’aurons pas la réponse alors que s’achève ainsi la performance. Nous n’y étions pas, fions-nous donc au jugement perspicace de la jeune critique : « C’était là, c’était beau. » Une nouvelle fois, l’art contemporain, à l’instar de sa critique, nous démontre malheureusement qu’il a de beaux jours devant lui.

L'art n'a jamais été aussi contemporain qu'aujourd'hui

Price: 22,00 €

7 used & new available from 19,00 €

  1. https://yaci-international.com/fr/galatee-emancipee/ ↩︎

«Il y avait des personnes radicalisées dans les groupes que j’ai côtoyés»

0

La journaliste Pauline Condomines s’est infiltrée au cœur des réseaux d’extrême-gauche pendant six mois pour Livre noir. Rencontre.


Causeur. Concrètement, comment avez-vous fait ? Avez-vous seulement été une militante de base, ou avez-vous vu tout l’échelon stratégique et eu accès aux lieux de prises de décision ?

Pauline Condomines. Je me suis intégrée dans les groupes petit à petit. Il faut savoir que c’est une galaxie. Pour les « Soulèvements de la Terre », j’ai eu par exemple à parler de mes anciens engagements pour en faire partie, et ainsi de suite. Pour l’organisation « Urgence Palestine », j’ai dû rejoindre des petits groupes locaux, participer jusqu’à ce que l’opportunité se présente et que je rejoigne le comité national. Tout cela m’a finalement amenée à participer à des actions plutôt intenses : bloquer une route, attaquer l’enseigne Carrefour ou encore dormir dans une ZAD !

Quels sont les codes de ces milieux ? Comment s’assimile-t-on dans un mouvement radical d’extrême gauche ?

Il y a une culture de l’anonymat. Dans beaucoup de groupes, tu peux donc te présenter sous pseudonyme. Et il y a des codes assez particuliers avec lesquels il faut vite te familiariser – ces gens vivent dans un monde très étonnant. Par exemple, dans l’écologisme, ils parlent notamment en langage silencieux, en exécutant différents gestes pour signifier différentes choses, comme « je suis d’accord ; je voudrais parler ; je voudrais parler en deuxième ; faire silence » etc., ce qui est assez infantilisant pour des adultes ! Rien à voir avec « Urgence Palestine », où les rapports sont beaucoup plus virils et frontaux lors des réunions.

Pendant vos nombreuses sorties ou vos actions, avez-vous apprécié des aspects ou certaines idées de ces collectifs ? Avez-vous fini par être convaincue par certaines causes ?

Malgré mon habitude à fréquenter ces milieux, j’ai toujours eu peur d’être identifiée et démasquée. C’était donc difficile d’apprécier les moments que je vivais. Impossible évidemment de ne pas être touchée par certains jeunes qui s’engagent pour la planète ou des causes que je peux comprendre comme l’A69. Mais, malgré cela, je ressentais une certaine peine à les voir instrumentalisés par la logique intersectionnelle qui les dépasse. Et je ne peux m’empêcher d’imaginer les réactions de ces groupes, notamment « Urgence Palestine », maintenant que mon identité a été dévoilée. Ils doivent se dire que je suis un agent sioniste infiltré, financé et au service d’Israël – ce qui n’est pas le cas ! 

© Pierre Christen

Vous avez fréquenté des milieux assez méfiants, et parfois violents. Est-ce qu’aujourd’hui, en tant que témoin à visage découvert, vous vous sentez en danger ? Avez-vous reçu des menaces ?

Il y a des personnes radicalisées dans les groupes que j’ai côtoyés. Je pense une nouvelle fois à « Urgence Palestine », qui rassemble des personnes violentes et impulsives, car radicalisées. Je n’ai jamais rencontré de personnes aussi extrémistes ailleurs. Nous sommes actuellement en train de remonter le fil des menaces, des poursuites judiciaires seront engagées. Ça va être facile de remonter jusqu’à ces gens. Je pense qu’ils ne me feront rien, et d’ailleurs, je suis très bien protégée. Oui, j’ai reçu des menaces par téléphone. Mais j’ai aussi reçu beaucoup d’encouragements.

En octobre 2023, Nora Bussigny avait publié une enquête après avoir aussi infiltré des milieux militants woke pendant 1 an. La connaissez-vous, et vous a-t-elle aidée ou inspirée ?

Je ne la connais pas personnellement, mais j’ai lu son livre. Lorsque je l’ai lu, cela m’a amusé car elle s’est retrouvée à se lier avec des gens que je connaissais. Notamment Irene Hermoso, une militante espagnole, que Mme Bussigny a rencontrée à la fac : elle présentait des réunions interdites aux cisgenres. De mon côté, j’ai rencontré cette Irene à la Bourse du travail, occupée à organiser ces mêmes réunions interdites aux cisgenres. Sinon, Nora Bussigny m’a beaucoup inspirée, mais je considère ne pas avoir la même démarche. Alors qu’elle était une actrice de ses groupes, je me suis plus présentée comme une petite souris discrète qui se faufile partout… 

A la lecture de votre dossier, on a l’impression que politiquement même LFI et la NUPES sont dépassées par ces mouvements… Est-ce le cas, selon vous ?

Chez Urgence Palestine, en effet, des élus LFI sont venus séduire les militants. Ces élus savent parfaitement qu’ils sont extrémistes, qu’ils font l’apologie du terrorisme, et que leur antisionisme se confond avec leur antisémitisme. Jean-Luc Mélenchon envoie des gages depuis plusieurs années à ces mouvements. On retrouve des thèses équivalentes entre ce qu’il dit publiquement et ce que j’ai entendu en réunions privées. Les LFI essayent de donner des gages subtils à ces gens radicalisés, tout en essayant de maintenir une image lisse. Après on peut en faire l’analyse que l’on souhaite, mais ces militants sont tellement extrémistes et obsédés que personne ne peut réellement porter leur voix… Si ?

Pour ce qui est des ZAD, c’est encore autre chose, elles se revendiquent complètement en dehors du monde, c’est un espace de « non-droit auto-géré » ! Concernant « Dernière Rénovation », les militants ont un profil plus bobo, ce sont des cadres, avec beaucoup de femmes. Et, ils le disent eux-mêmes, il n’y a que « des blancs entre 25 et 35 ans » ! Les « Soulèvements de la Terre » sont aussi très bobos, avec beaucoup de travailleurs du monde associatif, des journalistes, des diplômés d’HEC, etc. La plupart des militants que j’ai côtoyés pendant mon enquête étaient cultivés, éduqués, alors que pour la ZAD, c’est un peu plus varié ; on trouve des jeunes qui ont fait des études, qui sont intellectuels et qui sont là pour « le kiff ». Chez « Urgence Palestine », il y a beaucoup de personnes issues de la culture arabo musulmane, ils organisent leur recrutement dans les mosquées, des tours solidaires pendant le ramadan… Sociologiquement, dans les mouvement infiltrés, il y a aussi des enseignants, des militants décoloniaux, des marxistes et des jeunes étudiants qui étudient en Lettres, en Sciences Sociales… ça reste un milieu où beaucoup de gens sont issus des sciences humaines, de l’art…

Ce que je retiens de mon enquête, c’est la convergence des luttes entre des sensibilités politiques qui n’ont rien à voir, voire qui s’opposent. Il peut y avoir autour d’une même table un islamiste prônant le séparatisme musulman, des militants marxistes, des écolos révolutionnaires antisystème et des féministes. « Urgence Palestine », à l’approche des élections européennes, n’a donné aucune consigne de vote – probablement pour éviter la fragmentation des idéologies.

La plupart de ces organisations sont « gazeuses » et financées par d’autres associations officielles, analysez-vous.

Du point de vue des financements, l’extrême-gauche est vraiment maligne. Beaucoup font en sorte de ne rien déclarer, de rester dans une organisation floue. « Les soulèvements de la Terre » par exemple, sont très opaques, car n’importe qui s’en revendiquant membre, le devient. Et en effet, une association, « Les Amis de la Terre », me semble-t-il, leur permet de recevoir des dons. « Urgence Palestine », c’est la même chose, ils n’ont pas d’existence légale. Ils reçoivent des dons grâce à « La Palestine nous rassemble », laquelle est de plus reconnue d’intérêt général. Elle permet donc d’émettre des reçus fiscaux quand elle perçoit des dons, et donc c’est un manque à gagner pour l’Etat, car c’est déduit des impôts de financer un réseau pro-Hamas… Il y aussi « Dernière Rénovation », qui utilise « Génération Mobilisation », reconnue elle aussi d’intérêt général. Grâce à cette association prête-nom, les militants ont pu louer des locaux en face de l’Hôtel de Ville, ils jouissent de dons défiscalisés et ça ne pose de problème à personne ! Je rappelle que l’essentiel de leurs actions sont pourtant illégales. Ils critiquent le système qui les nourrit.

En plus de convergence de luttes, vous parlez d’« atomes idéologiques crochus ».

D’une manière générale, il y a une haine de l’Occident et une volonté de déstabiliser l’État dans ces mouvements d’extrême gauche.
La haine anti-police est très présente dans ces mouvements, les idées révolutionnaires aussi.
Les féministes pensent qu’elles ont un « privilège blanc », et qu’il faut l’exorciser. C’est un terrible refoulement de soi, par la discrimination positive. Il y a une réelle culpabilité. Le pire est que tous se retrouvent dans le même panier, ils s’utilisent entre eux, leurs moyens sont équivalents, mais pour des intérêts radicalement différents, voire opposés.

Le RN à la conquête des profs

Rencontre avec le député de la 2ᵉ circonscription de Loir-et-Cher Roger Chudeau


Le service militaire a beau avoir été suspendu, certains fonctionnaires doivent toujours faire leurs classes ; littéralement quand des enseignants titulaires de leur beau concours, affectés à un premier poste se prennent pour certains la turbulence des adolescents pleine figure. Seuls s’en sortent, certains maîtres chez qui l’on décèle une autorité calme, sereine, sûre d’elle et que l’on dit parfois naturelle.

Ministre putatif en cas de victoire de Marine Le Pen

Roger Chudeau, le député Rassemblement national en charge des questions d’éducation, semble avoir été de ces enseignants-là. Quand le maître arrive dans le café où nous avons rendez-vous, tout le monde se lève. Pas bégueule, le patron nous remet une tournée ainsi qu’à ses collaborateurs. Nouveau député du Loir-et-Cher depuis les législatives de 2022, l’homme en est à son premier mandat mais semble déjà savoir y faire. En novice, il nous raconte l’apprentissage du métier d’élu, de fêtes de village en célébrations officielles… Cet ancien haut responsable du ministère de l’Éducation nationale a connu rue de Grenelle les cabinets ministériels. Agrégé d’allemand, il a longtemps enseigné. Fort de ce CV, il est aujourd’hui présenté comme ministre putatif de l’Éducation nationale en cas d’élection de Marine Le Pen.

A lire aussi: Jordan Bardella: «Je suis l’enfant de la génération 2005-2015»

Aussi, la discussion prend un tour assez grave. L’élu fait sien la dénonciation de « l’état désastreux du système éducatif ».  « Je ne parle pas d’anecdotes mais de choses de fond : ascenseur social bloqué, école en morceaux, des élèves qui ne savent plus lire et écrire… » Il cite au passage notre chroniqueur Jean-Paul Brighelli dont l’ouvrage, La fabrique du crétin avait alerté l’opinion publique sur la panade de l’école française. Même diagnostic que l’essayiste : « L’esprit 68 est un peu déclencheur de l’affaire. Il a fait sauter le bouchon d’académisme un peu sérieux qui restait dans l’institution. On est entrés dans une période qui voulait faire du passé table rase. Tout a été aplati, rendu incompréhensible pour la génération d’avant : les exercices de français, de mathématique. On a alors commencé à envisager le savoir, la langue, la logique comme des structures de domination » énonce-t-il. Puis il balance une synthèse : « le structuralisme : un bordel ». Passé le constat il énonce un véritable plan de redressement : refonte des programmes, de la formation (« Les INSPE, instituts de formation des maitres souvent accusés de dérives pédagogistes, sont une catastrophe nationale »), écrémer le secondaire au moyen d’examens de passage (« on redonne du sens à l’activité éducative et une validité académique au diplôme ») et surtout recentrer l’école sur sa mission première : « il y a plusieurs centaines d’objectifs qu’on assigne à l’école sur le site du ministère, certaines sont fantaisistes : maitriser l’informatique, planter des arbres… Je propose d’assigner à l’école ses deux missions essentielles : transmettre des savoirs, transmettre des valeurs ».

Et les bonnes manières ?

Son programme est connu. Il a su la populariser avec quelques coups d’éclat bien sentis.  Le 21 septembre dernier, les députés de la NUPES invitaient en audition à la commission des affaires éducatives et culturelles de l’Assemblée nationale les syndicats enseignants. Gonflés par la complaisance de leurs hôtes, les syndicalistes sermonnent les députés, ironisent sur leur absentéisme, leur indifférence supposée aux enjeux d’éducation.  Un ton que Roger Chudeau n’a pas apprécié. Le maître sort sa règle et tape : « Le fait que vous vous permettiez de nous faire une leçon de respect de démocratie est totalement ridicule et totalement déplacé… Si vous voulez que l’année prochaine on se retrouve, ce qui n’est pas certain, je voudrais que vous vous mettiez au niveau et que vous baissiez d’un ton ». Vexés, les syndicats ont alors quitté la commission : « Je leur ai dit leur fait, je leur ai rappelé qu’ils étaient des enfants mal élevés » raconte l’élu. Le député redevient volontiers professeur : il redresse les torts, corrige quand cela est nécessaire, gronde quand on déroge au savoir-vivre.  Roger Chudeau est un homme qui a du style et des idées. Il a même – et ce n’est pas si fréquent – le style des idées qu’il défend. Pour mieux le cerner – et parce que le style c’est l’homme – nous l’écoutons discourir sur sa méthode d’enseignant : « Je mettais les choses au point en début d’année à ma façon. Et de manière catégorique. N’allant pas jusqu’à l’indignation. Après avoir jeté ce petit froid. Je détendais l’atmosphère au fur et à mesure. Finalement, je finissais familier avec l’élève. » Devenu principal de collège au bout de huit ans, il a pris goût « à l’autorité et pourquoi ne pas le dire au commandement ».

À lire aussi, Elisabeth Lévy: Accommodement déraisonnable: 52% des lycéens pensent qu’il ne faut pas critiquer les religions

Sa conception du commandement, il peut la résumer en un mot : « la fermeté ». « Je crois dans la majesté de la décision politique » assène celui qui tient l’instruction – au même titre que la défense, la justice, la sécurité – pour un domaine régalien : « elle doit être domaine réservé du président de la République ». Une manière de contourner les syndicats, l’administration et les fameux parents d’élèves et de neutraliser les forces d’inertie et de complaisance qui ont bloqué l’action des anciens ministres. Ancien membre des cabinets de François Fillon et Xavier Darcos, il en fut d’ailleurs un témoin privilégié.

Longtemps terre de mission pour le FN puis le RN, Marine Le Pen a réalisé dans le monde enseignant une percée inattendue avec 22% de suffrages en 2022. L’intransigeance de Roger Chudeau sur la laïcité à l’école ou la sécurité dans les établissements ne sont pas sans échos dans l’actualité : «Le proviseur du lycée Ravel jette l’éponge. Comment lui en vouloir ? Une fois encore l’islamisme aura marqué des points et marqué son territoire qui n’est autre que l’école de la République. » Avec ses annonces tonitruantes (chocs des savoirs, classes de niveau…) l’éphémère ministre de l’Education, Gabriel Attal avait paru lui couper l’herbe sous le pied. Depuis, les déboires d’Amélie Oudéa-Castéra et les hésitations de Nicole Belloubet lui redonnent de l’air : « Elle a elle-même déclaré que la question de l’autorité était une faribole. »  Réussira-t-il ? Il cherche en tout cas à montrer qu’il possède le caractère de la fonction. Pour en avoir le cœur net, nous interrogeons l’homme public sur ses passions privées. L’élu de Sologne est chasseur. En souriant, il nous confie « J’attends chaque année avec impatience l’ouverture ». S’il fallait être plus clair…

« La Bibliothèque du beau et du mal », d’Undinė Radzevičiūtė: tout, tout, vous saurez tout sur la bibliopégie anthropodermique!

Rien de ce qui est pervers n’est étranger à notre chroniqueur… Du moins, c’est ce qu’il croyait, jusqu’à ce qu’il lise ce petit chef-d’œuvre de la littérature lituanienne qu’est La Bibliothèque du beau et du mal : et depuis, il s’est pris manifestement à rêver…


« – Regarde, Axel, cet ouvrage est recouvert de peau humaine.
– Une peau d’homme ? demanda le petit garçon.
– De femme, probablement. Expliqua Walter.
Axel avança un doigt pour toucher le livre et le retira aussitôt.
– N’aie pas peur. Regarde, c’est un téton. Les humains ont ça sur leur poitrine. Toi aussi tu en as deux.
– Non, maugréa Axel, je n’en ai pas.
– Bien sûr sur si, mais les tiens sont plus petits.
– Arrête d’effrayer mon fils ! S’écria Lotta.
– C’est la toute première édition du marquis de Sade, s’émerveilla Walter. Cet exemplaire est couvert de la peau d’une aristocrate guillotinée. »

C’est au tout début de ce roman si particulier, qui mêle en une chaîne bien tressée les événements qui secouèrent l’Allemagne entre 1924 et 1973, et la quête du personnage principal, Walter, qui a hérité d’une bibliothèque bien particulière où certains ouvrages sont reliés en peau humaine — collection qu’il mettra toute son âme et sa fortune à développer au fil des ans, cherchant pour Les Fleurs du mal ou Crime et châtiment des peaux humaines adéquates. Car très vite l’épiderme seul ne lui suffit plus, il veut en surimpression des tatouages originaux correspondant au contenu des livres.
On appelle cela la bibliopégie anthropodermique. Si vous doutez de ce que raconte la narratrice (oui, c’est une femme qui écrit ces délicatesses), l’ouvrage de Sade en question, relié avec une peau humaine authentifiée par le procédé PMF (Peptide Mass Fingerprinting), a été vendu chez Drouot en 2020 pour 45 000 €.
Il y en a d’autres, mais l’interdiction de faire commerce de débris humains gêne considérablement les échanges. Par ailleurs, les peaux humaines en question sont souvent de la basane, une peau de mouton traitée, d’une qualité bien inférieure au maroquin (issu de la chèvre) ou au chagrin (qui vient originellement de l’hémione, âne sauvage d’Asie, mais plus ordinairement de la chèvre).
Et voici que je me prends à rêver d’une peau humaine qui elle aussi viendrait d’un chagrin…

À lire aussi: Nabokov, le choc Lolita

Walter cherche l’adéquation entre l’histoire, le style, et le type de peau pour relier l’ouvrage. « Si un jour il pouvait se procurer la peau d’une baleine blanche, il en couvrirait Moby Dick ! » Pour lui, c’est cela, le Beau : le rapport contigu entre le style et le contenu. On dit en grec καλὸς κἀγαθός, souvent écrit en un seul mot agglutiné, le Beau et le Bon, pour signifier que ce qui est Beau ne saurait être mal. Oui, mais comme dit Baudelaire, justement, Satan est « le plus beau des anges ». La quête du Beau dispense-t-elle de toute morale ?
Problème vertigineux, aujourd’hui tranché par les féministes intersectionnelles et autres starlettes dépitées : ce qui est mal ne peut être beau, et en aucun cas la Beauté n’excuse le Mal.
Ouais…
N’empêche que je rêve de voler un jour à la Bibliothèque nationale l’exemplaire des Liaisons dangereuses, relié en veau blanc, qui appartenait à Marie-Antoinette. Le volume, que j’ai vu lors d’une exposition des livres rares de la Bibliothèque, rue de Richelieu, n’a ni titre ni nom d’auteur, de façon à ce que personne ne sût que la reine lisait de pareilles inconvenances libertines.
Sans être fétichiste, pensez qu’il y a peut-être sur ce livre un reste de l’ADN de la souveraine, qui devait humecter son doigt sur ses lèvres pour tourner les pages…

Le fait que l’histoire de La Bibliothèque du beau et du mal se déroule pendant la République de Weimar — insolvable et en faillite après le traité de Versailles, nous sommes dans le Berlin décadent de Cabaret — et la montée du nazisme n’est pas tout à fait un hasard. Walter traque les épidermes joliment décorés de tatouages afin d’amener leurs légitimes possesseurs à lui faire don, à leur mort, de ce cuir humain pré-décoré. Et peut-être anticipe-t-il la Camarde, après tout, « derrière chaque collection de grande valeur se cache au moins un crime », expliquera-t-il plus tard à Günter Grass. Un individu entièrement couvert de tubéreuses monstrueuses lui semble ainsi tout à fait adéquat pour Baudelaire, tel autre, issu de la mafia russe, sera fort convenable pour Dostoïevski.

À lire aussi, du même auteur: Et maintenant, le djihad scolaire

L’Histoire n’apparaît qu’en contrepoints discrets. Ainsi Lotta, la sœur de Walter, voudrait que « ceux qui se comportent mal soient punis. Le mieux, ce serait de les enfermer quelque part. Dans une réserve. Pour que les principes de notre culture et de notre morale soient définis explicitement et avec autorité. Et que tous obéissent à ces principes. » On se doute qu’elle applaudira des deux mains l’arrivée au pouvoir du petit moustachu autrichien.
Walter pendant ces péripéties s’obstine à chercher les peaux idéales. La jeune Inguès serait la candidate idéale pour les poèmes de Rilke — mais voilà, elle n’aime que le Führer, et finalement, il constate, amer, que « sa peau aurait mieux convenue pour couvrir Mein Kampf. » Comment dit-on « humour noir » en lithuanien ?
C’est un roman fort étrange, écrit par une romancière qui a reçu en 2015 le Prix européen de littérature, dont les récipiendaires sont souvent l’espoir littéraire du Vieux Continent. Et l’occasion, puisque du coup ils sont traduits, de découvrir d’autres horizons que le nôtre, bouché par ces poubelles hexagonales que sont Virginie Despentes, Annie Ernaux, Eric Reinhardt ou Edouard Louis.


PS. Vient de paraître, après Barbara furtuna puis Hosanna in excelsis, le troisième et dernier tome des Terres promises, la saga corse de Gabriel-Xavier Culioli et Jean-Marc Michelangeli. De la destruction du Vieux-Port par les nazis à l’espoir d’une terre promise en Israël, les personnages campés dans les précédents volumes vont au bout de leur destin de sang, de larmes et d’espérances.

Undinė Radzevičiūtė, La Bibliothèque du beau et du mal, Editions Viviane Hamy, mai 2024, 352 p.

La Bibliothèque du Beau et du Mal

Price: 23,50 €

15 used & new available from 2,46 €

Accommodement déraisonnable: 52% des lycéens pensent qu’il ne faut pas critiquer les religions

0

En précisant qu’il n’entendait pas en faire une « arme politique ou culturelle », Gabriel Attal a défendu la laïcité lors d’un déplacement au Canada. « J’ai affirmé un attachement très fort, qui est celui de la France, à la laïcité. Nous avons cette même approche en partage », a déclaré vendredi le Premier ministre français lors d’une conférence de presse avec le Québécois François Legault.


En déplacement dans la Belle Province, le Premier ministre n’a pas crié « Vive le Québec libre !» comme le Général de Gaulle en 1967 mais il a vanté la laïcité, modèle que France et Québec ont selon lui en partage. En réalité, la laïcité québécoise est beaucoup plus souple que la nôtre – pour ne pas dire molle. La Loi 21 (votée en 2019) interdit là-bas le port de signes religieux aux seuls agents de l’Etat. Et pourtant, elle suffit à exaspérer le reste du Canada. Les nôtres ulcèrent le reste du monde.

La laïcité partout et nulle part

En France, la laïcité est indissociable de l’histoire de la République (« laïque » est d’ailleurs le septième mot de notre Constitution). On aime penser que la laïcité est l’arme fatale contre l’islamisme et le séparatisme. Dès qu’un problème survient, c’est-à-dire quotidiennement désormais, on dégaine le mot magique: nous avons des référents laïcité, des cours de laïcité, il y a des prix laïcité, une Journée de la laïcité dans la Fonction publique. En Occitanie, Carole Delga crée un Conseil régional de la laïcité. Bref tout le monde est laïque !

À lire aussi, Jean-paul Brighelli: Et maintenant, le djihad scolaire

Visiblement, cela n’impressionne pas les Frères musulmans et autres propagandistes de l’islamisme d’atmosphère qui imprègne à des degrés divers une majorité de jeunes musulmans – massivement hostiles à la loi de 2004.

Faut-il en conclure que la laïcité est dépassée ?

Non. À condition de s’entendre sur ce qu’elle est.

Si le mot est très galvaudé, la laïcité est un régime juridique et un esprit qui demandent aux religions ou aux identités particulières de céder devant la loi commune et l’identité nationale et d’être discrètes dans l’espace public.

Or, le progressisme voudrait accommoder la laïcité à la sauce multiculti. En faire un concept aussi sucré, gentillet et inopérant que le « vivre-ensemble ». Il dénonce ainsi en permanence une laïcité de combat qui serait « islamophobe ». Cette idéologie McDo (« Venez comme vous êtes ») est très puissante chez les professeurs et les jeunes. Tous les sondages convergent et doivent nous alarmer. Selon les chiffres de l’IFOP et de la Licra, 52 % des lycéens sont favorables au port des signes religieux (contre 25 % dans la population générale). Ce chiffre monte même à 76% chez les lycéens qui se disent musulmans. Pire, la même proportion – 52% – est hostile au droit de critiquer les religions. Autrement dit, ils voudraient rétablir le délit de blasphème. Voilà qui est très grave : c’est une manière d’introduire en France de nouvelles mœurs, de nouvelles normes et de les imposer d’ailleurs aux musulmans. Le blasphème commence avec une petite sœur qui ne se voile pas ou parle aux mangeurs de cochon…

La laïcité n’est pas une arme politique ou culturelle, a précisé Gabriel Attal à Québec. Eh bien si ! Et il est temps de s’en servir. Et de proclamer qu’en France, la laïcité, ce n’est pas le « respect » des religions comme on l’entend dire partout bêtement. C’est le droit de s’en moquer, ou comme le dit l’avocat Richard Malka, le droit d’emmerder Dieu.

Le droit d'emmerder Dieu

Price: 10,00 €

46 used & new available from 2,25 €


Cette chronique a d’abord été diffusée sur Sud Radio

Retrouvez notre directrice de la rédaction du lundi au jeudi dans la matinale

L’origine du mérite

Comment devient-on sergent dans la police de Chicago ?


Comme la plupart des services publics américains, le département de police de Chicago oblige ses employés à déclarer une « identité raciale ». En 2004, trois options étaient possibles : Caucasien, Noir ou Hispanique. Recruté cette année-là, Mohammed Yusuf avait choisi la première. Après des années de propagande woko-racialiste, l’administration a décidé de proposer un nouvel assortiment d’identités raciales : Afro-Américain, Hispanique ou Latino, Blanc, Indien ou autochtone de l’Alaska, natif hawaïen ou insulaire du Pacifique… Arguant du fait que les agents du département de police pouvaient dorénavant modifier leur sexe pour le faire correspondre à leur « identité de genre », M. Yusuf a demandé à changer son « identité raciale » : il désire être reconnu comme « Égyptien et Afro-Américain » et dit avoir fait un test génétique prouvant cette hérédité ethno-raciale. Ses supérieurs ayant repoussé sa requête, le policier a intenté un procès à la Ville de Chicago au cours duquel les juges se sont étonnés de son acharnement : pour quelles raisons M. Yusuf tient-il donc tant à changer d’identité raciale ? Et puis ils ont compris : le plaignant aimerait bien, lui aussi, bénéficier de la fameuse « discrimination positive », laquelle profite essentiellement aux Afro-Américains.

A lire aussi : Turquie: Erdogan bousculé

Bien qu’ayant obtenu d’excellents résultats à l’examen pour devenir sergent en 2019, M. Yusuf se plaint de n’avoir toujours pas été promu ; le procès a mis en évidence que, depuis cette date, sur les 75 officiers nommés sergent, cinq seulement étaient « caucasiens » – les autres étaient majoritairement « afro-américains » et certains ont été promus malgré d’évidentes lacunes professionnelles, voire des problèmes de discipline. Sans doute M. Yusuf se fiche-t-il comme de sa première contravention d’être catalogué Blanc, Noir, Indien à plumes ou Ostrogoth à poils. Son rêve était de devenir sergent dans la police de Chicago grâce à son travail et à ses capacités. Au lieu de ça, il le deviendra peut-être un jour uniquement parce qu’il aura su surfer sur la vague racialiste victimaire. Ce qui n’est ni juste ni glorieux – mais à qui la faute ?

Les Gobeurs ne se reposent jamais

Price: 22,00 €

6 used & new available from 22,00 €

Quand les ministres ne sont pas là…

Dur, dur d’être ministre ! Qu’ils soient en exercice ou en reconversion, les parlementaires ne les ratent jamais. Et s’il n’y avait que nous…


Salon de l’agriculture

Un salon assurément haut en couleur. Vous avez encore tous en tête l’inauguration mouvementée (et pleine de CRS) d’Emmanuel Macron, suivie des deux jours de « perches à selfies » avec Jordan Bardella. Puis, le Premier ministre et sa visite surprise avant, le mercredi, le tour de Marine Le Pen. Il lui fallait évidemment pouvoir rivaliser avec le jeune président de son parti, qui avait reçu, deux jours plus tôt, un accueil chaleureux. La veille au soir, selon les dires de Libération, un message avait donc été adressé aux adhérents du parti pour les « convier » à « rejoindre » le salon et « accompagner » Marine Le Pen porte de Versailles. Message qui se terminait ainsi : « Veuillez noter que les frais d’entrée ainsi que les repas seront à votre charge. » Il n’y a pas de petites économies…

Dur d’être ministre…

Parmi les obligations des ministres, être présent aux séances de « Questions », les mardi et mercredi à l’Assemblée nationale et au Sénat…Et de préférence, y répondre ! Le 28 février dernier, la députée LR Nathalie Serre a interrogé le gouvernement sur la possible installation du village olympique saoudien, dès le 10 mai et pour quatre mois, dans l’enceinte de l’Hôtel national des Invalides. Quel ministre va donc répondre ? Amélie Oudéa-Castéra, ministre des Sports, semble bien placée, mais elle refuse. Déjà eu son compte de polémiques… Les ministres de la Défense et de l’Intérieur sont alors pressentis. Mais Sébastien Lecornu et Gérald Darmanin sont absents, et la tâche retombe sur leurs secrétaires d’État, Patricia Mirallès pour Lecornu et Sabrina Agresti-Roubache pour Darmanin. Pendant que la députée Serre pose sa question, la décision est prise : ce sera Agresti-Roubache. Mais elle ne l’entend visiblement pas de cette oreille, se lève et sort de l’hémicycle en faisant semblant de téléphoner… C’est donc la secrétaire d’État aux Anciens combattants–pas de chance ! –qui s’y colle, mais sans avoir en main la « bonne » fiche préparée par le cabinet du ministre. D’où son famélique « aujourd’hui, rien n’est concret et rien n’est fait. Je comprends vos interrogations, mais je ne répondrai pas sur des choses qui ne sont pas faites ni signées. » Une non-réponse qui a visiblement agacé jusqu’à la présidente de l’Assemblée, puisque celle-ci a jugé bon de rappeler « qu’il faudrait vraiment que les ministres répondent aux questions que lui pose le Parlement. » Ce n’est pas moi qui l’ai dit !

A lire aussi : Jordan Bardella: «Je suis l’enfant de la génération 2005-2015»

Clause de conscience

Le 4 mars, le Congrès s’est réuni à Versailles pour inscrire l’IVG dans la Constitution. Je fais partie des 72 élus qui ont voté contre. J’ai eu l’occasion d’expliquer pourquoi je trouvais cette inscription « inutile et dangereuse », notamment pour la clause de conscience du personnel médical. Ça n’a pas traîné. Dès le lendemain, le député insoumis Manuel Bompard plaidait pour supprimer cette clause de conscience des médecins qui constitue selon lui « un obstacle, une entrave » à l’effectivité du droit à l’IVG. Même chose du côté du Planning familial qui, dans son plan stratégique pour 2023-2025, milite pour la suppression de la « double clause de conscience » des médecins pour combattre « la stigmatisation de l’avortement ». Et souhaite une « harmonisation des délais européens à vingt-quatre semaines d’aménorrhée [délai le plus long actuellement en vigueur dans l’UE, soit un bébé d’environ cinq mois dans le ventre de sa mère] », les délais actuellement en vigueur étant jugés « trop courts » et porteurs « d’inégalités ». Inutile et dangereux, vous disais-je…

Discrimination capillaire

Le mercredi 27 mars, une proposition de loi sera examinée à l’Assemblée visant à « reconnaître et à sanctionner la discrimination capillaire »… Vous avez bien lu. Si vous l’ignorez, il s’agit de voler au secours des femmes noires qui se défrisent, paraît-il, pour être dans la norme. Dans l’exposé des motifs, une sociologue, Juliette Sméralda, explique que « le défrisage change l’image corporelle et l’apparence. On aplatit un cheveu qui mérite de vivre, on l’assassine, on le dénature… » En Grande‑Bretagne, une étude réalisée en 2009 a également montré qu’une femme blonde sur trois se colorait les cheveux en brun afin d’augmenter ses chances professionnelles et « avoir l’air plus intelligente » en milieu professionnel. Eh oui, à l’Assemblée aussi on coupe les cheveux en quatre !

A lire aussi : Les confidences gênantes de l’ex de François Ruffin

Panique

À Bercy, l’heure n’est pas à la rigolade. Au lieu des 4,9 % attendus (contre les 4,4 % espérés), on se rapprocherait finalement plutôt des 5,6 % de déficit, un chiffre jamais atteint sous la Ve République hors récession et hors crise ! Un véritable tremblement de terre ! Avec, à la clef, une dégradation de la note de la dette française… De quoi faire paniquer Bruno Le Maire ? Pensez-vous… Le 19 mars dernier, lors des questions au gouvernement, il répond en effet ceci : « Nous rétablissons calmement, fermement et sereinement les comptes publics. » À l’Élysée en revanche, on est un peu moins serein. Alors que le ministre de l’Économie sort son sixième livre en sept ans, dans lequel il appelle à la « fin de l’État providence », il paraît qu’Emmanuel Macron a peu goûté la chose. Considérant que son ministre « a raison sur la relance économique et les réformes à faire », il aurait ajouté : « Il devrait en parler à celui qui est ministre de l’Économie et des Finances depuis sept ans. » Sans blague…

Reconversion

Olivier Véran, neurologue de formation, ancien ministre de la Santé connu pour ses déclarations sur les masques « inutiles » en pleine crise du Covid, a repris le chemin de l’université pour s’orienter vers « la médecine esthétique ». Dans le but d’intégrer la clinique parisienne privée des Champs-Élysées, fief des stars de téléréalité, apprend-on. Un choix qui n’a pas manqué de faire réagir, tant l’ancien ministre était connu pour ses perpétuelles leçons de morale. Certains de ses confrères ont ainsi pointé du doigt son manque d’exemplarité, d’autres dénoncé un « choix financier ». Un petit détour vers le site de ladite clinique permet de se rendre compte des actes et tarifs pratiqués : augmentation des fessiers, 2 800 à 8 900 euros ; amplification du point G,700 à 1 500 euros ; épaississement du pénis, 2 500 à 4 500 euros, etc. « Quoi que je fasse, il y aurait eu des critiques », s’agace-t-il. À force de tendre le bâton…

Dernier baroud d’honneur

À l’occasion de l’anniversaire des « 50 ans » de la Citroën CX, Monsieur Nostalgie évoque cette oblongue berline au charme gaullo-giscardien, dernière salve avant l’austérité, dernière fantaisie automobile avant le carcan du cahier des charges.


Après elle, plus rien n’a été pareil. Les crises ont scellé durablement notre existence. Les politiques ont emprunté le langage de la raison et de la com’, le sabir des vaincus. Les managers ont remplacé les capitaines d’industrie en dépeçant nos usines. Les élites ont abandonné les Humanités au profit des « conf call ». Les synthés ont supplanté la guitare sèche en faisant l’impasse des paroles dans les chansons. Les écrivains ont pris goût aux studios télé et les acteurs, leur carte d’abonnement dans les ministères.

Une parenthèse entre deux mondes

Bientôt Montand se prendra pour Tapie, et Renaud pour le Che. La CX, présentée à la fin de l’été 1974, est la parenthèse entre deux mondes, la fin du gaullisme sur fond de révolution sexuelle, le triomphe du marché sur les chaînes de montage et l’avant-gardisme fracassé sur le mur des économies d’échelle. Pompidou est mort. Les ouvriers vivent leur dernier quart d’heure de célébrité. VGE est à la barre. Mitterrand ronge son frein. Son tour viendra. Le nouveau monde ressemble à l’ancien en plus décomplexé et vorace, en plus plastique et mouvant, en plus doucereux et pernicieux. Cette CX arrive au pire moment. Elle est pourtant l’héritière de la DS, l’incarnation du haut de gamme à la française quand le style et la technologie étaient les mamelles de la croissance. On attend beaucoup d’elle. Elle porte le poids des chevrons sur son capot, toute la lyre, le Petit-Clamart et le Grand Charles. À la veillée, dans les chaumières, on raconte sa genèse, comment ce jour de 1955 au salon de l’Auto, sous les verrières du Grand Palais, elle est apparue, mi-soucoupe volante, mi-déesse de la route, aux yeux des mécréants du monde entier. Le journaliste des actualités télévisées parlait alors « d’une ligne hardie ». On prétend que les premiers propriétaires de DS 19 ont été déroutés par sa direction assistée et sa suspension hydropneumatique. La CX n’aura pas la même rampe de lancement et le même engouement populaire quoiqu’elle se vendra à plus d’un million d’exemplaires et obtiendra le prix de la Voiture de l’année en 1975. Le ciel s’est assombri sur nos démocraties. Deux ans avant le meurtre du petit Philippe Bertrand, la France a déjà peur. Guerre du pétrole et Trente Glorieuses en capilotade, l’heure est au serrage de boulons et au tour de vis budgétaire. Fini la récréation ! Fini les vacances au Crotoy ! Fini la Nationale 7 et ses platanes tentateurs ! Place aux autoroutes de l’information et aux cures d’amaigrissement.

A lire aussi: La boîte du bouquiniste

Un modèle qui ravit les citroënistes activistes

La CX est chère au cœur des citroënistes car elle est considérée comme la dernière production maison avant le rachat par Peugeot. Certaines prises de contrôle ne passent toujours pas, un demi-siècle plus tard. En catastrophe, la CX qui est dans les cartons depuis quelques années doit impérativement sortir et oublier ses rêves de motorisations nobles ou innovantes. Un bon « quatre cylindres » fera l’affaire. Elle n’en demeure pas moins une vraie Citroën avec ses codes esthétiques et sa mystique moderniste. On adhère à sa ligne ou on la rejette d’emblée. La CX n’est pas faite pour les centristes mous. Elle déploie sa propre dramaturgie, son propre vocabulaire, sa sérénité soyeuse, avec cette singulière différence qui émeut. J’entends encore mon beau-frère, citroëniste activiste, me parler de la lunule (tableau de bord), de son éclat et de son onde mystérieuse, comme s’il récitait du Rimbaud. Il peut disserter à l’infini sur le sujet des pneus TRX. La CX est un univers à part, incompréhensible pour les rationalistes enferrés. Notre regard s’est déshabitué à son profil dans les rues, ne subsistent que quelques souvenirs d’ambulance à la campagne et d’une Prestige élyséenne. On a oublié sa pureté originelle surtout la première série de cette routière, fluide et tourmentée à la fois, squale dévorant l’asphalte, anticonformiste et effilée dans la marée des SUV replets et satisfaits d’eux-mêmes.

Lorsque l’on croise son regard à nouveau dans « L’Alpagueur », « La Balance », dans un Derrick, Tatort ou même un obscur Schimanski, on revit. Dans « Trois hommes à abattre », une CX 2400 Super néo-polardeuse apparaît. Ultime morceau de bravoure. Au niveau des échangeurs de la Défense, elle est poursuivie par la rageuse Lancia Gamma d’un Alain Delon passablement énervé. On tremble pour elle.

Éloge de la voiture

Price: 18,90 €

22 used & new available from 1,20 €

Monsieur Nostalgie

Price: 17,00 €

11 used & new available from 12,89 €

Tant qu’il y aura des films

0
© Petit Film et France 3 cinéma

Une prison, un collège, un pays : trois films à l’affiche, trois lieux, trois façons de voir le monde. Le cinéma n’en finit pas de s’interroger sur nos sociétés, quitte même à inventer une guerre civile. Mais le réel lui va beaucoup mieux.


Tragique

Borgo, de Stéphane Demoustier, sortie le 17 avril.

On avait déjà apprécié les grandes qualités cinématographiques de Stéphane Demoustier lors de la sortie de son précédent et troisième long métrage, La Fille au bracelet. Un « film de procès » bigrement efficace avec Roschdy Zem et Chiara Mastroianni dans les rôles principaux, sans oublier Anaïs Demoustier, la sœur du cinéaste, plus que parfaite dans le rôle d’une avocate générale particulièrement impitoyable. Une ténébreuse histoire d’adolescente dont on doute jusqu’au bout de l’innocence ou de la culpabilité dans une affaire de meurtre. La mécanique scénaristique se révélait redoutable et la réalisation, manipulatrice à souhait. Avec Borgo, Demoustier semble franchir une étape supplémentaire dans la maîtrise. Il faut dire qu’il s’est emparé d’un incroyable fait divers que l’on croirait tout droit sorti de l’imagination trop fantasque d’un… scénariste. Mais non, le film suit fidèlement la réalité en l’édulcorant même un peu, ce qui est normal, dans la mesure où ladite affaire n’a pas, à ce jour, trouvé sa résolution judiciaire définitive.

© Petits Films

La principale protagoniste est en prison et risque de le demeurer pour de longues années. Sa faute ? Avoir désigné une cible à deux tueurs à gages. Savait-elle alors ce qu’elle faisait ? Pouvait-elle vraiment l’ignorer ? Demoustier reprend ici l’interrogation qui traversait déjà son précédent film. Mais cette fois, le contexte est plus sensible et politique. Tout simplement parce que le film, comme l’histoire dont il s’inspire, se déroule en Corse, autour de la prison de Borgo, au sud de Bastia, bien connue pour sa population carcérale composée en grande partie de militants nationalistes, et réputée pour un certain laxisme dans sa gestion quotidienne.

A lire aussi : Un prof jeté aux chiens

C’est donc l’histoire d’une surveillante de cette prison un peu particulière qui, venue du continent avec mari et enfant, va peu à peu se laisser approcher, à l’extérieur, par un groupe de militants politiques armés résolus à éliminer un « traître ». Demoustier décrit avec beaucoup de finesse et d’intelligence cette manipulation. Tout a déjà mal commencé pour le couple en question : le lendemain de leur installation dans une cité bastiaise, ils découvraient un régime de bananes déposé sur leur paillasson par un « aimable » voisin, mis en verve par la peau noire de l’époux de la surveillante…

Cette allusion à un racisme insulaire indéniable n’a pas plu. Elle explique sans doute que fin 2023, une projection du film en avant-première à Bastia ait été perturbée par une alerte à la bombe. C’est qu’aux yeux de certains Corses, ce film appuie là où ça fait mal.

Stéphane Demoustier fait donc preuve d’un réel courage à décrire une réalité sous tous ses angles, sans rien cacher de ses aspects les plus rugueux, voire les plus inquiétants, tandis que le double spectre de la dérive mafieuse et de la tentation indépendantiste semble mener le bal. Le film est en outre porté par l’incandescence de son actrice principale, l’impeccable Hafsia Herzi, découverte en son temps dans La Graine et le Mulet par le désormais aussi proscrit que talentueux Abdellatif Kechiche. C’est aussi grâce à elle que Borgo se détache nettement du lot de la production française actuelle en nous tendant un miroir sans concession.


Glaçant

Amal, un esprit libre, de Jawad Rhalib, sortie le 17 avril.

Les films sur l’éducation ont envahi les écrans depuis quelques semaines et, au regard de leurs qualités, on s’en réjouit. À une ou deux exceptions près, ils jouent tous cartes sur table, comme si les assassinats de Samuel Paty et de Dominique Bernard avaient ouvert les yeux de certains cinéastes. Finies les caricatures, bienvenue à la peinture complexe d’un milieu en pleine dépression. Amal, un esprit libre nous vient de Belgique. On se frotte les yeux, en effet, lorsqu’on découvre les réalités du système éducatif de nos voisins.

© UFO distribution.

A lire aussi : Initiales C.C

Le film raconte l’histoire d’une prof harcelée et menacée au sein de son collège. Loin de bénéficier de la solidarité de ses pairs, elle doit au contraire faire face à une administration pour le moins démissionnaire et, surtout, à la présence dans l’équipe enseignante d’un imam, prof de religion parmi d’autres, et qui ne recule devant rien pour mener sa mission prosélyte. On assiste avec effarement à cette défaite de la laïcité éducative qui conduit au pire.


Sanglant

Civil War, de Alex Garland, sortie le 17 avril.

D.R

Le titre de ce film affiche une belle promesse, Civil War (« Guerre civile »). Hélas, elle n’est pas tenue. Le réalisateur prend la direction trop facile du film dit de survie, soit quatre personnages embarqués dans un véhicule au beau milieu de la tourmente d’un pays, les États-Unis, en proie à une guerre civile donc. Quatre reporters de guerre qui plus est – le cinéma américain adore ces figures héroïques de journalistes confrontés au pire et censés incarner la liberté… Quel dommage de délaisser à ce point l’approche politique de ce sujet : on ne sait rien des fondements de ce conflit qui replonge les Américains dans une guerre de Sécession. Rien sur les forces en présence. Rien sur les discours développés par les deux camps. On a juste droit à une vision banalement paranoïaque de l’histoire en mouvement. Le réalisateur passe allègrement à côté de ce qui aurait pu être un grand film politique, ambition sacrifiée sur l’autel du spectaculaire, et même du sanguinolent à la Tarantino, ce qui, ici, frise l’indécence.

Maudits nobles

0
La romancière Muriel de Rengervé. DR.

Normalienne et historienne, un temps spécialiste du centrisme et des années Pompidou avant de prêter sa plume à divers hommes politiques, Muriel de Rengervé a publié deux romans, un essai courageux sur L’affaire Millet, Une critique de la bien-pensance. Son troisième roman, Grandeur et misère des Caligny, dépeint avec un rare brio et dans un style classique la déchéance d’une famille noble, des années 60 à nos jours. Cette fiction est à l’évidence nourrie d’expériences sans rien de livresque, même si, parfois, Proust, Flaubert et Balzac, sus par cœur, sont cités de manière un tantinet appuyée.

En effet, la narratrice, devenue noble par mariage, comme Muriel de Rengervé, est issue de la classe moyenne, d’où son regard distancé et lucide sur une caste – ou ce qu’il en reste. Tout commence par l’arrivée de la narratrice dans la masure où est mort, dans la plus crasseuse des misères, le comte Gabriel de Caligny. L’accompagne son époux, Guillaume, le fils du défunt, une sacrée figure qui « avait le caractère suranné d’une tapisserie de haute lisse ».

Un couple odieux

Ce couple encore jeune va passer une semaine à déblayer les décombres d’une vie, lettres jaunies, livres souillés, meubles saccagés – ce qui reste d’un long déclin. Le comte et Claudia, sa très-dispendieuse épouse, disparue bien avant lui, ne firent rien de leur existence sinon se lancer dans des projets absurdes et jeter l’argent par les fenêtres.

A lire aussi, François Kasbi: Le Divin Chesterton

Lui, « un homme au talent rare qui ne réussit jamais rien de grandiose, tour à tour impressionnant et ridicule, charmant et égocentrique, naïf et destructeur, cultivé et infantile, visionnaire et réactionnaire, artisan et poète ». Elle, une sotte qui emprunte pour s’offrir des manteaux de fourrure alors que ses enfants sont des va-nu-pieds à l’hygiène douteuse. Le hic est que ces enfants prennent tôt conscience de n’être pas aimés.

C’est ici que  ce roman s’affirme d’une puissante originalité, car l’auteur aurait pu se contenter d’une fresque haute en couleurs d’une famille noble qui, refusant de s’adapter à une société ignoble au sens strict, celle des années 60 et 70, sombre avec panache. Cliché rassurant, non dépourvu de charme…

Une malédiction

Rengervé préfère à juste titre décrire ce qu’elle voit : un couple odieux, fou d’orgueil, une paire lamentable de ratés, incapables d’aimer leurs enfants et, a fortiori leurs petits-enfants. Le sang bleu était-il vicié une génération plus tôt ? Surtout, la narratrice se pose la terrible question : son mari, « âme sombre à jamais », le fils de Gabriel, transmettra-t-il la malédiction des Caligny à sa descendance ? La puissance du destin est-elle sans limite ? L’amour permet-il une sorte de salut ?

Muriel de Rengervé, Grandeur et misère des Caligny, La Mouette de Minerve, 222 pages.

Grandeur et misère des Caligny

Price: ---

0 used & new available from

La friandise art contemporain du jour

0
DR.

Nicole Esterolle déniche des pépites de l’art contemporain. De quoi faire trembler les maîtres anciens… Aujourd’hui, le récit de la performance de l’artiste Pol Pi.


C’était un grand moment d’intersectionnalité des luttes minoritaristes : l’artiste Pol Pi, performeur transgenre et transdisciplinaire, a courageusement déconstruit le « male gaze » ou regard du mâle…

En échos à cette performance forcément transgressive, intitulée MeToo, Galatée, qui a eu lieu dans le cadre du forum du Centre Pompidou en 2020, Luce Coquerelle-Giorgi, jeune critique d’art et membre de la YACI (Young Art Critics International), a relaté l’événement. La pépite, c’est aussi son texte1.

Son sexe nous regarde le regarder

« Rituel dionysiaque ou catharsis libératrice ? Avec sa performance récente au Centre Pompidou, MeToo, Galatée, Pol Pi déconstruit avec humour et sensibilité l’idéal féminin, tout en dénonçant la violence des diktats de beauté et du male gaze. Nu, il expose son corps, ses jambes, son ventre, ses fesses… Son sexe ? Entre ses jambes, il place un téléphone portable, caméra tournée vers le public voyeur. La foule aussi est filmée, observée. Il s’assoit sur un socle, écarte les jambes, nous regarde le regarder. Le rite peut commencer. »

Le rite consiste en une étrange et indigeste confection de colliers de fraises, de coiffe de bananes et de bracelets de poivrons que le public est invité à partager. « Mélangés à du gel hydroalcoolique, ces éléments organiques évoquent le lexique sexiste employé par certains hommes pour parler des femmes comme des objets de consommation « que l’on dévore du regard ». Ce regard à la fois inquisiteur et lubrique est le symbole de la violence patriarcale. » Ah, c’est donc ça !

Mais ce n’est pas fini. Notre jeune critique frise l’orgasme woke lorsqu’elle se dit « ivre de cette performance, de cette délicatesse bouleversante de Pol Pi et de son public, qui se tiennent ensemble, sous le regard perplexe de l’ancien monde. »

Va pour la rengaine MeToo, qui devient finalement un classique, mais quid de Galatée dans cette affaire ? Où trouver cette nymphe mythique connue pour avoir la peau blanche comme du lait ? Dans cette affirmation de Pol Pi à ses idolâtres : « Non, un homme ne me définit pas, ma maison ne me définit pas, ma chair ne me définit pas, je suis mon propre chez moi. » Nous n’aurons pas la réponse alors que s’achève ainsi la performance. Nous n’y étions pas, fions-nous donc au jugement perspicace de la jeune critique : « C’était là, c’était beau. » Une nouvelle fois, l’art contemporain, à l’instar de sa critique, nous démontre malheureusement qu’il a de beaux jours devant lui.

L'art n'a jamais été aussi contemporain qu'aujourd'hui

Price: 22,00 €

7 used & new available from 19,00 €

  1. https://yaci-international.com/fr/galatee-emancipee/ ↩︎

«Il y avait des personnes radicalisées dans les groupes que j’ai côtoyés»

0
Pauline Condomines © François Delauney

La journaliste Pauline Condomines s’est infiltrée au cœur des réseaux d’extrême-gauche pendant six mois pour Livre noir. Rencontre.


Causeur. Concrètement, comment avez-vous fait ? Avez-vous seulement été une militante de base, ou avez-vous vu tout l’échelon stratégique et eu accès aux lieux de prises de décision ?

Pauline Condomines. Je me suis intégrée dans les groupes petit à petit. Il faut savoir que c’est une galaxie. Pour les « Soulèvements de la Terre », j’ai eu par exemple à parler de mes anciens engagements pour en faire partie, et ainsi de suite. Pour l’organisation « Urgence Palestine », j’ai dû rejoindre des petits groupes locaux, participer jusqu’à ce que l’opportunité se présente et que je rejoigne le comité national. Tout cela m’a finalement amenée à participer à des actions plutôt intenses : bloquer une route, attaquer l’enseigne Carrefour ou encore dormir dans une ZAD !

Quels sont les codes de ces milieux ? Comment s’assimile-t-on dans un mouvement radical d’extrême gauche ?

Il y a une culture de l’anonymat. Dans beaucoup de groupes, tu peux donc te présenter sous pseudonyme. Et il y a des codes assez particuliers avec lesquels il faut vite te familiariser – ces gens vivent dans un monde très étonnant. Par exemple, dans l’écologisme, ils parlent notamment en langage silencieux, en exécutant différents gestes pour signifier différentes choses, comme « je suis d’accord ; je voudrais parler ; je voudrais parler en deuxième ; faire silence » etc., ce qui est assez infantilisant pour des adultes ! Rien à voir avec « Urgence Palestine », où les rapports sont beaucoup plus virils et frontaux lors des réunions.

Pendant vos nombreuses sorties ou vos actions, avez-vous apprécié des aspects ou certaines idées de ces collectifs ? Avez-vous fini par être convaincue par certaines causes ?

Malgré mon habitude à fréquenter ces milieux, j’ai toujours eu peur d’être identifiée et démasquée. C’était donc difficile d’apprécier les moments que je vivais. Impossible évidemment de ne pas être touchée par certains jeunes qui s’engagent pour la planète ou des causes que je peux comprendre comme l’A69. Mais, malgré cela, je ressentais une certaine peine à les voir instrumentalisés par la logique intersectionnelle qui les dépasse. Et je ne peux m’empêcher d’imaginer les réactions de ces groupes, notamment « Urgence Palestine », maintenant que mon identité a été dévoilée. Ils doivent se dire que je suis un agent sioniste infiltré, financé et au service d’Israël – ce qui n’est pas le cas ! 

© Pierre Christen

Vous avez fréquenté des milieux assez méfiants, et parfois violents. Est-ce qu’aujourd’hui, en tant que témoin à visage découvert, vous vous sentez en danger ? Avez-vous reçu des menaces ?

Il y a des personnes radicalisées dans les groupes que j’ai côtoyés. Je pense une nouvelle fois à « Urgence Palestine », qui rassemble des personnes violentes et impulsives, car radicalisées. Je n’ai jamais rencontré de personnes aussi extrémistes ailleurs. Nous sommes actuellement en train de remonter le fil des menaces, des poursuites judiciaires seront engagées. Ça va être facile de remonter jusqu’à ces gens. Je pense qu’ils ne me feront rien, et d’ailleurs, je suis très bien protégée. Oui, j’ai reçu des menaces par téléphone. Mais j’ai aussi reçu beaucoup d’encouragements.

En octobre 2023, Nora Bussigny avait publié une enquête après avoir aussi infiltré des milieux militants woke pendant 1 an. La connaissez-vous, et vous a-t-elle aidée ou inspirée ?

Je ne la connais pas personnellement, mais j’ai lu son livre. Lorsque je l’ai lu, cela m’a amusé car elle s’est retrouvée à se lier avec des gens que je connaissais. Notamment Irene Hermoso, une militante espagnole, que Mme Bussigny a rencontrée à la fac : elle présentait des réunions interdites aux cisgenres. De mon côté, j’ai rencontré cette Irene à la Bourse du travail, occupée à organiser ces mêmes réunions interdites aux cisgenres. Sinon, Nora Bussigny m’a beaucoup inspirée, mais je considère ne pas avoir la même démarche. Alors qu’elle était une actrice de ses groupes, je me suis plus présentée comme une petite souris discrète qui se faufile partout… 

A la lecture de votre dossier, on a l’impression que politiquement même LFI et la NUPES sont dépassées par ces mouvements… Est-ce le cas, selon vous ?

Chez Urgence Palestine, en effet, des élus LFI sont venus séduire les militants. Ces élus savent parfaitement qu’ils sont extrémistes, qu’ils font l’apologie du terrorisme, et que leur antisionisme se confond avec leur antisémitisme. Jean-Luc Mélenchon envoie des gages depuis plusieurs années à ces mouvements. On retrouve des thèses équivalentes entre ce qu’il dit publiquement et ce que j’ai entendu en réunions privées. Les LFI essayent de donner des gages subtils à ces gens radicalisés, tout en essayant de maintenir une image lisse. Après on peut en faire l’analyse que l’on souhaite, mais ces militants sont tellement extrémistes et obsédés que personne ne peut réellement porter leur voix… Si ?

Pour ce qui est des ZAD, c’est encore autre chose, elles se revendiquent complètement en dehors du monde, c’est un espace de « non-droit auto-géré » ! Concernant « Dernière Rénovation », les militants ont un profil plus bobo, ce sont des cadres, avec beaucoup de femmes. Et, ils le disent eux-mêmes, il n’y a que « des blancs entre 25 et 35 ans » ! Les « Soulèvements de la Terre » sont aussi très bobos, avec beaucoup de travailleurs du monde associatif, des journalistes, des diplômés d’HEC, etc. La plupart des militants que j’ai côtoyés pendant mon enquête étaient cultivés, éduqués, alors que pour la ZAD, c’est un peu plus varié ; on trouve des jeunes qui ont fait des études, qui sont intellectuels et qui sont là pour « le kiff ». Chez « Urgence Palestine », il y a beaucoup de personnes issues de la culture arabo musulmane, ils organisent leur recrutement dans les mosquées, des tours solidaires pendant le ramadan… Sociologiquement, dans les mouvement infiltrés, il y a aussi des enseignants, des militants décoloniaux, des marxistes et des jeunes étudiants qui étudient en Lettres, en Sciences Sociales… ça reste un milieu où beaucoup de gens sont issus des sciences humaines, de l’art…

Ce que je retiens de mon enquête, c’est la convergence des luttes entre des sensibilités politiques qui n’ont rien à voir, voire qui s’opposent. Il peut y avoir autour d’une même table un islamiste prônant le séparatisme musulman, des militants marxistes, des écolos révolutionnaires antisystème et des féministes. « Urgence Palestine », à l’approche des élections européennes, n’a donné aucune consigne de vote – probablement pour éviter la fragmentation des idéologies.

La plupart de ces organisations sont « gazeuses » et financées par d’autres associations officielles, analysez-vous.

Du point de vue des financements, l’extrême-gauche est vraiment maligne. Beaucoup font en sorte de ne rien déclarer, de rester dans une organisation floue. « Les soulèvements de la Terre » par exemple, sont très opaques, car n’importe qui s’en revendiquant membre, le devient. Et en effet, une association, « Les Amis de la Terre », me semble-t-il, leur permet de recevoir des dons. « Urgence Palestine », c’est la même chose, ils n’ont pas d’existence légale. Ils reçoivent des dons grâce à « La Palestine nous rassemble », laquelle est de plus reconnue d’intérêt général. Elle permet donc d’émettre des reçus fiscaux quand elle perçoit des dons, et donc c’est un manque à gagner pour l’Etat, car c’est déduit des impôts de financer un réseau pro-Hamas… Il y aussi « Dernière Rénovation », qui utilise « Génération Mobilisation », reconnue elle aussi d’intérêt général. Grâce à cette association prête-nom, les militants ont pu louer des locaux en face de l’Hôtel de Ville, ils jouissent de dons défiscalisés et ça ne pose de problème à personne ! Je rappelle que l’essentiel de leurs actions sont pourtant illégales. Ils critiquent le système qui les nourrit.

En plus de convergence de luttes, vous parlez d’« atomes idéologiques crochus ».

D’une manière générale, il y a une haine de l’Occident et une volonté de déstabiliser l’État dans ces mouvements d’extrême gauche.
La haine anti-police est très présente dans ces mouvements, les idées révolutionnaires aussi.
Les féministes pensent qu’elles ont un « privilège blanc », et qu’il faut l’exorciser. C’est un terrible refoulement de soi, par la discrimination positive. Il y a une réelle culpabilité. Le pire est que tous se retrouvent dans le même panier, ils s’utilisent entre eux, leurs moyens sont équivalents, mais pour des intérêts radicalement différents, voire opposés.

Le RN à la conquête des profs

0
Le député RN Roger Chudeau. DR.

Rencontre avec le député de la 2ᵉ circonscription de Loir-et-Cher Roger Chudeau


Le service militaire a beau avoir été suspendu, certains fonctionnaires doivent toujours faire leurs classes ; littéralement quand des enseignants titulaires de leur beau concours, affectés à un premier poste se prennent pour certains la turbulence des adolescents pleine figure. Seuls s’en sortent, certains maîtres chez qui l’on décèle une autorité calme, sereine, sûre d’elle et que l’on dit parfois naturelle.

Ministre putatif en cas de victoire de Marine Le Pen

Roger Chudeau, le député Rassemblement national en charge des questions d’éducation, semble avoir été de ces enseignants-là. Quand le maître arrive dans le café où nous avons rendez-vous, tout le monde se lève. Pas bégueule, le patron nous remet une tournée ainsi qu’à ses collaborateurs. Nouveau député du Loir-et-Cher depuis les législatives de 2022, l’homme en est à son premier mandat mais semble déjà savoir y faire. En novice, il nous raconte l’apprentissage du métier d’élu, de fêtes de village en célébrations officielles… Cet ancien haut responsable du ministère de l’Éducation nationale a connu rue de Grenelle les cabinets ministériels. Agrégé d’allemand, il a longtemps enseigné. Fort de ce CV, il est aujourd’hui présenté comme ministre putatif de l’Éducation nationale en cas d’élection de Marine Le Pen.

A lire aussi: Jordan Bardella: «Je suis l’enfant de la génération 2005-2015»

Aussi, la discussion prend un tour assez grave. L’élu fait sien la dénonciation de « l’état désastreux du système éducatif ».  « Je ne parle pas d’anecdotes mais de choses de fond : ascenseur social bloqué, école en morceaux, des élèves qui ne savent plus lire et écrire… » Il cite au passage notre chroniqueur Jean-Paul Brighelli dont l’ouvrage, La fabrique du crétin avait alerté l’opinion publique sur la panade de l’école française. Même diagnostic que l’essayiste : « L’esprit 68 est un peu déclencheur de l’affaire. Il a fait sauter le bouchon d’académisme un peu sérieux qui restait dans l’institution. On est entrés dans une période qui voulait faire du passé table rase. Tout a été aplati, rendu incompréhensible pour la génération d’avant : les exercices de français, de mathématique. On a alors commencé à envisager le savoir, la langue, la logique comme des structures de domination » énonce-t-il. Puis il balance une synthèse : « le structuralisme : un bordel ». Passé le constat il énonce un véritable plan de redressement : refonte des programmes, de la formation (« Les INSPE, instituts de formation des maitres souvent accusés de dérives pédagogistes, sont une catastrophe nationale »), écrémer le secondaire au moyen d’examens de passage (« on redonne du sens à l’activité éducative et une validité académique au diplôme ») et surtout recentrer l’école sur sa mission première : « il y a plusieurs centaines d’objectifs qu’on assigne à l’école sur le site du ministère, certaines sont fantaisistes : maitriser l’informatique, planter des arbres… Je propose d’assigner à l’école ses deux missions essentielles : transmettre des savoirs, transmettre des valeurs ».

Et les bonnes manières ?

Son programme est connu. Il a su la populariser avec quelques coups d’éclat bien sentis.  Le 21 septembre dernier, les députés de la NUPES invitaient en audition à la commission des affaires éducatives et culturelles de l’Assemblée nationale les syndicats enseignants. Gonflés par la complaisance de leurs hôtes, les syndicalistes sermonnent les députés, ironisent sur leur absentéisme, leur indifférence supposée aux enjeux d’éducation.  Un ton que Roger Chudeau n’a pas apprécié. Le maître sort sa règle et tape : « Le fait que vous vous permettiez de nous faire une leçon de respect de démocratie est totalement ridicule et totalement déplacé… Si vous voulez que l’année prochaine on se retrouve, ce qui n’est pas certain, je voudrais que vous vous mettiez au niveau et que vous baissiez d’un ton ». Vexés, les syndicats ont alors quitté la commission : « Je leur ai dit leur fait, je leur ai rappelé qu’ils étaient des enfants mal élevés » raconte l’élu. Le député redevient volontiers professeur : il redresse les torts, corrige quand cela est nécessaire, gronde quand on déroge au savoir-vivre.  Roger Chudeau est un homme qui a du style et des idées. Il a même – et ce n’est pas si fréquent – le style des idées qu’il défend. Pour mieux le cerner – et parce que le style c’est l’homme – nous l’écoutons discourir sur sa méthode d’enseignant : « Je mettais les choses au point en début d’année à ma façon. Et de manière catégorique. N’allant pas jusqu’à l’indignation. Après avoir jeté ce petit froid. Je détendais l’atmosphère au fur et à mesure. Finalement, je finissais familier avec l’élève. » Devenu principal de collège au bout de huit ans, il a pris goût « à l’autorité et pourquoi ne pas le dire au commandement ».

À lire aussi, Elisabeth Lévy: Accommodement déraisonnable: 52% des lycéens pensent qu’il ne faut pas critiquer les religions

Sa conception du commandement, il peut la résumer en un mot : « la fermeté ». « Je crois dans la majesté de la décision politique » assène celui qui tient l’instruction – au même titre que la défense, la justice, la sécurité – pour un domaine régalien : « elle doit être domaine réservé du président de la République ». Une manière de contourner les syndicats, l’administration et les fameux parents d’élèves et de neutraliser les forces d’inertie et de complaisance qui ont bloqué l’action des anciens ministres. Ancien membre des cabinets de François Fillon et Xavier Darcos, il en fut d’ailleurs un témoin privilégié.

Longtemps terre de mission pour le FN puis le RN, Marine Le Pen a réalisé dans le monde enseignant une percée inattendue avec 22% de suffrages en 2022. L’intransigeance de Roger Chudeau sur la laïcité à l’école ou la sécurité dans les établissements ne sont pas sans échos dans l’actualité : «Le proviseur du lycée Ravel jette l’éponge. Comment lui en vouloir ? Une fois encore l’islamisme aura marqué des points et marqué son territoire qui n’est autre que l’école de la République. » Avec ses annonces tonitruantes (chocs des savoirs, classes de niveau…) l’éphémère ministre de l’Education, Gabriel Attal avait paru lui couper l’herbe sous le pied. Depuis, les déboires d’Amélie Oudéa-Castéra et les hésitations de Nicole Belloubet lui redonnent de l’air : « Elle a elle-même déclaré que la question de l’autorité était une faribole. »  Réussira-t-il ? Il cherche en tout cas à montrer qu’il possède le caractère de la fonction. Pour en avoir le cœur net, nous interrogeons l’homme public sur ses passions privées. L’élu de Sologne est chasseur. En souriant, il nous confie « J’attends chaque année avec impatience l’ouverture ». S’il fallait être plus clair…

« La Bibliothèque du beau et du mal », d’Undinė Radzevičiūtė: tout, tout, vous saurez tout sur la bibliopégie anthropodermique!

0
La romancière lituanienne Undinė Radzevičiūtė. DR.

Rien de ce qui est pervers n’est étranger à notre chroniqueur… Du moins, c’est ce qu’il croyait, jusqu’à ce qu’il lise ce petit chef-d’œuvre de la littérature lituanienne qu’est La Bibliothèque du beau et du mal : et depuis, il s’est pris manifestement à rêver…


« – Regarde, Axel, cet ouvrage est recouvert de peau humaine.
– Une peau d’homme ? demanda le petit garçon.
– De femme, probablement. Expliqua Walter.
Axel avança un doigt pour toucher le livre et le retira aussitôt.
– N’aie pas peur. Regarde, c’est un téton. Les humains ont ça sur leur poitrine. Toi aussi tu en as deux.
– Non, maugréa Axel, je n’en ai pas.
– Bien sûr sur si, mais les tiens sont plus petits.
– Arrête d’effrayer mon fils ! S’écria Lotta.
– C’est la toute première édition du marquis de Sade, s’émerveilla Walter. Cet exemplaire est couvert de la peau d’une aristocrate guillotinée. »

C’est au tout début de ce roman si particulier, qui mêle en une chaîne bien tressée les événements qui secouèrent l’Allemagne entre 1924 et 1973, et la quête du personnage principal, Walter, qui a hérité d’une bibliothèque bien particulière où certains ouvrages sont reliés en peau humaine — collection qu’il mettra toute son âme et sa fortune à développer au fil des ans, cherchant pour Les Fleurs du mal ou Crime et châtiment des peaux humaines adéquates. Car très vite l’épiderme seul ne lui suffit plus, il veut en surimpression des tatouages originaux correspondant au contenu des livres.
On appelle cela la bibliopégie anthropodermique. Si vous doutez de ce que raconte la narratrice (oui, c’est une femme qui écrit ces délicatesses), l’ouvrage de Sade en question, relié avec une peau humaine authentifiée par le procédé PMF (Peptide Mass Fingerprinting), a été vendu chez Drouot en 2020 pour 45 000 €.
Il y en a d’autres, mais l’interdiction de faire commerce de débris humains gêne considérablement les échanges. Par ailleurs, les peaux humaines en question sont souvent de la basane, une peau de mouton traitée, d’une qualité bien inférieure au maroquin (issu de la chèvre) ou au chagrin (qui vient originellement de l’hémione, âne sauvage d’Asie, mais plus ordinairement de la chèvre).
Et voici que je me prends à rêver d’une peau humaine qui elle aussi viendrait d’un chagrin…

À lire aussi: Nabokov, le choc Lolita

Walter cherche l’adéquation entre l’histoire, le style, et le type de peau pour relier l’ouvrage. « Si un jour il pouvait se procurer la peau d’une baleine blanche, il en couvrirait Moby Dick ! » Pour lui, c’est cela, le Beau : le rapport contigu entre le style et le contenu. On dit en grec καλὸς κἀγαθός, souvent écrit en un seul mot agglutiné, le Beau et le Bon, pour signifier que ce qui est Beau ne saurait être mal. Oui, mais comme dit Baudelaire, justement, Satan est « le plus beau des anges ». La quête du Beau dispense-t-elle de toute morale ?
Problème vertigineux, aujourd’hui tranché par les féministes intersectionnelles et autres starlettes dépitées : ce qui est mal ne peut être beau, et en aucun cas la Beauté n’excuse le Mal.
Ouais…
N’empêche que je rêve de voler un jour à la Bibliothèque nationale l’exemplaire des Liaisons dangereuses, relié en veau blanc, qui appartenait à Marie-Antoinette. Le volume, que j’ai vu lors d’une exposition des livres rares de la Bibliothèque, rue de Richelieu, n’a ni titre ni nom d’auteur, de façon à ce que personne ne sût que la reine lisait de pareilles inconvenances libertines.
Sans être fétichiste, pensez qu’il y a peut-être sur ce livre un reste de l’ADN de la souveraine, qui devait humecter son doigt sur ses lèvres pour tourner les pages…

Le fait que l’histoire de La Bibliothèque du beau et du mal se déroule pendant la République de Weimar — insolvable et en faillite après le traité de Versailles, nous sommes dans le Berlin décadent de Cabaret — et la montée du nazisme n’est pas tout à fait un hasard. Walter traque les épidermes joliment décorés de tatouages afin d’amener leurs légitimes possesseurs à lui faire don, à leur mort, de ce cuir humain pré-décoré. Et peut-être anticipe-t-il la Camarde, après tout, « derrière chaque collection de grande valeur se cache au moins un crime », expliquera-t-il plus tard à Günter Grass. Un individu entièrement couvert de tubéreuses monstrueuses lui semble ainsi tout à fait adéquat pour Baudelaire, tel autre, issu de la mafia russe, sera fort convenable pour Dostoïevski.

À lire aussi, du même auteur: Et maintenant, le djihad scolaire

L’Histoire n’apparaît qu’en contrepoints discrets. Ainsi Lotta, la sœur de Walter, voudrait que « ceux qui se comportent mal soient punis. Le mieux, ce serait de les enfermer quelque part. Dans une réserve. Pour que les principes de notre culture et de notre morale soient définis explicitement et avec autorité. Et que tous obéissent à ces principes. » On se doute qu’elle applaudira des deux mains l’arrivée au pouvoir du petit moustachu autrichien.
Walter pendant ces péripéties s’obstine à chercher les peaux idéales. La jeune Inguès serait la candidate idéale pour les poèmes de Rilke — mais voilà, elle n’aime que le Führer, et finalement, il constate, amer, que « sa peau aurait mieux convenue pour couvrir Mein Kampf. » Comment dit-on « humour noir » en lithuanien ?
C’est un roman fort étrange, écrit par une romancière qui a reçu en 2015 le Prix européen de littérature, dont les récipiendaires sont souvent l’espoir littéraire du Vieux Continent. Et l’occasion, puisque du coup ils sont traduits, de découvrir d’autres horizons que le nôtre, bouché par ces poubelles hexagonales que sont Virginie Despentes, Annie Ernaux, Eric Reinhardt ou Edouard Louis.


PS. Vient de paraître, après Barbara furtuna puis Hosanna in excelsis, le troisième et dernier tome des Terres promises, la saga corse de Gabriel-Xavier Culioli et Jean-Marc Michelangeli. De la destruction du Vieux-Port par les nazis à l’espoir d’une terre promise en Israël, les personnages campés dans les précédents volumes vont au bout de leur destin de sang, de larmes et d’espérances.

Undinė Radzevičiūtė, La Bibliothèque du beau et du mal, Editions Viviane Hamy, mai 2024, 352 p.

La Bibliothèque du Beau et du Mal

Price: 23,50 €

15 used & new available from 2,46 €

Accommodement déraisonnable: 52% des lycéens pensent qu’il ne faut pas critiquer les religions

0
Le Premier ministre Gabriel Attal avec le Premier ministre du Québec François Legault, Québec, Canada, 12 avril 2024 © Jacques Boissinot/AP/SIPA

En précisant qu’il n’entendait pas en faire une « arme politique ou culturelle », Gabriel Attal a défendu la laïcité lors d’un déplacement au Canada. « J’ai affirmé un attachement très fort, qui est celui de la France, à la laïcité. Nous avons cette même approche en partage », a déclaré vendredi le Premier ministre français lors d’une conférence de presse avec le Québécois François Legault.


En déplacement dans la Belle Province, le Premier ministre n’a pas crié « Vive le Québec libre !» comme le Général de Gaulle en 1967 mais il a vanté la laïcité, modèle que France et Québec ont selon lui en partage. En réalité, la laïcité québécoise est beaucoup plus souple que la nôtre – pour ne pas dire molle. La Loi 21 (votée en 2019) interdit là-bas le port de signes religieux aux seuls agents de l’Etat. Et pourtant, elle suffit à exaspérer le reste du Canada. Les nôtres ulcèrent le reste du monde.

La laïcité partout et nulle part

En France, la laïcité est indissociable de l’histoire de la République (« laïque » est d’ailleurs le septième mot de notre Constitution). On aime penser que la laïcité est l’arme fatale contre l’islamisme et le séparatisme. Dès qu’un problème survient, c’est-à-dire quotidiennement désormais, on dégaine le mot magique: nous avons des référents laïcité, des cours de laïcité, il y a des prix laïcité, une Journée de la laïcité dans la Fonction publique. En Occitanie, Carole Delga crée un Conseil régional de la laïcité. Bref tout le monde est laïque !

À lire aussi, Jean-paul Brighelli: Et maintenant, le djihad scolaire

Visiblement, cela n’impressionne pas les Frères musulmans et autres propagandistes de l’islamisme d’atmosphère qui imprègne à des degrés divers une majorité de jeunes musulmans – massivement hostiles à la loi de 2004.

Faut-il en conclure que la laïcité est dépassée ?

Non. À condition de s’entendre sur ce qu’elle est.

Si le mot est très galvaudé, la laïcité est un régime juridique et un esprit qui demandent aux religions ou aux identités particulières de céder devant la loi commune et l’identité nationale et d’être discrètes dans l’espace public.

Or, le progressisme voudrait accommoder la laïcité à la sauce multiculti. En faire un concept aussi sucré, gentillet et inopérant que le « vivre-ensemble ». Il dénonce ainsi en permanence une laïcité de combat qui serait « islamophobe ». Cette idéologie McDo (« Venez comme vous êtes ») est très puissante chez les professeurs et les jeunes. Tous les sondages convergent et doivent nous alarmer. Selon les chiffres de l’IFOP et de la Licra, 52 % des lycéens sont favorables au port des signes religieux (contre 25 % dans la population générale). Ce chiffre monte même à 76% chez les lycéens qui se disent musulmans. Pire, la même proportion – 52% – est hostile au droit de critiquer les religions. Autrement dit, ils voudraient rétablir le délit de blasphème. Voilà qui est très grave : c’est une manière d’introduire en France de nouvelles mœurs, de nouvelles normes et de les imposer d’ailleurs aux musulmans. Le blasphème commence avec une petite sœur qui ne se voile pas ou parle aux mangeurs de cochon…

La laïcité n’est pas une arme politique ou culturelle, a précisé Gabriel Attal à Québec. Eh bien si ! Et il est temps de s’en servir. Et de proclamer qu’en France, la laïcité, ce n’est pas le « respect » des religions comme on l’entend dire partout bêtement. C’est le droit de s’en moquer, ou comme le dit l’avocat Richard Malka, le droit d’emmerder Dieu.

Le droit d'emmerder Dieu

Price: 10,00 €

46 used & new available from 2,25 €


Cette chronique a d’abord été diffusée sur Sud Radio

Retrouvez notre directrice de la rédaction du lundi au jeudi dans la matinale

L’origine du mérite

0
D.R

Comment devient-on sergent dans la police de Chicago ?


Comme la plupart des services publics américains, le département de police de Chicago oblige ses employés à déclarer une « identité raciale ». En 2004, trois options étaient possibles : Caucasien, Noir ou Hispanique. Recruté cette année-là, Mohammed Yusuf avait choisi la première. Après des années de propagande woko-racialiste, l’administration a décidé de proposer un nouvel assortiment d’identités raciales : Afro-Américain, Hispanique ou Latino, Blanc, Indien ou autochtone de l’Alaska, natif hawaïen ou insulaire du Pacifique… Arguant du fait que les agents du département de police pouvaient dorénavant modifier leur sexe pour le faire correspondre à leur « identité de genre », M. Yusuf a demandé à changer son « identité raciale » : il désire être reconnu comme « Égyptien et Afro-Américain » et dit avoir fait un test génétique prouvant cette hérédité ethno-raciale. Ses supérieurs ayant repoussé sa requête, le policier a intenté un procès à la Ville de Chicago au cours duquel les juges se sont étonnés de son acharnement : pour quelles raisons M. Yusuf tient-il donc tant à changer d’identité raciale ? Et puis ils ont compris : le plaignant aimerait bien, lui aussi, bénéficier de la fameuse « discrimination positive », laquelle profite essentiellement aux Afro-Américains.

A lire aussi : Turquie: Erdogan bousculé

Bien qu’ayant obtenu d’excellents résultats à l’examen pour devenir sergent en 2019, M. Yusuf se plaint de n’avoir toujours pas été promu ; le procès a mis en évidence que, depuis cette date, sur les 75 officiers nommés sergent, cinq seulement étaient « caucasiens » – les autres étaient majoritairement « afro-américains » et certains ont été promus malgré d’évidentes lacunes professionnelles, voire des problèmes de discipline. Sans doute M. Yusuf se fiche-t-il comme de sa première contravention d’être catalogué Blanc, Noir, Indien à plumes ou Ostrogoth à poils. Son rêve était de devenir sergent dans la police de Chicago grâce à son travail et à ses capacités. Au lieu de ça, il le deviendra peut-être un jour uniquement parce qu’il aura su surfer sur la vague racialiste victimaire. Ce qui n’est ni juste ni glorieux – mais à qui la faute ?

Les Gobeurs ne se reposent jamais

Price: 22,00 €

6 used & new available from 22,00 €

Quand les ministres ne sont pas là…

0
Jacques Witt/SIPA

Dur, dur d’être ministre ! Qu’ils soient en exercice ou en reconversion, les parlementaires ne les ratent jamais. Et s’il n’y avait que nous…


Salon de l’agriculture

Un salon assurément haut en couleur. Vous avez encore tous en tête l’inauguration mouvementée (et pleine de CRS) d’Emmanuel Macron, suivie des deux jours de « perches à selfies » avec Jordan Bardella. Puis, le Premier ministre et sa visite surprise avant, le mercredi, le tour de Marine Le Pen. Il lui fallait évidemment pouvoir rivaliser avec le jeune président de son parti, qui avait reçu, deux jours plus tôt, un accueil chaleureux. La veille au soir, selon les dires de Libération, un message avait donc été adressé aux adhérents du parti pour les « convier » à « rejoindre » le salon et « accompagner » Marine Le Pen porte de Versailles. Message qui se terminait ainsi : « Veuillez noter que les frais d’entrée ainsi que les repas seront à votre charge. » Il n’y a pas de petites économies…

Dur d’être ministre…

Parmi les obligations des ministres, être présent aux séances de « Questions », les mardi et mercredi à l’Assemblée nationale et au Sénat…Et de préférence, y répondre ! Le 28 février dernier, la députée LR Nathalie Serre a interrogé le gouvernement sur la possible installation du village olympique saoudien, dès le 10 mai et pour quatre mois, dans l’enceinte de l’Hôtel national des Invalides. Quel ministre va donc répondre ? Amélie Oudéa-Castéra, ministre des Sports, semble bien placée, mais elle refuse. Déjà eu son compte de polémiques… Les ministres de la Défense et de l’Intérieur sont alors pressentis. Mais Sébastien Lecornu et Gérald Darmanin sont absents, et la tâche retombe sur leurs secrétaires d’État, Patricia Mirallès pour Lecornu et Sabrina Agresti-Roubache pour Darmanin. Pendant que la députée Serre pose sa question, la décision est prise : ce sera Agresti-Roubache. Mais elle ne l’entend visiblement pas de cette oreille, se lève et sort de l’hémicycle en faisant semblant de téléphoner… C’est donc la secrétaire d’État aux Anciens combattants–pas de chance ! –qui s’y colle, mais sans avoir en main la « bonne » fiche préparée par le cabinet du ministre. D’où son famélique « aujourd’hui, rien n’est concret et rien n’est fait. Je comprends vos interrogations, mais je ne répondrai pas sur des choses qui ne sont pas faites ni signées. » Une non-réponse qui a visiblement agacé jusqu’à la présidente de l’Assemblée, puisque celle-ci a jugé bon de rappeler « qu’il faudrait vraiment que les ministres répondent aux questions que lui pose le Parlement. » Ce n’est pas moi qui l’ai dit !

A lire aussi : Jordan Bardella: «Je suis l’enfant de la génération 2005-2015»

Clause de conscience

Le 4 mars, le Congrès s’est réuni à Versailles pour inscrire l’IVG dans la Constitution. Je fais partie des 72 élus qui ont voté contre. J’ai eu l’occasion d’expliquer pourquoi je trouvais cette inscription « inutile et dangereuse », notamment pour la clause de conscience du personnel médical. Ça n’a pas traîné. Dès le lendemain, le député insoumis Manuel Bompard plaidait pour supprimer cette clause de conscience des médecins qui constitue selon lui « un obstacle, une entrave » à l’effectivité du droit à l’IVG. Même chose du côté du Planning familial qui, dans son plan stratégique pour 2023-2025, milite pour la suppression de la « double clause de conscience » des médecins pour combattre « la stigmatisation de l’avortement ». Et souhaite une « harmonisation des délais européens à vingt-quatre semaines d’aménorrhée [délai le plus long actuellement en vigueur dans l’UE, soit un bébé d’environ cinq mois dans le ventre de sa mère] », les délais actuellement en vigueur étant jugés « trop courts » et porteurs « d’inégalités ». Inutile et dangereux, vous disais-je…

Discrimination capillaire

Le mercredi 27 mars, une proposition de loi sera examinée à l’Assemblée visant à « reconnaître et à sanctionner la discrimination capillaire »… Vous avez bien lu. Si vous l’ignorez, il s’agit de voler au secours des femmes noires qui se défrisent, paraît-il, pour être dans la norme. Dans l’exposé des motifs, une sociologue, Juliette Sméralda, explique que « le défrisage change l’image corporelle et l’apparence. On aplatit un cheveu qui mérite de vivre, on l’assassine, on le dénature… » En Grande‑Bretagne, une étude réalisée en 2009 a également montré qu’une femme blonde sur trois se colorait les cheveux en brun afin d’augmenter ses chances professionnelles et « avoir l’air plus intelligente » en milieu professionnel. Eh oui, à l’Assemblée aussi on coupe les cheveux en quatre !

A lire aussi : Les confidences gênantes de l’ex de François Ruffin

Panique

À Bercy, l’heure n’est pas à la rigolade. Au lieu des 4,9 % attendus (contre les 4,4 % espérés), on se rapprocherait finalement plutôt des 5,6 % de déficit, un chiffre jamais atteint sous la Ve République hors récession et hors crise ! Un véritable tremblement de terre ! Avec, à la clef, une dégradation de la note de la dette française… De quoi faire paniquer Bruno Le Maire ? Pensez-vous… Le 19 mars dernier, lors des questions au gouvernement, il répond en effet ceci : « Nous rétablissons calmement, fermement et sereinement les comptes publics. » À l’Élysée en revanche, on est un peu moins serein. Alors que le ministre de l’Économie sort son sixième livre en sept ans, dans lequel il appelle à la « fin de l’État providence », il paraît qu’Emmanuel Macron a peu goûté la chose. Considérant que son ministre « a raison sur la relance économique et les réformes à faire », il aurait ajouté : « Il devrait en parler à celui qui est ministre de l’Économie et des Finances depuis sept ans. » Sans blague…

Reconversion

Olivier Véran, neurologue de formation, ancien ministre de la Santé connu pour ses déclarations sur les masques « inutiles » en pleine crise du Covid, a repris le chemin de l’université pour s’orienter vers « la médecine esthétique ». Dans le but d’intégrer la clinique parisienne privée des Champs-Élysées, fief des stars de téléréalité, apprend-on. Un choix qui n’a pas manqué de faire réagir, tant l’ancien ministre était connu pour ses perpétuelles leçons de morale. Certains de ses confrères ont ainsi pointé du doigt son manque d’exemplarité, d’autres dénoncé un « choix financier ». Un petit détour vers le site de ladite clinique permet de se rendre compte des actes et tarifs pratiqués : augmentation des fessiers, 2 800 à 8 900 euros ; amplification du point G,700 à 1 500 euros ; épaississement du pénis, 2 500 à 4 500 euros, etc. « Quoi que je fasse, il y aurait eu des critiques », s’agace-t-il. À force de tendre le bâton…

Dernier baroud d’honneur

0

À l’occasion de l’anniversaire des « 50 ans » de la Citroën CX, Monsieur Nostalgie évoque cette oblongue berline au charme gaullo-giscardien, dernière salve avant l’austérité, dernière fantaisie automobile avant le carcan du cahier des charges.


Après elle, plus rien n’a été pareil. Les crises ont scellé durablement notre existence. Les politiques ont emprunté le langage de la raison et de la com’, le sabir des vaincus. Les managers ont remplacé les capitaines d’industrie en dépeçant nos usines. Les élites ont abandonné les Humanités au profit des « conf call ». Les synthés ont supplanté la guitare sèche en faisant l’impasse des paroles dans les chansons. Les écrivains ont pris goût aux studios télé et les acteurs, leur carte d’abonnement dans les ministères.

Une parenthèse entre deux mondes

Bientôt Montand se prendra pour Tapie, et Renaud pour le Che. La CX, présentée à la fin de l’été 1974, est la parenthèse entre deux mondes, la fin du gaullisme sur fond de révolution sexuelle, le triomphe du marché sur les chaînes de montage et l’avant-gardisme fracassé sur le mur des économies d’échelle. Pompidou est mort. Les ouvriers vivent leur dernier quart d’heure de célébrité. VGE est à la barre. Mitterrand ronge son frein. Son tour viendra. Le nouveau monde ressemble à l’ancien en plus décomplexé et vorace, en plus plastique et mouvant, en plus doucereux et pernicieux. Cette CX arrive au pire moment. Elle est pourtant l’héritière de la DS, l’incarnation du haut de gamme à la française quand le style et la technologie étaient les mamelles de la croissance. On attend beaucoup d’elle. Elle porte le poids des chevrons sur son capot, toute la lyre, le Petit-Clamart et le Grand Charles. À la veillée, dans les chaumières, on raconte sa genèse, comment ce jour de 1955 au salon de l’Auto, sous les verrières du Grand Palais, elle est apparue, mi-soucoupe volante, mi-déesse de la route, aux yeux des mécréants du monde entier. Le journaliste des actualités télévisées parlait alors « d’une ligne hardie ». On prétend que les premiers propriétaires de DS 19 ont été déroutés par sa direction assistée et sa suspension hydropneumatique. La CX n’aura pas la même rampe de lancement et le même engouement populaire quoiqu’elle se vendra à plus d’un million d’exemplaires et obtiendra le prix de la Voiture de l’année en 1975. Le ciel s’est assombri sur nos démocraties. Deux ans avant le meurtre du petit Philippe Bertrand, la France a déjà peur. Guerre du pétrole et Trente Glorieuses en capilotade, l’heure est au serrage de boulons et au tour de vis budgétaire. Fini la récréation ! Fini les vacances au Crotoy ! Fini la Nationale 7 et ses platanes tentateurs ! Place aux autoroutes de l’information et aux cures d’amaigrissement.

A lire aussi: La boîte du bouquiniste

Un modèle qui ravit les citroënistes activistes

La CX est chère au cœur des citroënistes car elle est considérée comme la dernière production maison avant le rachat par Peugeot. Certaines prises de contrôle ne passent toujours pas, un demi-siècle plus tard. En catastrophe, la CX qui est dans les cartons depuis quelques années doit impérativement sortir et oublier ses rêves de motorisations nobles ou innovantes. Un bon « quatre cylindres » fera l’affaire. Elle n’en demeure pas moins une vraie Citroën avec ses codes esthétiques et sa mystique moderniste. On adhère à sa ligne ou on la rejette d’emblée. La CX n’est pas faite pour les centristes mous. Elle déploie sa propre dramaturgie, son propre vocabulaire, sa sérénité soyeuse, avec cette singulière différence qui émeut. J’entends encore mon beau-frère, citroëniste activiste, me parler de la lunule (tableau de bord), de son éclat et de son onde mystérieuse, comme s’il récitait du Rimbaud. Il peut disserter à l’infini sur le sujet des pneus TRX. La CX est un univers à part, incompréhensible pour les rationalistes enferrés. Notre regard s’est déshabitué à son profil dans les rues, ne subsistent que quelques souvenirs d’ambulance à la campagne et d’une Prestige élyséenne. On a oublié sa pureté originelle surtout la première série de cette routière, fluide et tourmentée à la fois, squale dévorant l’asphalte, anticonformiste et effilée dans la marée des SUV replets et satisfaits d’eux-mêmes.

Lorsque l’on croise son regard à nouveau dans « L’Alpagueur », « La Balance », dans un Derrick, Tatort ou même un obscur Schimanski, on revit. Dans « Trois hommes à abattre », une CX 2400 Super néo-polardeuse apparaît. Ultime morceau de bravoure. Au niveau des échangeurs de la Défense, elle est poursuivie par la rageuse Lancia Gamma d’un Alain Delon passablement énervé. On tremble pour elle.

Éloge de la voiture

Price: 18,90 €

22 used & new available from 1,20 €

Monsieur Nostalgie

Price: 17,00 €

11 used & new available from 12,89 €